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Patrimoines du Sud 11 | 2020 Retour de manivelle. Quelle place pour les outils et machines dans l’étude et la valorisation du patrimoine industriel ? Les bâtiments-machines (en Occitanie) The building-machines (in Occitanie) Michel Wienin Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pds/3374 DOI : 10.4000/pds.3374 ISSN : 2494-2782 Éditeur Conseil régional Occitanie Référence électronique Michel Wienin, « Les bâtiments-machines (en Occitanie) », Patrimoines du Sud [En ligne], 11 | 2020, mis en ligne le 10 mars 2020, consulté le 31 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/pds/3374 ; DOI : https://doi.org/10.4000/pds.3374 Ce document a été généré automatiquement le 31 juillet 2020. La revue Patrimoines du Sud est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Les bâtiments-machines (en Occitanie) Les bâtiments-machines (en Occitanie) The building-machines (in Occitanie) Michel Wienin Introduction 1 La notion de bâtiment-machine est peu usuelle. Elle associe deux termes pour lesquels les bases de données de l’Inventaire général voient des entités disjointes. Mérimée connaît les bâtiments industriels et leur corollaire les parties industrielles pour des bâtiments ou des ensembles appartenant à d’autres types, sans distinguer si l’édifice abrite simplement les machines et le processus de fabrication ou s’il y participe activement, ce qui peut sembler paradoxal pour un immeuble. Palissy offre une analyse détaillée des machines de production en fonction de la transformation qu’elles effectuent et entièrement intégrée au sein des objets mobiliers. Cette vision dichotomique est utile et souvent pratique car elle correspond à celle des Monuments historiques mais a-t-elle une signification objective et pas seulement juridique ? Il suffit de se pencher sur les diverses occurrences de termes comme moulin ou horloge publique pour voir qu’ils sont ventilés dans plusieurs arborescences, à la fois en tant que bâtiment et en tant que machine, ce qui ne peut que traduire les hésitations des rédacteurs du lexique. C’est l’articulation entre la base principale et la partie industrielle qui pose des problèmes, et plus spécialement pour les bâtiments-machines. 2 Une première remarque concernera une confusion sémantique fréquente : en français contemporain la détermination par simple apposition qui n’est pas une nouveauté dans la langue connaît un fort développement et, sauf indication contraire, en milieu industriel, le syntagme « bâtiment machine » renvoie à peu près systématiquement au concept de bâtiment contenant une ou plusieurs machines (machine à vapeur, machine d’extraction pour un puits de mine etc.). Il suffit de faire une recherche sur internet du couple « bâtiment + machine » ou de « bâtiment-machine » pour voir que cet emploi y est non seulement dominant mais quasi-exclusif. Dans la suite de cet article, j’élimine à Patrimoines du Sud, 11 | 2020 1 Les bâtiments-machines (en Occitanie) priori cette interprétation qui fait référence à des bâtiments destinés à protéger quelque chose – qui peut être une ou des machines – donc, pour un édifice industriel à la notion beaucoup plus répandue de bâtiment-cage. 3 La notion de bâtiment-machine telle qu’elle nous intéresse ici n’est apparue que récemment, en 1985 précisément, dans la thèse de Claude Rivals 1, travail à l’origine de la publication en 2000 de l’ouvrage Le Moulin et le meunier2. L’expression qui se définit par elle-même a été reprise à ce moment par Rémy Cazals, autre historien toulousain, dans une recension de cette publication dans les Annales du Midi 3 : Bâtiment machine universel, le moulin ne sert pas seulement à la mouture des céréales. On le retrouve dans la fabrication de l’huile, de la bière et du papier, le travail du fer, du bois et des draps, dans l’assèchement des polders… 4 Tout y est. En pratique, le bâtiment-machine est un édifice dont la fonction principale n’est pas d’abriter des hommes (habitation), des animaux (bergerie), des œuvres d’art (musée), un dieu (temple) ou n’importe quoi (hangar), en particulier des machines (atelier de fabrication) ni un pont, un monument symbolique ou de prestige mais d’être lui-même une composante active de la production. On arrive ainsi à une première définition : 5 Un bâtiment-machine est une construction dont au moins une partie est mécaniquement active et destinée à une production technique, cette production constituant le but principal de sa construction. 6 Bien sûr, la limite entre les bâtiments-cage et machine n’est pas absolue. Toutes les parties de l’édifice n’ont pas forcément de fonction mécanique mais le logement du meunier ou celui de son âne puis de son camion, sont secondaires par rapport à la production de farine : un moulin avec logement s’oppose ainsi à une maison avec atelier. Dans ce cas, on passe naturellement de la notion simple de partie industrielle à celle de « partie-machine » ou partie mécanique, situation assez fréquente pour les gros moulins. 7 Cette catégorie « bâtiment-machine » n’apparaît pas comme venant s’ajouter à celles déjà définies mais plutôt comme un descripteur complémentaire transversal, applicable comme on le verra plus loin à un patrimoine bâti fort varié. 8 D’autres problèmes de limite se posent : • Y-a-t-il une dimension minimale au-dessous de laquelle on peut parler de machine, fût-elle fixe, mais pas de bâtiment : pour un puits à main par exemple ? • Si la notion d’édifice doté d’une fonction mécanique est à peu près claire avant la « révolution industrielle », les limites deviennent floues à partir du XIX e siècle : Que dire par exemple d’un treuil pour lequel la partie construite se limite plus ou moins à un socle supportant une mécanique en position fixée ? • D’autre part, certaines productions industrielles ne sont pas liées à une fonction mécanique mais à d’autres processus physiques ou chimiques, c’est en particulier le cas pour les fours, hauts-fourneaux, colonnes de distillation et autres équipements chauds. 9 Au XXe siècle des constructions très variées jouent un rôle important dans des domaines comme l’électricité ou les ondes électromagnétiques. Les inclure implique une extension de la définition ; c’est le parti-pris de cet article destiné à ouvrir une réflexion sur le thème et à en montrer la richesse mais une approche plus strictement « mécanique » est possible. 10 On arrive ainsi à une nouvelle définition élargie : Patrimoines du Sud, 11 | 2020 2 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 11 Un bâtiment-machine est une construction dont au moins une partie est techniquement (ou physiquement) active et destinée à une production, cette production, éventuellement immatérielle, constituant le but principal de sa construction. 12 On peut objecter que le terme « machine » est alors inapproprié mais il n’est guère possible de le remplacer en français que par une périphrase du genre « bâtiment techniquement actif ». C’est acceptable comme descripteurs pour les bases de données mais mal adapté à l’usage courant. 13 L’un des buts de ce texte est de montrer la richesse de ce concept et l’importance de sa représentation dans le patrimoine en particulier régional. Dans la mesure du possible, les sites mentionnés, en général par leur seule commune d’implantation, ont été choisis car ils sont plus ou moins bien conservés mais ce n’est pas toujours le cas, en particulier pour des « moulins » anciens, désaffectés, parfois détruits ou transformés en simples habitations depuis plus d’un siècle mais aussi pour des bâtiments industriels majeurs comme des usines mino-métallurgiques du XXe siècle trop souvent entièrement rasées : les usines de transformation du charbon de La Grand-Combe (Gard) par exemple. 14 Une dernière remarque introductive concernera les indications toponymiques qui peuvent paraître hors sujet. Elles nous intéressent à plusieurs titres : • Tout d’abord, les toponymes font partie du patrimoine des sites, patrimoine immatériel, sans doute mais justifiant étude et protection comme tout patrimoine, qui plus est souvent menacé par des redénominations intempestives, • Ils sont également un indice important de prospection et d’information historique, donc de prospection et d’interprétation. Un lieu-dit la mine, le moulin ou la forge dans une vallée sans établissement connu ne peut que susciter la curiosité du chercheur, • Donnés pour la plupart en occitan ou en catalan, ils ont parfois été traduits mais à d’autres endroits conservés, transcrits, plus ou moins bien adaptés… Pour le lecteur ignorant de la langue d’oc, il n’est pas évident que le ressec soit une scierie ou que la fargue, la hargue, la farga, la fargo, la forgue4 soient la même chose que la forge ! Logiquement, ces indications auraient leur place en notes mais le nombre de formes utilisées rendait cette solution mal pratique et les traductions sont données au fur et à mesure dans le cours du texte. I. Critères typologiques 15 Je rappellerai tout d’abord (cf. supra) que les lexiques hiérarchisés des bases Mérimée et Palissy – aujourd’hui accessibles sur la base Pop – ne connaissent pas cette notion. La première, pourtant particulièrement bien développée quant à l’architecture industrielle, n’envisage la classification qu’au travers de la fonction (ce qui est produit) en ignorant le fonctionnement (comment c’est produit). La seconde, tout aussi riche pour les machines industrielles et énergétiques5 les considère comme du patrimoine mobilier quand bien même leurs dimensions et leurs conditions d’utilisation (implantation, raccordement à des réseaux) devraient les classer à l’évidence comme des immeubles. Immeubles par destination s’il en est, ils migrent vers Mérimée quand ils sont désaffectés et transformés en habitations, par exemple pour les moulins, ou en monuments commémoratifs à la manière des pressoirs agricoles sur les ronds-points (on peut penser au célèbre marteau-pilon du Creusot). Ce caractère immobilier est particulièrement évident dans le cas des chaudières à combustion ou nucléaires, des turbines hydrauliques ou à vapeur et a fortiori d’un cyclotron ou un synchrotron de Patrimoines du Sud, 11 | 2020 3 Les bâtiments-machines (en Occitanie) plusieurs kilomètres de diamètre. Le lexique apparaît ainsi comme mal adapté à la réalité du patrimoine, inadaptation que la notion de bâtiment-machine est susceptible de réduire. 16 Trois types d’approches, au moins, se superposent et sont en concurrence : 1) Le classement par source d’énergie 17 Toute machine a besoin d’énergie pour fonctionner : animale puis hydraulique dès l’Antiquité, éolienne à partir du Moyen Âge, thermique au XIXe siècle, électrique au XXe. Cette approche se complète par un deuxième niveau d’analyse qui s’intéresse aux techniques mises en œuvre pour utiliser cette source d’énergie ; par exemple pour l’énergie hydraulique, le type de roue, puis celui de turbine. 18 Les « moulins » au sens large, constituent la majorité des bâtiments-machines anciens ; relativement bien connus de tous, leur approche servira à la fois de base de réflexion sur le sujet et d’illustration. a. Moulins à vent 19 Dans nos régions, ils sont en général de type tour en maçonnerie à toiture tournante. L’ensemble de la partie mécanique (mouture et blutage) se situe à l’intérieur, en étage, sur planchers. On trouve de loin en loin, des moulins de ce type sur cave, avec des meules très lourdes au sol, destinés à des usages industriels. b. Grands types de roues des moulins à eau 20 Les moulins à eau peuvent comporter 3 types de roues. Divers auteurs ont fait intervenir une tradition culturelle, occitane ou autre, dans le choix du modèle mais dans une région où les trois techniques sont présentes, l’adaptation aux contraintes naturelles (type de cours d’eau) et aux besoins techniques (puissance et vitesse demandées) apparaît comme le facteur de choix dominant : • les moulins à roue horizontale, à pales creuses en forme de cuillère6, souvent dite « roudet »7 et transmission directe, généralement peu importants (presque tous les petits moulins de montagne) utilisent directement l’énergie cinétique d’une chute d’eau (fig. 1). De puissance modeste (une seule meule, plutôt petite), ils sont bien adaptés à des sites à faible débit mais avec une chute suffisante, plus faciles et donc moins onéreux à réaliser que les autres, plus simples également d’emploi et d’entretien. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 4 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 1 Sorèze (Tarn), Lauzy, moulin à farine, roues hydrauliques horizontales à pales courbes entrainées par un jet d’eau oblique (2 buses visibles au fond) J. Bonhôte © Inventaire général Région Occitanie, 2008 21 Dans le bassin de la Garonne et de ses affluents, certains moulins dits « à tine 8 » sont équipés d’une sorte de turbine verticale primitive, en bois : moulin du Villard à Chanac (Lozère). La localisation de ce type dans le bassin aquitain et son absence sur le versant méditerranéen peuvent, là, être considérés comme un phénomène culturel, probablement une diffusion technique. • les moulins à roue à aubes verticale, par en dessous utilisent l’énergie cinétique d’un courant plus puissant mais à pente faible. Ce sont souvent des gros établissements de plaine car ils sont bien adaptés à des débits importants et une absence de pente (fig. 2). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 5 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 2 Corbès (Gard), ancien moulin puis papeterie de l’Atgère, roue verticale à aubes planes © M. Wienin 22 Ce type de roue équipait généralement les grands moulins médiévaux : du roi, de l’évêque, de la ville. • les roues verticales à augets sont entrainées par le poids de l’eau. Leur rendement est supérieur et a été amélioré vers 1760 par les travaux du physicien d’origine cévenole Antoine Deparcieux9 . Quand la roue est assez grande, elles offrent une puissance considérable indispensable pour les « moulins » industriels comme les martinets, forges catalanes, bocards ou les ateliers à machines multiples sur un même arbre : foulons à plusieurs pots, carderies, filatures. 23 Il a existé des roues de type intermédiaire, par exemple le modèle Sagebien à grandes pales radiales courbes, dont le brevet a été déposé en 1858. 24 À noter aussi l’existence de moulins à double source d’énergie, la seconde étant souvent destinée à pallier l’insuffisance temporaire de la première : à eau et à vent à SaintGervasy (Gard), à vent et à manège animal pour un moulin à colorants de Toulouse. 2) Le classement par produit traité 25 Dans ce deuxième type de classement, on s’intéresse à savoir si les produits entrants sont d’origine végétale, animale, minérale, puis en détaillant. Par exemple pour le premier groupe : graine, autre fruit, feuilles, fibres, bois… Cette classification a l’avantage de réunir des équipements techniquement différents mais à destination identique et pouvant coexister ou se succéder. 26 Il faut noter que si certaines productions ont conduit à la réalisation de bâtiments particulièrement stables dans le temps (de nombreux grands moulins à farine ont Patrimoines du Sud, 11 | 2020 6 Les bâtiments-machines (en Occitanie) encore d’importantes parties médiévales), beaucoup d’établissements ont associé ou ont vu se succéder des activités souvent très différentes : on peut trouver par exemple sur un même site moulin à céréales, martinet et moulin à papier à Brousses-et-Villaret (Aude) (fig. 3), moulin, filature de soie et chocolaterie à Saint-Brès (Gard), corderie, filature et scierie à Trie-sur-Baïse (Hautes-Pyrénées). Fig. 3 Brousses-et-Villaret (Aude), Moulin à papier de Brousse, meules roulantes destinées à écraser les fibres végétales J.-M. Périn © Inventaire général Région Occitanie 27 L’évolution normale part d’un petit établissement mono-fonction, assez souvent un moulin à grain, qui se développe et se complète d’autres productions : carderie, papèterie, forge… souvent à l’occasion de l’installation des enfants. Dans une seconde phase une activité particulièrement rentable prend le dessus et nécessite la construction d’un véritable atelier tandis que l’installation hydraulique originelle est isolée en tant que centre de production d’énergie. La limite entre bâtiment-machine et bâtiment industriel « classique » n’est pas tranchée. 3) Le classement par processus technique 28 C’est celui qui se base sur le « moulin » considéré en tant que machine de production et qui est adopté dans la suite de cet article. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 7 Les bâtiments-machines (en Occitanie) II. Le moulin, « bâtiment-machine universel » 1) Les « moulins » au sens propre a. Meunerie et autres usages 29 Le moulin à farine est l’exemple à la fois parfait et symbolique de la catégorie, maintes fois étudié, représenté, décrit, que ce soit dans ses aspects techniques que socioéconomiques mais il est loin d’être seul. Là aussi la classification et les définitions du lexique de nos bases sont ambiguës, reflétant le flou de la langue elle-même quant à l’emploi du terme moulin, flou qui se retrouve d’ailleurs dans l’ensemble des langues européennes (au moins). En pratique, trois niveaux de sens se superposent : • En emploi absolu (sans qualificatif ni complément de nom) : un appareil à usage domestique ou artisanal, une machine industrielle utilisant un outil rotatif (meule) et destinés à broyer ou à pulvériser un produit alimentaire (grain, sel, café…) ou pas (tan, plâtre, colorants divers). • Par extension, un bâtiment de dimension très variable abritant la machine précédente ou un bâtiment machine dédié à la même fonction. Le terme est très fréquent en toponymie, généralement précisé par un toponyme : Moulin (à vent) de Durban (Gers) – Moulin (à eau) de la Roque à Compolibat (Aveyron), un hydronyme : Moulin de l’Hérault à Aniane (Hérault), une indication de propriétaire : moulins de l’Évêque à Rivel (Aude), de l’Abbé et du Chapitre à Sorèze (Tarn), Molí del Rey (moulin du roi) à Bolquère (Pyrénées-Orientales) ou autre : moulin du Diable à Saint-Pons-de-Thomières (Hérault). Fort commune également, la forme féminine Mouline qui francise le féminin occitan ou catalan à valeur augmentative 10 Molina = grand bâtiment de moulin, à plusieurs tournants, à Boussac (Lot), Comberouger (Tarn-etGaronne), la Moulino à Saint-Clar-de-Rivière (Haute-Garonne) ; elle s’applique également à des « moulins » à fer, c’est à dire jusqu’au XVIIe siècle des forges hydrauliques de réduction directe du minerai de fer (cf. infra), ancêtre des forges catalanes, par exemple à Estoher (Pyrénées-Orientales) ou Saint-Lary (Ariège), probablement aussi pour d’autres minerais comme le plomb argentifère à Lanuéjols (Gard). • Des bâtiments utilisant une roue hydraulique comme les précédents mais à des fins artisanales ou industrielles fort variées et qu’il n’est pas possible de qualifier de mouture. Dans ce cas, le mot moulin est systématiquement précisé par la fonction réelle et parfois sous-entendu : on trouvera par exemple souvent « foulon » qui désigne normalement une machine à la place de « moulin à foulon » qui est le bâtiment, dit aussi moulin drapier dans la moitié nord de la France. La même synecdoque fonctionne en occitan avec les termes batan, et molin batan, dans la moitié sud-ouest de la région : le Batan à Masseube (Gers), ou à Lacour (Tarn-et-Garonne), parfois francisé, à tort11, en » battant » : le Moulin battant à Villalier (Aude) ou parador / plus rarement paraire dans le Massif central et la vallée du Rhône : Le Moulin Paradou à Brassac (Tarn), le Paradou à Autoire (Lot), Bellegarde (Gard), le Parayre à Saint-Bonnet-de-Montauroux (Lozère) mais aussi Lou Paraire à Axat (Aude)… 30 En dehors de ces établissements textiles extrêmement répandus dans la région, le terme de moulin s’applique à près de vingt-cinq productions différentes : Patrimoines du Sud, 11 | 2020 8 Les bâtiments-machines (en Occitanie) b. Moulins fonctionnant par cisaillement 31 La meule courante est posée à plat, son axe est vertical : • à meule gisante plate : c’est le type même du moulin à farine utilisé pour moudre les céréales. Ces moulins sont les seuls à être souvent des moulins à vent. • à meule gisante creuse : la meule courante est tronc-conique et tourne à l’intérieur de la cavité. Ce type qui était celui des moulins antiques ne se rencontrait que pour les moulins à sel de la côte méditerranéenne. • À partir de la fin du XIXe siècle, les meules en pierre sont progressivement remplacées par des cylindres en fonte, parfois sur les mêmes sites qui sont simplement modernisés. C’est le cas de l’ensemble des moulins installés au niveau des écluses du Canal du Midi, rebaptisés alors minoterie. 32 À la même époque, les bluteaux tournants cylindriques dits barutels, annexes des meules ou indépendants dans les « minoteries »12 urbaines, cèdent la place aux « Plansichter » qui sont des blutoirs plans à tamis superposés. Ces équipements, devenus progressivement au cours du XXe siècle de simples machines indépendantes à moteur électrique, sont à la fin XIXe de solides structures en bois fixées au bâtiment et animées par l’arbre du moulin ou de la minoterie. c. Moulins fonctionnant par écrasement 33 Ces moulins fonctionnent par écrasement, avec une meule roulante d’axe horizontal, souvent double et toujours très lourde (plusieurs centaines de kilos), d’où le fait qu’ils soient presque toujours à énergie animale ou hydraulique. C’est le type des moulins à huile : olives et noix principalement, faînes en montagne, œillette, graine de lin… mais aussi des « pressoirs » à fruits, en particulier pour les pommes à cidre dans l’ouest des Pyrénées, à partir de la vallée d’Aure (Ancizan, Hautes-Pyrénées), des moulins à pulvériser la chaux et le plâtre. Une variante à meule de taille réduite (tronconique ≤ 30 cm) est le moulin à monder l’orge souvent confondu avec celui à casser le grain pour la volaille. En Lauragais, riche en vent mais pauvre en eau, on note quelques moulins à vent pour écraser le plâtre : Mas-Saintes-Puelles (Aude), Revel et Montgiscard (HauteGaronne). 34 Des productions végétales variées font l’objet d’une industrie souvent localisée, alimentaires comme la moutarde à Moulis (Ariège) mais plus souvent à destination textile : la pastel ou guède est la plus connue (Moulins « pasteliers » de Lautrec et du château de Magrin, Tarn, Manoir de Lasbordes, à Albi, (fig. 4) mais il ne faut pas oublier l’indigo13, la renouée des teinturiers, le gara (ou liane-indigo : Philenoptera cyanescens) rien que pour les bleus, la garance, le bois de campêche (pourpre), la « granette d’Avignon » ou nerprun des teinturiers (jaune), la noix de galle pour le noir (et l’encre). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 9 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 4 Albi (Tarn), ancien moulin à pastel du manoir de Las Bordes, meule dormante exceptionnellement conservée J. Bonhôte © Inventaire général Région Occitanie, 2001 35 Les moulins à tan ont été nombreux, parfois directement associés à une tannerie : moulins de la Calquière de Mirandol-Bourgnounac (Tarn) ou de Langogne (Lozère). Ils écrasaient l’écorce de diverses espèces de chênes, plus rarement du châtaignier, mais aussi d’autres végétaux comme la corroyère14, seule espèce méditerranéenne à fournir un tanin blanc et donc à permettre la fabrication d’un cuir pouvant être teint. Vers la fin du XIXe siècle, on trouve aussi l’acacia noir et le quebracho. 36 Les moulins à concasser des produits minéraux sont également de ce type : terre à briques ou à poterie, où ils sont complétés par le malaxage, plâtre, chaux vive le plus souvent mais aussi le calcin (débris de verre) et les galets siliceux dont le sable sert en verrerie, le talc à Quillan (Aude) ou la galène dite alquifoux destinée aux émaux et autres vernis céramiques : « Moulin du vernis » à Saint-Papoul (Aude) (fig. 5), à vent, ou à Uzès (Gard), hydraulique. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 10 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 5 Saint-Papoul (Aude), moulin à vent sur cave dit « du vernis », ayant servi à pulvériser l’alquifoux (minerai de plomb) destiné au vernissage de la production céramique locale J.-M. Périn © Inventaire général Région Occitanie, 1997 d. Petits moulins à meules libres 37 Les petits moulins à meule libre15, souvent connus sous le nom de « moulinet », ne nécessitent qu’une énergie limitée et réunissent souvent plusieurs postes de travail dans un même édicule. On les trouve en taillanderie, pour l’affûtage avec des meules normalement verticales et pour le polissage des lames : Foix et Mazères (Ariège), Laguiole (Aveyron) parfois pour le lustrage du cuir à chaussures : Chalabre (Aude), mais aussi, plus petites, plus rapides et à axe horizontal, destinées au polissage de diverses matières comme le buis, l’os ou la corne, pour la fabrication de peignes autour de Lavelanet et de Laroque-d’Olmes (Ariège), des pierres fines comme les grenats du Canigou à Prades (P.O.) ou le jayet (molin escapolaire) à Sainte-Colombe-sur-l’Hers ou Labastide-sur-l’Hers (Ariège). 2) Les « moulins » au sens large 38 Nous comprendrons sous ce terme tous les établissements dont le fonctionnement n’utilise pas de meules : a. « Moulins » à frapper 39 Les « moulins » à frapper sont des sites hydrauliques dans lesquels une roue à cames ou à rochets soulève une masse de bois ou de fer dont on utilise la chute. J’ai déjà cité les Patrimoines du Sud, 11 | 2020 11 Les bâtiments-machines (en Occitanie) foulons, omniprésents le long de nos cours d’eau mais qui ne sont que partiellement des bâtiments-machines car le pot à fouler le tissu ou le feutre pour chapeaux autour d’Espéraza (Aude) est un appareil indépendant. 40 Ajoutons-y : • les martinets sont de gros marteaux dont le manche est mobile autour d’un axe. D’un poids d’une dizaine à plus de 200 kg selon l’usage auquel ils sont destinés, ils servent au forgeage (fer) et à la dinanderie (battage du cuivre) à Durfort (Tarn) ou Labastide-l’Évêque (Aveyron), les modèles les plus petits à la taillanderie et à la clouterie : Niaux, Ganac, Montgaillard (Ariège) (fig. 6). Fig. 6 Montgaillard (Ariège), martinet de la forge catalane. Le fer de frappe et l’enclume sont à gauche, près du foyer ; la roue dentée à l’arrière assure le mouvement de remontée du marteau P. Poitou © Inventaire général Région Occitanie, 1986 41 Apparus ici vers la fin du Moyen Âge, ils étaient très nombreux dans toute la France, sont toujours très présents en toponymie (plusieurs dizaines en Occitanie), et ont entre autres donné son nom à une commune jadis minière du Gard. Sur le plan architectural, ils ont conduit à la réalisation des curieux moulins submersibles (molin negadís ou molin negadós) des rivières torrentielles méditerranéennes : ce sont de petits bâtiments bas, de forme hydrodynamique, en voûte épaisse et destinés à être submergés en cas de crue car le matériel placé à l’intérieur ne craint pas l’eau. Même si ce n’est pas toujours le cas, ces moulins submersibles ont souvent été des martinets, moins vulnérables aux crues que les moulins textiles ou fariniers. Ils ont quand même parfois été transformés à postériori en moulins classiques : Moulins dits « sarrasins » de Saint-Guilhem-leDésert (Hérault), Moulin de la Baume à Sanilhac-et-Sagriès (Gard) avec la double implantation aux deux extrémités d’un même barrage d’un moulin tour médiéval dont les étages mettaient en sécurité matériel, produits et famille du meunier d’un côté et d’un moulin noyé de l’autre (fig. 7). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 12 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 7 Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault), moulin submersible (ancien martinet) partiellement abrité par le moulin-tour, tous deux capables de résister aux crues très violentes de l’Hérault M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, 2018 • les « mails » (oc. malh) ne diffèrent guère des martinets que par leur poids car ils peuvent dépasser 700 kg. Ils sont avec la célèbre trompe à eau le second attribut incontournable de la forge catalane, servant à compacter la grosse loupe (autour de 80 kg) de fer spongieuse du masser16. • les moulins à pilons. La masse active n’est plus soulevée par un manche latéral mais est constituée d’un lourd pilon vertical en bois dont le bas est éventuellement coiffé de fer, soulevé par des cames et qui retombe dans une cuve de broyage. C’est le cas des moulins à papier (papeteries artisanales), équipés jusqu’au XVIIIe siècle, parfois plus tard, d’une « pile à maillets » pour la défibration, remplacée progressivement par la « pile hollandaise » dont le cylindre armé de lames déchiquette les chiffons (fig. 8) ; c’est aussi le cas des moulins à os pour la fabrication de colle à Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), des moulins à poudre (soufre, salpêtre et charbon de bois)… et surtout des bocards à concasser les minerais métalliques (plomb argentifère, cuivre…) : Le bocard à Vialas (Lozère), le bocard d’Eylie à Sentein (Ariège). 42 Ces établissements qui ont pris la suite des « moulin à fer » (molin de fèr ou molin de fèrre, molin ferrer (cat.), molina) furent particulièrement nombreux en Ariège (Montgaillard, vallée de Vicdessos), dans la haute vallée de l’Aude (Axat) et dans les PyrénéesOrientales, autour du Canigou. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 13 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 8 Brousses-et-Villaret (Aude), Moulin à papier de Brousse, « pile hollandaise » : bassin rempli d’eau, équipé d’un cylindre hérissé de lames assurant le déchiquetage et la défibration des chiffons J.-M. Périn © Inventaire général Région Occitanie 43 Ils ont laissé des toponymes variés : la Fargue (oc. et cat ; farga) à Bonnac (Ariège), ou Baillestavy, (Pyrénées-Orientales17), avec l’augmentatif : Fargassa, Fargasse à Serralongue et Sournia (Pyrénées-Orientales), Taussac-la-Billière (Hérault), devenant la Farje dans le Massif central : à Saint-Michel-de-Dèze (Lozère), parfois traduit en la Forge comme à Ascou (Ariège), mais aussi, moins évidents, pour des sites abandonnés depuis longtemps : La Rode à Générargues ou Saint Jean-du-Gard (Gard), déformé en Rhodes à Quillan (Aude), par les géographes du « nord », correspondant à l’oc. ròda = roue, en mémoire de roue verticale particulièrement grande nécessaire à ces établissements ainsi que divers dérivés de malh régulièrement confondu avec l’adjectif mal : les Malines à Saint-Laurent-le-Minier (Gard), la Malière à Durfort-et-Saint-Martinde-Sossenac (Gard), Malavieille (pour Malh vielh) à Mas-d’Orcières (Lozère). b. Autres outils • Les « moulins » à scier18 44 Bien qu’inventée un peu avant 180019, la scie circulaire à rotation rapide ne se répand que vers 1870-80, suivie au XXe siècle par la scie à ruban. Jusque-là, l’outil est une scie à lame droite verticale montée sur un châssis à mouvement alternatif. Au XIX e siècle, les scieries qui le peuvent s’équipent de châssis à lames parallèles permettant d’obtenir plusieurs planches à la fois à partir des bois en grume ou des billes. Ces usines ont été très nombreuses dans les vallées de montagne mais surtout à l’aval des rivières flottables, jusqu’en bord de Garonne. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 14 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 45 En toponymie, on rencontre un peu partout aussi bien les formes traduites (scie, moulin de la scie, scierie) que la transcription des formes occitanes à partir de ressa côté Massif central, ressec et son féminin augmentatif ressèga côté Garonne et Pyrénées, serra en catalan : La Resse à Ambialet (Tarn) où le nom de l’usine est devenu celui du ruisseau, le Ressec à Lesparrou ou à Freychenet (Ariège), la Ressègue près de La Bastidel’Évêque (Le Bas Ségala, Aveyron), associé à moulin : Moulin de la Resse à Curan (Aveyron) ou à Vézénobres (Gard) où le nom, et donc l’activité, sont attestés dès le XIV e siècle, Moulin du Ressec à Ercé (Ariège). 46 À côté des scieries à bois, la région a possédé des « moulins » de sciage de la pierre, en particulier du marbre des Pyrénées : Campan (Payolle), Saint-Béat, Sarrancolin (HautesPyrénées), Moulis (Ariège), Ria et Villefranche-de-Conflent (Pyrénées-Orientales) et de la Montagne Noire : Caunes-Minervois (Aude)20. 47 Dans ce secteur bien venté mais pauvre en cours d’eau permanents, on note au moins un moulin à vent à scier le marbre : Moulin de Biot à Félines-Minervois (Hérault, ISMH). 48 Le sciage de la pierre s’effectue avec des lames lisses (non dentées) et adjonction de sable siliceux qui use le calcaire. Il est normalement complété par la présence de tables ou plateaux de dressage (ponçage au disque lapidaire des irrégularités dues à la scie), de doucissage (grésage ou frottage au grès) et de polissage suivis du lustrage à la brosse qui sont à considérer comme des machines classiques, regroupées dans des ateliers séparés. Des moulins à scier la pierre ont également été utilisés pour le calcaire lithographique de la haute vallée de la Vis : Gorniès (Hérault) et du Causse de Blandas : Montdardier et Avèze (Gard) et, plus anecdotiquement, pour l’« onyx » de Fontrabiouse (Pyrénées-Orientales), en fait une coulée stalagmitique fossile dont les fines couches de calcite fournissaient un bel effet décoratif. Plus difficile à travailler à cause de l’abondance des grains de quartz, le granit du massif du Sidobre n’est scié sur place qu’à partir de 1900 et poli vers 1930 ; il est ensuite à l’origine d’un important développement technique et économique à partir de 1950 : Lacrouzette, maison du Sidobre à Le Bez (Tarn). 49 Des scies à lames multiples parallèles très fines étaient utilisées pour la fabrication des peignes, un peu plus grossières pour la tabletterie, en particulier fabrication en série de petits objets en bois durs, os, corne, nacre : jetons de jeux, boutons, perles (usine de chapelets de Sarrancolin, Hautes-Pyrénées), éléments de marqueterie. • Les raperies. Le passage du papier de chiffons à celui de fibres végétales au XIX e siècle est à l’origine du développement des raperies de bois destinées au défibrage du matériau brut. Au début, les machines sont de simples adaptations de celles utilisées pour la canne à sucre ; la première réellement spécialisée est installée en 1864 à Mazères-sur-Salat (Haute-Garonne). • Le tour. Le plus connu est le tour à bois présent dans toute menuiserie, surtout urbaine. C’est en général un tour horizontal à outil fixe affecté à la production de pièces pour l’ameublement : pieds de meubles, barreaux de chaises… plus rarement de manches à tenir en main. Il est toujours associé à une ou des scies, perceuse, etc. : Artagnan (HautesPyrénées). • Les « tubeuses » à liège sont des « scies à cloche » ou emporte-pièce cylindriques dentés destinés à découper les bouchons dans la bande de liège. Des moulins à liège ont existé en Roussillon, dans les Aspres (Sorède, au nom prédestiné, Vivès, Maureillas (Musée du liège) et en Albret (musée du liège et du bouchon à Mézin, Lot-et-Garonne 21). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 15 Les bâtiments-machines (en Occitanie) • Les brosses. Ce sont des outils de finition servant à polir et lustrer la surface d’objets réalisés en divers matériaux durs : bois, corne, métal ou du cuir (sellerie, chaussures). On ne les trouve qu’exceptionnellement isolées, en complément d’un groupe de sites de fabrication. 3) Les « moulins » textiles et divers a. Cardage et filature 50 À côté du foulonnage, beaucoup d’activités liées à la production lainière sont mécanisables et peuvent conduire à la construction de « moulins » spécialisés : cardage, surtout à partir du début du XIXe siècle avec l’installation des premières cardes mécaniques multi-rouleaux d’origine anglaise à Lavelanet, le délainage avec la « machine à sabrer » qui peigne la toison non encore détachée du cuir à Mazamet (Tarn), la filature avec des machines comme les « mule-jenny », construites à l’intérieur des ateliers et non déplaçables : filature des Calquières à Langogne (Lozère, ISMH), celle d’Angoustrine-Villeneuve-des-Escaldes (Pyrénées- Orientales) ou encore filature Ramond (Tarn). 51 Certaines filatures (tirages) de soie possèdent aussi des équipements fixes : bassines de dévidage, asples. Par contre le moulinage (retorsion du fil de soie), semble, contrairement à l’Italie où il est apparu, être passé directement en Cévennes et vallée du Rhône du « moulin » à main individuel à l’atelier regroupant un ensemble de machines complexes et très onéreuses. 52 Le tissage, si important, est un cas particulier : le métier, apparu en Angleterre au XVIIIe siècle ne se répand chez nous qu’un siècle plus tard, entre autres à cause de la résistance de la corporation des tisserands. Lui aussi semble être passé rapidement du métier à main à l’atelier collectif et il ne semble pas avoir donné naissance à de vrais bâtiments-machines. b. Teillage du lin et surtout du chanvre 53 Le teillage du lin et, en Occitanie, surtout du chanvre a parfois été mécanisé au XIX e siècle avec l’emploi de cylindres cannelés dits « à mâchoires ». Les « moulins à chanvre » sont toujours proches d’une filerie ou d’une corderie utilisatrice. Le commettage (tressage d’une corde) se prête bien à la mécanisation et quelques petites corderies « mécaniques » ont été établies près des rivières, dans les plaines humides, de l’Adour au Gard : Toulouse, Boucoiran-et-Nozières (Gard). c. Tanneries-mégisseries et teintureries 54 Grandes consommatrices d’eau, les tanneries-mégisseries traditionnelles possèdent généralement un ensemble de grandes cuves dans lesquelles s’effectue l’évolution chimique de la peau ; elles s’inscrivent donc dans la catégorie non mécanique des bâtiments-machines. De plus, certaines opérations ont été mécanisées, en particulier l’agitation des bains de trempage avec l’utilisation de grosses cuves tournant autour d’un axe horizontal (Les Ilhes, Aude) mais cette technique s’est souvent heurtée à l’opposition des tanneurs traditionnels (fig. 9). La mécanisation de l’assouplissement des cuirs (battage et liégeage selon la finesse du cuir) par frottement sur une barre est ancienne en mégisserie. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 16 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 9 Les Ilhes (Aude), tannerie Rimbaud, deux « tines » (cuves) tournantes de tannage accostées à la tannerie M. Wienin © Inventaire général Région Occitanie, 1997 55 Les teintureries utilisent des cuves généralement chauffées et agitées assez comparables. 56 Ces activités humides sont normalement complétées par des séchoirs qui complètent le dispositif (cf. infra). 57 Ces deux sortes de bâtiments ont aussi souvent en commun d’être de niveau artisanal et de présenter des bâtiments complexes associant une ou des parties industrielles de type bâtiment-machine et une partie habitation. d. Séchoirs 58 Les séchoirs traditionnels à laine, cuir, terre cuite sont en général des bâtiments-cage à l’intérieur desquels se déroule une partie du processus de fabrication comme dans un atelier mais trois considérations nous feront prendre ce groupe en considération : • La structure de l’édifice joue un rôle primordial dans cette phase, en particulier celle des baies et de leur fermeture qui permet de réguler la circulation de l’air, c’est aussi bien le cas pour la charcuterie de Lacaune (Tarn) ou de Trie-sur-Baïse (Hautes-Pyrénées), les tanneries de Lectoure (Gers), Mazamet (Tarn), Aniane (Hérault), les papeteries de Brissac (Hérault) et Lorp-Sentaraille (Ariège) ou les séchoirs à tabac du Tarn-et-Garonne ou du Gers. • Certains séchoirs sont équipés d’un système de production d’air chaud et souvent de fumée dans le domaine agro-alimentaire : pruneaux à Mirabel (Tarn-et-Garonne), « clèdes » à Patrimoines du Sud, 11 | 2020 17 Les bâtiments-machines (en Occitanie) châtaignes dans les Cévennes. Par contre, la charcuterie fumée n’est pas traditionnelle en Occitanie. • À partir du XIXe siècle le chauffage indirect se développe avec l’utilisation de radiateurs à air chaud ou à vapeur, conduisant à la réalisation de véritables étuves : pruneaux à Cardaillac (Lot), étouffoirs à cocons de vers à soie autour de Valleraugue (Gard). III. Les « machines hydrauliques » 59 Remonter de l’eau depuis une nappe superficielle ou souterraine pour alimenter des habitations, des ateliers textiles (lavage de la laine, teinture, filature de soie) ou irriguer des cultures a toujours été une nécessité pour les habitants. Si le béal de dérivation est une solution idéale près des ruisseaux actifs, il n’intéresse qu’une faible part du territoire. Avant les techniques de pompage moderne, plusieurs techniques ont été utilisées, j’en citerai trois : 1) Les norias 60 Les norias sont caractérisées par l’utilisation d’une série de godets qui puisent l’eau et la déversent lorsqu’ils se retournent sur la grande roue dont la rotation entraîne l’ensemble (fig. 10). Fig. 10 Saint-Quentin-la-Poterie (Gard), parc du Mas de Licon, noria de puits de type ancien reconstituée ; le bras d’entrainement pour l’animal est visible à l’arrière © M. Wienin Patrimoines du Sud, 11 | 2020 18 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 61 Selon l’emplacement et l’énergie utilisée, on distingue traditionnellement : • a) les norias de puits ou norias à chaîne, dans lesquelles c’est une bête de somme qui tourne autour d’un bâti pouvant être superposé au puits ou latéral pour des installations plus importantes. L’eau est puisée par une chaîne22, souvent double, qui porte les godets. Connues depuis l’Antiquité23 puis oubliées semble-t-il jusqu’aux Croisades, elles sont mentionnées depuis le Moyen Âge et très nombreuses dans toutes les zones de plaine. Ces norias sont parfois protégées par un mur coupe-vent ou un toit pour permettre leur fonctionnement en cas de mauvais temps ; certaines se trouvaient aussi dans des caves de bâtiments de village. Les noms occitans posa-raca24, souvent transformé en posaranca, et senha (sénia en Roussillon) sont assez rares en toponymie : la Pousaraque à Le Faget (HauteGaronne), la place de la Pousaranquette à Sainte-Eulalie-de-Cernon (Aveyron), la Seigne à Villemoustaussou (Aude). • b) dans les norias de rivière ou norias à roue qui n’apparaissent ou ne réapparaissent pas avant le XVIIIe siècle, c’est le cours d’eau qui fournit lui-même l’énergie nécessaire par l’intermédiaire d’une roue hydraulique verticale qui remplace le manège et l’âne ou le mulet ; en toute rigueur technique, il vaudrait mieux parler de noria de courant. Une grande roue unique porte à la fois les aubes d’entraînement et les godets de puisage ; elle peut fonctionner pratiquement sans surveillance 24 heures sur 24. Quand les conditions sont favorables, ces machines peuvent aussi atteindre une grande dimension : à Cazilhac (Hérault), une telle roue dépassait 11 m de diamètre et alimentait directement une filature et une moulinerie de soie, un peu en aval ; une série de 5, plus petites, a été conservée et restaurée25. Dans les bassins de l’Hérault et du Vidourle où elles étaient nombreuses, ces machines sont connues sous le nom de « meuses »26 : la Meuse à Gignac (Hérault) ou SaintLaurent-le-Minier (Gard). 2) Les éoliennes de pompage 62 Parfois qualifiées de « pompes à vent », les éoliennes peuvent être définies comme des « moulins à vent de pompage ». Les premières, au XVIIIe siècle, sont construites en dur (pierre et bois) et puisent l’eau au moyen d’une chaîne à godets. Par la suite, les fragiles ailes de bois toilé qui nécessitaient une surveillance permanente sont remplacées par 6 ou 8 ailes triangulaires qui laissent finalement la place à un disque découpé en pales étroites tandis que la structure portante devient un simple pylône métallique. Ce sont les « moulins américains » à cause de leur généralisation précoce aux USA, alias éoliennes-soleil, qui « fleurissent » par milliers dans nos campagnes entre 1880 et 1950. Parallèlement, la chaîne à godets à rendement médiocre et relèvement limité est remplacée par une pompe aspirante et foulante et la grande roue remplacée par un simple embiellage. L’Occitanie a possédé plusieurs fabricants de niveau national, en particulier Bonnet à Toulouse, Schabaver à Castres, Bompard à Nîmes, Ray à Montpellier ou Araou à Narbonne. 63 On connaît quelques cas particuliers, en particulier dans les salines d’Aigues-Mortes (Gard) ou de Frontignan (Hérault) d’éoliennes de type Laffont : ce sont des pananémones27 (insensibles au sens du vent) dont le rotor est un cylindre constitué de pales métalliques verticales. Qualifiées de « turbines à vent », elles entraînaient parfois des tympans hydrauliques (roues à écopes de même principe que les saqiyah du ProcheOrient) et sont bien adaptées à de gros débits avec de faibles différences de niveau d’où leur emploi pour faire circuler les eaux des marais salants 28. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 19 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 64 Les éoliennes modernes qui se multiplient depuis les années 2000 sont des aérogénérateurs électriques, y compris les petites éoliennes soleil domestiques destinées au pompage mais qui passent par l’intermédiaire d’un générateur et d’une pompe tubulaire électriques. Le « parc éolien » de Port-la-Nouvelle (Aude) a été dès 1991 le premier site français relié au réseau E.D.F. IV. Les mines et la minéralurgie 65 L’industrie mino-métallurgique est un lieu important pour la mise en place de bâtiments-machines. Nous distinguerons l’extraction proprement dite, la minéralurgie, le transport des produits et quelques équipements annexes. 1) Le dispositif d’extraction 66 Dans les mines et carrières29, on pense naturellement en premier lieu au dispositif d’extraction : treuils pour les carrières et chevalement supportant les molettes (grosses poulies) pour les mines (fig. 11). Fig. 11 Portes (Gard), Péreyrols, bâtiment du treuil de l’ancienne voie ferrée en plan incliné des mines de la Vernarède à la gare de la Levade © M. Wienin 67 Pour les exploitations de gros blocs à faible profondeur (gros blocs de calcaire par exemple, destinés à des immeubles de prestige, églises et surtout ponts) les treuils levier connus depuis l’Antiquité cèdent la place dès le XVI e siècle au treuil à roue, en bois, de plusieurs mètres de diamètre puis, au début du XIX e à celui actionné par un Patrimoines du Sud, 11 | 2020 20 Les bâtiments-machines (en Occitanie) manège à cheval (baritel), remplacé à son tour par une machine à vapeur puis un moteur diesel et enfin électrique30. Les parties en bois ont presque toujours disparu mais de loin en loin les piliers en maçonnerie sont conservés, parfois aussi des parties métalliques comme le tambour d’enroulement ou le câble d’acier, difficilement récupérable, qui a remplacé le chanvre au XXe siècle : Belbèze-de-Comminges (HauteGaronne) alimentait Toulouse, Sussargues et Castries, Montpellier. 68 Pour les mines, il faut attendre la « révolution industrielle » pour voir l’exploitation créer de vrais bâtiments-machines mais ils sont souvent de grande dimension. Le chevalement peut à l’origine être réalisé en charpente de bois, puis de fer ou en maçonnerie de pierre ou de brique. Au départ, chevalement et machine d’extraction (manège à cheval puis machine à vapeur, exceptionnellement roue hydraulique) sont distincts et reliés par les seuls câbles du puits. Vers le milieu du XIX e siècle, le type le plus habituel est constitué par des équipements indépendants mais rassemblés dans un même bâtiment protecteur ouvert31. 69 Le bâtiment de la machine d’extraction (treuil) est particulièrement intéressant : à l’intérieur d’une forme « cage » rectangulaire, la machine est un équipement massif, souvent très grand (dépassant parfois 10 m dans les trois dimensions) et donc parfaitement inamovible. Ce type de bâtiment pourrait donc être considéré comme mixte avec une partie cage et une partie machine mais il me semble plus justifié d’y voir une machine et son abri-machine, particulièrement indispensable en cas de moteur électrique. 70 À partir de la fin du XIXe siècle les grandes exploitations développent des bâtiments imposants réunissant sous un même toit le puits et son chevalement, la machine d’extraction et des équipements multiples : recette (culbuteurs de wagonnets), convertisseurs électriques, machines de secours, compresseurs destinés à alimenter le fond en air comprimé, seule source d’énergie transportable autorisée pour des raisons de sécurité : Puits Ricard à La Grand-Combe (Gard, ISMH), Puits central à Decazeville (Aveyron), Campgrand à Cagnac-les-Mines (Tarn, ISMH) (fig. 12). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 21 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 12 Cagnac-les-Mines (Tarn), Campgrand, puits n° 2, actuellement musée de la mine. Bâtiment bloc réunissant (de gauche à droite) un ventilateur aspirant et sa cheminée d’évacuation, la machine d’extraction (treuil) électrique et le chevalement métallique en poutrelles-treillis entouré du bâtiment de recette (réception des wagonnets). P. Poitou © Inventaire général Région Occitanie, 2001 71 À signaler aussi les purs bâtiments-machines que sont les chevalements de type tour d’extraction avec machine en tête (treuil ou poulie Koepe32 au sommet de la tour) comme le puits Destival à Saint-Martin-de-Valgalgues (Gard), haut de 67 m, creusé en 1942, détruit en 2002 (fig. 13). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 22 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 13 Saint-Martin-de-Valgalgues (Gard), puits Destival, la machine d’extraction et la poulie Koepe qui décore aujourd’hui un rond-point de la commune se situaient dans l’élargissement au sommet de la tour. Le bâtiment en bas à droite était celui de la sous-station électrique. M. Wienin © Inventaire général Région Occitanie 2) Les usines de préparation et de traitement des produits minéraux 72 Dans les carrières, les matériaux extraits peuvent subir trois opérations : • La taille et le sciage, déjà étudiés ou qui ne relèvent pas des bâtiments-machines, • Le transport : en vrac par norias de wagonnets roulants ou suspendus, convoyeurs à bande (tapis roulants) ou à chaîne à raclettes qui sont des installations fixes du type que nous considérons, • Le concassage qui se développe à partir de la seconde moitié du XIX e siècle pour la production de tout venant en vrac (remblais routiers ou ferroviaires, bétons) est à l’origine de la construction d’équipements importants souvent complexes, comportant des zones d’accumulateurs de matériaux (trémies), des cascades de broyeurs à cylindres de calibre gradué, convoyeurs de liaison, parfois contrôle ou pesage qui rentrent à l’évidence dans les bâtiments-machines. 73 Dans les mines, outre les bocards, déjà cités et le concassage analogue à celui des carrières, les usines de préparation et traitement des produits minéraux qui succèdent à l’extraction sont souvent plus variées (minéralurgie : tri mécanique (à sec), lavage (séparation par voie humide), pulvérisation, calibrage, agglomération (fabrication de boulets)) constituent sans doute l’exemple le plus complet de bâtiment-machines complexes, pouvant associer plusieurs dizaines de machines avec souvent des lignes de production parallèles. La totalité de l’espace est pensée pour optimiser l’utilisation des volumes et économiser la consommation d’énergie en limitant les déplacements de produits pondéreux et en utilisant la gravité pour les transférer d’une phase à la suivante : liés à la houille, les trois énormes ateliers de la vallée de Ricard à La Grand- Patrimoines du Sud, 11 | 2020 23 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Combe (Gard) apparaissaient à l’extérieur comme de simples parallélépipèdes construits en pan de fer et briques tandis que des ruines spectaculaires étagées au flanc des montagnes témoignent d’établissements liés à des mines métalliques : laveries de la Plagne et du bocard d’Eylie à Sentein (Ariège) (fig. 14), Pont de Mange-châtaigne à Saint-Laurent-le-Minier (Gard) pour des minerais à plomb, zinc et argent. Fig. 14 Sentein (Ariège), le bocard d’Eylie, les toits des grands ateliers de concassage et de séparation du minerai de sa gangue recouvrent des structures construites complexes : bocard, tables et bacs de lavage, etc. Autour, on identifie le poste d’arrivée du câble aérien des mines plomb-zinc du Bentaillou, une glissière hydraulique, deux fours de grillage, deux trémies, etc. J. Bonhôte © Inventaire général Région Occitanie, 2004 3) Autres équipements 74 D’autres équipements moins connus sont également à classer dans la catégorie qui nous intéresse : • les treuils des « plans inclinés » (voie ferrée en forte pente) faisant fonctionner les voies de roulage extérieur, proches des machines d’extraction mais généralement plus petits, mais aussi ceux des transporteurs par câbles parfois qualifiés de « téléphériques ». • les « balances » permettant de faire circuler par effet de contrepoids des charges dans des puits ou des wagonnets sur des plans inclinés sans consommer d’énergie. À noter les balances hydrauliques dans lesquelles le contrepoids est une cuve remplie par une arrivée d’eau et qu’il suffit de vider pour la faire remonter. Cette technique, caractéristique des régions de montagne a été utilisée en extérieur, sur voie ferrée inclinée, pour les mines de fer de Nyer et de La Bastide (Pyrénées-Orientales), en souterrain, dans un puits intérieur, pour le plomb argentifère, à Vialas (Lozère). • les freins, parfois associés aux treuils et aux balances, compléments indispensables des précédents. Le plus bel exemple est celui de l’ancienne voie ferrée minière entre La Vernarède et Sainte-Cécile-d’Andorge (Gard). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 24 Les bâtiments-machines (en Occitanie) • les « ventilateurs » : grosses turbines fixes, occupant la totalité d’un tube de 2 à 4 m de diamètre, aspirant ou envoyant de l’air dans les profondeurs de la mine via un puits ou une descenderie spécialement affectée : La Grand-Combe, Molières-sur-Cèze, Le Martinet (Gard). 4) Les fours ? 75 Les fours sont des bâtiments techniques destinés à la production mais, à priori, pas des machines ; on peut donc les intégrer dans la catégorie des bâtiments-machines au sens large telle que définie dans l’introduction ; par ailleurs leur développement les transforme progressivement en grands bâtiments fonctionnant en continu et destinés à durer et surtout leur associe un ensemble d’équipements qui peuvent les faire considérer comme tels : convoyeurs de chargement et déchargement, répartiteurs de charge, compresseurs, refroidissement externe. C’est évidemment le cas des fours de fusion métallique comme les hauts-fourneaux de Bessèges ou de Tamaris, près d’Alès (Gard) ou les modernes fours électriques de Laudun-L’Ardoise (Gard) ou de Saint-Chélyd’Apcher (Lozère) mais il y a aussi les fours de distillation : fours à coke de Saint-Benoîtde-Carmaux (Tarn) et à gaz de ville de nombreuses « usines à gaz » locales, ainsi que des fours cuisson comme les nombreux fours de tuilerie-briqueterie, les plus modernes à cuisson continue et chargement/déchargement automatiques : fours annulaires Hoffmann ou fours circulaires à flamme renversée à Belvèze de Razès (Aude) ou à Aureilhan (fig. 15, 16) (Hautes-Pyrénées), fours de verrerie de Carmaux ou Le Bousquetd’Orb (Hérault) équipé dès 1870 d’un échangeur thermique, fours à plâtre de Porteldes-Corbières (Aude), fours à chaux et à ciment, y compris de technologie moderne (fours tubulaires rotatifs) de Port-la-Nouvelle (Aude), Beaucaire (Gard), Lexos à Varen (Tarn-et-Garonne), et leurs analogues moins connus les fours de grillage (fig. 17), les plus spectaculaires étant ceux d’Arles-sur-Tech destinés au minerai de fer du Canigou. Citons enfin quelques exemples de fours souterrains, dont la structure est creusée dans la montagne comme les fours à dolomie d’Alet (Aude). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 25 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 15 Aureilhan (Hautes-Pyrénées), tuilerie-briqueterie Oustau, four Hoffmann A pris du rez-de-chaussée depuis le sud-sud-est P. Poitou © Inventaire général Région Occitanie, 2002 Patrimoines du Sud, 11 | 2020 26 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 16 Aureilhan (Hautes-Pyrénées), tuilerie-briqueterie Oustau, four à flamme renversée à 6 alandiers P. Poitou © Inventaire général Région Occitanie, 2002 Fig. 17 Saint-Félix-de-Pallières (Gard), four de grillage des minerais de zinc des mines de la Croix de Pallières M. Wienin © Inventaire général Région Occitanie Patrimoines du Sud, 11 | 2020 27 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 76 En toponymie, les noms de ce groupe sont particulièrement nombreux. Ils peuvent être d’origine antique (latin furnus) : Fournès (Gard, site céramique), Fournes-Cabardès (Aude, site mino-métallurgique), romano-occitans (forn) : fournils à Aulus ou le Fourné à Aigues-Juntes (Ariège), avec la variante gasconne (horn) : Hourné à Beaumarchés ou Castelnau-d’Anglès (Gers), et souvent modernes comme les nombreux lieux-dits « le Four-à-chaux33 ». V. Bâtiments-machines modernes et contemporains : transports et énergie 77 Sauf pour désigner un navire, il peut sembler hasardeux d’associer la notion de bâtiment, fût-il machine, à l’idée de transport et donc de déplacement. Il y en a pourtant d’indiscutables, souvent liés aux opérations de chargement-déchargement mais pas uniquement. 1) Les transports terrestres 78 Nous commencerons par le domaine des chemins de fer (fig. 18) où il faut citer les plaques et les ponts tournants, généralement entourés par une « étoile » de voies de garages et d’une rotonde d’ateliers (fig. 19), équipements présents jadis dans toutes les gares urbaines, plus rarement isolés en bout de ligne comme la petite plaque tournante du Grau-du-Roi (Gard). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 28 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 18 Sainte-Cécile-d’Andorge (Gard), bâtiment de frein et tour de surveillance dite « tour des Luminières » au sommet d’un plan incliné de la voie ferrée minière de La Vernarède à la Levade © M. Wienin Fig. 19 Nîmes (Gard), dépôt SNCF, rotonde ferroviaire sud de Nîmes (route d’Avignon). Le pont tournant distribue 30 rayons et permet de diriger les locomotives vers les neuf garages-ateliers couverts par des vaisseaux tronc-coniques en arc segmentaire en béton. A. Boyer © Inventaire général Région Occitanie Patrimoines du Sud, 11 | 2020 29 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 79 À signaler les deux rotondes de Nîmes toujours en activité et en partie transformées en musée ferroviaire34. 80 Sur les routes, les ponts-bascules (poids publics) dont chaque canton possédait jadis au moins un, généralement proche du foirail, sont encore un exemple de la variété des sites de ce groupe. Beaucoup ont disparu mais certains ont été mis en valeur par la commune comme c’est le cas à Arcizac-Adour (Hautes-Pyrénées) ou à Caylus (Tarn-etGaronne). De nombreuses entreprises industrielles ou agricoles possèdent aussi des installations de pesage fixes de ce type, notamment les entreprises viticoles 35. 81 Autre exemple dans ce groupe, aussi répandu qu’inattendu : les pompes distributrices de carburant. 2) Les transports par eau : ports et canaux 82 Les écluses et les dispositifs associés de manœuvre de vannes font partie des types relativement anciens de bâtiments-machines. Difficile d’ignorer l’escalier des neuf écluses de Fonséranes à Béziers (fig. 20). Fig. 20 Béziers (Hérault), écluses de Fonséranes, les vannes et leur mécanisme d’ouverture de la plus basse des neuf écluses M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, 2009 83 Par contre, les ponts fixes, qu’ils soient routiers, ferroviaires ou aqueducs ne peuvent rentrer dans cette catégorie car ils ne comportent aucun élément mécanique, mais nous y classerons par contre les ponts mobiles qui permettent la circulation de bateaux trop grands pour passer dessous. Routiers ou ferroviaires, ils sont fréquents dans les ports et se répartissent en deux grandes catégories : les ponts tournants à Aigues- Patrimoines du Sud, 11 | 2020 30 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Mortes et Le Grau-du-Roi (Gard), Sète (Hérault), Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales), et les ponts levis, basculants (fig. 21), dont le plus récent, le pont Sadi-Carnot à Sète (Hérault) a été mis en service en 201936. 84 L’Occitanie n’a pas possédé de pont transbordeur, le plus proche étant celui de Marseille ; en revanche les portiques et les grues fixes de chargement et de déchargement portuaires comme le portique céréalier de Port-la-Nouvelle (Aude) (fig. 22) ou les grues géantes (120 tonnes) de Sète sont aussi d’évidents bâtimentsmachines (fig. 23). Fig. 21 Sète (Hérault), cinq des onze ponts de Sète sont mobiles pour permettre l’accès à l’étang de Thau. Près de la gare, le pont ferroviaire basculant Foch (noter le contrepoids en béton) cache en partie l’ancien pont routier Sadi Carnot, remplacé en 2019 © J. Pagnon Fig. 22 Port-la-Nouvelle (Aude), portique de chargement-déchargement et convoyeurs destinés à transporter les grains depuis les silos visibles à l’arrière vers les bateaux J.-M. Périn © Inventaire général Région Occitanie Patrimoines du Sud, 11 | 2020 31 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 23 Sète (Hérault), grue géante du port ; au premier plan, le pétrolier Tatiana B, long de 90 m, donne l’échelle M. Couderette © Inventaire général Région Occitanie 85 Le guidage de la navigation est à l’origine de la construction des phares. Le caractère de bâtiment-machine est évident pour les « grands phares » un peu anciens à optique tournante. La côte catalano-languedocienne en compte 4 : Cap Béar à Port-Vendres (Pyrénées-Orientales), Leucate (Aude) qui a remplacé Port-la-Nouvelle détruit pendant la guerre, Mont-Saint-Clair à Sète (Hérault) et pointe de l’Espiguette au Grau-du-Roi (Gard) mais il y a aussi trois feux intermédiaires de jalonnement, Cerbère et Canet-enRoussillon dans les Pyrénées-Orientales, Narbonne-plage, dans l’Aude, à clignotement et donc pour lesquels le mot « machine » peut être discutable, et de nombreux phares balises d’entrée des port. 86 Le second XXe siècle a vu naître une technologie entièrement nouvelle, les radars. Sur la façade maritime, ils équipent, à relativement faible portée, les entrées des principaux ports ou, beaucoup plus puissants des sites dominants comme le Cap Leucate. Ces équipements font la transition vers les radars aériens présents sur tous les aéroports et les bases aériennes militaires comme Nîmes-Garons. Depuis quelques années, on peut poser la question de la place des radars routiers de contrôle de vitesse des véhicules ou de régulation des flux au sein de notre inventaire. 3) Les télécommunications 87 Un groupe apparenté et, lui aussi, contemporain est celui des antennes de radio, télévision, télécommunications, qu’elles soient isolées sur une crête comme les relais TDF du Pic de Nore à Pradelles-Cabardès (Aude) ou du Pic du Midi à Sers (HautesPyrénées), hautes chacune de 102 mètres, ou bien « arrosant » une ville à partir d’une simple colline comme la tour hertzienne de Ramonville à Toulouse (81 m de hauteur) et celle de Bionne à Montpellier (114 m). Sans oublier les très récentes antennes-relais Patrimoines du Sud, 11 | 2020 32 Les bâtiments-machines (en Occitanie) urbaines 3-4-5 G déguisées en arbre, cheminée, clocher, lampadaire, sculpture 37, installées parfois au centre d’un rond-point. 88 Le domaine des télécommunications permet de mentionner un autre type, ancien puisque remontant à la fin du XVIIIe siècle, et qu’on peut considérer comme l’ancêtre de nos antennes : le télégraphe de Chappe. En Occitanie, une cinquantaine de tours à signaux jalonnait les trois axes qui se rejoignaient à Narbonne depuis Bordeaux via Toulouse, Avignon et Perpignan. Une dizaine de collines ont conservé le toponyme « le télégraphe » comme à Bernis (Gard) ou à Douzens (Aude) tandis qu’ailleurs la tour plus ou moins ruinée a été étiquetée « moulin » sur la carte. 89 Souvent transformés ensuite en phares pendant plusieurs décennies, les sémaphores maritimes étaient à l’origine destinés à surveiller la mer et à transmettre leurs observations vers l’intérieur par le procédé Chappe. Par la suite, ils communiquent avec les bateaux en utilisant l’alphabet Morse lumineux, puis les ondes radio… de PortVendres au Grau-du-Roi en passant par Leucate ou Sète. 90 Incertae sedis : Remplaçant à partir du XVIIIe siècle les très statiques cadrans solaires, les tours de l’horloge de bien des villes et villages prennent le relais. Souvent élevées ou surélevées spécialement, équipées d’un mécanisme fixe et fournissant un service, faute d’un produit, elles s’inscrivent de façon assez claire dans la catégorie des bâtimentsmachines. 4) L’aéronautique 91 Dans la tradition des premières études « en plein vent » de Clément Ader en Lauragais (1890), les souffleries aéronautiques de Toulouse sont destinées à mesurer les paramètres aérodynamiques des avions en cours de conception : si « F1 », à cheval sur les communes du Fauga et de Mauzac (Haute-Garonne) est la plus connue, la soufflerie de Banlève à Toulouse remonte à 1937 (fig. 24), la « S4 » de l’ONERA 38 à ToulouseJolimont à 1942 et est toujours en activité tandis que la récente (2017) soufflerie aéroacoustique située sur le campus de l’ISAE-SupAero39 présente la caractéristique unique de servir à l’étude du bruit causé par le déplacement des appareils. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 33 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 24 Toulouse (Haute-Garonne), laboratoire d’essai dit soufflerie de Banlève, tuyère de sortie : tube de 2,40 m de diamètre et débit de 180 m3/s, soit une vitesse de 40 mètres par seconde. P. Gisclard © Inventaire général Région Occitanie, 1996 5) Les centrales électriques 92 Les chaudières des centrales thermiques sont installées au cœur d’un bâtiment conçu et réalisé ad hoc ; elles peuvent fonctionner à partir de houille et être liées à un site d’extraction comme la « cathédrale » de Carmaux ou le Fesq à La Grand-Combe, urbaines, destinées au chauffage collectif et à la production d’eau chaude domestique (ensemble d’immeubles, quartier ou village…) ou d’équipements collectifs (centre hospitalier, cité scolaire), ou encore ferroviaires, destinées à alimenter les lignes (Nîmes). Au XXe siècle les chaudières au fioul comme à Beaucaire (Gard), au gaz et même nucléaires : Marcoule à Chusclan (Gard) et Golfech (Tarn-et-Garonne) (fig. 25) remplacent progressivement le charbon et rentrent peut-être même de plus en plus dans la catégorie des bâtiments-machines. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 34 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 25 Golfech (Tarn-et-Garonne), centrale nucléaire EDF qui montre trois types de bâtiments-machines : au centre, les deux réacteurs à eau pressurisée de 1 300 MW entourés par deux tours de réfrigérations de 178,5 m (les plus hautes d’Europe) et le portique de déchargement de l’embranchement ferroviaire. J. Bonhôte © Inventaire général Région Occitanie, 2017 93 Les centrales thermo ou hydroélectriques de niveau industriel distinguent classiquement trois niveaux : fourniture d’énergie primaire, thermique (chaudière, cf. supra) ou hydraulique (barrage, conduite forcée), sa transformation en énergie mécanique au moyen d’une turbine et la conversion du mouvement rotatif en électricité par un alternateur (fig. 26). Patrimoines du Sud, 11 | 2020 35 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 26 Malons-et-Elze (Gard), ancienne centrale hydroélectrique des mines et usines de préparation minérale de Sainte-Marguerite © M. Wienin 94 Même s’ils sont installés dans un même bâtiment, ce sont des machines indépendantes les unes des autres dans un bâtiment à fonction première de protection. En revanche, certaines petites unités réunissent les deux phases de transformation (turbine et alternateur) dans un même corps construit en fonction des dimensions des composants ; c’est le cas de certaines micro-centrales qui bénéficient souvent des droits d’eau d’anciens moulins sur des ruisseaux secondaires et sont donc à classer au même titre que les éoliennes dans la catégorie des bâtiments-machines. 95 À Montézic (Aveyron), la centrale installée sur la Truyère possède des machines à fonctionnement inversable : turbinage de l’eau pour produire de l’électricité ou son pompage vers un bassin supérieur selon les besoins mais peut-on parler de bâtimentmachine quand les groupes turbine-alternateur/moteur-pompe sont installés 400 m sous terre ? Personnellement, je pense que oui. 96 Bien que généralement dépourvues de parties mobiles, les centrales ou parcs photovoltaïques dits « fermes solaires » qui réunissent des centaines de panneaux capteurs et se sont multipliées sur le versant méditerranéen ne peuvent guère être classées ailleurs que parmi les bâtiments-machines. Dès 1982, la première à avoir été installée (et alors la plus importante d’Europe) alimentait le pylône radio du sommet du Mont Bouquet à Brouzet-lès-Alès (Gard) tandis que celle de Malvezi, à Narbonne, qui rassemble 95 000 panneaux (80 000 m² au total) sur 20 hectares est demeurée la plus grande de France de sa mise en service en 2009 jusqu’à 2015. Ce sont deux réalisations pilotes au niveau national. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 36 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 97 Bien que tout à fait immobiles les postes électriques de haute tension (transformateurs) sont des ensembles techniques complexes réalisés de plein air que leur fixité et leur fonction industrielle (modification de la tension d’un courant électrique, répartition…) rapprochent des bâtiments-machines : Tavel (Gard). 98 D’autres types de centrales peuvent être rapprochés de ce groupe : • Les centrales pneumatiques qui produisent de l’air comprimé qui sert de transporteur d’énergie dans des sites où l’usage de l’électricité est prohibé pour des raisons de sécurité, les mines de houille par exemple. Il s’agit en général de machines (compresseurs) annexes à d’autres installations et je ne connais pas d’exemple de ce type identifiable au type « bâtiment-machine). • Les centres d’incinération des ordures ménagères ou industrielles qui sont parfois des cas particuliers des précédentes. 99 Dans le domaine voisin du transport et du stockage des produits fluides, les gazoducs, compléments indispensables des usines à gaz peuvent être considérés comme des bâtiments-machines, même si leur fonction est de conservation et non de production. Les stations de pompage intermédiaires des oléoducs et des tubes-aqueducs ainsi que celles de compression et de livraison des gazoducs sont aussi à inclure ce groupe. 6) La chimie a. Raffineries d’hydrocarbures 100 Les bâtiments de distillation des raffineries d’hydrocarbures sont des ensembles complexes dominés par de hautes tours à usage exclusivement productif, inséparables de celles de craquage, mélange etc. Ils sont à ranger parmi les bâtiments-machines : Frontignan (Hérault, fermée en 1986). b. Distilleries d’alcool 101 Certains alambics à eau de vie inséparables du bâtiment qui les protège comme ceux d’Armagnac et les grandes colonnes de distillation d’alcool (fig. 27) ou d’autres produits chimiques en extérieur sont à mettre dans le même groupe : Saint-Gilles (Gard), Narbonne (Aude), AZF à Toulouse. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 37 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 27 Ouveillan (Aude), distillerie coopérative de marc de raisin, colonnes de distillation J.–M. Périn © Inventaire général Région Occitanie, 1997 c. Usines à glace 102 Dans un domaine assez voisin, les premières usines à glace par détente du gaz ammoniac, artisanales ou liées à d’autres établissements, brasseries et hôpitaux en particulier, présentes dans beaucoup de villes, constituaient un ensemble intégré roue hydraulique-machine fixe assimilable à un bâtiment-machine à Narbonne ou Uzès (Gard). En toute logique, les chambres froides destinées à la conservation de la viande qui fonctionnent sur le même principe et se généralisent à la fin du XIX e siècle avec le procédé Tellier40 ne peuvent en être disjointes. d. Stations d’épuration 103 Si on exclut les sites dédiés au seul lagunage, beaucoup de ces installations qui possèdent des dispositifs de pompage, de circulation, d’agitation et de filtration des eaux usées offrent des caractéristiques qui les rapprochent des bâtiments-machines. Apparues dans le courant des années 1960, elles sont présentes aujourd’hui dans la plupart des communes. 7) Quelques bâtiments-machines contemporains 104 Une dernière catégorie de bâtiments-machines correspond à des réalisations imposantes, postérieures à la révolution industrielle. Ce sont quelques bâtimentsmachines contemporains, souvent destinés plutôt à la recherche que directement à la Patrimoines du Sud, 11 | 2020 38 Les bâtiments-machines (en Occitanie) production, dans lesquels l’architecture fait partie de la mécanique mais qui sont difficilement classables : a. Télescopes 105 Là, on est dans le domaine de l’observation ou de la vulgarisation. Si l’objet qu’est un télescope optique peut être considéré comme un simple outil d’observation, un dôme d’observation couplant un télescope monté sur équatorial (dispositif permettant de suivre le mouvement apparent des étoiles) avec un toit ouvrant orientable est un ensemble complexe assimilable à un bâtiment-machine. Les coupoles de l’observatoire du Pic du Midi de Bigorre à Sers (Hautes-Pyrénées) sont destinées à la recherche tandis que celles d’Aniane (Hérault) sont tournées vers la vulgarisation. 106 Leurs « cousins » les radiotélescopes sont en fait des antennes fixes dédiées à l’« écoute » des astres. Les deux appareils situés à Floirac (Gironde) sont les plus proches de l’Occitanie. b. Fours solaires et centrale Thémis 107 Les fours solaires sont une spécialité de notre région puisque les trois réalisés en France se trouvent tous dans les Pyrénées-Orientales, département où l’ensoleillement annuel est maximal : le petit four d’Ultrera à Sorède, construit en 1900, fut le premier au niveau mondial, celui de Mont-Louis (1949) (fig. 28) a été transformé en musée et enfin celui d’Odeillo (1969) est toujours en activité pour le CNRS et demeure, avec ses 54 m de haut, l’un des deux plus grands du monde (ISMH et label patrimoine du XX e siècle) (fig. 29 ). Fig. 28 Mont-Louis (Pyrénées-Orientales), four solaire, à gauche, l’héliostat (miroir plan mobile qui suit le déplacement du soleil), à droite le concentrateur (miroir sphérique). Le four proprement dit se trouve dans le cube blanc au centre M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, 2011 Patrimoines du Sud, 11 | 2020 39 Les bâtiments-machines (en Occitanie) Fig. 29 Font-Romeu-Odeillo-Via (Pyrénées-Orientales), four solaire d’Odeillo, on distingue le champ de 63 héliostats orientables, le concentrateur parabolique et le four lui-même au sommet de la tour centrale M. Kérignard © Inventaire général Région Occitanie, 2011 108 Le second exemple est aussi un bâtiment exceptionnel et quasi-unique. La centrale solaire Thémis à Targasonne41, à 2 km du précédent, avec sa tour de 105 m de haut, a été mise en service en 1983. Elle a associé trois fonctions : expérimentation d’une technique, production électrique sur le réseau et actuellement recherche dans le domaine photovoltaïque. 109 Le caractère orientable du miroir parabolique du premier et de la batterie de miroirs de redirection des deux suivants témoigne de leur caractère de bâtiments-machines, ce qui ne serait pas le cas pour de simples fours fixes. 110 Actuellement, le plus grand bâtiment-machine existant au monde est le LHC 42, le grand anneau accélérateur de particules du CERN de 8,5 km de diamètre, entre Gex (Ain) et Genève, sous la frontière franco-suisse. Conclusion : un nouveau concept pour un nouveau descripteur ? 111 Arrivé au terme de cet inventaire-réflexion, je pense que nous pouvons retenir la pertinence du concept de bâtiment-machine dans une vision synthétique du patrimoine industriel : • Il comble un hiatus, met en place une solution de continuité entre les deux catégories de base que sont le bâtiment industriel, immeuble par nature et la machine de production industrielle qui relève du patrimoine mobilier même si elle présente souvent les caractéristiques évidentes de l’immeuble par destination. À la fois bâtiment et machine et non pas bâtiment contenant une ou des machines, le bâtiment-machine cumule les caractéristiques des uns et des autres. Son intégration spécifique au sein de nos bases de données pourrait se traduire par des dossiers réunissant des descripteurs issus à la fois de Mérimée et de Palissy, des dossiers doubles accessibles au travers de l’une et l’autre base. • Il concerne un ensemble de bâtiments extrêmement varié, aussi bien par leur fonction que leur place dans l’histoire industrielle, présents à peu près partout. Étendu aux bâtiments réalisant des productions non mécaniques (phares, antennes radio ou radar, postes de transformation électriques, télescopes…) il se ventile en sous-catégories assez naturelles mais auxquelles il faudrait encore réfléchir en détail. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 40 Les bâtiments-machines (en Occitanie) BIBLIOGRAPHIE Annales du Midi, revue trimestrielle, à partir de 1889. Toulouse : éditions Privat. BENOIT, Serge. 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Par exemple, une centrale Patrimoines du Sud, 11 | 2020 42 Les bâtiments-machines (en Occitanie) hydroélectrique transforme de l’énergie potentielle de gravitation ou l’énergie cinétique de l’eau en électricité, une centrale thermique de l’énergie chimique et thermique (combustion du charbon ou du gaz) également en électricité, etc. 6. - Souvent appelés esclòps = sabots, en occitan. 7. - oc. : rodet = petite roue. 8. - oc. : tina = cuve. 9. - (1703-1768) – Il remplace les pales radiales ou les augets consécutifs de type noria par des augets obliques à recouvrement, ancêtres des augets courbes imbriqués modernes. 10. - Cet emploi dérive des pluriels neutres en –a du latin confondus avec des féminins à la suite de la perte du 3e genre lors du passage au roman (lat. sing. : molinum → oc. : molin , lat. plur. molina → oc. molina). 11. - Malgré l’explication « évidente » mais paronymique par le verbe battre : foulonner, c’est battre le tissu, ce terme n’a rien à voir avec le participe présent « battant ». Identique en catalan et en castillan (batán), il dérive d’un mot ibéro-arabe tiré du nom d’une ville de Tunisie (El Batan) réputée pour ses fouleries. Il n’est pas connu dans l’est de la région (Gard, Hérault, Lozère). L’homonymie est d’ailleurs absente en occitan et en catalan où le participe présent de batre est batent (pr. baten) et non batant ainsi qu’en espagnol où celui de batir est batiendo. 12. - Minoterie au sens ancien : fabrication de farine de minot = très fine et non moulin industriel. 13. - Ne pas confondre la couleur « indigo » produite à partir du pastel (Isatis tinctoria), cultivé en Europe et en particulier dans le bassin de la Garonne avec l’indigo des Indes (Indigofera tinctoria), plante tropicale dont la culture massive dans les colonies ruina la précédente à partir du XVII e siècle. 14. - roudou ou redoul en occitan. Voir : CARDON D. et PINTO A., 2007. 15. - Ou meule simple, sans meule dormante. 16. - Ce terme occitano-catalan fait référence à la masse informe de métal à la sortie du creuset. La transcription « française phonétique » massé souvent adoptée dans les textes pourrait laisser croire, à tort, que le massé, c’est ce qui a subi des coups de masse. 17. - On trouve parfois la Farga de la molina, par exemple à Estoher (Pyrénées-Orientales). 18. - L’expression est toujours utilisée au sens de scierie en français du Canada. 19. - Scie ronde ou scie sans fin. Brevet M. Albert, Paris, 1799. 20. - GALY et DILAX. 21. - Site valorisé situé à 5 km de la limite de l’Occitanie et dont la zone de récolte s’étendait sur le nord du Gers (Fourcès, Montréal). 22. - Souvent dite « chapelet ». 23. - ZAC des Halles à Nîmes, Villa de Careiron et Pesquier à Milhaud (Gard), villas de Bantayré à Cazères (Haute-Garonne), la Cougourlude à Lattes (Hérault). 24. - Littéralement : puise-vomit. 25. - Chemin des Meuses, Cazilhac (Hérault). 26. - Ce terme ne peut être d’origine occitane, les sons ø et œ et n’existant pas en langue d’oc. Celle-ci est sans doute à rechercher dans le nom du fleuve franco-bénéluxien sur lequel de grandes roues hydrauliques élévatrices ont été développées dès le XVII e siècle. 27. - Littéralement : pour tous les vents. 28. - On peut les considérer comme des formes anciennes des éoliennes actuelles à axe vertical de type Savonius mais avec un plus grand nombre de pales. 29. - L’article étant à dominante technico-architecturale, nous prendrons normalement les termes de mine et de carrière dans leur acception usuelle d’exploitation souterraine pour les premières, à ciel ouvert pour les secondes et non juridique d’exploitation d’un minerai concessible (combustible ou métallique le plus souvent) ou d’un matériau (roche…) dont la propriété découle de celle de la surface mais la distinction n’est pas toujours évidente. Patrimoines du Sud, 11 | 2020 43 Les bâtiments-machines (en Occitanie) 30. - Pour ce sujet, voir le site rue des lumières. 31. - GUIOLLARD, 1989. 32. - Grande poulie directement activée par le moteur de la machine d’extraction et entraînant le câble d’extraction et les cages par simple frottement dans la gorge du réa, sans treuil d’enroulement. Cette technique est très répandue pour les puits d’au moins 400 m de profondeur à partir de la Libération. 33. - Francisation incomplète pour « le four de la chaux » à Milhaud (Gard). 34. - Sur ce sujet, voir dans ce même numéro de Patrimoines du Sud l’article de Philippe Marassé : Un siècle et demi de mutations techniques au dépôt-atelier SNCF de Béziers, notamment fig. 4. 35. - Sur ce sujet, voir dans ce même numéro de Patrimoines du Sud l’article de Dominique Ganibenc : Le matériel de culture et de vinification des vignerons du Languedoc méditerranéen aux XIXe et XXe siècles : un patrimoine à valoriser, fig. 24. 36. - Il existe en fait une troisième catégorie : les ponts levants dont le tablier est soulevé (par câbles ou vérins) tout en restant horizontal. Je n’ai pas connaissance qu’il y en ait eu dans la région, le plus proche étant le pont Chaban-Delmas à Bordeaux. 37. - Encore relativement rare en France, cette pratique de déguiser les antennes est plus courantes dans certains pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne ou le Maroc. 38. - ONERA : Office national d’études et de recherches aéronautiques, jusqu’en 1963, aérospatiales, depuis. 39. - ISAE-SUPAERO : Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace. 40. - Brevet Charles Tellier de 1856 et première usine à glace construite à Auteuil en 1859. 41. - Le nom officiel français de la commune est Targassonne mais sur les documents d’avant 1960 et localement, la seule forme couramment utilisée, y compris par la mairie, les documents originels de présentation de la centrale et les panneaux routiers est Targasonne ! 42. - Initiales anglaises de Large Hadron Collider = Grand collisionneur de hadrons. RÉSUMÉS Apparue à la fin du XXe siècle et utilisée pour décrire le moulin, la notion de bâtiment-machine reste relativement peu connue et guère utilisée dans le monde du patrimoine alors qu’elle constitue un élément clé du domaine industriel, à cheval sur la frontière qui se révèle bien imprécise entre les immeubles (usines, ateliers) et les machines de production, généralement appréhendées en tant que patrimoine mobilier, même si elles sont bien souvent des immeubles par destination. Cette notion est définie pour des constructions dont une partie est mécaniquement active et destinée à une production technique qui en constitue la fonction principale. Elle s’oppose à celle de « bâtiment-cage », purement statique, dont la fonction principale est la protection de son contenu et recouvre en fait un éventail de sites bien plus nombreux et variés qu’on ne le penserait au premier abord. Du vieux moulin à la soufflerie aéronautique en passant par les norias, les éoliennes et les puits de mines, cette « nouvelle » catégorie, particulièrement riche en Occitanie, offre une grande richesse qui mériterait une réflexion spécifique dans le but de parvenir à l’intégrer en tant que descripteur reconnu dans nos bases de données. First seen at the end of the 20th century to describe mills, the building-machine concept still remains relatively unknown and little used in the world of architectural heritage. Nonetheless, it Patrimoines du Sud, 11 | 2020 44 Les bâtiments-machines (en Occitanie) represents a key industrial concept, straddling the very blurred line between buildings (factories, workshops, etc.) and production machines, generally considered as movable heritage although often buildings by destination. The concept describes constructions which include mechanically active parts and whose main function is technical production. The building-machine is opposed to a purely static "cagebuilding", the main function of which is to protect content, covering a range of sites which are much more numerous and varied than one would think at first sight. From ancient mills, aeronautical wind tunnels, norias, wind turbines and mine shafts, the "new" category, particularly abundant in Occitanie, is very wide-reaching and requires a specific approach to integrate it as a recognized descriptive element in databases. INDEX Mots-clés : patrimoine industriel, bâtiment-machine, éolienne, noria, moulin, puits de mine, soufflerie aéronautique Keywords : industrial heritage, machine-building, wind turbine, noria, mill, mine shaft, aeronautical wind tunnel AUTEUR MICHEL WIENIN Chercheur retraité de l’Inventaire général, michel@wienin.com Patrimoines du Sud, 11 | 2020 45