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89 (1) Bull. Soc. Hist. nat. Toulouse 155, 2019, 89-109 Le Lynx boréal, Lynx lynx (Linnaeus, 1758) dans le sud-ouest de la France ? Complément à l’Atlas des Mammifères de Midi-Pyrénées et nouvelles données par Henri Cap1 1. Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse, 35 allées Jules Guesde, 31000 Toulouse. E-mail : henri.cap@toulouse-metropole.fr Résumé La présence du Lynx boréal, Lynx lynx, dans le sud-ouest de la France a toujours fait l’objet de controverses. La première interrogation concerne la date de sa disparition, puisque des indices de présence récents posent la question de sa survivance. La seconde question concerne l’espèce qui aurait disparu (ou qui serait encore présente) dans les Pyrénées. En effet, en plus du Lynx boréal dont la présence est attestée depuis près de 40 000 ans, il existe deux autres taxa qui auraient également vécu dans la région : le Lynx pardelle, Lynx pardinus, actuellement endémique du sud de l’Espagne, mais qui était présent dans la région jusqu’à l’âge des métaux, et peut-être même jusqu’à très récemment et son ancêtre le Lynx des cavernes, Lynx spelaeus, dont les derniers fossiles remonteraient localement à 30 000 ans. Une dernière espèce, le Lynx d’Issoire, Lynx issiodorensis, considéré comme l’ancêtre des quatre espèces actuelles de lynx a également été présent dans la région, il y a plus de 2,5 Ma. Afin d’établir un scénario évolutif régional pour ces espèces, un bilan des données anatomiques, éthologiques, paléontologiques et historiques a été réalisé, qui sera complété ultérieurement par une série de datations, d’études anatomiques et génétiques du matériel conservé dans divers muséums d’Aquitaine et d’Occitanie. Enfin la question de la survivance de lynx dans les Pyrénées sera également discutée à partir de l’analyse des indices de présence les plus récents qui pourraient indiquer l’existence possible d’hybrides entre les deux espèces actuelles. Mots-clés : Lynx lynx, Lynx pardinus, Lynx spelaeus, Lynx issiodorensis, Sud-Ouest, Pyrénées, Survivance ? The Eurasian lynx, Lynx lynx (Linnaeus, 1758) in south-western France ? Addition to the Atlas of Midi-Pyrenees mammals and new data AbstRAct The presence of the Eurasian lynx, Lynx lynx, in south-western France has always been debated. The first question is: what is the date of its extinction since recent data suggest its occurrence. The second question is: which species was (or is still) present in the Pyrenees. In addition to the Eurasian lynx, which has been present for nearly 40,000 years, two other taxa were reported in the area: the Iberian lynx, Lynx pardinus, currently endemic of southern Spain, which was present in south-western France until Metal Age and perhaps very recently and its ancestor the cave lynx, Lynx spelaeus, whose last fossils in the area go back to 30,000 years. A last species, the Issoire lynx, Lynx issiodorensis, considered to be the ancestor of the four current lynx species was also present in the region more than 2.5 million years ago. In order to establish an evolutionary scenario for these species in the area, we carried out a review of anatomical, ethological, paleontological and historical data, which will be supplemented later by a series of dating, anatomical and genetic studies of the material preserved in various museums of Aquitaine and Occitania. Finally the question of the survival of lynx in the Pyrenees will also be discussed from the analysis of the most recent presence indices which could indicate the possible existence of hybrids between the two European species of lynx. Keywords: Lynx lynx, Lynx pardinus, Lynx spelaeus, Lynx issiodorensis, south-western France, Pyrenees, Occurrence? Introduction Présent de la Chine à la Sibérie jusqu’en Europe occidentale (WozencRAft 1993), le Lynx boréal, Lynx lynx (Linnaeus, 1758) est considéré comme ayant disparu du territoire français au milieu du XXe siècle à cause de la chasse, du déboisement et de la raréfaction de ses proies (stAhl & VAndel 1998). Depuis 1983 l’espèce a été réintroduite dans les Vosges, alors qu’elle avait colonisé spontanément le Jura et le nord des Alpes dès 1974, à partir de la population helvétique, elle même réintroduite en 1971 (stAhl et Al. 2006). Dans les Pyrénées, il subsiste plusieurs incertitudes concernant la disparition de cette espèce. En premier lieu, la date exacte de sa vraisemblable extinction est estimée entre 1917 et 1930 dans les Pyrénées-Orientales (lAVAuden 1930, sAint-GiRons 1973, oliVieR 1976, cAp 2011, ARthuR 2014), alors qu’elle 90 HENRI CAP se situerait entre les années 1960 à 1990 pour les PyrénéesOccidentales (de beAufoRt 1968, nAVARRe 1976b, stAhl et Al. 2006, cAp 2011, ARthuR 2014). Malgré ces estimations, il n’existe aucune preuve matérielle (dépouille, squelette, animal naturalisé) de lynx provenant des Pyrénées qui soit datée (hormis un fossile) et conservée dans un muséum, une université ou une autre institution publique, permettant d’établir une date de disparition, si tel est le cas. Une autre incertitude concerne l’espèce qui a été présente dans les Pyrénées et plus généralement dans le Sud-Ouest. En effet, hormis le Lynx boréal, Lynx lynx, auquel se rapporterait la majorité des indices de présence essentiellement fossiles ou historiques, le Lynx pardelle, Lynx pardinus (temminck, 1827), plus gracile et vivant actuellement dans le sud de l’Espagne, a subsisté jusqu’aux années 1960 sur le versant sud de la chaîne pyrénéenne selon VAlVeRde 1963. Sur le versant nord des Pyrénées, en France, le Lynx pardelle se serait aussi éteint vers le milieu du XXe siècle (ViGne & pAscAl 2006). Malgré la rareté des restes osseux collectés et la difficulté de les rapporter à une des deux espèces, le Lynx pardelle serait l’espèce autochtone de notre région depuis la fin du Pléistocène en considérant le Lynx des cavernes, Lynx spelaeus (boule, 1906) ou Lynx pardinus spelaeus (boule, 1906) comme son probable ancêtre (WeRdelin 1981, kuRten & GRAnqVist 1987, ViGne & pAscAl 2006, GARRido & ARRibAs 2008, RodRiGuez-VARelA et Al. 2015, boscAini et Al. 2016). Au-delà du problème que poserait cette nouvelle nomenclature, les deux incertitudes qui entourent la présence de lynx dans les Pyrénées convergent vers une question qui concerne davantage les paléontologues et les systématiciens : quelles espèces de lynx ont vécu dans notre région et depuis quand ? Afin de répondre à cette question, nous avons établi une première liste du matériel fossile ou supposé, ainsi que des données historiques les plus significatives. Ce premier inventaire des données anciennes aura pour but, à terme, d’estimer l’ancienneté de la présence ainsi que la répartition des lynx qui ont vécu dans notre région, et de programmer un ensemble de datations et analyses ADN du matériel afin d’en déterminer l’ancienneté, l’espèce et le sexe. Enfin, concernant la possible survivance de lynx dans les Pyrénées, des données récentes seront présentées et feront l’objet d’analyses ultérieures au moyen de nouvelles méthodes qui permettront, peut-être, de répondre à cette question qui est la plus sensible. 1. Systématique et phylogénie des lynx actuels Les premières mentions de lynx remontent à l’Antiquité avec ARistote dans son Histoire des animaux qu’il nomme λύγξ (beRtieR 1994), puis à pline l’Ancien, au premier siècle avant notre ère, qui décrit l’animal, qu’il appelle chama (rufius ou loup-cervier pour les Gaulois) dans son Naturalis Historia, Liber VIII, comme étant un loup avec des taches de léopard (eRnout 1952). Le terme Lynx n’apparaîtrait qu’au second siècle après notre ère avec elien dans son De Natura animalium (cAllou 2011). Cependant certains auteurs font (2) remarquer que le lynx a été décrit encore plus tôt au premier siècle après notre ère, et qu’il a été alternativement cité au féminin par ViRGile ou au masculin par hoRAce, ce qui a donné lieu à des changements taxonomiques récurrents pour les espèces du genre (GARRido & ARRibAs 2008). Actuellement, il existe quatre espèces de lynx parmi les 37 espèces de Félidés (sunquist & sunquist 2009). Le Lynx roux, Lynx rufus (schRebeR, 1777) vit actuellement en Amérique du Nord jusqu’au Mexique. Le Lynx du Canada, Lynx canadensis keRR, 1792, est présent au Canada et au nord des États-Unis. Le Lynx boréal vit de l’Europe de l’Ouest jusqu’en Sibérie alors que le Lynx pardelle, endémique du sud de l’Espagne, est l’espèce de félin la plus menacée au monde avec des effectifs de 156 individus adultes en 2015 (RodRiGuez & cAlzAdA 2015). Bien que leurs relations de parenté soient encore débattues du fait des lacunes du registre fossile, d’un point de vue moléculaire, le Lynx roux serait le premier taxon à s’être séparé de la lignée commune des lynx bien après le premier passage de la Béringie par les faunes carnivores de la fin du Miocène il y a environ huit Ma, et le retour de cette même lignée par cette même voie jusqu’en Chine vers six Ma (Johnson et Al. 2006). En effet, les premiers lynx semblent avoir une origine africaine puisqu’ils apparaissent en Afrique australe il y a quatre Ma, puis en Eurasie vers 3,5 Ma et enfin en Amérique du Nord voilà 2,5 Ma, et c’est à partir de cette dernière lignée que le Lynx roux serait apparu (GARRido & ARRibAs 2008, testu 2011). Le Lynx du Canada se serait ensuite séparé de la lignée conduisant au Lynx pardelle et au Lynx boréal, ce que ne révèlent pas forcément les fossiles collectés jusqu’à présent, mais davantage les analyses génétiques (Rueness et Al. 2014). D’après ces auteurs, il faudrait d’ailleurs remettre en question le statut des sept sous-espèces classiquement reconnues pour le Lynx boréal (noWell & JAckson 1996) pour ne conserver que trois taxa suffisamment isolés génétiquement, correspondant aux populations d’Europe de l’Ouest et de Scandinavie, du sud de l’Asie centrale près du Caucase, qui serait la population la plus ancestrale de l’espèce, et du nord-est de l’Asie. Ces trois régions géographiques auraient constitué des refuges ou des zones d’expansion lors des épisodes glaciaires et interglaciaires du Pléistocène (Rueness et Al. 2014). Enfin, il existe une incertitude concernant l’âge de séparation entre les deux lignées conduisant au Lynx boréal et au Lynx pardelle. En effet, si l’analyse de leur génome plaide en faveur d’une séparation voilà 1,5 Ma (AbAscAl et Al. 2016), cette estimation n’est pas forcément congruente avec les données fossiles. 2. Les lynx fossiles 2.1. Le Lynx d’Issoire et le Lynx des cavernes Le Lynx d’Issoire, Lynx issiodorensis (cRoizet & JobeRt, 1828), découvert pour la première fois en Auvergne dans les gisements villafranchiens de Perrier, apparaît dès le Pliocène (3,5 Ma) en Eurasie et il est présent jusqu’au Pléistocène inférieur (1,2 Ma) (GARRido & ARRibAs 2008). Ce qui le (3) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE caractérise est sa grande taille, ainsi qu’un crâne plus large et allongé, un cou plus long et des pattes plus courtes que les lynx actuels (testu 2006). Il constitue l’ancêtre le plus probable des quatre espèces actuelles de lynx. En Occitanie, cette espèce est représentée par un fragment de mandibule droite et par une prémolaire supérieure figurés (beRthet com. pers.). Conservé au Muséum de Lyon, ce matériel fossile de la collection donnezAn proviendrait du Pliocène final de Perpignan, soit d’un gisement de plus de 2,5 Ma. Ce serait à partir d’une sous-espèce méridionale du Lynx d’Issoire qu’apparaît vers 1,7 Ma au nord-est de la péninsule ibérique, le Lynx des cavernes, Lynx spelaeus (boule, 1906), qui correspond à la plus ancienne trace de la lignée conduisant au Lynx pardelle actuel (boscAini et Al. 2015). Apparu également en Italie à la même période, cette espèce a été décrite pour la première fois dans la grotte de Grimaldi en Italie, puis dans celle de l’observatoire à Monaco en 1927 (clot & duRAnthon 1990). Cette espèce a longtemps été considérée comme l’ancêtre des lynx actuels d’Europe (boréal et pardelle) car possédant des caractéristiques intermédiaires, notamment une taille des carnassières proche de celle du Lynx boréal, mais avec une forme tranchante plus proche de celle du Lynx pardelle. Cependant les plus récentes analyses génétiques et morphologiques indiquent que cette espèce fossile, dont la taille générale pourrait également être intermédiaire entre celle des deux espèces actuelles, serait la forme préhistorique du seul Lynx pardelle (boscAini et Al. 2016). Ceci a conduit la plupart des auteurs à adopter la nomenclature Lynx pardinus spelaeus (boule, 1906) pour le Lynx des cavernes. Présent en Espagne et dans le Sud-Ouest, mais aussi dans le sud-est de la France et en Italie, son aire de répartition était maximale au Pléistocène moyen (bonifAy 1971, testu 2006, Ghezzo et Al. 2015, boscAini et Al. 2016). Dans le Sud-Ouest, le lynx des cavernes est classiquement considéré comme présent de la fin du Mindel (350 000 ans) jusqu’au début de l’Holocène (clot & duRAnthon 1990). Cependant certaines estimations, comme au gisement de la Caune de l’Arago dans les Pyrénées-Orientales, indiquent une présence supposée depuis près de 550 000 ans (moiGne et Al. 2006). Ce taxon était également présent en Ardèche il y a 300 000 ans sur le site d’Orgnac 3 alors sous climat tempéré méditerranéen caractérisant l’interglaciaire Mindel-Riss de cette région (moiGne et Al. 2006, testu 2006), mais aussi à la même période sur les causses du Lot (site de Coudoulous II, bRuGAl & JAubeRt 1991). Plus près des Pyrénées, le gisement de la grotte des Ramandils à Port-La-Nouvelle (Aude), daté entre 77 000 et 94 000 ans (SIM 5), a révélé une longue fréquentation par l’espèce (Rusch et Al. 2019) sous un climat tempéré plutôt sec, comme le site de La Crouzade à Gruissan (Aude), estimé entre 30 000 et 50 000 ans, sous un climat beaucoup plus froid, bien que la détermination spécifique (Lynx boréal ?) ne soit pas certaine (testu com. pers.). Enfin, de nombreux restes osseux ont également été estimés de la même période avant le maximum glaciaire pour les Pyrénées, dont un crâne découvert à Montoussé (Hautes-Pyrénées) serait conservé au Muséum 91 d’Histoire naturelle de Bordeaux, ainsi que des canines, provenant de la grotte de Lherm et de la grotte inférieure de Massat en Ariège qui sont conservées au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse (clot & duRAnthon 1990). La présence de cette espèce est également avérée pour le Paléolithique inférieur et moyen du Lot et de l’Aveyron, notamment à Nant, gisement estimé du Moustérien supérieur (meiGnen 1993). Enfin, la datation la plus tardive de présence avérée de Lynx des cavernes dans la région, remonterait à 30 000 ans dans la grotte Marie dans l’Hérault (cRochet et Al. 2007). Mais sa disparition en tant que taxon distinct du Lynx pardelle reste floue, en effet l’hétérogénéité de taille du matériel attribué au Lynx des cavernes ne permet pas en l’état de dater sa disparition, ou plutôt sa transformation en Lynx pardelle (fosse & fouRVel com. pers.). L’ensemble des données, non exhaustives, concernant le Lynx des cavernes sont, comme pour le Lynx d’Issoire, présentées dans le tableau 1 et la figure 1. 2.2. Origine du Lynx boréal et présence fossile dans le Sud-Ouest Parallèlement à cette lignée méditerranéenne issue du Lynx d’Issoire qui conduit au Lynx des cavernes vers 1,7 Ma, puis au Lynx pardelle suivant une évolution de type anagénétique (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015, boscAini et Al. 2016), apparaissent en Asie les premiers spécimens de Lynx boréal, Lynx lynx, vers 1 Ma. Ils seraient issus d’une sous-espèce de Lynx d’Issoire, Lynx issiodorensis shansius teilhARd de chARdin, 1945, présente en Chine et en Asie centrale près du Caucase dès le Pléistocène inférieur (WeRdelin 1981, Rueness et Al. 2014). D’après les registres fossiles, c’est à partir du Lynx boréal que serait apparu le Lynx du Canada, Lynx canadensis, après le passage du détroit de Béring il y a 200 000 ans. Puis, lors du dernier épisode interglaciaire, il y a 125 000 ans, des populations de Lynx boréal auraient migré d’Asie en Europe pour donner la sous-espèce actuelle d’Europe de l’Ouest, Lynx lynx lynx (boscAini et Al. 2016). Le Lynx boréal est présent en France à partir du Pléistocène final où il reste assez rare et confiné à l’est du pays (stAhl et Al. 2006). Il est connu depuis plus de 36 000 ans dans la partie française des Pyrénées d’après la seule datation effectuée sur des os fossiles provenant du gouffre des Moustayous à Saint-Pé-de-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées (Clot 1988). C’est non loin de là, dans le puits Schatzi à Asson (PyrénéesAtlantiques) qu’en 1973 a été découvert le dernier crâne d’un Lynx boréal dans les Pyrénées (clot & besson 1974). Ce spécimen non daté (Fig. 2) est conservé au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse (CAp 2011). D’autres sites ont également révélé la présence de cette espèce comme au Portel-Ouest à Loubens en Ariège estimé autour de 35 000 ans, ainsi qu’à la grotte Gazel dans l’Aude, au pied de la Montagne Noire, dont le gisement serait estimé à près de 15 000 ans (tissoux 2004). Sachant qu’une mandibule estimée du Gravettien (25 000 ans) a également été trouvée à Isturitz aux confins des Pyrénées-Atlantiques (clot & duRAnthon 1990), le Lynx boréal était surtout présent dans la partie ouest et centrale des Pyrénées, mais absent ou très rare dans les Corbières et les 92 HENRI CAP parties audoises et catalanes des Pyrénées (tableau 1). Il est toutefois connu dans la partie nord de l’Aude jusqu’en plaine au Chasséen à Toulouse sur le site du Cluzel, il y a plus de 6 000 ans (clot & duRAnthon 1990). La seule mention de Lynx boréal pour les PyrénéesOrientales correspondrait au site de la fin du Pléistocène de la grotte d’Estagel (beRthet com. pers.). Par ailleurs, une canine percée de Lynx boréal ayant servi de pendentif et estimée à 25 000 ans (Gravettien), a été trouvée dans la grotte de Gargas dans les Hautes-Pyrénées, ce qui laisse supposer des rapports étroits qu’entretenaient nos ancêtres avec cette espèce (sAn JuAn-fouchet et Al. 2012). Du côté espagnol, la présence du Lynx boréal a récemment été attestée par des crânes retrouvés en Navarre et dans les Cantabriques. Ils ont été datés d’environ 12 000 ans pour les plus anciens (3 000 ans au Pays basque) jusqu’au XVIe siècle pour les plus récents en Navarre (RodRiGuez-VARelA et Al. 2016). Cette présence tardive du Lynx boréal dans le Sud-Ouest serait à confirmer en datant tout le matériel fossile dont une première synthèse est résumée dans le tableau 1. 2.3. Données fossiles de Lynx pardelle De la même façon, il serait indispensable d’analyser l’ADN du matériel attribué soit au Lynx des cavernes, Lynx pardinus spelaeus, soit au Lynx pardelle, Lynx pardinus pardinus. En effet, à la fin du Pléistocène, alors que le Lynx boréal fait son apparition dans le registre fossile en France, le Lynx des cavernes, puis le Lynx pardelle, se retrouvent cantonnés à la Péninsule ibérique et au sud de la France, notamment au niveau des Pyrénées, comme en attestent les quelques découvertes fossiles (tableau 1). Le taxon Lynx pardinus serait autochtone du sud de l’Europe, d’abord sous la forme de Lynx des cavernes, depuis 1,7 Ma (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015). Il aurait survécu dans la région méditerranéenne qui a servi de refuge à de nombreuses espèces lors des différentes périodes glaciaires et plus précisément dans la Péninsule ibérique où il s’est spécialisé dans la prédation du Lapin de garenne, Oryctolagus cuniculus. Ce lagomorphe est originaire d’Espagne depuis le Pléistocène moyen, et ne remontera au nord de la France qu’à partir du Moyen Âge (cAllou 2003). Plusieurs auteurs pensent qu’entre la fin du Pléistocène et le début de l’Holocène, le Lynx boréal et le Lynx pardelle, ont pu coexister de part et d’autre des Pyrénées et aurait même pu s’hybrider (RodRiGuez-VARelA et Al. 2016, Jimenez et Al. 2018). Pourtant, il n’existe aucune mention certaine de Lynx pardelle en France à la fin du Pléistocène et notamment au moment du maximum glaciaire, il y a plus de 20 000 ans (RodRiGuezVARelA et Al. 2015). Les seules données rapportées à cette espèce seraient de l’avant-dernier épisode interglaciaire du Mindel-Riss, voilà 300 000 ans, à Lunel-Viel dans l’Hérault (bonifAy 1971) puis de 12 000 ans à la Balma de l’Abeurador (Félines-Minervois) dans l’Hérault également (VAqueR com. pers.). Malgré la découverte de restes de lynx pardelle estimés du Moustérien tardif, soit autour de 35 000 ans, à Ermitons en Catalogne espagnole (tissoux 2004), il reste à confirmer que ces deux données correspondent bien au même taxon, (4) Lynx pardinus pardinus. En effet, le lynx pardelle n’est retrouvé ensuite qu’à l’Holocène à partir de l’âge des métaux, notamment dans l’Aude, l’Hérault et les Pyrénées-Orientales, il y a 3 500 ans (GuilAine et Al. 1986, ViGne 1996, ViGne & pAscAl 2006, cAllou 2011). 3. Éléments de biologie des lynx 3.1. Anatomie et morphologie Anatomiquement, les lynx sont caractérisés par 28 dents, soit une paire de prémolaires supérieures, la deuxième, en moins par rapport aux autres Félidés, un corps ramassé mais haut sur pattes, une queue courte et un pinceau de poils aux oreilles. Ces deux derniers caractères morphologiques facilement reconnaissables, ainsi que la taille, évitent à priori toute confusion avec le Chat forestier, Felis silvestris silvestris, ce qui pourrait renforcer la fiabilité des observations rapportées, même par des néophytes. De même la forme et la taille des empreintes relevées dans la neige discriminent clairement les lynx du Chat forestier (de beAufoRt 1968) ou de tout autre carnivore sauvage : 8-12 cm de diamètre avec 40 cm d’écartement de trace à trace pour 20 cm de largeur de voie pour le Lynx boréal (de beAufoRt 1968), contre cinq cm de diamètre pour le Lynx pardelle (delibes 1980). Enfin, au-delà de son allure beaucoup plus gracile (poids : 9-13 kg vs 14-28 kg), une taille légèrement moins importante (longueur tête + corps : 80-107 cm vs 80-130 cm) et un pelage en général plus tacheté que le Lynx boréal, bien que ce caractère varie avec l’âge et selon les populations (stAhl & VAndel 1998), le Lynx pardelle se distingue par un dimorphisme sexuel beaucoup moins marqué. Chez le Lynx boréal, les mâles pèsent 25 % de plus que les femelles. Le crâne du Lynx pardelle est de plus petite taille par rapport au Lynx boréal (longueur du crâne : 123-137 mm vs 130-160 mm, longueur condylobasale : 111-126 mm vs 120-145 mm), de plus le crâne du Lynx pardelle présente des crêtes pariétales lyriformes (clot & duRAnthon 1990, GARciA-peReA 1996), une convexité au niveau interorbital et une crête sagittale courte qui débute derrière l’intersection des lignes temporales par opposition au Lynx boréal qui présente une crête sagittale plus développée et une forme d’arc dentaire dérivée (de beAufoRt 1965, clot & besson 1974, beltRAn & delibes 1993, testu 2006). Le caractère actuellement utilisé pour discriminer la lignée du Lynx pardelle du Lynx boréal serait la présence d’un seul foramen réunissant les foramens jugulaires et de l’hypoglosse (condyle antérieur) alors que ce foramen serait séparé en deux chez le Lynx boréal (boscAini et Al. 2015). Enfin, chez la majorité des individus de Lynx pardelle (83 %) le métaconide ou talonide est absent sur la première molaire inférieure (carnassière inférieure) (GARciA-peReA et Al. 1985, boscAini et Al. 2016). Cet état de caractère plésiomorphe, du fait que le Lynx d’Issoire et le Lynx des cavernes présentaient déjà cet état de caractère (kuRten & GRAnqVist 1987), permet, au delà des prises de mesures sur les crânes, de distinguer les deux espèces actuelles de lynx européens quand ce caractère est présent (fosse & fouRVel com. pers.). (5) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE 93 Tableau 1 : Datations et estimations des restes osseux de Lynx d’Issoire, Lynx issiodorensis, Lynx des cavernes, Lynx spelaeus, Lynx pardelle Lynx pardinus et Lynx boréal, Lynx lynx, collectés dans le sud-ouest de la France. Datation Taxon Plus de 2,5 Ma Lynx issiodorensis Plus de 860 000 ans 550 000 ans 350 000 ans 300 000 ans 300 000 ans Plus de 77 000 ans Plus de 60 000 ans Lynx spelaeus Lynx spelaeus Lynx spelaeus Lynx spelaeus Lynx spelaeus Lynx spelaeus Lynx spelaeus Plus de 60 000 ans Lynx spelaeus Plus de 60 000 ans Lynx spelaeus Plus de 50 000 ans Plus de 30 000 ans 30 000 BP 35 000 ans 12 000 ans 6 800 BP 3 500 ans 3 500 ans 2 500 ans Plus de 60 ans Lynx spelaeus Lynx spelaeus Lynx spelaeus Lynx pardinus Lynx pardinus Lynx pardinus Lynx pardinus Lynx pardinus Lynx pardinus Lynx pardinus 40 000 BP Lynx lynx Plus de 35 000 ans Lynx lynx Plus de 35 000 ans Plus de 33 000 ans 25 000 ans 25 000 ans Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Plus de 15 000 ans Lynx lynx Plus de 15 000 ans Plus de 15 000 ans Plus de 15 000 ans Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Plus de 15 000 ans Lynx lynx 15 000 ans 15 000 ans Lynx lynx Lynx lynx Plus de 12 000 ans Lynx lynx Plus de 12 000 ans Lynx lynx 12 000 BP 11 000 BP Plus de 6 000 ans 4 500 BP 3 000 BP 1 750 BP Plus de 1 000 ans Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Lynx lynx Plus de 100 ans Lynx lynx Plus de 10 ans Lynx lynx Description Perpignan (Pyrénées-Orientales). Prémolaire et fragment mandibule conservés au muséum de Lyon (philippe & bouRGAt 1985) Vallparadis (Catalogne espagnole) (boscAini et Al. 2016). Caune de l’Arago (Pyrénées-Orientales) (moiGne et Al. 2006, testu 2006). Lunel-Viel (Hérault) (bonifAy 1971, fosse 1996) Orgnac 3 (Ardèche). Interglaciaire Mindel Riss avec climat tempéré mediterranéen (moiGne et Al. 2006) Grotte de Coudoulous II, Tour de Faure (Lot). Restes osseux du début du Riss (bRuGAl & JAubeRt 1991) Grotte des Ramandils à Port-La Nouvelle (Aude). Dents et post- crânien du SIM 5 (Rush et Al. 2019) Nant (Aveyron). Restes osseux du Moustérien (meiGnen 1994) Montoussé (Hautes-Pyrénées). Crâne conservé au muséum de Bordeaux (hARlé 1892, clot & duRAnthon 1990) Grotte de Lherm et de Massat (Ariège). Canines conservées au muséum de Toulouse (clot & duRAnthon 1990). Gabasa (Huesca, Espagne). Restes osseux du Moustérien (blAsco 1997) La Crouzade à Gruissan (Aude). Fin du Pléistocène (testu 2006) Grotte Marie (Hérault) (cRochet et Al. 2007) Ermitons (Catalogne espagnole) Moustérien tardif (mARoto et Al. 2002) Balma de l’Abeurador à Félines minervois (Hérault) (VAqueR com. pers.) Chaves (Huesca, Espagne) (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015) Montferrer (Pyrénées-Orientales) de l’âge du bronze (cAllou 2011) Floure (Aude) de l’âge du bronze (cAllou 2011) Carcassonne (Aude) de l’âge du Fer (cAllou 2011) Sierra Santo Domingo (Huesca, Espagne) crâne découvert en 1951 (Gil-sAnchez & mccAin 2011) Gouffre des Moustayous à Saint-Pé de Bigorre (Pyrénées Atlantiques). Squelette incomplet d’un jeune lynx trouvé en 1980, daté du Magdalénien supérieur par C14, conservé au musée pyrénéen de Lourdes (clot 1988) Ker de Riverenert (Ariège). Canine du moustérien (de 35 000 à 100 000 ans) (méRoc 1954, clot & duRAnthon 1990) Le Portel-ouest à Loubens (Ariège). Fin du pléistocène (GARdeisen 1999, RiVAls et Al. 2009) Caniac du Causse (Lot). Restes osseux du Paléolithique supérieur (VilleneuVe et Al. 2019) Isturitz (Pyrénées-Atlantiques). Mandibule du Gravettien (pAssemARd 1924, clot & duRAnthon 1990) Grotte de Gargas (Hautes-Pyrénées). Canine perforée du Gravettien (sAn JuAn-fouchet et Al. 2012). Grotte de Labastide et du diable rouge à Banios (Hautes-Pyrénées) Pléistocène supérieur (clot & eVin 1986) Grotte de la Vache (Ariège). Dents du Magdalénien (koby 1959 clot & duRAnthon 1990) Grotte d’Espèche (Hautes-Pyrénées). Phalange du Magdalénien (clot 1984, clot & duRAnthon 1990) Grotte de la Salpétrière (Gard). Mandibule conservée au muséum de Lyon (beRthet com. Pers.) Grotte d’Ornessant (Hautes-Pyrénées). Dents du Pléistocène supérieur conservées au muséum de Lyon (beRthet com. pers.) Gazel (Aude). Près de la montagne noire (fontAnA 1999) Arancou (Pyrénées-Atlantiques) 4e PM inf du magdalénien moyen (fosse 1999) Cagnac les Mines (Tarn). Post-crânien de la collection Michel conservée au muséum de Lyon (beRthet com. pers.) Grotte d’Estagel (Pyrénées-Orientales). Tibia de la collection Donnezan conservée au muséum de Lyon (beRthet com.pers.) Cantabriques (Espagne) (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015) Serpenteko en Navarre (Espagne). Crâne (RodRiGuez VARelA et Al. 2015) Site du Cluzel à Toulouse (Haute-Garonne). Estimé du chasséen (clot & duRAnthon 1990) Cantabriques (Espagne) (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015) Pagolucieta au Pays Basque Espagnol (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015) Cantabriques (Espagne) (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015) Gouffre de Pène à Montégut (Hautes-Pyrénées). Squelette incomplet (clot 1970, clot & duRAnthon 1990) Puits Schatzi à Asson (Pyrénées-Atlantiques). Squelette incomplet découvert en 1973 et conservé au Muséum de Toulouse (clot & besson 1974) Gouffre du col d’Aran à Bielle (Pyrénées-Atlantiques). Squelette complet découvert en 1962, conservé au musée d’Arudy (de beAufoRt 1965) 94 HENRI CAP Figure 1. Restes osseux de Lynx d’Issoire, Lynx issiodorensis (-2,5 Ma), Lynx des cavernes, Lynx spelaeus (550 000 à 30 000 ans), Lynx pardelle, Lynx pardinus (35 000 à 2 500 ans), et de Lynx boréal, Lynx lynx (40 000 à 100 ans) collectés dans le sud-ouest de la France. (6) (7) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE 95 Figure 2. Crâne de Lynx boréal conservé au muséum d’Histoire naturelle de Toulouse (MHNT.ZOO.2011.0.1) découvert en 1973 au puits Schatzi à Asson (Pyrénées-Atlantiques), non daté (clot & besson 1974). © RoGeR culos/Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse. Le Lynx boréal est très dérivé par rapport aux autres lynx actuels et fossiles, puisqu’en plus de la présence du métaconide sur la M1 chez la majorité des individus, 10 à 20 % présentent une ré-émergence de la M2 (WeRdelin 1981). Cependant la plus grande prudence s’impose avec ces caractères dentaires « distinctifs » qui ne s’expriment pas chez tous les individus actuels ou fossiles (testu 2006, Ghezzo et Al. 2015). 3.2. Comportements et écologie Le Lynx boréal est une espèce essentiellement nocturne, bien qu’il puisse également évoluer en pleine journée (stAhl & VAndel 1998). Le rut s’étend de la fin du mois de février jusqu’en avril (RAydelet 2006). Les cris d’appel entre mâles et femelles durant cette période peuvent être entendus à plusieurs centaines de mètres et ressemblent à l’aboiement du Chevreuil européen, Capreolus capreolus (cAp 2011). Leur fréquence fondamentale est de 0,8 kHz (peteRs & peteRs 2010). Les naissances ont lieu de fin mai à début juin, après 70 jours de gestation. Les portées (une tous les deux ans) comptent de deux à quatre petits qui seront allaités par la mère pendant deux à trois mois, période durant laquelle les jeunes peuvent également apprendre les techniques de chasse. À dix mois certains individus peuvent s’émanciper bien avant leur maturité sexuelle qui se situe autour de deux ans pour les femelles et de deux ans et demi pour les mâles. Comme la majorité des Félidés, le Lynx boréal vit essentiellement en forêt (noWell & JAckson 1996, stAhl & VAndel 1998). Même si le Lynx boréal préfère les forêts denses et peu fréquentées par l’homme ce qui correspond à un habitat fermé, il fréquente également les forêts claires lorsque celles-ci comportent des zones rupestres d’où il peut émettre son cri d’appel et où les femelles peuvent trouver des cavités pour mettre bas, lorsque ce n’est pas sous une souche d’arbre. Le Lynx boréal occupe également les steppes en Mongolie, ainsi que les zones montagneuses au-dessus de la limite des arbres dans les Alpes et sur les contreforts de l’Himalaya. En France, avant d’être repoussé dans les montagnes au début du XIXe siècle, l’espèce était présente en plaine, comme le Lynx pardelle en Espagne aujourd’hui. Ce dernier, qui se nourrit principalement de lapins, de faons de Cerf élaphe, Cervus elaphus, ou de daims, Dama dama, de rongeurs et d’oiseaux (VAlVeRde 1957), vit dans un habitat plus hétérogène de type méditerranéen. Il est actuellement présent au sud de l’Espagne de la Sierra Morena comportant des éboulis rocheux, des pelouses et des bois clairs avec des 96 HENRI CAP chênes verts et des résineux, à la zone côtière de la réserve de Doñana en Andalousie caractérisée par des dunes de sable herbeuses et un maquis de chêne liège (VAlVeRde 1957). La fréquence fondamentale de ses cris d’appel est de 0,95 kHz (peteRs & peteRs 2010), plus élevée que celle du Lynx boréal, qui est plus gros, alors que le milieu de vie plus fermé de ce dernier devrait contraindre cette fréquence à la hausse (cAp et Al. 2008). Le territoire d’un mâle Lynx boréal peut chevaucher ceux de plusieurs femelles. La surface moyenne est, en fonction du nombre de proies disponibles, de 200 km² (stAhl & VAndel 1998). Bien que sédentaire et ne se déplaçant pas régulièrement sur de grandes distances, le Lynx boréal peut parcourir, en suivant les mêmes itinéraires, jusqu’à 30 km par nuit. Il se nourrit principalement d’ongulés sauvages tels que le Chamois, Rupicapra rupicapra, ou le Chevreuil européen, de faons de Cerf élaphe, de Renard roux, Vulpes vulpes, et dans une moindre mesure de rongeurs tels que les campagnols, de Lièvre européen, Lepus europaeus, ainsi que de Tétraonidés (Grand tétras, Tetrao urogallus, Lagopèdes, Lagopus sp. et Perdrix grise Perdix perdix). Une fois sa proie égorgée, le Lynx boréal peut la recouvrir de feuilles, pour y revenir plus tard. Le régime alimentaire des lynx réintroduits en France est assez congruent avec ce modèle, auquel il faudrait rajouter une centaine de brebis par an, selon les chiffres du Réseau Lynx, correspondant au nombre estimé de Lynx boréal en France. Il est par ailleurs intéressant de noter la concordance entre les trois noyaux historiques supposés de Lynx boréal dans les Pyrénées avec la répartition de l’Isard, Rupicapra pyrenaica, qui aurait été à haute altitude, avec le Chevreuil à basse altitude, ses principales sources de nourriture dans le massif avec les lagomorphes (cAp 2011, beRducou com. pers.). Par ailleurs, l’absence du Renard roux de la vallée d’Aspe serait liée à la longue présence du Lynx boréal, comme il est établi sur le versant espagnol des Pyrénées (chimits 1984). Enfin la réintroduction du Cerf élaphe dans les années 1960 dans les zones des Pyrénées-Orientales où le lynx était historiquement présent est un élément à prendre en considération dans son hypothétique survivance. 4. Données historiques de lynx dans le Sud-Ouest Sans remonter jusqu’à Gaston Phébus au XIVe siècle qui considérait l’espèce comme commune et connue de tous (lAVAuden 1930, cAlou 2011), la population de lynx dans la chaîne pyrénéenne a largement fluctué dans le temps, et semblait relativement importante d’après les nombreuses primes versées aux chasseurs jusqu’au milieu du XIXe siècle (bouchet 1988). La réduction de la couverture forestière pendant près d’un siècle et la raréfaction de ses proies (stAhl & VAndel 1998), pressions auxquelles s’ajoutèrent le piégeage et la chasse, accélérèrent le déclin de l’espèce. Mais de quelle espèce s’agissait-il ? Dans sa thèse de doctorat sur les grands carnivores des Pyrénées, bouchet (1988) qualifie le lynx d’éternel survivant et écrit à son sujet : « l’intérêt de l’histoire du lynx réside dans la survie, jusqu’à aujourd’hui, d’une population aussi faible et (8) dispersée ». Bien que la disparition du lynx dans notre région remonte officiellement au XXe siècle, comment expliquer cet espoir tenace d’une survivance tardive de cette espèce, voire contemporaine, autrement que de considérer et d’étudier toutes les données disponibles ? Pour cela, nous avons repris les données de différents auteurs en les complétant et en les compilant sous la forme d’un tableau qui vient compléter celui des données fossiles ou issues de la littérature archéologique. L’ensemble de ces indices de présence historique de lynx dans le Sud-Ouest (squelette, capture, dépouille, empreintes ou observations) est présenté dans le tableau 2. 4.1. Lynx pardelle Depuis l’Antiquité jusqu’au XVIIIe siècle au moins, le Lynx boréal et le Lynx pardelle auraient pu coexister dans les Pyrénées (kRAtochVil 1968, ViGne 1996, ViGne & pAscAl 2006, cAllou 2011) ainsi qu’au nord de la Péninsule ibérique (clAVeRo & delibes 2013, Jimenez et Al. 2018). Pourtant la seule mention historique de Lynx pardelle est celle de lAVAuden 1930 qui signale un lynx tué près de Saint-Gaudens en 1787 et identifié du fait de ses nombreuses taches sur le dos et les flancs ; mais ce critère n’est pas suffisant pour discriminer l’espèce, la présence de taches variant grandement avec l’âge et les populations chez le Lynx boréal (stAhl & VAndel 1998). Une autre mention de Lynx pardelle correspond à une empreinte collectée dans la neige dans le Carlit dans les années 1950 (oliVieR 1976). Une dernière mention est celle d’un individu naturalisé provenant des Pyrénées aragonaises qui serait conservé depuis 1973 par un particulier près de Pau (stAhl & VAndel 1998). Ainsi, en dehors des données archéologiques (GuilAine et Al. 1986, ViGne 1996, ViGne & pAscAl 2006, cAllou 2011), il n’existe aucune autre mention explicite de Lynx pardelle au delà de l’âge des métaux, ce qui laisserait supposer que le Lynx pardelle a disparu du versant français des Pyrénées depuis plus de 2000 ans (ARthuR com. pers.). 4.2. Histoires de noms Pourtant les données analysées par nos collègues espagnols indiquent que dans la Péninsule ibérique les deux espèces sont bien distinguées, chacune ayant son appellation suivant les régions : gatos cerval ou gatos clavo pour le Lynx pardelle au sud de l’Espagne et lobo cerval ou Tigre pour le Lynx boréal au nord (clAVeRo & delibes 2013). Peut-être cette distinction vient-elle d’une traduction espagnole de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien du XVIe siècle, décrivant plusieurs sortes de lynx (Jimenez et Al. 2018). Dans le sud-ouest de la France, où la langue autochtone est l’occitan, le lynx porte également plusieurs noms depuis le Moyen Âge, puisqu’il est appelé tantôt Cervier ou Loupcervier, tantôt Chat-loup par Gaston Phébus (lAVAuden 1930, cAlou 2011). Les noms donnés au lynx ont aussi varié suivant les régions : Chat-cervier à Gèdre (Hautes-Pyrénées) en 1749 et Loup-cervier à Luz-Saint-Sauveur (Hautes-Pyrénées) en 1762, deux communes du massif du Néouvielle, Chat-loup à Lée en 1762 et Gatloup à Borce en 1719 dans les PyrénéesAtlantiques (bouchet 1988). Mais ces noms vernaculaires (9) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE 97 Tableau 2 : Indices de présences historiques et récents de Lynx boréal, Lynx lynx, ou de Lynx pardelle, Lynx pardinus dans le sud-ouest de la France. En rouge, les preuves absolues (captures, dépouilles) et en jaune les preuves vérifiables et invérifiables (empreintes, observations, attaques sur bétail). Date 1387 1500 à 1900 1520 à 1749 1664 1717 à 1786 1762 à 1786 1776 1787 1819 1821 1823 1829 1830 1837 1840 1857 1857 à 1876 1875 1883 1886 1890 1897 1912 à 1914 1917 1918 1930 1930 1930 1936 1940 1945 1951 1957 1960 1963 1966 1967 1972 1973 1973 1975 et 1976 1975 et 1976 1980 1980 1982 1982 1982 1985 1990 2003 et 2004 2004 et 2005 2007 2007 Description Plus ancienne citation du lynx pour les Pyrénées décrit comme bête commune par Gaston Phébus (« Livre de la chasse » 1389) Présence de Lynx boréal des cantabriques jusqu’en Catalogne (clAVeRo & delibes 2013, Jimenez et Al. 2018) Dernier lynx tué en Andorre en 1749 après 11 autres depuis 1520 (bouchet 1988) Capture de lynx en vallée d’Ossau (Pyrénées-Atlantiques) par Louvie-Juzon avec prime (bouchet 1988) Treize lynx abattus en vallée d’Aspe (Pyrénées-Atlantiques) commune de Lée (bouchet 1988) Cinq lynx tués en vallée d’Aspe (Pyrénées-Atlantiques) par famille Casaux (bouchet 1988) Jeune lynx capturé à Luz-Saint-Sauveur (Hautes-Pyrénées), envoyé en 1777 pour la Ménagerie du Roi à Versailles (bouchet 1988) Capture d’un lynx très tacheté (pardelle?) près de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) (lAVAuden 1930, stAhl & VAndel 1998) Capture en Ariège identifiée par De Lapeyrouse (bouchet 1988) Capture dans la forêt de Formiguères (Pyrénées-Orientales) (lAVAuden 1930) qui fût envoyé à Cuvier (bouchet 1988) Squelette de lynx acheté par l’Université de Montpellier (Hérault) (Jiquel com.pers.) Capture d’un lynx à Ax-les-Thermes (Ariège), naturalisé et acheté par le musée de Foix (bouchet 1988) Capture à Juzet près de Luchon (Haute-Garonne), naturalisé et mis dans la vitrine du pharmacien Doré à Luchon (bouchet 1988) Attaques au cou sur moutons attribués au lynx au val d’Azun (Hautes-Pyrénées) à Arrens Marsous (bouchet 1988) Capture en forêt de Salvanère (Aude). Naturalisé (?) au Muséum de Perpignan puis aurait disparu (tRutAt 1878, lAVAuden 1930) Attaque mortelle au cou d’un tailleur de pierre de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) (bouchet 1988) Capture de trois lynx autour de Formiguères (Pyrénées-Orientales) (lAVAuden 1930) Spécimen naturalisé capturé à Génolhac (Gard/Lozère) conservé au muséum de Nîmes (beAumes com. pers.) Observations en vallée d’Ossau aux mondeillous (Pyrénées-Atlantiques) par Rippert (bouchet 1988) Nombreuses peaux vendues d’animaux capturés en forêt d’Urdos en vallée d’Aspe (bouchet 1988) Capture en Forêt de la Malte (Pyrénées-Orientales) (lAVAuden 1930) Capture dans le Néouvielle (Hautes-Pyrénées) du dernier lynx de la région selon Rondou (1910) (ARthuR com. pers) Observations à la belle saison de lynx suivant la transhumance des troupeaux espagnol dans le Néouvielle (lAVAuden 1930) Empoisonnement de deux lynx mâle et femelle à Vernet-les-Bains au Canigou (Pyrénées-Orientales) (sAlVAt 1925, lAVAuden 1930) Attaques au cou sur moutons attribués au lynx (loup cervier) à Montory (Pyrénées-Atlantiques) (bouchet 1988) Capture du « dernier » lynx de France, entre Prades (Pyrénées-Orientales) et le Canigou (lAVAuden 1930, oliVieR 1976) Capture du dernier lynx boréal pour les Pyrénées catalanes espagnoles au Vall de Ribes (Ruiz-olmo com. pers.) Dépouilles, crânes et poils collectés en Sierra del Cadi, Pyrénées centrales et Huesca (Ruiz-olmo 2001) Capture de quatre lynx en vallée d’Ossau (Pyrénées-Atlantiques) par Toussaint Saint-Martin (coutuRieR 1954) Capture de plusieurs lynx en vallée d’Ossau par Toussaint Saint-Martin (dendAletche 1974) Capture de plusieurs lynx dans le massif du Lurien (Pyrénées-Atlantiques) (chAzel 1991) Crâne de Lynx pardelle trouvé en 1951 dans la Sierra Santo Domingo (Huesca) (Gil-sAnchez & mccAin 2011) Capture par bergers d’un lynx au flanc du Lurien en vallée d’Ossau à Artouste, authentifiée par un garde chasse (de beAufoRt 1968) Observation de deux lynx dont une petite empreinte (pardelle?) au Carlit (Pyrénées-Orientales) (oliVieR 1977) Capture au piège en été suite à des attaques sur troupeau au Bager, massif du Lurien (Pyrénées-atlantiques) (ARthuR com. pers.) Observation d’un individu au Pic du Midi d’Ossau (Pyrénées-Atlantiques) (de beAufoRt 1968) Observation et empreintes au Pic du Midi d’Ossau, col de Pombie, et Pic de Cherue, validées par de beAufoRt (1968) Empreintes dans la neige (et poils) trouvés en vallée d’Aspe et Ossau attribué au lynx par clAude beRducou (besson 1979) Lynx pardelle? piégé entre Biescas et Sierra de Guara (Pyrénées aragonaises), naturalisé près de Pau (stAhl & VAndel 1998) Cris et hurlements en hiver au col d’Aran (Pyrénées-Atlantiques) (chimits 1984) Empreintes en vallée d’Aspe et Ossau (nAVARRe 1976) Capture en basse vallée d’Aspe et Ossau (Pyrénées-Atlantiques), crête de Lazerque, après attaques sur troupeaux (nAVARRe 1976) Cris et hurlement à Couflens (Ariège) (chAzel 1984, ARthuR com. pers.) Empreintes et griffades trouvés par Chaumeil et JJ Camara en vallée d’Ossau (64) (bois de Lusque) (ARthuR com. pers.) Empreinte à Couflens (Ariège) non montré ni validée par le Réseau Lynx (chAzel 1984, ARthuR com. pers.) Crotte au col de Sesques (Pyrénées-Atlantiques), transmise par Klein du Réseau avec poils à l’ENVT (Pr fAliu) (ARthuR com. pers) Poils trouvés par Berducou au Pic du Midi d’Ossau (Pyrénées-Atlantiques) jamais analysé par l’ENSAT (ARthuR com.pers.) Observation d’un individu en Haute vallée d’Aspe (Pyrénées-Atlantiques) par sAlinGue (ARthuR com. pers) Photo d’empreintes dans le Madrès Coronat (Pyrénées-Orientales) (chAzel et Al. 1996) Empreintes vues par agent PNP au col d’Aran (vallée d’Ossau) non validée par le Réseau Lynx (ARthuR com. pers.) Attaques au cou sur chevreuils attribués au lynx dans le Néouvielle par agent du PNP (ARthuR com. pers.) Observation d’un individu sur la commune d’Espezel (Aude) sur le plateau de Sault dans la forêt de Belesta (koëss com. pers.) Photo prise en juillet dans le massif du Canigou (Pyrénées-Orientales) non validée par le Réseau Lynx (Canis lynx?) 98 HENRI CAP (10) (suite du tableau 2) 2011 2012 2012 2012 2014 2015 2015 2017 2018 Attaque sur bétail attribuée au lynx dans le Pays Basque (Pyrénées-Atlantiques), poils collectés par l’ONCFS (Sud-Ouest) Photo de Fontjoncouse (Aude) issue d’un arrêt sur image d’un lynx pardelle en Espagne validée puis rejetée par le Réseau Lynx Observation en juin d’un individu à Caudeval (Aude) validée par le Réseau Lynx Observation en août d’un individu à Lairière (Aude) non validé par le Réseau Lynx Observation d’individus en Cerdagne (Pyrénées-Orientales) par Riols, non validé par le Réseau Lynx (Le Monde) Empreintes de Lynx boréal dans le massif du Madrès (Ariège) non validées par le Réseau Lynx (sAlGues et pompidoR com. pers.) Observation d’un individu dans les Baronnies (Hautes-Pyrénées) (visiteur muséum de Toulouse) Observation d’un individu près d’une habitation dans le Vallespir (Pyrénées-Orientales) (JAnssens com.pers.) Capture le 29 mai d’un Lynx pardelle près de Barcelone provenant du sud du Portugal (Ruiz-olmo com.pers) correspondaient-ils, comme en Espagne, à deux espèces différentes ? La forme plutôt gracile et très tachetée pourrait correspondre au Chat-loup, ou Lynx pardelle ; la forme plus imposante et moins tachetée se rattacherait plutôt alors au Loup-cervier, ou Lynx boréal. Ainsi, l’une des illustrations du livre de la chasse de Gaston Phébus traite du Loup-cervier en restituant parfaitement ses gîtes rupestres, en revanche elle représente des lynx tachetés et d’autres rayés, ce qui pourrait correspondre à deux espèces, mais les deux types sont représentés avec une longue queue, qui serait une autre confusion avec le Chat-forestier. À propos du Loup-cervier, buffon (1769) écrit : « il n’a rien du Loup qu’une espèce de hurlement, qui, se faisant entendre de loin, a dû tromper les chasseurs et leur faire croire qu’ils entendaient un Loup… les chasseurs auront ajouté l’épithète de cervier parce qu’il attaque les cerfs, ou plutôt parce que sa peau est variée de taches à peu près comme celle des jeunes cerfs ». Le lien que fait buffon avec les Cervidés n’est pas dénué d’intérêt car les faons de Cerf élaphe ou de Chevreuil sont des proies pour le Lynx boréal. 4.3. Déclin de la population pyrénéenne jusqu’au XIXe siècle bouchet (1988) rapporte qu’entre 1520 et 1855, une assez forte population de lynx semble avoir occupé certaines régions des Pyrénées, comme la vallée d’Aspe, où de très nombreuses primes versées aux chasseurs de lynx ont été recensées sur les comptes communaux. Ces primes n’apparaissent plus dans les registres dès 1750 pour l’Andorre, et deviennent rares au XIXe siècle sur l’ensemble du massif, notamment dans les Pyrénées centrales mais aussi dans la haute vallée de la Massane, qui s’avère être la zone la plus riche en lynx (bouchet 1988). Selon le même auteur, les primes de capture pour des lynx vont disparaître avant la fin du XIXe siècle en même temps que s’accélère le déboisement du massif pyrénéen (Fig. 3), avant que ne débute la reprise forestière à partir des années 1950 signifiant la fin de captures de lynx officiellement reconnues. Dans les Pyrénées occidentales, il est à signaler que du côté espagnol, la présence de Lynx boréal a été attestée par des datations de crânes jusqu’au XVIe siècle en Navarre (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015), et probablement jusqu’au XIXe siècle des Asturies aux Cantabriques jusqu’au Pays Basque, en Navarre et au delà jusqu’en Catalogne, d’après les indices de présence historiques (clAVeRo & delibes 2013, Jimenez et Al. 2018). Pour la partie française des Pyrénées centrales, bouchet (1988) livre également deux anecdotes : « l’animal tué en Ariège en 1819 amena le ministre lui-même à demander qu’on essaie de prendre vivant le mâle, pour le Jardin du Roi, alors que celui abattu en 1829 à Ax fut acheté par le musée de Foix ». Pour les Pyrénées-Orientales, dans son Histoire naturelle des Pyrénées-Orientales, compAnyo 1863 déclare qu’il donna à cuVieR les renseignements qu’il demandait au sujet d’un lynx tué dans la forêt de Formiguères en 1821 et sur un autre sujet tué à Salvanère en 1840. En aucun cas il ne signale leur présence dans les collections du Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan dont il fut le premier conservateur de 1840 à 1871. Ces lynx ne figurent ni dans le premier inventaire du muséum dressé par compAnyo en 1841, ni dans la liste des objets acquis par la Société Agricole Scientifique et Littéraire des PyrénéesOrientales (SASL), et donnés au Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan. Aucun lynx n’est mentionné dans le catalogue des collections locales de 1910, ni dans l’inventaire des collections locales de 1922 (mARy com. pers.). Pourtant la capture de 1840 est mentionnée comme ayant figuré dans les collections du Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan (lAVAuden 1930), d’où il aurait depuis disparu selon tRutAt 1878. L’erreur proviendrait peut-être de la confusion avec un Caracal naturalisé, Caracal caracal, provenant d’Algérie, qui fut nommé Lynx dans l’inventaire de compAnyo de 1845 ainsi que dans le « Guide du visiteur » de 1910 (mARy com. pers.). Cette même erreur a fait aussi écrire à lAVAuden 1930 que le Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan conservait jusqu’en 1900 un spécimen naturalisé de lynx, provenant de la forêt de Salvanère (oliVieR 1976). Enfin, dans le Massif Central, distant d’une centaine de kilomètres des Pyrénées-Orientales, la dernière capture concerne un lynx tué en 1875, au pied du mont Lozère, dans le Gard à Génolhac (sAint-GiRons 1973). Il a été naturalisé et exposé au Muséum d’Histoire naturelle de Nîmes (nAppé 2008, beAumes com. pers.). Il existe également un autre Lynx boréal naturalisé au musée Crozatier du Puy-en-Velay, animal tué dans le Velay en 1822 (moussieR 1853, cAntuel 1949). 4.4. Présence relictuelle au début du XXe siècle En Espagne la dernière capture de Lynx boréal au Vall de Ribes en Catalogne remonte à 1930 (Ruiz-olmo com. pers.). VAlVeRde 1963 estime que deux petites populations de Lynx pardelle ont pu subsister jusque dans les années 1960 dans le (11) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE Figure 3. Indices de présence historiques et récents de Lynx boréal, Lynx lynx, ou de Lynx pardelle, Lynx pardinus, dans le sud-ouest de la France, en fonction de l’évolution de la couverture forestière dans les Pyrénées du XVIIIe au XXIe siècle. 99 100 HENRI CAP Parc Naturel de Cadi (au Sud de l’Andorre) ainsi que dans la province de Huesca entre le Parc National d’Ordessa à l’est et celui de Valles à l’ouest. Mais s’agissait-il de Lynx pardelle ou de Lynx boréal ? La même incertitude concernant l’espèce présente dans la partie orientale des Pyrénées se retrouve dans l’inventaire des grands mammifères de Catalogne de 1990 où les deux espèces figurent jusque dans la seconde moitié du XXe siècle, lorsque plus aucune dépouille, ni crâne, ni poils ne sont retrouvés (Ruiz-olmo 1990). (12) restes seraient à ré-analyser (beRthet com. pers.). Une étude anatomique sera donc menée à la suite de cet article, qui sera complétée par des prélèvements pour obtenir une datation, ainsi qu’une identification génétique des crânes. La deuxième carte de la figure 3 montre trois zones de la chaîne pyrénéenne avec des « indices de présence de lynx » (dépouilles, crânes, empreintes) : la première de la Sierra del Cadi (alto de Ripollès) jusqu’au Canigou et aux PyrénéesOrientales, la seconde dans les Pyrénées centrales, la troisième du nord-est de la province de Huesca jusqu’au nord de Saragosse (Ruiz-olmo 2001). Dans son article sur la présence historique du lynx dans les Pyrénées, Ruiz-olmo signale l’existence d’un spécimen disséqué et inventorié dans les collections du Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan avant 1900. Ironie de l’histoire, en 1917, dans la même zone, deux lynx, mâle et femelle, auraient été empoisonnés à la strychnine près du Canigou, dans les rochers de la Pena, sur la commune de Vernet-les-Bains, et identifiés comme Lynx boréal, mais dont les peaux auraient été vendues à des touristes (sAlVAt 1925, lAVAuden 1930). Officiellement, c’est dans cette région qu’aurait été abattu en 1930 le dernier lynx français. Pourtant entre 1950 et 1960, deux observations de lynx dans le massif du Carlit sont encore rapportées, dont une empreinte qui serait attribuée au Lynx pardelle (oliVieR 1976). Ces derniers indices de présence de lynx pour la Catalogne française se sont transformés en découverte au cours de la rédaction de cet article puisque le Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan possédait deux crânes de lynx, sans provenance ni datation (Fig. 4). S’agissait-il des deux lynx empoisonnés en 1917 ? Dans tous les cas, ces deux crânes d’adultes de taille similaire présentent pour l’un une longueur du crâne de 130 mm et une longueur condylobasale de 121 mm, soit des longueurs moyennes de Lynx pardelle mâle (beltRAn & delibes 1993) ou de très petites femelles de Lynx boréal. Or, la crête sagittale semble assez développée et de type lyriforme ce qui exclurait un individu femelle et confirmerait la détermination d’un Lynx pardelle (fosse com. pers.). La forme du front plus haut que celui d’un Lynx boréal tendrait à appuyer cette détermination (VAlVeRde 1963). Toutefois, la morphologie des lignes temporales évoque davantage un Lynx boréal (testu com. pers.), comme l’existence de deux foramens séparés, bien que très proches, du jugulaire et du canal de l’hypoglosse (boscAini et Al. 2015). De plus, même si la bosse sur le front et la taille du crâne indiquent clairement du Lynx pardelle, les dimensions des dents semblent trop grandes pour cette espèce, l’hypothèse d’un individu hybride ne peut donc être écartée (delibes com. pers.). Cependant il n’existe que très peu de mentions explicites de Lynx boréal pour les Pyrénées-Orientales, hormis les quelques captures sans distinction d’espèce, et un seul gisement fossile dont les Figures 4a et 4b. Crâne de Lynx pardinus ou Lynx lynx x L. pardinus conservé au Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan (MHNP.2008.0.123) sans date ni provenance. © didieR mARy/ Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan. D’après lAVAuden (1930) les deux autres régions qui auraient abrité le lynx jusqu’au début du XXe siècle sont les Pyrénées centrales au sud de Saint-Girons en Ariège et le massif du Néouvielle, dont les nombreuses cavités auraient pu servir de refuge au Lynx boréal, et plus à l’ouest les montagnes du Béarn entre les vallées d’Aspe et d’Ossau (stAhl & VAndel 1998, cAp 2011, ARthuR 2014). D’après coutuRieR, c’est dans cette dernière région que quatre lynx auraient été piégés par toussAint sAint-mARtin entre 1920 et 1936, et qu’un individu aurait été abattu au fusil par des bergers sur les flancs du Lurien en vallée d’Ossau à Artouste en septembre 1957 (de beAufoRt 1968, stAhl & VAndel 1998). Le cadavre de cet autre « dernier » lynx français aurait été identifié par un garde chasse local de la fédération des chasseurs (sAint-GiRons 1968). 4.5. Indices de la fin du XXe siècle Cinq ans plus tard, en septembre 1962, un squelette complet de Lynx boréal est découvert dans le gouffre du col d’Aran entre la vallée d’Aspe et d’Ossau par deux spéléologues, besson et beRGez. Le squelette sera étudié par de beAufoRt (1965) qui (13) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE conclut d’après l’état de conservation du spécimen qu’il s’agit d’un squelette actuel de Lynx boréal qui ne remonterait pas à plus de dix ans, contrairement à clot & eVin (1986) qui l’estiment à plusieurs centaines d’années. Ce squelette, d’abord déposé au Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse, a été transféré par besson au début des années 2000 au musée d’Arudy où il est toujours conservé dans une caisse (cAp 2011). Une analyse génétique ainsi qu’une datation à partir de prélèvements effectués sur ce squelette permettrait de confirmer ou infirmer ce qui serait le dernier Lynx boréal autochtone de France. D’autres signalements de lynx seront rapportés par la suite (dendAletche 1976) tel qu’un individu aperçu hurlant au col d’Aran au mois de janvier 1973 (chimits 1984), ainsi que des photographies d’empreintes en vallées d’Aspe et d’Ossau entre 1967 et 1976 (Navarre 1976a). L’empreinte photographiée en 1967 sur un névé du Pic du Midi d’Ossau sera identifiée, d’après les dimensions, comme celle d’un Lynx boréal par de beAufoRt (1968). Durant la même période, d’autres restes osseux sont découverts, avec un squelette incomplet, probablement subfossile, dans le gouffre de Pène à Montégut dans les HautesPyrénées (clot 1970, clot & duRAnthon 1990) et un autre en 1973 dans le puits Schatzi sur la commune d’Asson dans les Pyrénées-Atlantiques (clot & besson 1974). Ce dernier spécimen, au crâne complet attribué à du Lynx boréal, est toujours conservé au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse (Fig. 2) et nécessiterait une datation. À partir des années 1980, les noyaux de population de lynx supposés par Lavauden 1930 seront confirmés par le travail de terrain et de compilation des témoignages de chAzel 1983, 1984, 1989, 1992. Cependant, en l’absence de preuves absolues, chAzel reconnaît la disparition du lynx dans les Pyrénées occidentales à partir de 1985 (chAzel 1991). Dans le même article, l’auteur affirme que la population centrale ariégeoise s’étendrait en Haute-Garonne par des observations indirectes de plusieurs individus durant les années 1991 et 1992, or cette région s’avère la plus largement prospectée par le Réseau Ours (stAhl & VAndel 1998) et aucune trace indiquant la présence de lynx n’y a jamais été trouvée (quenette et beRtRAnd com. pers.), ni apportée par chAzel lui-même, notamment en ce qui concerne le noyau oriental, qui fait figure de dernier refuge pour le lynx dans les Pyrénées (chAzel et Al. 1996). En 1979, au second colloque sur la grande faune pyrénéenne, JeAnpieRRe besson (1979) a présenté l’ensemble des 107 indices de présence du lynx dans les Pyrénées rapportés entre 1750 à 1978 (ARthuR com. pers.), dont les plus significatifs sont listés dans le tableau 2. Bien que sa survie reste encore débattue dans les Pyrénées, et en l’absence de preuves, le Lynx (boréal et pardelle) est considéré comme ayant disparu de notre région à la fin du XXe siècle (stAhl et Al. 2006). 4.6. Le Réseau Lynx Pour clore ce chapitre, il est nécessaire de rappeler que la gestion du Lynx boréal en France a débuté par l’arrêté de 1972, qui protège l’espèce au niveau national. Du fait de la colonisation naturelle du Jura français par quelques individus réintroduits en Suisse et de la réintroduction dans les Vosges, un Réseau Lynx a été créé en 1988. En 2001 il a fusionné 101 avec le Réseau Loup en réponse au recoupement des aires de présence actuelle et potentielle de ces deux espèces et gagner en efficacité. Les correspondants couvrent une moitié de la France au sud d’une ligne allant des Vosges aux PyrénéesAtlantiques et appliquent une procédure commune de collecte d’indices par le biais de fiches techniques. Ces dernières sont centralisées et analysées ensuite de façon standardisée par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS). La synthèse réalisée en 2003 sur la répartition du Lynx en France indique de façon certaine sa présence dans les massifs du Jura, des Vosges et des Alpes (VAndel et Al. 2006). En 2010, des données ont également été collectées dans les Monts du Lyonnais au nord-est du Massif Central. En 2015, la population de Lynx boréal en Europe était estimée à 10 000 individus, ce qui ne nécessite pas de protection particulière selon l’UICN (bReitenmoseR et Al. 2015). En 2017, la population de Lynx boréal était estimée à une centaine d’individus en France, l’espèce a donc été classée « en danger » sur la liste rouge des mammifères de France métropolitaine, comme en 2009 (UICN France et al. 2017). Puis en 2018, l’unité mixte Patrimoine naturel constituée de l’Agence Française pour la Biodiversité, du Muséum National d’Histoire Naturelle et du Centre National de la Recherche Scientifique a actualisé la liste des espèces prioritaires pour l’action publique en France, en corrigeant la tendance de la population française de lynx passant de « en augmentation » à « en diminution » en prenant en compte l’ensemble de son aire de répartition française estimée à 8 700 km2 par le Réseau Lynx en 2017 (dRouilly 2019b). Par comparaison avec le travail de besson (1979) qui recense une centaine de données pour les Pyrénées en plus de deux cent ans, stAhl et VAndel (1998) en comptabilisent 1 200 pour le seul Jura entre 1974 et 1994, et le réseau Lynx 1 084, entre 2014 et 2017 pour l’ensemble de l’aire de répartition, ce qui ne plaide vraiment pas en faveur de la survie du lynx dans les Pyrénées, et pourtant... 5. Données récentes de lynx en Occitanie 5.1. Des indices Depuis la parution de l’Atlas des Mammifères de MidiPyrénées (cAp 2011), plusieurs observations de lynx ont été recensées dans la région Occitanie. La plus retentissante est celle de Fontjoncouse (Aude), où des photos effectuées de nuit avec un téléphone portable ont été transmises le 6 avril par un membre de la Fédération des chasseurs de l’Aude au Réseau Loup-Lynx pour authentification (bAtAille 2013). Le verdict fut dans un premier temps de valider l’observation, puisqu’il s’agissait bien d’un lynx mais la localisation précise du cliché restait incertaine, ainsi que l’espèce photographiée (Lynx boréal ou pardelle). D’autres observations furent enregistrées cette année 2012 dans l’Aude. Une première le 15 juin sur la commune de Caudeval fut retenue par le Réseau, alors qu’une deuxième le 8 août sur la commune de Lairière n’était pas retenue en raison de divergences sur les critères distinctifs de l’espèce (bAtAille 2013).Parallèlement en 2013 et 2014, des articles parus dans Le Monde, La Dépêche du Midi, L’Indépendant et Pyrénées Magazine recueillent les propos 102 HENRI CAP de chRistiAn Riols, vice-président de la LPO Aude, qui fait état de centaines d’observations de lynx dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales notamment par des habitants de ces deux départements. Il explique que le lynx n’a jamais disparu et qu’il aurait dû sa survie à la déprise agricole et à l’augmentation de la surface forestière ces cinquante dernières années. Selon lui des traces non validées ou non soumises au Réseau Lynx auraient été découvertes dans la garrigue des Corbières à partir de 300 m d’altitude jusque dans la neige à 2 000 m. Ces déclarations sont relancées en 2013 par la parution sur le site internet de L’Indépendant d’une photographie prise à plus de 2 000 m d’altitude dans une réserve naturelle des PyrénéesOrientales, qui montre un petit félin au pelage sombre et sans taches, ni pinceaux de poils aux oreilles, assis sur un rocher et sur sa queue, ou à la queue tronquée, la qualité de l’image ne permettant pas de distinguer avec certitude entre un probable Chat-forestier et un hypothétique Lynx pardelle. Après vérification, cette photo était bien celle d’un Chat- forestier, posé sur un rocher au milieu d’une lande à genêts purgatifs et le site correspond à une crête d’un massif en Conflent (pompidoR com. pers.). Cette photo a été réalisée par un randonneur qui passait à proximité et qui l’a ensuite communiquée pour détermination. (14) Figures 5a et 5b. Lynx pardinus. Cliché envoyé au Réseau Lynx en 2012 provenant de Fontjoncouse (Aude). Validé dans un premier temps, il s’agit en fait d’une image arrêtée d’un documentaire tourné en Espagne sur le Lynx pardelle (© ONCFS Réseau Loup Lynx). En 2014, la seule preuve concrète de la présence supposée de lynx dans notre région correspondant à la photo de Fontjoncouse de 2012, fut rejetée par le Réseau, car il s’agissait d’un canular (Figs 5a et 5b), issu de l’arrêt sur image d’un documentaire sur le Lynx pardelle filmé en Espagne (bAtAille 2014). Toujours en 2014, d’autres observations localisées autour de la Cerdagne (photographies) ont été soumises au Réseau mais non retenues. Entre 2015 et 2018, plusieurs témoignages recueillis au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse indiquent des observations de lynx dans les Baronnies (Hautes-Pyrénées) sans que la commune ne soit révélée, ainsi que des empreintes incontestables observées dans la neige dans le massif du Madrès au mois de mars 2015 (Figs 6a, 6b, 6c). Ces empreintes de 8,5 cm de diamètre correspondent à celles d’un Lynx boréal selon la littérature (de beAufoRt 1968) et de naturalistes chevronnés (dAufResne & pompidoR com. pers.). D’après le témoignage que j’ai pu recueillir, l’animal serait sorti de la forêt, aurait cheminé longuement pour de nouveau, entrer en forêt par un ravin. Dans le ravin, un deuxième individu de taille plus petite l’a rejoint (empreintes de 7,5 cm de diamètre, un juvénile ou une femelle adulte). Il se serait d’abord déplacé par bonds de 1,50 m puis aurait marché et de nouveau fait un bon mais cette fois-ci de 2,65 m. La voie supérieure à 1,15 m, avec une empreinte ronde, sans griffe avec une dissymétrie sur les pelotes avant n’est pas celle d’un Loup et encore moins d’un Lièvre (sAlGues com. pers.). Même si ces traces évoquent fortement un jeu amoureux entre un mâle et une femelle (pompidoR com. pers.), il s’agit d’une preuve invérifiable aujourd’hui, malheureusement. En décembre 2018, de nouveaux clichés d’empreintes sont effectués dans les Pyrénées-Orientales au Capcir. Il s’agit d’empreintes plus petites mais dont la forme est identique à la précédente. La seule échelle de taille est la main du photographe, ce qui laisse supposer un diamètre compris entre 5 et 6 cm, correspondant à la taille et à la forme du Lynx pardelle (delibes 1980) qui serait à plus de 500 km de son aire de répartition et dans un environnement qui n’est pas méditerranéen. Dans tous les cas il ne peut s’agir de Lynx boréal, mais vraisemblablement d’un Renard roux qui aurait fait du trot en 2-2 décalé sans laisser de traces de ses griffes dans la poudreuse (dAufResne com. pers.). Si l’on écarte cette dernière fausse piste ainsi que celles présentées précédemment, et que l’on se focalise sur la série de traces indéniables de Lynx boréal de 2015 et l’observation de 2012 validée par le Réseau, auxquelles s’ajoutent les centaines d’observations recueillies depuis 30 ans par le naturaliste JeAn-pieRRe pompidoR, auprès de chasseurs, éleveurs et pêcheurs du Languedoc-Roussillon, dont celle d’un lynx adulte surpris devant une habitation dans le Vallespir en 2017 (JAnssens com. pers.), il y a matière à interrogation. 5.2. Une photographie troublante Parmi tous ces indices, la photographie d’un individu adulte, observé en plein jour dans le massif du Canigou en juillet 2007 (15) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE 103 est de loin la plus troublante. Recueillie auprès d’un garde forestier belge par fRedeRic sAlGues et JeAn-pieRRe pompidoR, qui ont photographié le premier Loup observé au Madrès et le premier Ours au Carlit, ce cliché n’a pas été retenu, mais qualifié de « Canis lynx » par le Réseau Lynx du fait que l’image était floue (Fig. 7) et que l’allure de l’animal ne correspondait pas à celle d’un lynx, mais plutôt à celle d’un canidé. Pourtant, il ne s’agit pas d’un autre canular puisque le lieu a été vérifié (sAlGues com. pers.) et ce cliché trahit des mouchetures sur le pelage, une queue courte ainsi que des oreilles triangulaires, les pinceaux de poils étant peu visibles. Le problème est que le morphotype général de cet animal (longueur des pattes, avec une tête et un corps robuste) ne correspond pas à celui d’un Lynx boréal ou pardelle actuel, mais plutôt à celui d’un chien, ou à celui d’un Lynx d’Issoire reconstitué par kuRten 1978 en plus ramassé, ou encore d’un Lynx des cavernes, ancêtre du Lynx pardelle, qui aurait disparu dans la région il y a près de 30 000 ans. Dernière hypothèse s’il ne s’agit pas d’un chien, et non des moins plausibles, ce pourrait être un hybride Lynx pardinus x L. lynx, qui exprimerait un phénotype archaïque, avec une couleur de pelage de type Lynx boréal, et le dessous des pattes noires comme le Lynx pardelle. Ceci reste invérifiable malheureusement à moins d’aller prospecter dans la zone, ce qui a déjà été fait, ou de disposer d’un logiciel de correction d’image (GonzAlez com. pers.). En attendant de disposer d’un tel outil, ce potentiel indice de présence s’ajoute à tous les autres listées dans le tableau 2, et à d’autres encore qui feront l’objet d’une prochaine publication (pompidoR com. pers). 5.3. Absence ou présence ? Dans tous les cas, il faut rester prudent, car aucune preuve absolue n’atteste d’une présence certaine de lynx en Occitanie. Nous adopterons d’ailleurs au sujet des indices de présence le modèle développé en Suisse, avec trois catégories de données (Bulletin n°16 du Réseau Lynx 2010) : les preuves absolues (cadavre, poils analysés génétiquement, photo interprétable), les preuves vérifiables qui sont vérifiées sur le terrain (empreinte, attaque) par des personnes formées comme les correspondants du Réseau Lynx, et les preuves invérifiables (observations visuelles). Ainsi, malgré toutes Figure 6a, 6b, 6c. Empreintes de Lynx boréal, Lynx lynx, photographiées dans le massif du Madrès (Ariège) en mars 2015 (© fRedeRic sAlGues & JeAnpieRRe pompidoR). Non retenues par le Réseau Lynx. Figure 7. Lynx sp. (L. lynx, L. pardinus, ou hybride) ou Canis sp. dans le massif du Canigou (Pyrénées-Orientales) en juillet 2007 (source sAlGues & pompidoR). Non retenu par le Réseau Lynx. 104 HENRI CAP ces « observations », aucun indice de présence matériel (empreintes, poils, crotte, dépouille, squelette, attaque imputable au lynx, piège photographique) n’a été retenu par le Réseau Lynx pour les Pyrénées à ce jour. Le Réseau ne fournit d’ailleurs dans son bulletin que les observations pour le Jura, les Vosges ou les Alpes, endroits où la présence du Lynx boréal est effective. Les seules exceptions auront été celles de 2012 avec la photo truquée de Fontjoncouse et l’observation de Caudeval dans l’Aude. Cette absence récurrente d’indice de présence de lynx dans le Sud-Ouest, en comparaison des nombreuses données collectées dans l’est de la France, laisse toujours supposer qu’en 2019, le Lynx boréal (ou pardelle) est absent de la chaîne pyrénéenne comme le suggère le dernier flash info du bulletin d’information du Réseau Lynx du 31 juillet 2018, qui montre une augmentation de la surface occupée par l’espèce dans l’est de la France. Toutefois, la végétation ainsi que la densité d’occupation humaine ne sont pas comparables, le chêne kermès, Quercus coccifera, par exemple, qui est présent dans les Corbières, rend impossible la découverte de dépouille en dehors des sentiers du fait de son caractère impénétrable et, bien que la présence du Loup gris, Canis lupus, dans les Pyrénées soit avérée depuis vingt ans, aucune dépouille n’a encore été découverte, hormis un vieil individu trouvé mourant dans les Pyrénées-Orientales en 2019 (Gillodes com. pers.). Face à ces incertitudes et tant que les témoignages resteront nombreux, il est impossible d’exclure définitivement la présence de lynx dans les Pyrénées. 6. Discussion 6.1. L’expansion du Lynx boréal D’après l’ensemble des données rassemblées, il semble évident que le lynx n’a pas livré tout ses secrets dans le sudouest de la France. Afin de progresser, il est indispensable de mener une campagne de datations et d’analyses ADN sur les restes de tous les lynx de notre région. Plusieurs muséums d’histoire naturelle, comme celui de Toulouse conservent du matériel qu’il serait temps d’étudier. Ces analyses confirmeront ou infirmeront ce qui est supposé sur la date d’arrivée et de possible extinction du Lynx boréal dans les Pyrénées. Selon la seule datation effectuée à ce jour (clot 1988), cette espèce adaptée aux forêts de résineux ou mixtes et aux environnements rupestres de l’Eurasie est arrivée dans le Sud-Ouest lors de la dernière glaciation du Würm, il y a près de 40 000 ans, au moment du maximum glaciaire pour les Pyrénées (AndRieu et Al. 1988). À cette époque l’arrivée de nouvelles populations humaines aux techniques de chasse de plus en plus perfectionnées a pu gêner son implantation, mais pas au point de la faire disparaître, puisqu’elle a survécu au moins jusqu’au XXe siècle. Elle a aussi probablement dû sa survie au déclin de l’autre taxon, Lynx pardinus, correspondant aux descendants des Lynx des cavernes, qui occupaient déjà la région méditerranéenne des Pyrénées-Orientales depuis près de 550 000 ans (moiGne et Al. 2006). Au moment de leur première rencontre, si elle a eu (16) lieu autour de 40 000 ans, le Lynx pardelle archaïque ou Lynx des cavernes avait déjà subi des transformations au niveau de sa dentition, puisque tous les individus avaient évolué en passant d’une dentition adaptée essentiellement à de grosses proies de type Cervidés, au type trancheur « lagomorphile ». Ils avaient subi parallèlement des transformations au niveau de leur ossature, plus gracile, et probablement aussi de leur comportement (cAp 2015). Au nord de l’Espagne, et plus précisément dans les Cantabriques, le Lynx boréal, dont l’aire de répartition était en expansion, va rencontrer beaucoup plus tardivement le Lynx pardelle, et le supplanter, il y a plus de 12 000 ans (RodRiGuez-VARelA et Al. 2016). À cette époque, le Lynx pardelle n’avait plus sa forme archaïque robuste comme une partie de ses ancêtres mais une forme gracile spécialisée dans la prédation de lagomorphes. En France, les fossiles de cette forme moderne de Lynx pardelle ont tous été trouvés dans les départements méditerranéens (Pyrénées-Orientales, Aude et Hérault), alors que le Lynx boréal n’a jamais été retrouvé sous forme fossile dans les Pyrénées à l’ouest de l’Ariège, mis à part des restes du Pléistocène final de la grotte d’Estagel, dont la détermination serait à confirmer (beRthet com. pers.). Ces aires de répartitions qui épousent les aires biogéographiques indiquent que les deux espèces ne se sont peut-être jamais rencontrées, que ce soit dans les zones méditerranéennes qui constituent le biotope du Lynx pardelle, ou dans les zones atlantiques et alpines du nord-ouest de la Péninsule ibérique, comme les Cantabriques, les Pyrénées atlantiques et centrales, qui constituent le biotope du Lynx boréal. Pourtant, à la fin du Pléistocène, avant l’arrivée du Lynx boréal, des populations de Lynx pardelle occupaient déjà les Cantabriques et le versant sud des Pyrénées ; elles ont donc été repoussées vers le sud et remplacées par le Lynx boréal à l’Holocène (clAVeRo & delibes 2013, RodRiGuez-VARelA et Al. 2016), alors qu’il existait encore jusqu’à la fin du Pléistocène deux taxa rattachés à Lynx pardinus, avec notamment la forme archaïque, ou Lynx des cavernes, Lynx pardinus spelaeus, que le Lynx boréal a peut-être aussi supplanté, en récupérant ses gîtes par exemple, comme semble indiquer la figure 1 pour le Massif Central ou les Pyrénées, à l’instar de ce qui s’est passé à la même époque et au même endroit entre les Hommes modernes et les Néandertaliens. 6.2. Devenir des Lynx des cavernes Mais si en Espagne, le scénario évolutif de type anagénétique, menant du Lynx des cavernes au Lynx pardelle, semble plausible (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015, boscAini et Al. 2016), il faut bien reconnaître que parmi les Lynx des cavernes du sud de la France, certaines populations apparaissent davantage comme un cul de sac évolutif (testu 2011). Ces dernières n’ont probablement pas eu le même devenir que dans la Péninsule ibérique, du fait de plusieurs facteurs, comme la moins grande abondance du Lapin sur le versant nord des Pyrénées, l’arrivée plus précoce du Lynx boréal et une aire biogéographique méditerranéenne très réduite. De plus, même si aucune donnée ne permet de l’affirmer, le Lynx boréal et le Lynx des cavernes auraient pu s’hybrider lors (17) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE du maximum glaciaire dans les Pyrénées et dans les régions méditerranéennes, comme cela fut le cas entre les deux lignées humaines. 6.3. Présence du Lynx pardelle Que ce soit pour le sud-ouest de la France ou l’Espagne, et bien que les principales populations de Lynx pardelle semblent cantonnées au sud de la péninsule ibérique depuis le Moyen Âge, les seules hybridations possibles avec le Lynx boréal auraient été dans de petites populations de Lynx pardelle qui auraient subsisté jusqu’à l’âge des métaux, et exceptionnellement jusqu’au XXe siècle (clAVeRo & delibes 2013). Dans tous les cas, l’histoire démographique du Lynx pardelle semble caractérisée par quatre goulots d’étranglements révélés par l’étude génétique des populations reliques actuelles du sud de l’Espagne, dont la baisse de diversité génétique associée à un déclin drastique des populations originelles, a accentué la dérive génétique (AbAscAl et Al. 2016). Le premier goulot d’étranglement se situerait durant le Pléistocène moyen, entre 700 000 et 100 000 ans, lorsque l’interglaciaire Mindel-Riss autour de 400 000 ans a pu créer de nouvelles niches écologiques méditerranéennes exploitées par une partie de la population de Lynx des cavernes ; les individus ont alors développé une dentition plus simple et plus tranchante adaptée à la prédation des lagomorphes (clAVeRo & delibes 2013). La présence en abondance pendant le Pléistocène moyen et final en Espagne et dans une moindre mesure sur la côte méditerranéenne française jusqu’en Italie, de la principale proie du Lynx pardelle, le Lapin de garenne (mARchAndeAu et Al. 2006), explique la survie mais aussi l’évolution de Lynx pardinus. En effet, cette première sélection naturelle du prédateur et de sa proie est suivie d’une deuxième chute majeure des effectifs de populations des ancêtres du Lynx pardelle actuel il y a 47 000 ans, au moment du maximum glaciaire pour les Pyrénées, faisant passer la population ancestrale estimée à 27 000 individus à dix fois moins, soit 2 400 individus (AbAscAl et Al. 2016). Cette baisse drastique du nombre d’individus pourrait être lié au retour d’une période glaciaire, à la présence croissante de l’espèce humaine, ainsi que l’arrivée du Lynx boréal, ce qui cumulé a bien failli anéantir l’espèce. Absente des registres fossiles dans le Sud-Ouest, elle n’apparaît (ou ne réapparaît) qu’à l’Holocène à l’âge des métaux, au cours duquel sa population n’a cessé de chuter, car elle était notamment consommée par l’homme (ViGne & pAscAl 2006, cAllou 2011). Enfin il y a 315 ans, la population se serait une troisième fois fortement réduite pour atteindre 277 individus. La principale cause serait la déforestation massive qui s’accentua jusqu’au début du XXe siècle, pour atteindre moins de 100 individus il y a quelques décennies (AbAscAl et Al. 2016). La raréfaction de ses proies après l’introduction inconsciente du virus de la myxomatose au milieu du XXe siècle a peut-être contribué au dernier goulot d’étranglement pour l’espèce et pourrait 105 également expliquer la dernière diminution de son aire de répartition, confinée aujourd’hui au sud de l’Espagne. Ainsi la coexistence furtive des deux espèces actuelles de lynx dans le sud-ouest de la France n’aurait pu avoir lieu qu’à la fin du Pléistocène dans les Pyrénées-Orientales, et à l’Holocène également dans l’Aude et l’Hérault, comme elle a probablement eu lieu au nord de l’Espagne, des Cantabriques jusqu’au versant sud des Pyrénées (clAVeRo & delibes 2013, Jimenez et Al. 2018). 6.4. Des analyses complémentaires ? Durant l’Holocène, il apparaît donc clairement que le Lynx boréal est resté essentiellement cantonné aux régions biogéographiques alpines et atlantiques ibériques et françaises (Cantabriques et Pyrénées) et aurait quasiment déserté la région méditerranéenne en France. Et inversement, le Lynx pardelle se serait maintenu dans les régions biogéographiques méditerranéennes où vivait sa principale proie, le Lapin de garenne, ces deux contraintes biogéographiques et trophiques expliquant la répartition actuelle et passée des deux espèces de lynx pour la Péninsule ibérique et le sud-ouest de la France (clAVeRo & delibes 2013). Il reste à établir si les populations de Lynx pardelle qui étaient présentes pendant l’âge des métaux dans les PyrénéesOrientales, l’Aude et l’Hérault, provenaient d’une expansion des populations ibériques présentes depuis 35 000 ans en Catalogne espagnole comme à Ermitons (tissoux 2004), ou si elles correspondaient à des populations plus archaïques qui auraient survécu au-delà de l’Espagne (RodRiGuez-VARelA et Al. 2015). Cette dernière hypothèse pourrait expliquer la chute conjointe des effectifs de Lynx pardelle et de leur diversité génétique entre la fin du Pléistocène et le XVIe siècle (AbAscAl et Al. 2016). L’isolement avec d’autres populations françaises et italiennes aurait, au fil du temps, entraîné une interruption du flux génique, du fait de l’éloignement ou de la disparition de ces populations. C’est en cela que l’analyse des deux crânes de lynx conservés au Muséum d’Histoire naturelle de Perpignan est capitale. Si leur détermination indique qu’il s’agit bien de Lynx pardelle (ou d’hybrides) il s’agirait des spécimens les plus récents trouvés pour cette espèce en France depuis près de 3 000 ans (sommeR & benecke 2006, cAllou 2011). De même il serait intéressant de dater et d’analyser génétiquement le matériel attribué au Lynx pardelle dans le gisement archéologique de la Balma de l’Abeurador à FélinesMinervois estimé à 12 000 ans (VAqueR com. pers.). D’autres analyses pourraient déterminer l’ancienneté de la présence des deux autres taxa de lynx de notre région, le Lynx des cavernes et le Lynx boréal, avec la datation du matériel disponible, dont le crâne conservé au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse trouvé en 1973 à Asson dans les Pyrénées-Atlantiques (clot & besson 1974). Ces analyses permettraient aussi de dater la survivance de ces espèces dans le Sud-Ouest. Pour le Lynx des cavernes, cela concerne les restes osseux et des dents provenant de la grotte 106 HENRI CAP de Ramandils à Port-la-Nouvelle (Aude), daté entre 77 000 et 94 000 ans (Rusch et Al. 2019), le crâne de Montoussé (HautesPyrénées), ou les canines provenant des grottes de Lherm et de Massat en Ariège (clot & duRAnthon 1990). La détermination spécifique du matériel d’autres sites, comme celui de la Crouzade à Gruissan dans l’Aude, qui pourrait être du Lynx boréal (testu 2006), voire un hybride, est aussi nécessaire. Enfin, pour le Lynx boréal, la datation du seul squelette complet découvert en 1962 dans le gouffre du col d’Aran s’avère prioritaire. Les dernières analyses à mener concerneraient l’hypothétique survivance de lynx dans notre région avec l’étude des poils trouvés en 1982 par clAude beRducou en vallées d’Aspe et d’Ossau qui seraient conservés à l’école nationale supérieure d’agronomie de Toulouse et, la même année, par fRAnçois klein au col de Sesques (ARthuR com. pers.), qui ont été donné en 2005 au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse. Pour les autres données troublantes (photographies et empreintes) commentées dans cet article, plusieurs nouveaux moyens devront être déployés pour vérifier ou analyser ces indices de présence telles des techniques numériques d’atténuation de divers types de flou sur des clichés opportunistes, ou encore un recours aux analyses d’ADN environnemental permettant d’identifier du matériel génétique par simple prélèvement de substrat de traces supposées sur de la neige ou de la boue (dAufResne & thebAud com. pers.), sans omettre la prospection sur le terrain, malgré la grande étendue de la zone, couvrant l’Ariège et les Pyrénées-Orientales. Ce dernier département étant le moins prospecté par les réseaux Ours et Loup Lynx qui se concentrent davantage sur les Pyrénées centrales et occidentales (Gillodes com. pers.). Enfin, même si la pose de pièges photographiques échoue jusqu’à présent à révéler la présence du lynx, cette méthode de suivi des populations demeure intéressante puisqu’elle a fait ses preuves dans le nord-est de la France avec le Lynx boréal, et dans le sud de l’Espagne avec le Lynx pardelle. Peut-être les pièges photographiques ne sont-ils pas assez nombreux ou installés aux mauvais endroits ? Faut-il compléter l’investigation par une autre méthode, comme la repasse de cris d’appel au moment du rut, qui s’est montré plus efficace que les pièges photographiques dans le suivi des populations de Cervidés et de Primates au Japon (enARi et Al. 2019) ? Seul l’avenir le dira. (18) pour l’Étude et la Protection des Mammifères et le WWF France ont proposé à l’État qu’il mette en place un Plan National d’Actions pour la conservation du Lynx boréal en France, dont le but serait à court terme de renforcer les populations de Lynx boréal du nord-est de la France jugées en déclin, mais aussi d’envisager une réintroduction à moyen ou long terme dans les Pyrénées et le Massif Central (dRouilly 2019a). Cependant avant même d’envisager une réintroduction, et les difficultés qu’elle engendrerait, la disparition du lynx (lequel ?) doit être confirmée, ce qui n’est pas le cas, et conditionne l’identité de l’espèce à réintroduire. En effet, l’autre statut que pourrait avoir le lynx dans le sud-ouest de la France tiendrait à la survivance de rares et très discrets individus de Lynx boréal et/ou pardelle ou hybrides, ce qui ne pourra être établi de manière certaine que le jour où une dépouille, des poils, des excréments, ou un animal vivant seront découverts. Car même si la disparition officielle de lynx dans les Pyrénées remonte à près d’un siècle, le fait de passer aussi longtemps inaperçu a été le cas en Italie, où après avoir « disparu » depuis aussi longtemps que dans les Pyrénées, il serait réapparu dans le nord du pays en 1982 à partir de populations de Suisse et de Slovénie (loy et Al. 2019), mais aussi au centre de l’Italie, dans les Abruzzes, situés dans la partie centrale des Apennins, où sa survivance était supposée (tAssi & cAppiello 2003) avant qu’il ne soit redécouvert en 2007 puis photographié en 2015. Cette réapparition fait d’ailleurs l’objet d’une polémique reposant sur l’hypothèse d’une réintroduction clandestine. Plus près des Pyrénées, comme un signe d’un possible renouveau, un Lynx pardelle provenant du sud du Portugal a été capturé près de Barcelone le 29 mai 2018 (Fig. 8), alors que la dernière capture d’un Lynx boréal, en Catalogne espagnole, remontait à 90 ans. Ainsi, bien que l’hypothèse de la survivance du lynx dans les Pyrénées semble à priori peu crédible, celui à qui aurait profité le plus cet anonymat s’avérerait être le lynx lui-même, quelle que soit l’espèce, car il n’aurait eu que faire des législations humaines ou des chercheurs de vérité, sa disparition officielle ayant constitué pour lui sa plus grande protection... Pour vivre heureux, restons cachés ? Conclusion Au-delà de la recherche d’un scénario évolutif pour les espèces fossiles, que conclure si ce n’est d’envisager les deux statuts possibles pour le Lynx boréal dans le sud-ouest de la France ? Le statut officiel selon lequel l’espèce a disparu implique qu’une réintroduction pourrait être envisageable. Une telle opération est évoquée depuis quelques années en Espagne, où trois individus stérilisés et munis de collier GPS seraient susceptibles d’être relâchés dans le Val d’Aran, mais cela a été différée sous la pression des éleveurs (Ruiz-olmo com. pers.). En France, Il est évident qu’une telle décision devrait se faire en concertation avec la population locale et notamment les éleveurs pour savoir à quel endroit une réintroduction aurait le plus faible impact sur leurs activités (ARthuR 2014). En 2019, la Société Française Figure 8. Lynx pardelle, Lynx pardinus, âgé de 4 ans, venant du sud du Portugal et suivi grâce à son collier GPS, capturé dans la banlieue de Barcelone le 29 mai 2018 (© Agents rurals). (19) LE LYNX BORÉAL DANS LE SUD-OUEST DE LA FRANCE RemeRciements À GeoRGes GonzAlez et stephAne AulAGnieR (CEFS/INRA et UPS) pour avoir relu et amélioré ce texte, à didieR mARy et AlexAndRe mille (MHNP) pour leur aide concernant leurs collections, à JoRdi Ruiz-olmo (Generalitat y Universitat de Catalunya) pour les données espagnoles, ainsi qu’à miGuel delibes (Estacion Biologica de Doñana) pour son expertise anatomique sur le crâne de Perpignan, à AGnes testu (UPVD UMR 7194 HNHP) pour les données fossiles, à fRedeRic sAlGues et JeAn-pieRRe pompidoR pour les photos d’indices de présences actuels et à tAnGuy dAufResne (INRA) pour son aide dans leur interprétation. RéfeRénces AbAscAl, f., A. coRVelo, f. cRuz, J.l. VillAnueVA-cAñAs, A. VlAsoVA, m. mARcet-houben, b. mARtinez-cRuz, J.y. chenG, p. pRieto, V. quesAdA, J. quilez, G. li, f. GARciA, m. RubiocAmARillo, l. fRiAs, p. RibecA, s. cApellA-GutieRRez, J.m. RodRiGuez, f. cAmARA, e. loWy, l. cozzuto, i. eRb, m.l. tRess, J.l. RodRiGuez-Ales, J. Ruiz-oReRA, f. ReVeRteR, m. cAsAsmARce, l. soRiAno, J.l. ARAnGo, s. deRdAk, b. GAlAn, J. blAnc, m. Gut, b. loRente-GAldos, m. AndRes-nieto, c. lopez-otin, A. VAlenciA, i. Gut, J.l. GARciA, R. GuiGo, W.J. muRphy, A. Ruiz-heRReRA, t. mARques-bonet, G. RomA, c. notRedAme, t. mAilund, m. AlbA, t. GAbAldon, t. Alioto & J.A. Godoy. 2016. – Extreme genomic erosion after recurrent demographic bottlenecks in the highly endangered Iberian lynx. Genome Biology, 17,1: 251–269. AndRieu, V., J. hubschmAn, G. JAlut & G. heRAil. 1988. – Chronologie de la déglaciation des Pyrénées françaises. Dynamique de sédimentation et contenu pollinique des paléolacs ; application à l’interprétation du retrait glaciaire. Bulletin de l’Association française pour l’Étude du Quaternaire, 25, 2-3 : 55 – 67. 107 of Lynx pardinus (Carnivora, Felidae) from the Iberian Peninsula: Taxonomy and evolutionary implications. 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