Patrimoines du sud – 5, 2017
Une architecture d’exception
pour l’Église réformée de Ganges (Hérault)
Yvon comte
Ganges est, après les périodes difficiles de la fin du moyen-âge, un petit centre économique
dont la prospérité atteint son apogée à la fin du XVIe siècle grâce à la forte présence de la
communauté protestante des cévennes, notamment entre Saint-Hippolyte et Le Vigan, et à
la puissance de son organisation autour du consistoire. La ville reste considérablement marquée par les conflits religieux de cette période qui ne s’apaisent durablement, après l’épisode
terrible de son opiniâtre résistance aux persécutions des dragonnades, qu’à partir du concordat, au début du XIXe siècle. Le contexte spécifique du protestantisme cévenol, et particulièrement gangeois, est encore très présent ici et il est bien différent sociologiquement de
celui des riches communautés protestantes urbaines de Nîmes ou de montpellier. Le seigneur
de Ganges, comme ceux des environs, passe à la religion réformée dès 1560, ce qui entraîne
la conversion de la quasi totalité de ses sujets. Le consistoire exerce alors une forte emprise
sur la vie de la communauté qui, nonobstant des côtés certes positifs et charitables, impose
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une discipline radicale autoritaire, donnant lieu à certains excès et ceci jusqu’à la fin de la
guerre de trente ans en 1648. Alors en position de force, les protestants auraient accueilli en
1560, théodore de Bèze, le théologien humaniste, proche de calvin, venu en personne
prêcher (lors de son voyage de Genève jusque dans le sud-ouest)1.
Le contexte particulier du protestantisme à Ganges
même s’il n’est pas aussi fortement protestant que le département du Gard, le département
de l’Hérault compte une minorité significative d’adeptes de la religion réformée répartis dans
plusieurs secteurs isolés et principalement, bien sûr, dans le piémont cévenol au nord-est de
son territoire. Les chiffres donnés par les recensements anciens sont extrêmement difficiles
à interpréter2 mais la communauté réformée est vraisemblablement majoritaire à Ganges et
dans les communes voisines jusqu’à la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Les protestants sont aussi nombreux dans cette petite ville qu’à montpellier (où ils ne représentent
qu’une fraction minime de la population)3.
Le premier temple est bâti dès 1605, sur un terrain acheté par la ville avec les décombres de
la vieille église médiévale Saint-Pierre, détruite dans les années 1560. Sur le cadastre de
1837 (fig.1), la « Place de l’ancien temple » et la « rue du temple Vieux » situent bien le lieu
de culte protestant intra-muros, dans le premier cœur médiéval, objet de regrettables destructions à partir de 1906, où se trouvaient la première église et le château seigneurial.
ce « temple nouveau » était conçu sur un plan rectangulaire coupé longitudinalement en
deux parties pour séparer hommes et femmes. Il comportait une chaire bâtie, partie intégrante de la construction, et des bancs personnalisés pour les notables.
Après le retour progressif du pouvoir catholique, on assiste au renversement, sinon des convictions, du moins des opportunités politiques. c’est au tour du temple d’être démoli dès l’année de la Révocation en 1685. Plus tard, les dragons arrivent en nombre pour « convertir »
violemment la population. c’est ensuite la « traversée du Désert » avec la clandestinité des
pratiques cultuelles dans les foyers et la traque des pasteurs puis les « Assemblées du
Désert ». Durant cette période les catholiques qui ont repris le contrôle de la ville reconstruisent leur église. cependant, la « guerre des cévennes » fait rage et la ville est prise par deux
fois au tout début du XVIIIe siècle par le chef des camisards Pierre Laporte, dit Rolland. La
présence d’une dalle tumulaire commémore la mémoire d’un personnage majeur de la pensée
huguenote au siècle des Lumières : Jean Gal-Pommaret (sic), très digne pasteur de l’Église
1 - RoUQUette, Julien (abbé). Histoire de la ville de Ganges. montpellier, Imprimerie de la charité,
1904. BoVet, Jacques (pasteur). Bref aperçu du protestantisme gangeois de son origine à nos jours.
Centenaire du temple de Ganges les 27 et 28 octobre 1951. texte inédit, conseil presbytéral de l’Église
de la Haute Vallée de l’Hérault (UNePReF).
2 - cHoLVY, Gérard. « Les protestants de l’Hérault : essai d’évaluation numérique ». Annales du Midi,
1965, t. 77, n° 73, p. 319-335.
3 - cABANeL, Patrick (dir.). Itinéraires protestants en Languedoc XVIe-XXe siècles. montpellier, Les
Presses du Languedoc, 1998-2000 ; notamment t. 3 : Hérault, Rouergue, Aude et Roussillon.
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de Ganges, l’ayant desservie avec édification durant 42 ans, âgé de 72 ans, 1790 : organisateur de cultes « au désert », il participa à l’avènement de la Révolution4.
Fig. 1. Ganges (Hérault) ; extrait du plan cadastral de 1837 montrant le noyau médiéval avec mention des places
et rue du temple. © AD Hérault.
Il faut attendre la Révolution pour retrouver une paix relative entre les communautés. Les
protestants ne représentent plus qu’une minorité de la population sur le territoire national5
mais, dans quelques villes comme Ganges, elle est encore suffisamment nombreuse pour
avoir besoin d’un lieu de rassemblement conséquent. La situation s’améliore alors et les
protestants investissent quelquefois d’anciennes églises et notamment celles de couvents urbains. c’est le cas à montpellier ou à Nîmes6 et également ici à Ganges avec l’ancien couvent
4 - Jean GAL-PomARet (Saint-André-de-Valborgne, 1720 - Ganges, 1790), pasteur du Désert, pasteur
de Ganges de 1748 à 1790, formé à Lausanne entre 1745 et 1746 où il rencontre sans doute Laurent
Angliviel de La Beaumelle (Valleraugue, 1726-1773), qui est cévenol comme lui, avec qui il entretient
une correspondance ainsi qu’avec Voltaire et Rousseau. DU cAILAR, Émile et BeNoIt, Daniel. Gal-Pomaret, pasteur de Ganges, son temps, son ministère, ses écrits. Paris, Librairie évangélique, 1899.
5 - RoBeRt, Daniel. Les Églises réformées en France (1800-1830), Paris, PUF, 1961.
6 - À Nîmes, le grand temple est établi dans l’ancienne église des Dominicains et le petit temple dans
celle des Ursulines, toutes deux du XVIIIe siècle et inscrites au titre des monuments historiques en 1964.
Pour montpellier, il est frappant de constater la grande similitude de son histoire avec celle de Ganges.
toutes deux occupent depuis le concordat d’anciennes chapelles subsistantes du couvent des Franciscains dans les faubourgs de la ville qui, devenues trop exigües, sont remplacées par une nouvelle
construction, dès 1851 pour Ganges et, plus tard, à montpellier entre 1867 et 1870 (actuel grand temple de la rue maguelone, inscrit monument historique en 2003).
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des cordeliers. Détruit une première fois lors des guerres de religion, comme l’église paroissiale, le couvent couvrait une vaste superficie au nord-ouest de la ville médiévale, hors les
murs, à proximité des axes de communication. Il avait été reconstruit en 1673, sur injonction
donnée par le Parlement de toulouse aux consuls, mais dans des proportions beaucoup plus
modestes et abandonné dès la fin du XVIIe siècle. c’est là que s’édifient des casernes dans la
première moitié du XVIIIe siècle. Vendu comme bien national, en 1791, le couvent est investi
par les protestants en 1793. Il est ouvert sur la place de l’ormeau, où se passent les grands
évènements locaux. Le nouveau temple figure sur le cadastre de 1837, « rue du temple »,
comme un simple rectangle à l’angle est de cet espace. L’instauration du régime concordataire
sous Napoléon au début du XIXe siècle rend la condition des religions minoritaires plus claire
et leur autorise une certaine prospérité7. c’est d’autant plus vrai à Ganges où les protestants
sont de plus en plus nombreux, nécessitant plusieurs ministres du culte, supervisant également les communautés voisines de Gorniès et de cazilhac.
en 1842, l’ensemble est devenu trop petit et délabré. Le consistoire adresse une supplique
au maire : nous ne pouvons prévoir l’instant précis où un écroulement s’en suivrait mais la
certitude d’une pareille catastrophe ne peut être douteuse8. L’ancienne chapelle servant de
temple est donc entièrement détruite pour pouvoir édifier à la place le véritable monument
que la communauté protestante, encore riche et puissante, appelle de ses vœux pour affirmer
sa prépondérance. La nécessité est reconnue de faire construire un nouveau temple pour
remplacer celui actuel qui menace ruine et qui est insuffisant pour la population qui doit s’y
rassembler9. Le ministère des travaux publics finit par donner son accord en juin 1846 malgré
un rapport initial très critique de l’inspecteur général du conseil général des Bâtiments civils,
Achille Leclère. en effet, le projet présenté par Pierre-charles Abric, architecte départemental
de l’Hérault (entre 1833 et 1859)10 ne convainc pas, notamment en raison du parti pris du
plan heptagonal, dont la justification détaillée dans le devis descriptif paraît largement discutable comme on va le voir plus loin. Néanmoins le rapport définitif du conseil admet l’argumentaire présenté moyennant quelques modifications à la marge. L’adjudication date
d’octobre 1847. La commission nationale des arts et édifices religieux vient alors tout juste
d’être créée pour essayer d’introduire un peu de qualité dans la multitude de projets
affligeants qui fleurissent à cette époque. elle examine le projet en juillet 1848 (le rapporteur
en est le luthérien charles Frédéric cuvier)11 puis l’adopte en septembre de la même année
sur le rapport de Viollet-le-Duc en personne. Les travaux durent trois ans et sont terminés
pour l’essentiel en 1851 (réception provisoire des travaux) mais la réception définitive
7 - cHANtIN, Jean-Pierre. Le régime concordataire français. La collaboration des Églises et de l'État
(1802-1905), coll. Bibliothèque Beauchesne, Paris, Beauchesne, 2010.
8 - BoVet, op. cit.
9 - BoVet, op. cit.
10 - AD Hérault. 2 o 111 ; Pierre charles Abric (1799-1871) est l’auteur, à montpellier, du conservatoire
d’anatomie de la faculté de médecine, de la maison centrale (prison) et surtout du Palais de Justice
(1846-1853). Il intervient sur près de soixante églises et temples de l’Hérault.
11 - AN. F 19 4544. commission des arts et édifices religieux (1848-1853). construction du temple
protestant, rapporteur charles Frédéric cuvier (1848) ; 6 septembre 1848, 14e séance, rapporteur Viollet-le-Duc, projet adopté. SoUcHoN, cécile. « Les avis des membres du conseil des Bâtiments civils
relatifs aux constructions de temples protestants et à leur esthétique (XIXe siècle) », Chrétiens et Sociétés, 2011, N° spécial I, p. 173-200.
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n’interviendra qu’au mois de mars 1856. Pendant les travaux, le culte protestant se tient provisoirement sur la place dans la halle de la Place couverte, où les fidèles étaient abrités derrière des tentures tendues entre les colonnes de pierre. La construction, que les protestants
ont voulue comme une des plus imposantes de la région, avait été estimée initialement à
86 000 francs. Nous devons au travail très documenté du pasteur Jacques Bovet, réalisé en
1951 pour le centenaire de l’inauguration du temple, quelques détails intéressants sur la
phase de construction12. La municipalité prévoit 40 000 francs sur huit ans et l’État 25 000
francs sur cinq ans et exige qu’une souscription réunisse au moins 6 000 francs. en fait, celleci atteindra les 16 000 francs tant la mobilisation de la communauté se révèle massive. cela
ne couvrait pas d’importants frais annexes comme le coût de la chaire, qui est monumentale,
Fig. 2. Ganges (Hérault) ; temple protestant ; vue d’ensemble du côté de la
façade principale au sud-ouest. M. Kérignard © Inventaire général Occitanie.
12 - BoVet, op. cit.
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et une partie des autres ouvrages de menuiserie. Le pasteur Amédée d’estienne rêve même
de doter l’édifice d’orgues à la mesure de ses ambitions, mais celles-ci ne seront jamais réalisées. Dès 1848, la commission des travaux du temple s’alarme : tous les travaux sont à peu
près suspendus, l’entrepreneur est dans l’impossibilité de faire de nouvelles avances… ainsi
plus de quatre-vingt ouvriers vont se retrouver sans travail13. c’est qu’en effet, une période
de relative prospérité s’achève avec la crise de la sériciculture en cévennes. Le consistoire et
la commune lancent un appel à l’État qui débloque une aide suffisante pour que l’inauguration
puisse avoir lieu le 31 octobre 1851. L’ampleur des festivités qui marquent ce jour n’a pas
d’égale ; qu’on en juge : outre les officiels, quarante pasteurs font le déplacement à cette occasion et les solennités sont grandioses devant une foule nombreuse, célébrant la communion
de toute la population et de la République ! L’édification d’un tel monument qui aurait selon
les chroniques de l’époque accueilli alors plus de 1 500 personnes est bien emblématique de
ce particularisme social et culturel. Le temple aura coûté en réalité 90 700 francs14.
Par ailleurs, son architecture présente des caractères remarquables à plus d’un titre, principalement du fait de son plan centré heptagonal (fig.3) qui est un unicum dans le corpus régional, où la banalité des modèles et leur grande modestie dominent largement, mais aussi
Fig. 3. Ganges (Hérault), temple protestant ; AN F 21 1885,
Beaux-arts, Conseil
général des Bâtiments
Civils, 1846/06 ;
calque : plan, « Hérault,
temple protestant pour
l’église réformée de
Ganges, juin 1848 ».
Le plan du temple de
1848 apparait superposé au plan des vestiges du couvent des
Cordeliers.
© Archives Nationales.
13 - BoVet, op. cit.
14 - cLemeNceAU, op. cit.
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par la place éminente qu’il occupe dans l’histoire et le paysage urbain de la petite ville
cévenole héraultaise15.
Le contexte local de l’architecture des temples et leur protection au titre des
monuments historiques
Au début du XIXe siècle, l’architecture religieuse est quasi-systématiquement de style néoclassique16, rappelant les temples et bâtiments officiels de l’Antiquité gréco-romaine. Ainsi le
Gard est-il déjà couvert de temples à la belle façade à portique à colonnes et tympan triangulaire sur entablement dorique ou ionique comme celui d’Anduze17 ou de Saint-Hippolytedu-Fort. ceux-ci copient fidèlement le vocabulaire et les modèles des traités d’architecture,
tels les édifices dus à charles-Étienne Durand18. cet architecte conçoit plusieurs autres édifices
remarquables présentant le même aspect extérieur souvent à plan centré sur le cercle ou le
demi-cercle comme ceux de Beauvoisin, Lasalle ou Vauvert. en revanche, au-delà de l’entrée,
sauf quelques cas comparables à ces derniers, le bâtiment reste sobre pour s’adapter au culte
réformé refusant le faste ostentatoire, mais aussi en raison du fréquent manque de moyens
financiers19.
15 - Il est intéressant de signaler que la communauté catholique qui ne disposait que de la vieille église
Saint-Pierre déplacée hors les murs à la fin du XVIIe siècle, et alors en bien mauvais état, ne put bénéficier d’un lieu de culte d’importance comparable que plusieurs années plus tard. construit à la hâte
entre 1686 et 1691, l’édifice doit être rebâti de toutes pièces : une souscription est lancée dès 1850
(l’architecte montpelliérain omer Lazard produit un devis d’agrandissement). Après plusieurs projets
pour lesquels la commission des arts et édifices religieux demande de nombreuses et importantes modifications, le projet de reconstruction fait l’objet d’un rapport de Viollet-le-Duc en 1852 mais ce n’est
qu’en 1859 que l’édifice est mis en chantier après l’intervention en 1858 de Henry-Antoine Revoil. La
consécration n’a lieu qu’en 1866. Le coût (127 000 francs) sera nettement supérieur à celui du temple
en raison notamment de la riche ornementation de l’architecture (fresques par Jacques Pauthe) avec
ses deux hauts clochers encadrant la façade initialement prévus munis de flèches (démolies), rivalisant
et dépassant en ambition l’édifice de culte des rivaux protestants. AD Hérault. 2 o 111-11. Ganges,
église, élévation (façade et coupe). Revoil (Nîmes) 1858 ; 2 o 111-16. Ganges, église, projet reconstruction, 4 plans, 1856 ; exécution 1860-1870. AN F 19 4544. commission des arts et édifices religieux
(1848-1853) ; reconstruction de l’église. GUY, marcel (abbé). Les églises Saint-Pierre de Ganges : Études
sur Ganges. Nîmes, c. Lacour, 1996. cLemeNceAU, Robert. Les édifices religieux du département de
l’Hérault au XIXe siècle. thèse, Université montpellier I, montpellier, 1992.
16 - ReYmoND, Bernard. « Les temples protestants réformés aux XIXe et XXe siècles », Chrétiens et Sociétés, 2011, N° spécial I, p. 201-221. ReYmoND Bernard, L’architecture religieuse des protestants,
Labor et Fides, Genève, 1996.
17 - classé au titre des monuments historiques en 1979.
18 - charles-Étienne Durand (montpellier 1762-Nîmes 1840) : ingénieur des Ponts-et-chaussées ; il a
travaillé à la restauration de la maison carrée de Nîmes et sur les monuments antiques du Gard ; il est
un excellent connaisseur de l’architecture classique et se spécialise dans la construction des temples.
NIcoLAS, Fabien. « Un exemple de la vie artistique en province à la fin du XVIIIe siècle : la Société des
Beaux-Arts de montpellier (1779-1787) ». Dans PeLLIceR, Laure. Société et culture à Montpellier vers
la fin du XVIIIe siècle, actes de la journée d'études du 28 mai 1999. montpellier, UPV, 1999. SoUcHoN,
cécile. Op. cit.
19 - exemples de plans centrés (hexagonaux ou octogonaux) : La calmette dans le Gard (Inscrit mH
1991) et meyrueis en Lozère (Inscrit mH 2008) ; d’autres temples sont inscrits : le collet-de-Dèze en
Lozère (1984) en tant que seul subsistant du XVIIe siècle ; Salinelles (1991) présente une façade pittoresque librement inspirée du baroque d’Amérique latine ; plusieurs temples néo-classiques sont inscrits
au titre des monuments historiques en 2012 : Beauvoisin, Bernis, Quissac et Vauvert ; puis, en 2015 :
Gallargues-le-montueux et Lussan.
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Un peu plus tard, beaucoup se calquent sur
le modèle le plus fréquent des églises néoromanes ou romano-byzantines comme le
temple d’Alès (1864-1869) par Henry
Antoine Revoil20. Le cas du grand temple
néo-romano-byzantin de la rue maguelone
à montpellier, de plan centré, est exceptionnel par ses grandes proportions et la qualité
de son décor21 (fig.4). Le dernier quart du
XIXe siècle s’inspire davantage, comme
pour les églises catholiques, du style néogothique, pourtant moins bien adapté au
culte protestant.
Face à la faible considération dont bénéficie
l'architecture de ces temples, à leur grand
nombre et à la difficulté d'en sélectionner
les exemples les plus représentatifs, seuls Fig. 4. Montpellier (Hérault) ; Grand temple de la rue Maguelone, façade à galerie d’arcades romano-byzantines.
les cas les plus exceptionnels ou originaux J.-M. Périn © Inventaire général Languedoc-Roussillon.
sont protégés au titre des monuments historiques : 18 temples sont protégés en tout
(13 dans le Gard, 2 dans l’Hérault et 3 en
Lozère) dont 5 anciennes églises réaffectées. en 1989, la commission régionale du patrimoine
historique, archéologique et ethnologique (co.Re.P.H.A.e.)22 avait entamé la discussion sur
la représentativité de tel ou tel édifice dans la série et sur la conjoncture locale (demande de
protection, besoin de travaux, position de la commune ou de l’association cultuelle …) et avait
conclu à la nécessité de faire réaliser une étude plus large ; ce qui fut engagé grâce au travail
de Véronique Ripoll23 qui a permis de faire le point sur les sources d’archives mais qui,
inachevé vu l’ampleur de la tâche, n’a pas été suivi d’une campagne de protection systématique. Par ailleurs, le débat est relancé favorablement sur la problématique de la prise en
20 - Henry Antoine Revoil (Aix-en-Provence 1822-mouriès 1900) : architecte en chef des monuments
historiques en 1852 et architecte diocésain de Nîmes et de montpellier, il construit de nombreuses églises
de style néo-médiéval et intervient dans la restauration de plusieurs monuments antiques.
21 - Le Grand temple de montpellier, déjà cité, est réalisé par Louis corvetto dans un style « romanobyzantin » sur un plan centré en croix grecque avec trois tribunes. Selon t. Lochard et F. Labarbe, Le
plan centré répond au programme défini par le conseil presbytéral qui met l’accent sur la prédication
(...). L’architecte affirme ainsi l’unicité de l’espace cultuel, s’opposant à la mise à l’écart de l’espace liturgique qui s’impose dans les projets contemporains comme celui d’Alès, par Revoil (1861-1868). Le
décor inspiré du vocabulaire de l’art roman anime l’espace intérieur avec retenue conformément aux
impératifs cultuels réformés. (LABARBe, Franck et LocHARD, thierry. Le grand temple de Montpellier,
montpellier, DRAc, Association pour la connaissance du patrimoine en Languedoc-Roussillon, Paris, Éd.
du Patrimoine, 1998). Il remplace l’ancienne chapelle des cordeliers, transformée en temple dans la
1ère moitié du XIXe siècle, marquée par l’ajout d’une façade néo-classique à fronton triangulaire (inscrit
mH 1977).
22 - LANGUeDoc-RoUSSILLoN. conservation régionale des monuments historiques. PV de la
CO.RE.P.H.A.E., montpellier, DRAc Languedoc-Roussillon, 1989.
23 - RIPoLL, Véronique. Architecture des temples protestants du XIXe siècle. mémoire de DeA, Université
de Provence, 1990. LANGUeDoc-RoUSSILLoN. conservation régionale des monuments historiques.
Etude sur les temples réformés du Languedoc-Roussillon. RIPoLL, Véronique, montpellier, DRAc Languedoc-Roussillon, 1992.
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compte du patrimoine protestant lorsqu’en 2001, la commission régionale du patrimoine et
des sites du Languedoc-Roussillon (c.R.P.S)24 propose la protection du cimetière protestant
de Nîmes ainsi que de la maison et du tombeau du pasteur Paul Rabaut25. en revanche, la
tentative de protection du temple du village de Graissessac (Hérault) reçut un avis négatif en
2004 : comme pour d’autres propositions ou demandes de protection de temples considérés
comme ordinaires sans caractère exceptionnel, la DRAc renvoie systématiquement sur une
demande d’aide au titre du patrimoine non-protégé26.
Description du temple actuel
ce grand monument (30 mètres de largeur totale) pouvant accueillir plus de 600 fidèles est d’un style néoroman très sobre et dépouillé (fig.5). Le décor est réduit
aux chapiteaux sculptés des colonnes. Son plan est particulièrement intéressant ; il est centré sur un espace
entouré d’une galerie à colonnade sous une coupole
(fig.6). on l’a vu, on trouve ce principe appliqué dans
quelques rares temples de la région. mais ici, il offre la
particularité d’être conçu sur le module du chiffre sept,
ce qui est particulièrement rare et original27 (fig.7).
en effet, ce plan heptagonal est également rarissime
dans l’architecture car sa réalisation savante relève du
chef d’œuvre expérimental, compte tenu de la difficulté
qu’il y a à transformer en trois dimensions un polygone
tracé sur ces bases-là28.
Fig.5. Ganges (Hérault), temple protestant ; AN F 21 1885, Beauxarts, Conseil général des Bâtiments Civils, 1846/06 ; calque : élévation, « Hérault, temple protestant pour l’église réformée de Ganges,
juin 1848 ». © Archives Nationales.
24 - LANGUeDoc-RoUSSILLoN. conservation régionale des monuments historiques. PV de la C.R.P.S.,
montpellier, DRAc Languedoc-Roussillon, 2001.
25 - Inscrits mH en 2001.
26 - LANGUeDoc-RoUSSILLoN. conservation régionale des monuments historiques. PV de la Délégation
permanente de la C.R.P.S., montpellier, DRAc Languedoc-Roussillon, 2004.
27 - Plan centré hexagonal : La calmette, mialet, monoblet, meyrueis, …
28 - on ne connait guère dans la région que l’extraordinaire église romane Sainte-marie de l’Assomption
de Rieux-minervois (Aude) qui présente un tel parti (classée mH 1840). elle est bâtie dans la seconde
moitié du XIIe s. sur un plan centré basé sur le chiffre sept : sa rotonde heptagonale abrite une coupole
couvrant le sanctuaire marqué de quatre piliers et trois colonnes. Sa sculpture est due au fameux « maître de cabestany ». De plan pentagonal, on ne peut citer que deux créations architecturales de la Renaissance volontairement singulières : le château des Farnèse à caprarola près de Rome, et le château
de maulnes en Bourgogne, qui pourrait avoir été directement inspiré par le précédent.
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Fig. 6. Ganges (Hérault) ; temple protestant ; coupole
vue du sol. M. Kérignard © Inventaire général région
Occitanie.
Fig.7. Ganges (Hérault), temple protestant ; AD Hérault
2 O 111/12-3 ; plan de l’étage par Jean de Richemond,
1937-1938. © AD Hérault
Il est tentant d’évoquer le symbolisme riche du chiffre sept (« les sept piliers de la
Sagesse »29, …) pour son usage liturgique mais, ici, il semble bien qu’il ne faille pas chercher
quelque explication ésotérique. en effet, le conseil général des bâtiments civils n’a pas manqué de s’étonner de ce parti inaccoutumé que l’architecte charles Abric explique de façon très
pragmatique en justifiant son choix par la nécessité d’offrir une façade d’entrée alignée sur
la route royale. Il y revient encore dans son « devis descriptif des travaux à exécuter pour la
construction d’un temple pour l’église réformée de Ganges » produit le 29 mars 1847 : par
suite de l’alignement à donner à la route royale traversant la ville de Ganges et passant devant
le temple de l’Eglise réformée, le sol affecté au nouvel édifice serait disposé d’une manière
irrégulière qui a motivé la forme du nouveau temple30.
Une importante modification de ce projet est néanmoins rendue nécessaire par le manque de
profondeur de l’espace disponible au-devant de l’entrée, sur la place où passe la route. Le
portail est en plein-cintre : une grande porte ornée de colonnettes et d’un style religieux mixte
approprié au culte de l’Eglise protestante. Il s’ouvre sur un porche couvert et fermé qui devait
être précédé d’un perron surélevé. en fait, celui-ci sera réduit à quelques marches qui se
substituent au parvis non réalisé faute de place, ce qui aurait nécessité de reculer l’édifice
rendant la rue à l’arrière trop étroite.
29 - D’après un verset de la Bible : La Sagesse s’est bâti une maison ; elle a taillé sept colonnes (Proverbes IX, 1-6). on a du mal à nier toute intention symbolique dans le contexte de la théologie protestante tant cela s’accorde parfaitement à la construction d’un temple avec le recours direct à l’Ancien
testament qui sanctifie particulièrement les sept jours de la création ou la construction du temple de
Salomon, idéal de tous les lieux saints juifs et chrétiens, en sept ans, ...
30 - AN. F 19 10664 ; AD Hérault. 2 o 111-19, 1847. Ganges, temple, devis descriptif des travaux à
exécuter pour la construction d’un temple pour l’église réformée de Ganges, charles Abric, 1847.
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À l’intérieur, les circulations sont ainsi définies :
À droite et à gauche du porche il serait construit deux escaliers pour monter aux tribunes
formées par le premier étage de la galerie intérieure, une deuxième porte placée au fond du
vestibule servirait à la communication intérieure
du temple. ces escaliers forment une élégante
spirale. Pour monter ensuite jusqu’à la chambre
des cloches, un escalier étroit s’appuie au mur
intérieur du clocher et offre une vue inédite sur
le vide intérieur de la tour révélant la structure
complexe permettant de passer du plan carré
de la base au plan polygonal de la tourelle par
l’intermédiaire de trompes d’angles parfaitement appareillées sur le modèle de celles que
l’on trouve dans l’art roman (fig.8).
Deux portes latérales secondaires sont ménagées et un bâtiment pour le Consistoire serait
adossé sur un des côtés du temple. Il serait divisé en deux pièces, l’une servant de salle de
Conseil, l’autre de cabinet pour le pasteur31.
Actuellement, un modeste bâtiment rectangulaire, appelé « petit temple », occupe tout l’espace encore libre au sud-ouest du temple.
Faisant écho au beffroi municipal à campanile
tout proche, la tour-clocher à pans coupés
(fig.9), sur base carrée se signale dans le
paysage urbain par sa silhouette et sa hauteur
exceptionnelle de 30 mètres : Le clocher placé
au-dessus du porche dominerait l’édifice, les
tables de la Loi seraient placées avec d’autres
inscriptions, soit au-dessus de la tour du
clocher, soit dans le tympan ou la frise de la
porte d’entrée selon le dessin de la façade joint
au projet32. Une modification plus importante du
projet initial est demandée par le conseil
général des bâtiments civils : le crénelage de la
tour est jugé inapproprié et sera remplacé par
l’élégante tourelle sommitale ajourée de baies
minces sous sa flèche pointue lui donnant des
Fig.8. Ganges (Hérault), temple protestant ; trompes
d’angle à l’intérieur du clocher. M. Kérignard ©
Inventaire général région Occitanie.
Fig.9. Ganges (Hérault), temple protestant ; clocher
polygonal à lanterneau ajouré. M. Kérignard © Inventaire général région Occitanie.
31 - AD Hérault 2 o 111/12-1 et 2. Projet de construction d'un bâtiment consistorial, ch. Abric (1851,
1884).
32 - Les catholiques auront à cœur de doter leur nouvelle église plus tard de deux hauts clochers en façade, surmontés d’audacieuses flèches qu’il a fallu démolir par la suite.
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allures de lanterne des morts. Une cloche y est
installée en 183733.
Le vaste espace central (fig.11 et 12) est dégagé
sans support intermédiaire sous une haute
coupole qui culmine à 23 mètres du sol. elle est
rythmée par un faisceau de sept ogives réunies
par une clé pendante au simple motif végétal.
elle reçoit une abondante lumière grâce à une
série de quatorze hautes baies cintrées ouvertes
en pénétration à la base de la voûte. ce dispositif
répond au critère majeur du culte réformé où
l’assistance doit être en prise directe avec le pasteur qui répand la parole des écritures. Il respecte le plan général heptagonal, basé sur un
rayon de 7 mètres (donc pour un diamètre de 14
mètres). c’est aussi la raison du développement
accordé aux galeries (de plus de 3 mètres de
large), basse et haute (ou tribune), pour assurer
à tous la même proximité. elles sont ouvertes par
sept doubles-arcades en plein-cintre de 4 mètres
de large (pour plus de 11 mètres de longueur du
côté extérieur), reposant sur des colonnes à
chapiteaux feuillagés (fig.10) à la mode médiévale34. Les motifs sculptés sont différents les uns
des autres comme le pratiquaient les sculpteurs
du moyen Âge et finement traités au trépan. De
plus, un discret effet de polychromie est produit
par les différentes teintes de gris de la pierre utilisée, animant d’une certaine vie un travail malgré
tout un peu mécanique. Aux sept angles de la
tribune, le problème de la jonction des berceaux
voûtés a été traité de façon assez sommaire par
le biais d’un simple arc doubleau en plein cintre
de largeur inégale complété par un faisceau
d’arêtes.
L’ensemble est réalisé en maçonnerie de moellons
et l’usage de la pierre de taille (pierre locale,
notamment de Sumène et de Pompignan) est
réservé aux piédroits, linteaux, appuis et plates-
Fig. 11. Ganges (Hérault), temple protestant ;
AN F 21 1885, Beaux-arts, Conseil général des Bâtiments Civils, 1846/06 ; calque : coupe, « Hérault,
temple protestant pour l’église réformée de
Ganges, juin 1848 ». © Archives Nationales.
Fig. 10. Ganges (Hérault), temple protestant ; détail de la sculpture des chapiteaux. Yvon Comte ©
CRMH, DRAC Occitanie.
33 - AD Hérault. 7 V 31 : réparations et mise en place de la cloche. 1837-1866.
Bien que sans rapport explicite, on ne peut éviter de comparer la silhouette de la tourelle avec celle de
la souche cylindrique d’une cheminée du XIIIe siècle qui s’élève tout près au-dessus de l’ancienne maison
de l’Aumône, rue Vacquerie.
34 - Selon les plans et coupe réalisés lors du dernier projet important de réparations : AD Hérault 2 o
111/12-3 et 4. temple de Ganges, Jean de Richemond (1937-1938).
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bandes ; les voûtes sont en briques hourdées au mortier. Les éléments sculptés sont en
« pierre froide » (calcaire dur local) et précisément indiqués : un grand cul de lampe, sept
grands chapiteaux de colonnes et quatorze aux 2/3, (…) pour le rez-de-chaussée, répétés à
l’identique pour la galerie d’étage auxquels s’ajoutent les quatre chapiteaux de la porte d’entrée et les simples « quatre feuilles » pour les portes latérales.
Actuellement, un badigeon intérieur a uniformisé largement l’ensemble lors de travaux effectués ces dernières années par la commune : une couleur ocre jaune pâle couvre les fonds
tandis que les structures sont soulignées en blanc.
Fig. 12. Ganges (Hérault), temple protestant ; volume intérieur sous coupole. M. Kérignard © Inventaire général région Occitanie.
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Sept médaillons circulaires, occupant la place d’oculi
au-dessus de chacune des doubles arcades aveugles,
scandent les garde-corps de la tribune ; ils portent
les inscriptions suivantes : Je suis le chemin la Vérité
et la Vie, Je suis la résurrection, Crois au seigneurJésus et tu seras sauvé, Le Juste vivra par la Foi, Le
sang de Jésus purifie de tout péché, Aimez-vous les
uns les autres, Nous prêchons Christ crucifié (fig.13).
mais, contrairement à ce qui était proposé initialement, on ne trouve nulle part les « tables de la Loi »
qui sont, habituellement et souvent, l’unique ornement des temples protestants avec la représentation
du Livre ouvert.
Fig. 13. Ganges (Hérault), temple protestant ;
médaillons portant des paroles saintes. Yvon
Comte © CRMH, DRAC Occitanie.
La chaire constitue le point focal ; elle est placée au nord-ouest, bien en évidence, dans l’axe
face à l’entrée. c’est l’élément le plus spectaculaire de l’ensemble par sa taille et la qualité de
Fig.14. Ganges (Hérault), temple protestant ; chaire monumentale. M. Kérignard © Inventaire général région Occitanie.
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sa menuiserie (fig.14). De part et d’autre de celle-ci, deux grandes plaques de marbre rectangulaires au cadre mouluré sont dédiées « aux morts pour la Patrie 1914-1919 » dont les
cinquante-cinq noms sont gravés. Le sol est pavé de larges carreaux de terre cuite rustiques.
De simples bancs de bois occupent l’espace central qui, étant en léger décaissé par rapport à
la galerie de rez-de-chaussée, a nécessité d’adapter chaque rangée à l’angle particulier de
l’heptagone.
Les archives communales et départementales conservent de nombreux dossiers sur divers
travaux d’agrandissements et réparations qui ont évidemment dû être entrepris au cours de
la deuxième partie du XIXe et de la 1ère partie du XXe siècles35.
conclusion
certes d’autres temples héraultais marquent encore l’est et le nord du département, là où
existaient de modestes communautés protestantes isolées. La plupart manquent totalement
d’intérêt architectural. certains mériteraient pourtant l’attention mais aucune étude ne permet
actuellement à notre connaissance de sélectionner les plus remarquables d’entre eux. on
signalera néanmoins celui de cournonterral (1818-1836) qui, par sa façade à fronton triangulaire néo-classique, ressemble beaucoup, en plus simple, à l’église catholique construite à
la même période par le même architecte Jean-Antoine millias et on relèvera quelques cas particuliers qui retiennent l’attention par la qualité de tel ou tel aspect de la construction ou du
décor comme : Graissessac avec son plafond peint, Villeveyrac (1857), dû à l'architecte
Arribat, conçu selon un plan hexagonal, Lunel (1851), par Louis corvetto (l’architecte du
grand temple de montpellier) avec une belle façade néoclassique au décor à l’antique
exemplaire (colonnes cannelées engagées, fronton triangulaire interrompu, corniche à denticules ...) ou marsillargues, néo-classique, qui date du premier quart du XIXe siècle avec son
petit clocher octogonal couvert d’un dôme mais aussi, sur la même commune, plus original,
le « petit temple » de l’ « église libre » issue d’une scission au sein des Réformés : il est d’un
style néogothique rarement utilisé, qu’on pourrait qualifier de « renaissance anglaise », construit à la fin du XIXe siècle. Plusieurs ont déjà disparu (Pézenas) ou sont actuellement désaffectés et donc menacés.
Par ailleurs, il importe de signaler comme élément majeur du patrimoine du protestantisme
régional, outre le cimetière protestant de Nîmes déjà cité, celui de montpellier dont la création
est ancienne puisqu’un cimetière des non-catholiques avait été décidé dès 1789 mais abandonné au cours de la tourmente révolutionnaire. Il est mis en place en fait en 1809, année
de la première inhumation et verra plusieurs agrandissements successifs ; il possède une
chapelle bâtie en 1890 et un monument aux morts36.
35 - Ac 2 m 3. Réparations et agrandissements du temple et de l’église réformée de Ganges, dossier de
travaux, devis, plan, correspondance (1806-1939) ; construction d’un vestiaire pour le pasteur (18661867) ; AD Hérault 2 o 111. Reconstruction (1846-1865), réparations, agrandissements (1884-1938).
36 - DeLoRmeAU, charles. « Les cimetières protestants de montpellier ». Dans Actes du XXXVIe congrès
de la fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Lodève, 1963. montpellier,
Faculté des lettres, 1963.
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Le temple de Ganges, comme on l’a vu, se distingue nettement comme le plus exemplaire à
la fois par son originalité dans le contexte particulier du protestantisme local, et au-delà, au
niveau régional, en tant que marqueur de l’identité culturelle cévenole. Son apparence extérieure, bien que remarquable pour l’œil averti, ne laisse pas soupçonner avec sa façade
somme toute habituelle, l’ampleur et la qualité de son espace intérieur et les raffinements
architecturaux qu’il recèle. Il mérite d’être mieux connu comme un des emblèmes d’une mémoire collective profondément ancrée dans l’histoire des mentalités religieuses et sociales
languedociennes.
Yvon comte
chargé d’études documentaires principal
chargé de la protection des monuments historiques
à la conservation régionale des monuments historiques
Direction régionale des affaires culturelles d’occitanie
Pour citer cet article :
Yvon comte « Une architecture d’exception pour l’Église réformée de Ganges (Hérault) », Patrimoines
du sud [en ligne], 5 / 2017, mis en ligne le 1er mars 2017, consulté le
.
URL : https://inventaire-patrimoine-culturel.cr-languedocroussillon.fr
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