Mon cadre de recherches Mon projet de thèse concerne l’émergence récente de nouvelles pratiques rituelles dites « New Age » en Sardaigne, appelées Nuraxìa. En tant que doctrine écrite en 1983 par Raimondo De Muro, la Nuraxìa se présente...
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Mon projet de thèse concerne l’émergence récente de nouvelles pratiques rituelles dites « New Age » en Sardaigne, appelées Nuraxìa. En tant que doctrine écrite en 1983 par Raimondo De Muro, la Nuraxìa se présente comme une mythologie contemporaine, un manuel pratique de néo-chamanisme, et un système de sens polysémique à la fois localiste sarde et admettant des références explicitement globales. Toutefois, si la Nuraxìa de De Muro semble incontournable au niveau du discours des spécialistes rituels de tout bord, elle constitue un cadre de référence strict et exclusif pour certains pratiquants indépendantistes sardes, et une référence totalement inconnue pour les « touristes spirituels » en provenance du continent. Restent en commun pour ces deux tendances des pratiques néo-chamaniques individuelles et de groupe que j’appelerai synthétiquement Nuraxìa, et dont le but avéré est dans tous les cas la guérison holiste du Higher Self (Heelas, 1996), soit la transformation du « soi jungien » par l’intermédiaire d’une agentivité « énergétique » prêtée aux sites mégalithiques servant de support. Par le biais de références empruntées aux pratiques ancestrales sardes ou allogènes idéalisées, à la méditation bouddhiste, à l’ufologie, aux sonorités égyptiennes antiques, à la radiesthésie, la métamorphose rituelle de la tendance « New Age » que j’étudie implique de nouvelles relations « entre soi et soi », mais aussi « entre soi et l’Autre ».
Dans ce contexte, je traite de l’« énergie » comme relation rituelle, mais aussi comme référent permanent dans les relations « transformées » d’après rituel. À travers l’idée moniste du « Tout est Un » holiste, chacun vient paradoxalement à ces rituels pour entretenir son propre bien-être physique et spirituel. Nous avons là un concept à la fois global (traversant cultures, lieux et ontologies), et particulier (l’individu vient en Sardaigne trouver un certain type d’«énergie»), spirituel et laïc (le « sacré » est ici une idée de divin acéphale et a priori individualiste : sans dieux, sans religion ni communauté). En cela, les rituels de la Nuraxìa constituent un exemple didactique plus général pour notre temps, où de nouvelles formes para-religieuses transversales et individuelles ouvrent une voie privilégiée pour une reconfiguration identitaire locale en relation avec la post-modernité globale.
Le corps, identité rituelle flottante et fixe
À l'aide d'exemples tirés de mon terrain sarde, je tenterai d'illustrer par quels biais le corps du participant aux rituels mégalithiques devient lui-même le facteur de sa transformation identitaire au terme d'un changement de point de vue sur sa propre personne et sur le monde. Je ferai également une comparaison filmique entre les pratiques de guérisseurs « traditionnels » et les pratiques « New Age » proprement dites afin qu’à partir de ce qui est appelé globalement Nuraxìa par mes informateurs, vous puissiez voir la différence qui existe entre leurs deux expressions corporelles rituelles.
Dans les rituels de la Nuraxìa, le corps est mobilisé dans la danse, le chant, le dessin, les accolades, l’onction d’eau, la transe, les massages, etc. Sans le biais de ce « corps qui fait » sans toujours savoir ce qu’il fait, la transformation reste du domaine de l’expérience individuelle. En revanche, le corps individuel devient dans la Nuraxìa un véritable témoignage pour le reste du groupe. Ce corps sensible aux « énergies » bonnes ou mauvaises est donc un moyen privilégié pour comprendre à quel moment et dans quelles conditions survient la « transformation » d’un individu.
Sur le chemin de cette étude faite de questions et d'errances, j'espère défricher des perspectives nouvelles, différentes, voire contradictoires qui pourront alimenter la recherche sur les ritualités post-modernes.
La Nuraxìa serait donc à la fois le lieu rituel choisi, l’« énergie » mobilisée lors de la « transformation » et le corps du participant lui-même exprimant la preuve matérielle de cette « transformation ».