Homicide cherche auteur
Par Sue Minix
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À propos de ce livre électronique
Mais lorsque la propriétaire des lieux meurt dans des circonstances troublantes, la fiction fait place à la réalité : un véritable homicide a été commis… et tous les soupçons convergent vers Jen.
La situation prend une tournure inquiétante quand un indice la reliant à la scène du crime est découvert et que le testament la désigne comme l’héritière improbable du commerce.
Pour élucider cette affaire et prouver son innocence, la jeune femme devra faire preuve d’ingéniosité… tout en espérant que le tueur ne décide pas d’écrire le prochain chapitre !
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Aperçu du livre
Homicide cherche auteur - Sue Minix
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales
du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Homicide cherche auteur / Sue Minix
Autre titre : Murder at the Bookstore. Français
Nom : Minix, Sue, auteure
Description : Traduction de : Murder at the Bookstore
Identifiants : Canadiana 20250032929 | ISBN 9782898045660
Classification : LCC PS3613.I574 M8714 2025 | CDD 813/.6–dc23
© Sue Minix 2023
Sue Minix revendique le droit moral
d’être identifiée comme l’auteure de cette œuvre
Publié à l’origine sous le titre Murder at the Bookstore par HarperCollins
© Les éditions JCL, 2025 (pour la présente édition)
© 2025, Vivianne Moreau (pour la traduction française)
Couverture :
Freepik / Illustration partiellement
créée à l’aide de l’imagerie générative
Les éditions JCL bénéficient du soutien financier de la SODEC
et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.
Financé par le gouvernement du CanadaÉdition
LES ÉDITIONS JCL
editionsjcl.com
Distribution nationale
MESSAGERIES ADP
messageries-adp.com
Imprimé au Canada
Dépôt légal : 2025
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
Sue Minix. Homicide cherche auteur. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Vivianne Moreau. Les éditions JCL.À toi, qui es resté à mes côtés
sans jamais perdre la foi
1
Observer les gens est comme une deuxième nature pour un écrivain. Les yeux rivés à la vitrine de la librairie, je regarde les passants défiler en les étudiant. Leurs mouvements, leurs interactions. Les expressions sur leur visage. Ont-ils le potentiel d’incarner un personnage, une victime ? Ou – mieux encore – un tueur ?
Après deux heures passées écrasée dans le fauteuil, je ne suis pas plus avancée et je commence à grouiller comme une enfant de maternelle à l’heure de la sieste. À force de rester immobile, j’ai développé des fourmis dans les jambes, ce qui m’apparaît comme un châtiment cruel et inusité de la part des dieux de l’écriture qui réclament toujours un quelconque sacrifice. Quel dommage que je n’aie pas réussi à les apaiser aujourd’hui ! Ni hier, d’ailleurs. Les caractères sur l’écran de mon ordinateur portable s’enchevêtrent, se séparent puis se fusionnent à nouveau. Le curseur en fin de ligne clignote avec un air moqueur. Les mots insaisissables disparaissent dans les méandres de mon cerveau aussi rapidement que des feux follets.
Les lecteurs ont adoré les personnages du frère et de la sœur Davenport, propulsant ainsi Deux fois plus d’ennuis au sommet des palmarès, et je dois maintenant trouver des idées pour une suite. À quoi bon obtenir du succès avec un premier roman si je suis incapable d’en pondre un deuxième ? Contrairement à celui sur lequel je m’acharne en ce moment, ce livre s’est quasiment écrit tout seul. Chaque fois que mes doigts effleuraient les touches du clavier, des volcans de mots jaillissaient. Les points culminants et les revirements de situation coulaient de source, tels des torrents de lave se déversant sur la pente d’une montagne. Comme de la cendre volcanique tournoyant dans les airs, les personnages se posaient avec une apparente perfection aux bons endroits dans le récit. Et qu’en ai-je récolté ? Une entente avec une agente qui représente désormais mes intérêts, puis un contrat pour ce deuxième tome qui refuse de se laisser écrire.
Tandis que les jumeaux Davenport fixaient les membres tordus et la tête curieusement positionnée de leur père, étendu face contre terre sur le tapis persan du salon, l’horloge grand-père sonnait ses douze coups.
Et maintenant, que faire de mes deux adolescents détectives ? Comment vont-ils réagir ? Le registre émotionnel de Dana, de nature réservée tout en ayant une force de caractère, n’est pas souvent au diapason de celui de Daniel, le plus sociable et dégourdi des deux. Je suppose que le duo sera sous le choc. Peut-être que Dana manifestera sa colère tandis que Daniel pleurera ? À bien y penser, il me semble que ça ferait un peu trop cliché. Et si Daniel appelait les secours pendant que Dana vérifiait le pouls ? Sauf que les yeux de Victor ont l’aspect vitreux d’un regard vide de vie. OK, donc, ils appellent la police sans se donner la peine de prendre le pouls. Réglé. Ensuite ?
— Jennifer Marie Dawson !
Je tourne vivement la tête en direction de la voix. Aletha se tient devant moi, sa peau mate et brun foncé mettant en valeur sa dentition parfaitement blanche.
— Ah ! Doux Jésus, tu m’as fait faire le saut ! Et puis, c’est pas parce que je t’ai révélé mon nom de milieu que t’as le droit de l’utiliser, Aletha Looo-eeez Cunningham.
Habitée d’une grâce et d’une aisance naturelle à faire rêver une danseuse étoile, elle s’installe dans la causeuse face à moi en déposant un gobelet de café sur la table basse.
— C’est ma traite, dit-elle. Une crème, deux sucres, exactement comme tu l’aimes.
Je le porte à mes lèvres, puis mon regard rencontre une photo accrochée au mur qui me fait toujours sourire. On y voit Aletha, lovée dans un fauteuil à oreilles gigantesque, un chaton tigré endormi sur ses genoux et tenant à la main un exemplaire de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Au-dessus de sa tête, on peut distinguer, en lettres bouffantes, l’inscription « Mille et une pages ». En dessous du portrait se trouve une citation : « Les livres font les meilleurs amis ». La vapeur du breuvage me chatouille le nez. C’est parfait. Une seule gorgée est tout ce que ça prenait pour me réchauffer jusqu’à la moelle.
— Merci, tu me sauves la vie.
Aletha gesticule en direction de mon ordinateur.
— Ça avance ? s’informe-t-elle.
— Pantoute. Mon cerveau est de la bouillie. Je pense que je suis en pause mentale.
— Voyons donc, Jen ! T’as juste vingt-huit ans.
— Peut-être bien, mais j’ai l’impression qu’il faudrait les multiplier par sept, comme pour les années canines, imagé-je en faisant valser mes sourcils tout en triturant un cigare imaginaire.
— T’imites qui, là ?
Je suis bouche bée.
— Dis-moi pas que t’as jamais entendu parler des frères Marx ?
— C’est qui, ça ? Un groupe de musique ? me relance-t-elle en prenant une gorgée de sa tasse.
— C’étaient des acteurs comiques dans les années 1930 ! Gary me forçait à regarder leurs films chaque fois qu’ils jouaient à la télévision.
Le nez plissé de sympathie, Aletha rétorque :
— Hon, pauvre chouette ! J’ai dix ans de plus que toi et j’ai jamais entendu parler d’eux avant aujourd’hui.
— Un de leurs films, Monnaie de singe, était plutôt drôle. À force d’en regarder, j’ai fini par aimer les mêmes vieilles émissions que Gary. Ça nous permettait de passer du temps de qualité ensemble.
Toujours à l’affût, ses yeux noisette font un tour d’horizon de la librairie avant de revenir se poser sur moi.
— Donc, aucun progrès ?
— Eh non, comme d’habitude. J’ai réussi à pondre un gros trois phrases, aujourd’hui. C’est sûrement un record.
— Hmm, ça se pourrait bien, avec seulement trois phrases en deux heures…
Je lui tire la langue, puis me hisse debout en étirant mes bras au-dessus de ma tête. Les haut-parleurs fixés au plafond font résonner un concerto enveloppant qui me pénètre. J’aperçois Russell Jeffcoat, un employé dégourdi et sympathique qui cache un petit côté mystérieux. Il ajoute des grains moulus dans le percolateur, et le bouquet du café fraîchement coulé m’émoustille autant que ses magnifiques yeux acajou. Oh, comme j’aimerais plonger mes doigts dans ses boucles brunes ! Je détourne le regard.
Dans le rayon des ouvrages de rédaction, une quarantenaire vêtue d’une robe tunique rose à motif d’orchidées feuillette le livre Comment devenir écrivain en 21 jours. Ne succombe surtout pas ! Cours te mettre à l’abri avant qu’il soit trop tard !
Aletha a nommé sa librairie « Mille et une pages » – un clin d’œil à Shéhérazade et son amour des belles histoires qui semble avoir échappé à la population de Riddleton. Pour donner à l’endroit les airs d’une bibliothèque appartenant à un riche collectionneur, Aletha a tapissé les murs d’étagères fabriquées sur mesure en cerisier. Des plaques en bois où ont été gravés les noms des départements identifient les rayons, comme Art ou Rédaction. Une attention soignée de sa part, même si je suis persuadée qu’elle aurait dû laisser tomber le rayon Rédaction. Il faudrait être fou pour encourager quelqu’un à s’engager sur cette voie, qui est de la pure torture. Pourtant, Aletha n’a rien d’une détraquée mentale.
Au milieu du magasin, elle a aménagé un coin avec des tables et des chaises capitonnées. Au fond, un bar en libre-service propose des cafés réguliers à la clientèle, qui peut aussi se prévaloir d’un cappuccino ou d’un espresso pour un prix modique. Je salive face à la vitrine remplie de biscuits, de muffins et de croissants appétissants en provenance de la pâtisserie ayant pignon sur rue en face de la librairie. Non, pas aujourd’hui. Je ne mérite pas de gâterie, n’ayant rien accompli.
À l’avant du magasin, d’autres tables et fauteuils invitent les gens à s’installer confortablement pour une période de lecture prolongée. Mon postérieur ayant été dégourdi, je me rassois sur le siège rembourré.
— J’adore ce que t’as fait avec l’endroit. Tout y est très douillet, pas du tout comme ces chaînes de magasins impersonnelles, complimenté-je Aletha en faisant tournoyer sur la table mon stylo soi-disant porte-bonheur, car orné du monogramme « J. M. D. ». L’atmosphère que t’as réussi à créer est incomparable, et je pourrais pas écrire ailleurs. Enfin, sauf chez moi, en pyjama.
— Merci, Jen. Avec un peu de chance, d’autres gens finiront par le réaliser.
La dame qui flânait dans le rayon Rédaction déambule à présent jusqu’aux romances, les mains vides. Le regard d’Aletha suit le mien.
— Ç’a toujours été mon rêve, poursuit-elle. Y avait même pas de bibliothèque dans mon ancien quartier. Je me dis que, si je réussis à transmettre la piqûre de la lecture à un seul enfant, j’aurai accompli ma mission. L’heure du conte commence à attirer de plus en plus de monde. Ce matin, on a eu quatre inscriptions, du jamais vu.
Je vérifie l’achalandage dans la section jeunesse, qui est déserte. De petites tables adaptées aux bambins et des endroits aménagés pour accueillir des ateliers, en plus d’une panoplie de titres destinés à combler les intérêts de lecteurs débutants à avancés, composent ce coin où les imaginations fertiles peuvent courir en liberté. Deux girafes énormes surplombent l’endroit et servent de parenthèses aux mots « Coin découverte », peints sur le mur avec les couleurs de l’arc-en-ciel. Si j’avais eu accès à un endroit aussi accueillant quand j’étais jeune, je suis convaincue que j’en serais maintenant à mon dixième manuscrit complété.
— Tu verras, le bouche-à-oreille fait des merveilles. Dans de petites villes comme celle-ci, les gens sont particuliers et ils peuvent en mettre, du temps, avant de se faire à l’idée d’essayer quelque chose de nouveau. C’est d’ailleurs une des raisons qui m’avaient motivée à partir de Riddleton. Mais, une fois qu’ils sont conquis, y a pu moyen de se débarrasser d’eux.
Aletha se cale contre le siège et porte la main à son collier de perles, qu’elle masse pensivement.
— Ça fait seulement six mois que t’es de retour. Les choses ont peut-être changé pendant les dix années que t’as passées à Blackburn. Je me demande parfois si j’ai pas commis une erreur…
— Je crois pas.
— Tu dis juste ça parce que t’es mon amie. J’ai choisi cette ville perdue parce que je me disais que les gens aimeraient profiter des avantages de la vie urbaine sans avoir à se déplacer dans un grand centre. C’était insensé de croire qu’ils pourraient aimer lire en plus de ça ! reconnaît-elle en prenant sa tasse à deux mains. J’ai été élevée dans un milieu pauvre, et la lecture me donnait l’occasion de m’évader. Ce sont les livres qui m’ont permis de croire en un avenir meilleur. C’est grâce à ma mère que j’ai pu le découvrir. Elle me lisait une histoire chaque soir, avant le dodo.
Les yeux d’Aletha s’embuent.
— T’es pas dans le champ, la rassuré-je en étirant ma main par-dessus la table pour tapoter la sienne. Les affaires vont s’améliorer. Faut juste que tu sois patiente.
Elle m’offre un demi-sourire penaud, puis examine sa manucure impeccable.
— Je peux pas me permettre d’être patiente. J’ai peur de pas pouvoir respecter la prochaine échéance.
La prochaine échéance ? C’est grave !
— Si seulement je pouvais remporter un concours d’écriture avec un bon cachet ! dis-je.
Suffisamment gros pour maintenir une librairie à flot pendant cinq ans, le temps qu’elle subvienne à ses propres besoins. J’avale une gorgée de mon café. Avec un peu de chance, la caféine réveillera mes neurones.
— Y a eu le prix Rêve d’une vie, mais c’était pas un concours d’écriture pour toi. Il fallait soumettre un essai, pas une nouvelle.
Pendant qu’elle parle, je repousse mon guide pratique inutile sur « Comment écrire une histoire que les gens veulent lire » pour pouvoir mieux accoter mes avant-bras de part et d’autre de mon ordi.
— Le jury évaluait pas les compétences linguistiques, il sélectionnait les lauréats en fonction de ce qu’ils comptaient faire avec l’argent s’ils gagnaient, continue-t-elle en faisant une pause pour prendre une gorgée de son café. Ce prix a changé ma vie ! J’ai passé des années à bosser pour d’autres, et me voici enfin à la tête de ma propre entreprise. Je suis sur mon x grâce à la Fondation Rêve d’une vie.
— Alors, si c’est le cas, faut pas que tu baisses les bras. Si t’as été capable de convaincre le jury du concours, t’arriveras aussi à séduire Riddleton, l’encouragé-je en lui décochant un demi-sourire. T’as bien réussi avec moi, non ?
Elle donne un coup de menton en direction de mon portable.
— Tu devrais suivre ton propre conseil et persévérer. Oublie pas que je compte sur toi pour attirer des tonnes de monde quand tu viendras signer des exemplaires de ton prochain livre.
— Désolée, mais mon cercle d’amis est pas assez grand pour tes ambitions. J’ai pas vraiment de famille, non plus. Sans compter le fait qu’il faudrait leur verser des pots-de-vin pour les convaincre de venir, et que je suis fauchée.
— Le lancement de Deux fois plus d’ennuis a pourtant été un succès.
— Tellement ! J’ai fait un gros dix piastres de profit, de quoi payer pour le lunch, tu te souviens ? En tout cas, pour le mien, du moins, souligné-je en lui envoyant mon plus beau sourire.
Elle me lance une œillade et se relève, sa jupe grise virevoltant à la hauteur de ses genoux.
— T’as plus d’amis que tu penses, laisse-t-elle tomber.
Bof, j’en doute. De toute manière, je n’ai pas le temps de m’apitoyer sur mon sort. J’ai un livre à écrire.
* * *
Appuyant furieusement sur la touche « Supprimer » de mon clavier, j’efface ma plus récente tentative pour décrire l’état d’esprit dans lequel Daniel se trouve à la suite de la mort de son père. Eric O’Malley, resplendissant dans son uniforme bleu marine du service de police de Riddleton, se matérialise alors devant moi. Il salue Aletha, puis se rend à la machine à café pour s’en verser une tasse.
Plus vieux que moi de quelques années, Eric a des cheveux roux ainsi qu’un visage pâle, constellé de taches de rousseur. Il me fait penser à un enfant du primaire. Si on fait abstraction de sa veste pare-balles qui lui confère des pectoraux, il ressemble davantage à un personnage de télésérie ludique qu’à un véritable officier. Il est difficile de croire que le petit Eric malingre de mon enfance ait pu devenir policier. Soit il cachait bien sa force réelle, soit l’académie a accompli des miracles dignes d’une école Montessori. Toujours est-il qu’Eric a décroché son diplôme et a rejoint les forces de l’ordre.
Depuis que la Fédération de l’aviation a rendu son jugement dans l’enquête portant sur l’écrasement de l’avion de mon père, j’ai de la misère à faire confiance aux autorités. Les enquêteurs ont déterminé qu’une « erreur du pilote » était en cause – or, ma mère a toujours soutenu que Jack Dawson aurait pu piloter un bourdon si les ailes de l’insecte avaient été suffisamment grandes pour le supporter. Lui, commettre une faute ? Impossible. Quelque chose d’autre a dû se produire, et je compte bien jeter de la lumière sur cette affaire un jour.
Eric fait toutefois partie des personnes dignes de confiance. Lui et moi sommes devenus amis le jour où il m’a arrêtée parce que le silencieux de mon auto grondait aussi fort qu’un orignal en rut. Il a été assez gentil pour me donner un avertissement au lieu d’une contravention, et il s’est même déplacé jusque chez moi le lendemain pour m’aider à le réparer temporairement. « Un peu de ruban à conduits, et tu seras bonne pour te rendre au garage », m’a-t-il dit lorsque j’ai ouvert la porte et l’ai aperçu, un rouleau de tape gris à la main.
Je retiens mon souffle et me tapis dans mon fauteuil, tentant de me dissimuler derrière l’écran de mon ordi. La dernière chose dont j’ai besoin en ce moment, c’est d’un autre discours de quinze minutes de la part d’Eric, qui souhaite me convaincre que la course est le remède idéal au syndrome de la page blanche. Pourquoi les hommes dans ma vie présument-ils savoir mieux que moi ce dont j’ai besoin ?
Eric sirote son café en me fixant. J’imagine qu’il est en train de calculer de quelle manière il parviendra à m’immobiliser suffisamment longtemps pour m’enfiler de force des souliers de course sans utiliser son Taser.
Les poils derrière ma nuque se hérissent. J’essaie de reporter mon attention sur mon ouvrage, malgré la voix mélodieuse – si suave, si sensuelle, si mielleuse – de Russell, qui discute avec quelqu’un en arrière-plan. À qui parle-t-il donc ? Je n’arrive pas à discerner la personne, qui est cachée par le comptoir. Je devrais peut-être me mêler de mes affaires. Notre relation, à Russell et à moi, se résume à quelques échanges cordiaux, un attouchement accidentel lorsque nos deux mains se sont percutées tandis que nous prenions en même temps un bâtonnet pour brasser notre café, puis beaucoup de coups d’œil clandestins de ma part pour le reluquer.
Eric lance son gobelet vide aux poubelles, m’envoie un signe de la main puis retourne faire ses rondes. Je peux enfin respirer ! Fiou ! J’essuie mentalement mon front. Bien contente d’avoir esquivé cette conversation.
Mon regard dérive à nouveau vers Russell, mais la silhouette svelte d’Aletha bloque ma vue.
— Il craque pour toi, laisse-t-elle tomber.
— Hein ?
Elle donne un coup de tête en direction de la porte.
— Tu sais de qui je parle.
— Eric ? Tu rêves. On est juste amis, me défends-je en plissant le nez.
Elle hausse un sourcil. J’ajoute :
— La seule chose qui l’intéresse, c’est que je fasse partie de son groupe de course. Il est persuadé que ça va m’aider à écrire.
Les Coureurs de Middleton qu’Eric m’a invitée à joindre s’entraînent pour une course de dix kilomètres qui aura lieu l’an prochain. Le pauvre, il croit vraiment qu’il pourra remporter la première place ! La seule manière que ce serait possible, c’est si ses copains flics donnaient des contraventions pour excès de vitesse à tous ceux qui se trouvent dans le peloton de tête.
— Alors ?
— Alors quoi ? Je vais pas courir, ça m’intéresse pas !
La dernière fois que j’ai fait mine de courir, c’est parce que j’avais bu une quantité astronomique de café le ventre vide. Ça m’a pris deux jours pour m’en remettre. Le pire, c’est qu’Eric essaie de me convaincre d’aller jogger les samedis matin à huit heures. Pas de chance que ça m’arrive, à moins qu’un psychopathe soit à mes trousses. Dans ce cas, je serais d’accord pour sprinter.
— Ton manque d’intérêt aurait-il quelque chose à voir avec un certain barista, par hasard ?
Russell tend un croissant jambon-fromage à une jeune dans la vingtaine aux longs cheveux blonds. Tout en souriant largement, il lui dit quelque chose qui la fait rigoler.
— C’est possible…, admets-je, les lèvres pincées.
Si quelqu’un me demandait de décrire Russell, je dirais qu’il est un charmeur plein d’esprit, inconscient des ravages que peuvent causer ses yeux bordés de cils fournis. Sa belle prestance s’apparente plus à celle d’un débardeur qu’un commis au café, et son sourire malicieux éveille en moi des sensations que je croyais mortes et enterrées depuis que mon ex, Scott, m’a larguée après avoir décroché un poste à Paris. Ayant passé la plus grande partie de ma vie en couple, j’apprivoise difficilement cette nouvelle partenaire qu’est la solitude. Je complète ma pensée :
— Mais ça sert à rien, il est pas intéressé.
— J’en serais pas si sûre, à ta place. Aussi, si tu sors avec, il me lâchera peut-être un peu.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? réponds-je, les sourcils arqués.
— Laisse faire. C’est sans doute juste mon imagination, se défile-t-elle en ramassant mon stylo sur la table. Où tu l’as acheté ? Je considère en acheter un à mon mari pour Noël.
— Scott me l’a offert à la parution de Deux fois plus d’ennuis, soi-disant pour me porter chance avec mon deuxième livre.
C’est tellement le genre de mon ex de me refiler un porte-bonheur défectueux. Il aurait dû se contenter d’une boîte de Lucky Charms. Les miniguimauves m’auraient au moins apporté un peu de joie.
Aletha me redonne le stylo.
— Ça te dérange si je le prends en photo ? Je vais essayer de le trouver en ligne.
— Pas de trouble, lâche-toi lousse.
Je centre l’objet au milieu de la table. Elle sort son téléphone pour le capturer. Les clochettes sur la porte d’entrée tintent et Aletha se retourne afin de souhaiter la bienvenue à un homme grisonnant accompagné d’une fillette à lulus, âgée de six ou sept ans. Aletha s’accroupit devant la jeune pour lui parler, alors je reprends possession du stylo et l’accroche à mon guide pratique. Sur l’écran de mon ordi, le curseur clignote et me rappelle que j’ai un manuscrit à écrire.
Qu’est-ce que Daniel pourrait bien dire ? Peut-être que Dana devrait parler la première ? Il me semble que ça fonctionnerait mieux.
Tandis que les jumeaux Davenport fixaient les membres tordus et la tête curieusement positionnée de leur père, étendu face contre terre sur le tapis persan du salon, l’horloge grand-père sonnait ses douze coups.
— Oh là là, Daniel ! C’est papa ! Qu’est-ce qui lui est arrivé ?
Pfft. Je sélectionne le passage, puis le supprime. Je pense qu’il est temps pour moi de prendre une pause. Tant pis, je ferai simplement partie de la très longue liste des personnes qui ont connu un succès éphémère.
Le menton appuyé sur ma paume, je regarde par la fenêtre. Il n’y a jamais beaucoup de badauds, les vendredis après-midi. Depuis que la nouvelle génération quitte la campagne pour la ville, Riddleton est devenue une ville dortoir. Elle demeure néanmoins le secret le mieux gardé de la région du lac Dester. Les enfants qui ont grandi ici et qui partent étudier au loin en jurant ne jamais y remettre les pieds reviennent curieusement quelques années plus tard afin d’y fonder leur famille et élever leurs enfants. Toutefois, même si ce trou perdu au milieu de nulle part a fini par grossir, je continue de me sentir étouffée par la petitesse d’esprit de ses occupants. J’aimerais tant retrouver la ville, où je peux m’épanouir sans craindre le jugement des mauvaises langues.
L’endroit a tout de même ses bons côtés. Dans une bourgade comme celle-ci, chacun veille sur son voisin. Ainsi, si parfois j’enrage de constater que mes problèmes sont l’affaire de tous, je dois reconnaître que c’est pratique de pouvoir compter sur l’aide disponible à portée de main – il faut bien qu’ils demeurent tout près pour pouvoir entendre les potins, après tout.
Je glisse mon portable dans mon sac à bandoulière et ramasse les tasses vides disséminées partout sur la table. Je me fixe habituellement comme objectif d’écrire une page pour chaque café bu, mais le ratio correspond davantage à une consommation par mot, aujourd’hui.
J’envoie la main à Aletha, jette mes détritus à la poubelle, puis mets les pieds dehors, où m’attend une journée chaude à souhait, typique des automnes de la Caroline du Nord. Mon sac pend lourdement à mon épaule et me rappelle que je viens de gaspiller une autre journée de travail. Aussitôt que je passe devant le poste de police, qui jouxte la librairie, je me fais interpeller :
— Jen ! Reviens !
Je pivote sur mes talons en retenant mon souffle. Russell accourt vers moi et je ne peux m’empêcher d’admirer ses biceps, mis en évidence par son polo à manches courtes.
— T’as oublié ça, dit-il en me tendant mon guide pratique sur comment écrire un bon livre.
Bra-vo ! Que va-t-il penser de moi, maintenant ?
— Ah, merci… je l’avais complètement oublié.
— Pas de trouble, répond-il en me décochant un sourire à faire pâlir les rayons du soleil.
Les joues en feu, je me contente d’un hochement de tête avant de poursuivre ma route. Comment se fait-il que je me transforme en préado empotée chaque fois que je le croise ?
Le trottoir dégage une telle chaleur qu’il pourrait facilement faire fondre les semelles en caoutchouc de mes espadrilles. Ce serait une journée idéale pour faire une promenade au lac. Ou pour aller me terrer dans un centre commercial de Blackburn ou Sutton, les deux villes voisines de Riddleton. Je pourrais en profiter pour faire du repêchage et croquer sur le vif de nouveaux personnages. Sauf que je risquerais aussi d’acheter un paquet de babioles dispendieuses dont je n’ai nullement besoin.
D’un pas pressé, je franchis les trois coins de rue qui me séparent de l’immeuble où j’habite et gravis les marches qui mènent au deuxième étage. Mon appartement est tel que je l’ai laissé, dans un désordre total qui me rappelle les scènes de dévastation dont j’ai été témoin à la suite du passage de l’ouragan Hugo. Je catapulte mon sac sur le sofa et laisse choir le guide pratique inutile sur la table basse. Le livre rebondit sur le bric-à-brac qui s’y trouve puis tombe sur le tapis. Un morceau de papier s’en échappe.
Viens me rejoindre Chez Antonio, ce soir à 20 h 15
Russell
Eh bien ! J’ai peut-être bien fait de m’attarder à la librairie, finalement.
2
Mes doigts tremblent en manipulant le bout de papier. Russell m’a-t-il réellement invitée ? La bouche sèche, je me demande pour quelle raison il ne l’a pas fait en personne. Je ne me le figurais pas du genre timide. Il drague toutes les femmes de moins de soixante ans, et même les plus vieilles si elles ne font pas leur âge. Son air suave et accessible serait-il seulement une façade ? Peut-être avons-nous plus de particularités en commun que je ne le croyais.
Tel un film silencieux, je visualise alors dans ma tête les différentes scènes de mon rendez-vous avec Russell, à commencer par mon arrivée au restaurant, le repas parfait pimenté d’une conversation électrisante qui coule, suivi de Russell qui finit par me ghoster après notre soirée. Oh que non ! Je n’ai pas besoin d’un beau et charmant bonhomme qui viendra me distraire de ma mission : écrire mon roman. Voilà ce que je lui dirai. Je garderai pour moi l’angoisse que je ressens chaque fois que je me trouve dans la même pièce que lui. En fait, pourquoi même me justifier ? Le papier aurait très bien pu tomber du livre tandis que je marchais jusque chez moi. Il aurait pu échapper à mon attention, tout simplement. C’est décidé, je n’y vais pas.
Je chiffonne le message et le lance en direction de la poubelle. Il tombe dans la corbeille du premier coup. Problème réglé ! Plus jamais un homme ne me fera mal comme Scott l’a fait.
Le sourire espiègle de Russell alors qu’il me remettait mon bouquin me revient à l’esprit. Les pattes d’oie près de ses yeux étincelants. L’énorme boule qui se forme dans ma poitrine chaque fois qu’il adresse la parole à une femme autre que moi. Je dis vraiment n’importe quoi ! Bien sûr que je vais y aller.
Ou pas.
Les épaules affaissées, les paupières lourdes, je constate qu’une sieste me ferait le plus grand bien. Mon cerveau surchauffe, il a besoin de repos. Je m’étends sur le sofa, puis laisse mes idées dériver comme des plumes portées par une douce brise. Il fait trop chaud, trop froid ; je vire de tous les côtés avant d’enfin réussir à sombrer dans un sommeil agité et peuplé de rêves.
Mes yeux s’ouvrent subitement et mettent fin à une tirade de la part de ma mère. Ses paroles s’évaporent comme un nuage au milieu de mon salon plongé dans le crépuscule. C’est aussi bien ainsi. Les discours qu’elle me tient en rêve ne sont jamais édifiants.
Il est dix-huit heures trente. Puisque j’avais décidé de me rendre au rendez-vous, il faudrait bien que je me prépare. Un souper bien simple avec une nouvelle connaissance me permettra de reconnecter avec le monde et me ramènera à la vie. Et – qui sait ? – ça pourrait insuffler un souffle nouveau à mon œuvre laissée en
