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Les damnés de la Rance
Les damnés de la Rance
Les damnés de la Rance
Livre électronique280 pages3 heures

Les damnés de la Rance

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À propos de ce livre électronique

"Pierre Lefeuvre, psychothérapeute établi à la Vicomté-sur-Rance, jouit d’une discrète mais flatteuse réputation auprès de ses patientes dont il soulage considérablement le mal-être.

À la recherche d’une employée de maison, il embauche Manon Cariou, une jeune femme désoeuvrée. Cette dernière ne tarde pas à le regretter car la grande et mystérieuse demeure de Lefeuvre est le théâtre de phénomènes inquiétants.

Marc Renard, détective privé rennais, va être amené à enquêter sur les bords de la Rance, de Dinan à Saint-Malo et Dinard. Sa route croisera celle de Manon dans un scénario qui ne tardera pas à tourner au drame…

Dans cet implacable thriller, à l’ambiance digne de Psychose, un diabolique engrenage va précipiter les protagonistes vers un dénouement à couper le souffle…"

À PROPOS DE L'AUTEUR

Natif de Carnac où il réside régulièrement, Jean-Marc Perret s’est lancé dans l’écriture de romans policiers après une carrière de contrôleur de gestion à la SNCF. Également auteur d’une pièce de théâtre, une comédie policière, amateur de cinéma, passionné de sport, Jean-Marc pratique assidûment le tennis et la marche nordique. Il est actuellement correspondant du journal Ouest-France pour la commune de Chantepie, où il vit, près de Rennes.
LangueFrançais
ÉditeurPalémon
Date de sortie17 janv. 2025
ISBN9782385273255
Les damnés de la Rance

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    Aperçu du livre

    Les damnés de la Rance - Jean-Marc Perret

    Prologue

    Rennes

    Sous les chocs de la masse, d’abord une fissure, puis une autre, et encore une. Une toile d’araignée s’étirait sur la vitrine de l’agence bancaire. Coup sur coup, deux explosions retentirent, une voiture prit feu. Dans le tumulte perçait au loin le son aigu d’une sirène. Une clameur s’éleva. La vitrine volait en éclats. Le casseur fit un bond en arrière pour éviter les bris de verre. Un autre, caparaçonné de noir comme ses semblables, balança un cocktail Molotov par l’ouverture béante à l’intérieur de l’agence. Un homme qui prenait des photos se fit arracher son portable. Des détonations éclatèrent simultanément. L’air de la rue, déjà saturé de fumée, devenait irrespirable sous l’effet des jets de gaz lacrymogène. Des cris retentirent : « Ils chargent ! Ils chargent ! »

    Casquées et lunettes de protection sur le nez, de sombres silhouettes gesticulantes édifièrent une barrière de poubelles qui s’enflammèrent aussitôt. Après le flux, le reflux. En plusieurs rideaux compacts, à l’abri derrière leurs boucliers, les CRS avançaient et les manifestants se dispersaient par petits groupes.

    Fascinée, Manon assistait à l’embrasement de la rue d’Isly. Elle recula, la main sur la bouche, la piqûre des gaz agressant ses yeux. À côté d’elle, assis sur le trottoir, un homme se tenait la tête entre ses mains rougies de sang. Elle se sentit tirée par le bras.

    — Barre-toi ! Tu vas te faire piétiner ! Et prends ça !

    Il portait un foulard autour du visage et un casque de motard. Il lui tendit une écharpe pour qu’elle se protège.

    — Colle ça sur ta bouche et ton nez, sinon tu ne pourras plus respirer ! Et dégage de là !

    — Et lui ?

    Elle désignait l’homme au crâne ensanglanté.

    — Chacun pour sa pomme !

    Il détala vers le boulevard de la Liberté. Elle le suivit du regard jusqu’à ce qu’il bifurque à gauche dans une rue. À son tour, elle prit ses jambes à son cou, le bruit des bottes des CRS dans son dos. Elle voulut emprunter la même rue que lui, mais deux rangs de CRS en occupaient le milieu. Par où était-il passé ? Comment s’était-il débrouillé pour leur échapper ? Elle fit demi-tour. La plupart des cafés, restaurants et autres commerces avaient obstrué de panneaux leurs façades. Le mobilier urbain était mis à contribution pour ériger des obstacles et freiner la progression de la police. Près d’un arrêt de bus saccagé, Manon hésita à choisir une direction, ne sachant que faire ni où aller. Plusieurs groupes autonomes étaient rassemblés, prêts pour une nouvelle phase de guérilla urbaine. Les slogans hostiles aux représentants de l’ordre et au gouvernement jaillissaient de nouveau. Elle ne pouvait rester seule, c’était trop dangereux. Elle décida de se fondre parmi une vingtaine d’individus. Pas un ne lui prêta attention. Un type en blouson rembourré téléphonait. Elle crut l’entendre dire quelque chose du genre « Ils veulent nous encercler ». Il mit fin à sa communication sur un bref « OK » puis fit signe à ses acolytes de se diriger vers la rue Jean-Jaurès. Manon les suivit, partagée entre la griserie de vivre un moment hors norme et la conscience du danger qui l’entourait.

    Chapitre 1

    Le lendemain, début d’après-midi

    Un à un, à intervalles plus ou moins réguliers, les prévenus, ceux dont les actes ne justifiaient pas un mandat de dépôt, sortaient du tribunal. Certains, à l’instar de vainqueurs d’une épreuve sportive, étaient accueillis par un groupe de sympathisants avec force applaudissements et vivats, on s’étreignait avec de grandes tapes dans le dos. Quand les jubilations s’essoufflaient, tout ce petit monde s’éparpillait bruyamment en direction du boulevard de la Tour-d’Auvergne et du centre-ville.

    Il poireautait depuis trois bons quarts d’heure lorsqu’il l’aperçut enfin, descendant l’escalier, silhouette menue, en jean et blouson similicuir. Elle avait abandonné son catogan, ses cheveux blond vénitien encadraient l’ovale de son visage et effleuraient ses épaules. Quand elle fut en bas des marches, il avança d’un pas rapide. Elle marqua un temps d’arrêt, scrutant les alentours.

    — N’aie pas peur. Tu ne peux pas me reconnaître, hier j’avais une écharpe sur le visage. Tu te souviens, je t’en ai filé une pour te protéger ?

    — Ah ! C’est toi ! Je voulais te suivre, mais je t’ai vite perdu de vue.

    — Ça ne s’est pas trop mal passé ?

    Elle haussa les épaules.

    — Quoi ? La fin de la manif ou le tribunal ?

    — Les deux.

    — Je ne sais pas comment il y en a qui ont pu s’en tirer. On était pris en étau entre tous ces flics.

    — Ce sont les quiches qui se font choper. Les autres…

    Il fit claquer ses doigts.

    — Je te remercie !

    — Toi, c’est pas pareil. Je me demande bien ce que tu foutais là.

    — Simple curiosité, voir comment ça se passait. J’ai eu aussi peur des flics que des manifestants.

    — Et pour finir, tu t’es retrouvée en comparution immédiate.

    — Paraît que les juges étaient débordés hier soir. Trop de taf. J’ai passé la nuit sur un banc de la cellule du tribunal avec une dizaine de filles qui s’étaient fait choper. Y’en a une qu’arrêtait pas de chialer. Faut dire qu’elle avait morflé. Un sacré coquard. Une autre a gerbé. Qu’est-ce que ça puait ! Impossible de fermer l’œil. Et pas moyen de faire sa toilette. Je me sens dégueu.

    Elle le regarda soudain en face.

    — Qu’est-ce que ça peut te foutre, tout ça ? Pourquoi tu t’intéresses à moi ?

    — Tu me semblais paumée. J’avais envie de savoir ce qui t’était arrivé. À tout hasard, je me suis pointé à la sortie de la correctionnelle. Et j’ai eu raison.

    — Si c’est pour récupérer ton écharpe, c’est raté.

    Il éclata de rire.

    — Tu l’as perdue ? Je ne vais pas m’en remettre ! Arrête de déconner. Viens, je te paye un pot.

    De nouveau, elle le dévisagea. À peu près de son âge, brun, les yeux marron, plutôt pas mal foutu.

    — Tu t’appelles comment ?

    — Léo.

    — Moi, c’est Manon. On va où ?

    — Si tu veux marcher un peu, j’ai mes habitudes dans un bar, rue Vasselot.

    — Marcher ? J’ai fait que ça hier. Alors un peu plus…

    Ils traversèrent le boulevard de la Tour-d’Auvergne pour atteindre la rue du Puits-Mauger. Dans celle d’Isly, commerçants et services de la ville procédaient au nettoyage des trottoirs et de la voie. Le cœur de la cité pansait ses plaies. La chaussée crissait des morceaux de verre et des tessons de bouteilles balayés. Les uns et les autres parlaient peu, lâchaient parfois un juron ou un soupir excédé. Leurs gestes et mouvements trahissaient une résignation empreinte de fatalité. Manon et son compagnon s’abstinrent de commentaires. Rue Vasselot, il lui prit le bras et l’entraîna à l’intérieur d’un bar. En ce début d’après-midi, le coup de feu était passé, la fréquentation restreinte. Ils prirent place tout au fond de la salle. Elle retira son blouson, ce qui dans le mouvement souleva son tee-shirt et lui donna l’occasion d’apprécier un charmant nombril.

    — Tu dois avoir faim ?

    — J’ai juste ingurgité une espèce de lavasse qu’ils osaient appeler café.

    Léo fit un signe. Un serveur de ses connaissances, puisqu’il lui serra la main, s’enquit de leur commande.

    — Deux cafés et un américain, demanda Léo.

    — Non, un demi pour moi, corrigea Manon.

    Ils s’observèrent quelques instants puis elle se lança dans le récit de son interpellation.

    — Ça n’a pas duré un quart d’heure. Le juge m’a demandé mon identité, mon adresse, ensuite j’ai eu droit à des questions sur ma présence à la manif. Je lui ai dit que j’avais été emportée par un mouvement de foule. Il m’a sermonnée, mise en garde car j’aurais pu prendre un mauvais coup, etc., etc. Pour finir, il m’a annoncé que j’étais libre. On m’avait refilé un avocat qui n’a pas moufté.

    Elle entama à grandes bouchées le sandwich que le serveur venait d’apporter.

    — Et toi ? Comment t’as fait pour t’évaporer aussi vite ? Y’avait du flic partout.

    — L’expérience.

    — Oui, t’es un habitué, pas une quiche comme moi. Tu fais partie d’un groupe ? Tu fais de la politique ? T’es un black bloc ?

    Il secoua la tête.

    — Non, je viens en solo. Je prends des photos, des petites vidéos que je vends aux télés. Certains journalistes et cameramen sont indésirables. Ça peut craindre pour eux, alors à l’occasion, les chaînes font appel à des types comme moi. Ça paye bien, mais ça peut être dangereux. Et toi, tu fais quoi ?

    — Rien. Rien pour l’instant.

    — T’es au chômage ?

    — Laisse-moi manger, j’en ai trop besoin. Je vais même peut-être en commander un autre.

    Il observa ses petites dents blanches dévorer furieusement le sandwich. Elle ne s’interrompait que pour avaler une bonne gorgée de bière. Lorsqu’elle eut terminé, elle jeta un regard de dépit vers le sol où sa serviette de papier était tombée. Il lui tendit la sienne qu’il n’avait pas utilisée.

    — Tu en commandes un autre ? Et une autre bière ?

    — Réflexion faite, non.

    Elle se toucha l’estomac.

    — Je ne dois pas prendre de poids. On ne sait jamais.

    Il sourit.

    — T’es pas bien épaisse. C’est pas un kilo ou deux supplémentaires qui vont y changer grand-chose.

    — Dans mon job, c’était important.

    — Tu étais mannequin ?

    — Non.

    — Artiste ?

    — Si on veut.

    — J’ai trouvé. Modèle pour des peintres. J’ai eu une copine qui posait à poil aux Beaux-Arts.

    — Tu te rapproches.

    — Je brûle ?

    — Quand même pas.

    — Alors ?

    — J’étais influenceuse.

    — Influenceuse ? En quoi ?

    — Lingerie féminine. Pour leur promo, les marques font appel à des personnes auxquelles le public peut s’identifier. Comme moi. C’était ça, mon job. Je travaillais à Paris pour Femina et Liberty. Tu connais ?

    — Un peu, ouais. Sur Instagram ? Avec des followers et tout ça ?

    — Oui. Mais faut croire qu’ils étaient pas assez nombreux mes followers, alors je me suis fait virer. Et puis, je commençais à prendre de l’âge. Ils veulent des Lolitas. À présent, le marché, c’est les ados.

    — Tu faisais quoi ?

    — Ben, des photos, des vidéos, des petits sketches. Monika25, c’était mon pseudo ; 25 parce que c’est mon âge, Monika, je ne sais pas pourquoi, c’est la direction qui avait choisi. Je mettais mon public en situation. Qu’est-ce qui est tendance ou pas ? Le string, c’est pas fini, mais c’est plus la folie d’il y a quelques années. Quoi porter pour faire du sport, pour aller bosser ? Pour un premier rendez-vous, sage ou canaille ?

    — Et pour aller à une manif ?

    Ils pouffèrent ensemble.

    — Elle payait bien, ton affaire ?

    — J’avais un petit fixe, et après ça dépendait du nombre de followers et des commentaires sur les réseaux. Je me faisais un peu plus que le SMIC. Faut pas rêver, ils te font miroiter de gros revenus, mais c’est un ou une sur cent qui perce et ramasse le pactole, comme Nastassia. Tu la connais ?

    — Non. C’est pas mon truc.

    — Et maintenant, ils nous remplacent par de l’IA.

    — De l’intelligence artificielle ?

    — Oui, comme Mimilove ou MissDaisy. Elles sont virtuelles, créées par des concepteurs de personnalités. Avantage : elles discutent pas leurs conditions de travail et au bout du compte, une fois leur coût de fabrication amorti, elles reviennent moins cher qu’une fille bien réelle, en chair et en os.

    — T’en es où, à présent ?

    — J’en suis nulle part. J’ai quitté Paris, pas les moyens de continuer à payer mon studio-cabine. J’ai atterri chez une copine, ici à Rennes. On partage ses vingt mètres carrés et son pieu. Mais son copain radine. Alors elle m’a fait comprendre que je ne pouvais pas rester.

    — Tu vas aller où ? Tu as des parents ? Des frères et sœurs ?

    — Fille unique. Née à Crozon. Ma mère est morte il y a dix ans. Cancer foudroyant. Heureusement en un sens, elle n’a pas eu le temps de trop souffrir. Avec mon père, on ne se parle plus. Incompatibilité de caractère. En plus, il picole grave. Alors j’ai répondu à une proposition de casting et je me suis tirée à Paris. Bref, j’ai encore deux jours devant moi. Après, je vais zoner. Ce ne sont pas les squats qui manquent, par ici. Mais avant, pendant que c’est encore possible, je vais retourner chez ma copine Zoé prendre une douche.

    — Attends ! J’ai peut-être quelque chose pour toi.

    Son téléphone se mit à sonner. Après avoir consulté le numéro d’appel, Léo se leva et sortit du bar. À travers la vitre, Manon le regarda engager une conversation animée. Il revint quelques minutes plus tard, apparemment perdu dans ses pensées.

    — Qu’est-ce qu’on disait déjà ?

    — Que tu avais peut-être quelque chose pour moi.

    — Ah oui, oui. Écoute. Ce soir, je serai à l’écluse Saint-Martin, sur le quai du même nom. Vers vingt-deux heures. Tu vois où c’est ?

    — Mmmouais, à peu près.

    — Si ça te dit, rejoins-moi là-bas, au bar L’Embuscade. Là, je dois partir, petit imprévu. Tu me donnes ton téléphone ?

    Elle lui indiqua son nom complet, Manon Cariou, et son numéro. À son tour, elle nota les coordonnées de Léo Modet.

    — À ce soir ?

    Elle fit tourner son verre vide entre ses doigts puis suspendit son manège.

    — Pourquoi pas ?

    Chapitre 2

    Au couchant, les ombres s’étiraient sur le quai Saint-Martin et les eaux du canal prenaient une teinte vert sombre. De petites lumières s’allumaient à l’intérieur des péniches amarrées au quai. Des promeneurs déambulaient tranquillement, un cercle de quelques personnes s’était formé autour d’un gratteur de guitare.

    Manon repéra L’Embuscade. Le décor rappelait l’univers marinier avec des photos d’une époque déjà lointaine où le canal d’Ille-et-Rance conservait une activité commerciale avant de céder le pas à la navigation de plaisance. Léo était installé à l’écart des conversations. Elle agita la main et il lui répondit en l’invitant à le rejoindre.

    — Tu as trouvé facilement ?

    — Zoé m’a expliqué. Elle connaît le coin, elle va souvent boire un verre sur une péniche où il y a des animations le soir.

    — Ils sont plusieurs à faire ça, confirma-t-il. Ça marche bien.

    — Parce que tu viens souvent par ici ?

    — J’ai un bateau.

    Manon ouvrit de grands yeux.

    — Un bateau ?

    — Oui, enfin, il n’est pas à moi. Il appartient à un copain avec qui je bossais.

    — Vous faisiez quoi ?

    — Qu’est-ce que tu bois ? demanda-t-il au lieu de répondre. Bière, verre de vin, mojito ? Ici, il faut se servir au bar.

    — Comme toi.

    Léo se leva et revint avec deux chopes de bière dans les mains qu’il déposa sur la table. Ils y trempèrent leurs lèvres.

    — Alors, vous faisiez quoi ? reprit Manon. Comme toi, il prenait des photos dans les manifs ?

    Petit sourire en coin, Léo secoua la tête.

    — Non, on donnait dans la brocante. De Rennes à Saint-Malo, le long du canal, des vieilles fermes, d’anciens moulins à marée bordent les berges. En chinant, on tombait parfois sur des raretés qu’on revendait ensuite à un bon prix.

    Il but une autre gorgée de bière.

    — Puis un jour, Paul, mon copain, a déconné. Il a fauché des amphores au lieu de les acheter. Manque de bol, ceux à qui il les avait chouravées les ont reconnues lors d’une brocante. Il a pris deux ans de taule. C’est cher payé, mais il traînait quelques casseroles qui n’ont pas plaidé en sa faveur. Moi, j’ai arrêté notre petit commerce. C’est Paul qui flairait les bons coups.

    — Et le bateau ?

    — Paul m’a dit de m’en occuper jusqu’à sa sortie de prison, c’est-à-dire dans dix-huit mois, ou un peu plus tôt, s’il obtient une remise de peine. Alors, j’habite dessus, il est équipé pour cuisiner, dormir, et ça m’évite de payer un loyer. Il n’est pas loin d’ici, amarré face à l’auberge de jeunesse. De temps en temps, je navigue sur le canal. Je fais des petits jobs par-ci par-là.

    — Cool.

    — Bientôt, j’irai rendre visite à un particulier. Il habite une grande maison près de La Vicomté-sur-Rance. Tu connais ?

    — Pas du tout.

    — Il va faire beau, ça peut être une chouette balade. Ça te dirait de venir avec moi ?

    — Sur le bateau ?

    — Oui. De toute façon, je n’ai pas de voiture pour l’instant.

    — Ce serait pour quand ?

    — Dans deux ou trois jours.

    — Tu me tentes. Je peux encore passer une nuit ou deux chez Zoé, mais très bientôt, comme je te l’ai déjà expliqué, je ne saurai plus où crécher.

    — Tu pourrais essayer l’auberge de jeunesse. Elle est à côté d’ici.

    — J’aime mieux pas.

    Il écarta les bras.

    — Alors, bienvenue à bord de l’Anna Kronik !

    — Autant que je te dise, ma participation aux frais va être réduite.

    — On en reparlera. Tu veux que je te montre le bateau ?

    — Maintenant ?

    — Préviens Zoé que tu rentreras tard.

    — Alors là, je pense pas qu’elle s’inquiète beaucoup !

    Chapitre 3

    Lundi 13 mai

    — Tu me laisseras piloter ?

    — Oui, quand nous serons un peu plus loin. Ce n’est pas sorcier, il y a juste un minimum à apprendre. Pas trop s’approcher des berges,

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