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Appel à communication – 6ème édition des Ateliers Lausannois d’Ethnographie Faire de l’ethnographie au temps de la « distanciation sociale » 2 & 3 septembre 2021, Université de Lausanne Créés en 2015, les Ateliers Lausannois d’Ethnographie sont un lieu de réflexion sur l’ethnographie, ses enjeux méthodologiques, théoriques, pratiques, éthiques. Ils sont ouverts à toutes les personnes qui pratiquent l’enquête ethnographique, toutes disciplines confondues (sociologie, anthropologie, science politique, géographie). Le format « atelier » privilégie des présentations courtes suivies d’échanges avec les discutant·es et le public. Les interventions des participant·es doivent mobiliser des matériaux de première main, issus d’un travail de terrain avancé ou terminé. Ces matériaux doivent permettre d’articuler des réflexions de nature méthodologique ou épistémologique avec des données situées. Nous invitons les chercheur·es à proposer des communications originales qui se fondent sur une pratique ethnographique rigoureuse. Les matériaux peuvent se présenter sous différents aspects : séquences ethnographiques, compte-rendu d’une situation d’enquête, extrait(s) d’entretien, séquence vidéo, bande-son, photographie(s) ou autres. La 6ème édition des Ateliers Lausannois d’Ethnographie propose de réfléchir aux enjeux pratiques et épistémologiques, aux dilemmes, contraintes et éventuelles opportunités qui se posent ou s’imposent aux pratiques de recherche ethnographique dans le contexte de la pandémie de COVID-19. La démarche ethnographique est-elle possible dans un contexte d’injonction de « distanciation sociale » émise par les gouvernements, imposant une distance physique de sécurité, restreignant les déplacements et modifiant en profondeur les « routines » sociales ? La spécificité de la démarche ethnographique repose sur l’immersion in situ, des discussions et de la familiarisation grâce au contact direct avec les participant·es et sur des relations de confiance construites sur un temps relativement long. Ce qui est communément considéré comme étant au cœur de l’enquête ethnographique est devenu problématique, voire impossible, car la « distanciation sociale » agit comme un quasi moratoire (Fine & Abramson 2020) pour toute observation de longue durée sur un terrain d’enquête. En conséquence, la plupart des ethnographes se retrouvent non à enquêter en temps réel sur un terrain et dans un même lieu que les participant·es, mais à observer « de loin » ce qui s’y passe, sans pouvoir utiliser les techniques d’enquêtes qui se sont pourtant avérées pertinentes pour saisir les enjeux sociaux, également en temps de crise. Comment les chercheur·es ont-ils et elles procédé pour entrer en contact et maintenir les liens avec les enquêté·es dans un contexte d’incertitude et parfois dans des situations d’urgence ? Comment ont-ils et elles transformé ou subverti les méthodes habituelles d’observation participante ? Une partie de la vie des enquêté·es s’étant transférée en ligne, est-il possible de mener une recherche ethnographique dématérialisée ? Avec quels outils, quelles techniques et quelles répercussions sur les relations d’enquête, les données récoltées et les modalités de restitution ? 1 Cette 6ème édition des Ateliers vise ainsi à interroger les conséquences de la pandémie en traitant des enjeux pratiques, méthodologiques et politiques auxquels font face les ethnographes dans le contexte actuel. Les propositions de communications pourront s’inscrire dans un des axes suivants ou mobiliser une réflexion plus transversale. A. Des terrains qui se dérobent ? Créer et maintenir une relation d’enquête dans un contexte de pandémie Ce premier axe propose de réfléchir de manière transversale à la relation d’enquête dans un contexte de pandémie. Les enjeux qui se présentent aux ethnographes sont différenciés selon les terrains sollicités, le profil des enquêté·es ou encore l’étape et l’avancement de la recherche ethnographique. Du point de vue des terrains tout d’abord, l’enjeu principal est sans doute la « fermeture » durable ou temporaire de certains lieux. La fermeture des frontières et de certains sites, de même que les restrictions de déplacement à l’international impactent directement les pratiques ethnographiques. Dans d’autres situations, l’activité n’est ni arrêtée, ni interdite, mais elle fonctionne à « huis clos », coupée des regards et de la présence extérieure. Certaines institutions sont désormais interdites d’accès aux publics (y compris aux ethnographes), comme les institutions hospitalières ou les lieux de vie communautaires pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Comment les ethnographes travaillent-ils et elles dans ces conditions ? Comment font-ils et elles concrètement face à des terrains qui se dérobent ? La situation de pandémie a également contribué à (re)définir certains groupes sociaux, notamment en regard de leur situation vulnérabilité par rapport à la maladie. Les personnes âgées, les malades chroniques, les femmes enceintes sont par exemples considéré·es comme des groupes « à risque ». La situation de pandémie rend donc délicat et potentiellement dangereux le contact avec certaines populations, auprès desquelles il est impossible d’établir des relations « en présentiel ». Cette désignation des groupes à risques définit ainsi de l’extérieur (par opposition aux ethnographes elles-mêmes) les groupes et les personnes avec lesquelles il est possible ou non de nouer une relation d’enquête. Les enjeux épistémologiques sont d’autant plus importants que la démarche ethnographique joue un rôle crucial dans l’analyse des conditions de ces personnes dites vulnérables, à la fois pour mieux comprendre leurs situations de vie et pour produire des réponses politiques qui s’appuient sur des constats empiriquement fondés (Fine & Abramson 2020). Comment les ethnographes ont-ils et elles fait face à un tel dilemme éthique : potentielle mise en danger de personnes désignées comme vulnérables versus importance de documenter leurs ressentis et leurs situations de vie ? Comment les ethnographes ont-ils et elles procédé lorsqu’ils et elles appartiennent eux-mêmes ou elles-mêmes aux groupes de personnes vulnérables ? Enfin, la temporalité de la recherche ethnographique est un facteur déterminant pour interroger les répercussions de la pandémie sur les pratiques de recherche : les enjeux ne sont pas identiques s’il s’agit de négocier un terrain d’enquête, de maintenir des liens existants ou de présenter des résultats aux enquêté·es. L’incertitude qui caractérise la période actuelle prend des formes très différenciées selon l’avancement de la recherche et les liens de confiance établis avec les enquêté·es. 2 Pour cet axe, nous attendons des propositions de communication qui interrogent les enjeux d’accès aux terrains ethnographiques ainsi que le maintien des relations d’enquête en temps de pandémie. Les thématiques investiguées peuvent être variées : création ou maintien d’un lien de confiance dans un contexte d’injonction à la « distanciation sociale », redéfinition d’un terrain d’enquête suite à la fermeture d’un site investigué, intégration (ou non) de la problématique COVID-19 sur des terrains déjà établis. Nous serions également particulièrement intéressé·es à recueillir des contributions qui intègrent une réflexion sur les affects et les émotions qui ont marqué cette période. Les terrains et les relations d’enquête ont-ils été marqués par une forme de « désorganisation affective » (Kaufmann, 2021) ? B. Les outils du travail ethnographique : des pratiques en transformation ? La situation de pandémie mondiale oblige à adapter les méthodes et les outils de la recherche ethnographique. Les chercheur·es ont l’habitude de composer avec des situations inattendues et parfois difficiles rencontrées sur le terrain, mais les conséquences imposées par la pandémie prennent des dimensions bien plus importantes. Certains outils ne peuvent simplement plus être mobilisés dans certains cas de figure. Les outils techniques permettant de faire des entretiens en ligne ou de suivre les participant·es « à distance » se sont beaucoup développés et joueront sans doute un rôle de plus en plus capital dans les mois à venir. D’un point de vue heuristique, ils ne remplacent toutefois pas la présence de longue durée sur en terrain, en co-présence avec les participant·es. Outre le fait qu’enquêter « à distance » questionne l’essence même de l’approche ethnographique, il s’agit également de questionner les pratiques mises en œuvre dans ce contexte. Comment les ethnographes se saisissent-ils et elles de ces nouveaux outils informatiques ? S’agit-il d’une simple transposition de pratiques ou certaines adaptations méthodologiques sont nécessaires pour mener un entretien à distance ? Au-delà des outils de l’enquête en ligne et de l’ethnographie digitale (Pastinelli, 2011, Berry, 2012, Jouët et Le Carroff, 2016), quelles autres adaptations méthodologiques ont été faites pour résoudre les problèmes rencontrés par les ethnographes ? Notamment, comment ne pas se limiter aux seuls « entretiens zoom » ? Quand les observations in vivo ne sont plus possibles, comment accéder aux pratiques en train de se faire et saisir ce qui se passe sur le terrain ? Enfin, comme toute technique, l’usage même du médium informatique pour communiquer avec les participant·es procède potentiellement à un tri (classiste et âgiste notamment) des participant·es. Comment documenter ces phénomènes ? Quelles en sont les répercussions sur les données récoltées et l’analyse livrée ? Si la pandémie limite les ethnographes, elle leur offre aussi potentiellement de nouvelles opportunités : le « passage en ligne » de nombreuses activités et pratiques sociales peut en effet ouvrir de nouveaux terrains auparavant inaccessibles. Par exemple, la transmission en ligne des rencontres de certaines institutions internationales dont les portes étaient jusque-là relativement hermétiques aux ethnographes. Dans une même veine, l’on assiste à une virtualisation des pratiques (professionnelles) elles-mêmes : le télétravail et l’organisation du travail via les télé/visio-conférences. Si les personnes que les ethnographes « observent » basculent ellesmêmes vers un fonctionnement en ligne, les chercheur·es ne devraient-ils et elles pas s’adapter à cette manière de faire et suivre les participant·es dans ces espaces virtuels ? Ce basculement ouvre sans doute de nouvelles possibilités d’observation et d’enquête : comment s’en saisir ? 3 Le moratoire des méthodes ethnographiques « plus classiques » pourrait in fine également être l’occasion d’imaginer et faire progresser de nouveaux outils de recherche et d’innover en matière de méthodologie. Par exemple, la non co-présence de l’enquêteur·trice et des enquêté·es peut amener à repenser la division du travail d’enquêtes entre les parties prenantes. Si l’ethnographe n’est plus présent·e in situ, l’enquêté·e, lui·elle, l’est toujours. Comment peut-on imaginer certains outils pour que l’enquêté·e puisse documenter ses pratiques (photographies, films, journaux intimes) et participer en tant que co-chercheur·euse ? Cet axe aimerait donc se saisir de ces « nouveaux objets » ethnographiques tant au niveau du contenu et de la conceptualisation qui apparaissent avec la pandémie. Table ronde : En plus des Ateliers organisés avec les communications sélectionnées suite à l’appel à communication, nous organiserons une table ronde portant sur les répercussions de la pandémie sur le métier de chercheur·e. En tant qu’ethnographes, nous sommes particulièrement touché·es dans notre quotidien et dans nos pratiques professionnelles (comparativement par exemple à des collègues mobilisant les méthodes quantitatives). La mise en arrêt, le report et les transformations de nos activités de recherche sur le terrain, a non seulement un impact immédiat, mais également à moyenne voire longue durée. Comment rendre compte dans un thèse de doctorat d’un basculement de pratiques en milieu de terrain ? Les données récoltées in situ peuvent-elles être traitées de manière équivalente aux données récoltées en ligne ? Quelles sont les répercussions de la pandémie sur les carrières professionnelles en termes d’évaluation, de financement, de planification : comment seront évalués les dossiers de recherche impactés par le moratoire des activités sur le terrain ? Existe-t-il un risque que certains financements de projet (doctorat, post-doctorat ou autre) ne soient pas financés car jugés « infaisables » dans le contexte actuel ? Comment organiser un calendrier de recherche ou un plan de carrière dans un tel contexte d’incertitude ? L’ethnographie est par définition une « slow science » et faisait à ce titre déjà face à des sérieux défis (dont le « publish or perish »). Le modèle de la recherche sur projet, qui laisse peu de place à la démarche inductive et à l’incertitude, n’est guère davantage favorable à nos pratiques. Il est donc urgent de nous réunir pour discuter et collectiviser nos pratiques et de nous mobiliser pour défendre les spécificités de la démarche ethnographique dans un contexte d’injonctions à la « distanciation sociale ». *** Merci de nous envoyer vos propositions sous forme de résumé d’une page maximum. Elles indiqueront : • le ou les terrains d’enquête • la ou les méthodes de collecte des données (observation, photo, film, entretien) • le choix (même indicatif) des données qui seront présentées (film, extraits d’entretien audio ou retranscrit, extrait de carnet de notes de terrain). • la ou les questions (de l’appel, ou d’autres) auxquelles la communication entend répondre • Les noms, prénoms, affiliation(s), statuts et coordonnées des auteur·es sont également à faire figurer dans le document. 4 Calendrier • • • 28 juin 2021 : envoi des propositions à l’adresse mail : alethnographie@gmail.com sous la forme d’un document word. fin juillet 2021 : notification aux participant·es de la sélection des communications Jusqu’au 15 août 2021 : envoi des communications écrites au comité d’organisation Comité d’organisation : Martina Avanza (UniL), Morgane Kuehni (HES-SO), Laurent Paccaud (UniL) et Isabelle Zinn (UniL et HES-SO) Comité scientifique : Agnès Aubry (UniL), Soline Blanchard (ULyon-II), Sébastien Chauvin (UniL), Alexandre Dafflon (UniL), Arnaud Frauenfelder (HES-SO), Solène Froidevaux (UniL), Michaël Meyer (UniL), Frédérique Leresche (UniGe), Marc Perrenoud (UniL), Mélody Pralong (UniL), Marie Sautier (UniL), Laure Scalambrin (HES-SO), Pierre-Emmanuel Sorignet (UniL), Anne-Christine Trémon (UniL), Armelle Weil (HES-SO). Les Ateliers Lausannois d’Ethnographie sont organisés grâce au soutien de l’ISS (Institut de Sciences Sociales de l’Université de Lausanne), de l’ISSUL (Institut des Sciences du sport) et de l’IEP (Institut d'Études Politiques de l’Université de Lausanne). Références : Berry, Vincent (2012), Ethnographie sur Internet : rendre compte du « virtuel ». Les Sciences de l'éducation-Pour l'Ère nouvelle, 45(4), 35-58. Fine, Gary Alan & Corey M. Abramson (2020), Ethnography in the time of Covid-19. Vectors and the vulnerable, Etnografia e ricerca qualitativa, 2, 165-175, DOI : 10.3240/97802. Jouët, Josiane & Coralie Le Caroff (2013), L’observation ethnographique en ligne. Dans : C. Barats, Manuel d’analyse du web en Sciences Humaines et Sociales (pp. 147-165). Paris : Armand Colin. Kaufmann, Laurence (2021), Ces émotions qui nous gouvernent. CO-VIES20 https://covies20.com/2021/01/22/ces-emotions-qui-nous-gouvernent/. Pastinelli, Madeleine (2011), Pour en finir avec l'ethnographie du virtuel ! Des enjeux méthodologiques de l'enquête de terrain en ligne, Anthropologie et sociétés, 35(1-2), 35-52. 5