La Revue de médecine interne 30 (2009) 991–993
Cas clinique
Hypoplasie de la veine cave inférieure rétrohépatique
Hypoplasia of the hepatic segment of the inferior vena cava
M. Boucelma a,∗ , N. Laraba a , L. Stof-Brahiti b , H. Boudjelida a , D. Zemmour a , N. Ouadahi a ,
A. Berrah a , B. Mansouri b
a
Service de médecine interne, hôpital Mohamed Lamine Debaghine, boulevard Said Touati, 16009 Alger, Algérie
b Service de radiologie, hôpital Mohamed Lamine Debaghine, boulevard Said Touati, 16009 Alger, Algérie
Disponible sur Internet le 21 mars 2009
Résumé
Les anomalies congénitales de la veine cave inférieure (VCI) ne sont pas exceptionnelles. Leur découverte a pendant longtemps été fortuite
lors d’une angiographie ou d’un cathétérisme rétrograde du cœur droit pour cardiopathie congénitale. Leur diagnostic est devenu plus aisé avec le
développement des techniques d’imagerie non invasive : échodoppler, tomodensitométrie et imagerie par résonance magnétique nucléaire. Nous
rapportons une observation d’hypoplasie de la VCI rétrohépatique chez un jeune patient de 19 ans, qui présentait un syndrome œdémato-ascitique
d’installation progressive.
© 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Veine cave inférieure ; Hypoplasie ; Échodoppler ; Phlébographie par résonance magnétique
Abstract
Congenital anomalies of the inferior vena cava are not uncommon. In the past, the diagnosis was made by angiography and retrograde right
heart studies which were being commonly performed for the assessment of congenital malformation of the heart. The advent of ultrasound and
three-dimensional imaging such as computed tomography and magnetic resonance made it easier to obtain the diagnosis. We report here a case of
inferior vena cava hypoplasia in a 19-year-old male, who presented with progressive ascitis and edema.
© 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Inferior vena cava; Hypoplasia; Ultrasound imaging; Magnetic resonance venography
1. Introduction
Durant l’embryogenèse, la veine cave inférieure (VCI) est
formée à la huitième semaine selon un processus associant
le développement, la régression, puis la fusion de trois paires
d’éléments veineux qui s’anastomosent en quatre segments : le
segment postrénal, le segment rénal, le segment prérénal et le
segment intrahépatique. Si les structures pairées ne se réunissent
pas, une hypoplasie de la VCI en résulte. La prévalence de
ces anomalies dans la population générale est de 0,07 à 8,7 %
[1]. Chez l’enfant, ces anomalies sont patentes lorsqu’elles sont
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : mboucelma@yahoo.fr (M. Boucelma).
associées à des malformations cardiaques ou viscérales. Chez
l’adulte, ces anomalies sont découvertes fortuitement lors d’un
geste chirurgical ou d’une exploration radiologique, ou plus rarement devant des manifestations cliniques d’une hépatopathie
chronique [2].
2. Observation
Un patient de 19 ans suivi en hématologie depuis l’âge de six
ans pour anémie microcytaire normochrome et une splénomégalie présentait un syndrome œdémato-ascitique d’installation
progressive. L’examen clinique notait un retard staturopondéral,
une ascite de grande abondance avec une circulation collatérale
de type cave inférieure, une splénomégalie, une hépatomégalie,
0248-8663/$ – see front matter © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2009.02.008
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Fig. 1. Échodoppler VCI : accélération des vitesses au niveau du segment hypoplasique.
des œdèmes rétromalléolaires, une pustulose des jambes avec
ulcérations de petites tailles. Les aires ganglionnaires étaient
libres, la thyroïde était de volume normal.
L’hémogramme objectivait une anémie microcytaire hypochrome (Hb : 10 g/dl, volume globulaire moyen (VGM) :
78 fl, concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine
(CCMH) : 32 %) et une lymphopénie à 600 par millimètre cube.
Le bilan hépatique était sans anomalie (bilirubinémie : 10 mg/l,
aspartartate aminotransférase (ASAT) : 17 UI/l, alanine aminotransférase (ALAT) : 23 UI/l, TP : 67 %). Le fer sérique était à
21 pg/l, avec un coefficient de saturation à 12 % et une ferritinémie normale. L’amylasémie et la lipasémie étaient normales.
La calcémie était à 71 mg/l avec une hypoprotidémie à 49 g/l et
une hypoalbuminémie majeure à 8,6 g/l. Il existait une hypergammaglobulinémie à 21,2 g/l et un taux d’IgG à 16,1 g/l. La
céruléoplasmine était à 32 mg/l, la cuprémie à 1,38 mg/l et la
cuprurie à 1,43 mg/l. Les sérologies virales (B, C) étaient négatives tout comme le bilan de thrombophilie (antiphospholipides,
protéine S, protéine C, antithrombine, homocystéine). Le bilan
immunologique ne retrouvait ni facteur anti-nucléaire ni anticorps anti-endomysium ou anti-gliadine. Le myélogramme et la
ponction biopsie osseuse étaient sans anomalies. L’examen du
liquide d’ascite montrait 539 leucocytes par millimètre cube, un
taux de protides à 4,45 g/l, des LDH à 26 UI/l et un cholestérol
total à 0,1 g/l.
L’éléctrocardiogramme (ECG), la radiographie thoracique, la fibroscopie œsogastroduodénale étaient normaux.
L’échographie abdominale avec échodoppler retrouvait une
hépatomégalie hétérogène avec une splénomégalie à 20 cm, un
tronc porte à 10 mm avec syndrome d’hypertension portale,
des veines sus-hépatiques perméables et une VCI hypoplasique
(Fig. 1) dans son segment rétrohépatique. Les axes veineux
iliocaves et fémoro-poplités étaient perméables. La veinographie par résonance magnétique objectivait une hypoplasie de la
Fig. 2. Hypoplasie de la veine cave inférieure rétrohépatique (segment distal
). Le tronc porte est de calibre normal (
).
VCI (Fig. 2), siège en hyposignal, d’un épaississement circonférentiel avec aspect filiforme étendue à la veine sus-hépatique
gauche (VSH). Il n’existait pas de matériel thrombotique. Les
veines sus-hépatiques perméables s’abouchaient dans la VCI.
Les veines rénales étaient sans anomalies et la veine hémiazygos
droite modérément dilatée. L’échodoppler veineux des membres
inférieurs retrouvait une incontinence veineuse profonde sans
séquelles de thrombose.
Sous traitement symptomatique associant perfusions
d’albumine et anti-aldostérone, l’évolution était marquée par
une amélioration transitoire avec décompensations itératives et
décès dans un tableau de cachexie.
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3. Discussion
Les anomalies de la VCI ont été décrites pour la première fois,
il y a plus de 200 ans [1]. Elles ne sont rapportées dans la littérature médicale que depuis l’avènement de l’imagerie moderne,
scanner et résonance magnétique nucléaire. Avant l’imagerie,
leur diagnostic était peropératoire. Ces anomalies sont secondaires à une aberration embryologique aux sixième et huitième
semaines de gestation. Durant cette période, le développement
embryologique complexe de la VCI associe la régression et
l’anastomose de trois paires veineuses. L’interruption de ce processus peut intéresser une ou plusieurs de ces structures et aboutit
à une large variété d’anomalies selon le ou les segments atteints
[3,4]. Il en résulte le développement d’un réseau de collatéralité
au niveau du système veineux profond. Si le drainage à travers
ces collatérales est insuffisant, la pression veineuse au niveau
abdominal et des membres inférieurs augmente [3]. L’anomalie
de la VCI la plus fréquente est une veine rénale gauche rétroaortique [5]. L’hypoplasie de la VCI est rare, elle n’est rapportée
que par quelques observations [2,6]. La prévalence de ces
anomalies est de 0,07 à 8,7 % dans la population générale.
Une méta-analyse des anomalies veineuses profondes chez les
patients présentant des malformations vasculaires à prédominance veineuse estime cette prévalence à 0,5 % [3,7]. Cependant,
cette pathologie reste sous-estimée car un certain nombre de
malformations sont asymptomatiques. Les anomalies de la VCI
peuvent par ailleurs, s’associer à d’autres malformations congénitales : dextrocardie, communication inter-auriculaire, sténose
de l’artère pulmonaire, polysplénie ou asplénie, hypoplasie ou
agénésie rénale et transposition des viscères abdominaux [4].
Au cours des deux dernières décennies, les anomalies de la
VCI ont été reconnues comme facteur de risque de thrombose
veineuse profonde (TVP). Dans une étude prospective incluant
116 patients d’âge inférieur à 50 ans, présentant une TVP idiopathique, Garcia-Fuster et al. [8] retrouvent une association
à une anomalie cave inférieure dans 5 % des cas. Dans notre
observation, l’hypoplasie de la VCI a été responsable du développement progressif d’une circulation collatérale abdominale
antérieure, d’une hépatosplénomégalie et d’une ascite. Sen et
al. [6] rapportent également l’observation d’un jeune patient
avec circulation collatérale abdominale antérieure massive et
hépatomégalie cirrhogène. Le diagnostic posé lors d’une laparotomie associait une hypoplasie du segment hépatique de la
VCI avec hypertension portale secondaire. La localisation des
lésions au segment hépatique de la VCI et son extension à la
VSH gauche est compatible avec les manifestations cliniques
observées chez notre patient. Les ulcérations des membres inférieurs sont largement expliquées par l’insuffisance veineuse
chronique.
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Le diagnostic différentiel se pose avec l’obstruction membraneuse de la VCI [9,10]. Dans ce cas, la membrane est une
formation intracave due à un épaississement localisé de l’intima
causé par la prolifération d’un tissu conjonctif fibreux. La média
et l’adventice ont une architecture normale. Extérieurement, la
VCI est normale, ou bien est le siège d’une discrète incisure.
Il est fréquemment noté dans ce tissu fibreux la présence de
matériel thrombotique d’âge variable ainsi que des calcifications. La membrane entraîne une occlusion complète dans 70 %
des cas. Toutes les VSH sont oblitérées dans 40 % des cas. Il
reste une VSH perméable dans 60 % des cas [11]. Chez notre
patient, la lumière vasculaire n’était pas occluse et les VSH
étaient perméables. En l’absence de malformations associées,
l’histoire naturelle des anomalies de la VCI dépend des segments
atteints. Si le segment hépatique n’est pas atteint, l’évolution est
compatible avec la vie [2].
Même s’il reste rare, le diagnostic d’anomalie de la VCI doit
être évoqué chez tout adulte jeune de moins de 30 ans présentant
des thromboses veineuses profondes d’allure idiopathique ou
des stigmates cliniques ou biologiques d’hépatopathie.
Conflits d’intérêts : aucun.
Références
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