Héritage perdu de l’art du récit dans le Cinéma camerounais, des
précurseurs à la génération numérique : la notion du conflit dans
« Sango Malo » de Basseck Ba Kobhio et « la patrie d’abord » de
Thierry Ntamack
EXTRAIT :
Le conflit dans le récit filmique camerounais : des précurseurs à
la génération numérique
De nos jours, il serait un peu rétrograde de limiter un film juste à un assemblage plus ou
moins maitrisé de plusieurs autres arts, parce que le cinéma emprunte et influence ces derniers,
mais invente ses propres codes. Comme le dira Vachel LINDSAY : « le cinéma d’une part a
des traits comparables à d’autres arts : peinture, sculpture, architecture ; et d’autre part, il a
inventé des formes de récit et de spectacle entièrement originales1 ». Mis à part cette
originalité, de manière basique et dans la plupart des cas, un bon film est la somme de la maitrise
des arts qui entrent dans sa fabrication. En effet, un film, c’est un récit, dans lequel des
personnes mis en scène sont habillées, maquillées et filmées de manière à donner au cinéphile
l’illusion du réel. L’art du cinéma serait donc l’art du récit, l’art de la parole, l’art de la mode,
l’art du maquillage, l’art de la photographie pour ne citer que ceux-là. Les précurseurs du
cinéma camerounais avaient très bien appréhendé cette notion d’art total dans leurs films.
Jusqu’à l’avènement du numérique aux années 2000 presque tous les films camerounais
avaient eu des succès populaires et des succès d’estime depuis « Munamuto » de DikonguePipa
sortie en 1975 au « le silence de la forêt » de BASSECK BA KOBIO sortie en 2003, en passant
par « le complot d’Aristote (1997) » de Jean pierre BEKOLLO, « le cercle des pouvoirs (1998)
» de Daniel KAMWA ou encore « les coopérants (1982) » de Arthur SI BITA. Mais depuis
l’avènement du numérique, le seul film camerounais de la génération numérique ayant associé
succès d’estime et succès populaire reste « Confidences » (2007) » de Cyrille MASSO « prix
spéciale du jury au FESPACO 2007, Ce film qui a fait salle comble au cinéma ABBIA plusieurs
fois entre 2007 et 2009, et c’est celui qui a révélé Thierry NTAMACK et d’autres jeunes
actrices comme Tatiana MATIP. En dehors de Cyrille MASSO, malgré le nombre croissant de
structure de production, il faut attendre vers la fin de la deuxième décennie des années 2000
pour voir quelques films produit par la génération numérique remporté des prix ou être
sélectionné dans les festivals de renom. Parmi ces noms on peut citer Narcisse WANDJI,
Franck Thierry Léa MALLE. Même si désormais on peut compter sur ces jeunes avec en plus
Joseph AKAMA qui réalise KANKAN (2022), Salem KEDY (Prédiction 2021, le petit sam,
2022), il faut noter que la qualité artistique des films camerounais de la génération numérique
a eu de la peine à convaincre. Ceci se justifie au festival écrans noirs 2018 ou le jury catégorie
long métrage camerounais refuse de donner un prix estimant qu’aucun des films en compétition
1
LINDSAY Vachel, cité par AUMONT Jacques, esthétique du film, Armand colin, 2016, P. 245
n’en méritait. Ce qui revient à dire que la jeune génération n’arrivait pas – du moins pas encore
– à maitriser l’art cinématographique et au minima le premier qui est l’art du récit car tout film
commence par un récit.
LA FORMATION DU COMÉDIEN
………………………………………………………………………………………………
Par A. BOUNA GUAZONG
EXTRAIT
Au Cameroun, la confusion générale en matière de terminologie dans certains secteurs
d’activité n’a pas épargné celui des arts. Souvent cette confusion est la preuve d’une certaine
ignorance des professionnels qui n’ont qu’une formation pratique fait sur le tas, et donc pêchent
par un manque de connaissance académique. Le cas le plus populaire dans les arts vivants est
celle entre le terme comédien et acteur. Si dans le monde occidentale ce débat tend à disparaitre,
ou du moins n’as plus l’importance qu’il avait dans les années 30, il est encore d’actualité au
Cameroun. Ici, cette différenciation est tellement claire que parfois certains « acteurs » ne
tolèrent pas qu’on les appelle « comédien ». Au Cameroun, un acteur désigne une personne qui
interprète un rôle au cinéma et un comédien c’est quelqu’un qui fait du théâtre, ou simplement
un mauvais acteur. C’est dans le prolongement de ce raisonnement que Annette ANGOUA
déclare
« Très souvent, les cinéastes camerounais choisissent des acteurs qui n’ont aucune
compétence réelle et qui, et qui pour la plupart n’ont jamais joué dans un film important.
Beaucoup sont issus du théâtre et jouent dans les films comme au théâtre. Et pourtant, l’art
théâtral est différent de l’art cinématographique. » (ANGOUA, 2012, P.33)
Certes l’art théâtrale aurait des différences avec l’art cinématographique, mais la
justesse d’un jeu ne saurait être tributaire d’un média. Ou on joue vrai, ou on joue faux. C’est
n’est pas parce qu’on au théâtre que la manière d’exprimer la joie serait diffèrent de la manière
d’exprimer sa joie au cinéma. Donc ce n’est pas en réalité le comédien qui change sa manière
de jouer, ce sont les contraintes de chaque media qui influencent le jeu du comédien comme le
souligne Emilie MARCARDE
« Il existe de nombreuses différences dans la manière de travailler un personnage en
fonction du mode de production. Par exemple, un acteur exagère ses gestes et émotions au
théâtre, il est plus spécifiquement axé sur un jeu extraverti, tandis que le jeu à la caméra
cherche d'emblée un jeu plutôt naturel et plus introverti. Autrement dit, la caméra va chercher
par elle-même les facettes du comédien et celui-ci n'a en réalité pas à trop exprimer ses
émotions. » (MACARDE 2018, P.3)
Autrement dit, la différence est au niveau de l’amplitude que le comédien imprime sur
une émotion ou un geste. Au cinéma on peut être minimaliste car la caméra fera l’amplification
alors qu’au théâtre la caméra n’existe pas et donc, le comédien doit amplifier son geste ou son
émotion. Le fait d’amplifier un geste ne le rend pas faux, et donc, dire qu’un comédien c’est
un mauvais acteur témoigne tout simplement de la méconnaissance de l’art dramatique. Mais à
la question : Comment devenir un acteur ? Où forme-t-on un acteur au Cameroun pour qu’il
puisse jouer vrai ? Les intellectuels et plusieurs professionnels du cinéma vous diront qu’il faut
une école de formation, mais cela n’existe pas au Cameroun. Mais alors dans ces écoles de
formation, comment apprend-on à devenir acteur si ce n’est par les techniques d’art
dramatique ? Ce que Annette ANGOUA confirme en ces termes
« Même si les camerounais, et partant l’africain, est de nature bon comédien, certains
films montrent ce faux jeu et appellent la nécessité pour ces acteurs de posséder les rudiments
du métier. Et cela ne peut s’acquérir que dans une école d’art dramatique. » (ANGOUA, 2012,
P. 34)
Malgré ce paradoxe dans le raisonnement de Annette ANGOUA, une chose est claire,
pour devenir un bon acteur, il faut prendre des cours d’art dramatique, en d’autres termes il faut
faire du théâtre. Ceci reste valable lorsqu’on sait que certains grands acteurs américains de
cinéma ont été formé à l’actor studio de New-york sous la direction de Lee STRASBERG donc
les enseignements étaient basés sur les théories de Constantin STANNIVSLAVSKY.
Par Amadou BOUNA GUAZONG :
Scénariste, POST-PRODUCTEUR, Chercheur, Université de Yaoundé I
Membre de L’ACIREC (Association Camerounaise Interuniversitaire de Recherche en Cinéma)