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Cours Dramaturgie, SALL

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COURS DE DRAMATURGIE

M. SALL (FLSH/UCAD)

LES PROBLEMATIQUES DE L’HISTOIRE ET DE L’ESTHETIQUE DU


THEATRE

INTRODCTION GENERALE
Selon Aristote dans La Poétique1, le théâtre grec prend racine dans les fêtes
religieuses liées au culte de Dionysos2 après les récoltes de vignes . Le peuple suivait la
procession des chœurs de personnes déguisées en satyres (mi-homme, mi-bouc : d’où la
notion de mimesis inhérente à la genèse du théâtre et à son développement) et chantant
les louanges à Dionysos appelés dithyrambes3. C’est au VI siècle avant J.-C que la
pratique théâtrale commence à se laïciser progressivement pour devenir une activité
politique, culturelle et artistique4. Pour canaliser l’effervescence et la ferveur populaire,
le roi Pisistrate eut l’idée de construire des lieux spécifiquement réservés aux
manifestations dionysiaques (ou dionysies) et d’organiser des concours de représentations
dramatiques. Dans un premier temps, Thespis, premier dramaturge eut l’idée de se
dégager du chœur pour lui donner une réplique. Cet échange entre le chœur et Thespis, le
premier acteur (protagoniste5) est considéré comme le premier dialogue. Le nommé
Eschyle, introduit un deuxième acteur (deutéragoniste) pour privilégier le dialogue entre
acteurs et reléguer le chœur au second plan. Celui-ci n’intervient plus par ses chants que
pour rythmer les échanges verbaux. L’échange entre les deux acteurs dans un lieu assisté
par des spectateurs, signe l’acte de naissance du théâtre grec et du théâtre moderne en
général dans sa dimension écrite et représentative, plus connu sous le nom de théâtre à
l’italienne. Euripide introduira le 3eme personnage. Cependant, si les chercheurs
s’accordent pour reconnaitre le théâtre grec comme l’origine du théâtre occidental, force
est de reconnaitre que le théâtre pose encore plusieurs questions relatives à son
étymologie, à son universalité : l’art dramatique est-il spécifique au peuple grec et
occidental par ricochet ? Les autres peuples ont-ils connu et développé le théâtre ? La

1
Aristote, La Poétique (vers 335 –JC). Des versions plus récentes traduites sont disponibles comme Livre
de la Poétique. [Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire]. Paris : Ladrange, 1838.
2
Dieu du vin et de l’ivresse dans la Grèce antique.
3
Dans la Rome antique, le théâtre serait né dans les mêmes circonstances avec la célébration de Bacchus,
dieu de l’ivresse correspondant à Dionysos.
4
De plus en plus, les anciens héros grecs prennent la place de Dionysos.
5
Aujourd’hui le terme « protagoniste » est employé pour désigner toute personne mise aux devants de la
scène et jouant les premiers rôles.
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question se pose aussi au niveau des rapports entre texte et spectacle, lequel faudrait-il
accorder la primauté ? Qu’est-ce qui fait la spécificité de l’écriture dramatique ? En quoi
le spectacle est-il une entité esthétique autonome ? Quels sont les modes de jeux de
l’acteur ? Comment fonctionne la scénographie ? Quels sont les différents types d’espace
dans le théâtre ? Autant de questions qu’une immersion dans l’univers dramatique nous
permettra d’éclairer.

I. LA QUESTION DE L’ORIGINE DU THEATRE


1. Où est né le théâtre ?
Du point de vue historique, peut-on affirmer que le théâtre est une activité propre
au peuple grec puisque les recherches scientifiques ont établi l’existence des sources
dramatiques dans la Grèce antique. Pour peu qu’on se précipite d’apporter une telle
réponse à cette question, on risque de tomber dans le piège d’une réplique à la fois
restrictive et soustractive. Les chercheurs qui ont donné l’exclusivité du théâtre à
l’Occident en déniant au peuple d’Afrique noir précoloniale sont sans doute tombés dans
ce piège6. Or, les cérémonies cultuelles (susmentionnées) à l’origine du théâtre antique
gréco-latin ressemblent à bien des égards aux manifestations rituelles et culturelles en
cours en Afrique traditionnelle.
Dans ce continent, l’origine du théâtre est située, d’une part, dans la célébration des actes
primordiaux de l’existence (baptême, mariage, funérailles), les cérémonies d’initiation,
les sorties de masques, d’autre part, dans les activités culturelles telles que les veillées de
contes, de mythes, d’épopées ou de légendes, l’organisation de spectacles de danses.
Depuis, les chercheurs ont pu retrouver des milliers de manifestations qui témoignent de
l’activité dramatique en Afrique traditionnelle7. Parmi ces dernières, le kotéba bambara
est reconnu comme le spectacle traditionnel qui fait le plus office de théâtre dans sa
dimension représentative. Delafosse, Labouret et Travélé sont les premiers ethnologues à

6
Cf. Claude Pairault, « Où trouver le théâtre ? ». In : Actes du colloque sur le théâtre négro-africain,
(Abidjan 1970), Paris : Présence africaine, 1971. Robert Cornevin. Le théâtre en Afrique noir et en
Madagascar. Paris : Le Livre Africain, 1970.
7
Cf. Mwamba Cabakulu et al. De l’instinct théâtral, Le théâtre se ressource en Afrique.
Paris : Le Livre Africain, 2004. Bakary Traoré. Le théâtre africain et ses fonctions sociales.
Paris : Présence Africaine, 1958.
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s’intéresser au kotéba bambara8 qui illustre le génie dramatique africain. Mêlant chant,
danse, musique, masque et costumes dans un espace organisé, le théâtre traditionnel
africain est considéré comme un théâtre total. En Asie aussi le nô, le kabuki, bukaku,
manifestations dramatiques nipponnes, sont les sources du théâtre japonais; de même que
le Mahabharata et le Ramayana en Inde où les chercheurs retrouvent des traces de
manifestations dramatiques. C’est dire que le théâtre est une pratique culturelle
universelle.
Autant dire avec L. Petit De Julleville qui, étudiant le théâtre français, avançait
avec certitude que « chez nous, comme en Grèce, comme la plupart des peuples, le théâtre
est né du culte9 ». C’est dire que si les Grecs chantaient Dionysos, les Africains chantaient
aussi leurs dieux d’autant plus que les peuples africains traditionnels sont polythéistes.
Etudiant les sources du théâtre de son peuple, Wolé Soyinka pense que le dieu du théâtre
nigérian est Ogun selon la mythologie yoruba ; et il peut aussi incarner le dieu du théâtre
africain en général.
Au-delà de l’Antiquité, Robert Pignaré dans son Histoire du théâtre va plus loin
en affirmant que l’origine du théâtre est inhérente aux premiers mouvements de l’homme.
Il affirme que « l’homme a commencé à faire du théâtre lorsqu’il a esquissé les premiers
pas de danse ; la danse étant un rituel organisé sous la forme d’une mise en scène.10 » Or,
selon Curt Suchs, « la danse est la mère des arts »11. Ce qui veut dire que le théâtre est, à
l’en croire, le chercheur, l’une des forme de jeu les plus anciens que l’homme a inventée
pour se distraire. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que les premières formes de
distraction de l’homme sont les récits historiques tels que l’épopée, la légende et le mythe.
Le théâtre serait né dès que le narrateur suspendit le récit pour s’adonner à la monstration,
ou l’imitation (mimesis Aristote) 12.
2. Qu’en-est-il de la définition théâtre ?
Du point de vue de l’étymologie, le mot « théâtre » vient de theatron mot grec
désignant dans la Grèce antique le lieu où devaient s’asseoir les spectateurs pour assister
aux représentations dramatiques. Ce qui correspond aujourd’hui aux tribunes ou gradins.

8
H. Labouret et al., «Le théâtre mandingue». In: Africa, London: Oxford University Press, 1928.
9
Louis Petit De Julleville. Op.cit., p. 20.
10
Rober Pignaré. Histoire du théâtre, Paris : P.U.F, 1965.
11
Curt Suchs. Introduction à l'Histoire de la danse. Paris : Gallimard, 1938
12
Les jeux d’enfant nous rappellent ce besoin naturel d’incarner des personnages pour les imiter (je suis
le père, tu es la maman, je suis le président, je suis le policier, tu es le bandit…etc.)
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Par glissement métonymique le terme en arrive à signifier le lieu dans sa globalité et le


spectacle ou l’activité qui s’y déroule. Par la suite, la fortune du terme fait que le théâtre
est un métier, une discipline, un art (4ème art), de la littérature (une pièce de théâtre ou
l’ensemble des œuvres dramatiques d’un auteur, d’un pays ou d’un continent13).
Aujourd’hui, le terme est appliqué à tout lieu de manifestation dramatique (théâtre
d’opération, théâtre de verdure, théâtre de la vie14). Comme genre littéraire et spectacle
le théâtre est composé de plusieurs sous-genres dont les principaux sont : la tragédie, la
comédie, le drame. Le terme comédie désignait anciennement le théâtre lui-même ; au
XVII siècle, l’expression « La comédie française » signifiait le théâtre français15.
Retenons la définition proposée par l’Institut International de Théâtre (I.T.I) 16,
définition qui tient en compte les différents aspects du phénomène dramatique partout il
s’est manifesté :

Théâtre : événement imaginé généralement fondé sur du texte, représenté par des
exécutants, conçu pour être donné devant un public dans un espace artistique
spécifique, mettant en œuvre des techniques vocales et/ou corporelles (impliquant voix
et/ou mouvement) pour aboutir à la connaissance par les sens et à la libération des
émotions. Cet événement est généralement répété à l’avance et destiné à être rejoué
pendant un certain temps. (ITI, 1985).17

Ainsi, il est question pour nous de nous intéresser sur la double dimension scripturaire et
spectaculaire du théâtre qui ne manque pas de poser aussi des questions.

II. LE THEATRE DU TEXTE A LA REPRESENTATION ?


A la fois texte et spectacle, le théâtre ou la dramaturgie est un genre complexe. Sa
complexité tient justement du fait qu’il est genre littéraire et mise en scène, littérature et
pratique artistique. Cependant, même si à l’origine c’était la cérémonie cultuelle de la

13
Théâtre d’Aimé Césaire, théâtre sénégalais, théâtre français, théâtre africain….
14
L’ensemble des activités humaines comparées à une représentation théâtrale. (Cf. dictionnaire de
l’Académie)
15
C’est le nom d’un des plus grands instituts de théâtre en France fondé en 1680.
16
L’ITI est l’organisation mondiale pour les arts de la scène, fondée en 1948 par des experts du théâtre
et de la danse, en collaboration avec l’UNESCO. L’Institut promeut l’entente mutuelle et la paix, défend
les expressions culturelles dans leurs diversités.
17
Précisons que cette définition reste ouverte à toute autre suggestion permettant de mieux saisir l’essence
du genre dramatique. D’ailleurs, il existe d’autres définitions avancées par les chercheurs
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Grèce antique célébrée pour rendre hommage à Dionysos, le théâtre s’est progressivement
développé pour devenir une activité professionnelle. Pour les besoins d’organisation, la
nécessité de fixer le canevas des manifestations s’est fait sentir pour s’en souvenir et en
faire une bonne représentation. La littéralisation du théâtre a fini par prendre le devant
sur le spectacle à telle enseigne que le débat se pose sur la primauté du texte par rapport
à la représentation ou vis-versa. Débat d’autant plus difficile à trancher qu’il ressemble à
la question de savoir qui vient le premier entre la poule et l’œuf? Autant convenir que
même si au début, c’était le spectacle, le théâtre tel qu’il s’est développé et vulgarisé dans
le monde jusqu’aujourd’hui s’est fait à travers la littérature, en l’occurrence des pièces
écrites avant d’être représenté. Le théâtre écrit est donc une ancienne tradition en
Occident.

1. Le théâtre écrit : une ancienne tradition en Occident

En effet, l’écriture dramatique est une ancienne tradition fortement ancrée dans
l’histoire de la culture grecque et occidentale. D’ailleurs, les premiers textes dramatiques
datent de l’Antiquité grecque :
- Eschyle (100 pièces, dont 7 connues, Les perses, Sept contre Thébes, Les
suppliantes, L’orestie (trilogie) et Prométhée),
- Sophocle, 122 pièces, dont 7 connues, ajax, antigone, oedipe roi,
Électre, Les Trachiniennes, Philoctète, Les Limiers )
- Euripide (90 pièces, 19 reconnues, dont phèdre, andromaque, Iphigénie, les
bacchantes, etc.
- Aristophane, poète comique, 44 pièces dont 11 sont connues comme Les
Acharniens, Les Cavaliers, Les Nuées, Les Guêpes, etc.
A Rome antique, les premiers auteurs sont Plaute, auteurs de 130 pièces regroupés
en 2 chapitres (Le palimpseste ambrosien, Le codices palatini), Terence (-190-159, JC)
(6 pièces connes) dont L'Andrienne, L’Hécyre, Heautontimoroumenos (autodestruction).
Marie Claude-Hubert critique spécialiste de théâtre souligne l’importance de
l’écriture dramatique dans cette époque en montrant comment le genre littéraire a été très
tôt pris en charge par les premiers philosophes grecs : « Les plus anciens textes théoriques
occidentaux du théâtre sont l’œuvre de philosophes, Platon dans la République et Aristote
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dans la Poétique18. » Mieux, ces théoriciens mettent l’accent sur l’écriture. En effet, selon
Aristote, le théâtre est « l’art qui se sert seulement du discours, soit en vers, soit en prose,
que ceux-ci soient de différente sorte mêlés ou tous du même genre 19».
Cette conception du théâtre écrit s’est développée en France où les 1ers textes
dramatiques datent du Moyen-Age. Désignés sous le nom de mystères, ils sont
d’inspirations bibliques. Ce sont des drames religieux traitant des miracles de La Passion
du Christ, de la vie des saints, qui se jouait généralement sur le parvis des Eglises.
Julleville de rapporter celle qui ouvre la voie de la production dramatique écrite en
français, en l’occurrence La Représentation d’Adam, en révélant la place majeure que
le rituel y occupe: « Le plus ancien drame écrit en Français appartient au XIIème siècle.»
Selon l’auteur « cette énorme production dramatique » dont le nombre de pièces
« conservé dépasse soixante mystères, forme ensemble au moins un million de vers 20».
Jusqu’au XVIIème siècle classique, en passant par la Renaissance21, les grands doctes
continuent l’héritage d’Aristote en spécifiant le genre (tragédie et comédie) et en mettant
l’accent sur l’écriture. Dans ce siècle, le genre théâtral est désigné même par l’expression
de « poésie dramatique ». Or, la poésie était elle-même écrite (Cf. L’Art poétique22). Les
pièces étaient écrites avant d’être représentées. Jean Racine23, Pierre Corneille24 Molière25
furent les principaux auteurs. D’autres comme Jean de Rotrou, Georges de Scudéry
Thomas Corneille abbé d'Aubignac, Balthasar Baro, Catherine Bernard, ont aussi écrit
des pièces26.
Le XVIII siècle verra naitre aussi des auteurs qui écrivent des pièces avant de
penser à la représentation. Diderot, initiateur du drame bourgeois27, Beaumarchais,

18
Marie Claude-Hubert. Les grandes théories du théâtre. Paris: Armand Colin, 1998.
19
Aristote. Op.cit.
20
Ibid.
21
Parmi les grandes œuvres du siècle figure Abraham sacrifiant (1550) de Théodore de Bèze, Cléopâtre
captive (1553) d’Étienne Jodelle, le premier à écrire des tragédies en vers français et Les Juives (1583) de
Robert Garnier

22
Boileau, L’Art poétique, 1674.
23
Jean Racine, La Thébaïde, Alexandre le Grand, Andromaque, Les Plaideurs, Britannicus, Bérénice,
Bajazet Mithridate Iphigénie, Phèdre, Esther, Athalie,
24
Pierre Corneille, auteurs de plusieurs œuvres dont, La Suivante, La Place royale, Médée, L’Illusion
comique, Le Cid, Horace, Cinna ou la Clémence d'Auguste, Polyeucte, Le Menteur
25
Molière, principal auteur de comédie, La Jalousie du Barbouillé, L'Étourdi ou les Contretemps, Le Dépit
amoureux, Sganarelle ou le Cocu imaginaire, Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux, L'École des
maris, Les Fâcheux, L'école des femmes, Les Précieuses ridicules, Tartuffe, etc.
26
Cf. Google.
27
Diderot, Le Fils naturel ou les Epreuves de la vertu (1757) ou Le Père de famille (1758),
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dramaturge humoriste se consacre à la comédie avec sa trilogie28. Marivaux avec ses


principales œuvres qui sont La Double Inconstance (1723), L'Ile des esclaves (1725),
Le Jeu de l'amour et du hasard (1730) et Les Fausses Confidences (1737), Voltaire dans
Brutus (1730) et Zaïre (1732).

2. La remise en cause du texte et sa persistance

De la seconde moitié du XIXème au XXème siècle, même si on assiste à une remise


en cause de la primauté de l’écrit sur la représentation initiée par André Antoine29, et par
la suite par les Romantiques (V. Hugo30 et A. Vigny) le texte demeure primordial dans
la création dramaturgique. André Antoine définit lui-même la mise en scène comme
« l’art de dresser sur les planches l’acteur et les personnages imaginées par le poète ou
l’auteur dramatique ; c’est faire vivre l’histoire contée dans le manuscrit, la réaliser dans
son milieu et son atmosphère jusqu’en ses moindres détails »31. En s’interrogeant sur les
rapports de sens entre le texte écrit et sa représentation Anne Ubersfeld32 estime que le
texte a toujours primé sur la scène et cela, depuis la tradition aristotélicienne jusqu’au
XXème siècle en passant par le Classicisme.
En effet, pour Ubersfeld, avant le XIXème siècle, les dramaturges ont toujours
privilégié l’écriture à la mise en scène. Dans ce sens, « la tâche du metteur en scène serait
donc de "traduire dans une autre langue" un texte auquel son premier devoir serait de
rester "fidèle" 33». Certes, il existe des partisans de l’indépendance de la mise en scène
comme Antonin Artaud qui milite en faveur « (re)sacralisation de la représentation, d’une
élimination du texte […], au profit du geste et du mouvement34 ». Cependant, l’écrit
demeure fondamental dans la conception du théâtre occidental moderne car dans
l’imaginaire européenne comme le souligne d’une Jacques Roubine: « Le texte lu et rêvé
par le lecteur sera toujours incomparablement plus beau que sa représentation35.» C’est

28
Le Barbier de Séville (1775), Le Mariage de Figaro (1784) et L'Autre Tartuffe ou la Mère coupable
(1792.
29
André Antoine (1858- 1943), est comédien, metteur en scène et critique français. Il est le créateur
de la mise en scène. Avec lui le metteur en scène passe du statut de technicien à celui de créateur.
30
Créateur du drame romantique. Il s’insurge contre la mise en scène en créant des pièces impossibles à
représenter
31
André Antoine, Conférences, 1923.
32
Anne Ubersfeld. Lire le théâtre. Paris: Éditions Sociales, 1977.
33
Ibid., pp. 16-19.
34
Cf. Antonin Artaud, Le théâtre et son double, 1938.
35
Jean-Jacques Roubine. Introduction aux grandes théories du Théâtre. Paris : Bordas, 1990.
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dire que le texte a constitué pendant longtemps le document source de la représentation


théâtrale36. Le texte concrétisait la création du dramaturge37. C’est dans ce sens qu’il a été
créé des textes exclusivement destinées à la lecture ; c’est l’exemple d’Alfred de Musset
dans le recueil Spectacle dans un fauteuil qu’il publia après l’échec de la représentation
de sa pièce La nuit Vénicienne (1830). Ainsi, quoique destiné à la représentation,
l’écriture joue un rôle fondamental dans le théâtre. Autant dire que « la littérature
dramatique a la spécificité d’être un spectacle en gestation » car c’est dans le texte écrit
que « l’auteur prédétermine les conditions de sa représentation ». C’est cette
prédestination du texte de théâtre à la représentation c’est-à-dire à être jouée par des
acteurs sur scène, dans un temps limité qui fait la spécificité du texte théâtral par rapport
aux autres genres.

III. LES SPECIFICITES DU TEXTE DRAMATIQUE

1. Le choix du genre

Pour écrire l’écrivain est obligé de choisir une catégorie littéraire pour les besoins
esthétiques et une bonne réception de son œuvre. Le choix d'un genre s'impose alors à lui.
Dans le domaine de la dramaturgie, ce choix est d'autant plus nécessaire qu' existe des
sous-genres. Parmi les multiples sous genres du théâtre, on en distingue trois majeurs : la
tragédie, la comédie et le drame. Selon Aristote, la tragédie est dédiée à l'imitation d'une
action noble avec des personnages de hauts rangs employant un langage soutenu. L'action
doit être représentée et non racontée. En suscitant la crainte et la pitié, elle a pour finalité
la purgation des âmes appelée catharsis. La comédie procède de l'imitation du vice pour
en souligner le ridicule en vue de corriger les mauvais caractères. La finalité de la comédie
se résume par la formule de Santeuil et vulgarisée par Molière: castigat ridendo mores,
corriger les mœurs par le rire.

Au XVII siècle, la tragédie et la comédie ont acquis leurs lettres de noblesse avec
l’observation stricte des règles liées à la division des genres, la bienséance et la
vraisemblance, l'inspiration historique, les personnages de hauts rangs surtout dans la
tragédie.

36
De nos jours, le texte n’est plus le seul support pour une représentation dramatique.
37
Catherine Steinegger, La musique à la comédie française, de 1921 à 1967.
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Le drame est popularisé par Victor Hugo au XIX siècle dans la « Préface de
Cromwell» (1827), dans le courant de la révolution romantique. Hugo s'insurge contre les
règles du théâtre classique en rejetant la division des genres, l’écriture en vers, la règle
des trois unités. Le drame romantique mêle le sublime au grotesque, la beauté et la laideur,
pour révéler l'homme dans son entièreté. Le drame romantique repose sur trois principes
fondamentaux, la liberté (non respect des règles classiques), la totalité (mélange des
genres pour exprimer les différents aspects de la vie, sublimes et grotesques) et la
transfiguration (incarnation du dramaturge dans tous ses personnages, surtout dans le
héros). Ainsi dans Hernani (1830), malgré les survivances des aspects du théâtre
classique (écriture en vers, structure en 5 Actes, unité d’action, personnages nobles),
Hugo illustre parfaitement les principes du drame romantique (mélange de scènes
comiques et tragiques, multiplication des lieux, éclatement de l’unité de temps, violation
de la bienséance). De même que dans Lorenzzacio d’Alfred de Musset et Chatterton
(1835), pièce d’Alfred de Vigny.

Depuis le XX siècle, la notion de genre est de plus en plus remise en cause. Les
dramaturges écrivent au gré de leur imagination. D’autres formes de théâtres sont
préconisées comme le théâtre épique (B. Brecht), le théâtre de l’absurde (S. Beckett) le
théâtre de la cruauté (A. Artaud).

Les dramaturges africains modernes quant à eux, s'inspirent de l’esthétique du


théâtre occidental qu'ils remodèlent en intégrant les genres oraux et des éléments de
pratiques dramatiques traditionnelles. En effet, né dans les laboratoires de l’école William
Ponty, le théâtre africain porte indubitablement les marques du théâtre occidental (pièce
écrite sous forme de tragédie, structure interne et externe, langage poétique). Cependant,
conscient de la nécessité de marquer l’originalité de leurs créations, les dramaturges ont
su stratégiquement intégrés les éléments du théâtre traditionnel (chants, tam-tam,
personnage du griot, langage imagé par l’usage de proverbes, remise en cause de la
structure en 5 Actes, éclatement de l’espace, référence aux éléments de la nature comme
repères temporelles). Dans L’exil d’Albouri (1967) la réhabilitation du patrimoine
historique (héros du passé, valeurs traditionnelles), s’accompagne sur le plan esthétique
de la recomposition des instances dramatiques occidentales et de leur transgression (lieux
scéniques multipliés comme « l’arbre à palabre », palais royales, sentiers de l’exil). Le
dramaturge confère aussi par exemple au griot Samba le rôle « de parler » en lui dotant
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des ressources de l’oralité pour exprimer l’originalité du théâtre africain. Toutes ces
particularités se retrouvent dans les autres pièces historiques de l’époque telles que La
Tragédie du roi Christophe (1963) d’A. Césaire, Les Sofas (1968) de Bernard Z. Zaourou,
Lat-Dior, le chemin de l’honneur (1970) de Thierno Bâ, Béâtrice du Congo (1971) de B.
Dadié, etc.

2. La structure du texte théâtral

Une pièce de théâtre obéit à une structure particulière. La fable, histoire mise en
scène, repose sur une double structure externe et interne. D'une part, la pièce est divisée
en Actes (écrit en chiffres romains, Acte I, II, III, …) et scènes (chiffre arabe, scènes
1,2,3…),. Chaque Acte correspond à un moment important de l'intrigue. Il s’y passe donc
un événement essentiel autour duquel sont regroupées les scènes. Une scène signale
l’entrée ou la sortie d'un personnage. C’est de cette façon que progresse l’action. Notez
que le numéro de la scène s’écrit en chiffres arabes La notion de Tableaux est souvent
employée à la place de scène. D'autres l’emploient à la place des Actes. D'autre part,
l'intrigue se déroule suivant un processus dynamique suivant un rythme crescendo :

• L’exposition qui permet dès la 1ere scène de camper le décor, de présenter les
personnages principaux et d’esquisser le problème.

• Le nœud, c’est le problème principal qui se pose entre personnages.L'ensemble


des difficultés et démarches qui gravitent autour (ou les péripéties) peuvent amener
lenœud à un point d'orgue qui amène une situation de crise.

• Le dénouement, c’est le règlement de la crise souvent par un deus ex machinaou


l'intervention d'une force extérieure. Heureux dans la comédie, il est le plus souvent
marqué par une fin sanglante dans la tragédie (mort du héros).

3. La typographie

Le texte théâtral à plusieurs niveaux d’écriture, dont deux principaux, le dialogue


(ou les répliques) et les didascalies.

3.1. Le dialogue
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Le dialogue est l’ensemble des paroles ou répliques échangées par les


personnages. Elles sont en caractères romains.

Il existe plusieurs types de répliques :

- Le monologue : permet de rendre audibles les pensées d'un personnage souvent seul sur
scène, il semble se cacher des autres personnages, car il a un secret à délivrer. C’est une
confession, une effusion où le ton est très souvent lyrique, pathétique voire tragique.
Généralement en moment de crise, il prend une décision, seul sans influence.

Dans une pièce en vers comme le Cid, il peut arriver qu’un monologue soit constitué d’un
ensemble de strophes en vers de longueur variée. C’est le cas à l’acte I, scène 6, où
Rodrigue réfléchit sur un sujet grave. Les vers sont alors de longueur variable, mais leur
ton est personnel et émouvant. Ce sont des stances

Acte I, scène 6

DON RODRIGUE (Seul)

— Percé jusques au fond du cœur


D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d’une juste querelle,
Et malheureux objet d’une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu, l’étrange peine !
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène !

Que je sens de rudes combats !


Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse :
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l’étrange peine !
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Faut-il laisser un affront impuni ?


Faut-il punir le père de Chimène ?

Père, maîtresse, honneur, amour,


Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.
L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d’une âme généreuse,
Mais ensemble amoureuse,
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer qui cause ma peine,
M’es-tu donné pour venger mon honneur ?
M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?

Il vaut mieux courir au trépas.


Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père :
J’attire en me vengeant sa haine et sa colère ;
J’attire ses mépris en ne me vengeant pas.
À mon plus doux espoir l’un me rend infidèle,
Et l’autre indigne d’elle.
Mon mal augmente à le vouloir guérir ;
Tout redouble ma peine.
Allons, mon âme ; et puisqu’il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène.

Mourir sans tirer ma raison !


Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !
Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire
D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison !
Respecter un amour dont mon âme égarée
Voit la perte assurée !
N’écoutons plus ce penser suborneur,
Qui ne sert qu’à ma peine.
Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur,
Puisqu’après tout il faut perdre Chimène.
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M. SALL (FLSH/UCAD)

Oui, mon esprit s’était déçu.


Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse :
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu.
Je m’accuse déjà de trop de négligence :
Courons à la vengeance ;
Et tout honteux d’avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu’aujourd’hui mon père est l’offensé,
Si l’offenseur est père de Chimène.

- La tirade : c’est une longue réplique qu'un personnage adresse à un autre.

Acte II, scène 5 (Perdican s’adresse à Camille)

PERDICAN
— Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont
empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux,
bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont
perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond
où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a
au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux.
On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand
on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J’ai souffert
souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être
factice créé par mon orgueil et mon ennui. [...]

On ne badine pas avec l'amour", de Musset

- La stichomythie : c’est une succession de répliques brèves et rapides entre deux


personnages qui traduisent l'intensité tragique ou, au contraire, produisent un effet
comique.

Acte II, Scène 5, Arnolphe, Agnès


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M. SALL (FLSH/UCAD)

ARNOLPHE.
La promenade est belle.

AGNES.
Fort belle.

ARNOLPHE.
Le beau jour !

AGNES
Fort beau.

ARNOLPHE
Quelle nouvelle ?

AGNES
Le petit chat est mort.

ARNOLPHE
C’est dommage ; mais quoi ?
Nous sommes tous mortels, et chacun est pour soi.
Lorsque j’étais aux champs, n’a-t-il point fait de pluie ?

AGNES
Non.

ARNOLPHE
Vous ennuyait-il ?

AGNES
Jamais je ne m’ennuie.

ARNOLPHE
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M. SALL (FLSH/UCAD)

Qu’avez-vous fait encor ces neuf ou dix jours-ci ?

AGNES
Six chemises, je pense, et six coiffes aussi.
(…) Molière, L’école des femmes, 1662

- L’aparté : c’est le propos d'un personnage que les autres personnages sur scènes ne sont
pas censés entendre. Il a pour but de renseigner sur les vraies intentions du personnage et
produit généralement un effet comique. Généralement, l’indication à part est donné pour
marquer l’aparté.

Acte I, scène 10

FIGARO
Joignez-vous à moi, mes amis !
TOUS ENSEMBLE
Monseigneur ! Monseigneur !
Suzanne, au Comte.
Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si bien ?
LE COMTE, à part.
La perfide !

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1784

- Le quiproquo : c'est un malentendu, une méprise entre des personnages. Son effet est
comique.

Valère est amoureux d'Élise, la fille d'Harpagon. Mais celui-ci est obsédé par la cassette
qui renferme son argent. Harpagon lui parle de sa cassette, Valère croit qu’il s’agit de sa
fille. De leur dialogue de sourds naît un quiproquo savoureux.

Acte V, scène 3,

HARPAGON
Hé ! dis-moi donc un peu : tu n'y as point touché ?

VALÈRE
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Moi, y toucher ! Ah ! vous lui faites tort, aussi bien qu'à moi ; et c'est d'une ardeur toute
pure et respectueuse que j'ai brûlé pour elle.

HARPAGON (à part)
Brûlé pour ma cassette !

VALÈRE
J'aimerais mieux mourir que de lui avoir fait paraître aucune pensée offensante : elle est
trop sage et trop honnête pour cela.

HARPAGON (à part)
Ma cassette trop honnête !

VALÈRE
Tous mes désirs se sont bornés à jouir [...]

Molière, L’Avare, 1668 (extrait)

- La répartie : c’est une réplique qui procède d’un trait d'esprit vif à valeur de sentence,
de leçon de morale. Elle traduit souvent le point de vue du dramaturge.

Exemple1

FIGARO
Un grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal
Beaumarchais, Le Barbier de Séville, 1775

Exemple 2 :
RODRIGUE
Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées,
La valeur n'attend point le nombre des années."

Corneille, Le Cid, 1637


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M. SALL (FLSH/UCAD)

3.2. Les didascalies

Ecrits en italiques, les didascalies sont les indications scéniques. Elles donnent
des informations sur le nom des personnages, leurs costumes, leurs jeux (attitudes,
mimes) et leurs sentiments ; elles précisent le décor, les accessoires, le temps, le lieu, etc.
Ces types de didascalies sont dites fonctionnelles. Il y a aussi les didascalies initiales
écrites en capitales d'imprimerie. Il s'agit de la liste des noms des personnages : dramatis
personnae où le dramaturge présente les personnages, leur statut familial ou social et les
rapports entre les uns et les autres. Les noms des personnages indiqués au début de
chaque réplique font aussi partie des didascalies initiales.

4. Les instances dramatiques : personnages, espace, temps.

4.1. Les personnages

Les personnages sont les moteurs de l’action dramatique. Dans une pièce ou
spectacle théâtrale, le dramaturge ne parle pas directement au public
(lecteurs/spectateur).Il met en scène des personnages (comédiens au spectacle) en
situation d’énonciation qui font avancer l'action par le biais de leurs échanges (dialogue).
On parle ainsi de double communication ou de double énonciation (d’une part, le
dramaturge s’adresse au metteur en scène et à travers ce dernier aux comédiens, d'autre
part le metteur en scène s'adresse aux comédiens et derrière au public, ou bien encore les
personnages qui parlent entre eux et en même temps s'adressent au public). Généralement,
les personnages incarnent des caractères décelables à travers leurs propos et attitudes. Ils
sont souvent de psychologies opposées. L’étude d’une pièce de théâtre repose
essentiellement sur l'analyse des conflits de caractères entraînant le conflit d'intérêt au
cœur de l’action dramatique.

4.2. L'espace

Donnée fondamentale de la mise en scène, le théâtre est inconcevable sans espace.


On distingue l'espace théâtral, la salle qui contient les comédiens et les spectateurs dont
le rapport est frontal dans le cadre de la salle dite à l'italienne (contrairement au théâtre
africain traditionnel ou la structure est circulaire, le rapport acteurs/spectateurs n’est pas
distancié, il y a une sorte de communion).Dans une pièce de théâtre, cet espace est virtuel.
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L'espace scénique : le lieu où évoluent les personnages. Dans une pièce, il est
précisé par les didascalies. Dans un spectacle, il correspond à la scène où jouent les
comédiens. L'espace scénique peut renvoyer à un seul lieu. Dans ce cas, le décor reste
inchangé, il est fixe (généralement dans le théâtre classique au nom de l’unité de lieu. Il
peut par ailleurs, renvoyer successivement à plusieurs lieux (comme dans le drame
romantique et le théâtre africain)

L'espace dramatique est l'ensemble des lieux où se déroulent les évènements qui
ne sont pas représentés sur la scène. L'espace dramatique est précisé généralement dans
les didascalies ou les discours des personnages qui rapportent par un récit ce qui s'est
passé hors-scène. Il s’agit souvent des scènes de violences qui ne peuvent pas être
montrées au nom du principe de la bienséance : Boileau dans l'Art poétique(1674) le note
en ces termes :

Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose :


Les yeux, en le voyant, saisiraient mieux la chose ;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux .

Parfois, il s’agit simplement des scènes de batailles impossibles à représenter sur scène.

4.3. Le temps

Le temps au théâtre s’apprécie en fonction du rapport entre la durée réelle de


l’évènement et le temps de la fiction. Selon le cas, le dramaturge peut jouer sur la
réduction, la dilatation ou la synthèse chronologique. Dans le théâtre classique, le temps
de la fiction ne dépasse pas un jour. Les dramaturges jouaient donc sur la réduction
temporelle car les événements historiques dépasse en réalité 24h.

Dans les pièces du théâtre africain, les indications temporelles sont définies par
des indices relatives à la chronologie traditionnelle qui s'appuie sur les éléments de la
nature (le soleil, la lune etc.) et les grands événements qui rythment la vie quotidienne et
sociale (travaux champêtres, veillées, fêtes…)
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M. SALL (FLSH/UCAD)

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