PANORAMA DE LA CONDITION DE VIE DES
COMEDIENS DE THEATRE AU BURKINA FASO
Pingdewindé Issiaka TIENDREBEOGO
Université Joseph KI-ZERBO
pingdewinde@yahoo.fr
Résumé
Cet article a pour objectif de recueillir des données qualitatives et quantitatives sur les conditions de vie
des artistes comédiens de théâtre au Burkina Faso. Nous avons profité de la deuxième édition nuit des
Lompolo, prix de récompenses des acteurs de théâtre et des arts apparentés, pour interviewer ces hommes
de culture venus d’horizons divers du Burkina Faso afin de jauger à travers des questionnaires et guides
d’entretien le niveau de vie des artistes. De ces enquêtes, il ressort que beaucoup d’artistes peinent toujours
à vivre décemment de leur art.
Mots-clés : condition de vie, artistes, enquête sociologique, formation professionnelle, Burkina Faso
Abstract
This article aims to collect qualitative and quantitative data on the living conditions of artists in Burkina
Faso. We took advantage of the second night edition of Lompolo, prize for rewards for theater actors and
related arts to interview these men of culture from various backgrounds from Burkina Faso in order to
gauge through questionnaires and interview guides the level life of artists. From these surveys, it emerges
that many artists still struggle to make a decent living from their art.
Keywords: living conditions, artists, sociological survey, vocational training, Burkina Faso
Introduction
Le Burkina Faso est devenu incontestablement une des plaques
tournantes du théâtre Ouest-africain, en témoignent la présence des
grandes écoles de formation et l’organisation des grands festivals
internationaux de théâtre. L’objectif de cet article est de montrer à travers
une enquête sociologique, une photographie factuelle de la situation des
artistes comédiens au Burkina Faso. Quant à la problématique de cette
réflexion, elle s’articule autour de deux grandes interrogations : est-ce que
les artistes de théâtre et des arts apparentés arrivent-ils à se nourrir
114
convenablement de leur art ? Autrement dit, la formation artistique est-
elle un gage de l’insertion socioprofessionnelle de ces praticiens ? L’outil
méthodologique adopté pour la rédaction de cet article est l’entretien
direct avec les artistes comédiens et les personnes ressources, en plus des
questionnaires d’enquête et de la recherche documentaire.
1. Immersion au cœur de la culture au Burkina Faso
Le Burkina Faso est un pays de culture. Riche d’un patrimoine culturel
matériel et immatériel très diversifié, le pays des hommes intègres est
annuellement animé par une multitude de festivals, foires, carnavals et
autres événements culturels. La gestion du patrimoine culturel, le
financement et l’organisation des événements répondent cependant à des
normes dont toute personne physique ou morale doit s’approprier pour
se garantir une certaine efficacité dans son actuariat dans un domaine
aussi complexe que la culture. Il y a de la matière pour créer des œuvres
culturelles de qualité, des sources de financement, des personnes
remplies de compétences et des projets pertinents à soutenir. De ce fait,
la formation professionnelle constitue un gage de réussite à la création
artistique. En effet, les arts occupent une place spécifique dans toute
société qui accorde de la place aux hommes et aux femmes qui
s’adonnent aux activités culturelles. Transmettre les héritages reçus, créer
celles qui aujourd’hui parlent de l’homme et des sociétés, diffuser le plus
largement possible les connaissances artistiques génèrent
considérablement beaucoup d’activités qui sont riches en enjeux
économiques, sociaux et professionnels. Aussi le progrès d’une nation
reste fortement tributaire de la qualité de ses ressources humaines dotées
d’une compétence bien déterminée, acquise d’une manière ou d’une autre
par une formation bien adaptée. Dans un monde en pleine mutation,
l’adaptation des ressources humaines aux changements dans les emplois,
leurs insertions sociales et professionnelles demeurent une
préoccupation aussi bien pour l’Etat que pour les entreprises et les
individus eux-mêmes. La formation qu’elle soit professionnelle ou
continue permet non seulement à l’individu d’acquérir des qualifications
mais aussi d’augmenter ses propres compétences et ses valeurs sur le
marché. À l’instar du théâtre, d’autres arts ont déclenché le
développement de nombreuses industries dans le monde entier. En
115
outre, les arts et plus précisément la culture reste source d’intégration et
de cohésion sociale au Burkina Faso.
2. Typologies des artistes comédiens de l’étude
La formation peut être définie comme un enseignement destiné
à donner à une personne ou un groupe de personnes des connaissances
théoriques et pratiques nécessaires à l’exercice d’un métier ou d’une
activité. On a des formations par alternance et des formations sur le tas.
L’insertion, quant à elle couvre l’ensemble des rapports de la personne
avec son environnement social. Etre inséré signifie avoir une place, être
assuré de positions sociales différenciées et reconnues (statut, rôle).
Hamadou Mandé, quant à lui, identifie trois types de formation en ce qui
concerne les artistes comédiens de théâtre :
« La formation théâtrale se déroule selon trois formules complémentaires : la formation
sur le tas, pratiquée au sein des troupes, la formation à travers les ateliers ponctuels
lors des festivals, des résidences ou en prélude à des créations, et la formation dans les
écoles et centres permanents ». (Mandé, 2011 : 114).
La typologisation des comédiens va nous permettre de comprendre les
différentes catégories d’artistes dans l’univers culturel burkinabè. On
retrouve plusieurs catégories de personnes dans le domaine des arts du
spectacle : des professionnels, des semi-professionnels et des amateurs.
Les premiers sont ceux qui sont passés dans les centres de formation.
Pour le cas du théâtre par exemple, on a le Centre de Formation et de
Recherche en Art Vivants (CFRAV), logé au sein de l’espace Gambidi,
qui forme des comédiens en licence d’art dramatique. Il y a aussi l’école
de théâtre de l’Atelier Théâtre Burkinabè (ATB) et le Carrefour
International de Théâtre de Ouagadougou (CITO) qui œuvrent
beaucoup dans la formation des comédiens de théâtre. On a également
des troupes comme « La parole », le théâtre de l’Espoir, le Cartel, la
compagnie Zaoud’ art qui forment des comédiens de théâtre à la carte
sur des modules bien précis.
En ce qui concerne la danse, nous pouvons citer un centre de référence
comme CDC, la termitière d’Irène TASSEMBEDO, qui forme des
professionnels en danse contemporaine et tradi-moderne de notre pays.
Pour la musique, nous avons l’INAFAC qui forme des professionnels de
la musique et de la danse. Il faut noter que le volet formation en théâtre
de l’INAFAC a été confié au cartel.
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Ensuite, à côté de ces centres de formation professionnelle, il y a des gens
qui se forment par intermittence dans les centres et les séances de
formation organisées à cet effet.
Pour terminer, nous avons les amateurs qui se forment sur le tas.
Beaucoup d’entre eux pratiquent le théâtre plus par amour que par gain
d’argent.
Lors de l’une de nos interviews pour la rédaction de cet article, une
comédienne nous a laissé entendre : « en plus du théâtre que je pratique quand
je suis sollicitée pour prendre part à des théâtres-forums, je vends des gâteaux pour
arrondir mes fins de mois. » (Entretien du vendredi 17 octobre 2014). Ce
témoignage vient confirmer notre hypothèse principale, à savoir
l’insuffisance des moyens de subsistance des acteurs culturels et ceci n’est
que la partie visible de l’iceberg. C’est pourquoi certains promoteurs
culturels ne peuvent pas être très rigoureux avec les comédiens sur les
planches. Ces artistes amateurs peuvent se tromper dans le jeu d’acteur
mais ce cas de figure n’est pas admis chez les professionnels qui vivent
de leur métier et qui ont une obligation de résultat. Par exemple, pour sa
34ème création majeure « L’or de Yennenga » où nous avons pris part en
tant qu’assistant à la mise en scène, le CITO a fait appel à des
professionnels pour incarner des rôles dans la pièce. A titre illustratif, la
prise en charge oscillait entre trois cent mille francs (300 000 CFA) pour
chaque comédien et une somme supérieure au metteur en scène, qui est
chargé de concocter le spectacle avec une dose d’imagination. La prise
en charge pécuniaire est aussi une source de motivation pour le comédien
qui peut se concentrer exclusivement sur la mise en scène. Cette citation
pourrait soutenir ce que nous avançons sur l’origine de la création des
troupes théâtrales et la naissance d’autres compagnies suscitées par les
mêmes artistes pour des raisons d’indépendance et de liberté dans la
création artistique : « Pendant longtemps le théâtre a été le fait de troupes qui
servaient à la fois de cadre de formation et de création mais, de nos jours, les artistes
de théâtre se tournent vers la création de compagnies théâtrales. Cette situation
engendre un éclatement du cadre organisationnel qui a permis de former la plupart des
artistes actuels. Cependant, ce changement semble correspondre à une aspiration
d’indépendance de la jeune génération. » (Mandé, 2011 : 113).
Le concept d’insertion est par conséquent indissociable du concept de
socialisation car pour être inséré, l’être humain doit intérioriser un
ensemble de valeurs, de normes et de règles communes. VOLTAIRE,
dans Candide disait : « le travail éloigne l’homme de trois maux : l’ennui,
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le vice et le besoin. » Pour l’Homme, il existe la socialisation primaire (au
sein du cercle familial) et la socialisation secondaire (au sein de l’espace
scolaire, professionnel et au fil des divers échanges avec autrui). Ces
processus de socialisation permettent à l’individu de trouver sa place dans
la société, d’être inséré socialement.
3. L’insertion sociale des comédiens de théâtre
L’insertion sociale des artistes se pose toujours avec beaucoup d’acuité
au Burkina Faso et partant dans le monde. Cette assertion pourrait
confirmer cette affirmation :
« L’artiste ou le rédempteur peut tourmenter le monde – ses idées peuvent créer une
révolution ; et par la suite, les générations peuvent découvrir la solidité de la qualité de
son œuvre – mais concernant sa personne, il n’y a aucune rédemption parce que c’est
ce qu’il doit sacrifier pour arriver à ses fins. Il perd son âme pour sauver les autres.
C’est l’image même du vrai messie » (Bissiri, 1992 : 69).
L’artiste est perpétuellement à la recherche d’inspiration pour
donner corps à sa créativité et faire naître de son imagination les idées les
plus « folles ». Comme l’artiste, l’intellectuel mène une réflexion
permanente qu’on pourrait considérer comme une forme de création. Ce
qui réunit les intellectuels et les artistes, c’est la faculté de créativité.
L’insertion sociale peut être considérée donc comme l’action
visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation
caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement. C’est
aussi la résultante de cette action, qui s’évalue par la nature et la densité
des échanges entre un individu et son développement. Pour Emile
Durkheim, un groupe ou une société sont intégrés quand leurs membres
se sentent liés les uns aux autres par des croyances, des valeurs, des
objectifs communs, le sentiment de participer à un même ensemble sans
cesse renforcé par des interactions régulières.
Pour nous, l’insertion sociale revêt donc plusieurs dimensions,
que ce soit au niveau professionnel, du logement, culturel ou encore de
la santé. De façon générale, nous pouvons noter que le marché des arts
du spectacle est restreint en Afrique ; et plus particulièrement au Burkina
Faso, où nous avons énuméré plus haut les centres de référence qui
formaient et qui employaient ces mêmes artistes. À côté de ces centres,
il y a quelques mécènes qui tentent tant bien que mal d’organiser des
spectacles à la maison du Peuple, dans les centres culturels comme la
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maison de la Culture Jean-Pierre Guingané, l’Institut français, et autres
lieux de spectacles. Là aussi, il faut noter que très souvent les artistes ne
reçoivent pas la totalité de leur cachet.
Les raisons qui sont généralement invoquées par les promoteurs
de spectacles sont entre autres : les mauvaises recettes et le fait que
l’argent investi dépasse largement les sommes récoltées au spectacle.
Tous ces motifs sont invoqués pour ne pas satisfaire aux contrats des
artistes. Ce qui contribue d’une manière ou d’une autre à leur
appauvrissement et à leur avilissement. Tout cela n’encourage pas les
artistes, pis, contribue à les rabaisser au second plan, au rang de mendiant.
Nous ne cesserons de le dire, la situation de l’artiste reste très déplorable
en Afrique. Il est vrai que la plupart des artistes sont formés mais ils ne
sont pas socialement ou professionnellement intégrés. Il est aussi vrai
qu’un grand philosophe disait que le travail devrait libérer l’homme mais
nous constatons le contraire car ici le travail est plus avilissant.
Quelques artistes de théâtre par contre arrivent à tirer leur
épingle du jeu même si cela n’est pas régulier. Il s’agit généralement des
ex-comédiens du théâtre de la Fraternité et de l’Atelier Théâtre
Burkinabè, des professionnels de théâtre d’autres structures et des
artistes qui évoluent en freelance. Ils inondent le marché et rivalisent de
talents dans les créations proposées généralement par le CITO, les
Recreatrales ou d’autres structures avec des cachets attrayants et alléchants.
Il faut souligner que d’après nos investigations, le CITO reste la seule
structure aujourd’hui au Burkina Faso qui offre les meilleurs cachets aux
comédiens de théâtre. Les autres structures font plus du social que du
bénévolat et d’autres investissent le terrain du théâtre d’intervention
sociale. Ces structures ne sont pas forcément à la recherche du profit
mais s’inscrivent plus dans l’altruisme auprès de ces membres.
Certains artistes s’exportent dans les pays de la sous-région, en
Europe, aux Etats-Unis d’Amérique et au Canada. Ils constituent la
crème et l’élite des artistes car ils ont des revenus exceptionnels par
rapport à ceux qui sont restés au pays. Ces comédiens arrivent à tirer
leurs marrons du feu. A titre illustratif, nous pouvons nommer Issaka
SAWADOGO, Etienne MINOUGOU, Aristide TARNAGDA, Paul
ZOUNGRANA, Ildevert MEDA, Odile SANKARA, Mahamoudou
TINDANO, Alain HEMA, Anatole KOAMA, Athanase KABRÉ,
Eudoxie GNOULA. À côté d’eux, on a les propriétaires des compagnies
et troupes de théâtre comme Hyppolyte OUANGRAOUA, de la troupe
119
de l’Espoir, Zouli David OUEDRAOGO, de la troupe le Progrès,
Lambert ZABRÉ, de la troupe la parole et Mahamadi
BONKOUNGOU, de Bienvenu Théâtre de Bazèga qui au-delà de se
prendre en charge, emploi des comédiens dans leurs troupes et les
rémunère.
4. Les résultats de l’enquête
En rappel, nous avons administré 20 fiches à 20 personnes soit 10
hommes, 10 femmes. L’objectif de cette enquête est de recueillir des
données qualitatives et quantitatives sur la formation et l’insertion
socioprofessionnelle des artistes. L’échantillon est assez représentatif car
il prend en compte le sexe et le statut social.
-A la question : « avez-vous déjà reçu une formation dans le domaine des
arts du spectacle (théâtre, danse, art plastique) ? »
17 personnes, soit 85%, ont répondu favorablement. On a 10 en théâtre,
5 en danse et 2 en art plastique. 3 seulement ont déclaré qu’ils n’ont pas
été formés.
L’analyse que nous faisons à ce niveau et les artistes doivent faire l’effort
de se former. Car avant d’espérer s’insérer dans la société il faut être
formé. Aussi, avec la pléiade de centres de formation professionnelle
dans notre pays, les artistes et les amoureux de l’art ne lésinent pas sur
les moyens pour se faire former. On peut enfin conclure que plus de la
moitié de nos enquêtés sont formés, cependant, l’insertion socio-
professionnelle constitue une pierre d’achoppement à leur niveau ; en ce
sens que l’offre dépasse largement la demande.
-A la question de savoir : « combien de créations prenez-vous part dans
l’année ? »
2 personnes ont participé au moins à une création par an. Les 18 autres
ne prennent pas véritablement part à une création. Elles sont souvent
sollicitées pour des activités spontanées en danse ou en théâtre-forum et
leur cachet varie entre 5 000 et 10 000 F CFA par représentation.
10 personnes ont en moyenne 50 forums par an et les 10 autres tournent
autour de 25 forums par an.
Si nous prenons les cachets de 10 000F CFA par représentation pour
notre étude, nous nous retrouvons avec 500 000 F CFA par an pour les
premiers et 250 000 F CFA par an pour les seconds.
120
A l’aune de ces chiffres nous pouvons dire que la plupart des artistes
n’arrivent pas à se prendre en charge bien qu’ils pratiquent un métier.
Même la première catégorie, qui a autour de 500 000 l’année, n’arrive pas
à vivre décemment de ce métier et est obligée de mener parallèlement de
petits métiers afin de pouvoir survenir à leurs besoins élémentaires.
A la question de savoir : « quels sont ceux qui arrivent à vivre de leurs
métiers ? »
3 personnes ont laissé entendre qu’elles arrivent à vivre de leur métier.
Les 17 autres personnes enquêtées courbent toujours l’échine et sont
dans un perpétuel recommencement.
L’analyse que nous faisons est que 15% de notre échantillon arrivent à
tirer leur épingle du jeu tandis que les 85% croupissent dans la misère et
n’arrivent pas à s’insérer dans la société. L’insertion sociale devient un
leurre pour ces artistes en manque de créations et d’activités artistiques.
A l’aune de ces résultats, nous pouvons dire qu’une bonne couche de
notre échantillon prend part aux formations dans le but d’affuter leurs
armes afin de pouvoir prendre part aux différentes créations. Cependant,
la gent féminine n’est pas très représentée car sur les 20 personnes
enquêtées, elles ne sont que 6, soit 30%, à prendre part aux créations.
Cela peut s’expliquer par les pesanteurs socioculturelles.
Nous allons à présent, montrer à travers un diagramme circulaire les
résultats de notre enquête. Comme nous l’avons bien souligné, ceci n’est
qu’une photographie factuelle des conditions de vie des artistes au
Burkina Faso. Nous n’avons donc pas la prétention, à travers ce
diagramme, de maitriser et de présenter de manière exhaustive la
situation de vie des artistes de théâtre au Burkina Faso. Cependant, ce
qui est important à souligner, dans cette étude, est que Ouagadougou, la
capitale du Burkina Faso, regorge plus de 90% des activités théâtrales du
pays alors que cette enquête s’y est déroulée ; donc les résultats
contiennent une forte dose de véracité sur la situation réelle des artistes
de théâtre au Burkina Faso.
121
Figure 1 : Photographie factuelle des conditions de vie des artistes comédiens enquêtés
Artiste
Artiste ne ayant reçu
vivant pas au moins
de son une
métier formation
27% 28%
Artiste
n’ayant pas
reçu de
Artiste formation
vivant de 8%
son métier Artiste
5% Artiste
ayant pris
n’ayant pas
part à au
pris part à
moins une
une création
création par
par an
an
29%
3%
Source : TIENDREBEOGO P. Issiaka
5. Les raisons objectives de la non-insertion des artistes
comédiennes
Comme dans la plupart des activités humaines, les femmes sont
généralement reléguées au second plan. Le milieu culturel et artistique ne
déroge pas à cette règle. Parmi les 20 enquêtés de notre étude, seulement
trois (03) femmes arrivent à tirer leur épingle du jeu, soit seulement 15%.
L’enquête nous a permis de savoir que, d’une manière générale, les
artistes se forment, cependant ils n’arrivent pas à s’insérer correctement
dans la société. Plusieurs raisons selon nous peuvent expliquer cela :
L’étroitesse du marché des arts : en effet, le circuit de diffusion et de
circulation des produits artistiques n’existe pratiquement pas dans le
secteur culturel. Les seuls centres de création de spectacle et de diffusion
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sont l’Institut français, le Centre National des Arts du Spectacle et de
l’Audiovisuel (CENASA), la maison de la Culture Jean Pierre Guingané,
l’espace Gambidi, l’Atelier Théâtre Burkinabè (ATB), le Carrefour
International de Théâtre de Ouagadougou (CITO) et le théâtre soleil. Il
faut souligner que tous ces lieux de spectacle se trouvent à Ouagadougou.
La conséquence de l’existence de tous ces centres est qu’ils mettent à la
place du marché un bon nombre d’artistes et de comédiens de théâtre
qui inondent considérablement le marché. C’est pourquoi, l’offre a
tendance à dépasser la demande, avec un manque criard de financement
pour créer et soutenir ces spectacles.
6. Le rôle et les actions de l’Etat dans l’insertion socio-
professionnelle des artistes au Burkina Fao
Les rapports entre le théâtre et les pouvoirs publics ont évolué au fil de
l’histoire, au gré des transformations sociales et des contingences
politiques. En effet, l’une des missions régaliennes de l’État est de créer
des conditions favorables à la création artistique. Malheureusement, ces
conditions ne sont généralement pas remplies car le secteur culturel au
Burkina Faso demeure l’un des parents pauvres de toutes les autres
institutions culturelles. De 1984 à 2020, le budget du ministère de la
Culture n’a pas atteint 1% du budget national et la plupart de cette
somme sert à payer les salaires et les investissements du ministère du
ministère de la Culture. Il est donc difficile pour cette institution
culturelle d’accompagner convenablement le secteur de la culture au
Burkina Faso.
Excepté l’appui de l’Union européenne à travers le fonds de
développement culturel et touristique (FDCT), qui sélectionne certains
projets culturels qu’ils financent au compte-gouttes, la majorité des
projets culturels meurent dans les tiroirs, faute d’appui et de financement
conséquent.
La communauté internationale, à travers l’UNESCO, a défini la culture
comme étant l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels,
intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social.
Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits
fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeur, les traditions et
les croyances. Le Burkina Faso qui s’inscrit dans cette définition,
transcende cette conception et considère la culture dans toutes ses
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dimensions sociales, économique et politique. Constitué d’une mosaïque
culturelle dont les questions d’intégration et de cohésion nationales.
Cette diversité est une source de richesse mais, elle doit être bien
canalisée afin qu’elle ne soit pas source de clivages ethniques ou religieux.
« Le but de la politique nationale de la culture est de fonder l’avenir de la nation sur
les valeurs et les réalités endogènes en mutation. A ce titre, elle propose de mettre en
valeur le patrimoine culturel, notamment les savoirs et les savoir-faire endogènes et de
promouvoir la créativité culturelle afin de renforcer la diversité culturelle au plan
international. » (Politique Nationale de la Culture, 2008 : 13)
Cette politique s’inscrit également dans la stratégie de
renforcement de l’économie créative de la culture et de la capacité du
secteur culturel à produire, de manière compétitive, des biens et services,
à fournir des emplois et des activités génératrices de revenus.
L’application effective de cette politique nationale de la culture permettra
sans doute aux acteurs culturels burkinabè de bénéficier d’un
encadrement réglementaire et juridique de leurs activités culturelles. En
outre, cette politique va permettre de légiférer définitivement sur le statut
de l’artiste afin de permettre à ses derniers de vivre dignement de leur art.
Enfin, les responsabilités des pouvoirs publics, c’est à dire l’Etat vis-à-vis
des acteurs culturels sera :
- L’encadrement règlementaire et législatif : cet encadrement est destiné
à protéger les droits et devoirs des artistes et de leurs œuvres. La
mise en œuvre effective du statut de l’artiste pourrait aider à la
professionnalisation de leurs métiers et par ricochet leur
octroyer certains droits et devoir vis-à-vis de leur profession.
- La réalisation et l’équipement des infrastructures de production
et de diffusion théâtrale : il est important de noter qu’à
l’exception de la salle de l’institut français de Ouagadougou
aucune autre salle relevant des services culturels étatiques de la
ville ne dispose de l’acoustique pouvant recevoir correctement
une représentation théâtrale. On note cependant deux salles,
celle de l’Atelier Théâtre Burkinabè de Prosper KOMPAORÉ
et l’Espace Culturel Gambidi de Jean Pierre Guingané. A côté
de ses salles, on peut citer des salles secondaires comme la salle
124
du Carrefour International de Théâtre de Ouagadougou
(CITO), le Théâtre Soleil de Thierry OUEDA, le Cartel et Grace
Théâtre de Anatole KOAMA.
- La décentralisation de l’encadrement et des activités artistiques :
à ce niveau, il faut noter que la plupart des activités artistiques
du pays se concentrent exclusivement dans la ville de
Ouagadougou. Il est donc impérieux de travailler à une
décentralisation des activités culturelles afin de permettre aux
artistes comédiens en régions de s’épanouir artistiquement. La
formation professionnelle des comédiens doit accompagner la
politique de la décentralisation culturelle au Burkina Faso.
- L’aide à la création et à la diffusion théâtrale sous forme de
subvention : de plus en plus, on observe la mise en place d’une
politique d’aide à la création et à la diffusion même si des efforts
sérieux restent toujours à faire. A titre illustratif, pour un
financement d’un milliard par l’Union Européenne, le Fonds de
Développement Culturel et Touristique (FDCT) n’a pu financer
qu’une trentaine de projets sur plus de 300 projets soumis au
titre de l’appel à candidature.
- L’appui à la formation artistique : cet appui peut se manifester à
travers la formation des artistes comédiens dans les treize
régions du Burkina Faso. Les directions régionales du ministère
des arts, de la culture et du tourisme pourraient servir de cadre
d’accompagnement à la formation professionnelle des
comédiens. Un suivi-évaluation de ces formations permettra aux
artistes de mettre en pratique les enseignements reçus.
- La promotion et l’aide à la médiatisation : il s’agit là, de
promouvoir les activités théâtrales en les médiatisant. Une
activité artistique ne saurait être légitime si elle n’est médiatisée.
C’est la société qui donne la légitimité à une activité artistique.
Pour cela, il faut une visibilité aux manifestations culturelles afin
que la société soit au courant de ce qui se passe culturellement.
Ainsi, à force de promotion et de médiatisation, la légitimation
tant attendue est acquise parce que la société aurait choisie
qu’elle soit. A titre illustratif, les RECREATRALES, l’un des
plus grands festivals de théâtre en Afrique qui se tient au Burkina
Faso tous les deux ans, a eu la reconnaissance des autorités grâce
à la médiatisation et à la promotion des artistes. Aujourd’hui,
125
c’est une association d’utilité publique qui bénéficie
annuellement du soutien de l’Etat burkinabè dans l’organisation
de ses activités.
Conclusion
En somme, nous dirons que la formation artistique et l’insertion
socioprofessionnelle des artistes au Burkina Faso constitue des gages de
sauvegarde du patrimoine culturel matériel et immatériel du Burkina
Faso. Il est évident que pour gravir les grandes scènes nationales et
internationales, les artistes ont besoin d’être bien formés et soutenus
matériellement et financièrement afin de favoriser leur insertion socio-
professionnelle. Pour ce faire, l’Etat, qui est garant de l’épanouissement
psychique, moral et intellectuel des citoyens doit mettre tout en œuvre
pour accompagner le secteur culturel burkinabè, suivi en cela par les
partenaires techniques et financiers.
Aujourd’hui, tout le monde est unanime que sans formation, il n’ y a pas
de développement donc c’est le lieu pour nous d’interpeler une fois de
plus nos décideurs, nos partenaires techniques et financiers sur le rôle
qu’est le leur dans la promotion du développement social, culturel,
économique de l’Afrique de façon générale et du Burkina Faso, en
particulier.
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