Droit Des Transports
Droit Des Transports
Pr VOUDWE BAKREO
                                   Introduction générale
       Le transport a pour objet le déplacement des hommes et des marchandises. Comme tel,
il s’agit d’une des plus vieilles activités humaines. L’histoire enseigne que les hommes ont
d’abord inventé les moyens de locomotion par voie d’eau avant certainement d’imaginer les
moyens de transport terrestre ou aérien. Si l’esprit de découverte a inspiré les premiers grands
navigateurs, force est de constater que le transport est vite devenu un moyen privilégié
d’échanges des marchandises entre les hommes avant de s’imposer aussi comme un mode de
déplacement. C’est dire l’importance du transport dans le monde moderne. Il est aujourd’hui
l’un des principaux vecteurs du développement économique.
       Pour l’organiser et l’ordonner, il existe un corps de règles juridiques qui constituent ce
que l’on a coutume d’appeler le droit des transports. Au sens large, le droit des transports est
l’ensemble des règles juridiques qui fixent l’organisation, le fonctionnement et l’exploitation
de l’industrie du transport. Au sens étroit, et c’est celui que nous retiendrons dans ce cours,
le droit des transports désigne l’ensemble des règles juridiques qui s’appliquent aux
opérations de transport, c’est-à-dire aux opérations qui permettent le déplacement de
marchandises d’un point à un autre. L’on comprendra que le transport de personnes n’est pas
envisagé ici. Cela étant, il convient, d’une part, de préciser brièvement les sources (I) de ce
droit avant d’en délimiter le champ d’application (II).
       Il faut d’emblée relever que les sources du droit des transports sont nombreuses et
variées. Cette situation s’explique par la diversité des modes de transports : transports
terrestres (routiers et ferroviaires), transports fluviaux, transports maritimes, transports
aériens, transports successifs ou transports multimodaux, etc. De façon générale, ces sources
sont de deux ordres : internes et internationales.
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        Pour faire simple, on peut dire qu’avant l’OHADA, les deux principales sources du
droit des transports au plan interne étaient le Code civil et le Code de commerce. Le Code
civil consacre ses articles 1782 à 1786 aux voituriers (transporteurs) par terre et par eau.
Quant au Code de commerce, il traite du contrat de transport aux articles 101 à 108. Depuis
l’avènement de l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route
signé à Yaoundé le 22 mars 2003 et entré en vigueur le 1 er janvier 2004, l’application des
dispositions tant du Code civil que du Code de commerce ne s’impose plus en matière
routière. En effet, cet acte uniforme s’applique bien aux transports internes. Ces deux textes
continuent de régir les transports ferroviaires.
     En matière aérienne, il existe un Code de l’aviation civile qui renvoie cependant à
l’application de la Convention de Varsovie en matière de responsabilité aérienne.
        On peut distinguer ici les sources sous-régionales et/ou régionales et les sources
internationales.
        Sur plan sous-régional, il faut brièvement rappeler que l’UDEAC devenue CEMAC
aujourd’hui avait adopté un certain nombre d’actes         relatifs au transport terrestre et au
transport maritime. Dans cette dernière matière, il faut surtout citer le Code de la marine
marchande de la CEMAC qui traite entre autres matières du contrat de transport. Cependant,
en ce qui concerne la responsabilité, il renvoie à la Convention de Bruxelles de 1924.
        Sur le plan régional, la principale source du droit des transports est l’acte uniforme
OHADA susvisé qui traite du transport de marchandises par route.
        Sur le plan international, il nous faut s’intéresser ici essentiellement aux transports
maritimes et aux transports aériens. S’agissant des transports maritimes, ceux-ci ont
longtemps été régis par la Convention pour l’unification de certaines règles en matière de
connaissement signée à Bruxelles le 25 août 1924. Cette convention est désormais remplacée
par la Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer de 1978 (dite
Règles de Hambourg). Le Cameroun est un Etat partie à cette convention depuis 1994 (année
de ratification).
        En matière aérienne, c’est la Convention pour l’unification de certaines règles relatives
au transport aérien international signée à Varsovie le 12 octobre 1929 (ci-après Convention de
Varsovie) qui est applicable. Elle va être remplacée par une Convention adoptée à Montréal
le 28 mai 1999 ayant le même objet.
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       Les sources étant identifiées, il convient d’en préciser le domaine d’application.
      Les articles 1 et
      2 de la Convention de Varsovie précisent le champ d’application de ladite convention.
De la combinaison de ces deux textes, il résulte que la convention s’applique à tout
transport international de personnes, bagages ou marchandises effectué par aéronef par
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une entreprise de transport aérien ou par l’Etat ou toute personne morale de droit
public à titre onéreux ou à titre gratuit (art. 1er al. 1 ; art. 2 al. 1). Il apparaît ainsi que la
convention s’applique dès qu’on est en présence d’un transport international effectué dans les
conditions susvisées. Par transport international, la convention vise « tout transport dans
lequel, d’après les stipulations des parties, le point de départ et le point de destination, qu’il y
ait ou non interruption de transport ou transbordement, sont situés soit sur le territoire de deux
hautes parties contractantes, soit sur le territoire d’une seule Haute partie contractante si une
escale est prévue sur le territoire d’un autre Eta, même si cet Etat n’est pas une Haute partie
contractante » (art. 1er al. 2).
      La convention de Varsovie ne s’applique pas au transport du courrier et des colis
postaux (art. 2 al. 2).
Il importe de préciser que la Convention s’applique quelle que soit la nationalité du navire,
des parties au contrat ou de toute personne intéressée (art. 2 al. 3).
Plan du cours
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      On peut distinguer deux types d’opérations de transport : l’opération simple de
transport et l’opération complexe de transport.
      Il y a opération simple de transport lorsque le déplacement de la marchandise
nécessite la conclusion d’un contrat de transport entre l’expéditeur et le transporteur sans
intervention d’autres personnes (intermédiaires ou autres transporteurs).
       En revanche, il y a opération complexe de transport lorsque le déplacement de la
marchandise implique la conclusion d’un ou plusieurs contrats de transport ou l’intervention
de plusieurs auxiliaires de transport ou transporteurs.
      La réalisation d’une opération de transport se fait par l’entremise d’un contrat de
transport. Il convient alors d’envisager d’une part la formation du contrat de transport
(Chap. Ier) et d’autre part, l’exécution dudit contrat (Chap. II).
                                        CHAPITRE I
                LA FORMATION DU CONTRAT DE TRANSPORT
       Quel que soit le mode de transport considéré, le contrat se ramène toujours à la même
chose. C’est une convention par laquelle le transporteur, s’engage à déplacer d’un point à
un autre, une marchandise qui lui a été confiée par l’expéditeur, et à la délivrer au
destinataire, moyennant rémunération. Comme toute convention, le contrat de transport est
d’abord soumis aux conditions de validité édictées par les articles 1108 et suivants du Code
civil (Section I). Par ailleurs, son existence suppose la réunion d’un certain nombre
d’éléments spécifiques qui permettent de le distinguer de contrats voisins (Section II).
      Conformément aux exigences de l’article 1108 C. civ., le contrat de transport doit être
conclu par des personnes ayant la capacité de s’engager (Parag. 1), ayant librement donné
leur consentement (Parag. 2). Il doit avoir un objet et une cause certains et licites (Parag.
3).
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     Le contrat de transport est le type même d’opération juridique à trois personnes. En
effet, le contrat de transport comprend trois parties qui sont : l’expéditeur (A), le
transporteur (B) et le destinataire (C). Pour justifier cette « tripartite », certains ont invoqué
la stipulation pour autrui, d’autres ont par contre affirmé que le contrat de transport est un
contrat sui generis. Nous y reviendrons en étudiant la participation du destinataire au contrat
de transport.
A - L’expéditeur
       L’expéditeur (ou chargeur dans le transport maritime) est celui qui conclut le contrat
de transport avec le transporteur. C’est celui qui traite directement avec le transporteur et
discute des conditions du transport envisagé. L’expéditeur peut conclure personnellement le
contrat ou le faire par l’intermédiaire d’un représentant, c-à-d d’un mandataire ayant reçu
pouvoir d’agir en ses lieu et place. L’expéditeur est donc celui qui confie la marchandise au
transporteur, qu’il en soit ou non le propriétaire. Comme l’a bien relevé la Cour d’appel de
Paris dans un arrêt rendu le 11juillet 1979, la qualité d’expéditeur n’est pas liée à la
propriété de la marchandise. L’expéditeur, c’est celui qui est porté comme tel sur le
document de transport et qui l’a signé.          C’est lui seul qui est le cocontractant du
transporteur. Ainsi, une personne n’ayant aucun droit sur la marchandise peut avoir la
qualité d’expéditeur en lieu et place du véritable propriétaire : il s’agit alors d’un expéditeur
apparent qui laisse dans l’ombre l’expéditeur réel. Cela ne va pas sans conséquence pour
l’exercice de l’action en responsabilité contre le transporteur.
B – Le transporteur
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     Lorsque le transporteur est une personne morale, le contrat est alors conclu par ses
préposés ou représentants. Un tel contrat engage naturellement le transporteur.              Par
exemple, en matière routière, il est admis que le chauffeur représente et engage son
entreprise pour tous les actes courants de conclusion du contrat de transport.
      La détermination de la qualité de transporteur peut poser problème lorsqu’on est en
présence d’une société mère et d’une filiale portant le même nom. Pour la jurisprudence, dès
lors qu’elles ont des personnes juridiques distinctes, le transporteur est la personne ayant
directement traité avec l’expéditeur. Ainsi a été mise hors de cause une société mère dès lors
que c’est sa filiale qui est intervenue dans l’opération litigieuse (Paris, 3 déc. 1984).
C - Le destinataire
      La situation du destinataire est plus délicate car il n’est pas normalement partie au
contrat de transport à l’origine (V. Ph. Delebecque, Le destinataire de la marchandise :
tiers ou partie au contrat de transport, D. aff. 1995, p. 189). On considère que c’est son
adhésion qui en fait une partie au contrat. Il en est ainsi lorsqu’il entre en possession de la
marchandise (Com, 6 oct. 1992). Acceptant le contrat de transport, le destinataire peut, au
même titre que l’expéditeur, invoquer à son profit toutes les clauses et celles-ci lui sont
également opposables par le transporteur. Il a cependant été jugé que les clauses relatives au
paiement du port ou à un contre-remboursement            ne peuvent être invoqués contre le
destinataire que si elles figuraient sur le document de transport émargé par lui à la livraison
(Paris, 19 nov. 1981). En cas de perte totale de la marchandise en cours de transport, la
jurisprudence décide que le destinataire est privé de la possibilité d’adhérer au contrat de
transport. Par ailleurs, si le destinataire refuse, sans motifs de prendre livraison de la
marchandise, il se place lui-même en dehors du contrat de transport.
     Pour expliquer cette association du destinataire au contrat de transport, jurisprudence
et doctrine dominantes invoquent la stipulation d’autrui : l’expéditeur (le stipulant) demande
au transporteur (le promettant) d’accomplir une prestation au profit du destinataire (tiers
bénéficiaire). Pour le doyen Rodière, il n’en est rien puisqu’il considère que le contrat de
transport est par essence et ce depuis le départ, un contrat à trois personnages.
     Cela étant, a seul qualité de destinataire, celui qui figure comme tel sur le document de
transport (lettre de voiture, connaissement, lettre de transport aérien). C’est celui-ci seul que
le transporteur doit connaître et à qui il doit remettre la marchandise (Paris, 9 juin 1982). Il
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importe donc peu qu’il soit ou non propriétaire de la marchandise (il est destinataire
apparent s’il n’est pas le véritable destinataire de la marchandise.
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Mais, on verra que le droit des transports ne sanctionne pas l’existence d’un vice par la
nullité.
      Telles sont les conditions générales de validité du contrat de transport qui relèvent des
exigences du droit commun. Leur inobservation peut être sanctionnée par la nullité du
contrat.
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       Comme il a déjà été rappelé, le contrat de transport a pour objet le déplacement d’une
marchandise appartenant à autrui d’un point à un autre. Le déplacement est donc la période
qui va de la prise en charge de la marchandise des mains de l’expéditeur ou de son
représentant à son arrivée au point de destination où elle sera remise au destinataire. Du point
de départ au point d’arrivée, le transporteur doit normalement suivre l’itinéraire le plus direct
ou le plus court. En outre, le déplacement doit s’effectuer dans un temps raisonnable à
défaut de délai fixé par les parties.
       Cela dit, le contrat de transport n’existe que lorsque le déplacement de la marchandise
est l’objet principal de l’engagement du transporteur. Autrement dit, il n’y a contrat de
transport que si le déplacement est l’objet principal de la prestation attendue du transporteur.
Peu importe alors la distance de déplacement.On considère qu’un transfert de
marchandises sur quelques centaines de mètres, effectué à titre onéreux, s’analyse bien
en un contrat de transport. De même, il est admis qu’il y a bien contrat de transport
dans le cas d’un déplacement « circulaire » c-à-d d’un déplacement qui ramène finalement
la marchandise à son point de départ.
       C’est le déplacement de la marchandise qui permet ainsi de conclure à l’existence d’n
contrat de transport et, partant, de le distinguer d’autres conventions.
       Il en est d’abord ainsi du contrat de dépôt. Celui-ci est un contrat par le quel une
personne (le déposant) remet une chose mobilière à une autre (le dépositaire) qui accepte de la
garder et s’engage à la restituer lorsque la demande lui en sera faite (art. 1915 c.civ). Ainsi, le
transport (qui suppose un mouvement dans l’espace) ne saurait se confondre au dépôt (qui est
un contrat à exécution sédentaire suivant le mot de Josserand). Mais, il arrive cependant
qu’un dépôt ou mieux un entreposage de la marchandise précède le déplacement, ou
intervienne en cours de transport ou à destination. Quel est alors le statut de la marchandise et
en quelle qualité l’entreprise de transport intervient-elle ? Dans le premier cas, la
jurisprudence considère que lorsqu’un expéditeur adresse ou remet des marchandises à une
entreprise de transport en vue de leur expédition sur instructions ultérieures, il se forme, en
principe, d’emblée un contrat de transport entre les parties et non un contrat de dépôt ( C. cass.
7 févr. 1955). En revanche, si l’entreposage est plus important et le transport de faible
amplitude, il est admis que le transport est simplement un simple accessoire du contrat de
dépôt (Com, 5 mars 1973). Dans les deux autres cas, l’entreposage s’insère dans l’exécution
du contrat de transport. Ainsi, dans les cas où la marchandise n’a pu être livrée, la règle
générale est que le magasinage n’a pas pour effet de substituer un contrat de dépôt au contrat
de transport (Com, 23 mai 1977). En revanche, il y a contrat de dépôt lorsque c’est le
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destinataire ou l’expéditeur qui a demandé au transporteur de conserver la marchandise dans
ses entrepôts (Com, 6 déc 1965 ; 7 juil. 1977).
       Le déplacement permet ensuite de distinguer le contrat de transport du contrat de
déménagement. L’opération de déménagement consiste à enlever des meubles dans un lieu,
les démonter s’il y a lieu, les emballer et les remettre en place dans un autre lieu. Il comporte
donc un élément de transport. On considère cependant que le contrat de déménagement n’est
pas un contrat de transport. Il en va autrement lorsque le transport en devient ou en est l’objet
principal (Paris, 2 avr. 1960 ; 11 juil. 1978). Dans ce cas, le déménageur est considéré
comme un transporteur, soit qu’il exécute lui-même le déplacement, soit qu’il le fait exécuter
par d’autres.
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cours de laquelle le dommage est survenu ? La jurisprudence paraît choisir l’unité de régime
juridique en rattachant l’opération accessoire à l’opération principale. Ainsi, la Cour d’appel
de Paris (17 mars 1982) a jugé que « la qualité de commissionnaire n’exclut pas la possibilité
de procéder soi-même au transport sur une partie de l’itinéraire ». La jurisprudence entend
donc maintenir au commissionnaire cette qualité même pour les phases où il déplace
personnellement la marchandise.
                                       CHAPITRE II
                  L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRANSPORT
                                                                                             13
SECTION I : LES OBLIGATIONS DE L’EXPEDITEUR OU CHARGEUR
        Les obligations que le contrat de transport fait naître à la charge de l’expéditeur sont
de deux ordres : certaines sont relatives aux marchandises proprement dites (P. 1), d’autres
ont trait au paiement du prix du transport (P.2).
        Les obligations relatives aux marchandises sont pour certaines matérielles (A), pour
d’autres intellectuelles (B).
        Il s’agit d’un ensemble d’obligations dont l’exécution vise à permettre une prise en
charge aisée et sûre de la marchandise par le transporteur, et partant, un voyage sans difficulté
ni danger pour les personnes et les biens. Entrent dans cette catégorie : l’emballage et le
conditionnement de la marchandise d’une part, le marquage et l’étiquetage d’autre part.
1. L’emballage et le conditionnement
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veiller au bon arrimage interne des marchandises. L’emballage et le conditionnement doivent
dans tous les cas être faits conformément à la pratique ou aux usages. Il faut préciser que des
exigences particulières sont prévues en ce qui concerne les marchandises dangereuses.
        Quelle attitude doit avoir le transporteur lors de la prise en charge relativement à ces
opérations ? L’art. 7 al. 2 de l’AUCTMR prévoit que « lorsqu’au moment de la prise en
charge, un défaut d’emballage apparent ou connu du transporteur présente un risque évident
pour la sécurité ou l’intégrité des personnes ou des marchandises, le transporteur doit en
aviser la personne responsable de l’emballage et l’inviter à y remédier ». Par ailleurs, si en
cours de transport survient un bris d’emballage, l’al. 3 du même texte fait obligation au
transporteur de prendre les mesures qui lui paraissent les meilleures dans l’intérêt de l’ayant
droit à la marchandise et d’aviser ce dernier. Il résulte de ces dispositions que le transporteur
ne saurait rester indifférent aux opérations d’emballage et doit agir en professionnel qu’il est,
soit en prévenant et conseillant l’expéditeur, soit en prenant les mesures nécessaires le cas
échéant.
2. Etiquetage et marquage
        L’expéditeur doit, en tant que de besoin, doter la marchandise d’un étiquetage et d’un
marquage permettant son identification ainsi que celle du destinataire et du lieu de livraison.
Les étiquettes sont des symboles, figurations et autres écrits que l’on appose sur les colis et
qui alertent le transporteur ou toute autre personne, notamment les manutentionnaires et les
incitent à prendre des précautions. Elles sont particulièrement nécessaires en cas de
marchandises dangereuses. Dans ce cas, les étiquettes doivent être indélébiles, bien lisibles et
conformes aux modèles prévus par la réglementation.
        Les marques sont des inscriptions portées sur les colis et qui précisent généralement
les noms du destinataire et de l’expéditeur, le numéro de série et le numéro du colis dans la
série, le lieu de livraison. Elles visent donc à faciliter la reconnaissance des colis et d’éviter
les erreurs.
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1 que l’expéditeur doit fournir au transporteur des informations concernant : les noms et
adresses de l’expéditeur et du destinataire, les lieu et date de prise en charge de la
marchandise et le lieu de livraison, la dénomination courante des marchandises, le nombre de
colis, leurs marques particulières et leurs numéros, le poids brut ou la quantité autrement
exprimée de la marchandise (ces informations sont portées sur la lettre de voiture). Pour les
autres modes de transports : v. art 3 Conv. Bruxelles et art. 15 Règles de Hambourg en
matière maritime ; art. 10 et 11 Conv. Varsovie en matière aérienne.
          Les textes précités mettent donc une obligation légale d’information à la charge de
l’expéditeur. Celui-ci est tenu de faire des déclarations exactes, complètes et sincères.
L’expéditeur pourrait voir sa responsabilité engagée vis-à-vis du transporteur pour tout
dommage ayant pour origine l’omission, l’insuffisance ou l’inexactitude de ses déclarations
relatives à la marchandise ( v. art. 8 al. 2 in fine AU ; art. 10 Conv. Varsovie ; art. 3 al. 5
Conv. Bruxelles et art. 15 al. 1 RH). L’AU prévoit d’autres sanctions en cas de remise au
transporteur de marchandise dangereuse (art. 8 al. 3) ou des documents, espèces ou
marchandises de grande valeur (art. 8 al. 4), sans en avoir fait connaître au préalable la nature
exacte.
          Au-delà de ces obligations légales, l’expéditeur est tenu, en vertu de la bonne foi
contractuelle, de donner au transporteur toutes les informations             ou de lui signaler
particularités non apparentes de la marchandise susceptibles d’avoir une incidence sur la
bonne exécution ou la sécurité du transport ( ex : la hauteur anormalement élevée du centre
de gravité d’une machine logée dans une caisse Com, 5 juil 1977 ; la fragilité particulière
d’une pièce de machine Paris, 10 juin 1969 ; le danger représenté par les gaz inflammables se
dégageant de tourteaux de colza, Rouen, 6 nov. 1970).
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       Avant tout, il faut noter que le transporteur doit fixer le prix du transport. Celui-ci est
déterminé en fonction de divers éléments : distance, nature de la marchandise, poids brut ou
autre quantité, valeur. En cas de fausse déclaration de la nature ou de la valeur de la
marchandise, l’art. 15 al. 2 de l’AU prévoit que « le transporteur peut réclamer le prix qu’il
aurait pu exiger pour ce transport ». Autrement dit, le transporteur va procéder au
redressement du prix sur la base des constatations opérées. Quel que soit le cas, il y a lieu de
relever que le transporteur doit facturer un prix normal et raisonnable en rapport avec la
prestation à fournir.
       Cela étant, la question demeure de savoir qui doit payer le prix du transport ? Pour
répondre à cette interrogation, il faut distinguer selon que le transport est effectué en port
payé ou en port dû. Il faudra ensuite s’intéresser au cas où le débiteur du port n’a pas été
désigné au départ.
       Lorsque le transport est en port payé, le fret doit être acquitté par l’expéditeur, et en
principe, au départ. L’expéditeur est donc dans cette hypothèse le débiteur du prix du
transport. Si le port n’a pas été payé au départ et que l’expéditeur devient insolvable, le
transporteur ne saurait réclamer le paiement de ses frais au destinataire. Comme l’a si bien
relevé la Cour d’appel de Reims (30 nov. 1981), le fait que le destinataire accepte le contrat de
transport n’a pas pour effet de le substituer dans l’exécution des obligations qui sont propres à
l’expéditeur.
       Lorsque le transport est en port dû, le prix doit être acquitté à l’arrivée par le
destinataire. On considère que cela doit résulter des stipulations contractuelles, et en
particulier, le document de transport doit mentionner clairement que l’envoi est en port dû.
(Paris, 16 juin 1976). Il a cependant été jugé en matière routière que le destinataire était tenu
de payer le port bien que le document ne fut pas explicite, dès lors qu’il n’avait jamais
contesté en être le débiteur (Aix-en-Provence, 22 févr. 1979).
       Que peut faire le transporteur en cas de refus du destinataire de payer le fret ? La
Cour de cassation a, en pareil cas, décidé que le transporteur pouvait s’adresser à l’expéditeur
pour son paiement (Civ, 3 févr. 1913, D. 1914. 1. 63) : « L’expédition en port dû n’a pas pour
effet de substituer, comme débiteur du prix du transport, le destinataire à l’expéditeur, qui en
demeure redevable en cas de défaillance du destinataire ». Il en est également ainsi en cas de
chèque sans provision remis par le destinataire (Com, 25 oct. 1960).
       Enfin, lorsque le débiteur du fret n’a pas été désigné au départ, l’expéditeur n’ayant
pas indiqué s’il s’agit d’un port payé ou d’un port dû et le transporteur ayant négligé de le lui
demander, c’est à l’expéditeur qu’incombe le paiement du prix de transport. L’article 15 al. 1
                                                                                               17
er de l’ AU est dans ce sens lorsqu’il édicte que « Les créances résultant de la lettre de voiture
sont payables par le donneur d’ordre avant la livraison, sauf stipulation contraire sur la
lettre de voiture ». Autrement dit, c’est à celui qui a requis les services du transporteur de
supporter la charge du paiement du fret.
2. Le privilège du transporteur
                                                                                               18
SECTION II : LES OBLIGATIONS DU TRANSPORTEUR
         C’est l’acte matériel et juridique par lequel le transporteur prend possession effective
de la marchandise et l’accepte au transport. La détermination du moment de la prise en charge
dépend de la convention des parties (par ex. en matière maritime, elle peut avoir lieu sous
palan). Donnant lieu à l’établissement du document de transport (B), la prise est généralement
précédée et suivie d’un certain nombre d’opérations matérielles qu’il nous faut passer en
revue (A).
1. La vérification de la marchandise
                                                                                                19
disposition qui ne dispense pas le transporteur de procéder à une vérification complète des
marchandises, indique simplement les éléments que celui-ci doit contrôler en priorité. Si le
transporteur n’a pas les moyens raisonnables de le faire, il doit inscrire des réserves motivées
sur la lettre de voiture (art. 10 al. 2).
        L’AU va même plus loin en reconnaissant à l’expéditeur le droit            d’exiger du
transporteur qu’il vérifie le poids brut ou la quantité de la marchandise ou le contenu du colis
(art. 10 al. 3). Dans ce cas, le transporteur peut lui réclamer le paiement des frais de
vérification.
        Pour terminer, il y a lieu de noter que le transporteur qui s’abstient de vérifier la
marchandise, est réputé l’avoir reçu dans l’état et la quantité décrits au document de transport
(v. par ex. art. 10 al. 4 AU).
                                                                                             20
       La lettre de voiture, dit l’art. 2 –d « est l’écrit qui constate le contrat de transport de
marchandises ». Elle doit contenir un certain nombre de mentions qui sont énumérées à l’art.
4 al. 1 et 2. Les parties peuvent y faire figurer toute autre mention qu’elles jugent utiles (al. 3).
La lettre de voiture est établie en un original et au moins en deux copies ; l’original étant
remis à l’expéditeur et une copie conservée par le transporteur et une accompagnant la
marchandise (art. 5 al. 2).
       Le connaissement est le document qui constate un contrat de transport maritime de
marchandises. Il revêt trois formes : le K à personne dénommée (ou nominatif) qui mentionne
le nom et l’adresse du réceptionnaire ; le K à ordre ( soit à l’ordre du chargeur, soit du
réceptionnaire) qui est transmissible par endossement ; le K au porteur qui ne porte aucune
indication du destinataire et dont la transmission se fait par simple tradition. Quelle que soit
sa forme, le K peut être soit un K reçu pour embarquement qui constate simplement que
les marchandises ont été remises au transporteur pour être mises à bord, soit un K
embarqué qui constate le chargement des marchandises à bord du navire.
       Pour le contenu du K : v. art. 15 RH, art.3 al. 3 Conv. de Bruxelles.
La lettre de transport aérien est le document qui constate le contrat de transport aérien (sur
son régime, v. Art. 5 et s Conv. Varsovie).
         Une fonction est commune à tous les documents de transport : c’est de faire la
preuve du contrat de transport. Dans des termes pratiquement identiques, les art. 11 C.
Varsovie et 5 de l’AU précisent que la LTA et la LV font foi, jusqu’à preuve contraire, de la
conclusion du contrat et des conditions du transport et de la prise en charge de la marchandise
par le transporteur. Bien entendu, l’absence ou l’irrégularité du document de transport
n’affecte ni l’existence, ni la validité du contrat de transport (art. 5. 2 C. V ; art. 4.4 AU).
       La Convention de Varsovie fait cependant une distinction en ce qui concerne la force
probante de la LTA. L’art. 11 al. 2 dispose : « Les énonciations de la LTA relatives au poids,
aux dimensions et à l’emballage ainsi qu’au nombre de colis font foi jusqu’à preuve
contraire ; celles relatives à la quantité, au volume et à l’état de la marchandise ne font
preuve contre le transporteur qu’autant que la vérification en a été faite par lui en présence
de l’expéditeur, et constatée sur la LTA ou qu’il s’agit d’énonciations relatives à l’état
apparent de la marchandise ». Ainsi, les énonciations relatives au poids, à l’emballage et au
nombre de colis engagent le transporteur jusqu’à preuve contraire faite par lui de leur
                                                                                                   21
inexactitude alors que celles relatives à la quantité, au volume et à l’état de la marchandise ne
font foi contre lui que s’il y eu vérification contradictoire constatée sur la LTA.
        Pour finir, il faut relever que le document de transport peut remplir d’autres fonctions :
il peut servir de note d’instructions pour le transporteur (v. art. 4 al. 1-h et al. 2-e AU
instructions relatives à l’assurance et aux formalités de douane) ; de titre représentatif de la
marchandise et de titre négociable, notamment pour le connaissement.
A. Le chargement de la marchandise
B. Le déplacement de la marchandise
         Il doit être effectué avec des moyens de transport appropriés et aptes au transport.
L’art. 3 al. 1 de la Convention de Bruxelles précise les obligations du transporteur en la
matière (citer ce texte). Cela étant, les obligations du transporteur concernent surtout
l’itinéraire (1) et le délai de transport (2).
1. L’itinéraire
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parties doit normalement fixer l’itinéraire à suivre par le transporteur. A défaut de stipulation,
le transporteur doit prendre la voie la plus directe pour gagner sa destination. Un déroutement
injustifié qui cause un préjudice à l’ayant droit de la marchandise pourrait entraîner la
responsabilité du transporteur. Cependant, l’art. 4 al. 4 de la Convention de 1924
prévoit : « Aucun déroutement pour sauver ou tenter de sauver des vies ou des biens en mer,
ni aucun déroutement raisonnable ne sera considéré comme une infraction à la présente
convention ou au contrat de transport, et le transporteur ne sera responsable d’aucune perte
ou dommage en résultant ».
       Il peut arriver qu’en cours de route, des difficultés se présentent ou des évènements se
produisent et qui compliquent ou rendent impossible la continuation du transport dans les
conditions prévues. Dans ce cas, l’art.12 al. 1-a fait obligation au transporteur d’aviser l’ayant
droit à la marchandise sans délai et de demander des instructions. A défaut d’instructions, si le
                                                                                               23
transport peut être exécuté dans des conditions différentes, le transporteur doit prendre « les
mesures qui lui paraissent les meilleures » dans l’intérêt de l’ayant droit (art. 12 al. 2).
Précisons que le transporteur a droit au remboursement des frais qu’implique sa demande
d’instructions et l’exécution des instructions reçues, sauf faute de sa part (art. 12 al. 4).
       Il faut d’emblée relever que le destinataire ne saurait être contraint à prendre livraison
de la marchandise. Son refus de le faire pose problème. Il s’agit alors de savoir s’il faut y voir
un refus du contrat de transport ou un simple refus de la marchandise qui en est l’objet. Si
dans le premier cas, le destinataire reste en dehors du contrat de transport (il est un tiers au
                                                                                                  24
contrat), dans le second, on considère qu’il y a adhéré et, par conséquent, est devenu partie au
contrat (Paris, 11 juil. 1979).
       Cela étant, il convient de rappeler que le contrat de transport prend fin avec la
livraison des marchandises. Il importe alors de préciser la notion de livraison (A) avant d’en
envisager les modalités (B).
A. La notion de livraison
       Avant de préciser la personne qui a droit à la livraison, il faut dire un mot sur le
déchargement.
1. Le déchargement
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transporteur lui-même.       Le transport terrestre suscite quelques difficultés. En effet, il
appartient normalement à l’expéditeur d’exécuter le déchargement. Il doit pour ce faire,
désarrimer la marchandise, retirer son calage et procéder à sa mise terre par tous moyens de
son choix, manuels ou mécaniques. Si le destinataire refuse d’effectuer le déchargement, le
transporteur est fondé à considérer qu’il y a empêchement à la livraison. Mais il peut aussi
arriver que le transporteur accepte de procéder au déchargement à la place du destinataire ou
de participer à l’opération. Dans un cas comme dans l’autre, le transporteur est présumé
responsable des dommages subis par la marchandise au cours du déchargement. Il en est ainsi
parce que le contrat ne prend fin qu’au moment de la livraison effective au destinataire.
         A qui la livraison doit-elle être faite ? La réponse est simple : la marchandise doit être
remise à la personne désignée comme destinataire sur le document de transport ou à son
représentant. Le transporteur doit donc vérifier l’identité de la personne qui réclame la
livraison. En matière terrestre, il a été jugé que commet une faute le transporteur qui
connaissant le destinataire réel, lui livre directement la marchandise en lieu et place du
destinataire mentionné sur le document de transport (T. com Paris, 26 janv. 1970). De même,
commet une faute le transporteur qui remet la marchandise à un tiers au domicile duquel la
livraison devait être faite sans s’assurer qu’il était bien le destinataire nominal (Com, 9 déc.
1965). En tout état de cause, la livraison à un tiers constitue une faute et équivaut à une perte
totale pour le véritable destinataire (Cass. 11 juil. 1921). Toutefois, la responsabilité du
transporteur n’a pas été retenue en cas de livraison faite à un tiers sur présentation : du
récépissé revêtu d’une décharge du destinataire et que celui-ci s’était fait voler par un
tiers (Cass. 17 juil. 1924) ; de la lettre d’avis régulièrement adressée au destinataire, puis
volée par un tiers qui l’avait ensuite faussement signée du nom du destinataire (Cass. 5 juil.
1949).
                                                                                                26
       A. Le droit de vérification du destinataire
       Il s’agit pour le destinataire qui constate des avaries ou des pertes ou manquants, ou en
cas de retard à la livraison, d’adresser un avis écrit au transporteur indiquant le dommage
allégué (V. art. 14 AU, art. 3 al. 6 Conv. de 1924, art. 19 R.H, art. 26 Conv. Varsovie). Selon
les textes, les réserves ou protestations doivent être faites soit au plus tard le premier jour
ouvrable qui suit la date de la livraison, en cas de pertes ou avaries apparentes, soit dans un
certain délai, en cas d’avaries ou de pertes non apparentes ou de retard à la livraison. Dans
tous les cas, les réserves doivent être écrites, précises et complètes. Il s’agit de bien indiquer
la nature et l’importance du dommage constaté. Des réserves vagues ou imprécises du genre
« sous réserve de déballage » ou encore « sous toutes réserves » n’ont aucun effet.
  Cela étant, les réserves ont pour fonction de préserver les droits et recours contre le
transporteur. Certaines constituent un moyen de preuve de l’existence au moment de la
livraison. Des réserves précises et complètes font la preuve que les avaries ou pertes
constatées sont antérieures à la livraison. Il appartient alors au transporteur d’apporter la
preuve contraire. En revanche, l’absence de réserves entraîne une présomption de réception
conforme à l’égard du destinataire. Ainsi, l’art. 14 al. 3 prévoit « A défaut d’avis dans ces
                                                                                               27
délais, la marchandise est présumée reçue dans l’état décrit à la lettre de voiture » (v. art. 26
al. 1 Conv. de Varsovie ; art. 19 al 1 RH).
      D’autres réserves ont pour fonction de conserver l’action en responsabilité contre le
transporteur. Autrement dit, elles font obstacle à        la forclusion du recours contrer le
transporteur. Telle est la fonction des protestations exigées par l’art. 26 al. 2 de la Convention
de Varsovie en cas de perte partielle ou de retard à la livraison. A défaut de telles
protestations, l’art. 26 al 4 prévoit que « toutes actions contre le transporteur sont
irrecevables, sauf le cas de fraude de celui-ci ».
      Enfin, il est des réserves dont la fonction est de sauvegarder le droit à l’indemnité de
l’ayant droit à la marchandise. En effet, de la combinaison des dispositions de l’art. 19 al. 5
des RH et 14 al. 4 de l’AU, il résulte qu’un retard à la livraison ne peut donner lieu à une
indemnité que si un avis écrit a été adressé au transporteur dans le délai prévu. La doctrine et
la jurisprudence interprétant les dispositions de l’art. 30 al. 3 de la CMR dont est inspirée la
règle précitée, y ont vu une fin de non recevoir. Il n’en est rien à notre avis. Les réserves
exigées ne préservent aucun recours contre le transporteur mais visent simplement à conserver
son droit à la réparation./.
                                      CHAPITRE III
                  LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR
                                                                                               28
          Tous les transporteurs sont pratiquement tenus d’une responsabilité de plein droit ou
d’une présomption de responsabilité (Parag. 1). Il s’agit d’un régime de responsabilité sévère
et qui revêt un caractère d’ordre public (Parag. 2).
          La responsabilité de plein droit signifie que le créancier n’a pas à faire la preuve de la
faute du débiteur. Elle suppose donc l’existence d’une obligation de résultat qui implique que
la responsabilité du débiteur est engagée a priori dès que la preuve de l’inexécution est
établie. La responsabilité du transporteur de marchandises rentre bien dans cette conception
qu’il s’agisse de la responsabilité en cas d’avaries ou de pertes ou de la responsabilité pour
retard.
          L’affirmation d’une responsabilité de plein droit du transporteur est nette en matière
aérienne et terrestre. Aux termes de l’art. 18 al. 1 « le transporteur est responsable du
dommage survenu en cas destruction, perte ou avarie (…) de marchandises lorsque
l’évènement qui a causé le dommage s’est produit pendant le transport ». De même, l’art. 16
de l’AU énonce : « Le transporteur est tenu de livrer la marchandise à destination. Il est
responsable de l’avarie, de la perte totale ou partielle qui se produit pendant la période de
transport, ainsi que du retard à la livraison ». En matière maritime, la règle est presque la
même, notamment en ce qui concerne les Règles de Hambourg (art. 5 al. 1).
          De tout ce qui précède, il ressort que le transporteur est donc a priori et de plein droit,
tenu pour responsable de toute perte ou avarie constatée à la livraison et de tout retard à la
livraison. Il doit répondre du dommage subi par le destinataire ou tout ayant droit à la
marchandise dès lors que celle-ci n’a pas été livrée dans l’état et la quantité décrits au
document de transport. Le transporteur est responsable non seulement de ses propres actes ou
omissions, mais encore « des actes ou omissions de ses préposés ou mandataires agissant
dans l’exercice de leurs fonctions et de ceux de toute autre personne aux services desquels il
recourt pour l’exécution du contrat de transport, lorsque cette personne agit aux fins de
l’exécution du contrat » (art. 16 al. 4 AU ; v. aussi art. 10 RH responsabilité du transporteur
pour le transporteur substitué).
      Dans un tel système de responsabilité, le demandeur doit rapporter une double preuve :
                                                                                                  29
 -    d’abord celle de l’existence et de l’importance du dommage : l’ayant droit à la
      marchandise est dispensé de la preuve de la faute. Il doit simplement établir qu’il a subi
      un dommage (avaries ou manquants) et l’étendue dudit dommage ;
 -    ensuite et surtout, celle de la survenance du dommage pendant le transport. Autrement
      dit, il doit prouver que l’avarie ou la perte s’est produite pendant la période de transport,
      c-à-d la période pendant laquelle la marchandise était sous la garde du transporteur.
      Cette période s’étend de la prise en charge de la marchandise jusqu’à la livraison au
      destinataire sauf disposition contraire (Conv. de Bruxelles de 1924).
      En définitive, la responsabilité du transporteur est bel et bien une responsabilité de plein
droit. Certains ont cependant pu considérer que les RH instituent une présomption de faute
dès lors qu’elles reconnaissent a transporteur de se dégager de toute responsabilité en
prouvant « que lui-même ou ses préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui
pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l’évènement et ses conséquences » (art. 5
al. 1). Cette idée de présomption de faute n’a pas été retenue par la doctrine dominante.
                                                                                                30
marchandise les risques des opérations de chargement et de déchargement, Aix, 25 juin 1953),
ni renverser l’ordre des preuves. En second lieu, les textes précités frappent aussi de nullité
toutes clauses tendant à exonérer le transporteur ou à prévoir d’autres limites de
responsabilité. Autrement dit, le transporteur ne peut prévoir des causes d’exonération ou des
limitations de responsabilités autres que celles prévues par la loi applicable au transport
litigieux. Il existe quelques rares exceptions que nous envisagerons par la suite.
       En conclusion, il apparaît que le transporteur ne peut prévoir des clauses
d’irresponsabilité dans le contrat. Il ne peut s’exonérer que dans les cas prévus par la loi.
       Elles sont énumérées à l’article 17 de l’AU. Ces causes sont nombreuses et variées.
On peut distinguer les causes générales (A) des causes particulières (B) d’exonération.
                                                                                                31
contrats selon laquelle la faute du cocontractant exonère le débiteur lorsqu’elle est à l’origine
du dommage. I l peut s’agir de la faute de l’expéditeur ou de la faute du destinataire.
       En second lieu, le transporteur est exonéré si le dommage est dû au vice propre de la
chose. On entend par vice propre une particularité, un défaut de fabrication ou de constitution
qui la rend inapte à supporter sans dommage les risques inhérents au transport effectué dans
des conditions normales, ou qui la prédispose à se détériorer sans action extérieure (maladie
d’un animal, état de maturation avancé de fruits, etc).
       Enfin, la force majeure exonère aussi le transporteur. Elle est par définition un
évènement que le transporteur n’a pu ni prévoir ni éviter dans sa cause comme dans ses effets.
C’est d’elle que vise sans aucun doute l’art. 17 al. 1 lorsqu’il parle « des circonstances que le
transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait remédier »
(par ex. les circonstances atmosphériques d’une intensité exceptionnelle). Les juges du fond
apprécient souverainement.
                                                                                                32
       Le transporteur maritime bénéficie d’une extrême variété de causes d’exonération de
responsabilité. En raison des différences entre les prévisions de la Convention de Bruxelles et
le R.H, il vaut mieux distinguer les deux régimes d’exonération.
                                                                                              33
ses conséquences ». En d’autres termes, le transporteur doit faire la preuve positive de sa
diligence raisonnable ou tout simplement qu’il n’a pas commis de faute (on comprend
pourquoi certains parlent de présomption de faute). Il revient aux juges du fond d’apprécier
dans chaque espèce si le transporteur a véritablement pris les mesures raisonnables
susceptibles de prévenir le dommage ou ses conséquences.
      Il est en outre prévu quelques cas particuliers d’exonération : en cas de dommage
résultant d’un incendie, sauf si l’incendie résulte d’une faute ou négligence de sa part (art. 5
al. 4 i) ; en cas de transport d’animaux vivants, des dommages, pertes ou retard tenant aux
risques particuliers inhérents à ce genre de transport (art. 4 al.5) ; des dommages résultant de
mesures prises pour sauver des vies en mer ou de mesures raisonnables prises pour sauver des
biens en mer (art. 5 al. 6).
      Comme le transporteur routier, le transporteur maritime est déchu de son droit à
l’exonération en cas de faute intentionnelle ou inexcusable (art. 8 al. 1).
                                                                                                  34
       L’une des originalités du contrat de transport est l’existence de limitations légales de
responsabilité (Parag. 1) qui ne cessent de s’appliquer que dans certains cas (Parag.2).
       Tous les textes régissant le transport de marchandises prévoient des limitations légales
de l’indemnité due par le transporteur en cas d’avarie, de perte ou de retard.
       En matière routière d’abord, l’art. 18 al. 1 prévoit que « l’indemnité pour avarie ou
pour perte totale ou partielle de la marchandise et ne peut excéder 5000 francs CFA par
kilogramme de poids brut de la marchandise ». Ce texte fixe donc le                   plafond de
l’indemnisation qui peut être réclamée au transporteur non seulement en cas d’avarie ou de
perte, mais aussi en cas de retard (art. 18 al. 3). Il ne faut pas croire que dans tous les cas, le
demandeur aura 5000 par kg. En effet, la base de calcul de l’indemnité pour une perte ou une
avarie est la valeur de la marchandise (v. art. 19). Autrement dit, ce sont les ayants droit à des
marchandises dont la valeur dépasse 5000 par kg de poids brut qui sont pénalisés. Précisons
qu’en ce qui concerne le retard, outre le plafond fixé à l’art. 18 al.1, l’ayant droit peut aussi
demander que le transporteur lui paye une indemnité correspondant au dommage
supplémentaire qu’il aurait subi, mais cette indemnité ne saurait dépasser le prix du transport.
       En matière maritime, l’art. 6 des R.H prévoit les limites de responsabilité. En ce qui
concerne le préjudice résultant des dommages ou pertes subis par la marchandise, l’art. 6 al 1
prévoit que la responsabilité du transporteur « est limitée à une somme équivalant à 835 unités
de compte par colis ou autre unité de chargement ou à 2,5 unités de compte par kilogramme
de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant
applicable ». Ce texte institue donc deux techniques ou bases de calcul.
       En cas de retard, il est prévu à l’al. 2 que la responsabilité du transporteur « est limitée
à une somme correspondant à deux fois et demi le fret payable pour les marchandise ayant
subi le retard, mais n’excédant pas le montant total du fret payable en vertu du contrat de
transport ».
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       Les limites d’indemnisation ci-dessus envisagées sont d’ordre public. Elles s’imposent
aux parties aux contrats, de sorte que toute clause prévoyant une limite de réparation
inférieure à celle prévue par la loi applicable au transport litigieux, est nulle et de nul effet.
Cela dit, si l’ayant droit peut prétendre à une indemnité soit plus élevée, soit même à une
réparation intégrale dans des cas prévus par la loi (A) ou par la convention des parties (B).
2. La faute du transporteur
       Si les textes déclarent nulles et de nul effet toute clause tendant à limiter l’indemnité à
une somme inférieure à celle qu’ils prévoient, ils n’interdisent pas que le contrat de transport
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puisse prévoir une indemnisation supérieure au plafond légal. L’art. 6 al. 4 des R.H envisage
expressément cette hypothèse : « Le transporteur et le chargeur peuvent, d’un commun
accord, fixer des limites de responsabilité supérieures à celles qui sont prévues au parag. 1 ».
C’est dire que la limite fixée par la loi est un minimum au dessous duquel il est interdit de
descendre ; par contre, il est loisible aux parties de convenir d’un montant plus élevé./.
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