Luc Ramazeilles
Master II de Musicologie
2010/2011
                                                  GLOSSAIRE
    1. Bebop :
Ce style musical appartenant à la famille du jazz marque la fin de l'ère du swing au début
des années 1940. Selon Phillippe Margotin 1 c'est le « premier mouvement underground ».
marqué par certain évolutions telles que : la réduction de la formation musicale, des
thèmes joués à l'unisson, un mode d’accompagnement plus moderne de la section
rythmique,        l’utilisation    impérative       de     couleurs      harmoniques         plus     riches,    la
complexification du vocabulaire mélodique et une virtuosité instrumentale jamais égalée
jusque là. Il représente aussi une révolution sociale2 dans la mesure ou il fait muter le jazz
« swing » de musique à danser vers le jazz « bebop » musique de concert. Ce changement
de fonction s'opérant par l'initiative des noirs américains en pleine politique de
ségrégation constitue le premier manifeste vers la reconnaissance de cette minorité
culturelle. De plus, la façon de jouer de ses plus grand représentant tel que Charlie Parker ,
Dizzy Gillespie, Thelonious Monk, ou Kenny Clarke a globalement fait école et constitue
encore aujourd'hui la base de l'expression du jazz. À partir de 1950 cette esthétique
évoluera vers le « hard bop » en se mélangeant au blues puis vers le « funk » en se
mélangeant à la « soul music ».
    2. Formule :
Dans le cadre de notre étude, c’est un code qui permet d’identifier le rapport qui existe
entre en trait mélodique et le système musical ou la partie du système musical auquel il
fait référence. A l’occasion d’un solfège non modulant ce sera l’ensemble des valeurs qui
constituent une phrase musicale :
1
    Cf. Philippe Margotin, « Le bebop premier mouvement underground », Jazz and Blues collection, Paris : Éditions
    Atlas, 17, vol. II, juin 1995, p.14.
2
    Idée notamment soutenue par Scott DEVEAUX dans son livre « The birth of bebop a social and musical history»,
    Berkeley : University of California Press, 1987.
[do do do ré mi ré do mi ré ré do] signifiant Au clair de la lune pourra être traduit dans une
tonalité indéfini par la valeur absolue [1-1-1-2-3_-2_-1-3-2-2-1_] 3. A l’occasion de l’analyse
d’une phrase musicale bebop la formule sera l’expression mélodique d’un accord.
Néanmoins comme le bebop change souvent de tonalité la formule sera toujours
considérée en fonction de l’accord qu’elle soutient. Elle sera alors plus souvent la
traduction numérique d’un ou plusieurs mots musicaux tel que nous le décrivons dans ce
glossaire. [1-3-5-7 | 3-5-7-b9 | 5] dans un II-V-I de deux mesures.
    3. Mots musicaux et motif:
Éléments mélodiques qui sont porteurs d'un sens structurel au sein d'une phrase musicale.
Une découpe de la phrase musicale suivant le rythme harmonique sera opérée pour
déterminer ces mots, la valeur de ce qui les constitue, leurs qualités et leur fonctions. Le
motif est un ensemble mélodico-rythmique reconnaissable son rythme, par ses sons
contitutifs, ou par ses intervalles, qui fait l'objet d'une répétition à l'identique ou modifiée.
    4. Modes de la gamme diatonique majeure et autres modes :
Nous utiliserons ce concept à la manière dont Philippe Ganter les décrits4 :
La formule [do-ré-mi-fa-sol-la-si-do] aussi appelée « gamme majeure » est considéré par la
particularité de ses intervalles comme le premier mode ou le mode Ionien. La note pôle (de
référence) de cette gamme est le do. Mais en déplaçant ce pôle sur les autre degrés de la
gamme on obtiens par une redistribution des intervalles de nouvelles échelles, de
nouveaux modes. Ainsi la formule :
[ré-mi-fa-sol-la-si-do-ré] = [1-2-b3-4-5-6-b7] constituera le mode dorien.
[mi-fa-sol-la-si-do ré-mi] = [1-b2-b3-4-5-b6-b7] constituera le mode phrygien.
[fa-sol-la-si-do-ré-mi-fa] = [1-2-3-#4-5-6-b7] constituera le mode lydien.
[sol-la-si-do-ré-mi-fa-sol] = [1-2-3-4-5-6-b7] constituera le mode mixolydien.
3
    Les traits « _ »voulant signifier ici des valeurs de sons plus longues.
4
    Cf. Philippe GANTER, Les bases de l'harmonie, Paris : I.D. Music S.A., 1991, p. 53
[la-si-do-ré-mi-fa-so-lal] = [1-2-b3-4-5-b6-b7] constituera le mode aeolien
[si-do-ré-mi-fa-sol-la-si] = [1-b2-b3-4-b5-b6-b7] constituera le mode locrien.
Nous prendrons le soin d’expliquer, dans notre futur mémoire, les qualités des ces
différents modes par l’observation de leurs notes caractéristiques.
       Le Mode altéré : [1-b2-#2-3-b5-#5-7]. Cette échelle est le septième mode issu de la
gamme mineure mélodique dont la formule est : [1-2-b3-4-5-6-7]. (elle est construite
comme la gamme majeure mais comporte néanmoins une tierce mineure). Il prend donc
son essence dans le mode mineur mais son application se fait indifféremment dans les
deux modes, majeur et mineur. Son échelle très particulière est souvent représentée par la
formule suivante : . Son utilisation apporte une très forte coloration à la fonction de
dominante due à la répartition de ses altérations sur les seconds et cinquièmes degrés.
       Le Mode Bartòk : [1-2-3-#4-5-6-b7]. Ce mode est utilisé dans le jazz pour exprimer
des accords de dominante. Sa formule est bâtie sur un mode mixolydien auquel on aurait
diésé le quatrième degré. Celui à l’état naturel est le degré de la fondamentale qu’un
accord de dominante vise. Le fait d’éviter de le jouer pendant l’accord de dominante et de
le remplacer par une sus-tonique permet de donner de la direction dans la mélodie, et de
pouvoir coloré sa dominante un peu plus qu’avec un mode mixolydien. Il est souvent
appelé Lydien b7 mais n’en prend jamais la fonction.
       Le Mode juif : [1 b2 3 4 5 b6 b7]. Bâtie sur la célèbre mélodie du « Hava Nagila » sa
formule s’apparente au cinquième mode de la gamme mineure harmonique et elle est très
utilisée dans le traitement des cadences mineures.
   5. Notes caractéristiques :
Ces notes permettent de définir, relativement à une basse explicite ou implicite, un mode
sans forcément jouer ce mode en entier. Plaçons nous dans un cadre tonal d’utilisation de
la gamme de Fa majeur : si elle est joué suivant la formule [1-2-b3-4-5-6-b7] elle sonera
comme une gamme majeure, mais lorsque que nous jouerons une note qui sonnera comme
une quarte augmentée par rapport la note de basse on exprimera le mode lydien. Ainsi la
note #11 est caractéristique du mode lydien par rapport au mode ionien :
    6. Phrase mélodique bebop :
Dans le contexte de notre étude nous la considérons comme un tout comprenant des
segments monodiques articulés, les mots musicaux, (eux même constitués de sonèmes)
encadrés par des respirations suffisamment conséquentes pour en donner les limites. Bien
que subjectif ce paramètre reste néanmoins déterminant pour notre étude. A la manière de
la parole la respiration et le silence sont des endroit de découpe de la phrase en mots. A
l'instar de la linguistique qui définit les syntagmes comme les premiers regroupements de
mots comportant une valeur de sens par leur combinaison, nous étudierons les phrases
musicales spontanées du bebop en essayant de déterminer leurs valeurs intrinsèques ainsi
qu'une grammaire de leur emploi. Selon Saussure :
       « Dans le discours, les mots contractent entre eux, en vertu de leur
       enchaînement, des rapports fondés sur le caractère linéaire de la langue, qui
       exclut la possibilité de prononcer deux éléments à la fois. Ceux-ci se rangent les
       uns à la suite des autres dans la chaîne de parole. Ces combinaisons qui ont
       pour support l’étendue peuvent-être appelées syntagmes. Le syntagme se
       compose de deux ou plusieurs unités consécutives (par exemple : re-lire ;contre-
       tous ; la vie humaine ; dieu est bon ; s’il fait beau temps, nous sortirons, etc.).
       Placé dans un syntagme, un terme n’acquiert sa valeur que parce qu’il est
       opposé à ce qui précède ou ce qui suit5. »
    7. Sonèmes :
En linguistique on définit le phonème comme la plus petite unité discrète ou distinctive
(c'est-à-dire permettant de distinguer des mots les uns des autres) que l'on puisse isoler
par segmentation dans la chaîne parlé. Selon la règle : « un phonème = un symbole ». Par
analogie nous analyserons les notes des solos de boppers comme des sonèmes.
5
    Ferdinand DE SAUSSURE, Cours de linguistique générale, Paris : Payot, 1967, p. 171.
   8. Réservoir de notes :
C’est l’ensemble des notes qui déterminent un mode ou une échelle donnée. Comme l’a
évoqué Luce Beaudet le nombre de notes utilisable dans un chant donné non modulant
s’élève à dix-sept notes possibles. Le réservoir de note est une réduction de ces possibles à
l’expression d’un mode particulier. Par exemple [ré mi fa sol la si do] est le réservoir de note
caractéristiques de ré dorien.
   9. Sens mélodique :
Capacité d'un improvisateur à générer des phrases monodiques dans un contexte tonal ou
modal déterminé et utilisant des profondeurs de champs suivant :
       Un sens linéaire en tant qu'une logique de la phrase qui s'établit par l'analogie dans
ses composantes de hauteurs ou de rythme propres. C'est l'expression du motif en tant que
générateur d'idées mélodiques.
       Un sens structurel confiné dans l'utilisation de notes caractéristiques ou d'un réseau
de notes aptes à déterminer l'identité d'un accord sur lequel est construit la phrase. Tout
l'intérêt du bebop se situant dans le rapprochement (note de l'accord) ou dans
l'éloignement (superstrucutre de l'accord).
Ainsi nous entendons ici par sens mélodique l'ensemble des compétences, théoriques et
pratiques, rassemblées chez un improvisateur jazz ainsi que sa réalisation monodique,
répondant à certaines contraintes (par exemple la grille harmonique) et impliquant une ou
plusieurs logiques et stratégies internes, visant à susciter l'intérêt de l'auditeur (fut-il le
même que l'instrumentiste)
   10. Superstructures :
Comme indiqué ici par upper strutures, les superstructures sont les notes présentes dans
l'accord au dessus de la première octave. Ce sont des notes qui fournissent les couleurs
que les boppers affectionnent le plus. Nous utiliserons la définition exprimée par Corey
Christiansen6 dans le tableau suivant:
6
    Corey CHRISTIANSEN, Essential Jazz Lines in the Style of Charlie Parker, Pacific : Mel Bay publication, 2001,
    p.13.