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À l’ombre des migrants: Une enquête hors normes
À l’ombre des migrants: Une enquête hors normes
À l’ombre des migrants: Une enquête hors normes
Livre électronique242 pages6 heures

À l’ombre des migrants: Une enquête hors normes

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À propos de ce livre électronique

À Grande Pinthe, ville du littoral de la Manche, un téléphone retrouvé près d’un camp de migrants fait ressurgir une série de disparitions inexpliquées de jeunes filles. Tandis que les premières responsabilités paraissent établies, les coupables neutralisés, et que l’affaire semble close, des citoyens ordinaires, refusant l’oubli, poursuivent leur quête de vérité. Leur persévérance met au jour des révélations troublantes, forçant la justice à rouvrir les enquêtes. La vérité, longtemps enfouie, éclatera dans un dénouement aussi inattendu que tragique.

 À PROPOS DE L'AUTEUR 

Curieux et engagé, Jean-Noël Bertora aime explorer les rouages de notre société à travers la fiction. Fort d’un parcours riche et d’un esprit critique affirmé, il considère le doute comme une démarche essentielle d’intelligence. Amateur de science-fiction et de politique, il a publié plusieurs romans mêlant anticipation, réflexion et imagination.
LangueFrançais
ÉditeurLe Cri
Date de sortie26 août 2025
ISBN9791042283735
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    Aperçu du livre

    À l’ombre des migrants - Jean-Noël Bertora

    Partie I

    Alain Norek était las, fatigué, harassé, ankylosé, courbatu. Assis dans sa vieille Peugeot depuis six heures ce matin, sa montre indiquait 8 h 45. Personne n’était encore sorti de la maison bourgeoise qu’il surveillait. Qu’elle était dure la vie d’un détective désargenté ! Quelle déchéance pour un ancien policier émérite que de se retrouver à rechercher un flagrant délit d’adultère ! Dix ans après, Alain se demandait encore parfois, ce qui avait pu le décider, après la mort accidentelle de ses parents, à démissionner pour venir occuper la maison familiale dans cette ville côtière du nord de la France. Déjà paupérisée à son arrivée, la situation de cette cité se détériorait année après année. Désindustrialisation, chômage de masse, pauvreté économique, sociale et récemment, des flux migratoires qui venaient se briser sur les côtes de la Manche. Des êtres encore plus pauvres, plus malheureux que les autochtones, s’échouaient sur les grèves et sur les trottoirs de la ville de Grande Pinthe.

    Sa licence de détective privé lui permettait de survivre dans ce désert social. Sa clientèle, celle qui pouvait s’offrir ses services, se recrutait chez les édiles, chez les quelques encore riches propriétaires, commerçants, ou chefs d’entreprises. Tout ce beau monde exploitait sans vergogne la populace composée de travailleurs précaires et aussi de quelques migrants ayant obtenu, par miracle, un titre de séjour temporaire. Comme Goran Devken, un Kurde, employé dans une entreprise de maçonnerie, pour lequel, son patron lui avait commandé une enquête pour pouvoir le licencier pour faute.

    Que du bonheur !

    En attendant, l’épouse infidèle de la grande boucherie du centre-ville ne sortait toujours pas de la maison de son amant. S’il parvenait à prendre des photos montrant madame la bouchère embrassant, sur le pas de la porte, monsieur l’architecte, peut-être qu’il pourrait alors percevoir les trois cents euros promis par le cocu désemparé.

    Que du bonheur !

    La porte s’ouvrit, Alain, surpris, empoigna précipitamment son appareil photo posé sur le siège passager, qui s’échappa de sa main engourdie par le froid. Il se pencha pour reprendre l’appareil, se releva pour voir la bouchère s’engouffrer dans sa voiture et partir, laissant s’envoler des billets de cent euros dans un souffle de gaz d’échappement. Bon, se dit Alain, il me reste encore un peu de monnaie pour aller boire un café avant d’explorer le Kurdistan.

    Sur le trajet de retour vers le centre-ville, en faisant le point sur ses maigres finances, la question revint de savoir s’il n’allait pas devoir vendre la maison de ses parents. Ce serait un crève-cœur, mais s’il ne trouvait pas rapidement des recettes dans son activité, alors il devrait s’y résoudre. De plus, le marché immobilier national, en berne avec l’inflation galopante, se décomposait encore plus à Grande Pinthe. Qui voudrait et surtout qui pouvait acheter une maison ici, au milieu de cette déshérence ? Alors, ce n’était pas gagné !

    Devant une tasse de café vide depuis longtemps, Alain relisait les quelques notes déjà relevées sur la situation de Goran Devken. Marié avec deux enfants, il habitait un préfabriqué installé dans une zone qui n’avait plus d’activité que le nom tant les industriels avaient depuis longtemps déserté la région. Aussi, dans des espaces laissés libres, la municipalité avait-elle aménagé d’anciens locaux professionnels en logements provisoires, dans l’attente de constructions d’habitats sociaux, toujours pas à l’ordre du jour du conseil municipal.

    Au bout de cette zone, longeant la route d’accès à l’autoroute reliant la capitale régionale au terminal ferroviaire du tunnel sous la manche, s’étendait un bidonville fait de baraques, de constructions précaires, branlantes, voire de tentes, où s’entassaient des migrants, en majorité des Kurdes et des Afghans. Goran Devken s’y rendait souvent, pour apporter des vivres ou d’autres effets de première nécessité à ses compatriotes.

    Toutes les observations d’Alain montraient un homme courageux, entièrement dévoué à sa famille, mais également préoccupé du malheur des autres au point de travailler encore plus pour aider plus pauvre que lui. Et c’était cela d’ailleurs que lui reprochait son patron : travailler au noir en dehors de ses heures rémunérées, en utilisant les outils de travail de l’entreprise. Alain devait constater ces activités illicites afin de motiver son licenciement. Non, décidément, c’était trop ! Alain décida de s’assurer de la réalité de ses premières observations. Si elles se confirmaient, le patron irait se faire voir ailleurs, chez les Grecs, les Afghans, mais pas chez les Kurdes. Il jeta quelques pièces sur la table en bois, sortit sans un mot pour rejoindre sa voiture, courbé sous la pluie froide d’un hiver naissant.

    Les essuie-glaces, hors d’âge, peinaient à ôter la pluie de son champ de vision, tout en faisant un bruit de frottement crispant. Alain s’approchait du quartier anciennement nommé la ZI du Dyck où résidaient Goran et sa famille. Son GPS lui fit prendre une rue sur la gauche tout en lui indiquant qu’il se trouvait à une minute de sa destination. Il poursuivit jusqu’à voir le logement de Goran Devken et se gara sur une place de stationnement le long de la rue. Une recherche sur internet lui avait permis de trouver son numéro de portable. Il composa le numéro, estimant qu’un entretien téléphonique serait moins stressant pour un premier contact.

    Sans répondre, après un court silence, Golan raccrocha sur un laconique « À ce soir ».

    Fermant son téléphone, Alain Norek se dit qu’il avait tout le temps de rentrer prendre une douche, grignoter un en-cas, faire un mot croisé et pourquoi pas, ensuite, aller à la bibliothèque municipale en attendant 17 heures. Une journée peu exaltante, mais qui préserverait ses derniers euros. Ce serait bien utile après l’échec du constat d’adultère et avant ce qu’il allait sans doute décider concernant la mission Kurdistan.

    Quand la porte s’ouvrit, Alain fut surpris. Il s’attendait à voir Goran, alors que se tenait devant lui, une femme vêtue d’une longue robe, ses longs cheveux bruns bouclés sur les épaules, un grand sourire sur son visage rond, des yeux vert brillant lui conféraient une prestance de reine. Sa surprise devait se voir, car, son sourire s’agrandit en lui disant :

    Ce fut tout ce qu’Alain put dire, tant cette femme l’impressionnait. Il s’en voulait d’avoir été influencé par d’imbéciles préjugés sur les femmes orientales. Non, elle n’était pas soumise, cloîtrée au fond de la cuisine, emprisonnée dans un tchador. Elle pouvait recevoir chez elle un homme, un inconnu sans frayeur et sans complexe. C’était lui qui du coup en avait des complexes.

    Une table, quatre chaises, un petit meuble bas sur lequel se posait un vieux téléviseur, un coin cuisine, un évier, un frigidaire, une plaque de cuisson, des étagères. Sans le vouloir, tout en buvant son thé, Alain venait de faire l’inventaire de l’unique pièce à vivre du logement. Sous le regard perçant de la femme assise à la table en face de lui, Alain se sentit rougir.

    Deux enfants d’une dizaine d’années le précédaient. Ils se figèrent à l’entrée de la pièce en apercevant un homme assis à leur table ; un garçon et une fillette, plus jeune, leur cartable sur le dos, comme de bons écoliers, mais dans leurs yeux se lisait une grande frayeur.

    Les deux enfants hochèrent la tête, trop intimidés pour répondre.

    Sans un mot, sans une protestation, les deux enfants obéirent.

    Il était plus de vingt-deux heures lorsque Alain quitta le domicile de Goran. Il n’en revenait pas de s’être impliqué autant. Un sourire ne quittait plus sa face rougie par le froid nocturne. L’impression de quitter la monotonie atone de son quotidien pour quelque chose qu’il n’osait nommer, mais qui faisait un bien fou à son ego perdu. Cette famille qu’il connaissait depuis quelques heures seulement lui paraissait avoir toujours été présente. Elle devenait son univers. Il avait partagé leur repas du soir. Une fois les enfants couchés après avoir mangé, Goran, Ezma, et lui autour d’une ash reshteh, une soupe de légumes et de vermicelles, discutèrent, commentèrent ses suggestions, parfois en doutant de leur faisabilité, parfois en riant aux éclats, parfois les larmes aux yeux. Ils refusèrent d’abord, non, pourquoi ? Puis oui, pourquoi pas ? Oh merci, oh Alain, trop, Alain trop, comment dire merci sans être à mille lieues de ce que l’on devrait vous dire. Et, c’est en trinquant avec un verre d’alcool que les choses furent acceptées et actées. Toute la famille déménagera dans la maison d’Alain.

    Goran récupérera tous les outils qui prenaient la poussière dans l’atelier au fond de son jardin et utilisera ce même atelier pour ses préparations de chantiers. La maison familiale d’Alain était grande, plus de 150 m² sur deux étages. Il y aurait de la place pour y loger une famille de Kurdes au 2e étage accessible par une entrée particulière sur l’arrière. Alain installera des compteurs pour l’électricité et le gaz, qui seront les seules contributions de la famille, pas question de faire payer un loyer. Il faudrait seulement que Goran aménage une cuisine. Les travaux seront prévus la semaine prochaine et l’emménagement dans une quinzaine de jours. Alain riait tout seul au volant de sa vieille Peugeot en imaginant la tête du patron xénophobe quand il lui annoncera que son employé kurde était irréprochable.

    Putain que ça faisait du bien ! Que du bonheur… !

    Ce sondage, commandé par une grande marque de véhicules automobiles, n’en finissait pas de barber Annie Galiènne. Elle devait poser toujours les mêmes questions à des personnes tirées au hasard dans des répertoires téléphoniques informatisés, mis à sa disposition par l’institut de sondages pour lequel elle travaillait. La liste des questions sur un document écrit en braille reposait à côté de son ordinateur. Elle les énonçait à l’interlocuteur, les réponses et leurs échanges s’enregistraient automatiquement. En fin de matinée, elle clôturait son travail en appuyant sur une touche du clavier qui commandait la transmission du fichier à l’institut.

    Annie Galiènne, aveugle de naissance, se contentait de cet emploi à mi-temps qui ne la sublimait pas, mais qui occupait ses matinées. Parfois, les thèmes des sondages se révélaient plus intéressants, comme celui, récemment, sur l’adaptation au changement climatique des familles dans leur vie quotidienne. D’autres, par moment, furent aussi dignes de son intérêt, mais le plus grand nombre touchait plus particulièrement les habitudes de consommations. Toute une matinée consacrée aux margarines, aux téléphones portables ou aux eaux minérales gazeuses, ne générait pas particulièrement un engouement à sauter au plafond. Mais, bon, son handicap ne lui offrait pas beaucoup de choix. Déjà, cet institut de sondages avait bien accepté de la recruter en lui donnant des outils adaptés.

    Depuis dix ans quelle questionnait la population, elle commençait à saturer. Il faudrait qu’elle songe à étudier d’autres possibilités de travail. Son appartement de trois pièces dans un immeuble HLM de la périphérie de la cité était parfaitement adapté pour elle. Une pièce salon-salle à manger, une cuisine séparée, une chambre, une salle de bain, tout son univers en quelques dizaines de m² lui apportait confort et sécurité. Elle y était bien. Surtout qu’elle bénéficiait de la part des services sociaux de la commune et du département d’une aide permanente à domicile. Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agissait de Pierrick Laurent, là tout près. Il occupait un studio sur le même palier en face de son appartement.

    Ah Pierrick ! Un colosse, plus de cent vingt kilos de chair et de muscles sur un châssis de presque deux mètres, lui était entièrement dévoué. Pierrick lui vouait une adoration sans limite, qui la gênait parfois, mais pas souvent. Il l’assistait en permanence, la protégeait de tout. Avec lui, elle trouvait ce qui lui avait manqué depuis sa naissance, la présence d’un proche, d’une amitié sans faille, désintéressée, honnête et chaleureuse. Abandonnée à quelques mois d’existence, confiée aux services de la DASS, de familles d’accueil en familles d’accueil toutes empressées de la faire partir, elle venait, depuis que Pierrick s’occupait d’elle, de trouver son ancrage.

    Annie Galiènne aurait pu être pleinement heureuse si elle n’avait pas eu ce don qui la mettait aux contacts des misères du monde. Elle était ce que d’aucuns appelaient un médium, ou une extralucide. Elle pouvait sentir les émotions, les préoccupations, les stress, en posant ses mains sur celles d’une autre personne. Elle percevait également les émanations de quelqu’un ayant séjourné dans une pièce. Elle ne prédisait pas l’avenir, mais l’ensemble de ses perceptions lui conférait la capacité de conseils dont la justesse se révélait idoine neuf fois sur dix. Alors sa clientèle était nombreuse et fidèle.

    Dès quinze heures, jusqu’à parfois vingt heures, elle se consacrait aux séances de prémonitions. C’était Pierrick qui en organisait toute la logistique. Il établissait les rendez-vous, percevait l’argent pour ceux qu’Annie faisait payer, assurait la sécurité des entrevues en y assistant, sans être vu depuis la petite cuisine. Son physique était en soi un gage de sécurité. Cependant, Annie savait que cela le gênait. Pierrick était agoraphobe, enfin pas entièrement, mais la multitude l’angoissait. Il ne parlait presque pas. Il ne répondait pratiquement jamais aux questions qu’on lui posait, enfin sauf avec elle. Ce mutisme le rejetait de fait, en faisait, aux yeux des autres, un être simplet, sujet de moqueries. Mais, derrière cette façade d’absence, se cachait une personnalité complexe. Pierrick possédait une mémoire exceptionnelle, une maîtrise des chiffres, des calculs les plus compliqués. Mais rien ne sortait de cette carcasse, sauf quand Annie le sollicitait. Elle était la seule à pouvoir communiquer avec lui. Jamais il n’y eut entre eux la moindre équivoque. Pierrick l’aimait d’un amour platonique. Elle avait, envers lui, un amour filial. Cela faisait plus de dix ans qu’ils s’étaient trouvés et aucun des deux n’imaginait pouvoir vivre autrement. Deux brefs coups de sonnette annoncèrent la venue de Pierrick. Il était d’une précision diabolique dans la gestion du temps. Cela ne faisait qu’une minute qu’elle venait

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