L' HOMME AU MASQUE DE CHAIR: Une enquête d'Ana Blanc
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À propos de ce livre électronique
Qui est ce mystérieux inconnu ?
Quelle raison se cache derrière son silence obstiné ?
Et pourquoi, dix-huit mois après avoir été emprisonné dans un pénitencier à sécurité maximale, exige-t-il de parler à Geneviève Fiola, l’une des multiples fausses identités d’Ana Blanc ?
Ana, arnaqueuse professionnelle, devra éplucher les nombreuses couches de son propre passé pour lever le voile sur cette affaire.
QUEL EST NOTRE VRAI VISAGE QUAND TOUS NOS MASQUES TOMBENT ?
Mikaël Archambault
Mikaël Archambault est auteur dans le domaine de l’humour, scénariste pour la télévision et scripteur pour de nombreux artistes. Après le succès des enquêtes de Gaétan Tanguay, il récidive avec une nouvelle série policière mettant cette fois en vedette l’escroc Ana Blanc.
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Aperçu du livre
L' HOMME AU MASQUE DE CHAIR - Mikaël Archambault
1.
La ville présente divers visages selon qui la regarde.
Luce Prévereau connaît sa face la plus lumineuse. Celle des festivals, des grands magasins et des gratte-ciels étincelant comme des sapins de Noël géants. Elle n’a encore jamais rencontré tout ce qui grouille, rampe et grimpe dans les bas-fonds quand la nuit étend son ombre.
La sexagénaire adore son quartier, où son mari et elle ont élu domicile six mois plus tôt, peu de temps après leur retraite. Elle ne regrette aucunement d’avoir vendu leur maison de la Rive-Sud, devenue trop grande depuis le départ des enfants, pour déménager dans l’une de ces tours stratosphériques qui ont poussé tout autour du Centre Bell et de la gare Windsor.
Leurs amis ont tenté de les dissuader : le centre-ville de Montréal, à leur âge, vraiment ? N’est-ce pas dangereux avec tous ces itinérants, drogués et autres gangs de rue ? Luce a rétorqué que ce portrait caricatural est brossé par les médias en mal de scandales. De fait, depuis leur arrivée, elle n’a que de bons mots pour leur nouveau milieu de vie. Elle apprécie l’effervescence de son environnement : là où certains étoufferaient en raison de la promiscuité du voisinage, elle éprouve un sentiment de sécurité dans cette immense ruche, protégée par sa chrysalide de béton et de verre.
L’un de ses plaisirs quotidiens consiste à prendre son premier café de la journée près de la grande fenêtre du salon, quand le soleil commence tout juste à peindre le ciel d’une touche pastel, et à imaginer ce qui se cache sous les visages neutres des milliers d’inconnus qui gravitent autour d’elle. Où vont ces fourmis en veston-cravate, en bas, sur René-Lévesque ? Que font ces cigales qui paressent au lit dans l’immeuble de l’autre côté de la rue ?
Depuis qu’elle s’amuse à ce petit jeu, l’un des condos face au sien alimente particulièrement sa curiosité. Pas une fois, encore, l’occupant ou l’occupante n’a écarté ses rideaux, qui demeurent mystérieusement fermés jour et nuit. Pourtant, elle sait que le logement est habité, car une lueur perce par une mince ouverture tous les soirs jusqu’à très tard. Qui peut bien vivre ainsi reclus au vingt-deuxième étage d’une tour résidentielle, dans une intimité si jalousement gardée ? Les scénarios les plus abracadabrants se multiplient dans l’esprit de Luce. Un criminel en fuite qui veut éviter d’être abattu par un tueur embusqué ? Une prostituée qui reçoit client par-dessus client ? Un scientifique qui travaille sans répit sur une invention révolutionnaire ?
Comme chaque matin, la retraitée laisse ses idées divaguer, puis, à sa grande surprise, elle remarque une activité inédite dans son condo préféré.
C’est d’abord un clignotement qui capte son regard. Pour la première fois en plusieurs mois, les rideaux sont grands ouverts, permettant d’enfin entrevoir l’intérieur du petit studio. Quelqu’un allume et referme les lumières à intervalles réguliers, dans l’objectif manifeste d’attirer l’attention.
Mais c’est lorsque Luce aperçoit la phrase inscrite sur toute la longueur de la fenêtre qu’elle comprend que son quartier abrite bel et bien sa part de ténèbres.
On a laissé au marqueur un message sans équivoque :
Appelez 911
2.
Un hélicoptère se pose sur le toit de l’immeuble en soulevant des nuages de poussière. Le coup de fil de Luce Prévereau aux services d’urgence a provoqué un véritable branle-bas de combat et transformé la zone en scène de film digne de la série Mission : impossible.
Vingt minutes plus tôt, deux patrouilleurs se sont rendus à l’appartement 2213 pour vérifier le sérieux de l’appel à l’aide inscrit dans la fenêtre. Leurs frappes répétées à la porte sont demeurées sans réponse. Devant l’urgence de la situation, ils ont tenté de forcer l’entrée du condo, mais celle-ci a résisté à tous leurs assauts. Ils ont donc immédiatement demandé des renforts.
Douze membres du Groupe d’intervention tactique descendent de l’hélico à la queue leu leu, vêtus de leur équipement de protection dernier cri. Le meneur du groupe hurle ses instructions à ses hommes, tâchant d’enterrer le vrombissement des pales. Ils l’écoutent avec un apparent sang-froid, mais le stress dessine des ronds de sueur sous leur gilet pare-balle. Même s’ils ont répété ces manœuvres des dizaines de fois à l’entraînement, ils n’ont aucune idée de ce qui les attend plus bas, dans l’appartement 2213. Finies, les simulations : place au réel. Au vrai danger.
L’oreillette des agents d’intervention crépite sous leur casque :
— Le drone a établi un visuel, leur annonce la voix d’un collègue. C’est un studio à aire ouverte. Six ou sept cents pieds carrés. On a repéré deux individus. Une jeune femme inanimée. Elle a perdu beaucoup de sang. Et un homme. Il a une arme à feu sur lui. Il paraît très faible, mais il bouge encore. Vous avez le feu vert pour intervenir.
Le sergent fait signe à ses deux hommes les plus expérimentés.
— OK. Bouchard, Gagnon. Vous descendez les premiers. On va vous appuyer à quatre.
La commande déclenche un ballet méticuleusement chorégraphié. Les troupes installent des treuils sur le toit, sans qu’une seule seconde soit gaspillée en gestes inutiles. Bouchard et Gagnon accrochent chacun un câble à leur harnais et reculent jusqu’à l’extrémité de la corniche, juchés quatre-vingt-dix mètres au-dessus du boulevard René-Lévesque.
— Prêts à lancer l’opération, indique le sergent par radio.
On leur confirme que la voie est libre. D’un mouvement simultané, les deux premiers agents se lancent dans le vide, cramponnés à leur corde. Ils dévalent trois étages par petits bonds agiles. Le drone suit leur progression pas à pas.
— En position, annonce Gagnon lorsqu’arrivé à la hauteur de l’appartement 2213.
— Allez-y, répond le sergent dans son oreillette.
Bouchard étire le bras pour apposer un dispositif contre la vitre, tout juste à côté de l’inscription « Appelez 911 ». Il active le mécanisme d’une simple pression de bouton. Exactement trois secondes plus tard, la fenêtre est balayée par le souffle d’une explosion.
Profitant de cet impact, les deux experts font irruption dans le petit studio, fusil d’assaut braqué devant eux.
— Police !
Quatre collègues les rejoignent avec une agilité féline, prêts à intervenir. Ils balaient leur environnement en un coup d’œil et identifient des traces de lutte. Des meubles renversés. Le corps d’une femme qui baigne dans une mare écarlate, une plaie béante sur le côté de la tête.
À l’évidence, elle est morte. Depuis un bon moment.
Malgré l’épouvantable odeur de chairs brûlées, dont ils ne peuvent identifier la provenance, les agents tressaillent à peine. En pareilles circonstances, le moindre instant d’inattention peut s’avérer fatal.
S’assurant de bloquer toute émotion susceptible d’engourdir leurs réflexes, ils poursuivent leur examen visuel et repèrent le deuxième individu, étendu sur le côté, près du mur, leur tournant le dos. Son flanc se soulève légèrement : il respire encore.
— Police ! répète Gagnon. Revire-toi de bord !
Aucune réponse. Les six membres du commando s’avancent d’un même pas prudent. Des débris de verre éclatent sous leurs bottes. Ils peuvent entendre le suspect râler, presque suffoquer.
— Retourne-toi, j’ai dit ! Lentement !
Le blessé remue péniblement, chaque micromouvement paraissant le faire souffrir. Au prix de longs efforts, il se laisse basculer sur le dos, sa bouche entrouverte cherchant un souffle salvateur.
Il n’a plus une seule dent : que des lambeaux de peau flasque qui pendent de ses gencives tuméfiées. Comme une rivière au printemps, des rigoles de sang débordent de la commissure de ses lèvres et ruissellent sur sa gorge, lui dessinant une bavette macabre. Il tousse encore, l’air fiévreux, et Gagnon comprend qu’il s’étouffe avec ses propres fluides.
Quant à son faciès – ou ce qu’il en reste… l’agent n’a jamais rien vu de tel.
— Oh, mon Dieu…
Gagnon le sait presque aussitôt : dans un an, dans cinq ans, dans trente ans, il sera encore visité par ce visage pendant ses longues nuits d’insomnie.
3.
Environ dix-huit mois plus tard
Une belle journée de fin septembre, quand l’été refuse d’abdiquer complètement devant l’automne.
Le taxi électrique trouble à peine la quiétude du quartier cossu de Westmount où résident les Desmarais. Il s’arrête devant le muret de briques qui protège l’entrée de leur maison, puis le père de famille en sort, carte magnétique à la main, prêt à ouvrir la porte grillagée. Elle coulisse avant qu’il ait posé un seul geste : une femme dans la mi-quarantaine prend les devants pour l’accueillir. Les cheveux attachés en une queue de cheval qui lui balaie la nuque, impeccablement mise dans son tailleur anthracite, elle est engagée pour veiller sur leur demeure en leur absence.
— Ah, Camélia ! la salue-t-il.
— Bonjour, monsieur Desmarais ! Vous avez fait bon voyage ?
— Bah… Cannes, c’est plus ce que c’était ! Trop de touristes partout. C’est l’enfer. On a devancé notre retour parce qu’on en pouvait plus.
Desmarais renifle et scrute les alentours, dégoûté par une odeur nauséabonde qui s’immisce dans ses narines. La dénommée Camélia adopte un air navré :
— Je suis désolée, je sais que vous êtes rentrés plus tôt pour profiter du confort de votre maison, mais comme vous pouvez le constater, une mouffette a élu domicile sous la galerie ! J’ai appelé un exterminateur, qui est déjà est route. On m’a assuré que ça serait rapide, mais vous devriez peut-être passer la nuit ailleurs, en attendant qu’on chasse l’odeur.
— Effectivement, c’est absolument insupportable… Pouah !
— Qu’est-ce qui se passe, Armand ? s’enquiert l’épouse de Desmarais en abaissant la fenêtre de sa portière.
Il revient vers sa femme afin de lui expliquer la situation. Une moue agacée enlaidit son visage. Camélia s’approche du taxi :
— Si je peux me permettre… Je sais que c’est ennuyeux de retourner à l’hôtel alors que vous venez de passer deux semaines dans vos valises. Si ça vous intéresse, j’ai la garde d’une autre maison tout près d’ici, sur l’avenue Cedar. C’est vraiment une belle propriété, très chaleureuse. Mes clients l’utilisent comme résidence secondaire et la louent fréquemment à des connaissances. J’ai déjà pris contact avec eux pour m’enquérir de sa disponibilité. Elle est libre pour les deux prochains jours. Ils vous feraient un bon prix, seulement quatre cents dollars la nuit.
Les Desmarais discutent de l’offre entre eux pendant que Camélia se tient pudiquement en retrait. L’homme finit par se retourner vers elle :
— C’est d’accord. Vous pourrez ajouter le prix de la location à votre facture et vous occuper de régler ça avec eux ?
— Sans problème.
— Merci beaucoup. La résidence est libre dès maintenant ?
— Bien sûr ! Voici les clés.
La gardienne de maison fouille parmi les nombreux trousseaux dans son sac en bandoulière avant de lui tendre le bon.
— L’adresse est le 3297. Il y a un système d’alarme à l’intérieur, le code est indiqué à l’arrière de la clé de la porte principale. Installez-vous, faites comme chez vous. Dès que j’en ai terminé avec l’exterminateur, je vous rejoins pour vous faire visiter la propriété et répondre à vos questions s’il y a lieu.
— Merci, Camélia, dit Desmarais en se rassoyant dans le taxi.
— Merci à vous de faire affaire avec Gardienne de paradis !
Elle referme la portière derrière son client et regarde la voiture s’éloigner.
Dès que celle-ci a tourné le coin, la femme se débarrasse du sourire protocolaire de « Camélia » et retrouve son véritable visage. Ana Blanc – de son vrai nom – retire son veston, desserre son chemisier d’un bouton et détache ses cheveux, les laissant tomber en cascade sur ses épaules avec une désinvolture soigneusement étudiée.
Pénétrant sur le terrain gazonné, elle referme la porte coulissante, puis se penche pour cacher son veston derrière un arbre, l’échangeant contre une bombe puante qu’elle désactive d’un simple clic. Aussitôt, l’odeur de putois paraît déjà un poil moins intense.
Ana respire un peu mieux, soulagée du succès de son stratagème. Le retour hâtif des Desmarais a bien failli compromettre toute son affaire. Heureusement que la fausse mouffette lui a permis de gagner un peu de temps ! Elle a déjà appelé son équipe de ménage habituelle, de vrais pros qui pourront remettre la maison à neuf sitôt le départ des locataires actuelles.
D’ailleurs, une fenêtre s’ouvre et laisse passer la tête d’une Américaine de vingt ans :
— Jess !
Ana sursaute une microseconde : un battement de cil plus tard, elle se métamorphose en « Jess », la représentante cool d’une agence de location de résidences haut de gamme, capable de s’attirer la sympathie d’une bande de jeunes femmes riches venues faire la fête à Montréal aux frais de papa et maman.
Elle s’empresse de cacher la bombe désactivée dans son sac, puis répond dans la langue de Kim Kardashian, en reproduisant à la perfection l’accent californien de ses clientes :
— Oui, chérie ?
— Est-ce que la mouffette est partie ?
— Oui, je viens tout juste de réussir à la chasser ! L’odeur est encore un peu présente, mais il n’y a plus de danger. Vous pouvez sortir !
— OK, let’s go les filles ! Bougez-vous le cul, on y va !
Huit jeunes femmes traversent la porte de la maison centenaire des Desmarais en trimballant assez de bagages pour trente personnes. D’une certaine manière, c’est peu, puisque à voir l’état désolant des lieux, elles ont fêté comme si elles étaient cinquante. Ana ne s’en formalise pas : elle enverra la facture – bien épicée – à leurs parents, qui acquitteront les frais avec un bâillement désabusé.
Quant aux « nettoyeurs » auxquels elle fait appel, ils ont l’habitude d’effacer n’importe quel élément de scène de crime avant l’arrivée des policiers. Une flaque de vomi sur un tapis blanc n’est donc pas un défi de nature à les effrayer.
C’est l’avantage de jouir de contacts bien placés.
La plus grande des Américaines, juchée sur des talons hauts à faire pâlir d’envie une drag queen, court – ou, plutôt, titube rapidement – vers Ana pour lui offrir un long câlin en faisant attention de ne pas abîmer ses faux ongles de cinq centimètres.
— Merci encore ! C’était troooop nice comme maison ! C’est sûr que je dis à tout le monde de t’écrire pour la louer !
— N’importe quand, ma belle !
— Justement, as-tu de la place cette semaine ? J’ai des amies qui veulent venir passer quelques jours à Montréal !
Ana maudit les Desmarais qui sont rentrés plus tôt que prévu, la privant de cette intéressante source de revenus.
— Malheureusement, elle est déjà louée pour les prochaines semaines… Par contre, j’ai une autre maison, pas très loin d’ici, au 3297, avenue Cedar. C’est vraiment beau, vraiment chaleureux. Elle est prise pour encore deux jours, mais après ça, elle sera disponible.
— Ça serait parfait ! Je vais leur passer l’info ! Merci, Jess !
— Merci à vous, les filles, de faire affaire avec Location de paradis ! Venez, on va éviter de passer par l’avant, l’odeur de mouffette est encore très présente…
Ana les invite à sortir par la cour arrière, où la taille du terrain et les nombreux arbres matures les soustraient à la vue de voisins qui pourraient se montrer un peu trop curieux.
Les Desmarais ne sauront jamais qu’ils ont prêté leurs lits à huit parfaites inconnues.
4.
Après le départ de l’équipe de ménage, en fin de journée, Ana marche une dizaine de minutes jusqu’à son auto stationnée à l’extérieur du quartier des Desmarais, par souci de discrétion. À un mètre de distance, elle s’arrête et fait mine de se pencher pour attacher sa sandale, ce qui lui permet un coup d’œil sous la voiture afin de s’assurer qu’aucun explosif ou émetteur GPS n’y est caché. Un simple réflexe qu’elle répète systématiquement depuis des années.
Avec un mode de vie comme le sien, on n’est jamais trop prudent.
Ana prend place derrière le volant et ouvre les fenêtres pour libérer la chaleur accumulée durant la journée. Elle sort ensuite de son sac ses quatre téléphones cellulaires, chacun muni d’une carte prépayée afin d’être plus difficilement tracé par les forces policières. En utilisant différents appareils ainsi que des applications cryptées, elle réduit les chances qu’on puisse la relier à toutes ses arnaques en même temps.
Ana jongle en effet avec de nombreux rôles en parallèle. Pour chaque affaire en activité, elle en a cinq autres en dormance ou en préparation. Elle doit constamment réfléchir plusieurs coups en avance si elle espère survivre dans la toile de mensonges qu’elle a elle-même tissée.
Par exemple, des bourgeois croulant sous les ennuis financiers l’engagent fréquemment pour qu’elle cambriole leur résidence pendant leur absence. Ils obtiennent ensuite un remboursement complet de leurs biens auprès de leurs assurances, tandis qu’elle liquide le tout sur le marché noir, garde la moitié des profits et leur remet l’autre. Bref, tout le monde y gagne. (Sauf les assureurs, évidemment. Mais flouer les compagnies d’assurance, ce n’est pas vraiment du vol, c’est de la redistribution de richesse. On pourrait presque considérer Ana comme une Robin des bois moderne !)
Elle collabore également à un populaire site de potins du nom de starsduquebec.com. Sous le nom de plume de Geneviève Fiola, elle rédige des critiques de films et de spectacles… qu’elle n’a jamais vus de sa vie. Grâce à la portée phénoménale de la plateforme, elle a le pouvoir de lancer ou de tuer la carrière d’une œuvre. Pouvoir qui se paye – grassement. Des producteurs et des artistes la contactent en secret pour qu’elle encense leur dernière création ou, au contraire, qu’elle démolisse celle d’un rival. Si Stars du Québec qualifie en premier un spectacle de chef-d’œuvre, d’autres critiques auront le réflexe – conscient ou non – d’abonder dans le même sens afin de se rallier au consensus.
Aujourd’hui encore, Ana a reçu un courriel d’un distributeur américain lui offrant trois mille dollars afin qu’elle attribue cinq étoiles à un film qui paraîtra la semaine prochaine. Sa note sera intégrée dans les agrégateurs comme Rotten Tomatoes, aidant le film à sortir sur les écrans précédé d’une réputation avantageuse. Fine négociatrice, Ana réplique à son interlocuteur en lui demandant quatre mille dollars. En échange, elle jurera que L’attaque des chihuahuas mutants 2 est pratiquement le meilleur film des dix dernières années.
Après avoir réglé plusieurs autres dossiers sur ses différents comptes de messagerie, Ana constate qu’il est temps pour elle de repartir, car l’heure de pointe est déjà bien installée. Elle traverse la ville en effectuant suffisamment de détours pour donner la nausée à n’importe quelle filature – une autre mesure de précaution à laquelle elle ne déroge jamais.
Il lui faut quatre-vingt-dix minutes et quelques coups de klaxon avant d’atteindre le Manoir du Havre, une résidence privée pour aînés à Anjou. Après avoir éteint le moteur, elle se débarrasse de son chemisier pour revêtir un t-shirt noir, puis elle se démaquille et retire ses rallonges de cheveux, laissant place à une coupe aux épaules qui change complètement son allure. Les Desmarais et la bande de fêtardes californiennes la reconnaîtraient à peine. Au revoir Camélia et Jessica, place à « la vraie » Ana.
Ou, du moins, à l’image d’elle-même qu’elle s’est construite. À force de trop jouer les caméléons, on finit par ne plus connaître ses véritables couleurs.
Elle traverse les portes automatiques et passe devant la réception, où elle est arrêtée par la préposée derrière le comptoir.
— Pardon, madame, est-ce que je peux connaître votre nom, s’il vous plaît ?
Plongée dans ses pensées, Ana hésite un bref instant parmi la dizaine de pseudonymes qu’elle utilise quotidiennement. On l’appelle parfois Camélia, Jessica, Geneviève, Myriam, Audréanne, Chloé, Marion, Liz, Candy, Paola ou Francesca. Avec ses cheveux noirs et sa peau naturellement hâlée, elle peut aussi bien avoir l’air d’une Latina que d’une Italienne ou d’une Québécoise pure laine. De quoi faire naître un trouble de l’identité chez n’importe qui.
— Euh… Ana Blanc ! bredouille-t-elle, se sentant ridicule de peiner à se rappeler son propre nom. Je viens voir François Dorion.
La réceptionniste la repère parmi une liste de personnes autorisées et note l’heure de sa visite.
— Merci ! Je suis désolée, c’est une nouvelle procédure pour la sécurité de nos résidentes et de nos résidents.
— Je comprends. Il y a tellement de personnes mal intentionnées prêtes à abuser des plus vulnérables, assure Ana.
Elle se dirige vers les ascenseurs et monte jusqu’au cinquième étage. Dès que les portes métalliques s’ouvrent sur le couloir aux murs vert olive, elle est happée par l’odeur caractéristique des centres de soins de longue durée : un mélange de renfermé, d’urine et de produits antiseptiques. Quelques aînés errent dans le passage, hagards, jurant avec l’hypocrite expression « le bel âge ». Certains s’accrochent à leur marchette de leurs mains aux veines saillantes et passent à côté d’Ana sans la voir, prisonniers de leur monde intérieur. D’autres, au contraire, la fixent intensément, la bouche agitée de spasmes réflexes. Au loin, des cris retentissent dans une langue qui paraît inventée, mais dont on mesure néanmoins toute la détresse.
Pour se donner du courage, Ana inspire un bon coup, grimace en se rappelant l’effluve irritant du gel antibactérien et marche jusqu’à la chambre 515.
La porte est grande ouverte. Un vieux téléviseur diffuse une chaîne d’information en continu. En face, une carcasse voûtée dans un fauteuil regarde l’écran d’un air absent. L’homme porte une robe de chambre élimée, des lunettes sales sur le bout du nez. Ses cheveux gris et clairsemés sont ébouriffés comme s’il s’était peigné avec un ballon chargé d’électricité statique. Il ne ressemble en rien au François Dorion de la photo affichée à côté de son numéro de chambre. Même s’il a été photographié un an plus tôt, on jurerait qu’il a vieilli de dix.
Ana cogne sur le cadre de porte en s’annonçant d’une voix qu’elle veut enjouée :
— Toc, toc, toc !
Le sexagénaire fatigué tourne deux yeux vides vers elle, se demandant qui vient troubler l’inertie de son existence.
— C’est moi ! Ana, précise-t-elle.
— Ah ! Allô !
Il se fend d’un sourire, feignant de la reconnaître. Ana, elle, fait semblant de ne pas s’en apercevoir.
Elle l’embrasse sur les lèvres, caresse ses cheveux sales. Il se laisse faire.
— Tu vas bien, mon poulet ?
— Oui, toi ? répond-il par automatisme, comme une leçon apprise par cœur.
— Ça va, ça va.
Elle s’assoit dans le fauteuil face à lui et croise le regard de la visiteuse dans la chambre de l’autre côté du corridor, une fouine insupportable qui surveille tous ses faits et gestes plutôt que de s’occuper de sa propre mère. Ana réprime l’envie de se lever pour aller lui claquer la porte au nez.
— Je trouve pas ma carte de crédit, déclare François de but en blanc.
— T’as plus de carte de crédit. C’est moi qui gère ton argent, maintenant, tu te rappelles ?
— Ça me prend ma carte. Faut que je m’achète des nouvelles bobettes.
— T’as pas besoin de nouvelles bobettes. T’en as plein.
— Non, j’en ai plus. Je me les ai toutes fait voler.
— François, je t’achèterai pas d’autres bobettes, tranche Ana avec fermeté.
Au même moment, une tête de rongeur se glisse dans le cadre de porte. La fatigante de la 516.
— Je peux vous aider ? lance Ana avec mépris.
La femme toussote d’un air faussement embarrassé.
— Désolée, j’ai pas pu m’empêcher de surprendre votre conversation…
Bien sûr, c’était impossible de faire autrement…, raille Ana en son for intérieur.
— Ça fait plusieurs fois que je vous
