Une mémoire de lion
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À propos de ce livre électronique
Juin 2023. Padou, un homme aux compétences sociales limitées qu’on voit beaucoup à vélo dans Trois-Rivières, se commande un Blizzard au Dairy Queen de la rue Royale. Il présente une carte de crédit. Transaction refusée.
Au même moment, Paul Sioui, policier de la Sûreté du Québec à Cap-de-la-Madeleine, reçoit le signalement d’une tentative de fraude. On vient d’essayer d’utiliser la carte Visa de Marie-Julie Lebel, qui se serait noyée dans le fleuve Saint-Laurent en août 1995.
Que faisait Padou avec la carte de crédit de la disparue ?
Vingt-huit ans après cette mystérieuse disparition, les enquêteurs Gary Demers et Paul Sioui unissent leurs forces à celles des agents Brigitte Soucy et Jean-Sébastien Héroux, souhaitant fermer une fois pour toutes ce vieux dossier. Mais comment ouvrir le dialogue avec Padou et le lion en peluche qui lui sert d’interprète ?
Guillaume Morrissette
Polymathe et membre actif de MENSA Canada, Guillaume Morrissette habite à Trois-Rivières et enseigne à l’UQTR. Après cinq enquêtes de l’inspecteur Héroux (L’affaire Mélodie Cormier, Terreur domestique, Des fleurs pour ta première fois, Deux coups de pied de trop et Le tribunal de la rue Quirion), Guillaume Morrissette nous offre le premier texte 100% québécois de la collection Psycho Thriller.
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Aperçu du livre
Une mémoire de lion - Guillaume Morrissette
Prologue
Un matin de mai 1991, alors que les feuilles venaient d’apparaître dans les arbres, Padou se réveilla seul dans l’appartement de la rue Saint-Philippe. Sa mère lui avait écrit une longue lettre dans laquelle elle lui répétait à quel point elle l’aimait et qu’il était temps pour lui de faire sa vie. Il aurait vingt ans dans quelques mois à peine, le loyer était payé jusqu’au 31 août et il y avait de l’argent dans le tiroir du meuble de l’entrée.
Lui ne savait pas qu’en amont, c’était un des nombreux amants de sa maman qui l’avait convaincue que la véritable éclosion de son fils ne se produirait jamais si elle continuait de vivre à ses côtés. L’homme avait promis mer et monde à Jacqueline, qui avait fini par accepter de transférer ses maigres possessions dans un vieux Volks avec comme objectif de gagner la côte Ouest du pays en lune de miel.
Jamais plus Padou n’entendrait parler d’elle.
Le mois d’août arriva rapidement. Patrice passait de plus en plus de temps dehors depuis que des hommes qu’il ne connaissait pas avaient frappé très fort à la porte de l’appartement. Le bruit des poings sur le bois lui avait fait si peur qu’il en était venu à l’appréhender en tout temps.
Et le bail s’était terminé à la date prévue.
Padou était officiellement sans logis.
Il traînait dans les rues du centre-ville de Trois-Rivières, empruntant ici et là un endroit pour stationner son vélo et étendre son sac de couchage.
Quand il eut vingt-trois ans, en 1994, une jeune journaliste de la région trifluvienne fit un reportage à son sujet. Elle voulait mettre en évidence le paradoxe dans lequel il évoluait : d’immenses capacités intellectuelles couplées à une absence d’adaptation sociale. À la suite de l’article paru dans le journal local, des citoyens avaient commencé à le reconnaître dans la rue, à lui proposer nourriture et vêtements. Padou acceptait les présents avec le sourire et poursuivait son chemin. L’hiver, il dormait au rez-de-chaussée d’un immeuble abandonné de la rue Saint-Paul, en compagnie d’une douzaine d’itinérants. La famille hétéroclite s’entassait dans deux pièces sombres et les habitués s’assuraient que le minimum était fait pour que les autorités les laissent en paix.
Le squat était toléré.
Quand la météo le permettait, Padou dormait dehors. Son endroit préféré était situé au parc portuaire, entre un mur de béton et une petite pièce électrique. Il y faisait humide, mais Padou aimait le bruit des vagues et l’odeur du vent qui balayait la terrasse Turcotte. Les gardiens de sécurité avaient l’habitude de le chasser, mais à la suite de la parution de l’article dans le journal, ils avaient commencé à converser avec lui.
Chaque tentative de discussion sérieuse avec lui se soldait de la même façon : deux yeux levés au ciel et un interlocuteur pas mal perdu. Mais les gens en redemandaient : on continuait de lui parler quand on le croisait.
Au début de 1995, une vieille dame en fin de vie voulut lui offrir un endroit sécuritaire où loger. Consciente des limitations du jeune homme, elle fit préparer une fiducie avec des instructions claires. Le deuxième étage serait habité par son petit-fils, qui hériterait du duplex, et Padou occuperait le trois et demie au plancher des vaches.
Contre toute attente, le propriétaire du logement où le jeune Padou avait vécu avec sa mère avait conservé dans son sous-sol deux boîtes appartenant à son ancienne locataire. En apprenant le legs inopiné dont venait d’hériter le fils de cette dernière, il les lui avait remises.
Padou s’était habitué à sa nouvelle vie. Malheureusement, à deux reprises, l’appartement fut cambriolé. Quiconque s’imaginait y trouver quelque chose à revendre se buta à un vieil ensemble d’électroménagers des années 1970. Pas de télé, pas d’argent ni de bijoux, rien.
Malgré ce logement inespéré, on verrait encore souvent Padou dormir au port durant l’été, au même endroit qu’auparavant.
Jour 1
1. Oreo et Smarties
Lundi 12 juin 2023
La bicyclette de Padou passa sur les rails de la voie ferrée. L’état de l’asphalte sur la rue Royale était pitoyable ; il fallait être prudent pour éviter que le pneu avant ne se coince dans une craque ou un trou et mette la table pour une éjection spectaculaire. Padou était un maître du guidon et naviguait dans le champ de mines avec assurance. Il s’arrêta devant l’immeuble de la Société Saint-Vincent-de-Paul, à bonne distance des voitures qui passaient.
Et il attendit.
Au bout de cinq minutes, alors qu’une petite Fiat ralentissait devant le chemin de fer, il sourit. Il mit la main dans la poche de son chandail et sortit une carte de crédit, qu’il caressa des doigts avant de la remettre à sa place. Puis, il recommença à pédaler en direction du rond-point de la Couronne et bifurqua à la crémerie Dairy Queen, avant d’appuyer son vélo sur une des tables à pique-nique.
Il avait faim.
Il fit la file derrière deux clients et, une fois son tour venu, commanda un Blizzard avec des morceaux de biscuit Oreo et des Smarties. Le caissier le reconnut et le salua.
— Ça va, Padou ?
Ce dernier leva sa main gauche. Une marionnette de lion était enfoncée jusqu’à son poignet. Elle ouvrit et ferma la bouche pendant que Padou parlait.
— Oui, nous allons très bien. Nous avons faim.
— Tu as tes sous ?
Pour toute réponse, Padou remit au commis une carte de crédit de sa main droite.
— Oh, tu dois la taper ici, indiqua le garçon. Bon, ça marche pas, va falloir l’insérer.
Comme son client ne semblait pas savoir comment faire, l’employé l’aida en la glissant lui-même dans la fente de l’appareil. Rien ne se passait. Il la retira et constata qu’elle n’était pas dotée d’une puce.
— Ah, c’est pour ça qu’elle fonctionne pas.
En examinant la Visa de plus près, l’employé se rendit compte que le nom ne correspondait pas du tout au client devant lui. Et quand il vit la date d’expiration, il poussa un :
— Oh my God ! As-tu trouvé ça quelque part ?
Sans répondre, Padou reprit la carte et paya son achat avec un billet de dix dollars.
Le sergent-détective Paul Sioui venait d’éternuer si fort que ses collègues avaient sursauté. Gêné, il éclata d’un rire gras qui contamina tout l’espace de travail.
— Désolé, je suis allergique à quelque chose.
Sioui était un grand bonhomme qui commandait le respect sans même avoir à prononcer un mot. Il avait la peau basanée, des cicatrices d’acné juvénile et deux énormes sourcils noirs qui semblaient se toucher quelque part au-dessus de ses yeux. S’il impressionnait au premier regard, son rire annulait toute inquiétude quant à ses intentions. Il se moucha et retourna à son écran d’ordinateur au moment où son téléphone fixe sonnait.
— Paul Sioui.
— Mon ami Paul ! Jolène, à Parthenais.
L’homme fit un grand sourire.
— Mes anciennes amours, ça, Parthenais. Salut, madame, que puis-je faire pour toi ?
Avant de passer quelques années au poste de Shawinigan, Paul Sioui avait travaillé à Montréal, au célèbre édifice Parthenais, désormais appelé Wilfrid-Derome, dans le département des crimes majeurs. Il était maintenant affecté au bureau de la Sûreté du Québec de Cap-de-la-Madeleine, un district de la ville de Trois-Rivières.
— C’est peut-être une erreur, mais la compagnie de crédit m’a téléphoné. Elle vient d’avoir un ping sur une vieille carte Visa qui avait jamais été fermée. Ça date de très longtemps.
— Et pourquoi c’est encore dans le système, si ça fait longtemps ?
— Parce que le numéro est relié à un dossier toujours ouvert.
— Et la carte vient d’être utilisée dans notre coin ?
— Oui.
— Bon, on va aller voir ça.
— Un Dairy Queen, pas trop loin de l’usine Kruger.
— Je connais bien. Qu’est-ce que je cherche ?
— Comme m’a dit la femme de chez Visa, c’est déjà arrivé que le système sorte des drôles de choses, spécialement sur les cartes plus anciennes. Avant, il fallait que le commerçant confisque la carte et appelle direct parce que le terminal de vente affichait un message de carte problématique. Maintenant, aussitôt que tu l’utilises, un signal se rend. Là, on parle d’une transaction de sept dollars et soixante-cinq cents qui a été refusée, il y a une demi-heure environ, au Dairy Queen, sur la rue Royale, à Trois-Rivières.
Sioui nota les informations sur son calepin.
— Elle appartient à qui, la carte ?
— À Marie-Julie Lebel.
Si le sergent avait été en poste depuis plus longtemps dans la région, il aurait tout de suite compris l’importance de la réponse.
— C’est qui ?
— Disparue en 1995 au port de Trois-Rivières, présumée noyée dans le fleuve Saint-Laurent.
— 1995 ?
— C’est bien ça. Je t’avais dit que c’était loin.
— Ça fait un maudit boutte… Quasiment trente ans ! C’est qui, l’enquêteur responsable au dossier ? C’est pas moi certain, j’ai jamais entendu parler de cette femme-là.
— Chez Visa, la note indiquait de communiquer avec nous à Parthenais. J’ai retrouvé le dossier en question et c’est dans votre cour, alors je passe le message.
— C’est bon, je m’en occupe. Tu peux m’envoyer les infos de la Visa par courriel ?
— Bien sûr. Je te laisse aussi le numéro d’enquête.
Si la carte avait été utilisée une demi-heure plus tôt, Sioui était conscient que la personne qui l’avait fait avait sans doute déjà quitté les lieux. Il décida d’informer son supérieur de la situation.
Récemment promu au poste de lieutenant, Gary Demers écarquilla les yeux quand Paul Sioui mentionna le nom de Marie-Julie Lebel.
— On est sûrs de ça ?
— La compagnie de crédit écarte pas la possibilité d’une erreur, mais…
— On prend pas de chance. On y va.
— C’est un gros dossier ?
— Ça l’a déjà été.
Par réflexe, Demers saisit le téléphone et demanda une copie de l’enquête aux archives.
Gary ferma la portière de la voiture banalisée et dit à Sioui :
— C’est une histoire qui a fait beaucoup de bruit pendant un bout de temps. En 1994 ou 1995… J’étais un jeune policier, à l’époque. On a perdu la trace d’une femme, au port, en plein été.
— Marie-Julie Lebel.
— C’est ça. Faut que je lise le dossier, mais je me souviens que tout pointait vers une possible noyade, y avait rien de suspect. Elle aurait chuté dans l’eau, c’était chaud et venteux… C’est tombé dans l’oubli assez vite après ça parce que j’en ai pas réentendu parler. On a jamais retrouvé son corps.
— Ni son portefeuille.
— Non plus, j’imagine. Si quelqu’un a vraiment utilisé sa carte de crédit, ça prend une explication.
— Après tout ce temps-là, ils ont peut-être réattribué le numéro à quelqu’un d’autre, suggéra Paul.
— Possible, je sais pas.
— Et toi, tu vas mieux ?
Demers avait quitté le bureau en catastrophe, le vendredi précédent, après s’être engueulé avec le responsable des archives du poste de police.
— Je fais encore de la fièvre, je pense. C’est pas la meilleure façon d’étrenner mon nouveau grade, mais calvasse, on peut pas accepter de perdre des preuves parce qu’un imbécile au sous-sol fait pas sa job comme du monde ! On a l’air épais en maudit quand on explique au procureur que la chaîne de possession a été compromise pis qu’y pourra pus se servir du seul élément qu’il avait.
— Ouais… En tout cas, t’as été clair.
Gary soupira.
— Chus allé trop fort, hein ?
Sioui serra les dents et fit la moue.
— Peut-être un peu. Mais y a pas mort d’homme, comme disait mon père.
Le rond-point de la Couronne était facilement accessible à partir de l’autoroute 40. Après avoir tourné sur la rue Bellefeuille, Demers prit à gauche sur le boulevard de la Commune et longea le pavillon Saint-Arnaud. Le Dairy Queen apparut dans son champ de vision, des clients étaient attablés à l’extérieur.
Les enquêteurs se rendirent au comptoir et expliquèrent la raison de leur présence à un des employés. Il s’agissait de celui qui avait servi le Blizzard.
— C’est Padou, qui est arrivé avec une vieille carte de crédit, répondit le jeune commis.
— Padou ?
— Oui, vous le connaissez peut-être. Il est un peu fêlé, là… Avec son vélo vert ?
— Jamais vu, avoua Demers. Il est parti ?
— Je sais pas. Mais il y a des tables sur le côté. D’habitude, y va s’asseoir là.
Sioui s’écarta et entreprit de faire à pied le tour du commerce.
— La carte, il l’a gardée ? s’enquit Demers.
— Oui. Il a essayé de payer avec deux fois, mais elle passait pas, il y avait pas de puce dessus. On l’a rentrée dans la fente du terminal de vente, ça a rien donné. J’ai remarqué qu’elle était expirée et qu’elle était pas à son nom, mais il l’a reprise. Il l’a sûrement trouvée par terre. Padou, il est pas mal itinérant, t’sais. Mais il a finalement payé son Blizzard avec de l’argent.
— OK. Ce gars-là, Padou, tu le vois souvent ?
— Quand même. Il se promène souvent en ville. Il vient ici une ou deux fois par semaine, il prend toujours la même chose.
— Donc, tu le reconnaîtrais.
— C’est sûr.
— Merci.
— Gary !
Demers se retourna et comprit que Sioui avait trouvé quelque chose. Un homme était assis à une table, seul. Paul indiqua le vélo de couleur verte appuyé sur le banc de bois.
Le lieutenant s’approcha.
— Salut.
— Allô.
— On peut s’installer ici ?
Padou ne répondit pas. Même si l’homme était attablé, Demers devina qu’il était grand et mince. Il était vêtu d’un ciré bleu marine et d’un pantalon cargo foncé. Sa barbe hirsute remontait haut sur ses joues. Il dévorait le fond d’un Blizzard, à côté duquel se trouvait un toutou, ou une marionnette.
— C’est bon ? demanda Paul en prenant place près de lui.
Padou saisit le toutou et l’enfila sur sa main gauche. D’un geste vif, il leva la peluche devant lui.
— Oh oui !
Les enquêteurs camouflèrent leur surprise, non sans esquisser un sourire.
— Moi, c’est Gary, et lui, c’est Paul.
— Moi, c’est Aslan.
— Aslan, tu dis ? T’as l’air d’un lion.
— Je suis un lion.
Cette fois, les policiers échangèrent un regard entendu.
— Eh bien, enchanté, Aslan. Et toi, t’as un nom ?
Padou cligna des yeux à quelques reprises sans répondre. La situation était loufoque. Quiconque le connaissait bien aurait compris que c’était normal – du moins, dans la vie de Padou. Ignorant entièrement la question de l’enquêteur, il fit bouger Aslan.
— C’est du bois, dit-il en montrant la cuiller. Avant, c’était du plastique.
— Oui, du plastique, répéta Gary. Comment s’appelle celui qui tient la cuiller dans sa main ?
— Padou, c’est un diminutif, ça ? demanda encore Sioui. Patrick ? Doucet ?
— Avec une bactérie qui digère le plastique, on peut le recycler.
Gary soupira. Sioui décida de jouer le jeu.
— Aslan.
La marionnette, interpellée, se tourna vers lui.
— Oui ?
— Là, faudrait que tu m’aides, OK ?
— Je suis très intelligent, j’aime aider.
— Super ! Je pense que quelqu’un a essayé d’utiliser une vieille carte de crédit dans ce restaurant, aujourd’hui.
— Une vieille carte…
— Oui. Est-ce que tu crois que tu pourrais m’aider à la retrouver ?
Gary croisa les bras et observa la scène. Padou termina son Blizzard et utilisa son index pour essuyer le bord du contenant.
— Nous avions vraiment faim, lança Aslan. Il fallait manger.
— C’est important, j’en conviens. Comment avez-vous payé votre nourriture ?
Padou sortit un billet de 10 dollars de sa poche.
— Avec de l’argent comme celui-là.
— Et avant ? Je crois que la carte que tu voulais utiliser fonctionnait pas.
— C’est la vérité, avoua Aslan.
— Je peux la voir, la carte ?
Et Padou, tout simplement, mit la main dans la poche de son ciré et la leur brandit. Demers était épaté. Il demanda :
— Tu me permets de la regarder ?
Gary prit la carte par la tranche et l’examina.
Visa, Marie-Julie Lebel, expiration 11/97
— Incroyable, murmura-t-il en la remettant à Paul. Je vais te poser une question très importante : où l’as-tu trouvée ?
— …
Demers pencha son corps vers l’avant.
— On a pas le droit d’utiliser la carte de crédit de quelqu’un d’autre, tu savais ?
— On t’accuse de rien, précisa Sioui.
— On veut juste savoir d’où elle vient.
Aslan hocha la tête.
— Les hydrocarbures sont pas tous faciles à recycler.
Las, Gary se déplaça sur sa droite pour avoir un angle de vision sur Padou.
— Arrête ça, sois sérieux pendant une minute, là, pis réponds à la question. C’est vraiment important.
Le contenant du Dairy Queen était si propre qu’on aurait presque pu le réutiliser. Padou le prit et se leva, geste qui surprit les enquêteurs.
— Hé, où tu vas ? demanda Demers. On a pas fini de te parler.
Alors qu’il plaçait le pot dans le bac de recyclage, Padou haussa Aslan et envoya aux policiers :
— Je dois m’occuper de mes royaumes.
— Calvaire, murmura Gary. Bon, on aura pas le choix.
2. De l’aide
Lundi 12 juin 2023
Dans son bureau, le capitaine Dominic Roberge venait de terminer de ranger une boîte de documents, une tâche qui traînait depuis trop longtemps sur sa liste de choses à faire. Pour la première fois en plusieurs années, il partirait en vacances la tête tranquille. Le téléphone sonna et il saisit le combiné.
— Fais pas le saut, c’est Gary Demers.
— Hey, ça fait un maudit bout de temps ! Comment va mon ancienne gang ?
— Tout le monde va bien. J’espère que tu t’emmerdes pas trop à la municipale.
— Non, non, je me suis bien habitué. Que me vaut l’honneur de ton appel ?
— On a un nouvel élément dans l’enquête concernant Marie-Julie Lebel.
Roberge réfléchit pendant quelques instants. Quand l’affaire lui revint en mémoire, il s’exclama :
— Hein ?
— Comme je te dis. On a un gars qui a utilisé la carte de crédit de cette fille-là, aujourd’hui, à Trois-Rivières.
— Vous lui avez parlé ?
— Oui, et c’est pour ça que je t’appelle. Je pense que ta nouvelle équipe le connaît.
Le capitaine saisit un crayon.
— Son nom ?
— Padou. J’ai rien d’autre encore.
— Padou… le sans-abri ? Celui qui se promène en bicycle et qui dort dehors un peu partout en ville ?
— Oui. Lui as-tu déjà parlé ?
— Non, mais je sais qui il est. Et je confirme que j’ai du monde ici qui a déjà eu affaire à lui.
— On l’a interrogé de façon sommaire. Je veux pas être méchant, mais il lui manque des boulons ; ses réponses sont pas claires. Y jase avec un toutou, on se croirait dans Passe-Partout. On a récupéré la carte de crédit, mais impossible de lui faire dire où il l’a trouvée. J’ai le feeling qu’il parlerait à une personne qui le connaît un peu plus, tu me suis ? Moi, j’ai failli pogner les nerfs après une couple de minutes.
Roberge sourit. Gary Demers avait la mèche courte quand il sentait qu’on le faisait marcher.
— Je vais t’envoyer du monde. L’avez-vous arrêté ?
— Pas officiellement. Disons qu’il nous a suivis jusqu’ici. Ça sera pas éternel, si tu me comprends bien.
— OK. À quel numéro je peux te joindre directement ?
Jean-Sébastien Héroux n’avait pas l’habitude de voir le capitaine débarquer dans son bureau sans s’annoncer. Roberge cogna doucement à la porte et demanda s’il dérangeait, ce à quoi le lieutenant répondit par la négative.
— Si je te dis le nom de Padou, ça te sonne une cloche, pas vrai ?
Héroux retint un sourire qui émanait plus de l’incompréhension que du réel malaise.
— Si c’est pas à propos de saint Antoine, la seule personne que je connais avec ce surnom-là est un itinérant en ville.
— C’est lui. Lui as-tu déjà parlé ?
— Oui, quelques fois. À lui ou à sa marionnette, dur à dire.
Roberge s’appuya sur le cadrage de la porte et demanda :
— Il a toujours une marionnette avec lui ?
— Ouais, il utilise… (Héroux mima avec sa main droite) un lion en toutou quand il s’exprime.
— Eh bien, il en a justement un avec lui au poste du Cap, en ce moment. Si tu avais à le questionner, tu crois que tu en sortirais quelque chose ?
Héroux fronça les sourcils.
— Padou a été arrêté ?
— Pas officiellement… J’ai un ancien collègue à la SQ qui a besoin de tirer une info du gars, et ça a pas l’air facile…
— Il réagit pas de façon normale, mais y a Bridge qui a le tour avec lui. On a reçu tellement d’appels pour le faire se déplacer quand il dormait dehors qu’à un moment donné, les agents étaient sur le bord de l’embarquer.
— Aller faire un saut au poste de la SQ du Cap, Brigitte pis toi, c’est dans le domaine du possible ?
— Oui, bien sûr. Quand ?
— Pas mal maintenant.
Héroux acquiesça.
— Demers a mentionné pourquoi le gars a été interpellé ?
— Ouais, il a utilisé une très vieille carte de crédit.
— OK ?
— Qui appartenait à Marie-Julie Lebel, selon ce que j’en sais.
À son tour, Héroux écarquilla les yeux.
— Ça se peut pas…
— Y paraît que c’est vrai. Tu me diras !
— Bon eh bien, je trouve Brigitte et on y va.
— Super ! Vous serez briefés sur place par le lieutenant Gary Demers.
Brigitte Soucy était plus que ravie de quitter le poste. Elle venait de passer la matinée et le début de l’après-midi à faire le lien entre la liste des véhicules volés dans la région et un lot de plaques d’immatriculation retrouvé chez un receleur. Au bout de près de quatre heures à comparer des lettres et des chiffres, elle avait l’impression que les pièces du casse-tête ne s’imbriquaient pas entre elles. Quand elle entendit le nom de Padou, elle fut prise d’un mauvais pressentiment.
— Il lui est arrivé quelque chose ? demanda-t-elle à Héroux, qui empruntait le boulevard des Forges.
— Pas que je sache. Il a utilisé une vieille carte de crédit qui appartient à une personne disparue, réputée morte depuis bien longtemps.
— Qui ?
— Marie-Julie Lebel. Disparue en 1995. T’étais pas mal jeune.
— Je confirme. Et pas encore en ville non plus. Comment Padou a eu sa carte ?
— C’est ce qu’on s’en va lui demander.
Brigitte hocha la tête.
— Si la Sûreté commence à solliciter notre aide, je vais peut-être réclamer une augmentation.
— Tu diras ça au capitaine, rétorqua Héroux en souriant. C’est lui qui est venu me voir.
Soucy se remémorait les fois où elle avait échangé avec l’itinérant. Elle avait toujours eu pitié de ce pauvre homme qui, au premier regard, semblait avoir hérité d’une double calamité. Intelligent, mais inadapté social, couplé d’une famille tout ce qu’il y avait de plus dysfonctionnel. D’ailleurs, à moins qu’elle se trompe, Padou n’avait pas de casier judiciaire. Par contre, il avait à son dossier plusieurs signalements pour s’être installé dans des endroits privés. Quiconque le confrontait ne se butait pas à la violence : le lion Aslan prenait la situation en main et les doléances du propriétaire étaient relayées aux policiers, faute de canal de communication adéquat pour trouver un compromis en discutant avec une marionnette.
Un jour, alors qu’elle terminait un quart de travail particulièrement chargé, Brigitte avait été envoyée au centre-ville parce que tous les patrouilleurs étaient mobilisés par un mouvement de grève qui avait dégénéré. Elle s’était donc rendue dans un triplex pour rencontrer un propriétaire qui se plaignait de la présence, dans les derniers temps, d’un individu sur son terrain arrière. Une fois sur place, la situation lui avait été expliquée.
— Il est là de jour, parfois de nuit, je sais pas quoi faire, avait précisé le proprio. J’ai appelé la police au moins trois fois en quinze jours.
— Et il dérange ?
— Non… mais il est chez nous. C’est privé, il a pas le droit d’être là. Les locataires veulent qu’il parte.
— Je comprends. Les agents lui ont parlé ?
— Oui, chaque fois, il part. Mais il revient ! Pourquoi vous l’embarquez pas ?
— Je vais aller le voir.
Brigitte avait été guidée vers la cour, où elle avait aperçu un grand homme, émacié et calme, assis en plein milieu d’un petit jardin.
Quand elle s’était adressée à lui, elle avait compris de façon instantanée que l’échange n’en serait pas un comme les autres.
— Allô. Comment tu t’appelles ?
Padou manipulait la terre noire entre ses doigts. Il s’était essuyé sur son vieux jeans et avait enfilé le lion dans sa main gauche.
— Je fais rien de mal, je le jure.
Brigitte avait fait signe au propriétaire de s’éloigner et s’était installée par terre.
— Je vois bien que tu fais rien de mal. Moi, c’est Brigitte.
— Et moi, Aslan.
— Comme dans Narnia ? La légende ?
Sidéré par la question de la sergente, Padou avait hésité.
— Vous me connaissez ?
— Bah, tout le monde connaît Aslan, au moins ceux qui ont lu les
