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La petite robe rouge
La petite robe rouge
La petite robe rouge
Livre électronique101 pages1 heure

La petite robe rouge

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À propos de ce livre électronique

Emilie, accusée du meurtre de sa voisine, se présente devant la Cour, en robe rouge. Est-ce un choix judicieux? Cette couleur pénètre dans la vie des protagonistes de différentes façons, selon leur humeur et leur vécu. Le juge voit du sang partout, l'avocat de la défense corrige ses notes au stylo rouge, l'avocat général voit rouge. Pour l'accusée le rouge est mis. Cette couleur tantôt ressentie comme agressive, tantôt comme une force vitale, ne laisse personne indifférent. C'est le fil rouge qui relie les personnages de cette histoire.
LangueFrançais
ÉditeurBooks on Demand
Date de sortie20 mai 2022
ISBN9782322446575
La petite robe rouge
Auteur

Dominique Toutain

DOMINIQUE TOUTAIN est née à Rouen en 1955. Après son récit "UNE ENFANCE HEUREUSE", elle signe une première Nouvelle.

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    Aperçu du livre

    La petite robe rouge - Dominique Toutain

    Sommaire

    Emilie

    Le juge

    La fille

    L’avocat général

    Les avocats

    L’huissier

    La jurée

    Le caricaturiste

    Lucienne

    Emilie a tout misé sur le rouge, La bille est lancée, personne ne bouge.

    Il y aura des comblés et des déçus, Les jeux sont faits, rien ne va plus.

    Photo de couverture :

    Georges Hodan « Sleeping Town »

    EMILIE

    « Pauvre Emilie ! » C’est tout ce dont je me sens capable : répéter « pauvre Emilie », assise sur ce banc de bois foncé et scellé au sol, les épaules voûtées, les yeux rivés sur un trombone qui a échoué ici, près de mon pied gauche. Pauvre Emilie vraiment !

    Comment me suis-je retrouvée là ! Ce n’est pas un tribunal, c’est une ruche. Du brouillard cotonneux dans lequel je me suis réfugiée, me parviennent quelques bribes de conversations. L’assemblée murmure et sert de fond sonore. L’avocat général, droit devant moi, semble perdu dans ses papiers, feuillette nerveusement ses dossiers, et de temps en temps, pose sur moi ses yeux noirs et suspicieux, malgré un strabisme déconcertant. L’avocat de la partie civile se rengorge dans son fauteuil, jouant avec ses manches trop longues, comme s’il allait prendre la parole d’une minute à l’autre. Mon avocat, situé à ma gauche, met de l’ordre dans ses notes à grands coups de stylo rouge.

    L’huissier, raide comme la justice, réclame le silence. Le président, à ma droite, entouré de ses deux assesseurs, a pris la parole, l’air sévère de circonstance, mais le ton juste comme le préconise sa fonction.

    Je risque un œil, délaissant provisoirement mon trombone, pour prendre la mesure de la scène qui se joue autour de moi. Les six jurés me fixent d’un regard avide de réponses, muets et prenant des notes, hochant la tête, notifiant par là qu’ils ne ratent aucune phrase prononcée et prennent leur rôle très au sérieux.

    L’atmosphère est tendue, et le lieu deux fois centenaire y est pour beaucoup. Les murs ne savent pas parler, et c’est une bénédiction, car s’il leur venait cette opportunité, ils diraient toutes les sentences de mort qu’ils ont supportées, toutes ces peurs qui ont ruisselé, toutes ces condamnations qui ont fait pleurer les pierres. Alors ils se taisent, respectueux de chaque audience nouvelle, espérant la clémence, l’apaisement des tensions, la repentance peut-être, et le pardon pourquoi pas.

    Je replonge vers le bout de ma chaussure. Est-ce possible que tout ce petit monde soit là pour moi ? C’est la première fois qu’il y a tant à dire sur ma personne ! C’est vraiment trop d’honneur ! Malgré moi, un sourire amer se dessine sur mes lèvres. Mais qu’ont-ils donc à raconter ? Je sais bien que l’heure est grave et que mon avenir se joue ici, en ce moment, mais je n’arrive plus à fixer mon attention. Je n’arrive pas à écouter. Je n’entends plus, plus rien, à part le bruit de la sonnette de mon appartement, c’était le premier mai… bientôt trois ans déjà…

    ***

    J’ai ouvert la porte de mon appartement, dans lequel je venais d’emménager, et c’est là que je l’ai vue pour la première fois. Elle était toute menue, mais se tenait bien droite pour son âge que je jugeais avancé, tout sourire, le bras tendu sur un brin de muguet qu’elle m’a mis sous le nez en disant :

    — Voilà ! C’est le 1er mai, personne ne viendra me le souhaiter, alors comme vous êtes ma nouvelle voisine, permettez-moi de vous offrir ce petit brin porte-bonheur !

    Tu parles d’un porte bonheur ! Si j’avais su qu’il m’enverrait au tribunal trois ans après !

    En attendant, nous sommes devenues tout de suite amies avec Lucienne. Elle ne voyait plus sa fille unique, ni ses petits-enfants. De mon côté, j’étais orpheline depuis très longtemps, par l’intervention inattendue d’un junkie brûlant un stop devant la berline parentale. Mes grands-parents avaient, eux aussi, quitté ce monde de misère, les uns de chagrin, les autres d’épuisement, dès mon départ, ma majorité obtenue.

    A croire que nous étions faites l’une pour l’autre. Pendant cinq mois, nous nous sommes vues tous les jours. Le soir, en rentrant du bureau, je passais prendre un thé chez elle. Au bout d’une semaine, je ne sonnais plus. Ma tasse était prête, la théière fumait, et un petit gâteau patientait sur une assiette à dessert. Lucienne m’attendait comme le Messie. Elle m’écoutait régler mes comptes avec la terre entière. Tout y passait ! Les collègues jaloux, le patron aux mains baladeuses, même la machine à café en panne ; bref, elle m’écoutait comme une dévote pendant l’homélie. Parfois, elle ponctuait mes récits d’assentiments feutrés, ou de gestes réprobateurs, rejouant les scènes et leur donnant un panache héroïque, d’où je sortais toujours de façon victorieuse. Puis nous nous séparions, mais il n’était pas rare qu’elle revienne en soirée, toquer à ma porte, pour prendre une tisane. Elle me racontait alors les nouvelles du quartier, son altercation avec le boucher à propos de la tendreté de son steak de la veille, sa découverte d’une nouvelle marque de yaourts, ou le grave manquement à lui rendre son bonjour, du vieux garçon du 5ème.

    Le samedi, par tous les temps, c’était promenade au parc, et le dimanche, cinéma dans la petite salle souvent déserte du coin de la rue. Nous formions une vraie petite famille recomposée.

    Jusqu’à ce jour d’octobre, où je l’ai trouvée à l’heure du thé, assise à sa table, en robe de chambre, coiffée avec un pétard, les yeux fixés sur une enveloppe qui trônait sur la toile cirée, en lieu et place de la coutumière théière. Sa fille d’Australie avait perdu son travail ou était en passe d’être licenciée. Elle se retrouvait dans le besoin et lui demandait des comptes. Il était question de notaire, d’appartement, de succession, de droits, de je ne sais quoi encore. En tout cas, le fait notable était qu’elle arrivait le lendemain pour mettre de l’ordre dans les papiers.

    Alors l’apathie a subitement fait place à l’hystérie. Elle s’est mise à hurler que sa fille pouvait toujours venir, qu’elle n’aurait rien ! Que ses affaires étaient faites depuis belle lurette, et qu’elle ne pouvait prétendre à quoi que ce soit, après toutes ces années à la traiter comme une vieille chose inutile. Ses yeux étaient exorbités, la bave lui venait aux lèvres, comme la rage monte aux commissures de la gueule d’un chien.

    Elle m’a prise alors par le revers de mon chemisier, comme un catcheur qui va vous jeter sur le tapis, et a planté des yeux furibonds jusqu’au fin fond de ma rétine :

    — C’est toi que j’ai couchée sur mon testament ! Elle n’aura que les miettes cette fille indigne ! Depuis que j’ai perdu mon cher mari, jamais elle ne s’est souciée de ma personne de mère ni de grand-mère !

    Son regard lançait des flammes effrayantes, alors que je ne lui avais connu que douceur et pondération. Pourtant une phrase restait imprimée plus précise que les autres dans mon cerveau : « C’est toi que j’ai couchée sur mon testament ». Elle continuait de vociférer, mais quelque

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