Héros Fusion - Coloreine

1

Un faible cri s’échappe de la bouche d’Ariane au couinement qu’émet le jouet sur lequel elle vient de marcher. Aussitôt, un son similaire s’élève de l’autre côté de la porte. Hésitant entre pleurer et rire, la jeune fille recule davantage entre ses vêtements suspendus. Bien sûr, se dissimuler dans la garde-robe n’était pas sa meilleure idée. Les enfants savent bien que c’est le repaire de prédilection des monstres ! Or, comme elle a l’habitude de tout faire à l’envers, Ariane se terre dans cet endroit obscur tandis que le monstre, lui, évolue dans sa chambre.

Un second couinement la fait sursauter ; la jeune fille appuie fort les paumes sur sa bouche. Que faire, maintenant ? Comment expliquer la présence de cette chose dans sa chambre ? Se laissant glisser le long du mur du fond, Ariane s’accroupit, prête à sauter sur ce qui risque d’ouvrir la porte d’un instant à l’autre.

Toutefois, le son qui suit ressemble plus à celui d’un chat agonisant qu’à celui d’une créature malveillante. La jeune fille prend donc quelques secondes pour réfléchir à la raison de sa présence dans ce placard.

Tout a commencé une semaine plus tôt, lors de la dernière journée de l’année scolaire…

2

Une semaine avant

Comme à chaque fin d’année scolaire, les professeurs organisent une grande exposition où ils affichent les œuvres réalisées en classe. Le long couloir menant aux multiples salles de classe est si bondé d’élèves et de parents qu’Ariane a encore perdu de vue les siens.

« C’est sûr ! » pense-t-elle en soupirant ; ils sont sûrement trop occupés à chercher les œuvres de Gabriel, son grand frère tellement doué.

La jeune fille s’arrête devant une fresque montrant des autoportraits. Même s’il ne lui ressemble pas du tout, elle reconnaît rapidement le sien. Ses yeux verts sont de travers sous une tignasse noire beaucoup plus touffue que l’originale. Pourtant, Ariane s’est vraiment appliquée ! Avec un second soupir, elle poursuit son chemin entre tous ces adultes.

Finalement, la jeune fille aperçoit les membres de sa famille et ralentit en les voyant se tordre de rire. Même sa mère cache son hilarité derrière sa main. Les yeux d’Ariane s’embuent aussitôt en voyant que son frère pointe la reproduction qu’elle a faite d’un éléphant.

Ses amis peuvent se moquer de ses dessins, mais pas ses parents ! Une vive douleur lui noue l’estomac. Ne voient-ils pas tous les efforts qu’elle y a mis ? Il y a même de l’ombrage pour faire un effet de profondeur ! C’est son professeur qui le lui a expliqué, et elle est une des seules à avoir appliqué ses conseils…

Ne voulant pas entendre ce qu’ils disent, Ariane rebrousse chemin dans le flot d’élèves. Dès qu’elle aperçoit une porte, elle s’y faufile et traverse la cour d’école. Dans la noirceur tombante, les modules lui font l’effet de gigantesques monstres, et elle prend soin de les contourner. Ce détour la mène près de la clôture et de la forêt qui s’étend au-delà, celle dans laquelle les élèves n’ont pas le droit de s’aventurer pendant les heures de cours, mais où ses parents lui permettent parfois de venir sous la surveillance de Gabriel.

Poussée par une envie de contrevenir aux règles et de se venger, Ariane se glisse dans un espace sous le grillage. Des élèves plus téméraires l’ont creusé à l’insu des surveillants.

Encore plus lugubres que les modules de jeux, les arbres referment leurs branches sur la jeune fille dès qu’elle s’y enfonce. Malgré cela, Ariane poursuit son chemin. Son meilleur ami Gustave, qui raconte toujours des histoires, lui a confié une légende. Dans celle-ci, un arbre si grand qu’on n’en voit pas la cime a le pouvoir d’exaucer les souhaits des malheureux. Cependant, le lutin à l’origine de cette magie est un rigolo et le résultat est rarement ce que le demandeur espère.

Comme pour les autres histoires de Gustave, Ariane n’y croit pas vraiment. Elle croit encore en l’existence des fées et des lutins, mais quand même pas à celle d’un arbre magique. Néanmoins, la jeune fille a besoin d’une destination si elle ne veut pas revenir en courant se cacher entre ses parents !

Comment réussit-elle à trouver l’arbre malgré l’obscurité et sa vue brouillée par les larmes ? Ariane n’en a aucune idée. Mais elle se retrouve à marcher vers le large tronc jusqu’à s’arrêter entre les racines. Celles-ci sortent du sol en de grands arcs comme si l’arbre tentait depuis des lustres de sortir de sa prison de terre.

Épuisée, la jeune fille se glisse entre deux de ces grosses racines couvertes de mousse, et se pelotonne dans sa veste. La tête appuyée contre la confortable épaisseur de la couche verdâtre, Ariane laisse enfin libre cours à ses larmes,