édouard gardella
Après m'être spécialisé en thèse sur la relation d'assistance aux sans-abri (mouvements sociaux, évolution des politiques et des dispositifs, pratiques professionnelles, réception de la relation d'assistance par les personnes sans-abri), et plus précisément ses régulations temporelles (en particulier les tensions entre urgence et continuité de l'accompagnement), je travaille actuellement dans trois directions principales.
D'une part, je mène des enquêtes sur les tensions morales existant entre asymétrie et égalitarisme qui structurent, dans les sociétés modernes, les institutions visant à transformer et autonomiser les individus jugés "vulnérables" ou "dépendants". Je dirige en particulier, dans le cadre d'un projet financé par la Ville de Paris (programme "Emergence"), une enquête de terrain portant sur les tensions suscitées auprès des divers.es professionnel.les par la présence de nourrissons en prison avec leurs mères.
D'autre part, je travaille, dans le cadre d'une enquête collective financée par le projet ANR "Covipol", sur les rapports entre profession et politisation.
Enfin, je prolonge mon travail sur le temps comme objet sociologique, en particulier en identifiant les tensions temporelles observables dans divers mondes sociaux à partir du problème général du "manque de temps".
Address: LIER-FYT
EHESS
10 rue monsieur le prince
75006 Paris
D'une part, je mène des enquêtes sur les tensions morales existant entre asymétrie et égalitarisme qui structurent, dans les sociétés modernes, les institutions visant à transformer et autonomiser les individus jugés "vulnérables" ou "dépendants". Je dirige en particulier, dans le cadre d'un projet financé par la Ville de Paris (programme "Emergence"), une enquête de terrain portant sur les tensions suscitées auprès des divers.es professionnel.les par la présence de nourrissons en prison avec leurs mères.
D'autre part, je travaille, dans le cadre d'une enquête collective financée par le projet ANR "Covipol", sur les rapports entre profession et politisation.
Enfin, je prolonge mon travail sur le temps comme objet sociologique, en particulier en identifiant les tensions temporelles observables dans divers mondes sociaux à partir du problème général du "manque de temps".
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EHESS
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75006 Paris
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Pour comprendre ces situations extrêmes, qui éclairent les situations de pauvreté en général, il faut, au contraire, sortir les personnes des ruptures de liens sociaux auxquelles elles sont trop systématiquement réduites, pour voir que tout processus de désocialisation, par rapport à certains groupes, se poursuit par un processus de resocialisation, dans d'autres groupes. Autrement dit, c'est en se rendant plus attentif aux formes de vie collective auxquelles sont attachés les sans-abri vivant dans les espaces publics, qu'on se donne une chance de mieux comprendre sociologiquement leur non-recours aux hébergements sociaux.
is ruled by a central standard time: The turnover of
the poor inside the social services. The duration of stay
in relief accommodations is indeed very often restricted.
As many provisional social services last indefinitely,
emergency shelters impose a duration that is temporary
and repeated. The duration of stay in these shelters
is indeed very short (mainly between one and seven
nights), despite the changes planned by the DALO law
(2007). This temporality of relief accommodation results
in a high mobility for the most precarious individuals
in the social structure. In this article, the concept of
social splitting is proposed to name the organization of
such a turnover and its effects on the daily temporality
of the homeless. This model power is different from the
total institution one. But, in order not to fall into a deterministic
view, it is necessary to pay attention to the diversity
of reactions to both social workers and homeless
people, so that practices that border on social splitting
in everyday life may be noticed and described.
Erving Goffman et le travail social
Sous la direction de : Stéphanie Garneau, Dahlia Namian
320 pages · 9x6 · 27 septembre 2017
Papier ISBN : 9782760324978
PDF ISBN : 9782760324985
ePub ISBN : 9782760324992
Papier
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Description
En ces temps de morcèlement et de cloisonnement disciplinaire, il est impératif de rappeler les liens ambigus, mais néanmoins enchevêtrés, entre le travail social et la tradition sociologique dont est issu Erving Goffman.
Les auteurs de cet ouvrage – travailleurs sociaux, sociologues, anthropologues, politistes et infirmiers – ouvrent la « boîte à outils goffmanienne », offrant des regards novateurs sur les enjeux contemporains entourant le travail social. Il prend appui sur une pluralité d’objets, dont la santé mentale, la toxicomanie, les soins aux personnes âgées ou avec un handicap, et l’aide aux sans-abris.
Que ce soit sous l’angle épistémologique, théorique, méthodologique ou pratique, la posture goffmanienne est digne de considération. Elle permet d’observer les effets des institutions et des catégories du travail social sur les personnes ciblées. Elle aide à sortir d’une vision normative de l’intervenant pour identifier les possibilités et les contraintes qui pèsent sur lui. Elle permet également d’accéder aux dimensions tacites, affectives et parfois insoupçonnées du social et de la relation d’aide dans le but de rendre visible l’invisible, de rendre intolérable le toléré et les allant-de-soi. Les dix-sept collaborateurs rattachent certaines des ficelles qui ont été dénouées entre les deux disciplines au fil des luttes visant leur reconnaissance institutionnelle.
Résumé
Dans les travaux sociologiques problématisant la pauvreté comme une relation d’assistance, il est courant d’analyser les aidants et/ou les aidés. Il est plus rare d’observer leur interdépendance, en considérant de manière systématique les pratiques par lesquelles chacun tient compte des effets de son action sur l’autre — autrement dit, en considérant leur (plus ou moins grande) réflexivité au cours de la relation d’aide. La perspective philosophique du care invitant à problématiser la réception de l’aide, une sociologie de la réflexivité conduit à observer dans quelle mesure les aidants ajustent l’aide au gré de ses réceptions par les aidés. Cet ajustement varie selon la légitimité et le temps accordés à cette réception par les dispositifs d’assistance. Le cas de l’urgence sociale, destinée aux personnes sans abri définies comme des victimes en détresse, est à ce titre intéressant, en ce que l’ajustement de l’aide y est a priori très faible : les sans-abri sont considérés comme peu lucides sur leur état et comme devant être secourus de façon ponctuelle. Pour décrire les formes diverses de réflexivité observables dans les pratiques d’aide aux sans-abri à Paris entre 2005 et 2015, nous combinons méthode idéale-typique et démarche ethnographique pour éclairer des pratiques d’ajustement inattendues dans une relation d’urgence. Cet article caractérise plus généralement le temps de l’aide comme une épreuve de synchronisation entre production et réception de l’aide.
Mots-clés : Care, Réception, Temporalités, Urgence sociale, Réflexivité, Synchronisation
Abstract
In sociological works dealing with the issue of poverty as a relationship of assistance, it is common to analyse the caregivers and/or the care-recipients. It is much more unusual to explore how these actors experience their interdependence, by systematically considering how their practice reflects the effects they have on each other, i.e. by examining the degree of reflectiveness on either side of the care relationship. From the philosophical perspective of care, which prompts consideration of how assistance is received, a reflective care-giver adjusts the help provided to the recipient’s experience of care. This adjustment varies according to the legitimacy of the case and the time allocated by the welfare systems to this experience. The case of acute social need, addressed to homeless people identified as victims in distress, is relevant from this analytical perspective. Indeed, the asymmetry in this welfare relationship is in principle very great. To describe the multiple practices of care in Paris between 2005 and 2015, we combine the ideal-type method and the ethnographic approach to highlight unexpected practices of symmetrisation in the care relationship in acute situations. More broadly, this article analyses the period of support as a test of synchronisation between care-givers and care-recipients.
Keywords: Care, Care-receiving, Temporalities, Social Emergency, Reflexivity, Synchronisation
Dans un contexte de précarisation structurelle, s’est peu à peu développée, à côté d’une relation d’aide orientée vers l’avenir, une aide à la relation visant à consolider les liens présents. Quelles sont les conséquences de cette transformation de la relation d’assistance sur le travail social quotidien ? Cet article en explore quelques-unes à partir du type de relation d’assistance qui naît de cette métamorphose : l’accompagnement sans fin, au double sens de finalité et de durée. À partir des mutations qu’a connues le secteur de l’urgence sociale depuis 2007, l’enquête, qui s’est déroulée en région parisienne entre 2009 et 2011, se focalise sur les épreuves rencontrées par les intervenants travaillant dans des hébergements de longue durée. Elle montre comment ceux-ci surmontent les tensions qu’ils rencontrent à force d’être en présence continue de personnes à aider, que ce soit par une revisite des pratiques d’autonomisation ou par un durcissement des contreparties. L’enquête vise plus généralement à interroger les formes prises par l’autonomie dans des pratiques d’intervention sociale à durée indéterminée.
En un contexto de precarización estructural, junto a una relación de ayuda orientada al futuro, se ha ido desarrollando poco a poco una ayuda a la relación que aspira a consolidar los vínculos presentes. ¿Cuáles son las consecuencias de esta transformación de la relación asistencial sobre el trabajo social cotidiano? Este artículo explora algunas de ellas a partir del tipo de relación asistencial nacida de esta metamorfosis: el acompañamiento sin fin, en el doble sentido de su finalidad y duración. A partir de las mutaciones acontecidas en el sector de la urgencia social desde 2007, la investigación realizada en la región de París entre 2009 y 2011, se centra en las dificultades encontradas por los trabajadores que intervienen en los alojamientos de larga duración. Esta investigación muestra cómo éstos superan las tensiones que encuentran a fuerza de estar en continua presencia de las personas atendidas, ya sea por la revisión de las prácticas de adquisición de autonomía o por un endurecimiento de las contrapartidas. Este trabajo pretende, de forma más general, interrogar las formas que toma la autonomía en las prácticas de intervención social de duración indefinida.
Pour comprendre ces situations extrêmes, qui éclairent les situations de pauvreté en général, il faut, au contraire, sortir les personnes des ruptures de liens sociaux auxquelles elles sont trop systématiquement réduites, pour voir que tout processus de désocialisation, par rapport à certains groupes, se poursuit par un processus de resocialisation, dans d'autres groupes. Autrement dit, c'est en se rendant plus attentif aux formes de vie collective auxquelles sont attachés les sans-abri vivant dans les espaces publics, qu'on se donne une chance de mieux comprendre sociologiquement leur non-recours aux hébergements sociaux.
is ruled by a central standard time: The turnover of
the poor inside the social services. The duration of stay
in relief accommodations is indeed very often restricted.
As many provisional social services last indefinitely,
emergency shelters impose a duration that is temporary
and repeated. The duration of stay in these shelters
is indeed very short (mainly between one and seven
nights), despite the changes planned by the DALO law
(2007). This temporality of relief accommodation results
in a high mobility for the most precarious individuals
in the social structure. In this article, the concept of
social splitting is proposed to name the organization of
such a turnover and its effects on the daily temporality
of the homeless. This model power is different from the
total institution one. But, in order not to fall into a deterministic
view, it is necessary to pay attention to the diversity
of reactions to both social workers and homeless
people, so that practices that border on social splitting
in everyday life may be noticed and described.
Erving Goffman et le travail social
Sous la direction de : Stéphanie Garneau, Dahlia Namian
320 pages · 9x6 · 27 septembre 2017
Papier ISBN : 9782760324978
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En ces temps de morcèlement et de cloisonnement disciplinaire, il est impératif de rappeler les liens ambigus, mais néanmoins enchevêtrés, entre le travail social et la tradition sociologique dont est issu Erving Goffman.
Les auteurs de cet ouvrage – travailleurs sociaux, sociologues, anthropologues, politistes et infirmiers – ouvrent la « boîte à outils goffmanienne », offrant des regards novateurs sur les enjeux contemporains entourant le travail social. Il prend appui sur une pluralité d’objets, dont la santé mentale, la toxicomanie, les soins aux personnes âgées ou avec un handicap, et l’aide aux sans-abris.
Que ce soit sous l’angle épistémologique, théorique, méthodologique ou pratique, la posture goffmanienne est digne de considération. Elle permet d’observer les effets des institutions et des catégories du travail social sur les personnes ciblées. Elle aide à sortir d’une vision normative de l’intervenant pour identifier les possibilités et les contraintes qui pèsent sur lui. Elle permet également d’accéder aux dimensions tacites, affectives et parfois insoupçonnées du social et de la relation d’aide dans le but de rendre visible l’invisible, de rendre intolérable le toléré et les allant-de-soi. Les dix-sept collaborateurs rattachent certaines des ficelles qui ont été dénouées entre les deux disciplines au fil des luttes visant leur reconnaissance institutionnelle.
Résumé
Dans les travaux sociologiques problématisant la pauvreté comme une relation d’assistance, il est courant d’analyser les aidants et/ou les aidés. Il est plus rare d’observer leur interdépendance, en considérant de manière systématique les pratiques par lesquelles chacun tient compte des effets de son action sur l’autre — autrement dit, en considérant leur (plus ou moins grande) réflexivité au cours de la relation d’aide. La perspective philosophique du care invitant à problématiser la réception de l’aide, une sociologie de la réflexivité conduit à observer dans quelle mesure les aidants ajustent l’aide au gré de ses réceptions par les aidés. Cet ajustement varie selon la légitimité et le temps accordés à cette réception par les dispositifs d’assistance. Le cas de l’urgence sociale, destinée aux personnes sans abri définies comme des victimes en détresse, est à ce titre intéressant, en ce que l’ajustement de l’aide y est a priori très faible : les sans-abri sont considérés comme peu lucides sur leur état et comme devant être secourus de façon ponctuelle. Pour décrire les formes diverses de réflexivité observables dans les pratiques d’aide aux sans-abri à Paris entre 2005 et 2015, nous combinons méthode idéale-typique et démarche ethnographique pour éclairer des pratiques d’ajustement inattendues dans une relation d’urgence. Cet article caractérise plus généralement le temps de l’aide comme une épreuve de synchronisation entre production et réception de l’aide.
Mots-clés : Care, Réception, Temporalités, Urgence sociale, Réflexivité, Synchronisation
Abstract
In sociological works dealing with the issue of poverty as a relationship of assistance, it is common to analyse the caregivers and/or the care-recipients. It is much more unusual to explore how these actors experience their interdependence, by systematically considering how their practice reflects the effects they have on each other, i.e. by examining the degree of reflectiveness on either side of the care relationship. From the philosophical perspective of care, which prompts consideration of how assistance is received, a reflective care-giver adjusts the help provided to the recipient’s experience of care. This adjustment varies according to the legitimacy of the case and the time allocated by the welfare systems to this experience. The case of acute social need, addressed to homeless people identified as victims in distress, is relevant from this analytical perspective. Indeed, the asymmetry in this welfare relationship is in principle very great. To describe the multiple practices of care in Paris between 2005 and 2015, we combine the ideal-type method and the ethnographic approach to highlight unexpected practices of symmetrisation in the care relationship in acute situations. More broadly, this article analyses the period of support as a test of synchronisation between care-givers and care-recipients.
Keywords: Care, Care-receiving, Temporalities, Social Emergency, Reflexivity, Synchronisation
Dans un contexte de précarisation structurelle, s’est peu à peu développée, à côté d’une relation d’aide orientée vers l’avenir, une aide à la relation visant à consolider les liens présents. Quelles sont les conséquences de cette transformation de la relation d’assistance sur le travail social quotidien ? Cet article en explore quelques-unes à partir du type de relation d’assistance qui naît de cette métamorphose : l’accompagnement sans fin, au double sens de finalité et de durée. À partir des mutations qu’a connues le secteur de l’urgence sociale depuis 2007, l’enquête, qui s’est déroulée en région parisienne entre 2009 et 2011, se focalise sur les épreuves rencontrées par les intervenants travaillant dans des hébergements de longue durée. Elle montre comment ceux-ci surmontent les tensions qu’ils rencontrent à force d’être en présence continue de personnes à aider, que ce soit par une revisite des pratiques d’autonomisation ou par un durcissement des contreparties. L’enquête vise plus généralement à interroger les formes prises par l’autonomie dans des pratiques d’intervention sociale à durée indéterminée.
En un contexto de precarización estructural, junto a una relación de ayuda orientada al futuro, se ha ido desarrollando poco a poco una ayuda a la relación que aspira a consolidar los vínculos presentes. ¿Cuáles son las consecuencias de esta transformación de la relación asistencial sobre el trabajo social cotidiano? Este artículo explora algunas de ellas a partir del tipo de relación asistencial nacida de esta metamorfosis: el acompañamiento sin fin, en el doble sentido de su finalidad y duración. A partir de las mutaciones acontecidas en el sector de la urgencia social desde 2007, la investigación realizada en la región de París entre 2009 y 2011, se centra en las dificultades encontradas por los trabajadores que intervienen en los alojamientos de larga duración. Esta investigación muestra cómo éstos superan las tensiones que encuentran a fuerza de estar en continua presencia de las personas atendidas, ya sea por la revisión de las prácticas de adquisición de autonomía o por un endurecimiento de las contrapartidas. Este trabajo pretende, de forma más general, interrogar las formas que toma la autonomía en las prácticas de intervención social de duración indefinida.
par les évolutions de nos sociétés. En témoigne le fait que ses concepts, ses méthodes et ses grilles d’analyse peinent de plus en plus à remplir l’office qu’on attend d’eux : nous rendre intelligible le monde social et ses transformations.
Conscients du problème, on a décidé, au LIER-FYT, de remettre la pratique sociologique en chantier. La tâche de reconstruction est immense.
Mais les ouvrier·es ne partent pas de rien : pour décrire et
comprendre l’agir social, nous pouvons compter sur les fins outils
que nous ont légués la sociologie pragmatique, la sociologie interactionniste et la sociologie des sciences ; à leurs côtés, nous forgeons aussi, à l’aide des théories durkheimienne et éliasienne de l’histoire, des instruments nouveaux, qui nous semblent indispensables pour parvenir à expliquer le monde social,
le rendre prévisible et mieux le critiquer.
Ce livre donne à lire ce qui s’est dit à ce sujet en 2021-2022 durant sept séances de « l’atelier des sociologues du LIER-FYT » où fut esquissé un premier bilan sur l’avancement de ce travail collectif de relance de la sociologie.
L'ouvrage, cordonné par Edouard Gardella et Valentina Grossi, est le deuxième volume d'une nouvelle collection en sciences sociales, Les Cahiers du LIER-FYT (https://lier-fyt.ehess.fr/actualite/la-collection-des-cahiers-du-lier-fyt) .
En suivant de près les pratiques des professionel.le.s de l'assistance aux sans-abri, ce livre commence par souligner la tension qui structure cette relation d’assistance, entre d’un côté, l’asymétrie des positions, et de l’autre, la tendance à considérer les sans-abri comme des égaux ; tendance que l'on peut sociologiquement qualifier d’individualisme moral, et qui oriente le sens de cette solidarité toute moderne.
Ce livre ne fait cependant pas de la description et de la compréhension des pratiques professionnelles une fin en soi. Il en fait le socle d’une visée critique. Il propose ainsi des pistes de réponse sociologique à la question de savoir comment les pouvoirs publics doivent traiter ce problème. Et cette proposition est faite avec la volonté d'œuvrer à une critique des politiques publiques qui soit capable d'expliciter et de justifier scientifiquement ses critères normatifs.
Or le passage de la description à la critique ne peut pas être direct : il implique de montrer en quoi la forme de solidarité que produit l'organisation actuelle de nos sociétés a de spécifique au regard de l'histoire. Il implique donc d’en passer par une explication.
Cette enquête ethnographique, pour minutieuse soit-elle, se raccroche à quatre types d’enjeux généraux. 1. Elle ne réduit pas les descriptions du travail de rue à des micro-interactions, mais les adosse à une enquête sur les modalités de coopération, d’évaluation et d’intervention de l’ensemble du dispositif du Samusocial de Paris. 2. Elle revient sur la généalogie de l’urgence sociale et ouvre sur les controverses qui traversent l’arène publique des politiques d’assistance des personnes sans-abri depuis les mobilisations associatives de Médecins du monde (2005) et des Enfants de Don Quichotte (2006). 3. Elle recadre l’urgence sociale dans le moyen terme des évolutions des politiques sociales, en mettant en regard les manières de faire du travail social et infirmier avec des travaux plus généraux sur les mutations de l’action sociale. 4. Enfin, elle met en regard les résultats de cette enquête ethnographique avec un certain nombre de théories politiques et morales qui se sont développées depuis les années 1970, qui portent sur le care, la reconnaissance, le don ou la proximité. C’est ainsi qu’elle montre, à la différence d’autres travaux, que l’urgence sociale n’est pas réductible à sa dimension humanitaire, interprétée comme une « politique de la pitié » ou de la « compassion », mais qu’elle est orientée pratiquement par une pluralité de sentiments moraux – le respect, la reconnaissance et la sollicitude.
Dans une réflexion passionnante sur la manière dont les sciences sociales ont, après Durkheim, pensé le caractère social du temps, Thomas Hirsch invite à repenser le rapport des sociétés tournées vers l'avenir à leurs autres et, finalement, à elles-mêmes.
Ce n'est pas par choix que les personnes sans abri refusent l’aide proposée, mais en raison d’un attachement contraignant à leur espace de vie, produit par la socialisation dans leur quartier et produisant la difficulté, que nous rencontrons tous, à s'arracher à un univers devenu familier par la force des choses. Le problème est que cet attachement se fait dans des conditions indécentes en regard de nos normes et dangereuses pour la santé. Comprendre positivement pourquoi des personnes refusent l’aide proposée ne signifie donc pas qu'il ne faut rien faire, mais qu'il faut peut-être envisager les choses autrement. Aider ces personnes consisterait peut-être moins à « créer du lien » qu’à prendre appui sur les liens qu’elles ont déjà.
Pour autant, les standards du confort, en évoluant, sont devenus plus exigeants alors
que l’ensemble de la population n’y a pas encore accès. Récemment le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur « l’état du mal-logement en France » nous a alertés sur « le décrochage des couches populaires et l’inégalité de leurs destins résidentiels ». Les situations de logement actuelles des ménages les plus modestes doivent ainsi s’appréhender dans le temps long, au prisme de la fin des Trente Glorieuses, des retombées de la « nouvelle pauvreté » qui a émergé au cours des années 1980, puis de la crise économique et sociale de 2008, d’une sévérité inédite, et enfin au regard des migrations récentes.
De nombreux foyers ont des difficultés à joindre les deux bouts une fois le loyer réglé. Les files d’attente pour accéder à un logement social dans les zones tendues, et donc les plus chères, sont longues. Dans certains territoires, l’habitat informel et précaire s’enracine. L’accès à la propriété est devenu hors d’atteinte pour les plus modestes, dessinant là une ligne de fracture entre les catégories sociales. Il est désormais fréquent de croiser dans les grandes agglomérations des personnes durablement dépourvues d’un domicile. Caractérisée hier par le déficit de logement et leur insalubrité, la crise du logement se dévoile à présent plus diffuse et protéiforme.
En se concentrant sur la situation des ménages pauvres et modestes, l’Onpes livre un
travail approfondi sur ce que signifie pour eux d’être mal logés dans la France d’aujourd’hui. Le rapport s’ouvre sur une présentation de la méthode de l’observatoire pour qualifier son approche du « mal-logement ». L’analyse des conditions de logement et d’habitat des populations pauvres et aux ressources modestes est aussi éclairée par la perception qu’elles en ont et les risques sanitaires et sociaux encourus. Le rapport explore également les situations les plus graves de mal-logement, aux marges du logement de droit commun, là où la connaissance de l’habitat critique est souvent parcellaire.
Finalement, les résultats révèlent deux seuils qui bornent le mal-logement : un seuil au-dessus duquel la charge en logement devient excessive, entraînant des privations sur les autres besoins à satisfaire, compromettant la participation à la vie sociale, et qui touche une part croissante des ménages à faibles revenus ; un seuil associé aux situations marginales de logement, rudes et exposées, dont l’issue est complexe et incertaine. L’un et l’autre posent plus généralement la question de l’insuffisance d’une offre de logements abordables dans certains territoires, spécialement les plus urbains.
Dans cet ouvrage, le mal-logement et les mal-logés se donnent à voir dans la France
contemporaine, aux contrastes parfois saisissants, symptomatiques des formes actuelles de précarité sociale et de pauvreté.
Cette étude apporte un éclairage quelque peu différent sur cette question. Elle s’intéresse principalement aux personnes en situation de non-recours durable (au moins plusieurs mois), et notamment à celles qui ne demandent plus d’hébergement, voire refusent les places qui leur sont proposées. Elle mobilise à la fois des techniques statistiques, par l’exploitation des données issues de l’enquête HYTPEAC (2011), et des techniques de recherche qualitative, permettant d’accéder directement aux personnes concernées.
Cette étude apporte deux résultats principaux. Le premier souligne que toutes les personnes sans domicile n’ont pas les mêmes probabilités de recours aux hébergements sociaux, et conduit à interroger les pratiques de priorisation à l’œuvre dans le système de prise en charge. Le second résultat, qui concerne spécifiquement les personnes sans abri sédentarisées depuis au moins plusieurs mois, voire années, explique les refus de places pourtant disponibles par la difficulté rencontrée par ces personnes pour casser les relations signifiantes qu’elles ont nouées dans un environnement qui les expose pourtant à une dégradation de leur état de santé et à des violences.
Ces deux résultats invitent à reconsidérer ce qui est appelé « la grande exclusion » à l’aune de sa dimension collective. Plutôt que d'expliquer le sans-abrisme de longue durée par des choix individuels, et d'en déduire que le mieux est de ne pas intervenir, le regard sociologique sur ces situations limites apporte de nouvelles perspectives et ouvre une réflexion sur la création d'un "droit à habiter".
Joseph Gusfield développe une lecture originale des problèmes publics, attentive à la production de sens autant qu’aux rapports de force qui l’accompagnent. Ce colloque, initié peu après la nouvelle de son décès, vise à en débattre de manière collective. Il doit amener à expliciter des
usages contrastés de ses écrits, en sociologie de l’action publique, comme en anthropologie des sciences ou en sociologie de l’État. Il doit aussi permettre de revenir sur des pistes de recherche encore méconnues en France, en lien avec des écrits encore non traduits de Gusfield.