Peut-on se passer d'une description approfondie de l'expérience de la musique écoutée avec un baladeur pour l'évaluer comme pratique culturelle ? * Michel Ratté © working paper dernière révision : août 2016 1. Une contribution critique...
morePeut-on se passer d'une description approfondie de l'expérience de la musique écoutée avec un baladeur pour l'évaluer comme pratique culturelle ? * Michel Ratté © working paper dernière révision : août 2016 1. Une contribution critique aux études culturelles Dans le présent texte, je discuterai le travail de chercheurs dont les travaux sont inscrits dans la mouvance des études culturelles de l'École de Birmingham. Je serai particulièrement attentif au travail de description des usages du baladeur (qu'on a connu d'abord sous le nom commercial de Walkman 1) qu'ils nous ont offerts à l'appui de leur évaluation normative de ces usages, une évaluation qui est inhérente au programme néomarxiste des études culturelles (Paul du Gay et coll., 2013). Il ne s'agit pas pour moi de condamner le principe même de l'évaluation normative des pratiques, mais bien de mettre en relief la possibilité d'une correction substantielle des descriptions typificatrices de ces usages pour que ces derniers soient évalués de manière pertinente. On ne peut pas être contre la vertu : l'analyse des pratiques culturelles proposée par la mouvance des Études culturelles prescrit une enquête approfondie sur les pratiques populaires afin de les comprendre dans leurs diversités et leurs nuances, seule condition pour en saisir les aspects aliénés autant qu'émancipateurs. L'idée de chercher une diversité au sein des pratiques culturelles des classes populaires est à vrai dire une injonction méthodologique nécessaire considérant les préjugés d'uniformité et de pauvreté de sens dont elles sont affligées par les élites savantes. D'autant que cette injonction relève de l'idée gramscienne réaffirmée par Raymond Williams, d'une nécessité politique pour les classes populaires de réaliser leur autocompréhension critique (Williams 2010). Ce néomarxisme s'oppose au marxisme orthodoxe qui considérait que les pratiques culturelles étaient des épiphénomènes dont seule la généalogie économico-matérielle rendait intelligible le sens politique. Cela dit, la construction critique d'une conscience d'être située en un lieu spécifique au sein des rapports de classe de la société capitaliste est un défi ambitieux dans le contexte de l' « idéologie hégémonique » protéiforme des sociétés libérales capitalistes, contexte dont Gramsci a initié la théorie. La perspective néomarxiste sur la culture que veut faire valoir Raymond Williams et sa postérité propose d'être particulièrement attentif à tout ce qui résiste à l'idéologie hégémonique comme *Ce document de travail contient autant des sections rédigées que des exposés schématiques encore non rédigés. Tout le matériau fût présenté dans diverses conférences communications et séminaires de recherche, entre autres : Ratté, Michel. « Ouïr la musique au quotidien : critique des utopies et dystopies à propos de l'écoute intime en public », dans le cadre du séminaire de 2 e et 3 e cycles du département de sociologie, SOC810X-20, Problématiques sociologiques contemporaines : sphère publique/espace public (offert par Louis Jacob), 25 novembre 2008; Ratté, Michel. « Contribution phénoménologique à l'analyse critique de la compréhension offerte par les études culturelles de l'expérience du baladeur lors de la déambulation quotidienne en milieu urbain ». Conférence dans le cadre des activités du groupe de recherche Media and Urban Life (FQRSC, 2010-2014), Communication Studies and History of Arts , McGill University. Le présent document collige des éléments pertinents pour l'analyse du phénomène du baladeur, éléments tirés de mon travail depuis 2007 jusqu'à récemment portant sur la contribution critique spécifique de la phénoménologie dans ce que l'on peut désormais appeler les Sounds Studies. 1Sous l'appellation de baladeur, j'entends ici les appareils audiophoniques portables et utilisables pendant la déambulation publique (du Walkman des années 1980 au IPod et téléphone intelligent contemporain) et qui diffusent le son à travers des écouteurs, donc en circuit binaural rapproché quasi fermé, pour une écoute dite « privée ».