Staps

Pourquoi de nombreux sportifs pensent-ils qu'ils deviendront un jour de grands champions ? Pourquoi peu y parviendront-ils, en dépit des litres de sueur versés ? Comment cette croyance dans une réussite qui devrait tout au mérite, tout au travail, s'est-elle historiquement formée ? Est-elle illusoire ? Quelles sont les conséquences éthiques, et même politiques, d'une telle illusion ? Le sport fournit l'exemple rêvé d'une méritocratie parfaite, si parfaite que la société est tentée de se fonder sur son modèle. Au cœur de la société, le sport, et au cœur du sport, le mérite, concept ambigu, insuffisamment analysé. Peut en effet être dit méritant, tant celui qui s'efforce sans réussir (« avoir le mérite d'essayer »), que celui qui réussit sans s'efforcer (« mériter la victoire »). Entre ces deux extrémités se distribue tout le monde du sport, certes convaincu que « le meilleur gagne » et que « l'important est de participer », mais tout autant que « le travail paye ». En échouant à récompenser l'effort comme il se doit, le sport réussit alors tout de même quelque chose : produire des forçats condamnés à applaudir les champions qui siègent sur le trône de leur génie − ou alors à tricher, corrompre, se doper.

Le sport est souvent présenté comme méritocratique, et utilisé pour promouvoir le modèle méritocratique. Mais qu'entendre par mérite ? Ce concept est-il pertinent pour décrire la réussite sportive ? Quelles conséquences sociales et politiques d'une telle projection ?

« Nagez 3.8 km. Pédalez 180 km. Courrez 42.195 km. Vantez-vous pour le reste de votre vie. » Voici le mot d’ordre du triathlon Ironman, tel qu’énoncé par John Collins, l’un des pionniers de la discipline dans les années 1970. Ce programme séduit toujours et davantage, et n’en finit pas de recruter des adeptes.
D’où vient ce sport ? Comment s’est-il installé ? Pourquoi tant de personnes éprouvent-elles le besoin de se mettre à l’eau, de pédaler, de courir ? Quelle nécessité y a-t-il à toucher ses limites d’endurance, voire les dépasser, dans des formats qui peuvent paraître déraisonnables ? Quels sens à s’infliger ces souffrances à première vue démesurées ? Quel curieux plaisir peut-on prendre à cette pratique ?
Le triathlon pourrait bien avoir à dire sur notre temps, sur notre société, sur notre rapport à l’effort, à la nature et à la technologie. Avec la natation, le Feu de l’effort doit triompher de la fluidité de l’Eau, avec le cyclisme de la résistance de l’Air, avec la course-à-pied de la gravité de la Terre. Tels sont les monstres poursuivis avec joie par l’Hercule triathlète, dont les travaux ne sont plus douze mais trois.

A la fin du xixe siecle, le naturisme est une therapeutique medicale reposant sur l’usage des elements naturels (air, eau, soleil) qui se concretise egalement dans une hygiene de vie. Il est circonscrit au champ medical. A la faveur du spectre de la degenerescence de la race francaise, les theses et les applications qu’il vehicule se diffusent dans le champ de l’education physique et des sports. La Methode Naturelle de Georges Hebert nait et se structure au contact des theories et des pratiques naturistes au point que des 1912 Hebert est percu comme le chef de file de « l’Ecole Naturiste » en education physique. Au-dela de la preparation des athletes aux Jeux Olympiques, le College d’Athletes de Reims qu’il dirige en 1913 apparait ainsi comme un centre naturiste d’education physique. Son engagement naturiste ne se dement pas entre les deux guerres, au moment meme ou se structurent la plupart des organisations naturistes. Hebert et le mouvement auquel il donne naissance s’inscrivent ...

Est-il possible que le monde du jeu vidéo soit en partie fabriqué à partir d'éléments constitutifs du monde du sport ? Le jeu vidéo a en effet été précédé par un fait culturel important dans les sociétés modernes, qui est celui de la naissance du sport au XIXe siècle, puis de sa diffusion et de sa démocratisation tout au long du XXe siècle. Les jeux vidéo sont quant à eux apparus plusieurs décennies après, que l'on retienne pour commencement soit la date de 1958 (Tennis for Two), soit celle de 1962 (Spacewar). Mais déjà, la référence au sport était tangible. Tennis for Two, en ce qu'il est une modélisation sommaire du tennis. Spacewar, en ce que ses concepteurs eux-mêmes l'assimilaient explicitement « à un nouveau sport », la catégorie de « jeu vidéo » n'existant pas encore. De nombreuses convergences apparaissent ainsi dès l'origine entre ces deux univers, et ce à plusieurs niveaux.

This article aims to formalizing the evolving of definitions of the swimmer since 1960. This paper develops the thought that this change depend from periods and institutions. The institution defines the scope of the swimmer through coaching and life guard staff. In fact the shaping of swim- mer involves the swimming learning organization. Based on analyses of institutional instructions in physical education and Ministry of Sport we explain the link between swimmer definitions and di- dactic according with the institution underlying. Thus there are many definitions different tests and degrees. Recently they reflect the meeting between different swimming organizations. Thereby, the actually definition of the swimmer since similar. To sum up, after a technical method, the swimmer is considered in a global attitude who attests the practical cultural background. This change also stressed strongly the pedagogic and didactic evolutions. L’objet de cette étude est de mettre en évidence que ...

La culture physique, le culturisme, le body-building entretiennent et developpent par des methodes d’entrainement specifique la musculature a des fins de bien-etre, mais aussi d’esthetique du corps. Lors des competitions, la beaute plastique des sujets est evaluee, comparee et classee. Depuis la fin XIXe siecle, les indices perceptibles, quantifiables de la conception de la beaute, interpellent les pratiquants et les jures de ces concours. Cette preoccupation de l’evaluation de la plastique corporelle, sans oublier celle de la sante et de la force, est presente dans le corpus de la revue La Culture Physique, depuis sa creation par Desbonnet en 1904. Dans la promotion par l’exercice de la « sante, beaute, force », deux tendances de la pratique de la musculation traversent la seconde partie du XXe siecle. L’une concernant la recherche initiale de l’equilibre harmonique aux mesures d’inspiration antique, l’autre, apparue apres 1945, centree sur l’apologie de l’hypertrophie volumique et la disproportion massique comme signes d’excellence. Depuis ces premices, l’etude aborde l’analyse de plusieurs articles de la revue La Culture Physique s’exprimant sur le jugement de l’esthetique. Elle revele les filiations scientifiques et culturelles qui ont participe a l’elaboration d’une certaine mouvance de la musculation avec un sens de l’esthetique bien defini, quantifiant l’ideal de l’harmonie selon differents modeles de sculptures antiques notamment le Doryphore de Polyclete pour l’expression de la beaute en opposition a l’incarnation de la force chez l’Hercule de Farnese.

Dans les dernieres annees, des questions et des defis se sont poses concernant le role de l’education physique (EP) dans la scolarisation, l’education des eleves au sujet du corps et l’apprentissage de la motricite basee sur de « bonnes » facons de faire et d’etre. En eduquant les individus au sujet du corps en general, et dans l’EP en particulier, les facons acceptees d’homogeneiser et d’universaliser les considerations relatives au corps sont devenues problematiques. En utilisant une approche hermeneutique pour analyser les discours historiques qui operent dans les significations dominantes actuelles, cet article explore le « changement » socioculturel survenu par rapport au corps. En particulier, cet article examine la maniere dont le corps a ete conceptualise en tant que sujet et objet d’etude selon les discours dominants dans le domaine de l’EP dans les pays sud-americains et anglo-saxons. L’article conclut en examinant les implications de l’universalisation d’une perspective socioculturelle du corps dans la pedagogie de l’education physique et du sport (PESP).

Les AMHE (Arts martiaux historiques européens) connaissent actuellement un processus d’institutionnalisation, par la mise en place d'une fédération nationale. Les valeurs véhiculées par la pratique sont l'écho des préférences exposées par les acteurs pour le maintien d'une activité unifiée. Pour autant, l'apparition de « nouvelles valeurs » fait état du passage d'un système communautaire à un développement fédéral, impliquant des représentations plurielles de la pratique et un processus de normalisation.

D'un côté le corps, de l'autre l'esprit. D'un côté la nature, de l'autre la culture. C'est sur ce dualisme fondamental que s'est échafaudée en grande partie la culture occidentale. Ce, au moins depuis Descartes. Un dualisme résolument inconciliable. Sur une rive, la matière, sur l'autre, l'intelligence. La glande pinéale de Descartes parvient difficilement à faire se joindre ces deux continents, non plus que le saut ingénieux depuis le phénomène jusqu'au noumène de Kant. Corps et esprit se touchent, se fréquentent et s’entremêlent, sans que l'on sache trop comment. La nature et la culture en font de même. D'un côté une opposition radicale et sans pitié, l'homme devant se faire « comme maître et possesseur de la nature », mais d'une autre côté, un lien de dépendance absolu, l'homme, « animal rationnel », étant à la fois nature et culture. Les rêveries de Rousseau en témoignent. D'un côté, un état de nature idyllique à jamais perdu et gâché par la civilisation. De l'autre, l'espérance d'effleurer à nouveau la quiétude naturelle de cet âge d'or par le biais d'un ordre politique fondé par le « contrat social ».

In everyday activities the body tends to recede from direct experience and thereby becomes absent to us. Therefore, the extra-daily practices such as sports or artistic training awake multiple layers of the corporeal awareness. In this paper our aim is to provide an account of the performer’s specific embodiment during both practice and training. Our starting point is the first person account of a stage experience: heightened kinaesthetical awareness enables the performer to respond immediately to the sensory surrounding. Within the phenomenological model of the embodied experience we shall study the process of training as emergence of new habits.

This article compares diverse meditative and consciousness-based practices from Asia and France in order to characterize their common denominators and variations. The authors draw from a multi-sited ethnography including: monasteries in the Buddhist Himalayas; an institute of traditional medicine in China; hermitages and Tibetan meditation centers in France; and immersion experiences in French Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR) and Qigong classes. Our observations of meditation in such diverse contexts allow us to make distinctions based on the specificity of their sites, their practices, their techniques, and their inner actions. Additionally, our analysis allows us to identify four types of meditative practices: concentrative, open, introspective, and non-oriented. The results of this research offer an interesting reflection on the transformation of meditative practices within European educational and health contexts and contribute to the creation of new conceptual approach...

Raphaël Verchère, ATER à l’UFR STAPS de Lyon 1 et membre du CRIS, vient de soutenir une thèse en philosophie du sport intitulée : « Travail, ordre et discipline : la société sportive et ses tensions ». Il nous met ici en garde face à la notion de mérite tout en montrant que si à certains égards, on naît coureur, on peut aussi le devenir…

Le sport contemporain a de plus en plus recours à des technologies destinées à en accompagner la pratique. Le succès d’applications telles que Strava, la démocratisation des bracelets tels que FitBit, témoignent d’un changement dans les pratiques. Les mètres et chronomètres ont depuis longtemps été complétés par ces autres dispositifs permettant un accroissement de la mesure. Que ce soit dans des fins de performance ou bien dans des fins de loisir et de santé, de nombreux pratiquants ne s’imaginent plus pratiquer le sport sans ces outils permettant quantification, analyse, archivage, diffusion des performances. Le rapport du sujet à son corps s’en trouve transformé, la médiation de ces dispositifs technologiques conduisant à la production d’un double virtuel du soi, que l’on pourrait appeler « hypercorps », en référence à Jean Baudrillard. Quel sens prend alors le sport lorsqu’il est pratiqué dans ces conditions ? Qu’advient le corps et son sujet lorsque ce dernier ne l’habite plus comme d’ordinaire ? Quelles conséquences phénoménologiques, métaphysiques et ontologiques introduisent ces innovations ? Dans quelle mesure ces innovations sont-elles susceptibles de se diffuser à d’autres champs que celui du sport (voir le « quantified self ») ?