L’exemple d’une déesse qui a eu trois vies, différentes mais reliées entre elles, nous permet de montrer comment la relation entre une divinité et des groupes humains s’instaure, se développe, se défait. Dans le village de référence, les...
moreL’exemple d’une déesse qui a eu trois vies, différentes mais reliées entre elles, nous permet de montrer comment la relation entre une divinité et des groupes humains s’instaure, se développe, se défait. Dans le village de référence, les Kāpu, propriétaires terriens et dominants, l’ont abandonnée après quelques générations – cependant qu’une faction opposée tentait d’introduire le culte d’une autre déesse. Les Blanchisseurs l’ont alors récupérée pour eux seuls, lui rendant hommage dans le temple qu’ils lui ont construit. Troisième avatar : il y a longtemps, les Kāpu d’un village voisin étaient venus voler ses symboles dans son sanctuaire pour l’honorer chez eux de la même manière que ces Blanchisseurs l’ont fait récemment. Sur cet exemple, je voudrais argumenter quatre propositions. La première est simple : ce sont les hommes qui assignent aux déesses qui et quels lieux elles doivent protéger – en retour de la nourriture qu’elles sont venues réclamer. Le rapport d’une déesse aux hommes est premier ; sa relation à un espace quel qu’il soit – le quartier résidentiel d’une caste, le village dans son entier (grāmamu), le territoire ou le terroir d’un village – n’est que seconde : c’est là où sont ses dévots qu’est le « territoire » d’une déesse. Seconde proposition : les grands dieux de l’hindouisme qui sont svayambhū, inamovibles et à honorer là où ils se sont manifestés matériellement, sont radicalement différents de ces déesses dont les dévots peuvent changer, qui leur assigneront d’autres fonctions, d’autres domaines. Troisième proposition : la grāmadēvata, « déesse du village », est celle de la lignée (de la caste) qui a le pouvoir ; elle est son affirmation dans le religieux et lui apporte sa légitimité. Quatrième proposition : il existe un lien étroit qui ne se perd jamais entre une divinité et la lignée qui a instauré son culte (localement). C’est ce que j’appelle « l’appartenance » de cette divinité à une lignée.This paper seeks to show, through the example of a local goddess who had three different but interconnected lives, how a relation between a goddess and groups of human beings is established, develops and eventually ends. In the village we have used as an example, the Kāpu (powerful and dominant land owners who first elected her) abandoned her after a few generations, while an opposite political faction meanwhile tried to introduce a new goddess they could control. The Laundry Men of the village in turn reclaimed her for themselves, built her a temple and dedicated a yearly festival to her. Lastly, this paper shows how, a long time ago, the Kāpu of a neighboring village stole her symbols from her sanctuary and honored her the same way as the Laundry Men recently had. With these examples, I would like to defend four propositions. The first one is very simple: it is men who assign to the goddess which people and places she will have to protect in return for the food she obtains from them. The goddess’ relations to men come first, before her relation to places, whatever they are —a caste quarter in a village, the entire village (grāmamu), the whole of the territory of a village—: her “territory” is where her devotees are. Second: the grand Hindu gods who are svayambhū (immovable) have to be honored and served at the spot where they manifested themselves; from this point of view, they are completely different from these goddesses, whom devotees can change and to whom they can decide to attribute functions and domains. Third: the grāmadēvata ( “village goddess”) is the goddess of the lineage which is presently in power: she brings it the legitimacy it needs. Fourth: there is a strong bond, which is never broken, between a divinity and the lineage who first established her local cult. This is what I call the “belonging” of a divinity to a linage