Histoire Et Fiction

La décennie 1990 en Afrique est marquée par des conflits armés ayant engendré un grand nombre de textes littéraires, et l’on constate que beaucoup d’entre eux ont eu recours à la fiction pour raconter l’expérience de la guerre. Or il est intéressant de noter que plusieurs de ces textes, envahis par une accumulation d’éléments historiques, sociologiques, témoignent d’un entremêlement singulier entre récit fictionnel et discours factuel. Ce dernier est en effet massivement sollicité à travers l’emploi d’une écriture proche du reportage, du document historique ou informatif qui donne au texte une dimension documentaire. Quels sont les traits de cette écriture singulière qui introduit le discours factuel à travers un processus de “factualisation” du récit fictionnel? Comment penser ce procédé qui se distingue d’une fictionnalisation des faits auquel le lecteur de fictions de guerre semble plus accoutumé? Que révèle-t-il sur la mise en récit de l’événement traumatique relevant d’un passé...

Thèse sous dir Jean-Claude C. Marimoutou
Jury : Pr Pius Nkashama NGANDU, Pr Romuald FONKOUA, Pr Bernard TERRAMORSI. Pr Jean-Claude C MARIMOUTOU,  Mention : Très Honorable avec Félicitations du jury avec autorisation de publication.

Ce travail de recherche de 772 pages examine la representation de l'experience des violences extremes dans l'espace fictionnel contemporain de l4Afrique subsaharienne francophone. Les nombreuses fictions en prose produites dans le sillage des conflits armes des annees 90 et du genocide au Rwanda soulevent des interrogations liees a la representation de la douleur, de la cruaute et de la mort ainsi qu’a l'ethique de l'art. Comment le texte litteraire met-il en recit les evenements traumatiques ? Comment l,ecrivain pense et problematise-t-il des crises extremes relevant de l'histoire immediate ? Selon quelles modalites litteraires sont-elles constituees en un objet de connaissance et de sensibilisation ? Et quelles sont les strategies langagieres et esthetiques privilegiees pour transmettre la memoire des atrocites dans une visee de temoignage ou de reflexion critique ? (...)

Université de la Réunion, LCF EA 4549

Publié en 2000, La Question humaine a connu un immense succès public autant qu'un immense succès d'estime. Le petit récit conjugue un substrat historique très documenté à une fable de pure fiction, en interrogeant de manière singulière la façon dont peuvent s'articuler les traumatismes individuels ou intimes avec les traumatismes collectifs, à l'échelle de l'Histoire, dans un mouvement qui est celui de la résilience, cette résilience qui est à l'œuvre dans chaque texte de l'écrivain belge.Chez François Emmanuel, en effet, les moyens romanesques viennent donner un corps symbolique et une forme poétique à ce que représente la dynamique de la résilience.

Dans son roman pour la jeunesse "Les premiers jours" (2002), Eglal Errera se raconte au moment où, enfant, elle a quitté son Alexandrie natale, en liant l’espoir de garder ses racines à la volonté de lire un jour « Lawrence Durrell, "Le Quatuor d’Alexandrie", pour Alexandrie bien sûr ». Dans son film "Alexandrie… New York" (2004) le cinéaste alexandrin Youssef Chahine déclare, à travers un de ses personnages, qu’Alexandrie est… Durrell. Dans le champ littéraire égyptien contemporain, même les écrivains alexandrins reconnus se positionnent par rapport au "Quatuor". Ève de Dampierre (2007) parle d’un « combat pour le monopole poétique d’Alexandrie » qu'Edouard al-Kharrat livre à Lawrence Durrell. Tandis que le romancier Ibrahim Abdél-Méguid, dans "L’Autre pays" (1991), met en scène une discussion entre un Américain déclarant avoir vu Alexandrie à travers la lecture du "Quatuor" et un Égyptien rétorquant que cette Alexandrie-là est finie. Mais est-elle vraiment finie, vue la puissance que cette représentation littéraire continue d’exercer ? Vue la nécessité, y compris pour les chercheurs, de mobiliser la référence à Durrell et de la citer ou la discuter dans leurs approches historiques d'Alexandrie ? Il ne s’agit pas de postuler une réalité extra-textuelle pour cette Alexandrie durrellienne, mais de s’interroger sur les raisons, textuelles et extra-textuelles, qui ont porté quatre romans publiés par Lawrence Durrell entre 1957 et 1960, suite à un séjour alexandrin de durée relativement courte pendant la Seconde Guerre mondiale, à être lus comme le manifeste éternel de ville.

Nombreux sont les témoignages d’une méfiance des historiens vis-à-vis de la possibilité d'analyser les textes littéraires comme des sources historiques à part entière. Fondée sur une distinction arbitraire entre sources prétendument objectives (les archives traditionnelles) et sources prétendument subjectives (les textes de fiction), cette méfiance semble oublier le travail d’évaluation critique nécessaire face à tout objet investi par l’historien du rôle de «source». Il ne s’agit pas de plaider pour une approche prenant la fiction pour vérité historique, mais d’inviter les historiens à considérer la littérature comme une source historique potentielle. Bien sûr, des précautions s’imposent dans la construction des corpus littéraires à analyser, mais cela n’est-il pas valable pour la construction de tout corpus ?
Dans le but de banaliser les approches des textes littéraires sous l’angle de l’histoire, cette contribution propose une redéfinition historienne de littérature. En effet, des précisions s’imposent pour éviter de superposer les préoccupations de l’histoire à celles de l’histoire littéraire, en tombant dans le piège d’un calque disciplinaire aussi opaque qu’inutile. Or, comme le souligne Paul Veyne, « l’histoire s’intéresse à ce qui a été comme ayant été ; point de vue qu’on distinguera soigneusement de celui de l’histoire de la littérature ou de l’art, qui est une discipline axiologique, définie dans ses frontières par rapport aux valeurs : elle s’intéresse aux grands artistes, aux chefs d’œuvre ». Pourtant, une définition non axiologique de littérature est possible qui – en mettant de côté les jugements d’ordre esthétique – permet aux historiens de s’intéresser aux textes littéraires «qui ont été comme ayant été», bons ou mauvais qu’ils soient, oubliés ou reconnus, et de les interroger comme des documents à part entière, dans le but d’élucider une problématique.

The problem of the confrontation between fictional and historical narratives, pointed out by Paul Ricœur, acquires a particular significance in regards to Matteo Marchi’s works.
An Italian resident of Alexandria, in Egypt, Matteo Marchi (1844-1918) is the son of Giuseppe (1810-1890), a forgotten figure of Risorgimento, the struggle for the liberation and unification of Italy. Matteo Marchi is the author of two unknown novels, whose subtitles define them as "semi-historical" and whose contents combine the creation of a fictional plot with the purpose of clarifying some historical pages of Risorgimento, in particular Giuseppe Marchi’s role.
The ambiguity of the author’s approach, between a historical and a fictional intent, is analysed through a reflection on novel, history and epic in their links to ambiguity and evidence. This reflection, along with the text analysis, shows that this ambiguous position is the result of an epic ambition which cannot be fulfilled.