Ouverte seulement en de rares occasions, cette crypte ornée attribuée aux seigneurs du Plessis-Châtillon présente une configuration singulière ; la qualité de conservation des vestiges qui s'y trouvent laisse entrevoir un intéressant...
moreOuverte seulement en de rares occasions, cette crypte ornée attribuée aux seigneurs du Plessis-Châtillon présente une configuration singulière ; la qualité de conservation des vestiges qui s'y trouvent laisse entrevoir un intéressant potentiel d'étude. Le caveau de la famille du Plessis-Châtillon a été construit au début du xvii e siècle sous l'avant-choeur de l'église ; on y pénètre, après un premier saut abrupt, par un escalier de neuf marches. La crypte, longue de 2,67 mètres, a une largeur de 3,40 mètres et la voûte ne s'élève qu'à 2,40 mètres de haut. L'espace souterrain renferme sept cercueils anthropomorphes, une urne cordiforme, un baril en plomb et des ossements humains ; les murs sont ornés de peintures d'une extrême rareté. Malgré quelques indéniables remaniements ou vols d'ossements, l'intégrité de la crypte est préservée depuis l'époque moderne. C'est en 1629 que René du Plessis-Châtillon décide de faire construire un caveau destiné à recevoir sa sépulture, celles de ses ancêtres et de ses descendants. Un cartouche inscrit au milieu du décor peint porte la date de sa mort : « LE • I • MAY • 1629 ». Deux bandeaux noirs croisés au sommet de la voûte partitionnent l'espace. Les murs blanchis et semés de larmes sont ornés de tibias entrecroisés surmontés de têtes de mort. De facture assez grossière, ce décor semble avoir été réactualisé au cours des rites funéraires qui se sont perpétués tardivement. Particulièrement macabre, il témoigne du regard porté sur la mort à l'époque moderne. Il est fortement inspiré d'une didactique liturgique mora-lisant la contemplation de la mort. L'exercice spirituel que favorise l'Église tridentine prend forme à la suite de la Contre-Réforme ou d'Ignace de Loyola. Les images d'os et d'autres parties du squelette, tout comme l'évocation du corps mortel décomposé du transi dès la fin du xv e siècle, doivent servir d'outil de révélation. Le message, construit en opposition à une doctrine protestante en plein essor, peut se résumer ainsi : « Plus la contemplation de la mort dans sa matérialité sera horrifiante, plus l'adhésion aux valeurs de la foi sera grande 1. » Cette leçon méditative est aussi celle de la tradition des vanités dans la peinture de chevalet : le crâne peint à côté d'éléments évoquant la fuite du temps ou la futilité des plaisirs doit rappeler la fragilité de la vie terrestre. Au-delà du tragique, ces représentations sont porteuses de foi. Elles renvoient à une piété exacerbée qui affirme l'espérance du Salut. La crypte funéraire du Plessis-Châtillon __ Arnaud Bureau et Rozenn Colleter ___ Située dans le nord de la Mayenne, l'église Saint-Martin de Châtillon-sur-Colmont recèle de nombreuses curiosités. L'une d'elles, située six pieds sous terre, a été inscrite au titre des monuments historique par un arrêté du 5 septembre 2012. ___ ___ 1. Dans Charlotte Bouteille-Meister et Kjerstin Aukrust (dir.), Corps sanglants, souffrants et macabres, xvi e-xvii e siècles, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2010. < Détail d'une tête de mort ornant la crypte funéraire des seigneurs du Plessis-Châtillon.