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Avant-propos
L
es "oppida", ces villes et villages gaulois le plus
souvent perchés et fortifiés, sont nombreux dans le
Gard : ils constituent la manifestation la plus symptomatique de l'occupation humaine du département
durant le millénaire précédant notre ère.
Ils illustrent, par leur diversité et parfois leur ampleur, une période
passionnante où, autour de la Méditerranée, progressivement certains
concepts de la vie moderne se développent : la ville, le quartier, la
maison de pierres ou de briques, la rue, le commerce international, le
vin, l'écriture, la monnaie…
Plusieurs sont à l'origine de nos villes actuelles, comme Nîmes, Alès ou
Beaucaire ; d'autres disparurent à la fin de l'âge du Fer ; d'autres
encore survécurent à la conquête romaine mais pas à l'Antiquité : villes
mortes, ils hantent nos garrigues.
Les vestiges de certains d’entre eux sont visibles dans le paysage :
remparts et murs de pierre sèche peuvent se confondre avec les
« clapas » de nos garrigues. Cependant, le visiteur averti ne s’y trompe
pas : on reconnaît ici une rue, là des quartiers d’habitation, ou bien
encore d’épais murs d’enceintes, témoignages parfois spectaculaires de
l’activité humaine de ces périodes précédant la conquête romaine.
Mieux connaître la nature et le fonctionnement des oppida
méridionaux fut l'une des tâches prioritaires des protohistoriens de la
deuxième moitié du XXe siècle. Mieux les faire connaître, -et peut-être
reconnaître-, au public du Gard et d'ailleurs, est l’un des objectifs que
poursuit le Conseil général du Gard avec cette cinquième livraison des
"Archéologies gardoises".
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Sommaire
Les oppida du Gard
par Bernard Dedet et Michel Py
Directeurs de recherche au CNRS
UMR 5140 du CNRS, Montpellier-Lattes.
Qu'est-ce qu'un oppidum ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 5
La Protohistoire gardoise :
regard historiographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 7
Le réseau des oppida du Gard . . . . . . . . . . . . . . . .p. 15
L’oppidum de Nîmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 23
L'oppidum des Castels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 29
L'oppidum de Roque de Viou . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 41
L'oppidum de La Liquière . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 49
L'oppidum de Mauressip . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 55
L’oppidum du Plan de la Tour . . . . . . . . . . . . . . . .p. 61
L’oppidum de Vié-Cioutat . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 67
L'oppidum de l’Ermitage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 73
L'oppidum du Camp de César . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 77
L’oppidum de Saint-Vincent . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 81
L'oppidum du Marduel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 85
L'oppidum de Beaucaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 93
âge
bronze
âge du
du bronze
néolithique
néolithique
- 4000
4
- 2500
- 1800
- 1200
- 1000
âge
fer
âge du
du fer
- 800
- 400
- 200
époque
romaine
gallo-romain
0
200
400
moyen
âgeâge
moyen
800
1000
1500
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Qu'est-ce qu'un oppidum ?
L
e latin "oppidum" (pluriel "oppida") désigne d'une
manière générale un habitat groupé d'une certaine
importance, une agglomération présentant certains
caractères urbains, voire munie d'un statut
spécifique comme dans l'expression "oppidum latinum". Le fait
que ce terme ait été largement utilisé par César, dans ses
commentaires de la Guerre des Gaules (58-52 av. n. è.), comme
qualificatif des principales bourgades celtiques qu'il a fréquentées
ou combattues, a très tôt incité les érudits et les archéologues
français à réserver l'emploi du mot pour désigner les grands
habitats fortifiés caractérisant la fin de l'âge du Fer en Gaule
septentrionale, et plus particulièrement les agglomérations de
hauteur. Ainsi, progressivement, le terme d'oppidum, au départ
assez vague, s'est spécialisé dans la littérature archéologique aussi
bien culturellement (un habitat caractéristique des Gaulois) que
chronologiquement (typique de la fin de la période de la Tène) et
structurellement (fortification et perchement étant conçus comme
des critères significatifs).
C'est d'abord par mimétisme que les Protohistoriens méridionaux
ont employé le mot "oppidum" pour désigner les habitats perchés
de l'âge du Fer du Midi de la France. Dès le milieu du XIXe siècle,
époque où les Gaulois sont à la mode, ce terme savant se
popularise et sont ainsi dénommés par exemple l'oppidum du
Mont-Cavalier à Nîmes, de Vié-Cioutat à Mons-et-Monteils ou
des Castels à Nages, appellations dont certaines se conservent
encore sur les cartes d'état-major. Les fouilles développées au
cours du XXe siècle sur plusieurs de ces sites insistèrent sur les
particularités de ces villes fortes préromaines ; leurs résultats,
concernant les modes de vie et de bâtir, servirent même à
promouvoir l'idée d'une "civilisation des oppida".
Les recherches récentes, en précisant la chronologie de la longue
histoire des établissements protohistoriques, depuis la fin de l'âge
du Bronze jusqu'à l'époque romaine, en investissant également
d'autres secteurs géographiques que les garrigues et leur bordure
méridionale, ont montré que la caractérisation des formes de
l'habitat de cette période, multiples et évolutives, ne pouvait se
contenter d'un terme à la fois vague dans sa conception latine et
ambigu dans son acception celtique : les oppida du Midi, de taille
en général modeste mais densément occupés, ne ressemblent en
effet guère aux oppida du Nord, vastes enceintes en partie vides
qui peuvent atteindre plusieurs centaines d'hectares. Ils sont
par ailleurs eux-mêmes très divers dans le temps comme dans
l'espace, du village des premiers temps (comme La Liquière) aux
grandes agglomérations du IIe âge du Fer (comme Nages ou
Nîmes), du hameau de plaine à la ville fortifiée de hauteur, voire
même à l'agglomération fortifiée de plaine du type de celle
récemment découverte au Cailar, toutes formes pouvant réclamer
l'appellation d'oppidum sans pour autant se définir précisément à
travers elle.
On s'en tiendra ici à une définition large des oppida, synonyme
d'habitats groupés de l'âge du Fer (même si l'occupation put
y débuter antérieurement), le plus souvent établis sur une
hauteur (mais pas toujours), le plus souvent fortifiés (mais pas
obligatoirement), agglomérations relativement caractéristiques
de cette époque qui les voit naître, se développer et parfois
disparaître.
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La Protohistoire gardoise :
regard historiographique
A
u fil du temps, l’étude de la Protohistoire en tant que telle
a lentement émergé.
De l’époque des Lumières au milieu du XIVe
XIVe siècle.
Portrait d'Eugène Germer-Durand conservé par l'Académie de
Nîmes - (cliché J.-P. Goudet).
Au XVIIIe siècle l’intérêt pour la Protohistoire, cette période de
l’Histoire précédant immédiatement la mainmise de Rome sur la
Gaule, n’existe pas encore dans le Gard, même si les historiens
commencent alors à évoquer les Gaulois, comme Léon Ménard
(1706-1767), conseiller au présidial, dans sa monumentale
« Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nîmes », en
sept volumes publiés entre 1744 et 1758 ; ou, à la même époque
pour Aramon, Esprit Calvet, professeur à la Faculté de Médecine
d’Avignon mais aussi féru d’antiquités et dont la collection est à
l’origine du musée avignonnais qui porte son nom. Le département,
bien évidemment, est touché par le mouvement des antiquaires,
mais ces érudits, à la fois collectionneurs d’objets et historiens,
s’intéressent avant tout au prestigieux passé romain et aux
monuments qu’il a laissés dans la région, attrait renouvelé depuis
le XVIIIe siècle par la découverte et la fouille de Pompéi et
d’Herculanum. À Nîmes, en particulier, cet engouement coïncide
avec des travaux urbanistiques importants, et la renommée des
découvertes provoquées par l’aménagement du quartier de la
Fontaine servira en même temps au rayonnement économique de
la ville alors en plein essor.
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Fouille sur l'oppidum des Castels à Nages dans les années 1910 : de gauche à droite, le commandant Gimon, Félix Mazauric et, au fond de la tranchée, le "fidèle Albert"
(archives Lucie Mazauric).
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De fait, en maintes occasions et en maints lieux du département, la continuité entre l’habitat d’avant et celui d’après la
conquête romaine mit ces savants du XVIIIe et du début du
XIXe siècles en contact avec les sites et des documents de la
Protohistoire, mais c’est presque toujours à leur insu car
l’époque ne sait pas encore reconnaître ce qui est protohistorique. Si on est conduit à visiter des oppida pré-romains, c’est
parce qu’on est attiré par d’importants vestiges architectoniques ou des objets mobiliers datant de l’époque galloromaine. Dans une lettre adressée en 1764 au comte de Caylus,
grand antiquaire parisien faisant alors autorité en la matière,
Esprit Calvet relate son passage dans le Gard rhodanien, à
Laudun et notamment sur l’oppidum du Camp de César, pour
voir « s’il n’y a rien d’antique dans le pais ». On retrouve
encore son passage en 1792 à Aramon, qui fut aussi une
importante agglomération du deuxième âge du Fer. Autre
exemple, celui du site d’Arlende en région alésienne : en 1779
le Docteur Marsan, de Rivières, un village voisin, écrit à
Jean-François Séguier, naturaliste et homme de lettres nîmois,
alors secrétaire perpétuel de l’Académie de Nîmes, pour mentionner la découverte en ce lieu de nombreuses médailles,
d’inscriptions et de tombeaux antiques. Nulle part cependant
les vestiges concrets qui relèvent de la Protohistoire ne sont
appréhendés en tant que tels.
On doit cependant au XVIIIe siècle la découverte d’une
inscription particulièrement intéressante pour la Protohistoire
de la région, qui, depuis lors, a fait couler beaucoup d’encre.
En 1747 à Nîmes, près de la source de la Fontaine, au chemin
de Sauve, dans un champ, fut mise au jour une base de
colonnette en marbre où sont inscrits les noms de onze
agglomérations. Cette inscription est reproduite dans
l’ouvrage de Ménard ; elle fit partie de la collection de JeanFrançois Séguier et se trouve maintenant conservée au Musée
archéologique de Nîmes. Elle est particulièrement précieuse
car, si la signification de la liste qu’elle porte est malheureusement incompréhensible, son intérêt est de mettre un nom sur
plusieurs agglomérations gardoises protohistoriques et
antiques. Six ou sept de celles-ci sont maintenant identifiées,
plus ou moins sûrement, avec des habitats d’origine
pré-romaine de la cité de Nîmes : six situés dans le territoire
actuel du Gard, ANDUSIA (Anduze), VGERNI (Beaucaire),
VCETIAE (Uzès), BRIGINN (Brignon), SEGVSION (sans doute
Suzon, hameau de la commune de Bouquet) et VATRVTE (sans
doute Vié-Cioutat, sur la commune de Mons), et un septième
dans l’Hérault, aux portes de Montpellier, SEXTANT
(Substantion à Castelnau-le-Lez). La reconnaissance des quatre
autres noms, BRVGETIA, TEDVSIA, STATVMAE, VIRINN,
reste à ce jour problématique. Les débats autour de cette
inscription, qui ont débuté voilà maintenant plus de 250 ans,
ne sont évidemment pas clos…
1850-1950 : un siècle d’inventaire
Durant la première moitié du XIXe siècle, l’archéologie
classique accapare toujours l’attention, notamment à
Nîmes, et il faut attendre la seconde partie de ce siècle pour
qu’émerge une recherche ayant pour objet la Protohistoire
elle-même. À vrai dire, la région ne fait que participer à un
mouvement général en France : en étudiant Jules César et
la guerre des Gaules, en faisant ouvrir des fouilles sur
quelques haut-lieux de la conquête comme Alésia ou
Bibracte, Napoléon III a rendu les Gaulois intéressants ; et
ceux-ci entrent définitivement dans l’Histoire de France
avec la troisième République. À une époque encore
dépourvue de structures nationales de recherche archéologique, les sociétés savantes, et particulièrement nîmoises,
jouent un rôle moteur dans le département. La Société
Scientifique et Littéraire d’Alais, fondée en 1868, la Société
d’Etude des Sciences Naturelles de Nîmes, créée en 1871,
l’Académie de Nîmes, qui succède en 1878 à l’Académie du
Gard, dont la fondation remonte à 1682, l’École Antique de
Nîmes, qui naît en 1920, sauvent de l’oubli par leurs
publications régulières les découvertes faites dans le
département et entretiennent l’émulation et les discussions
entre leurs membres ; elles jouent un rôle incitatif en
promouvant certaines études. Dès sa création par la
municipalité dans les locaux de l’ancien Collège des
Jésuites en 1896, en complément du Musée de la Maison
Carrée qui existait depuis 1823, le Musée archéologique
de Nîmes fait une place importante aux documents
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Fouille sur l'oppidum des Castels à Nages dans le quartier L en 1978 (cliché M. Py).
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pré-romains. Et les différents recueils de statues et
d’inscriptions publiés, notamment ceux d’Émile
Espérandieu, conservateur entre 1919 et 1939, signalent
largement cet intérêt. Les chercheurs gardois participent
aussi aux travaux de la « Commission d’Étude des Enceintes
préhistoriques et fortifications anhistoriques » créée en
1906 à l’échelon national par la Société Préhistorique
Française dont le siège est à Paris.
Car, dans le Gard, comme ailleurs en France, c’est alors le
temps de l’inventaire des oppida pré-romains, et cette
phase va se prolonger jusque vers les années 1950, avec
toutefois une très forte baisse d’activité entre les deux guerres
mondiales. La plupart des sites sont visités et prospectés, font
l’objet de ramassages de surface renouvelés et des premières
relations écrites et publiées : par exemple le Serre de Brienne
à Brignon (Auguste Pelet en 1857), Suzon à Bouquet et ViéCioutat à Mons (Gratien Charvet en 1872), Castelvielh à
Sainte-Anastasie (Eugène Germer-Durand en 1873), SaintVincent à Gaujac (Emilien Dumas à la fin du XIXe s.) ou
encore la Forêt à Euzet et la Dame de Brueys à Aigaliers
(Ulysse Dumas dans la première décennie du XXe s.). C’est
aussi l’époque des premières fouilles, comme celles
qu’effectua Edmond Flouest en 1867 et 1868 sur l’oppidum
des Castels à Nages. Beaucoup des acteurs de cette recherche
sont des érudits attachés au passé de leur pays, de la
Préhistoire à la fin de l’Empire romain. Ils sont, par exemple,
propriétaires fonciers tels Ulysse Dumas (1872-1909) ou Paul
Cazalis de Fondouce (1835-1931), médecin comme Émile
Marignan (1846-1937), agent voyer comme Gratien Charvet,
ou officier comme Maurice Louis (1892-1966). Félix
Mazauric, d’abord instituteur puis conservateur du Musée
archéologique de Nîmes de 1906 à 1917, grâce aux
relations qu’il entretient avec les maîtres de l’enseignement
primaire, mène des enquêtes systématiques dans toutes les
communes du département. Cela lui permet de présenter, avec
Joseph Bourrilly, lors du 7e Congrès Préhistorique de France
organisé à Nîmes en 1911 par la Société Préhistorique
Française, une « Statistique des Enceintes préhistoriques et
protohistoriques du Département du Gard ». Cet ouvrage,
véritable bilan méthodique des connaissances alors acquises,
décrit une soixantaine d’habitats protohistoriques (parmi
quelques autres qui en fait ne concernent pas cette époque),
classés par communes, avec les listes d’objets découverts et
toutes les références antérieures.
Cependant, malgré l’effervescence qui caractérise cette
époque, force est d’admettre que la Protohistoire reste
encore bien peu connue dans la région. On identifie
alors mal les objets qui s’y rapportent ; les monnaies font
exception, mais celles-ci ne concernent guère que la fin du
IIe et le Ier s. av. J.-C., et il en va de même des armes des
rares tombes découvertes. Les habitats des siècles
précédents restent donc particulièrement difficiles à placer
dans le temps.
Dans ce contexte, le long article intitulé « Les derniers
Arécomiques. Traces de la civilisation celtique dans la
région du Bas-Rhône, spécialement dans le Gard » que
Julien Barri de Saint-Venant, inspecteur des Eaux et Forêts
alors en poste dans la région, publie en 1897 dans le
Bulletin Archéologique, constitue la première monographie
sur la Protohistoire gardoise. Les objets de la fin de l’âge du
Fer, essentiellement métalliques, issus de sépultures y sont
soigneusement décrits, et les preuves de la datation
pré-romaine d’un grand nombre d’oppida, notamment
Nages, Castelvielh, le Camp de César, Vié-Cioutat, la Jouffe,
sont clairement apportées.
Si désormais, à partir des dernières années du XIXe siècle,
on fait clairement la part entre ce qui relève des périodes
pré-romaine et gallo-romaine, jusqu’au milieu du XXe
siècle cependant la chronologie de l’occupation de ces sites
demeure encore très floue. La vie quotidienne de leurs
habitants, leur économie, leur culture ne sont pas non plus
dans les préoccupations du temps. C’est à cette découverte
que s’attelleront les archéologues de la deuxième moitié du
XXe siècle.
Depuis les années 1950 : le temps des fouilles
A partir du milieu du XXe siècle, à l’échelon national, se
mettent en place les structures de gestion et de recherche
actuelles, circonscriptions régionales des antiquités
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Inscription géographique
découverte à Nîmes au XVIIIe siècle et
conservée au Musée Archéologique
de Nîmes (cliché D. Stokic).
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historiques et préhistoriques, Université, CNRS, et démarre
une professionnalisation du métier d’archéologue. En
parallèle les sociétés savantes nîmoises poursuivent leur
action. On soulignera le rôle formateur de l’École Antique
de Nîmes, sous l’impulsion notamment de Victor et
Christiane Lassalle : certaines sessions d’été, auxquelles
ont participé nombre d’étudiants et d’archéologues
bénévoles, sont entièrement consacrées à la Protohistoire
régionale. De nouvelles institutions locales sont aussi
créées, comme des musées municipaux faisant une place
importante à la Protohistoire (Musées du Colombier à
Alès, de la Vignasse à Beaucaire, Paul Raymond à PontSaint-Esprit, Musée municipal d’Archéologie à Nages-etSolorgues), ou encore la Société d’Histoire et d’Archéologie
de Beaucaire.
Progressivement, avec des moyens nouveaux, se produit un
changement profond des préoccupations et des méthodes.
Les progrès dans la connaissance de la chronologie des
mobiliers, l’intérêt nouveau porté aux autres vestiges,
notamment les restes végétaux et animaux, la fouille sur de
vastes surfaces permettent d’envisager de nouveaux
horizons : la forme et l’organisation de ces habitats, celle
des maisons et la manière de les occuper, les activités de
leurs habitants et leur équipement, leurs structures sociales,
ainsi que les échanges locaux, régionaux ou plus éloignés
comme avec la Gaule non méditerranéenne, l’Italie et la
Grèce.
Et de fait, durant ces cinquante dernières années, les
chantiers de fouilles vont se multiplier sur les oppida
gardois, le plus souvent recherches programmées dans le
cadre d’une problématique définie, mais aussi parfois, et
plus récemment, à partir des années 1990, opérations
d’archéologie préventive menées par l’AFAN (devenue
l'INRAP en 2002) sur des gisements voués à disparaître
sous les pelles mécaniques des aménageurs. Certes
tous les sites repérés par les générations précédentes
d’archéologues ne font pas l’objet de recherches, mais de
nouveaux sont découverts, comme Roquecourbe à
Marguerittes, le Plan de la Tour à Gailhan ou la Madeleine
à Tornac.
Sur beaucoup de ces oppida des sondages plus ou moins
limités permettent de définir les grandes phases d’occupation et la nature de chacune d’elles : La Font du Coucou à
Calvisson (M. Py de 1970 à 1972) et le Roc de Gachonne sur
la même commune (P. Garmy en 1976), Espeyran à SaintGilles (G. Sauzade et M. Py en 1970, 1971 et 1975),
Villevieille (M. et C. Py en 1972 et 1973), Gauto-Fracho à
Bouquet (B. Dedet en 1973), le Mont Cavalier à Nîmes
(M. Py en 1974), le Grand Ranc à Boucoiran (B. Dedet en
1974), Roquecourbe à Marguerittes (M. Py en 1975),
Castelvielh à Sainte-Anastasie (B. Dedet en 1975), la
Redoute à Beaucaire (M. Py et A. Michelozzi en 1975 et
1976), les Barbes et Fon-Danis à Saint-Laurent-de-Carnols
(D. Goury de 1981 à 1985), Lombren à Vénéjan
(J. Charmasson et B. Dedet en 1985), Saint-Pierre de Castres
à Tresques (A. Leclaire en 1993), le Montaigu à SaintVictor-des-Oules (H. Petitot en 2001).
Plusieurs sites sont fouillés en extension, ce qui permet
d’aborder l'ensemble des problématiques actuelles :
l’Ermitage à Alès (J. Salles de 1952 à 1985), les Castels à
Nages (M. Aliger de 1958 à 1966 puis M. Py de 1967 à
1981), Saint-Vincent à Gaujac (J. Charmasson de 1964
à1988), Vié-Cioutat à Mons (B. Dedet de 1966 à 1979), la
Liquière à Calvisson (F. Py et P. Sauzet de 1967 à 1974),
Roque de Viou à Saint-Dionisy (P. Garmy et M. Py de 1968
à 1975), Mauressip à Saint-Côme-et-Maruéjols (F. Py de
1969 à 1974), Plan de la Tour à Gailhan (B. Dedet de 1975
à 1988), le Marduel à Saint-Bonnet-du Gard (M. Py et
D. Lebeaupin de 1976 à 1990), la Madeleine à Tornac
(B. Dedet et A. Michelozzi en 1977 et 1980), la Roche à
Comps (M. Py et A. Michelozzi de 1979 à 1982), la Jouffe
à Montmirat (B. Dedet, J.-C. Bessac et R. Bonnaud de 1981
à 1985), le Camp de César à Laudun (D. Goury de 1990 à
1999), le Cailar (M. Py et R. Roure depuis 2002).
Ainsi à l’aube du XXIe siècle, si l’on met à part les régions
cévenoles qui forment encore une sorte de terra incognita
due autant à l’état de la recherche qu’à d’autres manières
d’habiter, les données dont nous disposons pour connaître
les oppida gardois se répartissent sur presque l’ensemble du
territoire départemental.
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Carte des
principaux
oppida
du Gard.
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Le réseau des oppida du Gard
L
e département du Gard compte plusieurs
dizaines d'oppida protohistoriques, pour la
plupart connus dès le début du XXe siècle où
ils ont fait l'objet d'inventaires. Les recherches
récentes, entamées à partir des années 1960, n'en ont pas
rajouté beaucoup mais se sont attachées à mieux définir
leurs caractères et notamment leur chronologie, faisant
apparaître une situation plus complexe que ne l'avaient
imaginée les générations antérieures d'archéologues.
Ceux-ci en effet avaient tendance à considérer que tout
ce qui était "gaulois" était à peu près contemporain. Ils
étaient également influencés par les textes anciens,
notamment la Géographie de Strabon qui nous apprend
que Nîmes administrait vingt-quatre "komai" (traduire
"agglomérations") particulièrement peuplées, information
confirmée par Pline qui parle de vingt-quatre "oppida
ignobilia" (c'est-à-dire des habitats secondaires qu'il est
inutile de nommer) : on considérait communément que
les principaux oppida du Gard faisaient partie de ces
sites inféodés à Nîmes, sentiment renforcé par la
découverte sur ce site de l'inscription dite "géographique"
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L'oppidum de Castelvielh à Sainte-Anastasie, dans un méandre du Gardon, habité à diverses périodes du IIe âge du Fer.
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sur laquelle figurent les noms de onze cités antiques
torchis sur poteaux porteurs, et de peu d'étendue, à
régionales.
l'exception de Roque de Viou qui couvre plus de 6 hectares
On a cependant démontré depuis que, parmi les agglomé-
et constitue le plus grand habitat de cette époque dans le
rations que l'on plaçait au nombre des "oppida ignobilia"
département.
de Pline, certaines n'avaient pas été occupées aux mêmes
périodes, et les analyses historiques ont insisté sur le
fait que les textes en question avaient plutôt trait aux
réformes administratives promulguées par Rome lors de
l'organisation coloniale de la Narbonnaise, à partir du
milieu du Ier siècle av. n. è., qu'à une éventuelle situation
pré-romaine. De fait, concernant la répartition territoriale
des oppida du Gard, la parole est revenue à l'archéologie et
à une approche croisée des données chronologiques et
géographiques.
L'histoire des oppida de cette région peut se diviser en
plusieurs étapes. Les premières formes d'oppidum protohistorique remontent à la fin de l'âge du Bronze, vers les
L'oppidum de Gauto-Fracho à Bouquet, où l'on a repéré un village de hauteur du
Bronze final.
Xe-IXe siècles av. n. è., lorsque l'on voit se multiplier les
Pour les premiers temps de l'âge du Fer, au VIIe s. av. n. è.,
installations de plein air, tant en plaine qu'en garrigue, et
on ne connaît que peu d'oppida dignes de ce nom
apparaître de nombreux villages de hauteur de tailles
(citons La Redoute à Beaucaire), mais surtout des petites
diverses. Citons par exemple, dans la plaine de la
installations situées en plaine ou sur des coteaux à
Vistrenque, l'habitat de Languissel sur la commune de
la base de collines calcaires : ainsi Port-Vielh à Aigues-
Nîmes ou de Moulin-Villard à Caissargues ; en Vaunage, les
Mortes, sur le littoral, le Mas Saint-Jean à Bellegarde,
oppida de la Font du Coucou et du Roc de Gachonne à
en bordure des Costières, la Jasse de Roque à Montpezat
Calvisson ; sur le rebord méridional des garrigues, Le
et l'Arriasse à Vic-le-Fesq, en bordure du Bois des
Marduel à Saint-Bonnet-du-Gard et Triple-Levée à
Lens, Montaillon à Sanilhac-et-Sagriès, en bordure des
Beaucaire
à
Garrigues de l’Uzège. Des sites plus importants illustrent
Boucoiran ; en Vidourlenque, la Jouffe à Montmirat ; dans
le VIe s. Les mieux connus sont La Liquière en Vaunage,
le Gard rhodanien, Lombren à Vénéjan ; dans l’intérieur des
sur la commune de Calvisson, et La Jouffe à Montmirat.
Garrigues, Gauto-Fracho à Bouquet. Il n'est pas rare que les
Mais on note également des occupations de cette
installations de cette époque représentent les premières
époque sur les oppida du Marduel et de la Font du Coucou
phases de sites qui seront occupés, continûment ou à
déjà cités, sur l'oppidum des Barbes-et-Font-Danis à
plusieurs reprises, durant les âges du Fer. Cependant, il
Saint-Laurent-de-Carnols, dans la vallée de la Cèze.
s'agit encore le plus souvent d'un habitat peu stable, bâti en
Cette relative raréfaction se note également dans la
;
en
Gardonnenque,
le
Grand-Ranc
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Plan de l'oppidum de Villevieille, dominant Sommières et le Vidourle, siège d'un premier habitat au Ve s. av. n. è., et dont l'occupation reprend et se développe à partir de la
fin du IIe s. av. n. è. et à l'époque romaine (dessin M. Monteil).
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plaine littorale où les sites du VIIe et du plein VIe siècles
C'est à cette époque probablement que s'affirme le rôle de
restent peu nombreux.
Nîmes comme capitale religieuse et probablement politique
Les dernières années du VIe et le Ve siècle av. n. è. repré-
d'une confédération de cités dont les sources historiques
sentent incontestablement une phase de développement
font état sous le nom générique de Volques Arécomiques.
et de stabilisation de l'habitat groupé, et parallèlement
L'occupation d'oppida anciens persiste et se développe,
d'accentuation de l'exploitation des terroirs en plaine.
avec souvent d'importants quartiers suburbains (Le
C'est à cette époque qu'apparaissent sur le littoral
Marduel, Nîmes, Mauressip, Beaucaire), d'autres sont
des agglomérations jouant le rôle de comptoir en
réoccupés et désormais fortifiés, comme l'oppidum de
liaison avec l'accroissement des mouvements d'échange
Roque de Viou au IVe s., Castelvielh à Sainte-Anastasie, la
méditerranéens : ainsi le Cailar au confluent du Vistre
Paradasse-de-Raymonde à Collias et Roquecourbe à
et du Rhôny, et Espeyran à Saint-Gilles au bord du
Marguerittes aux IIIe-IIe siècles. L'aspect monumental des
Petit-Rhône. C'est alors également que débutent dans
fortifications (comme sur l'oppidum des Castels à Nages),
l'arrière-pays des installations longues et continues sur
l'existence de constructions exceptionnelles tels que les
plusieurs sites de hauteur, dont certains resteront occupés
tours sommitales de Nîmes (Tour-Magne), Nages et
à l'époque romaine et au-delà, que sont construits les
Mauressip, l'aspect préconçu et très régulier de certains
premiers remparts monumentaux, que se met en place
urbanismes (Nages) montrent le haut degré de structuration
progressivement un habitat plus stable, fait de pierres
auquel parvient alors la société indigène. Tout le Gard n’est
et de briques crues, et que s'ébauchent les premiers
cependant pas logé à la même enseigne, et la moitié
urbanismes structurés. Ce processus, stimulé par la
septentrionale du département connaît alors une réelle
croissance du commerce qui provoque une mutation
baisse d’occupation.
profonde de la société indigène et qui n'est pas sans créer
La dernière étape, au Ier siècle av. n. è., se déroule en
quelques décalages entre les sites les plus dynamiques et
contexte de romanisation. Il apparaît à l'évidence, à
d'autres restés plus traditionnels, a pu être observé sur de
regarder les oppida de cette époque, que l'intervention
nombreux oppida, tels que le Marduel, Nîmes, Mauressip à
romaine de 123-118 av. n. è. n'a pas eu d'effets immédiats
Saint-Côme-et-Maruéjols, La Roche de Comps au bord du
sur l'histoire des populations gardoises, mais qu'elle a
Rhône, Saint-Vincent à Gaujac, le Camp de César à Laudun,
enclenché un processus très lent d'intégration qui a duré
le Plan de la Tour à Gailhan et Villevieille dans la vallée du
près d'un siècle, avec de nombreux soubresauts que les
Vidourle. Il trouve un écho en plaine dans la mise en valeur
textes anciens laissent deviner. Dans cette période, les
des terroirs de chaque agglomération et le développement
agglomérations protohistoriques vont connaître des destins
des voies de communication que révèlent aujourd'hui les
fort différents selon le rôle qui leur est réservé dans les
grands travaux d'archéologie préventive.
nouvelles structures mises en place par Rome. Nîmes,
La phase suivante, du IVe au IIe s., représente en quelque
favorisée en tant que capitale régionale, montre des signes
sorte la période classique des oppida du IIe âge du Fer,
précoces de romanisation dans l'habitat, et dans son
tandis qu'on observe dans les plaines une sensible déprise.
entourage, un oppidum comme le Serre de Brienne à
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L'oppidum de Roquecourbe à Marguerittes, fréquenté aux VIe-Ve s. av. n. è., puis réoccupé et fortifié au IIIe s. av. n. è.
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Brignon accueille probablement des colons et des artisans
encore assez ouverte à la mobilité des groupes humains ; et
italiens ; sur la Voie Domitienne, Beaucaire connaît un net
le deuxième âge du Fer où se met progressivement en place,
développement ; tout aussi voisin de la future colonie, trop
à partir de la fin du VIe siècle, un certain nombre
voisin peut-être, l'oppidum des Castels à Nages témoigne
d'habitats fortifiés possédant et gérant un territoire
au contraire d'un lent déclin qui annonce son prochain
propre, forme d'oppidum-cité qui constitue l'une des
abandon. Mais les restructurations en cours ne concernent
caractéristiques de la Gaule méditerranéenne. On notera
pas que les bourgades précédemment occupées : de
aussi l’extrême rareté de ces habitats dans les Cévennes
nouveaux oppida sont également créés, souvent sur
micaschisteuses et granitiques, probable reflet d’une
des sites anciennement habités mais désertés depuis
population plus rare et plus clairsemée.
longtemps : ainsi le Camp de César à Laudun, l'Ermitage
Outre les sites mentionnés ci-dessus, plus ou moins
à Alès, Vié-Cioutat à Mons-et-Monteils, Villevieille
étudiés et situés dans un contexte chronologique, un
au-dessus de Sommières. Dans plusieurs cas, on peut
grand nombre d'oppida repérés en surface reste à fouiller,
expliquer ces résurgences par une position favorable sur
à dater et à caractériser : citons par exemple, dans la
une voie de communication terrestre ou fluviale, qui
vallée du Gardon, les oppida du Castellas de Russan à
redonne à ces sites un intérêt stratégique dans les nouvelles
Sainte-Anastasie, du Paradasse de Clastres et du Paradasse
conditions économiques et politiques induites par la
de Raymonde à Collias, les deux enceintes de Labaume I
colonisation. L’Ermitage d’Alès, créé à cette époque à
et II à Serviers-et-Labaume près d'Uzès, l’oppidum de
l’entrée d’une voie transcévenole vers l’Auvergne et le
Suzon, dans le massif du Mont Bouquet. Ces gisements
Centre de la Gaule par laquelle transite un commerce du vin
tout juste entrevus mériteraient des recherches approfon-
italien, en est un exemple caractéristique.
dies : ils peuvent constituer, si l'on sait les protéger
des aménageurs et des fouilleurs clandestins, de
Le réseau des oppida du Gard et son évolution durant près
précieuses réserves pour les recherches à venir sur les
d'un millénaire ne résultent donc pas d'une construction
oppida du Gard.
théorique, pas plus qu'il ne s'explique par des contingences
strictement géographiques : il s'agit avant tout d'un réseau
Pour en savoir plus…
historique, dans le sens qu'il dépend intimement de
l'histoire des sociétés de ce temps, de leurs héritages
B. Dedet et M. Py, Introduction à l'étude de la Protohistoire
culturels, de leur économie, de leur fonctionnement propre,
en Languedoc oriental, ARALO, cahier n°5, Caveirac, 1976.
des rapports qu'elles entretinrent avec leur territoire de vie
M. Py, Culture, économie et société protohistoriques dans la
et avec leurs voisins, des hiérarchies qui au cours du temps
région nîmoise, Collection de l’Ecole Française de Rome,
s'élaborent entre elles. De ce point de vue on distinguera
131, Rome-Paris, 1990, 2 vol.
assez nettement les premières phases, au Bronze final et au
M. Py, Les Gaulois du Midi, de la fin de l'Age du Bronze à
Ier âge du Fer, où un habitat peu durable, dispersé en
la conquête romaine, collection "La mémoire du temps",
communautés de petite taille, laisse imaginer une situation
Hachette, Paris, 1993, 288 p., 51 fig.
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Zone d'implantation de l'oppidum de Nîmes établi sur les pentes méridionales du Mont Cavalier et de la ville basse s'étendant jusqu'à la Maison Carrée et à la place Jules
Guesde (d'après Monteil 1999).
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L’oppidum de Nîmes
L
’habitat protohistorique de Nîmes
(ΝΑΜΑΥΣΟΣ/Nemausus), qui fut certainement
au deuxième âge du Fer le plus important du
Gard, est paradoxalement aussi l’un des moins
bien connus. Les travaux du début du XXe
siècle qui s’intéressèrent au passé préromain de la ville
apportèrent beaucoup de confusion en attribuant à cette
époque toute une série "d’enceintes gauloises" qui pour la
plupart n’étaient que des enclos agricoles médiévaux ou
modernes. Les recherches de ces dernières années ont
montré que l’agglomération préromaine s’étendait principalement autour de la source de La Fontaine, au sommet et sur
les pentes méridionales du Mont Cavalier d’une part, et assez
loin en plaine vers le sud d’autre part.
Aucun habitat groupé n’est connu, sur le site de Nîmes
antique, avant la fin du VIe siècle av. n. è. Seule est
signalée, pour une phase ancienne de la Protohistoire, la
découverte isolée d’une fibule du VIIe siècle au quartier du
Fort.
C’est à la fin du VIe siècle et au cours du Ve siècle qu’un
premier habitat, fait de maisons construites en matériaux
légers sur poteaux porteurs, s’installe près de la source
(terrasses avec murs de soutènement de Villa Roma), sur la
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Vue aérienne du site de l'oppidum de Nîmes, prise du sud, avec indication des principales zones de découvertes préromaines (1 : Tour Magne ; 2 : terrasse du Mas Rouge ; 3 :
source de la Fontaine ; 4 : Villa Roma ; 5 : Canteduc ; 6 : avenue Franklin Roosevelt ; 7 : Maison Protestante ; 8 : rue Pasteur ; école Jean Jaurès ; 10 : place Jules Guesde ;
11 : Médiathèque ; 12 : Maison Carrée ; 13 : Fontaine des Bénédictins ; 14 : les Hespérides ; 15 : les Villégiales des Bénédictins).
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face méridionale du Mont Cavalier (terrasse du Mas Rouge),
à sa base sud-ouest (avenue Roosevelt, Maison Protestante)
et sud-est (fouilles de la Fontaine des Bénédictins, des
Hespérides et des Villégiales) et assez loin vers le sud
jusqu’à la place Jules Guesde. Les restes observés cependant
sont très dispersés et pourraient correspondre à un
ensemble de hameaux séparés par des aires cultivées.
À la fin du Ve et au IVe siècle av. n. è., des maisons avec
des murs en pierre remplacent les cabanes de bois et de
torchis sur le Mont Cavalier. Une première enceinte est
alors construite : en témoignent la nervure centrale de la
courtine et un bastion quadrangulaire repérés en fondation
au centre du blocage préromain de la Tour Magne.
Au cours du IVe siècle, l’habitat connaît semble-t-il une
phase d’extension : vers le nord-est d’une part (quartier de
la Révolution), comme l’indiquent les découvertes
anciennes de la rue Ménard et les fouilles récentes de la rue
Pasteur ; vers le sud d’autre part, comme le montre un
sondage à l’angle de la rue Saint-Laurent et du boulevard
Jean Jaurès, où l’on a rencontré deux salles contiguës dont
les murs bâtis en pierre déterminaient un axe d’urbanisme
de même orientation que les constructions romaines et
modernes qui les surmontaient.
Le début du IIIe siècle est mal connu, aussi bien sur la
hauteur qu’en plaine. Mais la fin de ce siècle et le suivant
sont marqués par une nouvelle phase d’extension et de
reconstruction. C’est de cette époque sans doute que date
l’édification de la tour monumentale en pierre sèche à plan
ovale qu’englobera plus tard la maçonnerie augustéenne de
la Tour Magne ; à l’ouest, le quartier de Canteduc est
densément occupé ; au sud, rue Saint-Laurent, les
habitations précédentes sont reconstruites selon les mêmes
axes ; au sud-est, la ville s’étend au moins jusque dans le
secteur de la Médiathèque, où l’on a retrouvé les restes
d’un quartier de la fin du IIIe siècle fait de cases contiguës,
et à l’est jusqu’aux abords du quartier du Fort. Un fossé
profond bordé par un mur étroit, dont un tronçon a
Restitution de la Tour Magne préromaine vue depuis l'intérieur de l'enceinte (état des
IIIe-IIe s. av. n. è., d'après un dessin de J. Varène).
été observé place Jules Guesde, servait apparemment de
limite méridionale à la cité dont la surface occupait,
de manière discontinue cependant, une vingtaine
d’hectares.
Le gain de l’agglomération vers les terres basses se
poursuit à la fin du IIe et au Ier siècle av. n. è., période pour
laquelle des trouvailles sporadiques montrent une présence
plus loin vers le sud (rue Benoît Malon, place Questel).
Sous la Médiathèque, les fouilles ont montré un
remaniement des habitations précédemment installées,
avec création d’une rue empierrée séparant plusieurs îlots ;
au-delà du boulevard Victor Hugo, près de la Maison
Carrée, plusieurs quartiers sont urbanisés. À cette époque,
l’habitat de hauteur du Mont Cavalier semble cependant
moins fortement occupé qu’auparavant (mais aucune
fouille d’envergure n’y a été menée et les remaniements
consécutifs à la création de l’Augusteum à l’époque
romaine et des Jardins de la Fontaine au XVIIIe s. ont pu
faire disparaître bien des choses). À l’entrée occidentale du
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Fouilles en bordure de l'esplanade de la Maison Carrée, faisant apparaître des quartiers d'habitation des IIe-Ier s. av. n. è. (cliché M. Célié).
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Jardin de la Fontaine, non loin de la source, une grande
salle à portique du Ier siècle av. n. è., de construction
soignée, a été dégagée (puis réenfouie) : il s’agissait à
l’évidence d’un bâtiment public, mais sa destination exacte
(religieuse ? civique ?) n’a pu être déterminée par la fouille.
L’urbanisation romaine précoce (milieu du Ier siècle
av. n. è.), puis la construction de l’enceinte augustéenne
consacreront le déplacement de la ville vers la plaine, qui
apparaît aujourd’hui avoir été largement amorcé au cours
du IIe âge du Fer.
Ce que l’on savait de Nîmes préromaine, par les textes
antiques, l’épigraphie et la numismatique, indiquait bien
l’importance régionale de cette cité. Mais jusqu’à un
passé récent, l’archéologie ne pouvait apporter que des
témoignages très partiels de ce rôle particulier. Les
découvertes effectuées ces dernières années sous la ville
moderne ont sensiblement renouvelé le point de vue que
l’on pouvait avoir sur l’extension de l’habitat au cours du
IIe âge du Fer, et montré que dès le IVe, voire le Ve siècle
av. n. è., l’agglomération nîmoise avait sans doute des
dimensions sensiblement supérieures à celles des habitats
contemporains de la région.
Cependant de nombreuses incertitudes subsistent : sur la
structure et les orientations de l’urbanisme aux différentes
époques de la Protohistoire et ce qu’a pu fossiliser la
cadastration urbaine actuelle ; sur le tracé et les éventuelles
extensions de l’enceinte préromaine, dont on ne connaît
réellement qu’un minuscule tronçon au sommet du Mont
Cavalier (sa mise en relation avec le fossé de la Place Jules
Guesde reste pour l’heure une hypothèse fragile) ; sur la
répartition des zones d’habitat et des zones publiques,
notamment autour du sanctuaire de la source de la
Fontaine (dont la parure monumentale n’est attestée qu’à
partir de l’extrême fin de l’âge du Fer) ; ou encore sur
l’articulation de l’habitat indigène et de la ville romaine qui
lui succède. Les données ponctuelles dont nous disposons,
qu’on pourrait assimiler à quelques pièces dispersées
Vue générale du chantier de la place Jules Guesdes prise du nord, avec au premier
plan des structures d'habitat préromaines (IIIe-IIe s. av. n. è.) (cliché M. Célié).
d’un vaste puzzle, risquent pour longtemps encore de ne
permettre qu’une approche très partielle de ces questions.
Pour en savoir plus…
M. Py, Recherches sur Nimes préromaine, habitats et
sépultures, Gallia, sup.41, Paris, 1981.
M. Monteil, Nimes antique et sa proche campagne,
Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 3, Lattes,
1999.
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Vue aérienne de l'oppidum des Castels, prise du nord-est (cliché L. Monguilan).
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L'oppidum des Castels
L
es fouilles qui ont été menées sur l'oppidum des
Castels, à Nages-et-Solorgues, de 1958 à 1981,
constituent la source d'information la plus
abondante sur le IIe âge du Fer du Gard.
L'oppidum prend place sur une colline peu
élevée, d'une altitude maximale de 160 m, située en
bordure de la plaine de la Vaunage, et fréquentée précédemment au Chalcolithique. L'habitat préromain y débute au IIIe
siècle ; sa création a été mise en relation avec l'abandon de
l'oppidum voisin de Roque de Viou, alors déserté ; cependant
cette hypothèse a été récemment contestée au profit d'une
plus grande indépendance de l'histoire des deux sites.
On connaît en effet mal la première étape de l'habitat (Nages
I : vers 300-250 av. n. è.) dont les restes se retrouvent épars
sous les aménagements ultérieurs. On a attribué à cette
époque un rempart à plan grossièrement rectangulaire
(enceinte 1), qui pose cependant encore de nombreuses
questions de topographie et d'interprétation. À l’intérieur, on
a rencontré des bribes de sols avec des foyers et des
céramiques culinaires qui pourraient correspondre, plutôt
qu'aux restes d'une première ville, aux traces laissées par les
constructeurs de la cité de Nages II dont l'édification a pu
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Plan de l'oppidum des Castels avec indication des enceintes successives (1-5) et des
différents quartiers de fouille (A-L) (dessin M. Py).
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Vue aérienne de l'angle nord-ouest de l'enceinte 2 édifiée au milieu du IIIe s. av. n. è.
(cliché L. Monguilan).
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Tour d'angle monumentale à double parement de l'enceinte 2 de l'oppidum des Castels (milieu du IIIe s. av. n. è.), englobée dans des constructions postérieures (cliché M. Py).
représenter un chantier considérable s'étendant sur
plusieurs années.
La deuxième phase (Nages II ancien : vers 250-175 av.
n. è.) est marquée par la création d'un puissant rempart
(enceinte 2) englobant un habitat dont le plan est très
régulier (quartier A, premier état). Des fouilles étendues ont
concerné l'angle nord-ouest de cette fortification. La
courtine est faite d'un double mur construit d'un seul jet,
renforcé par un fossé et un avant-mur dans le secteur L.
L'angle nord-ouest est muni d'une tour monumentale à
double épaisseur, de chaque côté de laquelle se répartissent
tous les 15 mètres environ des tours ordinaires semi-ovales.
Un escalier permet d'accéder à un chemin de ronde au
sommet de la courtine derrière la tour monumentale à
partir de la place du Refend sud. Ce rempart a été repéré
assez bas sur le flanc est de la colline : il se peut qu'il ait
englobé la source de Nages, comme l'indiquerait un
tronçon de muraille engagé sous les réservoirs d'époque
romaine proches du point d'eau. C'est dans ce secteur qu'a
été trouvé le célèbre linteau de Nages, orné de têtes coupées
et de chevaux en bas-relief, et qui a pu appartenir soit à un
sanctuaire de source, soit à une porte du rempart.
À l'intérieur de cette enceinte, mais suivant une direction
indépendante de celle des courtines (en fait le sens de la
pente dominante du terrain), l'habitat se répartit en îlots de
même module. Les quartiers sont très allongés, parallèles
entre eux et séparés par de larges rues, reliées seulement,
dans la partie fouillée, par une voie de circulation ménagée
le long d'une rangée de cases bâties contre le parement
intérieur de la fortification. Dans chaque îlot, les
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Tours S1 de l'enceinte 2 de l'oppidum des Castels (milieu du IIIe s. av. n. è.) conservée sur une hauteur de 4 mètres (cliché M. Py).
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habitations sont elles-mêmes de forme et de taille
semblables : des maisons à une pièce rectangulaire,
accolées bout à bout par leur petit côté, et probablement
munies d'une cour en bordure de rue. Cet habitat, fondé au
milieu du IIIe siècle av. n. è. reste en usage jusqu'au
début du IIe siècle ; il donne l'impression d'une étonnante
uniformité.
Le mobilier de cette époque, qui provient essentiellement de
grands dépotoirs, est dominé par une poterie non tournée
(urnes, coupes, jattes et couvercles) qui se place dans la
tradition régionale et relève du faciès "rhodanien", culture
caractérisant les deux rives du Rhône. La preuve de sa
fabrication locale est apportée par plusieurs fours de potier
retrouvés à l'extérieur de l'enceinte. Les céramiques
étrangères sont minoritaires et se partagent entre produits
de Marseille et vaisselle italique importée de Rome ou de
Campanie. Le mobilier en métal (armes et parures) et
en verre (bracelets) est ici comme ailleurs de typologie
celtique. Les monnaies, encore très rares, viennent toutes de
Marseille.
La troisième phase (Nages II récent : vers 175-100 av. n. è.)
voit par étapes un agrandissement considérable de la
surface de l'oppidum. Dans un premier temps (deuxième
quart du IIe siècle), on assiste à la fois à un remodelage de
l'ancien quartier (secteur A) et à une extension de l'habitat
vers l'ouest (secteurs L et D). Dans le secteur A, les îlots de
la ville de Nages II ancien sont doublés en largeur par ajout
devant les cases primitives d'une ou deux pièces incluant
dans le bâti la zone extérieure privative attribuée à chaque
lot durant l'époque précédente. Cet élargissement se fait
d'un coup, avec une coordination et une régularité égales à
celles qui avaient présidé à la création des îlots, les rues
étant exactement divisées par deux en largeur et les
nouvelles façades parfaitement alignées. Une certaine
diversité règne par contre désormais dans l'organisation
interne des habitations, dont le plan n'a plus le caractère
Série de tours ordinaires régulièrement espacées sur la face nord-est de l'enceinte 2
de l'oppidum des Castels (milieu du IIIe s. av. n. è.) (cliché M. Py).
uniforme des cases antérieures, mais qui réunissent
désormais plusieurs pièces aux fonctions différentiées.
L'extension de l'oppidum vers l'ouest est contemporaine de
ces faits (vers 175 av. n. è.). Elle est concrétisée par la
création de l'enceinte 3, sur le flanc ouest de la colline :
puissant mur double, dessinant un angle arrondi au nordouest, doublé d'un avant-mur au sud-ouest et rejoignant
l'une des tours de l'angle du rempart antérieur. Cette
nouvelle fortification protège des îlots d'habitation
orthonormés et alignés à la courtine de l'enceinte 2 (secteur
L). Le tissu urbain est ici plus aéré que dans le "vieux
quartier", et les maisons, dont certaines sont dès l'origine à
plusieurs pièces, plus spacieuses. Plusieurs tours sont
arasées, totalement ou à moitié, pour appuyer des maisons
au rempart englobé ; des drains et des caniveaux protègent
les habitations des infiltrations.
Dans un second temps, vers 125 av. n. è., la ville est à
nouveau agrandie, cette fois vers le nord. C'est la création
de l'enceinte 4, qui s'appuie à l'ouest sur l'angle de
l'enceinte 3, et vient reprendre à l'est, en la doublant, la
face orientale de l'enceinte 1. L'angle nord-ouest de cette
nouvelle enceinte, où aboutissait le chemin d'accès
principal (dit "chemin des collines", traversant l'ancien
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Plan des quartiers centraux de l'oppidum des Castels faisant apparaître les différentes phases de construction (dessin M. Py).
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oppidum de Roque de Viou), est renforcé par trois
puissantes tours, protégeant chacune une porte étroite.
Trois autres poternes de même largeur, mais sans renfort
particulier, sont connues sur la face nord, à l'angle nord-est
et sur la face est. La courtine est faite d'un mur central
doublé à l'extérieur par un mur épais et à l'intérieur par un
parement plus mince.
Plusieurs quartiers d'habitat contemporains de l'enceinte 4
ont été fouillés au centre de l'oppidum. On a montré
notamment que la rue principale du secteur L avait alors été
prolongée vers le nord et qu'elle épousait ensuite la forme
de la tour monumentale E1, pour venir dans le secteur J
parallèlement à la face nord de l'enceinte 2, alors totalement englobée et en partie ruinée. Des maisons sont
construites dans les secteurs J et K, formant un urbanisme
régulier. Les dépotoirs accumulés contre l'enceinte 2 sont
contenus par des soutènements bâtis. Mais la trame de
l'habitat est assez lâche et les aires non construites sont
courantes.
Le mobilier du IIe siècle est peu différent de celui de la
phase antérieure : céramiques non tournées prépondérantes, aux formes témoignant d'une grande stabilité,
proportion faible quoiqu'en augmentation de la vaisselle
achetée à l'extérieur, parures en bronze et en verre et armes
en fer de type celtique. Les principaux changements
consistent dans la progression très nette des importations
d'Italie (amphores gréco-italiques et vases campaniens A) et
dans une certaine diversification des approvisionnements
(vases ibériques et régionaux, premières monnaies locales),
signant le déclin du monopole de Marseille sur les échanges
de cette zone.
Le Ier siècle av. n. è. est, sur l'oppidum des Castels,
globalement une phase de récession. Dès le début du siècle
(Nages III ancien : vers 100-70 av. n. è.), certaines maisons,
en pleine ville, sont abandonnées et leur emplacement
utilisé comme aire de rebut. Des espaces libres ne seront
Vue du quartier A de l'oppidum des Castels, construit au milieu du IIIe s. av. n. è. et
remodelé au début du IIe s. (cliché M. Py).
Maisons du quartier A de l'oppidum des Castels, le long de la rue XI-XII (milieu IIIeIer s. av. n. è.) (cliché M. Py).
jamais bâtis. Cette période, et la suivante (Nages III
moyen : vers 70-30 av. n. è.), ne connaissent en fait que peu
de constructions nouvelles : tout juste une petite habitation
du secteur J, un bâtiment public dans le secteur A et une
maison à plusieurs pièces contiguë à ce dernier.
Le bâtiment public dont il est question a été interprété,
avec raison sans doute, comme un fanum, c’est-à-dire
un petit temple de type celtique, en se fondant notamment
sur son plan fait de deux quadrilatères imbriqués. Mais
d'autres aspects de cet édifice témoignent d'influences
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Parements et poterne de l'enceinte 4
sur le flanc oriental de l'oppidum
des Castels (deuxième moitié du IIe s.
av. n. è.) (cliché M. Py).
Maison à plusieurs pièces du
quartier L de l'oppidum des Castels
(IIe-Ier s. av. n. è.), construite à
l'extérieur de l'enceinte 2, contre la
tour S1 (cliché M. Py).
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méditerranéennes : ainsi, l'un des côtés de la cella (salle
centrale) et la façade étaient munis d'une colonnade de
pilastres monolithes aux angles chanfreinés, un bloc
mouluré appartenait sans doute à un cloisonnement
interne et le toit, soutenu par une puissante charpente en
sapin, était couvert de tuiles plates et rondes (tegulae et
imbrices) à la mode romaine.
Les autres transformations observées dans l'architecture
consistent principalement dans la réutilisation des
structures du IIe siècle, moyennant quelques aménagements de détail qui affectent l'organisation des bâtiments,
avec une tendance à la division de l'espace intérieur et à la
spécialisation de certaines pièces (greniers, ateliers
artisanaux, boutiques). Le déclin de la cité s'accentue vers
30-20 av. n. è. lorsque les quartiers les plus récemment
créés sont abandonnés et bientôt ruinés, l'habitat se resserrant autour du fanum dans le secteur A (Nages III final, 30
av./10 de n. è.). Toute vie cesse sur l'oppidum dans les
premières années de notre ère, quand le fanum est
brutalement incendié. Seul subsiste au sommet de la tour
monumentale E1 un petit culte de hauteur jusque vers
20-40 de n. è.
Le mobilier illustrant la dernière période de l'occupation
protohistorique témoigne à Nages d'un double
phénomène : c'est d'une part un renouvellement sensible de
l'équipement matériel, marqué par l'évolution rapide des
productions traditionnelles (céramiques locales finies au
tour), un fort développement du commerce italien, mais
aussi des fabriques régionales et de l'économie monétaire,
conséquences d'une évolution des modes de production et
de diffusion, où l'artisanat spécialisé et la circulation
élargie des objets font éclater l'autarcie du système
domestique. Mais c'est aussi d'autre part un décalage qui
s'accentue entre l'oppidum indigène, préservant dans de
nombreux domaines les héritages du passé, avec la colonie
voisine de Nîmes où les signes de romanisation sont
Mobilier caractéristique de la phase II de l'oppidum des Castels (IIe s. av. n. è.) :
céramiques non tournées locales (urnes, jattes, couvercle), vase-balustre d'origine
celtique, bols campaniens, chenet en terre cuite (clichés M. Py).
beaucoup plus tangibles.
Signalons pour mémoire que le site des Castels sera
ponctuellement réoccupé sous l'effet d'une menace
pressante, au milieu du IIIe siècle de n. è. (Nages IV). Un
dernier rempart sera construit dans le quart nord-ouest de
l'oppidum préromain (enceinte 5), protégeant des maisons
en pierre sèche hâtivement bâties et habitées peu de temps.
La découverte d'un petit trésor monétaire dans l'une de ces
habitations a permis de mettre cette courte réoccupation de
la hauteur en relation avec l'invasion des Alamans en
259/260 de n. è.
L'oppidum des Castels fournit un exemple particulièrement
clair des caractères et des étapes du développement d'une
agglomération de la fin de la Protohistoire, pour deux
raisons : d'une part le site n'a été que très partiellement
réoccupé après cette époque, et l'état préromain est bien
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Restitution du quartier L de l'oppidum des Castels construit au milieu du IIe s. av. n. è. à l'extérieur de l'enceinte 2 et habité jusqu'au milieu du Ier s. av. n. è.
(d'après un dessin d'A. Michelozzi).
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Le fanum (petit temple) de l'oppidum des Castels vu du sud : cella centrale entourée d'un péribole, Ier s. av. n. è. (cliché M. Py).
conservé ; d'autre part, l'histoire de l'architecture s'inscrit
sur le terrain en stratigraphie horizontale, le périmètre
urbain ayant été plusieurs fois agrandi, ce qui permet de
lire aisément les grandes lignes des structures plus
anciennes. Ainsi peut-on étudier quatre enceintes, réparties
dans le temps entre le début du IIIe siècle et la fin du IIe
siècle av. n. è., et plusieurs quartiers de fondation successive (milieu IIIe, début IIe, milieu IIe siècle), à travers lesquels
transparaît l'évolution de la conception de la maison, de
l'urbanisme et de la fortification.
Ce résumé de l'histoire de l'oppidum ne donne en fait
qu'une mince idée de l'apport considérable de ces fouilles à
la connaissance typologique et ethnographique de l'habitat.
Certes, cette histoire a été sans heurts : aucun incendie,
sinon ponctuel, n'est venu figer les documents à leur place
originelle. L'entretien poussé des sols, d'où résultent de
nombreux dépotoirs, prive de beaucoup d'éléments
d'appréciation sur l'utilisation quotidienne des lieux
domestiques. Cependant cette indigence dans le détail est
compensée par le nombre des observations dans le
domaine de l'habitat privé, mais aussi dans les aménagements à caractère collectif, et donc par la possibilité de
recouper l'information à divers niveaux. Cette abondance,
et la clarté d'une stratigraphie parfois très fine (notamment
dans les dépotoirs), permettent enfin une approche détaillée
de la culture matérielle des IIIe-Ier siècles précédant
notre ère.
Pour en savoir plus…
M. Py, L'oppidum des Castels à Nages, Gard, fouilles 19681974, Gallia, sup. 35, Paris, 1978, 363 p., 148 fig.
M. Py, Les Castels, oppidum de Nages, ARALO, Guide n°2,
Caveirac, 1980, 48 p., 44 fig., 2 pl. hors texte.
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Vue aérienne de l'oppidum de Roque de Viou prise du nord ; au second plan, on aperçoit les fortifications de l'oppidum voisin des Castels à Nages (cliché L. Monguilan).
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L'oppidum de Roque de Viou
L
'oppidum de Roque de Viou, voisin de celui des
Castels à Nages, occupe un plateau calcaire
dominant la plaine de la Vaunage, sur la
commune de Saint-Dionisy. Découvert au
début du XXe siècle, il a fait l'objet de fouilles programmées
de 1968 à 1975.
Le site a connu dans l'Antiquité trois occupations. La
première, à la fin de l'âge du Bronze (période du Bronze final
IIIb, IXe siècle av. n. è.), a été dénommée Roque de Viou I.
La seconde, qui couvre la deuxième moitié du IVe siècle av.
n. è., a pu être divisée en deux temps : phase II ancien (de
350 à 325 environ) et phase II récent (de 325 à 300 environ).
La troisième occupation appartient au début de l'époque
romaine (de 25 av. n. è. à 50 de n. è. environ) et reste très
limitée dans l'espace.
L'habitat du Bronze final couvre l'ensemble du plateau et la
partie supérieure des pentes ouest et sud. Il ne semble pas
avoir été protégé par un rempart, du moins en pierres. Des
traces d'habitations ont été repérées dans tous les secteurs
explorés, ce qui laisse penser que le village était très étendu
(on estime sa surface à plus de 6 hectares). Il s'agit dans tous
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Plan de l'oppidum de Roque de Viou : alignement de cabanes du Bronze final (E),
rempart (A, D, G) et habitations (B, C, F) du IVe s. av. n. è. (dessin M. Py).
Rocher calcaire entaillé à l'emplacement d'une habitation du Bronze final IIIb
(IXe s. av. n. è.) dans le secteur E de l'oppidum de Roque de Viou (cliché M. Py).
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les cas de cabanes en matériaux périssables, sur poteaux
porteurs, dont nous reste le fond généralement entaillé
dans le rocher calcaire. Les sols sont établis soit à même le
substrat, soit sur un remblai de pierraille ; on y rencontre
des foyers en lentilles de charbons ou en plaques d'argile.
Les calages de poteau sont rares.
Le mobilier de cette époque appartient au faciès "mailhacien I" du Languedoc (dénommé d'après le site éponyme de
Mailhac, dans l'Aude), caractérisé par une abondante
céramique non tournée souvent ornée de motifs incisés au
double trait. Le mobilier métallique, uniquement en bronze,
est rare. Les restes de faune retrouvés sur les sols des
habitations témoignent de l'importance de l'élevage dans
l'économie et de pratiques de chasse actives, concernant
notamment le gros gibier (cerf et sanglier).
La deuxième occupation (Roque de Viou II) se superpose à
Céramiques non tournées de faciès "mailhacien I" (IXe s. av. n. è.) recueillies sur
l'oppidum de Roque de Viou (clichés M. Py).
l'habitat du Bronze final sur le même emplacement et sur
remblai, munis de foyers d'argile et parfois entourés de
une surface à peu près égale. Mais dès l'abord, ce nouveau
banquettes de pierre.
village est muni d'un rempart en pierre sèche. Cette
Plusieurs modifications interviennent lors de la phase II
fortification protège la face ouest du site, à l'endroit où les
récent, à la fin du IVe siècle. La courtine du rempart est par
pentes sont les plus faibles, et se referme en tenaille au nord
endroits doublée en largeur (notamment dans le secteur de
et au sud pour rejoindre les fortes déclivités qui dominent
la porte charretière), de telle sorte qu'on obtient un mur
la plaine de la Vaunage et servent de ce côté de défense
double, l'ancien parement noyé dans le blocage jouant dès
naturelle. Dans son premier état, le rempart est fait d'un
lors le rôle de chaînage interne. Des dépotoirs s'accumulent
mur simple. L'entrée principale est au nord ; elle est ren-
contre ce nouveau mur.
forcée par deux bastions et par deux tours rectangulaires
L'habitat est également transformé. De nouvelles maisons à
situées à l'arrivée de la voie d'accès. On a fouillé deux
pièce unique sont construites, soit contre la face intérieure
petites carrières en liaison avec cette construction.
du rempart, soit à l'intérieur de l'enceinte. Mais dans
Dans l'enceinte sont bâties des habitations en pierre. À ce
d'autres cas, un cloisonnement ou un ajout conduit à la
stade, la trame de l'habitat ne semble pas encore très
mise en place de maisons à plusieurs pièces. On a peu d'idée
serrée, de nombreux espaces libres subsistent. Les fouilles
sur le plan d'urbanisme à cause de l'exiguïté des fouilles,
ont fourni des exemples de maisons quadrangulaires à une
mais des alignements visibles en surface laissent entrevoir
pièce, à l'intérieur desquelles les sols sont aménagés par
une certaine régularité dans la disposition des quartiers.
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Restitution d'une cabane du
Bronze final IIIb de l'oppidum de
Roque de Viou (dessin M. Py).
Vue aérienne de l'extrémité nord de la fortification de Roque de Viou II (deuxième moitié du IVe s. av. n. è.) avec tours rectangulaires, porte charretière et bastion
(cliché L. Monguilan).
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Une des tours rectangulaires de l'enceinte de Roque de Viou II, construite vers 350 av. n. è. (cliché M. Py, pris de l'est).
À noter l'établissement d'une maison hors les murs, devant
de vases achetés à l'extérieur (coupes à boire, cruches,
l'une des tours du rempart, le long du chemin d'accès à
amphores à vin) illustrent des relations commerciales
l'oppidum. Les sols des maisons de la fin du IVe siècle sont
principalement avec Marseille. Des monnaies d'argent
en général en terre battue. Les banquettes de pierre courant
(oboles) sont également d'origine massaliète, tandis que le
le long des murs sont fréquentes. Des restes de toits
mobilier métallique (ustensiles en fer, parures en bronze)
effondrés indiquent une couverture de terre sur branchages.
reste peu fréquent.
Plusieurs exemples de foyers d'argile décorés ont été
Vers 300 av. n. è., le village est déserté, apparemment de
observés.
manière paisible. On a supposé que les habitants se
On trouve dans les maisons et les dépotoirs de Roque de
transportaient alors sur l'oppidum de Nages voisin, dont
Viou II de nombreuses céramiques non tournées de
l'occupation débute à cette époque, mais cette hypothèse a
production locale (urnes, coupes, jattes, couvercles) qui
été discutée.
désormais se rattachent à un "faciès rhodanien" commun
La colline ne sera pas réoccupée en tant qu'habitat.
avec la Provence occidentale. À leur côté, un petit nombre
Cependant, à la fin du Ier siècle av. n. è., un petit groupe de
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Habitations en pierres de Roque de Viou II (deuxième moitié du IVe s. av. n. è.) dans le quartier F de l'oppidum (cliché M. Py).
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bâtiments isolés, qu'on interprète comme un sanctuaire
rustique et ses dépendances, sera implanté contre la
fortification de l'âge du Fer. Cet édifice restera en usage
jusque vers le milieu du Ier siècle de n. è.
Le site de Roque de Viou est à bien des égards
exemplaire : c'est le plus vaste habitat du Bronze final
du Languedoc oriental, et aussi le plus important
gisement du IVe siècle av. n. è. Pour la première période,
il offre la possibilité d'appréhender la topographie d'un
village fait de cabanes précaires, dispersées sur un
vaste plateau, et de poser le problème du statut d'une telle
agglomération. La fouille de plusieurs cabanes dont
les structures de bases sont conservées, outre les
renseignements qu'elle apporte sur le mobilier, permet de
définir mieux que partout ailleurs les caractères de
Céramiques de la phase II de l'oppidum de Roque de Viou (deuxième moitié du IVe s.
av. n. è.) : urne "rhodanienne" provenant le la région de l'étang de Berre, coupe et
couvercle non tournés locaux, céramique grecque d'Occident (clichés M. Py).
l'habitation de cette époque, son plan et son utilisation.
Enfin, l'existence d'une stratigraphie à l'intérieur du Bronze
Enfin, la découverte d'un édifice public, probablement
final IIIb a introduit la notion de durée dans l'étude de cette
religieux, isolé de tout contexte urbain et bâti à l'époque
phase.
augustéenne contre le rempart protohistorique, offre
L'oppidum de Roque de Viou II, quant à lui, concerne
l'exemple d'une permanence de structures et partant de
une période encore peu attestée sur les autres gisements
mentalités indigènes, en pleine période de romanisation.
du Languedoc oriental : le fait que les lieux n'aient pas
été réoccupés par la suite, si ce n'est ponctuellement, a
Pour en savoir plus…
permis que se conserve intacte l'organisation d'une cité bâtie
en pierre parmi les plus anciennes de la région. Aussi, la
P. Garmy, Cinq ans de recherches sur l'oppidum de Roque
documentation recueillie sur les maisons est-elle précieuse
de Viou, Revue Archéologique de Narbonnaise, 7, 1974,
pour aborder la question de la mise en place de l'urbanisme
p.1-24.
indigène qui se développera dans les siècles suivants.
P. Garmy et M. Py, Deux cabanes stratifiées de l'Age du
Il en va de même pour les fortifications : celle de Roque de
Bronze final IIIb sur l'oppidum de Roque de Viou à Saint-
Viou II, dont le plan est connu en entier, et dont une
Dionisy, Gard, Gallia Préhistoire, 19, 1976, p.239-264.
portion notable a été dégagée, constitue un maillon
P. Garmy et M. Py, Nouvelles données sur l'oppidum de
essentiel pour l'étude de l'évolution des ouvrages défensifs
Roque de Viou (Gard), fouilles 1972-1975, Bulletin de
entre le Ve et le IIe siècle av. n. è.
l'Ecole Antique de Nîmes, 15, 1980, p.27-90.
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L'oppidum de La Liquière à Calvisson, vu de la plaine de la Vaunage (cliché M. Py).
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L'oppidum de La Liquière
L
e village perché de La Liquière, sur la
commune de Calvisson, date du Ier Age du Fer.
Il se situe au nord d'un vaste plateau dominant
la plaine de la Vaunage, à l'aplomb du hameau
de Sinsans, non loin de la source des Demoiselles. On évalue
sa surface entre 1 et 2 ha ; rien n'indique une quelconque
fortification. Identifié au début du XXe siècle, il a fait
l'objet de fouilles programmées entre 1967 et 1974.
L'intérêt du site réside dans le fait qu'il a été habité
durant une période relativement courte, entre la fin du
VIIe et la fin du VIe siècle avant notre ère, et peu
fréquenté ensuite (tout juste y repère-t-on quelques
traces d'époque romaine). La stratigraphie comparée
des habitations et des zones de passage ou d'activité
extérieures a permis de distinguer plusieurs phases au cours
de l'occupation protohistorique.
La première période couvre les dernières décennies du VIIe
siècle. Elle voit la construction d'habitations sur poteaux
porteurs dans des dépressions aménagées dans le substrat
rocheux. Cette taille est conditionnée par la direction des
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Répartition des cabanes fouillées sur l'oppidum de La Liquière en bordure de plateau (d'après un relevé de J. Gauthey).
Restes de la cabane L3 de l'oppidum de La Liquière
(fin VIIe-milieu VIe s.), dominant la plaine de la
Vaunage (cliché P. Sauzet).
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strates du calcaire, ce qui explique le contour assez
irrégulier de ces premières maisons dont le plan se
rapproche tantôt d'un rectangle, tantôt d'un ovale. Une
petite construction à plan circulaire est par ailleurs munie
d'un muret de soutien extérieur. L'élévation des parois, ici
comme dans la suite, devait être construite en torchis sur
armature de poutrage et de clayonnage. Plusieurs trous de
poteau ont été observés sur le pourtour des habitations,
notamment dans les angles et près des ouvertures. Le sol de
ces cabanes, sur lequel on retrouve des foyers lenticulaires
et des amas de cendres et de tessons, était établi soit à
même le rocher aplani, soit sur des remblais d'argile et de
cailloutis lorsque le substrat était irrégulier.
Une deuxième étape s'inscrit dans le premier tiers du VIe
siècle. Le sol de plusieurs habitations précédentes est refait
radier de pierres. Certaines cabanes sont agrandies à cette
Mobilier caractéristique de l'oppidum de La Liquière (fin VIIe-milieu VIe s.) : vases
non tournés locaux, céramique à décor excisé, coupe à anses grise monochrome,
amphore étrusque (clichés M. Py).
occasion, mais d'autres s'inscrivent dans les mêmes limites
calage pour les parois de torchis à l'instar du rôle que
que précédemment. Quelques unes sont abandonnées et
jouaient précédemment les sautes rocheuses. Les foyers
leur emplacement sert de dépotoir. On trouve à cette
sont du même type, lenticulaires ou construits; dans un cas,
époque, à côté des foyers lenticulaires, des exemples de
le foyer d'argile, en position centrale dans l'habitation, est
foyers construits en argile. Entre les habitations, des zones
entouré de quatre poteaux qui devaient soutenir l'armature
extérieures livrent des restes témoignant d'activités très
d'une ouverture dans le toit. On a également pour cette
diverses à l'entour des aires couvertes.
époque de meilleurs renseignements sur l'utilisation des
La troisième étape distinguée par la stratigraphie est
espaces extérieurs : zones de rebut, zones d'activité
datée du deuxième tiers du VIe siècle. A cette époque, la
domestique, zones de travail métallurgique, probablement
plupart des fonds de cabane anciens sont comblés, et les
du bronze, avec four entouré de pierres.
habitations qui s'y surimposent sont souvent un peu plus
L'ultime phase d'occupation du Ier âge du Fer est moins
grandes. Leur forme reste cependant semblable, soit
bien connue : il n'en reste que des témoins épars. Ceux-ci
grossièrement rectangulaire, soit ovalaire. On observe dans
rendent compte d'une présence sur le site jusqu'aux
plusieurs cas que des murets bâtis en pierre servent de
environs de 500 av. n. è., mais les niveaux correspondants
par étalement des sédiments anciens et établi parfois sur un
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Sol primitif de la cabane L7 de l'oppidum de La Liquière (fin du VIIe s.) établi sur le rocher calcaire entaillé ; les flèches indiquent les calages de poteaux soutenant les parois
de l'habitation (cliché M. Py).
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ayant partout été détruits par l'érosion et la culture, on ne
sait rien sur la densité et les caractères de l'habitat de cette
époque.
Les mobiliers de production locale, et notamment la
céramique
traditionnelle
non
tournée
qui
domine
l'équipement domestique, se rattachent clairement au faciès
"suspendien" du Languedoc oriental, et plus précisément aux
phases récentes de cette culture : caractéristiques sont en ce
sens la forme et l'ornementation des vases, et notamment les
décors excisés. L'originalité majeure du site tient cependant à
Restitution en coupe transversale de la cabane L11 de La Liquière (état du deuxième
quart du VIe s.) (dessin M. Py).
la présence, dans chaque maison, d'objets témoignant des
comparaisons, précieuses notamment en ce qui concerne la
premiers contacts des indigènes régionaux avec les commer-
chronologie des contacts méditerranéens. Un mobilier
çants méditerranéens. Durant la première phase, l'origine des
abondant et assez bien conservé donne des productions
produits est uniquement étrusque et concerne le commerce
indigènes une image claire, et rend possible une bonne
du vin : amphores pour le transporter, cruches pour le verser,
définition du faciès culturel. Des unités domestiques assez
canthares en "bucchero nero" pour le boire. Peu après, dans
complètes et d'une lisibilité satisfaisante apportent sur
la deuxième phase, alors que les Phocéens viennent de
l'habitat une documentation abondante. La fouille de zones
fonder Marseille (en 600 avant notre ère), apparaissent les
extérieures (d'activité ou de rebut) permet d'aborder le
premières céramiques grecques (corinthiennes, ioniennes,
problème de l'utilisation de l'espace villageois. Enfin, les
attiques, de Grande Grèce), tandis que la troisième phase, au
renseignements recueillis sur les activités du groupe et sur
milieu du VIe siècle, montre le développement des produc-
les structures de production fournissent une contribution
tions régionales de technologie grecque (vases à pâte claire et
notable à l'étude du fonctionnement de la société du début
gris monochromes). Malgré tout, jusqu'à la fin, ce sont les
de l'âge du Fer.
produits étrusques qui dominent les échanges, notamment en
ce qui concerne les amphores et les objets en bronze (disques
Pour en savoir plus…
à bord perlé).
La Liquière est actuellement le mieux documenté des
M. Py, F. Py, P. Sauzet et C. Tendille, La Liquière, village du
habitats du Ier âge du Fer du Gard : sur de nombreux
Ier âge du Fer en Languedoc oriental, Revue Archéologique
points, il constitue le site de référence pour l'étude de cette
de Narbonnaise, supplément 11, Paris, 1984, 363 p.
période dans cette région. Une stratigraphie solide, car
M. Py, La Liquière (Calvisson, Gard), dans Les Étrusques en
plusieurs fois vérifiée, permet de distinguer des phases
France, archéologie et collections, catalogue d'exposition,
courtes et successives, et d'opérer de ce fait de très fines
Lattes, 2003, p.107-116.
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Vue aérienne verticale de l'oppidum de Mauressip à Saint-Cômes-et-Maruéjols (© IGN Paris 2007).
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L'oppidum de Mauressip
L
'oppidum de Mauressip se situe sur la
commune de Saint-Cômes-et-Maruéjols : c'est,
des oppida de la Vaunage, celui qui a connu
l'occupation la plus longue. Le gisement se
compose d'un village de hauteur implanté sur une colline de
forme ovale, entourée partout de fortes pentes, et d'un
habitat de coteau à la périphérie ouest et sud de cette
colline. Une abondante source (la Font de Robert) assurait
l'approvisionnement en eau.
Les fouilles menées à Mauressip de 1962 à 1974 ont
concerné à la fois l'habitat de hauteur et l'extension en
plaine dont l'étendue a été précisée par de récentes
prospections.
L'occupation protohistorique débute sur le sommet à l'orée
du Ve siècle av. n. è. Pour cette première phase, on ne
connaît que des restes d'habitations en matériaux légers : il
s'agit de cabanes à poteaux porteurs, creusées dans le rocher
calcaire. Ces habitations, dont le sol cendreux est marqué
par des foyers et des calages de poteaux, ressemblent
beaucoup à celles, légèrement antérieures, explorées sur
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L'oppidum de Mauressip vu de la
plaine de la Vaunage (cliché M. Py,
pris du sud).
La tour sommitale de l'oppidum de
Mauressip : une tour carrée en pierres
sèches locales, construite au IVe s., est
chemisée au IIe s. par un parement de
pierres tendres de style hellénistique
(cliché F. Py, pris de l'est).
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les sites voisins de La Liquière et de La Font du Coucou. Le
mobilier est également semblable, avec des céramiques
locales dans la tradition du Ier âge du Fer, des amphores
vinaires étrusques et marseillaises et une série de disques en
bronze à décor perlé d'origine étrusque comparables à ceux
de La Liquière.
C'est à la fin du Ve siècle que succède à ce village un
habitat en dur. Les maisons sont dès lors construites en
pierre (il n'y a pas trace d'emploi de briques crues) et
s'organisent en quartiers séparés par des ruelles selon des
orientations relativement régulières adaptées au relief. Un
grenier est incendié à la fin de cette phase (vers 350 av.
n. è.) : il a livré, outre de nombreuses graines carbonisées,
un mobilier où dominent les doliums (jarres à grain), la
vaisselle et les amphores massaliètes, accompagnés de
céramiques attiques à figures rouges.
Mobilier caractéristique de la fin du Ve et du IVe s. de Mauressip :
urne "rhodanienne", urne et coupe non tournées locales, céramique attique, pseudoattique et grecque d'Occident (clichés M. Py).
Les traces d'occupation sont nombreuses, durant la même
période, à la base de la colline où des niveaux d'argile
L'occupation du IIIe siècle, bien qu'attestée partout,
marneuse sont exploités, sans doute pour fournir la
semble moins dense que la précédente. C'est dans la
matière aux toits de terre qui couvraient les habitations.
première moitié du IIe siècle que de nouvelles transforma-
De grandes fosses, résultant de cette extraction, servent
tions interviennent. La tour sommitale est alors munie
ensuite de dépotoir et livrent en abondance du mobilier des
d'une enveloppe faite d'un parement de blocs en calcaire
premières décennies du IVe siècle.
tendre, soigneusement taillés et ajustés. Ce parement,
La phase suivante (fin du IVe siècle) voit un bouleversement
dont l'aspect technique dénote l'intervention d'une
important de l'architecture du village de hauteur. On
main-d'œuvre d'origine ou d'école grecque, est fondé sur
construit en effet alors au sommet de l'oppidum une tour
une assise où sont inclus des éléments moulurés provenant
carrée en pierre sèche d'origine locale. À ses abords, les
apparemment d'un monument antérieur. Sur certains blocs,
habitations sont détruites pour permettre l'établissement
on observe des marques de tailleur de pierre en lettres
d'une vaste terrasse de dégagement limitée par des pierres
grecques.
plantées de chant et par un mur en grand appareil.
Mauressip connaît alors, jusqu'à la fin du IIe siècle, une
L'ensemble de la terrasse est remblayé avec des sédiments
nouvelle période d'occupation dense. Les habitations sont
antérieurs.
restaurées, les murs rebâtis, les sols refaits. Des restes de
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Habitations en pierres sèche des IVe-IIe s. dont le sol est en partie creusé dans le substrat rocheux, au sud de la tour de Mauressip (cliché F. Py).
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maisons contemporaines sont également attestés en
plusieurs points à la base de la colline. À la fin du IIe siècle,
une habitation est même construite sur la terrasse
s'étendant au sud de la tour sommitale. À cette époque, si
les céramiques locales restent de technique et de typologie
traditionnelles, les apports extérieurs changent de
nature avec l'arrivée puis la domination des produits
importés d'Italie (amphores italiques, vases à vernis noirs
campaniens).
Le village de hauteur est presque déserté au Ier siècle
av. n. è. ; le parement de la tour commence alors à se
dégrader. Très peu de documents de cette phase ont été
Quartier d'habitation implanté à la fin du Ve s. au sud de la terrasse sommitale de
l'oppidum de Mauressip (cliché F. Py).
recueillis au sommet de l'oppidum. Par contre, le quartier
de construction (fin du Ve siècle) et en montrer la
bas, autour de la Font de Robert, se développe pour
liaison avec une restructuration du village. C'est ensuite
devenir à partir de l'époque augustéenne un village
la possibilité qu'on a d'observer, pour les IVe et IIe-Ier
important. Signalons que la colline sera à nouveau
siècle av. n. è., l'articulation d'un habitat perché et d'un
fréquentée au début de notre ère, époque où quelques
habitat de bas de pente, en prise plus directe sur le
bâtisses dispersées sont construites et où il est possible
territoire agricole. C'est enfin, bien sûr, la tour sommitale :
que certains secteurs de l'ancien habitat soient mis en
son originalité, sa fonction probablement démonstrative,
culture.
son insertion dans l'habitat du IVe siècle, et le caractère
L'un des intérêts de ce site est d'avoir connu une
grec du parement dont elle est enveloppée au début du
occupation relativement longue. Cependant, pour des
IIe siècle en font un monument exceptionnel, témoignant
causes naturelles (érosion des pentes) ou humaines
de la pénétration de techniques helléniques et probable-
(remaniements antiques importants, mise en culture
ment de l'intervention d'artisans grecs jusqu'au cœur du
ultérieure), la stratigraphie est inégalement conservée et
pays indigène.
certaines phases d'occupation (début du Ve siècle, fin
IVe-IIIe siècles) ne sont en fait connues que par des
Pour en savoir plus...
lambeaux. Mais plusieurs autres points d'intérêt méritent
de retenir l'attention : Mauressip est d'abord en Vaunage
Cl. Raynaud et F. Favory, Mauressip, Saint-Côme-et-
le seul habitat où l'on peut observer sur un même lieu
Maruéjols (Gard), dans Les agglomérations gallo-romaines
la succession de bâtisses en dur à une architecture
en Languedoc-Roussillon, tome II, Lattes, Monographies
légère, mais aussi dater cette transformation des techniques
d’Archéologie Méditerranéenne, 14, 2002, p. 595-612.
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L’oppidum du Plan de la Tour à Gailhan, vu depuis le sud-est (cliché B. Dedet).
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L’oppidum du Plan de la Tour
L
’oppidum du Plan de la Tour à Gailhan occupe
le point culminant d’une longue colline
calcaire que contournent les méandres du
Vidourle
entre
Sommières
et
Quissac.
Découvert en 1974, il a fait l’objet de recherches programmées de 1975 à 1988. Trois agglomérations protohistoriques,
rythmées par différentes phases architecturales, se sont
succédées entre le début du Ve s. et la seconde moitié du IVe
s. av. J.-C.
La première occupation du lieu débute avec la construction
d’un mur de soutènement-enceinte délimitant une aire ovale
de 150 m de long sur 50 m de large au maximum, soit
environ 5000 m2, qui va servir d’assise aux trois habitats
successifs.
Cette
construction
communautaire
reste
cependant fort méconnue dans le détail car elle n’a fait
l’objet d’aucune recherche particulière. Une ouverture
à la pointe septentrionale du système semble indiquer
l’existence d’une porte dans l’axe d’un possible chemin de
crête.
Différentes habitations du premier village (vers 475-425 av.
J.-C.), aux parois de torchis sur poteaux porteurs et solin en
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Plan de la maison à absides 22-4 de l'oppidum du
Plan de la Tour (dessin B. Dedet).
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pierres, ont été fouillées, et notamment une maison de plan
bi-absidial de 9 m de long pour 4,6 m de large. Une
cloison sépare deux pièces : l’une, avec restes de foyers et
de rejets culinaires, dédiée à la préparation et à la
consommation des repas ; l’autre, au fond, pour le repos, et
le stockage des provisions dans des urnes indigènes
disposées contre la paroi incurvée de l’abside nord. Sur des
habitats littoraux du sud de la Gaule du VIe s. av. J.-C. au
vaisselier hellénisé, on a pu imputer à l’influence grecque,
l’existence de maisons à abside construites en briques de
terre crue mais à Gailhan, dans un arrière-pays éminemment indigène, avec une technique constructive locale, on
Vue de la maison à absides 22-4 de l'oppidum du Plan de la Tour
(vers 475-425 av. n. è.) (cliché B. Dedet).
peut faire l’économie de cette hypothèse : le plan absidial
Plusieurs unités domestiques sont adossées au mur de
puise en effet ses racines dans la Protohistoire régionale
soutènement et communiquent à l’est vers un probable axe
comme le montre son existence, entre autres, dans
de circulation desservant le site dans toute sa longueur. Ce
des habitations du Bronze final et du premier âge du
sont en fait de petites fermes de 55 à 70 m2 de surface
Fer découvertes dans l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées-
chacune, comprenant un local d’habitation, une cour
Orientales.
domestique et, dans certains cas, un bâtiment annexe. Entre
Le deuxième village (dernier quart du Ve s. av. J.-C.) est
elles s’intercalent parfois un enclos (à bétail ?) ou un
reconstruit sur les ruines du précédent, en mettant en
terrain vague. Dans ce second village, le changement
œuvre des techniques et un plan nouveaux sur le site. Il
de l’architecture des maisons est radical par rapport à
s’agit en effet désormais de constructions rectangulaires en
l’agglomération précédente, mais il ne s’accompagne pas
dur, avec des murs porteurs en pierres liées avec de la terre.
d’un groupement des maisons en îlots compacts comme
cela s’observe dans les villages du sud
du Gard. Cette trame aérée présente
cependant un découpage régulier de
l’espace en rectangles, à la manière d’un
lotissement.
Abandonnée brutalement par ses habitants à
la fin du Ve s. av. J.-C., l’unité domestique
n°1 de ce village livre de nombreuses
données, non seulement sur l’architecture,
Oppidum du Plan de la Tour à Gailhan, phase 2 (vers 425-400 av. n. è.) : plan général du secteur fouillé
(dessin B. Dedet).
mais aussi sur les aménagements intérieurs
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Mobilier abandonné sur place
dans l’unité domestique n°1 du
Plan de la Tour
(cliché B. Dedet).
Restitution graphique de l’unité
domestique n°1 du Plan de la
Tour (dessin F. Souq).
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et extérieurs et l’utilisation de l’espace. Elle comprend une
habitation rectangulaire divisée en deux salles spécialisées, une
resserre pour les provisions et l’équipement de la maison, et une
salle dédiée aux repas et au repos, avec foyer central, une cour
avec banquette pour sécher des denrées et foyer pour les préparer,
ainsi qu’un petit bâtiment annexe. Elle illustre de manière très
précise la vie quotidienne d’une cellule familiale protohistorique.
L’économie des habitants de cette agglomération repose sur
quatre piliers : agriculture (blé, orge, lentilles, gesses et pois
chiches) et élevage (bœufs, qui occupent la première place dans
l’alimentation carnée, porcs, chèvres et surtout moutons), mais
aussi, à un degré moindre chasse (chevreuils, lapins de garenne et
surtout cerfs) et cueillette (fruits du cornouiller et glands). On
fabrique des fromages comme le montrent les faisselles en terre
cuite et des tissus comme l’attestent les nombreuses fusaïoles en
terre cuite ayant équipé des fuseaux ; mais aussi la vaisselle
culinaire et les vases de stockage montés à la main, sans le tour ;
Mobilier caractéristique de la phase 2 l'oppidum du Plan de la Tour à Gailhan (fin du
Ve s. av. n. è.) : vases non tournés locaux et céramique grecque d'Occident.
les meules, les outils divers… Ce monde clos, refermé sur
lui même, a cependant des contacts avec l’extérieur, attestés par
bi-absidial, ensuite, à partir des environs de 425 av. J.-C., en dur
la présence de vases tournés et d’amphores à vin importés de
et de plan rectangulaire. Des abandons brutaux permettent aussi
Marseille.
une bonne approche de l’utilisation de chaque cellule et de ses
Vers 400 av. J.-C., un troisième établissement est créé sur les
aménagements, et une vision ethnologique de la vie des habitants
ruines du second abandonné brutalement. Il comprend aussi
de chaque maisonnée.
maisons d’habitation, locaux annexes, cours et enclos, mais il est
construit de façon plus légère, avec des parois de torchis sur
Pour en savoir plus…
poteaux porteurs, et en réutilisant pour partie certains murs du
village précédent. Sa vie est brève et le site est définitivement
B. Dedet, Habitat et vie quotidienne en Languedoc au milieu
abandonné au milieu du IVe s. av. J.-C.
de l’Age du Fer : l’unité domestique n°1 de Gailhan, Gard,
L’oppidum de Gailhan est particulièrement précieux pour la
supplément 17 à la Revue Archéologique de Narbonnaise,
connaissance du milieu de l’âge du Fer. Un bon état de conserva-
CNRS, Paris, 1987, 228 p.
tion, notamment pour les vestiges des deux phases les plus
B. Dedet, Une maison à absides sur l’oppidum de Gailhan,
anciennes, autorise une excellente lecture des plans des
Gard, au milieu du Ve s. av. J.-C. La question du plan
constructions, d’abord en matériaux périssables et de plan
absidial en Gaule du Sud, Gallia, 47, 1990, p. 29-55.
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Vue aérienne de l’oppidum de Vié-Cioutat (cliché L. Monguilan).
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L’oppidum de Vié-Cioutat
A
u contact du bassin d’Alès, des Garrigues
du Lussanais et de l’Uzège, l’oppidum de
Vié-Cioutat à Mons (en français Vieille-Cité),
couronne la partie sommitale d’un rebord de
plateau qu’enveloppe la Droude, un affluent du Gardon. Les
vestiges bien visibles d’un rempart en pierre sèche ont trés
tôt attiré l’attention car, dans son “Dictionnaire languedocien
françois” paru en 1756, l’abbé A. de Sauvages illustre l’un
des sens du mot “ruino” en mentionnant “les ruines de la
vieille Cîouta, appellée autrefois Montilia, entre Mons &
Montèl dans le Diocèse d’Usès”. Reconnu comme oppidum
celtique et gallo-romain dès 1868 par Eugène GermerDurand, ce n’est qu’en 1953 qu’ont lieu les premières
fouilles, avant de faire l’objet de fouilles programmées, de
1966 à 1979, sur plus de1500 m2.
Une petite partie de l’assiette du futur oppidum est occupée
au Chalcolithique, soit vers 2000 av. n. è., par une habitation
isolée qui a livré un abondant matériel céramique de faciès
Fontbouïsse. Après de nombreux siècles d’abandon, une
vaste agglomération s’installe sur le site durant la seconde
moitié du Ve s. ; elle durera jusqu’au milieu du IVe s. av. n.
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Plan de la fouille 1 de l’oppidum de Vié-Cioutat (dessin B. Dedet).
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è. (phase I). Après un nouveau hiatus, à l’aube du Ier s. av.
n. è. une seconde agglomération est construite sur le même
emplacement que la précédente (phase II ancien). C’est sans
doute le VATRVTE de l’inscription “géographique” de
Nimes (C.I.L., XII, 3362).
En grande partie transformé à l’époque augustéenne, dans
le dernier quart du Ier s. av. n. è. (phase II moyen), cet
oppidum continuera à être habité jusque dans la seconde
moitié du IIe s. de n. è. (phase II récent). Il est alors
lentement abandonné, et de manière définitive. Au IVe s.
un petit habitat, peut-être le “Montilia” de l’abbé de
Sauvages, est attesté à 400 m au sud, entre Vié-Cioutat et
le village de Monteils.
Le village de la phase I (vers 450-350 av. n. è.) couvre
environ 3 ha. Dépourvu d’enceinte, il se compose de
maisons construites en torchis et poteaux porteurs en bois,
Plan d’ensemble et localisation des secteurs fouillés sur l’oppidum de Vié-Cioutat
(dessin B. Dedet).
dont subsistent de nombreux calages, sur solins de pierres.
l’arrière-pays du Languedoc oriental, alors que dans les
Dans la fouille 1 elles sont implantées sur deux gradins
régions plus littorales règne un urbanisme beaucoup plus
rocheux grossièrement parallèles à la bordure du plateau.
serré. Le mobilier traduit aussi une pénétration moindre des
La mieux conservée est matérialisée par une aire circulaire
produits importés que sur les sites plus méridionaux, en
de 4 à 5 m de diamètre, avec foyer central et dix-sept vases
particulier le vin véhiculé dans les amphores de Marseille,
indigènes, urnes et coupes, retrouvés écrasés en périphérie.
et les céramiques tournées fines pour le boire (cruches et
D’autres cabanes, marquées par des solins rectilignes,
coupes).
ont semble-t-il un plan quadrangulaire. Par ailleurs ces
Dès sa création vers 100 av. n. è., le second oppidum est
édifices ne sont pas contigus, mais séparés par des
protégé par une puissante enceinte de 705 m de périmètre,
aires ouvertes où l’on retrouve des traces d'activités
qui englobe une superficie équivalente à celle du premier
diverses.
village. C’est un rempart de type indigène, construit en
Cette agglomération de la seconde moitié du Ve. et de la
pierres sèches non taillées, avec deux parements tournés
première moitié du IVe s. av. n. è. montre que la technique
vers l’extérieur et un parement vers l’intérieur. Il se
constructive à murs porteurs, qui à cette époque est la règle
compose d’une courtine continue, conservée par endroits
dans les villages du sud du département, n’a pas encore
sur 3 m de haut. Il est percée de trois portes charretières, P1
atteint la région sous-cévenole. Elle offre aussi une
et P2, disposées en biais, et P3, frontale. Seules les deux
organisation lâche qui caractérise alors les villages de
premières sont protégées par une tour ou un bastion;
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Vue du parement extérieur du
rempart de l’oppidum de
Vié-Cioutat, construit vers 100 av.
n. è. (cliché B. Dedet).
Une maison du Ier s. av. n. è.
de l’oppidum de Vié-Cioutat
(cliché B. Dedet).
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hormis une tour peu saillante au Nord, il n’y a pas d’autres
ouvrages annexes. En marge de sa fonction défensive, cette
puissante enceinte, bien visible de loin, a dû jouer un rôle
ostentatoire et symboliser la cohésion du groupe humain
qui l’habitait.
Les maisons sont désormais édifiées en dur, avec des murs
porteurs en pierres calcaires locales, simplement équarries,
liées avec de la terre argileuse. Elles se composent d’une
pièce unique rectangulaire, de 5 m sur 10, au sol en terre
battue et au toit couvert “à la romaine”, de tuiles plates
(tegulae) et rondes (imbrices).
La création ex nihilo de ce second oppidum dans le
contexte politique régional troublé du début du Ier s. av. n.
è., tout près de la frontière cévenole de la Narbonnaise avec
la Gaule intérieure encore indépendante, pose un problème
d’interprétation. La “romanisation” de cet établissement
paraît peu avancée. Au niveau architectural seules en
Céramiques non tournées locales de la phase I de l’oppidum de Vié-Cioutat (vers 450350 av. n. è.) (clichés B. Dedet).
témoignent les toitures. Pour le reste, le mode de vie paraît
fondamentalement indigène, et les échanges, marqués par
contre des bandes armées d’autres communautés voisines,
les amphores et les vases à vernis noir importés d’Italie, ne
mais peu redoutables pour sa propre armée.
paraissent pas très différents de ce que l’on connaît sur les
autres oppida du Gard intérieur. La comparaison avec
Pour en savoir plus...
l’oppidum-marché de l’Ermitage à Alès, à 10 km de
distance, mais dominant la grande voie de pénétration vers
B. Dedet, Recherches récentes sur l’oppidum de Vié-Cioutat
le pays arverne qu’est la vallée du Gardon, est sur ce plan
(Gard) 1966-1972, Bulletin de l’Ecole antique de Nimes,
fort significative : à l’évidence cet établissement n’a pas eu
nouvelle série 6-7, 1971-1972, p. 17-46.
une vocation commerciale semblable. Par rapport à ses
B. Dedet, Les niveaux protohistoriques de l’oppidum de
homologues languedociens plus anciens, les défenses du
Vié-Cioutat, à Mons-Monteils (Gard) (fouilles 1966-1968),
rempart sont amoindries, en particulier par l’absence de
Revue Archéologique de Narbonnaise, VI, 1973, p. 1-71.
tours régulièrement espacées. Tout se passe comme si
B. Dedet, Vié-Cioutat, Mons et Monteils (Gard), dans Les
l’autorité romaine, autorisant une communauté indigène
agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon,
à construire une fortification, cherchait à en limiter
T II, Lattes, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne,
l’efficacité : ces défenses ne doivent être opérantes que
14, 2002, p. 856-864.
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L’oppidum de l’Ermitage d’Alès, vu depuis les rives du Gardon (cliché B. Dedet).
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L'oppidum de l’Ermitage
L
a colline calcaire abrupte sur laquelle est installé
l’oppidum de l’Ermitage surplombe immédiatement la ville d’Alès. Au contact de la plaine
bas-languedocienne et du Massif central, elle
domine le débouché d’une vallée importante, celle du Gardon
d’Alès qui remonte au cœur de la montagne cévenole. Cet
oppidum commande donc une voie de passage naturelle
relativement aisée à travers les Cévennes, qui relie le Languedoc
oriental et la basse Provence rhodanienne à l’Auvergne et au
centre de la Gaule par la vallée de l’Allier. Cet itinéraire est bien
attesté au Moyen Âge, sous le nom de voie Régordane.
N’oublions pas non plus qu' à partir de 122 av. n. è., nous
sommes ici en périphérie de la Narbonnaise, tout près de sa
frontière avec la Gaule Chevelue.
Bien que différents vestiges aient été signalés sur la colline dès
le milieu du XIXe siècle, le frère Sylvéris, en 1906, est le
premier à considérer qu’on a affaire à un “oppidum celtique”.
A la suite des recherches menées par P. Roux entre 1930 et
1950, Jean Salles et un groupe d’archéologues bénévoles,
effectuèrent entre 1952 et 1990 une série de fouilles de
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sauvetage en ce lieu menacé par l’extension de la ville d’Alès.
En 2006, les recherches ont repris sous l’impulsion de
Fabienne Olmer.
Deux grandes périodes d’occupation ressortent : la
première, aux Ve-IVe s. av. n. è., la deuxième durant les trois
premiers quarts du Ier s. av. n. è. Les lieux sont
abandonnés vers 30 av. n. è., mais les fouilles de F. Olmer
montrent que le sommet du site est réoccupé au cours du haut
Moyen Âge, et c’est sans doute de cette époque que date
l’enceinte construite aux deux tiers de la hauteur. Des vestiges
d’habitat d’époque gallo-romaine ont été relevés au pied de la
colline, au faubourg de Rochebelle ainsi qu’en rive gauche du
Ermitage d’Alès, phase 2 ; échantillon de matériel découvert. 1 et 2 :
amphores italiques portant une estampille ; 3 à 5 : plats et coupe
campaniens (n°3 avec graffite LOUGOUS et n° 4 avec graffite SENO,
en gallo-grec) ; 6 : lampe à huile en céramique campanienne ; 7 : gobelet
ibérique dit de la “Côte catalane” ; 8 à 10 : coupes et urne celtiques ; 11 :
mortier italique ; 12 : plaquette en os gravée d’un anthroponyme gallo-grec
ADGONNOS (d’après B. Dedet et J. Salles).
Gardon sous le centre ville actuel, qui assurent la continuité
entre l’oppidum protohistorique de l’Ermitage et la ville
médiévale et moderne d’Alès.
La phase des Ve-IVe s. av. n. è. n’est attestée que par des objets
trouvés en position secondaire dans des niveaux postérieurs,
mais, en l’absence de découverte de structures en place, on ne
connaît ni la forme ni l’organisation de cet habitat. Tout au
plus les vases importés, amphores de Marseille et céramiques
grises monochromes tournées régionales, montrent que
cette agglomération participe des courants d’échanges qui
parcourent alors les basses terres gardoises jusqu’au pied
des Cévennes. Ces vestiges traduisent la consommation
locale ; rien en tout cas qui annonce l’axe commercial que
laisse percevoir la seconde agglomération, celle qui naît à
l’extrême fin du IIe s. ou au tout début du Ier s. av. n. è., après
deux siècles d’abandon des lieux.
Cette seconde agglomération ne semble pas avoir été
enfermée à l’intérieur d’un rempart. Les habitations fouillées
Plan des structures découvertes sur le versant oriental de l’oppidum de
l’Ermitage d’Alès, datant de la phase 2 (d’après B. Dedet et J. Salles).
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sur le versant oriental sont installées dans un secteur très
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complète, comprend au moins
trois pièces spécialisées et,
vraisemblablement, une petite
cour, le tout sur une surface
totale de 90 m2. A la fin de
l’occupation du site, vers
40-30 av. n. è., une salle de
cette maison est rénovée :
on la dote d’enduits peints
et son sol est pourvu d’une
mosaïque
à
fond
blanc
parsemé de tesserres noirs et
rouges et bordée de noir.
Plusieurs indicateurs économiques (grande abondance
des amphores vinaires italiennes, monnaies de Rome
et des Avernes) et divers
Plan des structures découvertes sur le versant oriental de l’oppidum de l’Ermitage d’Alès, datant de la phase 2
(d’après B. Dedet et J. Salles).
aspects culturels (confort des
habitations, consommation
pentu, ce qui a nécessité la construction de terrasses par
de coquillages marins, graffiti gallo-grecs) témoignent de
creusement du rocher vers l’amont et étalement des déblais
l'originalité de cette deuxième occupation par rapport aux
soutenus par un mur vers l’aval. Les habitations sont ainsi
habitats voisins et indiquent une place commerciale, un
partiellement placées dans des encoches taillées dans le rocher
oppidum-marché entre l’Italie et le Massif central durant les
et leurs parois sont complétées par des murs en pierres
deux premiers tiers du Ier s. av. n. è.
liées avec de la terre. Le plus souvent la paroi rocheuse est
doublée par un mur. Certaines pièces portent un enduit mural
Pour en savoir plus...
intérieur à la chaux, souvent coloré. Les sols, sont selon la
fonction du lieu, en terre battue ou en béton de tuileau.
B. Dedet et J. Salles, Aux origines d’Alès. Recherches sur
Les toits sont couverts “à la romaine”, de tegulae et
l’oppidum de l’Ermitage, Bulletin de l’Ecole Antique de
d’imbrices. La maison 1, celle dont la fouille est la plus
Nimes, 16, 1981, p. 5-67.
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L’oppidum du Camp de César à Laudun, vu depuis la plaine (cliché B. Dedet).
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L'oppidum du Camp de César
E
ntre Bagnols-sur-Cèze et Laudun, l’oppidum du
Camp de César occupe un promontoire rattaché
au plateau calcaire de Lacan. Il domine la
vallée du Rhône au niveau de la confluence de
la Tave au sud et la Cèze au nord qui donnent
accès à l’arrière-pays. Le site est signalé dès le XVIIIe siècle,
mais il faudra attendre 1972 pour qu'il fasse l’objet de
fouilles proprement dites. Les premières, entre 1972 et 1974,
sont à mettre à l’actif de Jean Charmasson, puis des
recherches programmées étendues sont conduites entre 1990
et 1999 par Dominic Goury dans la partie méridionale
de l’oppidum, permettant d’établir la chronologie de
l’occupation du lieu : un premier habitat se met en place au
Ve s. av. n. è., mais ne dure guère ; après trois siècles
d’abandon, une nouvelle agglomération s’installe au début
du Ier s. av. n. è. et persiste durant l’Antiquité galloromaine jusqu’à la fin du VIe s. de n. è., époque à laquelle
se produit l’abandon définitif. Le nom actuel du village de
Laudun, dans la plaine, au pied même de l’oppidum, garde
peut-être la trace du nom antique de cette agglomération qui
connaîtra un grand développement à partir d’Auguste : en
effet, au XIIIe siècle Laudun est cité avec la graphie Lauduno
dans laquelle on a voulu voir la déformation d’un
Lugdunum, le suffixe –dunos indiquant une hauteur.
Le premier village, au Ve s. av. n. è., est déjà fortifié. Un
rempart barre l’éperon à l’ouest sur 475 m de long, du
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Plan de l’oppidum du Camp de César, phases protohistoriques (d’après D. Goury et D. Lallemand).
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sommet de la combe Roubaud à l’à-pic surplombant la
vallée du Rhône. Avec la ceinture de falaises qu’il
complète, il délimite une surface de l’ordre de 13 ha, ce qui
est considérable pour la région à cette époque. On ignore
cependant la densité des habitations.
La courtine comprend trois segments rectilignes. Deux
parements de pierre sèche, assez réguliers, aux lits de pose
à peu près horizontaux, enserrent un blocage de pierres.
Cinq tours quadrangulaires pleines, appuyées contre le
parement, régulièrement espacées, scandent le tracé. Une
porte frontale flanquée d’une ou deux demi-tours s’ouvrait
peut-être sous une porte d’époque augustéenne, mais cette
dernière a profondément remanié le secteur rendant
difficile sa lecture. Un mur semblable barre transversalement une petite combe qui échancre le promontoire
au nord-ouest et complète, dans ce secteur, la défense
naturelle.
L’habitat de cette époque est très mal connu, n’ayant fait
l’objet que de deux sondages limités : des portions de parois
de torchis sur solins de pierres montrent cependant une
technique de construction bien attestée alors dans la
région.
Abandonné vers la fin du Ve s. av. n. è., l’oppidum est à
nouveau occupé au début du Ier s. av. n. è. Un nouveau
rempart est bâti alors en avant du premier, créant un
nouvel espace habitable contigu à l’ancien. Il comprend
une courtine rectiligne de 306 m de long barrant l’isthme
qui rattache l’éperon au reste du plateau de Lacan, et un
segment de 80 m fermant la partie haute de la combe qui
permettait l’accès au village du Ve s. av. n. è. Ce mur, large
de 3,5 à 5 m, sans fondation, est bâti en grands blocs
montés à sec. Il est parementé sur ses deux faces, le
parement intérieur présentant un fruit assez marqué. Deux
portes charretières semblables, distantes de 119 m,
s’ouvrent face au plateau. Chacune, large de 3,5 m, est
encadrée de deux tours quadrangulaires construites en
saillie selon la même technique que la courtine à laquelle
elles s’appuient. Ce sont là les seules tours que comporte
cette fortification.
Ce second village est également fort mal connu. Très peu de
restes s’y rapportant ont pour le moment été retrouvés à
Rempart du début du Ier s. av. n. è. du Camp de César, délimitant l'oppidum à
l'ouest (cliché D. Goury).
l’emplacement du premier village, mais il est vrai que le
lieu a subi d’importants et profonds remaniements à
l’époque romaine. Les fouilles menées entre l’ancien et le
nouveau rempart n’ont pas révélé de structures bâties, mais
l’abondance du mobilier recueilli suggère une présence
humaine importante. Si l’on met en relation ce fait avec ce
rempart élevé de manière semble-t-il hâtive, peut-être
avons-nous là l’indication du stationnement temporaire
d’une population. Cette période est en effet fort troublée
dans la région rhodanienne : après avoir affronté les
incursions de peuplades barbares venues du nord, Cimbres
et Teutons, le pouvoir romain doit alors faire face au
soulèvement des populations indigènes qui se rebellent
contre la colonisation de la Provincia.
Pour en savoir plus…
D. Goury, L’oppidum du Camp de César à Laudun (Gard) :
premières acquisitions de la recherche 1990-1994, Revue
Archéologique de Narbonnaise, 30, 1997, p. 125-172.
D. Goury, Le Camp de César, Laudun (Gard), dans Les
agglomérations gallo-romaines en Languedoc-Roussillon, II,
Lattes, Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 14,
2002, p. 755-765.
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L’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac, vu depuis la plaine rhodanienne (cliché B. Dedet).
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L’oppidum de Saint-Vincent
L
’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac
surplombe la plaine rhodanienne à la jointure
de deux vallées, la Veyre au sud, très modeste,
et la Tave, au nord, beaucoup plus large et
constituant un axe de pénétration vers
l’arrière-pays, l’Uzège et la région d’Alès. Il occupe toute la
partie haute de la colline, des environs de la courbe de
niveau des 220 m jusqu’au sommet, soit 50 m de dénivelé,
des surfaces souvent très déclives et irrégulières, incluant
localement des éperons rocheux. Au couchant, un isthme
étroit, à 245 m d’altitude, rattache le site au reste du
chaînon et en constitue l’accès le plus aisé.
Connu depuis la fin du XIXe siècle, cet oppidum fit l’objet de
fouilles de 1963 à 1988 et en 1998 par Jean Charmasson, et en
1992 et 1993 par Michel Janon, Anne Roth et Alain Bouet.
Sept phases d’une occupation discontinue ont été mises en
évidence : une installation humaine sans doute réduite, dans
la seconde moitié du VIe s. av. n. è. (phase 1) ; une vaste
agglomération construite dans le dernier quart du Ve s. av. n.
è. et abandonnée durant la première moitié du siècle suivant
(phase 2) ; une fréquentation du site durant les IIIe et IIe s. av.
n. è. (phase 3) ; une nouvelle agglomération bâtie au début du
Ier s. av. n. è. (phase 4), qui durera jusqu’à la fin du IIIe s. de
n. è. et se parera de monuments publics de grande envergure
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Plan général de l’oppidum de Saint-Vincent (d’après A. Roth Congès).
dès l'époque augustéenne (phase 5) ; deux autres habitats
ultérieurs, aux Ve-VIe s. et aux XIIe-XIIIe s. (phases 6 et 7).
Les occupations protohistoriques sont mal connues du fait
des bouleversements occasionnés par les occupations
postérieures.
De la phase 1 (vers 550-500 av. n. è.) seuls subsistent des
tessons de céramique attique et d’amphore grecque
découverts en position remaniée dans des niveaux plus
récents. La rareté de tels vestiges, l’absence de structures
datables de la seconde moitié du VIe s. av. n. è., laissent
supposer une simple fréquentation du lieu en relation avec
une agglomération plus importante repérée dans la plaine,
au pied même de l’oppidum. Des documents de cette
époque, sur les deux sites, témoignent cependant de
relations commerciales précoces avec Marseille, liées à l’axe
rhodanien.
82
C’est une importante agglomération qui est créée dans le dernier
quart du Ve s. av. n. è. (phase 2 ;
vers 425-350 av. n. è.). Un rempart
de 1245 m de long la ceinture
presque complètement, délimitant
une surface d’environ 8,5 ha. Il suit
grosso modo la courbe de niveau
des 220 m d’altitude, prenant appui
sur des pointements rocheux, ce
qui lui donne un plan irrégulier,
fait de saillants et de rentrants. Il
s’interrompt en quelques endroits
où des falaises rocheuses assurent
la défense. Il est parementé vers
l’extérieur de gros blocs de grès
irréguliers, assemblés à sec. Le
blocage interne de pierres est
limité du côté intérieur de l’oppidum soit par un parement soit par
la pente du versant. Une porte
s'ouvre à l’extrémité occidentale,
donnant sur le col. Son plan et sa structure ne sont
cependant pas précisément connus du fait du remodelage
de l’époque gallo-romaine. Une seconde porte se trouve à
l’extrémité sud-ouest de la ville.
La défense est complétée par une tour isolée, édifiée au
sommet de l’éperon rocheux de La Gardie, à 600 m à l’ouest
de l’oppidum, qui permet également la surveillance. Cet
édifice (38 sur 24 m à la base pour 8 m de haut) s’appuie à
l’ouest sur une falaise rocheuse ; sur les autres côtés, il est
constitué de quatre paliers construits en retrait les uns sur
les autres. Pour chaque étage un parement de blocs de grès
maintient un blocage de pierres. Sur la plate-forme
sommitale une épaisse accumulation de cendres incluant du
mobilier des différentes périodes d’occupation de l’oppidum
tout proche, atteste que des feux y ont été souvent
allumés.
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Pour cette seconde phase d’occupation de Saint-Vincent les
fouilles ont révélé, sur la terrasse juste contre le rempart au
sud-est, les restes de plusieurs maisons à parois en torchis
à poteaux porteurs. Ces maisons contiennent le mobilier
domestique habituel de l’époque, mais elles livrent aussi un
grand nombre d’objets en terre cuite particuliers :
plaquettes rectangulaires, jetons de formes diverses,
figurines en forme d’animal, vases rituels qui paraissent
correspondre à des offrandes. Or cette terrasse se trouve
juste au pied de l’éperon rocheux constituant le sommet de
la colline : il pourrait donc s’agir du matériel dispersé
provenant d’un lieu de culte naturel installé sur ce rocher
dominant les habitations.
Après deux siècles et demi d’abandon, il faut attendre le
début du Ier s. av. n. è. pour que le site connaisse une
nouvelle installation importante (phase 4). Le vieux
rempart est alors réparé et remanié, et la porte principale
renforcée, côté nord, par la construction d’une puissante
tour. Quelques maisons en pierre sèche, de plan quadrangulaire, au sol en terre battue et recouvertes d’un toit en
matière végétale, ont été exhumées à l’extrémité nord-est,
près du rempart. Les déchets domestiques sont désormais
amenés dans des dépotoirs. Le mobilier recueilli montre un
Vue du rempart de Saint-Vincent en bordure de la porte principale de l'oppidum
(cliché B. Dedet).
groupe humain particulièrement ouvert aux échanges
commerciaux, surtout avec Marseille et l’Italie (monnaies,
amphores, vases à vernis noir). Les témoignages de l’usage
de l’écriture, très abondants pour un habitat gardois de
cette époque, vont d’ailleurs dans le même sens : de
nombreux vases, indigènes ou surtout importés, portent,
gravés après cuisson, les noms de leurs propriétaires en
caractères grecs.
Pour en savoir plus…
Plan de la porte principale du rempart de Saint-Vincent de Gaujac, faisant apparaître les
principales périodes de construction (d’après J. Charmasson et A. Roth Congès).
J. Charmasson, L’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac
(Gard). Découvertes protohistoriques, Archéologie en
Languedoc, 4, 1981, p. 77-84.
J. Charmasson, L’oppidum de Saint-Vincent à Gaujac
(Gard). Le système de défense et d’observation protohistorique, Archéologie en Languedoc, 4, 1981, p. 85-92.
J. Charmasson, Les niveaux de cendres à structures de foyer
(fin Ve s. - début IVe s. avant n. è.) de l’oppidum de SaintVincent à Gaujac (Gard), Bulletin de l’Ecole antique de
Nimes, 17, 1982-1986, p. 91-132.
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Vue aérienne de l'oppidum du Marduel à Saint-Bonnet-du-Gard, dominant le Gardon (cliché L. Monguilan).
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L'oppidum du Marduel
L
'oppidum du Marduel est situé à la jonction des
communes de Remoulins, de Sernhac et de
Saint-Bonnet-du-Gard, la plus grande partie du
site relevant de cette dernière. Le gisement
comprend un habitat perché, situé sur la
colline du Marduel, et une zone basse sur la rive droite du
Gardon, au lieu-dit Lafoux.
Le site de hauteur est cantonné sur la face orientale, en forte
pente, d'une butte calcaire qui s'étend de Saint-Bonnet au
Gardon. Des traces d'occupation ont été repérées sur
l'ensemble de ce versant, des premières terrasses qui
dominent la rivière jusqu'à la crête, qui culmine à 151 m
d'altitude. La zone sommitale est très érodée et l'essentiel des
strates archéologiques conservées se situe à mi-pente, entre
50 et 75 m d'altitude.
La zone suburbaine occupe quant à elle les berges du Gardon
au pied de la colline. Des traces d'habitat antique s'y
rencontrent jusqu'au ruisseau de Lafoux au nord, et bien
au-delà de la voie de chemin de fer Remoulins-Nîmes
au sud. Cet habitat était probablement lié à un gué,
aujourd'hui noyé mais encore utilisé il y a peu, et sans
doute, dans ses phases récentes, à un port fluvial établi
immédiatement en aval, dont un quai en grand
appareil, d'époque romaine, a été découvert. Deux
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Plan de l'oppidum du Marduel : agglomération de hauteur fortifiée (en jaune) et
quartiers bas (en bleu) en bordure du Gardon, avec localisation des principales
fouilles (dessin M. Py).
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inscriptions gauloises en lettres grecques proviennent de
cette zone : l'une (ΟΥΡΙΘΘΟΥΡΙΓΟΥ) sur un fût de
colonne, l'autre (ΑΤΙΛΑ) sur la stèle d'une tombe du IIe
siècle avant notre ère.
Entamées en 1976, des fouilles programmées se sont
poursuivies sur l'oppidum et à sa base jusqu'en 1990 et ont
donné des informations de tout premier ordre sur
l'occupation de ce site qui couvre presque toutes les
périodes de la Protohistoire. Plusieurs sondages ont d'abord
permis de se faire une idée de l'étendue et de la chronologie générale de l'habitat. Une fouille plus importante,
dénommée "Chantier central", a été ensuite ouverte sur la
terrasse qui domine la rivière.
Les plus anciennes traces de fréquentation de la colline
datent de l'âge du Bronze final II (XIe siècle av. n. è.) mais
ces premiers habitants n'ont laissé que peu de vestiges.
Une occupation plus dense se place ensuite à l'âge du
Bronze final IIIb (IXe siècle av. n. è.). À cette époque, des
cabanes en matériaux légers, faites de torchis sur
clayonnage et poteaux porteurs, se répartissent sur la face
orientale de l'oppidum, occupant des petites terrasses
naturelles. On y a repéré des sols de terre battue ou
aménagés avec des galets, livrant des restes de foyers et des
calages de cloison sous la forme de pierres alignées. Mais
dans beaucoup de cas, les restes de cette époque sont
compris dans des niveaux de colluvions, ce qui indique une
occupation discontinue, entrecoupée d'abandons ayant
favorisé l'érosion des sédiments anthropiques. Des
habitations étaient aussi implantées sur les berges du
Gardon : on en retrouve des indices jusqu'assez loin au sud
du site. Le mobilier de cette phase se rattache au groupe
"mailhacien I" du Languedoc oriental, comme en
témoignent de nombreux vases non tournés à décor incisé
en double trait.
Plus sporadiques sont les témoins d'occupation du début du
Ier âge du Fer, qui se trouvent pour la plupart en position
remaniée dans des remblais postérieurs. Il s'agit principalement de céramiques de la fin du VIIe et de la première
moitié du VIe siècle av. n. è. : vases locaux de faciès
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"suspendien", amphores et "bucchero nero" étrusques,
coupes de Grèce de l'Est… Les habitations sont du même
type que celles du Bronze final. Une seule construction en
pierre appartient à cette époque : il s'agit d'un épais mur
de terrasse qui a pu jouer également le rôle de fortification
élémentaire.
C'est à la fin du VIe siècle av. n. è. qu'un village permanent
se fixe sur la colline, protégé sur les côtés est et sud par un
rempart monumental, l'un des plus anciens connus en
Languedoc. Sur la face orientale du site, dominant le
Gardon, ce mur d'enceinte est bâti en moyen appareil sur
une base de gros blocs, particulièrement massive côté
pente. Il est formé d'une seule épaisseur de mur, de 3 mètres
environ de large, qui sert également de soutènement pour
une terrasse aménagée par remblai contre son parement
intérieur. Une vaste habitation contemporaine a été fouillée
dans le Chantier central : appuyée au parement intérieur du
rempart, elle est construite en pierre et possède deux pièces
séparées par une cloison et une grande cour enclose. L'une
des salles était pavée de lauses calcaires tandis que l'autre,
en léger contrebas derrière une cloison en torchis, servait
de resserre et a livré de nombreux vases écrasés sur place
(céramique culinaire, doliums, amphores étrusques et coupe
grecque d'Occident).
Poterne sur la face sud de l'enceinte du Marduel (fin du VIe s. av. n. è.)
(cliché M. Py).
Oppidum du Marduel : parement intérieur du rempart de la fin du VIe s. av. n. è.
dans le Chantier Central (cliché M. Py).
Sur la façade sud de l'oppidum, le rempart archaïque monte
en droite ligne vers le sommet de la colline où un
important éboulis de pierres pourrait recouvrir une tour
monumentale. Dans cette portion, on a dégagé une étroite
poterne protégée par un avant-mur et une tour quadrangulaire faisant saillie de trois mètres par rapport à la courtine.
Une série de stèles et de piliers en pierre à angles
chanfreinés, retrouvés en divers points dans des murs ou
des remblais du Ve siècle, sont attribuables à une phase plus
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Stratigraphie du Chantier Central de l'oppidum du Marduel : accumulation des niveaux protohistoriques recoupée par la création de terrasses agricoles (dessin M. Py).
ancienne (VIIe ou VIe s. av. n. è.), car une dizaine d'entre
eux était en remploi dans la fondation d'une habitation
construite à la fin du VIe s. Parmi ces blocs se trouvait un
fragment de buste hermaïque (muni de deux têtes
opposées), portant un torque au cou, qui constitue la plus
ancienne sculpture en ronde-bosse actuellement attestée en
France. Un trou à la base du socle de ce buste montre
qu'il était primitivement fixé sur l'un des hauts piliers
monolithes trouvés en association. Ces éléments peuvent
avoir appartenu à un sanctuaire précédant l'habitat
fortifié.
Les premières années du Ve siècle sont marquées par une
intense activité : c'est à cette époque que se met en place,
derrière le rempart, un système complexe de murs de
soutènement faits de gros blocs entassés, retenant de
puissants remblais de terre et de pierres. Sur les terrasses
ainsi créées, plusieurs habitations en pierre, à pièce unique,
sont construites. L'une d'entre elle possédait une petite cave
en sous-sol.
88
Peu après le milieu du Ve siècle, le quartier situé contre la
fortification est partiellement incendié. Les habitations
précédentes sont détruites et les résidus carbonisés étalés
contre le parement intérieur de la fortification. Sur les
ruines de cet incendie, plusieurs nouvelles maisons, en
général à une pièce, sont construites avec des murs faits
d'un solin de pierres et d'une élévation d'adobes (briques de
terre crue) : les grandes lignes du plan ainsi mis en place
seront conservées, dans ce secteur, jusqu'à l'abandon du
site de hauteur dans les premières années de notre ère. Peu
après cette reconstruction cependant, vers 425 av. n. è., un
grenier sera violemment détruit par un deuxième
incendie ; les ruines de cette bâtisse ont été conservées en
place et ont livré de nombreuses informations sur les
techniques constructives et les activités agricoles de
l'époque.
Les autres habitations, bien que plusieurs fois remodelées
dans le détail, resteront occupées sans grand changement
jusque vers le milieu du IIIe siècle av. n. è. De nombreux
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sols souvent revêtus d'argile, parfois pavés d'adobes,
certains munis de foyers construits richement décorés,
appartiennent à cette phase. On note aussi la présence de
cloisons en briques crues, ainsi que plusieurs structures
artisanales, notamment des fosses livrant des traces de la
métallurgie du bronze.
Durant la deuxième moitié du IIIe siècle, l'habitat est à
nouveau transformé. Si les rues précédemment créées
continuent d'être utilisées, plusieurs maisons sont alors
désertées et certaines détruites, l'ensemble du quartier
du Chantier central laissant alors l'impression d'une
occupation moins dense que précédemment. Au cours du
IIe siècle, ces habitations sont restaurées, de telle sorte
qu'on revient à une trame d'habitat serrée. On note la
permanence du tracé des voies de circulation ainsi que de
la conception de la maison à pièce unique. Vers le milieu
du IIe siècle, le rempart archaïque est renforcé par l'ajout
d'un deuxième mur à l'extérieur, doublant le premier en
largeur. Cet épaississement de la muraille, attesté aussi
bien sur la face sud que sur la face est, semble avoir
eu notamment pour cause l'élévation des sédiments
anthropiques accumulés contre l'enceinte primitive, qui
dut réclamer qu'on surélève l'ouvrage et qu'on en élargisse
l'assise.
Plusieurs modifications interviennent dans l'architecture
tout au long du Ier siècle av. n. è. dans l'habitat du Chantier
Central. Enfin, dans les dernières décennies précédant notre
ère, on construit à l'emplacement d'anciennes habitations
un vaste podium, sans doute pour un monument public,
limité par un mur couronné de blocs de grand appareil.
L'ensemble du site de hauteur est abandonné vers 10-20 de
n. è. au profit de la zone basse (quartier de Lafoux), où
l'occupation connaît alors une sensible extension au bord
de la rivière, avec l'installation de quartiers artisanaux,
notamment pour la poterie. La colline sera néanmoins
réoccupée ponctuellement au Ve siècle de n. è., comme en
témoignent des silos recoupant les niveaux préromains.
L'intérêt évident des travaux menés sur l'oppidum du
Marduel pour l'étude de la Protohistoire du Gard est de
Évolution des structures bâties et de la voierie (en jaune) dans le Chantier Central de
l'oppidum du Marduel (dessin M. Py).
livrer une séquence stratigraphique continue très ample
et très dense, recouvrant pratiquement toute la période.
De ce fait, les résultats obtenus sur ce site complètent
et organisent sur bien des points les indications fournies
par d'autres habitats dont l'occupation est en général
moins longue ou moins constante. Tenant compte de
cette spécificité, la recherche a été principalement axée
ici sur l'analyse de l'évolution dans le temps des
usages domestiques, des structures bâties et des
mobiliers archéologiques, au détriment d'une vision
plus extensive de l'organisation de l'habitat, dont on ne
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Buste hermaïque muni d'un torques et reposant sur un pilastre en pierre
retrouvé en remploi dans le mur d'une maison de la fin du VIe s. av.
n. è. sur l'oppidum du Marduel (cliché M. Py).
Oppidum du Marduel :
œnochoé en céramique subgéométrique
rhodanienne de la fin du Ve s. av. n. è.
(cliché M. Py).
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connaît, il est vrai, que des portions réduites pour chaque
phase.
Malgré tout, les principales mutations qui ont affecté
l'habitat protohistorique de la région sont perceptibles dans
la stratigraphie du Marduel : notamment le passage, à la fin
du Ier âge du Fer, d'une occupation épisodique à un
établissement fixe et durable, marqué par la mise en place
d'une architecture en pierre (rempart et habitations) ; la
permanence de l'organisation du village au cours du
IIe âge du Fer ; et au contraire son évolution rapide au
Ier siècle av. n. è. Il en va de même pour le faciès de la
culture matérielle et les données ethnographiques et
économiques.
Ces remarques ne doivent pas faire oublier cependant le
caractère spécifique de plusieurs aspects de ce gisement, lié
notamment à sa proximité de la vallée du Rhône. C'est
cette situation, et les contacts qu'elle a favorisés, qui
expliquent sans doute la précocité de l'apparition de
certains mobiliers ou de certaines techniques par rapport au
reste de la région : par exemple la sculpture, l'architecture
en dur (fortification, maisons), l'emploi de la brique ou
encore la circulation des monnaies.
Murs de terrasse du Ier âge du Fer (en bas) et accumulation de maisons du IIe âge du
Fer dans le Chantier Central de l'oppidum du Marduel (cliché M. Py, pris de l'est).
Pour en savoir plus…
M. Py et C. Raynaud, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet-du-Gard), I, Les sondages préliminaires (zones 01,
03-09, 05 et 08), Documents d'Archéologie Méridionale, 5,
1982, p.5-32.
C. Raynaud, Stratigraphie du Marduel (Saint-Bonnet du
Gard), II, les niveaux du Ve s. ap. J.-C. sur le chantier central, Documents d'Archéologie Méridionale, 7, 1984, p.111119.
M. Py, D. Lebeaupin et al., Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet du Gard), III, les niveaux des IIe et Ier s. av. n. è. sur
le Chantier Central, Documents d'Archéologie Méridionale,
9, 1986, p.9-80.
M. Py et D. Lebeaupin, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet du Gard), IV, les niveaux des IVe et IIIe s. av. n. è.
Maisons et rues des IIIe-Ier s. av. n. è. au sommet de la stratigraphie du Chantier
Central de l'oppidum du Marduel (cliché M. Py, pris du nord).
sur le Chantier Central, Documents d'Archéologie
Méridionale, 12, 1989, p.121-190.
M. Py et D. Lebeaupin, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet du Gard), V, les niveaux de la seconde moitié du Ve
s. av. n. è. sur le Chantier Central, Documents d'Archéologie
Méridionale, 15, 1992, p.261-326.
M. Py et D. Lebeaupin, Stratigraphie du Marduel (SaintBonnet-du-Gard), VI, les niveaux du Bronze final au milieu
du Ve s. av. n. è. sur le Chantier Central, Documents
d'Archéologie Méridionale, 17, 1994, 201-265.
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L'oppidum de Beaucaire (collines de la Redoute et du Château) vu depuis le Rhône (cliché A. Michelozzi).
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L'oppidum de Beaucaire
L
'habitat protohistorique de Beaucaire, situé
sur la rive droite du Rhône, est d'abord
implanté sur les collines de La Redoute et du
Château, aujourd'hui séparées par une tranchée
laissant passer une route, mais qui ne
constituaient alors qu'un seul massif. Première hauteur
importante sur le fleuve depuis la mer, le site présentait un
intérêt évident. Fréquenté dès les IXe-VIIIe s. av. n. è., il fut
le siège d'un village au VIIe siècle, puis habité continûment
semble-t-il à partir du VIe siècle av. n. è. jusqu'à nos jours.
Cette longue occupation explique qu'il ne reste que peu de
chose des premiers temps : les vestiges situés sur la colline
ont été en grande partie détruits par les carrières qui en ont
entamé la face nord, et par l'installation du château
médiéval. Ceux qui s'étendaient à la base sud sont
profondément enfouis et ont été recouverts par les villes
romaine, médiévale et moderne. Néanmoins, quelques
sondages stratigraphiques à La Redoute, et la surveillance
des travaux d'édilité dans la ville basse, ont permis de se
faire une idée de l'importance de cette agglomération
protohistorique dont deux inscriptions nous ont conservé le
nom : Ugernum.
Les trois sondages menés à La Redoute ont apporté surtout
des données sur les phases anciennes d'occupation. Des
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Plan de situation de l'oppidum et des découvertes protohistoriques de Beaucaire (dessin M. Py).
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(Le Sizen, les Marronniers, Les Colombes) situées à l'ouest
de l'agglomération, ont livré des tombes contemporaines.
La ville continuera d'être occupée à l'époque romaine à peu
près sur les mêmes lieux.
Les documents concernant l'habitat protohistorique de
Beaucaire, bien que peu nombreux, apportent sur plusieurs
points des éléments d'information précieux sur un site dont
l'importance, durant la Protohistoire, a pu être mésestimée.
Les sondages de La Redoute permettent d'abord de
conclure à une occupation longue et –sauf à ses débuts–
relativement continue durant les âges du Fer et au-delà.
Mais surtout, en ce qui concerne la première
occupation, les fouilles ont apporté des données
nouvelles sur la phase de transition entre l'âge
du Bronze et l'âge du Fer. Les découvertes
fortuites intervenues sous la ville moderne ne
sont pas moins intéressantes, dans la mesure où
elles prouvent l'extension, dès une période
ancienne, de l'habitat en plaine assez loin du
site primitif, selon un processus observé sur
d'autres grands oppida de la région. Enfin,
l'étude de l'ensemble des données concernant
cet oppidum et ses nécropoles a permis de
montrer sa nature indigène, et d'écarter
Mobilier du Ve s. av. n. è. recueilli sur l'oppidum de Beaucaire (La Redoute) : urne non tournée à
décor incisé, coupe grise monochrome, vases peints de style subgéométrique rhodanien (cliché M. Py).
l'hypothèse autrefois formulée identifiant le site
avec la colonie massaliète de Rhodanousia.
De nombreuses découvertes effectuées dans les rues du
vieux Beaucaire lors de la pose du tout-à-l'égout attestent Pour en savoir plus…
l'ancienneté de l'occupation de la plaine au sud de La
Redoute et du Château. Les plus anciens témoins remontent B. Dedet, A. Michelozzi, M. Py, C. Raynaud et C. Tendille,
au VIe ou au Ve siècle av. n. è. (rue du Dr. Anthoine, rue de Ugernum, Protohistoire de Beaucaire, ARALO, cahier n°6,
la République) et témoignent de l'existence de quartiers Caveirac, 1978.
bas dès cette époque sur le piémont. Vient ensuite une J.-C. Bessac et al., Études sur Ugernum, Beaucaire et le
abondante série de documents des IIe-Ier siècle, ne laissant Beaucairois à l'époque romaine, 2 vol., ARALO, cahier n°15
aucun doute sur l'extension de l'habitat jusqu'aux et 16, Caveirac, 1987.
abords du Canal à partir des années 175 av. n. è. Plusieurs R. Roure, Nouvelles données sur l'occupation protohistoinscriptions gauloises écrites en lettres grecques rique de Beaucaire (Gard), Documents d'Archéologie
proviennent de la lisière sud de cette zone. Trois nécropoles Méridionale, 25, 2002, p.215-223.
remblais et des lambeaux de sols, au contact du substrat,
livrent des céramiques du Bronze final IIIb de faciès
"mailhacien I" (IXe-VIIIe s.). L'occupation suivante est
caractéristique du faciès "suspendien" (VIIe s.). Une fosse
appartient au début du VIe siècle, tandis qu'un nouveau sol,
avec traces de dilution d'argile, est de la fin du VIe et du
début du Ve siècle. De puissants remblais contenant des
pierres et des briques montrent la présence d'habitations en
dur dans la deuxième moitié du Ve siècle. Dans les niveaux
remaniés de surface, on recueille du mobilier des IVe-Ier
siècle av. n. è.
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ISSN 1767-2279
ISBN 2-907597-06-X
Achevé d’imprimer janvier 2008
Dépôt légal 1er trimestre 2008
Maquette et impression LG éditions Nîmes
Édité par le
Conseil général du Gard
Direction Culture et Sports
Couverture AG 2008
Prix : 12 €
8/02/08
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