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La Cause du Peuple et les Rothschild .docx

2019, Ni patrie ni frontières

http://npnf.eu/spip.php?article627&lang=fr

* La Cause du Peuple et les Rothschild : un bien sinistre précédent Les livres disponibles en français sur l’histoire des Juifs de France ne mentionnent pas le commando qui peignit des slogans ineptes sur les murs de de la banque Rothschild le 26 septembre 1969. Les actions et slogans contre les Rothschild durant les années 1969 et 1970 étaient évidemment stupides d’un point de vue politique puisqu’elles encourageaient l’amalgame antisémite Juifs/banque Rothschild/Israël/ Consistoire (Alain de Rothschild était le président de cet organisme). Comme l’écrit Robert Hirsh (2017, p. 127), «La palme de la confusion revient à La Cause du peuple, qui effectue une démonstration antisioniste à l’occasion de la visite à Paris du leader historique de l’Etat d’Israël, David Ben Gourion qualifié par le journal maoïste d’“idéologue fasciste du Grand Israël”. L’organisation revendique, au nom d’un “groupe d’ouvriers révolutionnaires ”, des inscriptions sur l’hôtel particulier de Rothschild – “El Fath vaincra/ Rothschild, le peuple français et le peuple palestinien te balaieront/Ben Gourion fasciste” dans la nuit du 25 au 26 septembre 1969. Le plus intéressant n’est pas tant dans la description de cette action que dans la justification qu’en donne la Gauche prolétarienne. Elle définit les Rothschild comme les “oppresseurs du peuple palestinien, les trésoriers d’Israël et les oppresseurs du peuple français ; ces porcs gavés de richesse sont depuis des siècles le symbole de l’oppression du peuple”.» (Ce passage a été souligné par moi.) En 1970, pour annoncer une manifestation dénonçant le massacre de Septembre noir commandé par le roi Hussein de Jordanie, certaines affiches maoïstes pro-palestiniennes allèrent encore plus loin dans la logomachie antisémite particulièrement tordue : «Les Rothschild capitalistes oppriment le peuple français ; les Rothschild sionistes oppriment le peuple palestinien ; les Rothschild impérialistes oppriment les Juifs du monde entier . Cette citation a été retraduite de l’anglais par mes soins (et n’est donc peut-être pas tout à fait exacte) et figure dans le livre de Maud Mandel, Jews and Muslims in France : history of a conflict. On trouvera une interview de cette historienne dans La vie des idées de septembre 2014, où elle résume les grandes lignes de son ouvrage. ).» Maud Mandel, universitaire identitaire de gauche, a une expression très indulgente pour qualifier ces slogans criminels. Il s’agissait, selon elle, d’une «prise de distance symbolique de l’organisation maoïste par rapport à l’establishment juif français» !!! Les antisionistes antisémites ont désormais une excellente excuse quand ils tiennent des propos judéophobes ; ils se livrent à une «prise de distance symbolique de l’organisation maoïste par rapport à l’establishment juif français». La formule est vraiment chic et choc ! Où l’on voit comment les intellectuels identitaires de gauche Pour plus de détails sur les thèses des universitaires identitaires de gauche on pourra lire « “Juifs ” et ”Musulmans” » : force et faiblesses des analyses des universitaires identitaires de gauche [http://mondialisme.org/spip.php?article2767 ] qui est, comme cet article, extrait d’un texte qui devrait paraître en 2019 L’Histoire des Juifs de France en question(s). minimisent l’effet de ce qu’ils appellent eux-mêmes des «stéréotypes antisémites» ; mais comme La Cause du Peuple était dirigée par Benny Lévy, qui devint par la suite un spécialiste du judaïsme . Il est dommage que cet ex-dirigeant maoïste ne se soit pas penché sur les raisons pour lesquelles il avait conçu, ou en tout cas cautionné activement, cette propagande antisémite, et ses conséquences à long terme sur les militants de sa génération. Il existe cependant une interview dans laquelle il reconnaît avoir écouté sans réagir des propos antisémites d’un cadre de son organisation lors d’un congrès et il précise : «En 1970, avant les attentats de Munich, nous avons inventé le Pale stinien. On devait être antisioniste mais surtout pas antisémite. Pour notre génération Auschwitz restait le grand interdit. On avait des militants arabes qui se baladaient dans les rues pour dire aux gens “Lisez Fedaï le grand journal antisémite”. On leur disait : “Non non, surtout pas… Anti-sioniste!” et ils corrigeaient. Jusqu’à ce que Munich, pour la première fois, montre qu’il n’y avait pas, pour les Palestiniens, de différence entre les deux» [l’antisémitisme et l’antisionisme]. Bizarrement, on trouve le son de cette interview télévisée réalisée par Thierry Ardisson ( ?!) sur un site d’extrême droite donc je ne mets pas le lien. Ce qu’il y a de très ennuyeux dans ces quelques phrases, c’est que l’antisémitisme peut sembler n’avoir concerné que les militants... arabes de la Cause du peuple, comme si les autres militants avaient, eux, les idées claires sur l’antisémitisme ! Il ne voit le problème qu’au niveau individuel (en gros, j’ai été lâche) mais n’en tire aucune conclusion politique et collective. Mais peut-être a-t-il écrit sur ce sujet dans d’autres textes ? Si un lecteur, ou une lectrice, possède l’information je serai heureux de l’indiquer., alors ses slogans ineptes sont allégrement absous par Maud Mandel.) Mais ces initiatives calamiteuses (et prémonitoires par rapport aux positions dominantes dans la mouvance antisioniste actuelle) ne sont mentionnées dans aucun des principaux livres sur l’histoire des Juifs de France pendant cette période. Elles sont seulement évoquées dans deux articles sur l’histoire de la solidarité envers le peuple palestinien, l’un de Marc Hecker (2011) et l’autre d’Abdellali Hajjat (2006). Y.C., Ni patrie ni frontières, 13/3/2019 Sources citées : Robert Hirsch, Sont-ils toujours des Juifs allemands ? La gauche radicale et les Juifs depuis 1948, Editions Arbre bleu, 2017 Maud S. Mandel, Muslims and Jews in France: History of a Conflict. Princeton University Press, 2014 Abdellali Hajjat, «Les comités Palestine (1970-1972). Aux origines du soutien de la cause palestinienne en France», Revue d’études palestiniennes, 2006, disponible en ligne Marc Hecker, «Sionisme. Oppositions militantes autour d’un terme à géométrie variable», Mots. Les langages du politique n° 96 | 2011, disponible en ligne