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THESE DE DOCTORAT DE THE L’UNIVERSI VERSITE PIERRE ET MARIE IE CURIE CU Spécialité Chimie Physique sique et e Chimie Analytique de Paris centre ntre (ED388) (E Présentée par Marine WOJCIESZAK Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ L PIERRE ET MARIE ARIE CURIE La soie, « modèle odèle » de polymères naturels fibreux : analyse vibrationnelle et nano/micromécanique, nan de la fibre re au composite c D de soutenance : 7 octobre 2014 Date Devant un jury composé de : Mme Sophie Lecomte ............... ..................................................................................... .......................Rapporteur M. Christophe Poilâne .............. ..................................................................................... .......................Rapporteur M. Thibaud Coradin ................. ..................................................................................... .....................Examinateur M. Patrice Bourson ................... ..................................................................................... .....................Examinateur M. Bernard Mauchamp............. ..................................................................................... .....................Examinateur M. Jean Guilment ...................... ..................................................................................... .....................Examinateur M. Philippe Colomban .............. ..................................................................................... ........... Directeur de thèse Mme Aline Percot ..................... ............................................................................... Co-encadrant Co de thèse 'de la MOlécule aux NAno-ob -objets : Réactivité, Interactions et Spectroscopie scopies' (MONARIS) UMR 8233 UPMC-CNRS Remerciements Ce travail s’est déroulé au sein du Laboratoire de Dynamique, Interactions et Réactivité (LADIR, UMR7075, UPMC-CNRS) pendant les deux premières années puis s’est terminé au sein du MONARIS (‘de la Molécule aux Nano-objets : Réactivité, Interactions et Spectroscopies’, UMR 8233, UPMC-CNRS) suite à la fusion du Laboratoire des matériaux mésoscopiques et nanométriques (LM2N, UMR 7070 UPMC-CNRS) avec le LADIR. Au terme de cette thèse, je tiens à remercier celles et ceux qui ont contribué à son déroulement au cours de ces trois années. Merci à Monsieur à Esmaïl Alikhani ancien directeur du LADIR pour m’avoir accueillie au sein du laboratoire ainsi qu’à Monsieur Christophe Petit directeur actuel de MONARIS. Je tiens particulièrement à remercier Madame Aline Percot, co-encadrante, et Monsieur Philippe Colomban, directeur de thèse, de m’avoir fait participer à leurs travaux et initiée à la recherche. Merci à Aline pour sa disponibilité, sa patience et son aide et à Philippe pour sa présence, sa réactivité et son expérience en particulier lors de rédactions et de préparations de présentations. Mes remerciement vont également aux personnes ayant permis ce travail : Monsieur Bernard Mauchamp (DR honoraire de l'INRA) pour avoir fourni la majeure partie des échantillons de soie et pour transmettre sa passion sur le sujet ainsi qu’à Madame Clara Hardy pour la soie conformée (projet de Master Design, Ecole Boule) ; Madame Alba Marcellan (MdC à l’ESPCI) pour ses explications claires et concises en ce qui concerne les tests de traction uni-axiale effectués au SIMM-PPMD et aux équipes suédoises (Anna Rising, My Hedhammar, Jan Johansson, ect. de l’Université des Sciences agricole à Uppsala) pour avoir fourni les échantillons de soie recombinante 4RepCT. Je remercie Madame Sophie Lecomte (DR CNRS à l’Université Bordeaux 1 - CBMN UMR 5248) et Monsieur Christophe Poîlane (MdC à l’IUT d'Alençon – CIMAP UMR 6252) pour avoir accepté d’être rapporteurs de ce travail, ainsi que Messieurs Thibault Coradin (DR CNRS au laboratoire de Chimie de la Matière Condensée de Paris UMR 7574 – UPMCCNRS), Bernard Mauchamp, Patrice Bourson (Professeur à l’Université de Lorraine – LMOPS UMR 5041) et Jean Guilment (DR à ARKEMA CERDATO/Laboratoire d'Etude des Matériaux (LEM)) pour avoir accepté de participer à ce jury. Tous mes remerciements vont également à l’ensemble du personnel du laboratoire qui a contribué à ce travail : Monsieur Gwenaël Gouadec (MONARIS) pour sa participation active dans les domaines micro- et nano-mécaniques, l’ensemble des discussions instructives et pédagogiques ainsi que sa jovialité ; Madame Sylvie Noinville pour la transmission de son savoir en biologie et en infrarouge ; Monsieur Denis Baron pour le développement de programme de décomposition spectrale mais surtout pour son agréable présence en tant que co-bureau ; le i second co-bureau, Monsieur Ludovic Bellot-Gurlet pour les nombreuses discussions enrichissantes et son soucis du détail, Madame Céline Paris pour l’enseignement de l’utilisation de nombreux instruments, sa disponibilité en cas de problèmes techniques et sa gentillesse ; Madame Aneta Slodczyk pour le côté ATG et les bons conseils ; Madame Céline Daher pour son aide notamment dans l’apprentissage de l’utilisation des logiciels et de m’avoir montré à l’avance la vie de thésard ! ; Madame Mathilde Chaboud et Monsieur Thierry Seropian pour leurs bons soutiens techniques et leurs sourires ; Madame Vanessa Labet pour le côté théorique ; Messieurs Guilhem Simon et Faycal Allouti pour la transmission de leurs connaissances en spectroscopie Raman ; Monsieur Bruno Madebène pour l’informatique ; Messieurs Christophe Petit et Anh-Tu Ngo pour leurs explications en diffraction de rayons X et microscopie électronique à balayage ainsi qu’à tous les autres membres du laboratoire. Merci également à Madame Dominique de Reyer (LRMH) pour avoir initié le projet sur la restauration de tissus de soie anciens (non présenté dans ce manuscrit). Je remercie Lucille Cukerman, Laura Dufeu et Amandine Fraysse, stagiaires au laboratoire qui ont contribué à ce travail notamment pour la partie concernant les films de soie. Un autre merci aux gestionnaires du laboratoire : Mesdames Chantal Landelle et Erica Helimihaja et Monsieur Patrice Sébastien pour leur bonne humeur et leur amabilité. Un merci particulier aux étudiants passés par le laboratoire et devenus mes amis : Feas (petit Na……), les charmantes italiennes Cristina C et F, Dorothy et Betta, Hector (dit Nectar), Tomas (chugungo), Claire, David (MdC), Judith (la pro de la mécanique), Jérôme, Marlène, Sendre et Damien. Enfin, un grand merci à mes proches pour leurs soutient et encouragements : Antoine qui m’a accompagnée et subie quotidiennement, mes parents Sylvie et Patrice, mamies Jaja et Wanda, Marion, Marc, Cindy, HMC et les Schuller ainsi que Ludi, Ola, Juliette, Ju et Jimmy, Karen, Laure, Stéphanie, Caro, Noémie, Jean-Marie, Jérémy, Apo et Christophe, Maya et Gaétan et Céline et Jean François. ii ° : degrés µL : microlitre, 10 L µm : micromètre, 10 m Notations -6 -6 Instrumentation Sigles et abréviations AFM : Atomic Force Microscopy ATG : Analyse ThermoGravimétrique ATR : Réflexion Totale Atténuée (Attanuated Total Reflectance) BF : champ clair (BrightField) CCD : Charge Coupled Device DF : champ sombre (DarkField) DLS : Dynamic Light Scattering IR : InfraRouge LVDT : Linear Variable Differential Transformer NMR : Nuclear Magnetic Resonance RX : Rayons X sh : épaulement (shoulder) TF : Transformation de Fourier wk : faible (weak) δ : déformation symétrique dans le plan (cisaillement) ∆ν : variation du nombre d’onde ν : élongation ρ : déformation asymétrique dans le plan (rotation) ω : déformation symétrique hors du plan (balancement) 5v : cinq vers a : contrainte au seuil de plasticité AA : acide aminé ADN : Acide DésoxyriboNucléique Ala, A : alanine Amb: ambiante ANT : antérieur Anth, AAA : Antharea ARN : Acide RiboNucléique Asp, N : acide aspartique ASTM : American Society for Testing and Material (société américaine pour les essais et les matériaux) av. : avant bag : boîte à gants Bm : Bombyx mori Bmd : Bombyx mori décreusé C1 : composite mono-renfort C6 : composite hexa-renfort CaCl : chlorure de calcium CaNO : nitrate de calcium CH CH OH : éthanol CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique CNRTL : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales Cp : Cocon plat Cys, C : cystéine D : désordonné DOPC : 1,2-dioleoyl-sn-glycero-3-phosphocholine 2 3 3 Unités Ǻ : Angström, 10 m cm : unité du nombre d’onde (1/λ) g : gramme GPa : giga Pascal h : heure J.-C : Jésus-Christ K : Kelvin kcal/mol : kilocalorie par mole kDa : kilo Daltons, unité mesure utilisée pour définir la masse molaire élevée des polymères kJ/mol : kilo Joule par mole kV : kilovolt mg : milligramme, 10 g min : minute MJ/m : méga Joule par mètre carré mL : millilitre, 10 L mm : millimètre, 10 m MPa : méga Pascal mW : milliwatt, 10 W N : Newton (m.s ) nm : nanomètre, 10 m s : seconde % : pourcentage ° C : degrés Celsius -10 -1 2 : champ électrique E : module de Young E : énergie E. coli : Escherichia coli ED : Ecole Doctorale ESPCI : École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la ville de Paris ext. : extérieur E : module de Young dans la zone de durcissement structural FWHM : largeur à mi-hauteur (Full Width at Half Maximum) G : gaussienne Gln, Q : glutamine Glu, E : acide glutamique Gly, G : glycine H : horizontal h : constante de Planck -3 y 3 -3 -3 -3 -2 -9 iii PVA : alcool polyvinylique Q : cordonnée normale de vibration R : radical (ou résidu) RH : Humidité Relative (Relative Humidity, EN) S : surface Ser, S : sérine SIMM : Sciences et Ingénierie de la Matière Molle S-S : pont disulfure Temperature) Tg : température de transition vitreuse (glassy Thr, T : thréonine Trp, W : tryptophane Tyr, Y : tyrosine UMR : Unité Mixte de Recherche UNS : Unité Nationale Séricicole UPMC : Université Pierre et Marie Curie V : vertical VH : vecteur champ électrique du laser Vertical et récupération du signal Horizontal VV : vecteur champ électrique du laser Vertical et récupération du signal Vertical : tenseur de polarisabilité ∆L : variation de longueur de la fibre suite à l’étirement ε : déformation λ : longueur d’onde σ : contrainte σ : écart type HH : vecteur champ électrique du laser Horizontal et récupération du signal Horizontal HV : vecteur champ électrique du laser Horizontal et récupération du signal Vertical H O : eau His, H : histidine I : intensité Ile, I : isoleucine INRA : Institut National de la Recherche Agricole int. : intérieur k : paramètre de forme (Weibull) KCl : chlorure de potassium L : lorentzienne L : longueur de jauge LADIR : Laboratoire de Dynamique, Interactions et Réactivité LASER : Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation LiBr : bromure de lithium LiSCN : thiocyanate de lithium Lys, K : lysine m : moyenne MaSp : spidroïne de l’ampullacée majeure (Major ampullate Spidroin) max : maximum Met, M : méthionine Mid : médiane min : minimum MONARIS : 'de la MOlécule aux NAno-objets : Réactivité, Interactions et Spectroscopies' n : nombre d’échantillons Na CO : carbonate de sodium ND : non déterminé Nist, N : Nistari Nm, Neph : Nephila madagascariensis Nmf : Nephila madagascariensis fraîche (3 mois) Nmfnm : Nephila madagascariensis fraîche non moulinée O : ordonné OGM : Bombyx mori Nistari génétiquement modifié OGM : Organisme Génétiquement Modifié OGMt : Bombyx mori Nistari (témoin) p : contrainte d’écoulement plastique PA 66 : polyamide 66 PET : polyester Phe, F : phénylalanine Poly(A) : polyalanine poly(AG) : polyalanylglycine POST : postérieur PPMD : Physico-chimie des Polymères et Milieux Dispersés Pro, P : proline k 2 0 2 Symboles ∅ : diamètre ∼ : environ (approximation) ↓ : diminue ↑ : augmente ↔ : stable ± : plus ou moins // : parallèle ┴ : perpendiculaire 3 iv Sommaire Introduction ............................................................................................................................................. 1 Chapitre 1 : Etat de l’art ........................................................................................................................... 5 1.1 La soie .................................................................................................................................................. 6 1.1.1 Historique ...................................................................................................................................................... 6 1.1.2 Production ..................................................................................................................................................... 7 1.1.3 Utilisations ..................................................................................................................................................... 8 1.2 Formation et composition des soies .................................................................................................... 9 1.2.1 Biosynthèse par les vers à soie ...................................................................................................................... 9 1.2.2 Biosynthèse par les araignées ...................................................................................................................... 12 1.2.3 Les acides aminés, éléments constitutifs des fibres .................................................................................... 14 1.3 Propriétés, variabilité et modèles structuraux ................................................................................... 19 1.3.1 Caractérisation mécanique .......................................................................................................................... 19 1.3.2 Caractérisation structurale ........................................................................................................................... 22 1.4 Etude vibrationnelle de la soie .......................................................................................................... 27 1.5 Volonté de maîtrise ............................................................................................................................ 36 1.5.1 Par génie génétique ..................................................................................................................................... 36 1.5.2 Fibroïne régénérée ...................................................................................................................................... 37 Chapitre 2 : Structure et organisation des fibres ..................................................................................... 41 2.1 De la glande de Bombyx mori à la production de la fibre ............................................................... 42 2.1.1 Conditions d’étude de la glande ................................................................................................................. 43 2.1.2 Organisation de la fibroïne le long de la glande jusqu’à la fibre ................................................................ 46 2.2 Variabilité et ordre au sein des fibres de soie ................................................................................... 53 2.2.1 Morphologie ................................................................................................................................................ 53 2.2.2 Structure....................................................................................................................................................... 57 2.2.3 Ordre local................................................................................................................................................... 73 Conclusions .............................................................................................................................................. 80 Chapitre 3 : Micro et nano-mécanique de fibres d’araignée et de ver à soie modifié par un gène d’araignée ............................................................................................................................................... 83 3.1 Propriétés en tension uni-axiale de fibres de Nephila madagascariensis ......................................... 84 3.1.1 Profils des courbes de contrainte-déformation .......................................................................................... 84 3.1.2 Effet de la longueur de jauge....................................................................................................................... 85 3.1.3 Influence du diamètre de la fibre ............................................................................................................... 87 3.1.4 Choix de la vitesse des essais de traction uni-axiale……………………………………………………………………….82 3.1.5 Autres paramètres physiques (relaxation/cycle) ......................................................................................... 88 3.1.6 Paramètres chimiques (âge/eau) ................................................................................................................. 91 3.2 Propriétés en tension uni-axiale de fibres de Bombyx mori Nistari modifié .................................. 93 3.2.1 Profils de courbes ........................................................................................................................................ 94 3.2.2 Influence de la modification génétique ...................................................................................................... 94 3.2.3 Mise en forme du cocon ............................................................................................................................. 96 3.3 Nano-mécanique : comportement mécanique à l’échelle des liaisons chimiques .......................... 98 3.3.1 Comportement des modes internes ........................................................................................................... 98 3.3.2 Comportement des modes externes / de réseau (<300 cm ) ................................................................... 101 -1 Conclusions ............................................................................................................................................ 105 Chapitre 4 : Du film au composite ....................................................................................................... 107 4.1 Films de soie..................................................................................................................................... 108 4.1.1 Procédé de fabrication .............................................................................................................................. 108 Sommaire 4.1.2 Morphologie .............................................................................................................................................. 109 4.1.3 Structure, organisation et propriétés mécaniques .................................................................................... 113 4.2 Composites ....................................................................................................................................... 125 4.2.1 Composites mono-renforts ....................................................................................................................... 126 4.2.2 Composites hexa-renforts ......................................................................................................................... 128 4.2.3 Composites unidirectionnels .................................................................................................................... 130 Conclusions ............................................................................................................................................ 137 Conclusions et perspectives.................................................................................................................. 139 Annexe A : Corpus d’échantillons ....................................................................................................... 147 A.1. Ver à soie – Bombyx mori ............................................................................................................. 148 A.2. Araignée– Nephila madagascariensis ............................................................................................ 151 A.3. Bactéries - Escherichia Coli ........................................................................................................... 153 Annexe B : Synthèse – Préparation d’échantillons............................................................................... 155 B.1. Du cocon à la fibre ......................................................................................................................... 156 B.2. Préparation des films...................................................................................................................... 157 B.3. Préparation des composites ........................................................................................................... 158 B.3.1. Film renforcé par 1 ou 6 fibre(s) ............................................................................................................. 158 Annexe C : Microscopie optique ......................................................................................................... 163 C.1. Instrument ...................................................................................................................................... 164 C.2. Mesures des diamètres des fibres / des largeurs des films et des composites .............................. 164 Annexe D : Traction uni-axiale ............................................................................................................ 167 D.1. Principe .......................................................................................................................................... 168 D.2. Préparation des échantillons.......................................................................................................... 169 D.3. Instruments .................................................................................................................................... 169 D.4. Traitements des données ............................................................................................................... 170 D.5. Statistique de Weibull .................................................................................................................... 170 D.6 Tableaux de résultats ...................................................................................................................... 172 Annexe E : Spectroscopie Raman ........................................................................................................ 179 E.1. Principe ........................................................................................................................................... 180 E.2. Instruments ..................................................................................................................................... 182 E.3. Basses fréquences ........................................................................................................................... 183 E.4. Polarisation ..................................................................................................................................... 184 E.4.1. Parallèle/perpendiculaire ......................................................................................................................... 184 E.4.2. Rotation .................................................................................................................................................... 185 E.4.3. Raman polarisé ........................................................................................................................................ 185 E.5. Cartographies / résolution spatiale ................................................................................................. 185 E.6. Spectroscopie Raman couplée à la traction uni-axiale .................................................................. 185 E.7. Traitement / décomposition spectrale ........................................................................................... 187 Annexe F : Spectroscopie Infrarouge................................................................................................... 189 F.1. Principe ........................................................................................................................................... 190 F.2. Instrument ....................................................................................................................................... 190 Annexe G : Diffraction de rayons X .................................................................................................... 193 G.1. Principe .......................................................................................................................................... 194 G.2. Instrument ...................................................................................................................................... 194 Sommaire Annexe H : Analyses thermogravimétriques ........................................................................................ 195 H.1. Principe .......................................................................................................................................... 196 H.2. Instrument ...................................................................................................................................... 196 Annexe I : Microscopie électronique à balayage .................................................................................. 197 I.1. Principe ............................................................................................................................................ 198 I.2. Instrument........................................................................................................................................ 200 Références ........................................................................................................................................... 201 Sommaire Introduction Le mot soie vient du latin populaire seta et/ou classique saeta qui signifie poil long et rude [CNRTL 2012]. Mais aujourd’hui, qu’entend-t-on sous le vocable « soie » ? Au premier abord on pourrait se contenter d’une réponse claire et simple telle que: « la soie est le filament que les vers à soie (ou araignées) sécrètent pour faire leurs cocons (ou toile) » et/ou « la soie est le fil et les tissus fabriqués à partir de ces fibres » [Vollrath et Porter 2009]. Toutefois, lorsque l'on creuse plus profondément, nous voyons que des exsudats « de soie » sont filés par : i) au moins 23 groupes d’insectes tels que le ver à soie, la larve de coléoptère, la larve chrysope, la larve de fourmis, les puces, les abeilles, les larves de mites, et les grillons [Walker et al. 2012] ; ii) les arachnides avec plus de 30 000 espèces d’araignées, les acariens et les pseudo-scorpions [Vepari et Kaplan 2007] ; iii) les mollusques et les crustacés [Kronenberger et al. 2012] ; iv) plusieurs autres taxons d'arthropodes (insectes, arachnides, crustacés, etc., embranchement constituant 80 % des espèces connues du règne animal) [Craig 1997]. Cependant, peu de ces fibres protéiques ont été étudiées. Le ver à soie Bombyx mori, une larve de papillon aveugle domestiqué 3000 ans avant J.-C. ne peut plus vivre sans l’aide de l’homme. Le secret de sa production fut gardé par la Chine pendant des siècles avant de se diffuser par les « Routes de la soie ». Cette soie est encore à notre époque la plus répandue sur le marché des fibres textiles, le reste provenant de vers à soie sauvages comme l'Antheraea (Tussah) en Inde et le Gonometa en Afrique du sud. La soie d’araignée ne peut pas être produite à grande échelle en raison de l’impossibilité d’élever efficacement des araignées. Comme la kératine, l’élastine et le collagène, les soies sont des polyamides où des résidus d’acides aminés remplacent les simples hydrogènes des composés synthétiques (type PA 66). Ce sont des protéines structurales qui ont une fonction de protection ou mécanique. La soie apparait comme une première étape, « simple », pour l’étude et la compréhension de ces protéines fibreuses constitutives des ligaments, de la peau, des parois artérielles, etc. L’attrait pour ce polymère naturel/biosourcé est croissant. Avec une remarquable combinaison de contrainte et déformation à rupture, les fibres de soie sont considérées comme les « meilleures » fibres naturelles pouvant rivaliser avec les fibres synthétiques à haute performance, avec des qualités supérieures attribuées à la soie d’araignée [Vepari et Kaplan 2007]. Même si la littérature considère la soie comme un matériau homogène tant dans sa 1 Introduction structure que dans ses propriétés mécaniques, la grande variabilité des propriétés mécaniques est établie [Madsen et al. 1999; Zhao et al. 2007; Colomban et al. 2012a]. Des prélévements de segments d’une même fibre de soie peuvent posséder différents comportements mécaniques qui peuvent être classés, quel que soit l’animal producteur, en cinq types [Dinh 2010] (§ 1.3.1). Les qualités de la soie sont très variables d'une production à une autre. Une voie « classique » pour améliorer les produits passe par la sélection génétique des lignées de vers produisant les fibres de meilleure qualité, les meilleurs soins de l’élevage et la préparation contrôlée des fils. Pour produire de la soie « d’araignée » à grande échelle, la modification génétique des vers à soie avec des gènes d’araignée a été testée [Tamura et al. 2000; Wen et al. 2010]. Le génie génétique permet également de produire de la soie « d’araignée » à partir de microorganismes, dont le génome est modifié, pour produire des protéines spécifiques. Les propriétés mécaniques de ce matériau mis sous forme de fibres, appelé soie recombinante, sont loin d’égaler les propriétés des fibres naturelles [Stark et al. 2007]. Les caractéristiques mécaniques remarquables de la soie ne sont pas leur seul atout. Elles présentent également une bonne stabilité thermique et chimique, une certaine flexibilité morphologique, et permettent d’envisager des applications biomédicales (biocompatibilité, biodégradabilité protéolytique contrôlée) ou des greffages chimiques (par exemple pour immobiliser des facteurs de croissance) [Moy et al. 1991; Tirrell et al. 1991; Chen et al. 2003; Kardestuncer et al. 2006]. L’obtention de solutions de soie, après solubilisation des fibres, permet la préparation de matériaux en soie régénérée avec différentes morphologies adaptables aux applications visées [Lee et al. 1998; Sugihara et al. 2000; Sofia et al. 2001; Hu et al. 2006]. Cependant, il semble que la mise en solution modifie fortement les interactions/organisations des macromolécules. Les objets fabriqués (fibres, films principalement) présentent une également grande variabilité et des propriétés mécaniques très faibles en comparaison des fibres initiales [Wang et al. 2004; Jiang et al. 2007; Lawrence et al. 2010]. Des travaux récents ont démontré le comportement piézoélectrique de la soie [Fukada 1956; Yucel et al. 2011] et l’utilisation de la soie dans des dispositifs sophistiqués fait l’objet de recherches [Lawrence et al. 2008; Omenetto et Kaplan 2008]. Ce travail de thèse s’intéresse à différentes soies : i) la soie du ver Bombyx mori ; ii) la soie d’une variété de Bombyx mori (souche Nistari) modifiée génétiquement par introduction de certains gènes d'araignée ; iii) la soie d’araignée Nephila madagascariensis, récoltée à Madagascar ; iv) la soie obtenue à partir de bactéries Escherichia coli modifiées génétiquement, appelée soie recombinante 4RepCT, intégrant un segment de soie d’araignée. Les soies naturelles ont été fournies par l’ancienne unité séricicole de l’INRA (La Mulatière) et la soie recombinante par le Laboratoire des Sciences Biomédicales et de la Santé Publique Vétérinaire de l’Université Suédoise des Sciences Agricoles (Uppsala) [Stark et al. 2007]. Ces soies seront majoritairement étudiées par spectroscopies vibrationnelles et traction uni-axiale, méthodes ayant démontré leur efficacité dans l’étude de nombreuses familles de fibres polymères [Herrera Ramirez et al. 2004; Colomban et al. 2006; Paquin et Colomban 2007]. L’objectif est une meilleure compréhension de l’organisation du matériau et de sa 2 Sommaire synthèse/mise en oeuvre jusqu’au produit fini (la fibre ou, après solubilisation et régénération, les films et composites). La glande de Bombyx mori, l’espèce de ver à soie domestique communément utilisée dans l’industrie du textile, est préférée pour l’étude de la formation de la soie car elle est un modèle plus « simple » et de disponibilité plus « facile » (l’araignée peut posséder jusqu’à sept glandes séricigènes). Au contraire, l’étude des fibres se concentrera sur le fil de trame de Nephila madagascariensis, la soie d’araignée ayant une géométrie homogène (section circulaire) et étant dépourvue de grès. Les fibres peuvent donc être étudiées sans la contribution de la gaine de séricine et sans décreusage (solubilisation du grès qui peut induire des modifications de la surface de la fibre). Une collaboration avec l’ESPCI (PPMD-SIMM) a été mise en place dans l’étude par traction uni-axiale de films et composites, qui nécessite des forces de traction supérieures à celles accéssibles au laboratoire. La spectroscopie vibrationnelle est l’outil dominant dans cette étude car elle est particuliérement efficace pour la compréhension de la structure de matériaux à faible cristallinité ou amorphes. Les modes de vibration d'élongation et de déformation sondent les liaisons chimiques et leur environnement très proche alors que les modes de bas nombres d’onde, comme la diffraction des RX, sondent l'organisation à longue distance [Colomban 2012; Colomban 2013]. Le couplage entre un dispositif de traction uni-axiale et la spectroscopie Raman permet l'étude des relations entre le comportement micro-mécanique et le comportement nano-mécanique (à l’échelle des liaisons chimiques). Après un résumé succinct de l’histoire de la production et de l’utilisation de la soie de vers à soie, le Chapitre I mettra en contexte le présent travail en dressant un bilan des recherches sur la composition, la microstructure et les propriétés mécaniques des différents types de soie. Le Chapitre II étudiera l’organisation des macromolécules dans différentes soies, une attention particulière étant portée à la fibroïne de Bombyx mori étudiée depuis la glande jusqu’à la fibre filée. Une comparaison des morphologies et des spectres vibrationnels des fibres sera faite, notamment dans la région des faibles nombres d’onde en Raman. L’étude micro-mécanique de fibres de Nephila madagascariensis et de cocons de vers à soie génétiquement modifiés sera détaillée dans le Chapitre III. Cette partie portera également sur le comportement mécanique à l’échelle des liaisons chimiques (nano-mécanique) par l’analyse couplée spectroscopie Raman/traction uni-axiale de fibres de Nephila madagascariensis. Le Chapitre IV, permettra de mieux comprendre la « dissolution » et « régénération » de la soie sous forme de films et de composites fibres de soie / matrice de soie régénérée. Différentes méthodes de fabrication de ces composites seront testées en incorporant une, six puis des centaines de fibres dans le but d’améliorer les propriétés mécaniques. La conclusion fera le bilan des apports de ce travail et des perspectives vers une meilleure maîtrise des propriétés de la soie régénérée et le développement de nouveaux matériaux composites soie/soie, critères pour pouvoir analyser des ligaments ou des objets devant être conservés en milieu liquide. 3 Introduction 4 Chapitre 1 : Etat de l’art Ce chapitre débutera par un bref historique des usages de la soie et tente de résumer l’état des connaissances « utiles » à notre travail. Thomson Reuters recense presque 20 000 articles sur la soie, dont plus de 1 000 articles publiés chaque année depuis 2008. Récemment, du fait de l’intérêt potentiel des composés biosourcés, un renouveau d’attention est porté sur la soie aussi bien en vue d’applications textiles que biomédicales. Les soies sont des protéines fibreuses contenant des séquences hautement répétitives de résidus d’acides aminés hydrophobes et de petite taille. Elles sont stockées dans des glandes spécifiques de l'animal, en phase aqueuse et forment des fibres à la sortie de filières. Cette définition exclut la kératine et le collagène, autres protéines fibreuses. De nombreux débats existent quant à la structure/conformation des protéines dans ces fibres. La soie combine des excellentes propriétés mécaniques (plus précisément, une bonne combinaison de contrainte et déformation à rupture), une biocompatibilité et une bonne stabilité chimique et thermique. 1.1 La soie 1.1.1 Historique 1.1.2 Production 1.1.3 Utilisation 1.2 Formation et composition des soies 1.2.1 Biosynthèse par les vers à soie 1.2.2 Biosynthèse par les araignées 1.2.3 Les acides aminés, éléments constitutifs des fibres 1.3 Propriétés, variabilité et modèles structuraux 1.3.1 Caractérisation mécanique 1.3.2 Caractérisation structurale 1.4 Etude vibrationnelle de la soie 1.5 Volonté de maîtrise 1.5.1 Par génie génétique 1.5.2 Fibroïne régénérée 5 Chapitre 1 - Etat de l’art 1.1 La soie 1.1.1 Historique La découverte du ver à soie, l’art du dévidage des cocons et la domestication de l’espèce datent de la plus haute antiquité. La Chine est considérée comme le berceau de la production de soie ; elle a d’ailleurs conservé le secret de sa fabrication et par conséquent l’exclusivité de son commerce pendant plus d’un millénaire. De nombreuses légendes relatent la découverte du ver à soie. L’une d’entre elles raconte « l’histoire d’un cheval magique qui pouvait voler dans le ciel mais aussi comprendre le langage humain. Ce cheval appartenait à une fille et son père, un jour, ce dernier partit pour ses affaires et ne revint pas. La fille fit donc la promesse que si le cheval ramenait son père, elle l’épouserait. Le cheval remplit son devoir mais le père n’accepta pas la promesse de sa fille. Au moment où il tua le cheval innocent, la peau de celui-ci emporta la fille, ils s’envolèrent loin de son père puis s’arrêtèrent contre un arbre. A l’instant où la fille toucha l’arbre, elle se transforma en ver à soie et fila chaque jour de longs et fins fils de soie représentant son ennui » [Blachère 2011]. La plus connue des légendes est celle relatée par Confucius (551 à 479 avant J.-C.) dans le livre des Odes. Vers 2700 avant J.-C., l’empereur Hoang-Ti demanda à son épouse Xi-Ling-Chi de trouver la cause de la disparition des feuilles de ses mûriers. L’impératrice découvrit que de petits vers blancs mangeaient insatiablement les feuilles avant de filer des cocons brillants. L’un d’eux tomba par hasard dans l’eau chaude de son thé et elle s’aperçut qu’un fil délicat pouvait en être dévidé. Après sa découverte, elle insista auprès de son royal époux pour qu’il lui offre un verger de mûriers afin d’élever les vers à soie. Toutefois, la sériciculture était déjà une technique bien établie avant le règne de cet empereur (2677 à 2597 avant J.-C.) [Collectif 1997]. Les plus vieux fragments de tissus à base de soie découverts en Chine sont datés de 3000-2500 ans avant J.-C. En 2009, la découverte de trois fragments de fils de soie enfilés sur des bijoux retrouvés entre l’Inde et le Pakistan sur des sites de la civilisation de la vallée de l'Indus, qui s'est développée de 2800 à 1900 av. J.-C, suggère l’existence d’un autre foyer d’invention [Good et al. 2009]. Cependant, l’espèce de ver à soie dont proviennent ces fragments n’a pas été déterminée avec certitude. Il existe de nombreuses espèces de vers à soie sauvages. La domination chinoise sur la production de la soie s’expliquerait par l’existence, en Chine, du Bombyx mandarina moore sauvage, qui vit exclusivement sur les mûriers blancs et aurait donné par domestication le Bombyx mori, un papillon aveugle, qui ne vole pas et qui dépend entièrement de l’homme pour sa survie. Contrairement aux espèces sauvages, qui produisent une soie aux formes irrégulières et aplaties, le Bombyx mori produit un filament plus lisse, plus fin et plus régulier pouvant être plus aisément assemblé en un fil long et continu. Parmi les vers à soie sauvages, on peut également citer le Tussah qui est le nom commun donné à la fois aux chenilles Antheraea et à leur soie. Ces vers à soie ont un régime alimentaire différent de leurs cousins Bombyx mori. Qu’ils vivent sous les tropiques ou en climat tempéré, ils mangent des feuilles contenant du tanin, l'ingrédient du thé qui laisse une tache dans la tasse. La couleur naturelle de la soie Tussah est miel beige chaud et cette soie est généralement utilisée sans teinture (grège). Les vers à soie Tussah sont protégés et récoltés dans les jungles et forêts par les communautés autochtones des peuples d'Asie. Ces vers à soie ont rejeté toutes tentatives de domestication 6 Etat de l’art - Chapitre 1 [Fabulousyarn]. Les fibres Tussah sont un peu plus grosses que celles de Bombyx cultivées mais présentent de remarquables qualités mécaniques [Dinh 2010]. La Chine ouvre le commerce de la soie à l’Occident sous la dynastie Shang (dont le nom signifie marchand), entre 1766 et 1401 avant J.-C. Le premier pays à découvrir le secret de la soie est la Corée où des émigrants chinois implantèrent la sériciculture en 1200 avant J.-C. Ensuite, l’élevage des vers à soie s’implante au Tibet grâce à une princesse chinoise. Devant épouser le prince Khotan en 420 avant J.-C., elle apprit que celui-ci n’avait pas de vers à soie dans son pays. Ne pouvant se passer de ses habits de soie, elle décida de cacher des œufs de Bombyx et des graines de mûriers dans sa coiffure lors de son départ, malgré la loi impériale condamnant à mort toute personne tentant d’exporter des vers à soie ou des œufs. Un général de l’impératrice japonaise Singu Kongo envahit la Corée au IIIe siècle et ramena au Japon quelques œufs de vers à soie ainsi que des captifs connaissant l’art de la sériciculture. Le Japon fut suivi par l’Inde et tous deux devinrent d’importants producteurs. Ce n’est qu’au cours du VIe siècle après J.-C. que la technique de fabrication de la soie arriva dans le bassin méditerranéen, l’Empire byzantin la conservant d’abord jalousement. Les chinois perdirent ainsi leur monopole sur les textiles les moins évolués, mais conservèrent une avance importante dans la confection de tissus de grande qualité, exportés à travers l’Asie par les routes de la soie. A la même époque, les perses maîtrisèrent eux aussi la fabrication de la soie. Envahis par les Arabes au VIIe siècle, ils leur transmirent la technique qui s’étendit alors, parallèlement à l’Islam, en Afrique et sur les rives de la Méditerranée, comme en Espagne, en Sicile et en Provence. La première Route de la soie connue entre Orient et Occident est celle des steppes du nord, qui traversait les monts Altaï, entre la Chine et la Mer Noire. Des caravansérails et des villes se formèrent le long de cette route, développant le commerce de la soie et la sériciculture. L’expression « Routes de la soie » fut inventée par le baron Ferdinand von Richthofen au XIXe siècle. Cette appellation ne reflète pas uniquement l’étendue des échanges sur ces routes mais surtout le grand intérêt de l’Occident pour la soie. En Chine, la soie était une forme de monnaie qui servait à payer les impôts, des armées et même des rançons. D’autres échanges religieux, scientifiques et culturels se sont réalisés pendant des siècles sur ces routes, dont certains jusqu’à aujourd’hui [Scott 1993; Blachère 2011]. 1.1.2 Production De nos jours, la principale source de soie demeure la culture du Bombyx mori, la quantité de soie produite par une cinquantaine de pays avec la Chine et l’Inde en tête de liste, étant estimée à 150 000 tonnes par an. Le reste de la production mondiale (10 à 15 %) est de la soie sauvage provenant de plusieurs espèces du genre Antheraea (soie Tussah). La soie ne représente cependant qu'un pourcentage infime du marché des fibres textiles, soit moins de 0,2 %. Le commerce de la soie et des produits en soie reste de l'ordre de plusieurs milliards de dollars, avec un prix unitaire de la soie grège environ 20 fois celui du coton. Parmi les 50 pays pratiquant la sériciculture, 14 sont situés en Asie. L'Inde est l'un des principaux importateurs de soie grège bien qu'elle soit le second plus grand producteur, la demande locale est nettement supérieure à l'offre. La Chine, plus gros producteur, où les consommateurs acquièrent de plus en plus de pouvoir d'achat connait aussi une demande 7 Chapitre 1 - Etat de l’art interne en forte croissance. Traditionnellement le plus gros consommateur de soie, le Japon s'appuyait entièrement sur sa production locale dans les années 60, surtout pour les kimonos. À partir des années 70, la production de soie locale a été divisée par 10 et le commerce dépend désormais des importations d’articles finis de soie, principalement depuis la Chine. Le déclin de l'industrie de transformation de la soie au Japon a produit de sérieux effets sur la sériciculture brésilienne où existe une forte communauté d’origine Japonaise, qui fournit abondamment le Japon. Autrefois entre les mains des européens (en particulier l’Italie et la France), le commerce des produits finis est de plus en plus investi par les Chinois, les Indiens et les Thaïlandais [CCI; INSERCO; Planetoscope]. 1.1.3 Utilisations Les qualités de la soie ne sont réunies par aucune autre fibre, synthétique ou naturelle. La soie absorbe l’humidité du corps (« elle respire »), ses propriétés isothermes la rendent fraîche en été et chaude en hiver et ses qualités optiques permettent aux fils teints d’offrir une infinité de nuances ; son élasticité lui permet de retrouver sa forme après avoir été déformée. Ses usages sont multiples : tapisseries, tapis, broderies, tissus d’ameublement et vêtements. La soie tissée a été utilisée pour la fabrication du premier ballon à gaz, rempli d’hydrogène. Il prit son envol en 1783 quelques jours après le ballon à air chaud des frères Montgolfier (confectionné avec une toile de coton recouverte de papier trempé dans l'huile) et la soie resta jusqu’à l’arrivée du premier polyamide synthétique, le Nylon®, le constituant des toiles de parachutes. Le fil obtenu en étirant manuellement la glande des vers à soie, appelé « crin de Florence », fut utilisé depuis la plus haute antiquité chinoise pour la confection de cordes d’instruments de musique, puis servit de ligne de pêche pour fixer l’hameçon, en raison de sa résistance mécanique et de son indice de réfraction qui le rend invisible dans l’eau. L’utilisation des crins de Florence en chirurgie date du début du XIXe siècle ; d’abord utilisés par les chirurgiens britanniques et allemands, ils furent ensuite considérés en France comme un excellent moyen de suture par le Dr Lucas-Championnière (1843-1913) [Dillemann 1984]. Pour la plupart de ces utilisations, la soie a été remplacée par des fibres synthétiques dans les années 1930 à 1950. Au début du XXe siècle, Sanji Muto, président d’une fabrique de soie japonaise Kanebo, remarque la douceur des mains des fileuses. C’est en 1936 que Kanebo présente son premier produit cosmétique, un savon à base de soie du nom de “Savon de soie” [Kanebo]. En effet, la soie de vers à soie est enrobée de séricine, une protéine cireuse, qui se déposait probablement sur les mains des fileuses. Cette séricine entre dans la composition de produits capillaires (démêlants, shampooings, sérums de brillance…) et d’innombrables produits de soins et de maquillage, sous forme de poudre ou de gel. La recherche sur la soie est importante pour des applications biomédicales potentielles comme la réparation tissulaire et osseuse, la prolifération et l’adhésion cellulaire ou encore pour servir d’excipient en raison de sa biocompatibilité et de sa stabilité [Lee et al. 1998; Sugihara et al. 2000; Sofia et al. 2001; Zhang 2002; Karageorgiou et al. 2004; Hu et al. 2006; Kino et al. 2006; Widhe et al. 2010; Lewicka et al. 2012]. Ces applications concernent 8 Etat de l’art - Chapitre 1 essentiellement la fibroïne (principale composante de la fibre) car certaines études ont montré que la séricine, la protéine enrobant les deux fibres de fibroïne des vers à soie, peut être responsable de réactions inflammatoires [Aramwit et al. 2012]. En plus de sa biocompatibilité et de son caractère biodégradable, certains chercheurs s’intéressent à ses propriétés optiques pour le développement de senseurs optiques (réseau de diffraction, générateur de mire, lentilles) [Lawrence et al. 2008; Omenetto et Kaplan 2008] et de dispositifs diélectriques ou même piézoélectriques [Hardy et Scheibel 2010]. 1.2 Formation et composition des soies L’objet défini par le mot soie est variable. La classe de matériaux nommés « soie » dépend en fait davantage du processus de production que de la composition chimique finale. Quel que soit l’animal concerné, les éléments constitutifs de la soie sont stockés dans des glandes et seront ensuite « filés ». La forme de l’objet obtenu à partir du liquide précurseur de soie (cocon, toile,…), le nombre et les caractéristiques des glandes peuvent différer ainsi que la manière de « filer ». Il y a des exsudats de soie filés par : i) des insectes tels que les vers à soie, les larves de mites, de coléoptère, de chrysope et de fourmi, les puces, les abeilles et les grillons [Walker et al. 2012] ; ii) les arachnides avec les araignées, les acariens et les pseudo-scorpions [Vepari et Kaplan 2007] ; iii) d’autres taxons d'arthropodes [Craig 1997] ; Une dernière catégorie, ne respectant pas la définition donnée précédemment (stockage dans glande puis filage), est nommée que par extension : les mollusques et les crustacés [Kronenberger et al. 2012], la « soie de porc », une kératine incolore. Ces soies sont loin d'être identiques les unes aux autres bien qu’elles partagent souvent des similitudes très spécifiques. 1.2.1 Biosynthèse par les vers à soie Le cocon du ver à soie a pour objet de le protéger des prédateurs ainsi que des microorganismes lors de sa transformation en chrysalide, puis en papillon. Les papillons font partie de la classe des Insectes. Les insectes appartiennent à la famille des Invertébrés, animaux dépourvus de squelette osseux, et au groupe des Arthropodes qui se distinguent des Arachnides, des Myriapodes et des Crustacés par un corps divisé en trois parties : la tête, le thorax et l’abdomen. La dénomination « ver » n’est pas exacte car il possède des pattes et s’apparente donc plutôt à une chenille. Il sera en principe appelé larve ou ver par la suite. Son cycle de vie (Figure 1.1), qui débute par l’œuf et se poursuit par la larve, la chrysalide puis le papillon s’étend sur 2 à 3 mois. L’existence d’une diapause (phase génétiquement déterminée dans le développement d'un organisme où il diminue l'intensité de ses activités métaboliques) dépend de la souche de ver à soie : les souches sans diapause sont pour la plupart d'origine tropicale et sont caractérisées par une reproduction rapide, ces souches connaissent 5 à 6 cycles par an (polyvoltin) ; les souches avec diapause, au contraire, se 9 Chapitre 1 - Etat de l’art développent sous les climats tempérés, elles complètent un (univoltin) ou deux (bivoltin) cycles de vie en une année [Reddy et al. 1999]. Figure 1.1 : Cycle de vie du ver à soie. Modifiée via [Boucher 1996]. La durée du stade larvaire est d’une vingtaine de jours pendant lesquels la larve passe par 5 stades, séparés par des mues, qui permettent la continuité de sa croissance avec l’augmentation de son volume. Lors des différents stades de sa vie de larve, le Bombyx mori se nourrit exclusivement de feuilles de mûrier (sauf lors des mues, où l’alimentation est stoppée) qui apportent les éléments nécessaires à la formation de la soie liquide via les deux glandes séricigènes. L’anatomie interne du ver à soie est complexe, et nous ne considérerons que l’hémolymphe et les glandes séricigènes. L’hémolymphe est acheminée par un tube musculeux, qui se situe sous la peau à l’arrière du corps, et qui se contracte rythmiquement et onduleusement d’arrière en avant. Ce tube dorsal fait circuler l’hémolymphe formée d’une multitude de globules incolores, jaunes ou verts selon le ver à soie. Quelque soit sa couleur, le pigment responsable de la coloration sanguine provient de l’alimentation : les ferments décomposent la chlorophylle provenant des feuilles mais laissent intacts les pigments caroténoïdes et flavonoïdes. Pour les vers à sang blanc, les pigments sont arrêtés par la paroi intestinale alors que les caroténoïdes traversent la paroi pour les vers à sang jaune et les 10 Etat de l’art - Chapitre 1 flavonoïdes pour les vers à sang vert. Les deux glandes productrices de soie sont des glandes salivaires, c’est pour cette raison que la soie filée est appelée bave. Dès les premiers stades, la larve sécrète de petits fils de soie avant chaque mue pour se fixer à la feuille de mûrier. Sur le point de filer, les glandes remplissent presque entièrement la cavité générale de la larve, partant de la tête, elles encadrent le tube digestif et s’étendent jusqu’au quart postérieur du corps. Figure 1.2 : Représentation schématique des glandes de ver à soie (gauche) et de la méthode de filage du ver à soie (droite). Modifiée via [Akai 1983] et [Jauzein 2010]. Les glandes peuvent être divisées en trois parties selon leur morphologie et les produits de sécrétion (Figure 1.2) : - la partie postérieure (diamètre 0,4 à 0,8 mm, longueur 100 mm), constituée d'environ 500 cellules sécrétrices, qui synthétisent la fibroïne dans leur cytoplasme et la stockent temporairement ; - la partie centrale (diamètre 3 à 4 mm au centre, 4 à 6 cm de long), en forme de S, qui fonctionne comme un immense réservoir de soie liquide et est le lieu de la production de séricine par environ 300 cellules secrétrices situées dans la paroi de la glande. Cette partie de la glande est divisée en trois zones, Mid 1, 2 et 3, qui seront détaillées dans le Chapitre 2 ; - la partie antérieure (diamètre 0,05 à 0,3 mm, longueur 35 mm) est constituée d'un conduit mince allant du réservoir de stockage vers la filière buccale et est composée d'environ 250 cellules sans fonction de sécrétion connue. Les parties antérieures de chaque glande se réunissent pour aboutir à la filière placée sous la bouche. Au niveau de leur point de jonction, se trouvent deux petits organes appelés glandes de Filippi dont la fonction reste incertaine [Akai 1983; Foo et al. 2006]. A la fin du cinquième âge larvaire, la larve est arrivée à maturité, elle arrête de se nourrir et rejette d’abondantes déjections jusqu’à ce que son tube digestif ne contienne plus aucun résidu de feuilles. Auparavant sédentaire, la larve se met à chercher un endroit propice pour construire son cocon. Une fois l’endroit favorable repéré, elle établit un réseau lâche et irrégulier de bave, appelé « blase » à l’intérieur duquel elle construit son cocon. Il a été montré qu’au moment du filage le pH est neutre (~ 7 à 8) dans la partie postérieure et plus acide dans les parties centrale (~ 5 à 6) et antérieure (<5) de la glande [Foo et al. 2006]. La quantité d’eau diminue lorsque l’on se rapproche de la filière, et la concentration en ions Ca2+ augmente. Le contrôle précis du taux d’hydratation, de la concentration en cations (Ca2+, Cu2+, K+, Mg2+, Na+ et Zn2+) et du pH de la soie liquide apparait essentiel pour la formation de la bave. Les protéines sécrétées dans les glandes, la fibroïne et la séricine, sont les constituants majeurs de la bave. Celle-ci est une bi-fibre de fibroïne entourée d’une gaine de séricine appelée « grès ». La couleur du grès varie avec la coloration de l’hémolymphe alors que la fibroïne est toujours blanche. Le processus physico-chimique permettant de passer d’une phase 11 Chapitre 1 - Etat de l’art liquide concentrée à une fibre à hautes propriétés mécaniques sera étudié dans le Chapitre 2. La séricine étant très hydrophile, elle pourrait absorber de l’eau déshydratant ainsi la fibroïne [Jauzein et Colomban 2009]. Sa fonction est aussi d’assurer la protection et le collage lors de la formation de la bave et la construction du cocon. Le ratio massique fibroïne-séricine est approximativement 3:1. Pendant le filage de la bave, la larve effectue un mouvement répétitif en forme de 8 (Figure 1.2) qui impose des tractions et compressions au matériau. En effet, elle fixe (grâce à la séricine) sa bave sur la blase ou une partie du cocon déjà filée, puis l’étire jusqu’au point de fixation suivant. Cette technique de filage entraine des hétérogénéités/défauts sur la bave qui seront considérés par la suite. Le cocon est construit de l’extérieur vers l’intérieur avec un fil continu d’une longueur comprise entre 500 et 1500 m. Il pèse quelques grammes et ses formes - quasi-sphérique, ovale ou pointue – et dimension varient selon l’espèce. Le diamètre des baves varie entre 10 et 30 µm, en fonction de l’animal, de sa procédure de filage, de la vitesse à laquelle il est réalisé (un filage plus rapide donne des baves plus fines) et du moment auquel la bave est sécrétée (les baves situées vers l’extérieur et l’intérieur du cocon sont différentes). 1.2.2 Biosynthèse par les araignées Parmi l'ordre des Araneae, qui appartient à la classe des Arachnides (Tableau 1.1), le sous-ordre Araneomorphae comprend la grande majorité des araignées, avec 35 000 espèces réparties dans 90 familles [Kovoor 1987]. La majorité des soies d'araignées étudiées dans la littérature sont filées par les membres du sous-ordre Araneomorphae [Gosline et al. 1986; Gatesy et al. 2001]. Les glandes les plus importantes se situent dans l’abdomen, l’opisthosoma, et sont reliées à un conduit sécrétoire qui mène à la région filière [Kovoor 1987]. Classe Ordre Sous-ordre Famille Genre Espèce clavipes madagascariensis Tetragnathidae Nephila edulis pilipes Arachnides Araneae Araneomorphae senegalis Argiope trifasciata Araneoidea Araneus diadematus Theridiidae Latrodectus hesperus Nephilidae Nephilengys cruentata Tableau 1.1 : Classification des principales espèces d’araignées étudiées dans la littérature. Les araignées appartenant aux Araneoidea, famille du sous-ordre Araneomorphae, peuvent avoir jusqu'à sept glandes différentes [Candelas et Cintron 1981], produisant chacune une soie aux propriétés mécaniques spécifiques (Figure 1.3). La soie la plus communément étudiée est le fil de trame produit dans la principale glande (l’ampullacée majeure) et utilisé pour le cadre et les rayons de la toile comme pour le fil de suspension (de survie) (voir Annexe A). 12 Etat de l’art - Chapitre 1 Flagelliforme Cylindrique : sac à œufs extérieur Agrégée Cylindrique Ampullacée mineure Piriforme Agrégée : spirale collante pour la capture des proies Aciniforme Ampullacée majeure Aciniforme : enveloppement des proies et sac à œufs intérieur Ampullacée Piriforme : majeure : Ampullacée mineure : attache cadre, rayons, spirale auxiliaire fil de survie Figure 1.3 : Glandes séricigènes et utilisation(s) des fibres produites par les différentes glandes de l’araignée Araneus diadematus. Modifiée via [Vollrath 1992]. La glande ampullacée majeure se compose de trois parties distinctes : la queue, le sac et le conduit (Figure 1.4). Les protéines qui constituent la fibre finale sont produites dans la queue et le sac [Bell et Peakall 1969; Plazaola et C. Candelas 1991; Sponner et al. 2005]. Figure 1.4 : Représentation schématique de la glande ampullacée majeure. Modifiée via [Vollrath et Knight 1999] – les numéros 1, 2 et 3 représentent les trois parties du conduit en forme de S. La principale, et probablement unique fonction de la queue est la synthèse de la protéine de soie [Bell et Peakall 1969], appelée spidroïne. L'épithélium de la queue présente un agencement cylindrique simple, constitué par un seul type de cellules sécrétoires. Ces cellules possèdent de grands noyaux, un réticulum endoplasmique rugueux bien développé et un grand nombre de granules sécrétoires caractéristiques. Les granules s'accumulent dans la cellule, où ils déchargent leur contenu dans des vésicules [Plazaola et C. Candelas 1991]. Le volume du sac est plus grand que celui de la queue. Les protéines sécrétées y sont stockées en solution aqueuse à forte concentration (~ 30 à 50% en poids) [Hijirida et al. 1996; Chen et al. 2002]. Le sac possède aussi un épithélium stratifié mais la quantité de protéine synthétisée dans le sac ne représente que quelques pourcents de la quantité totale synthétisée par la glande [Bell et Peakall 1969]. Si l’unique fonction du conduit était de connecter le sac à la filière, l'araignée aurait un conduit beaucoup plus court [Bell et Peakall 1969]. Il se rétrécit progressivement et possède trois branches pliées en forme de S (Branches 1, 2 et 3, Figure 1.4) [Knight et Vollrath 1999]. 13 Chapitre 1 - Etat de l’art Les protéines stockées en phase aqueuse dans le sac deviennent une fibre insoluble dans la troisième branche du conduit [Work 1977]. Comme dans le cas du ver à soie, la conversion des protéines de soie d’une « solution aqueuse concentrée » en une fibre solide n’est pas totalement élucidée. Des facteurs tels que la diminution du pH, le pré-alignement des protéines, des forces de cisaillement ainsi que des changements de concentration en ions ont été proposés comme contribuant à ce processus [Vollrath et Knight 1999; Vollrath et Knight 2001; Chen et al. 2002]. 1.2.3 Les acides aminés, éléments constitutifs des fibres La fibroïne et la spidroïne sont des protéines fibreuses. De manière générale, la synthèse des protéines s’effectue dans les cellules à partir de l’acide désoxyribonucléique (ADN) qui détermine l’enchaînement des acides aminés qui formeront la protéine. Synthèse protéique La première étape de la synthèse protéique est la transcription de l’ADN en acide ribonucléique (ARN), une molécule qui contient la même information que l’ADN mais seulement pour un gène d’intérêt (portion de l’ADN). Elle est plus petite et peut ainsi se déplacer du noyau vers le cytoplasme. La traduction de l’ARN en séquence d’acides aminés, la protéine, se produit au niveau du cytoplasme. Dans le cas de la soie, elle se produit plus précisément entre le cytoplasme et le réticulum endoplasmique granuleux, digitation de la double membrane du noyau qui est recouverte de ribosomes, organites (éléments fonctionnels cellulaires) de la traduction. Cette voie de synthèse permet des fonctionnalisations ainsi que l’exocytose. Les protéines produites sont ainsi déplacées vers l’appareil de Golgi par des vésicules et expulsées vers l’extérieur de la cellule sous l’action du cytosquelette. Par modification génétique des vers à soie ou de bactéries, il est possible de contrôler la production protéique et de modifier la composition en résidus d’acides aminés de protéines ciblées [Mori et Tsukada 2000; Stark et al. 2007; Wen et al. 2010]. Acides aminés Les acides aminés sont à la base de la formation des protéines. Ils sont constitués d’un carbone central tétravalent, appelé par convention carbone α et lié à : - un atome d’hydrogène, - un groupement amine, - un groupement acide carboxylique et - un radical (ou résidu, R) variable (Figure 1.5). C’est ce radical qui détermine la nature et les propriétés de l’acide aminé puisque le reste est commum à tous les acides aminés. Les groupements R sont de différentes natures chimiques et sont le plus souvent classés selon leur polarité et leur charge. Les résidus d’acides aminés représentent une [unité] de la chaîne protéique et sont liés par des liaisons amides, ce qui en fait un polyamide naturel. Dans le polyamide 66, un des « greffon » peut être assimilé à l’acide aminé le plus simple, avec R=H, c’est à dire la glycine. 14 Etat de l’art - Chapitre 1 H H2N Cα H2N COOH H O Cα C R1 R H N Cα H R2 COOH Figure 1.5 : Formule semi-développée d’un acide aminé (gauche) et d’une liaison amide dans un dipeptide (droite). Une protéine est décrite comme un enchaînement d’acides aminés liés par des liaisons peptidiques, également appelées liaisons amides (Figure 1.5). Celles-ci se forment par réaction entre deux acides aminés avec libération d’une molécule d’eau. La liaison amide est forte (considérée comme une double liaison, ~ 600 kJ.mol-1), et plane sans possibilité de rotation autour de l’axe de la liaison. Cependant, la protéine est constituée d’une suite de plans formés par les atomes adjacents qui ont la possibilité d’effectuer des rotations diédrales autour du carbone α. Deux degrés de liberté sont ainsi possibles pour un acide aminé. Il s’agit des angles dièdres φ et ψ définis par quatre atomes successifs du squelette : CO-NH-Cα-CO pour φ, le premier carbonyle étant celui du résidu précédent et NH-Cα-CO-NH pour ψ, le second groupement amine étant celui du résidu suivant (Figure 1.6). Les énergies de rotations dièdrales sont faibles, quelques % de l’énergie nécessaire pour faire varier l’angle C-C-N, d’où la grande facilité pour les polymères à avoir un désordre d’orientation, avec des boucles et le passage de portions ordonnées à amorphes le long d’une même chaîne. Glycine (Gly, G) H2 N CH H Figure 1.6 : Schéma des angles φ et ψ [Chabriere]. Alanine (Ala, A) Cystéine (Cys, C) COOH H2N CH CH3 Sérine (Ser, S) COOH H2N CH COOH H2 N CH CH2 CH2 OH SH COOH Proline (Pro, P) H C HN H2 C COOH CH2 C H2 Figure 1.7 : Formules semi-développées d’acides aminés fréquents dans la composition de la soie avec leurs noms et abréviations (à trois lettres et à une lettre). 15 Chapitre 1 - Etat de l’art Structure des protéines Les concepts/outils utilisés pour décrire la structure des protéines diffèrent selon les domaines de recherche, ils décrivent une même réalité mais dont les implications sont différentes. La structure des protéines est décrite par leur composition en acides aminés ainsi que leur organisation spatiale, c'est-à-dire la position relative des différents atomes qui la composent. On distingue quatre niveaux de structure : - La structure primaire On appelle structure primaire l’ordre dans lequel les acides aminés sont assemblés. Elle correspond à la traduction directe de la séquence génétique. Par convention, le premier acide aminé de la structure primaire est celui dont la fonction α-aminée n’est pas engagée dans une liaison peptidique (extrémité NH2-terminale) et le dernier acide aminé celui portant la fonction acide carboxylique (extrémité COOH-terminale). Elle constitue la base de la structure de la protéine qui est déterminante pour la formation de la structure secondaire. Par exemple, la présence de cystéine, acide aminé soufré, dans la structure primaire engendrera la formation d’une liaison covalente S-S avec un acide aminé de même type, appelé pont disulfure, dans la structure secondaire. - La structure secondaire (conformation) La structure secondaire est conditionnée par le repliement local de la protéine par rapprochement de résidus d’acides aminés non-adjacents. Elle est engendrée par la rotation énergétiquement favorable de certaines liaisons. Une étude systématique des combinaisons de φ et ψ énergétiquement favorables a été réalisée en 1963 par le biologiste et physicien indien Gopalasamudram Narayana Ramachandran. Son diagramme contient 3 zones principales, la région des feuillets β, celle des hélices α et la troisième région, plus petite, correspond à une conformation en hélice gauche (φ>0). Cependant, deux acides aminés font exception à la règle du diagramme de Ramachandran : la glycine et la proline. La glycine étant le plus petit acide aminé (R=H), elle est beaucoup moins contrainte sur le plan de l'encombrement stérique et peut donc adopter des valeurs de φ et ψ beaucoup plus diverses. À l'inverse, la proline est plus contrainte : elle contient un cycle pyrrole qui empêche la rotation correspondant à l'angle φ. Figure 1.8 : Formules semi-développées d’un exemple d’hélice α (gauche), de feuillet β parallèle (milieu) et antiparallèle (droite). Modifiée via [Parisien 2005] – Les liaisons hydrogène sont symbolisées par les pointillés, les atomes de carbone sont représentés en noir, ceux d’oxygène en rouge et ceux d’azote en bleu. Les structures secondaires sont classées en quatre types : 1) les hélices (α, 310, π et type II), qui consistent en un repliement hélicoïdal et diffèrent selon leur sens et le nombre de résidus séparant deux fonctions C=O susceptibles d’établir des liaisons hydrogène (liaisons H), 2) les feuillets β (parallèles et antiparallèles), qui sont constitués de brins β (~ hélice detwistée) (la chaîne polypeptidique s’organise de façon à alterner les résidus au-dessus et 16 Etat de l’art - Chapitre 1 au-dessous de la liaison amide) stabilisés entre eux par des liaisons H. Lorsque les brins sont tous orientés dans le même sens, les feuillets sont dits parallèles et lorsqu’ils sont en direction opposée, antiparallèles (Figure 1.8), 3) les coudes (type I, II, III, γ et β) qui n’ont pas de structure périodique mais qui consistent en un repliement particulier du squelette carboné localisé à 3 ou 4 résidus consécutifs et permettent souvent de relier 2 structures secondaires périodiques (hélices et/ou brins), 4) la conformation en pelote statistique (chaînes désordonnées) qui n’est pas périodique et n’adopte pas de structure particulière. Différentes modélisations permettent à partir des données angulaires et énergétiques de visualiser les arrangements 3D pour une séquence donnée d’acides aminés. On voit ainsi qu’une séquence de spidroïne contient une partie hélice régulière, une partie déroulée pouvant, si une partie similaire est suffisamment proche, s’associer pour former un feuillet et des zones d’enroulements avec défaut (Figure 1.9). Il est à noter que le choix des fonctions terminales modifie la structure. Figure 1.9 : Structure 3D calculée avec le logiciel Chem3D, module MM2, pour la séquence GPGGYGPGQQGPGGYGPGQQGPSGGPGSAAAAAAAAAAGPGGYGPGQQGPGGYGPGQQGPSG GPGSAAAAAAAAAAGPGGYGPGQQGPGGYGPGQQGPSGGPGSAAAAAAAAAA de la spidroïne montrant la succession d’hélice α régulière (pas de 0,4nm) et une portion déroulée [Colomban et al. 2008a]. - Les structures tertiaire et quaternaire Les structures tertiaires (repliement d’une chaîne protéique dans l’espace) et quaternaires (assemblage d’unités protéiques) correspondent à la description de l’organisation à longue distance. Cette description est utilisée par la communauté des biologistes étudiant des milieux liquides (aqueux) où la description du fait des dynamiques complexes ne peut être que statistique/moyennée. Dans un solide les concepts de périodicité/ordre/désordre deviennent pertinents. L’association des protéines entre elles et le repliement d’une chaîne protéique sur elle-même peuvent être déterminés par des liaisons non covalentes (liaison H, ionique, forces de Van der Waals) ou plus rarement covalentes (ponts disulfures dominant dans la kératine des cheveux [Paquin et Colomban 2007]). La soie : une protéine fibreuse Les protéines fibreuses telles que les collagènes, les élastines et les soies sont caractérisées par une séquence en nombre limité d’acides aminés. La nature chimique de ces acides aminés est majoritairement hydrophobe ce qui favorise une organisation axiale des macromolécules. La fibroïne est majoritairement constituée (85 %) de 3 acides aminés simples : - la glycine (G, R = -H, 44 %), - l’alanine (A, R = -CH3, 29 %) et - la sérine (S, R = -CH2OH, 12 %) (Figure 1.7) [Saravanan 2006]. 17 Chapitre 1 - Etat de l’art La fibroïne est constituée de trois entités : une macromolécule de haut poids moléculaire (FibH, « heavy fibroin », 350 kDa), une beaucoup plus légère (FibL, « light fibroin », 26 kDa) et une glycoprotéine nommée P25 (30 kDa) [Shimura 1983; Takei et al. 1987; Tanaka et al. 1993; Tanaka et al. 1999]. Un pont disulfure relie six molécules de chaînes lourdes à six molécules de chaînes légères et une molécule de P25 est connectée avec les chaînes lourdes et légères par interactions non covalentes (Figure 1.10) [Inoue et al. 2000]. Cet assemblage est indispensable pour la bonne excrétion de la protéine. Le motif de répétition de l’unité élémentaire de fibroïne est (GAGAS)5-15(GX)5-15GAAS [Inoue et al. 2000; Zhou et al. 2000]. Par la suite, lorsque l’on parlera de fibroïne, on considérera principalement la chaîne de haut poids moléculaire. FibL Pont di-sulfure FibH P25 Unité élémentaire de fibroïne Figure 1.10 : Schéma montrant l’assemblage de l’unité élémentaire de la fibroïne – FibH : fibroïne de haut poids moléculaire (« heavy fibroin », 350 kDa), FibL : fibroïne légère (« light fibroin », 26 kDa) et P25 : glycoprotéine (30 kDa). Comme décrit précédemment, la soie d’araignée la plus majoritairement étudiée est le fil de trame provenant de la glande ampullacée majeure. Comme pour la fibroïne, les deux acides aminés majoritaires de cette soie sont les plus petits : - la glycine (R = -H, 37 %) et - l’alanine (R = -CH3, 21 %) [Saravanan 2006]. La spidroïne, constituant le fil de trame, est elle-même constituée de deux macromolécules : MaSp 1 et 2 (« Major ampullate spidroin ») [Hinman et Lewis 1992]. La nomenclature des protéines d’araignée est large, en fonction de la séquence synthétisée, et certaines soies d’araignées sont considérées comme contenant de la fibroïne mais tout de même différente de celle du ver à soie [Guerette et al. 1996; Gatesy et al. 2001]. MaSp1 et MaSp2 ont des compositions en acides aminés similaires et probablement une part d’architecture commune. Elles ont toutes deux des régions non répétitives N-terminal et C-terminal adjacentes à des parties répétitives étendues [Xu et Lewis 1990; Hinman et Lewis 1992; Motriuk-Smith et al. 2005]. Les parties répétitives comprennent probablement des centaines de blocs alanine (4 à 12 résidus) alternant avec des répétitions riches en glycine de longueurs différentes. Les principaux motifs de la séquence sont pour MaSp1 (A)n, GA et GGX, alors que MaSp2 est dominée par les motifs (A)n et GPGXX [Hayashi et al. 1999; Gatesy et al. 2001]. Certaines études n’excluent pas la présence de glycoprotéines comme dans le cas de la fibroïne [Vollrath et Knight 1999; Augsten et al. 2000; Sponner et al. 2005]. 18 Etat de l’art - Chapitre 1 1.3 Propriétés, variabilité et modèles structuraux 1.3.1 Caractérisation mécanique L’essai de traction uni-axiale est le test le plus couramment utilisé pour caractériser le comportement mécanique d’une fibre. En effet la mesure de la compression est beaucoup plus difficile. L’essai consiste à soumettre une éprouvette à un allongement (∆L) par le déplacement relatif de ses extrémités et à mesurer la force (F) nécessaire à cet allongement. La Figure 1.11 illustre un exemple d'une courbe contrainte-déformation obtenue par ce type de test. La contrainte (σ) est définie par σ = F/S0, où F désigne la force exercée et S0 l’aire d’une section transverse de la fibre. La déformation (ε) est l’allongement relatif, défini par ε = ∆L/L0, où L0 est la longueur initiale et ∆L la variation de longueur consécutive à l’étirement. La pente initiale de la courbe de contrainte-déformation informe sur la rigidité/flexibilité du matériau (module de Young, E). La contrainte (σmax) et la déformation (εmax) à rupture sont les valeurs maximales de contrainte et de déformation au point où le matériau rompt. L'aire sous la courbe contrainte-déformation représente l'énergie nécessaire pour rompre le matériau (voir Annexe D). La norme ASTM D3822/D3822M - 14, relative à l'essai standard pour les propriétés de traction des fibres textiles uniques, couvre la mesure des propriétés de traction de fibres textiles naturelles et synthétiques d'une longueur suffisante pour permettre le montage des éprouvettes dans une machine d'essai de traction. Cette norme préconise une longueur de jauge (longueur de l’échantillon) d’au moins 10 mm [ASTM]. Rupture Contrainte / MPa 800 600 Module de Young initial (E) 400 200 Energie de rupture 0 0 10 20 30 40 Déformation / % Figure 1.11 : Courbe classique de contrainte-déformation pour une fibre de Nephila madagascariensis. Le Tableau 1.2 permet de comparer les caractéristiques mécaniques de différentes fibres polymériques naturelles et synthétiques avec celles de l’acier et de quelques fibres céramiques. On constate une grande variabilité pour les fibres naturelles. Cette variabilité concerne non seulement la contrainte et la déformation à rupture, très dépendantes des défauts préexistants, mais aussi de la forme de la courbe et de la valeur de la pente à l’origine (le module de Young initial), grandeurs intrinsèques du matériau étudié alors que les premières grandeurs sont des caractéristiques d’objet. Les soies ont une contrainte à rupture inférieure à plusieurs matériaux synthétiques (fibres de carbone, Kevlar, acier) mais leur extensibilité leur garantit un fort travail de rupture. 19 Chapitre 1 - Etat de l’art En ce qui concerne le fil de trame de l’araignée, la capacité d'absorber l'énergie ainsi que la façon dont elle est absorbée sont importantes pour attraper un insecte volant. L'énergie peut être soit stockée par déformation élastique, soit dissipée sous forme de chaleur, par friction. L’hystérésis, définie comme le rapport entre l'énergie dissipée et l'énergie absorbée est d'environ 65% pour le fil de trame, ce qui signifie que la majorité de l'énergie cinétique absorbée est transformée en chaleur et n’est pas restituée dans un recul élastique qui pourrait éjecter la proie [Gosline et al. 1999]. Par comparaison, des tendons ont une hystérésis d'environ 9%, reflétant leur fonction de réserves d'énergie pendant la locomotion [Pollock et Shadwick 1994]. Echantillon Fibres Synthétiques Fibres Naturelles Métal Diamètre (µm) Module Contrainte Déformation Energie de de Young à rupture à rupture rupture Références (GPa) (MPa) (%) (MJ/m3) Polyamide 66 Polyester (PET) Kevlar 49 20 15 12 5 15 135 1000 800 3000 20 15 2,5 80 ND 50 a, b a a, i, j Carbone 5 300 500 1,3 25 j Nicalon (Si-C-O) 14 220 3000 ND ND p 3M Nextel 610 ( Al2O3 > 99 % en masse) 10 à 12 380 3100 ND ND p Verre (A) 30 68,9 3310 4,8 ND q Coton 10 à 27 8 600 7 ND a Laine 15 à 40 2 170 35 ND a Cheveu 80 6,6 230 40 ND l Collagène (tendons) ND 1,2 120 13 6 i Fibroïne de Bombyx mori 10 à 15 5-57 320 à 1410 4 à 35 70 b, k, m, n, o Spidroïne, fil de trame 3à8 11 à 13 800 à 1500 15 à 39 96 à 230 b, c, d, e, f, g, h, k Acier haute résistance - 200 1500 0,8 6 i, j Tableau 1.2 : Paramètres mécaniques de fibres synthétiques et naturelles et d’acier. a d g j m p [Bunsell 2009] [Vollrath et al. 2001] [Madsen et Vollrath 2000] [Gordon 1988] [Zhao et al. 2007] [Schawaller et al. 2012] b e h k n p [Gosline et al. 1999] [Madsen et al. 1999] [Swanson et al. 2006] [Pérez-Rigueiro et al. 2000] [Kawahara et al. 1996] c [Sirichaisit et al. 2003] f [Lawrence et al. 2004] i l o [Gosline et al. 2002] [Paquin et Colomban 2007] [Asrar et Hill 2002] [Sathishkumar et al. 2014] Des travaux précédents [Dinh 2010; Colomban et al. 2012a] ont montré que l’attribution d’un type de courbe par animal [Cunniff et al. 1994; Pérez-Rigueiro et al. 2000] était erronée. Différents comportements sont en effet observés pour une même espèce productrice, qui peuvent être classés en cinq types dont la Figure 1.12 montre les signatures : 20 Etat de l’art - Chapitre 1 - Le type I consiste en un comportement élastique jusqu’à ~ 2 à 4 % aussi bien pour les soies que les kératines, puis un plateau jusqu’à rupture. Ce type est dominant pour des fibres de soie très fraîches, en particulier extraites manuellement. - Le type II consiste en deux comportements élastiques, le premier de module plus élevé jusqu’à environ 1,5 % et le second jusqu'à environ 6 % puis un quasi plateau jusqu’à la rupture. Ce type est observé pour des baves (gaine de séricine non-éliminée) et aussi pour des fibres ayant été mises en tension involontairement pendant la manipulation. - Le type III présente une forte déformation, un plus faible module d’Young initial et une contrainte à rupture avec une transition progressive du régime élastique (< 2 %) vers un quasi plateau. Cette signature est caractéristique des fibres mouillées. - Le type IV montre un régime élastique au-dessous de 2 à 4 %, suivi d’un plateau puis d’une augmentation du module d’Young (analogue au durcissement structural des métaux) jusqu’à rupture. Ce comportement est observé pour les fibres mouillées puis séchées. La courbe d’un polyamide synthétique semi-cristallin comme le PA66 ou du PET est de type IV. - Le type V présente une rupture dans la partie élastique et est observé pour des fibres très dégradées du fait d’un traitement thermique ou d’une teinture agressive. type IV Contrainte / MPa 800 type I 600 type II 400 type III 200 type V 0 0 5 10 15 20 25 Déformation / % Figure 1.12 : Courbes de contrainte-déformation de fibres de soies classées en 5 types [Colomban et al. 2012a]. Les cheveux et laines, fibres naturelles protéiques à base de kératine, présentent principalement des comportements de types III (saturation en eau) ou IV. Typiquement, comme le montre la Figure 1.13, plus le diamètre est petit pour une même famille de fibre, meilleures seront les propriétés de l’objet. Les comparaisons de propriétés entre fibres doivent donc se faire sur des objets à diamètre constant. On voit que les fibres de petit diamètre (vers à soie Antharea et araignée Nephila madagascarensis) présentent les valeurs maximales de module de Young et de contrainte à rupture. 21 Chapitre 1 - Etat de l’art 30 25 Contrainte à rupture / MPa Module de Young / GPa 1200 Bm OGMBm OGMBm* Anth Neph 35 a) 20 15 Neph OGMBmd Bmd AAA 10 5 Bmc b) Bm OGMBm OGMBm* Anth Neph Neph 1000 800 600 OGMBmd Bmd 400 AAA 200 Bmc 0 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 Diamètre / µm 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 Diamètre / µm Figure 1.13 : Dépendance des paramètres mécaniques au diamètre des fibres. a) module d’Young initial, b) contrainte à rupture : les fibres présentées sont des fibres de Bombyx mori (différents lots : Bm, Bm Nistari OGM avec gène d’araignée, BmO* Nistari de référence), Antharea (Anth) et Nephila madagascarensis (Neph). BmdO est la fibre décreusée de BmO, Bmd est une vieille fibre de Bm décreusé, AAA est une fibre d’Anthaerea, BmC est une fibre extraite d’un cocon de Bm [Dinh 2010; Colomban et al. 2012b]. 1.3.2 Caractérisation structurale Les propriétés des protéines (hormones, enzymes, protéines fibreuses…) sont directement liées à leur microstructure c'est-à-dire à leur composition ainsi qu’à l’arrangement spatial. La microstructure est directement liée aux propriétés mécaniques du collagène, des prions ou de l’élastine par exemple [van Hest et Tirrell 2001]. Sa compréhension est essentielle pour mieux comprendre les comportements mécaniques. Cette partie tente de résumer l’état des connaissances actuelles sur la structure de la soie. Figure 1.14 : Modèle de repliement de la chaîne, de la formation de micelles, de globules et effet du cisaillement lors de filage de protéines de soie. Modifiée via [Jin et Kaplan 2003]. 22 Etat de l’art - Chapitre 1 La Figure 1.14 montre le modèle proposé dans la littérature [Jin et Kaplan 2003] pour la formation de la soie. L’hydrophobicité liée à la séquence primaire de la chaîne protéique induirait un repliement intra et intermoléculaire des chaînes qui, par la suite, formerait des micelles en phase aqueuse ayant un diamètre d’environ 150 nm. Ces micelles s’associeraient en globules en raison de l’augmentation de la concentration en fibroïne et de la teneur en eau plus faible. Lors du filage, ces entités s’allongeraient/s’étireraient sous l’effet de la présence de séricine et d’une contrainte de cisaillement conduisant à la structure fibrillaire. La soie peut-être regardée comme une fibre protéique mais également comme une fibre polymère semi-cristalline. Elle est donc étudiée par des méthodes classiques utilisées pour ces deux familles de matériaux telles que la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) [Zhao et Asakura 2001; Suzuki et al. 2014], le dichroïsme circulaire (CD), la spectroscopie vibrationnelle, et la diffraction de rayons X. Les méthodes vibrationnelles mettent en avant une orientation des « cristallites ». Ainsi, plusieurs études ont démontré un alignement des chaînes par rapport à l’axe de la fibre (en observant que la vibration amide I, principalement due à la liaison C=O, était perpendiculaire à l’axe des fibres [Rousseau et al. 2004; Preghenella et al. 2007]), ainsi qu’une répartition homogène dans la fibre [Shen et al. 1998]. Par décomposition de la bande amide I en spectroscopie Raman, certains auteurs quantifient les proportions des structures secondaires grâce un spectre qui ne tient plus compte de la sensibilité à l’orientation (calculé par combinaison linéaire des intensités de 4 spectres polarisés dans différentes configurations) [Lefèvre et al. 2007b] : 50 % de feuillets β, 28 % de coudes, 14 % d’hélices et 8 % de structure amorphe. Toutefois, les attributions des composantes sur lesquelles repose la quantification restent discutées (voir paragraphe 1.4). Pour la soie d’araignée, la structure de la MaSp a principalement été étudiée pour les Nephila, notamment l’espèce Clavipes. Les techniques utilisées sont essentiellement la diffraction de rayons X et la RMN. Les motifs de polyalanine seraient caractérisés par une structure secondaire en feuillets β antiparallèles. Les segments riches en résidu glycine seraient plus susceptibles de former des hélices 310 et des coudes β ainsi que des feuillets β [Kümmerlen et al. 1996; Hayashi et al. 1999; van Beek et al. 2002]. Enfin, les motifs (Gly-Ala)n seraient comme pour la fibroïne disposés sous forme de feuillets β [Parkhe et al. 1997]. Les proportions des différentes structures secondaires obtenues par spectroscopie Raman seraient pour la Nephila Clavipes : 37 % de feuillets β, 31 % de coudes, 18 % d’hélices et 12 % de structure amorphe [Lefèvre et al. 2007b] ; avec les feuillets β alignés avec l’axe de la fibre [Rousseau et al. 2004; Du et al. 2006]. Classification nano-structurale Des dizaines d’années de recherches (depuis 1900) ont mené à des classifications ambigües et confuses [Lotz et Colonna Cesari 1979]. Ces classifications ont été mises en place pour séparer les différents états de la soie (soluble et non soluble) dont découlent différentes nanostructures. La soie soluble, avant filage, serait celle de type I (« silk I ») et la soie solidifiée, après filage, présenterait le type II (« silk II »). Les confusions sont notamment apparues pour la soie de type I qui est devenue la fraction « soluble » de la soie filée hydrolysée. Il en résulte des 23 Chapitre 1 - Etat de l’art malentendus entre soie solubilisée et soie « soluble » (non encore filée) ainsi qu’entre structure locale et structure globale. Quatre nanostructures principales sont évoquées dans la littérature. La plus importante d’entre elles est la structure secondaire en feuillets β, également appelée soie de type II. Elle serait formée de segments constitués de motifs répétitifs GAGAGS et constituerait des cristallites selon une maille, cellule unitaire, initialement monoclinique (de groupe spatial P21 ou P21-C ) puis orthorhombique (P22121 ou P212121) [Warwicker 1954; Marsh et al. 1955; Lotz et Colonna Cesari 1979]. Les paramètres de mailles obtenus sont donnés dans le Tableau 1.3. La variation des distances entres les chaînes peut s’expliquer par la présence d’acides aminés plus encombrants tel que la tyrosine [Marsh et al. 1955]. Distances (nm) [Warwicker 1954] [Marsh et al. 1955] a (direction interplans, Van der Walls) 0,929 0,920 b (direction interchaînes, Hydrogène) 0,944 0,940 c (axe de la fibre) 0,695 0,697 Distances intermoléculaires 0,472 0,470 Distances interchaînes 0,347 et 0,570 Tableau 1.3 : Caractéristiques de la maille orthorhombique de la phase cristalline de type II en diffraction de rayons X. Le type I n’est pas clairement compris et serait une combinaison de pelote statistique, hélices α, coudes β et feuillets β. Comme il n'y a pas de structure cristalline régulière il est difficile d’exploiter les diffractogrammes des deux formes cristallines (type I et II) [Wei et al. 2012]. Le Tableau 1.4 décrit les attributions des pics de diffraction par différents auteurs des années 2000 en fonction de la structure secondaire. On peut y observer la confusion et les désaccords des auteurs qui considèrent la structure comme non résolue. En effet, certains pics de diffractions sont attribués à différentes structures secondaires. Par exemple, le pic situé à environ 20° est attribué aux feuillets β antiparallèles mais aussi à une structure amorphe. Echantillon Fibres Bombyx mori Fibres Antheraea pernyi Films Bombyx mori 2ϴ Structure secondaire 20,6° et 9,4° (faible) feuillets β anti-parallèles 16,4 et 20 ° feuillets β anti-parallèles 11,95 et 24,02 ° 16,71°, 20,34°, 24,49°, 30,9°, 34,59°, 40,97° et 44,12° hélices α 20° amorphe 20° amorphe, silk I 12, 20,5 et 23,7 ° 9° Films Antheraea pernyi feuillets β 11,8 et 22 ° hélicse α cristallisées espacées de 7 A et feuillets β cristallins espacés de 4,3 et 3,75 A respectivement feuillets β cristallins distants de 9,8 A hélices α espacées de 7,69 et 4,03 A Réf. [Yuan et al. 2010] [Kweon et al. 2000] [Fu et al. 2011] [Yuan et al. 2010] [Wei et al. 2012] [Lv et al. 2005] [Kweon et al. 2000] Tableau 1.4 : Attribution des pics de diffraction X pour des fibres et films de soie des vers Bombyx mori et d’Antheraea pernyi. 24 Etat de l’art - Chapitre 1 La Figure 1.15 montre un cliché de diffraction d’une fibre de soie d’araignée. On distingue une ponctuation de quelques anneaux en tâche montrant une matière peu cristalline. Il est donc indispensable d’utiliser d’autres méthodes que la diffraction des RX pour appréhender l’organisation structurale. Les dimensions de la maille orthorhombique de MaSp sont listées dans le Tableau 1.5. Figure 1.15 : Cliché de diffraction du fil de trame (provenant de la glande ampullacée majeure) de Nephila Clavipes [Parkhe et al. 1997]. Distances (nm) a (distances interplans) b (distances interchaînes) c (axe de la fibre) Nephila clavipes [Parkhe et al. 1997] 0,108 0,936 0,695 Nephila clavipes [Becker Mary et al. 1993] 0,106 0,944 0,695 Nephila clavipes [Riekel et al. 1999b] 0,109 0,970 0,697 Lactrodectus hesperus [Trancik et al. 2006] 0,108 0,940 0,700 Tableau 1.5 : Dimensions de la maille cristalline orthorhombique de MaSp [Miller et Eby 2000]. Microstructure Plusieurs techniques de microscopie ont permis d’évaluer la taille des cristaux présents dans la fibre de fibroïne : - 2x6 nm par microscopie électronique à transmission [Dobb et al. 1967] ; - 10x66 nm par microscopie électronique à balayage [Shen et al. 1998] ; - 16x23 nm par AFM (Atomic Force Microscopie) [Perepelkin 2007]. Une étude par AFM pourrait avoir montré la présence de nano-filaments de l’ordre de 2x160 nm après solubilisation et régénération de la fibroïne, le film obtenu a été introduit dans une solution de méthanol plongée dans un bain à ultrason [Numata et al. 2010]. Le processus de fabrication a cependant pu engendrer une sous-estimation des dimensions, le bain à ultrason pourrait avoir détruit certaines liaisons covalentes. Plusieurs macromolécules se regrouperaient sous forme de ruban/filaments de dimension 90x600 nm [Perepelkin 2007]. Ces dimensions seraient cohérentes avec les approximations précédentes sur les micro-fibrilles dont la largeur serait de l’ordre d’une centaine de nanomètres (130 à 185 nm) [Miller et al. 1999; Putthanarat et al. 2000]. La Figure 1.16 résume schématiquement la microstructure de la fibre de fibroïne. 25 Chapitre 1 - Etat de l’art Figure 1.16 : Représentation schématique de la microstructure de la fibre de fibroïne [Shen et al. 1998]. Comme énoncé précédemment, la méthode de production pourrait être à l’origine de cette structure. En effet, la fibroïne est en grande partie hydrophobe et formerait des micelles de 100 à 200 nm regroupés en globules de 0,8 à 15 µm qui par cisaillement formerait les microfibrilles en s’allongeant lors du filage [Jin et Kaplan 2003]. Cette hypothèse est cependant discutée en raison des énergies de cohésion car la transition du type I au type II nécessiterait un état grégaire difficile à mettre en place au sein des micelles [Martel et al. 2008]. La nanostructure de la soie de Nephila se composerait de cristaux de feuillets β entourés de matière plutôt ordonnée en hélices 310 ou en coudes β, le tout au milieu de matière amorphe. Cet ordre proviendrait de la présence d’hélices 310 qui, contrairement aux hélices α, sont susceptibles de former des liaisons hydrogènes entre elles et donc de renforcer le réseau de liaisons faibles [Kümmerlen et al. 1996]. Une disposition en série des cristallites pouvant former des réticulations intramoléculaires ou intermoléculaires à plus grande échelle a été proposée via des calculs statistiques [Termonia 2004]. Les dimensions des cristallites ont été évaluées à : - 6x2x5 nm [Riekel et al. 1999a] ; - 10x10 nm [Perepelkin 2007] ; - (6,4 à 7,3)x(2,1 à 2,4)x(2,7 à 3,5) nm, la plus grande longueur étant dans l’axe de la fibre [Du et al. 2006]. Si l’on compare ces dimensions aux paramètres de maille (Tableau 1.4) on voit que l’ordre est limité à une dizaine de mailles au plus. Cette agencement engendrerait des micro-fibrilles de 60 à 160 nm de large et de 100-230 nm de long, successions de domaines orientés et sphériques de 70 à 100 nm de diamètre [Miller et Eby 2000]. Ces résultats coïncident avec d’autres études évaluant le diamètre des sphères, donc la largeur des micro-fibrilles, à 40 à 80 nm [Oroudjev et al. 2002; Du et al. 2006]. Comme pour la fibroïne, les conditions physico-chimiques et le cisaillement lors du filage sont des éléments clef en ce qui concerne la susceptibilité à cristalliser ainsi que la structure finale [Du et al. 2006]. 26 Etat de l’art - Chapitre 1 1.4 Etude vibrationnelle de la soie La spectroscopie de vibration sonde la matière via la liaison chimique, c'est-à-dire à une échelle sub-nanométrique. Elle est particulièrement adaptée à l’analyse de la matière faiblement ordonnée. Pour la spectroscopie infrarouge, la sonde est le dipôle instantané créé par les déplacements atomiques, du fait du couplage Coulombien, les bandes sont larges. En spectroscopie Raman, la sonde est la polarisabilité électronique. La distribution électronique sonde très localement d’où des bandes fines de forme bien définie (Lorentzienne), ce qui permet, par analyse de la forme, d’accéder à une bonne description du désordre. La spectroscopie vibrationnelle est la méthode d’analyse privilégiée dans cette étude. Elle repose sur l’interaction rayonnement-matière avec des ondes électromagnétiques pouvant aller de l’UV à l’IR. L’énergie reçue et libérée par l’échantillon informe sur la mécanique des liaisons chimiques. Ces techniques sont non destructives et offrent la possibilité d’étudier l’organisation structurale à différentes distances, depuis le niveau de la liaison chimique jusqu’à l’ordre à longue distance. Les principes des spectroscopies Raman et infrarouge ainsi que les méthodes utilisées sont détaillés en Annexes E et F. Compte tenu du grand nombre d’atomes et de motifs différents constituant les protéines, il existe de nombreux degrés de liberté vibrationnels, les modes normaux de vibration. Il en résulte un spectre de vibration complexe avec un grand nombre de bandes de vibration qui se chevauchent. Il est néanmoins possible de sélectionner certaines régions spectrales donnant des réponses à des questions spécifiques. On peut citer la bande amide I (dominée par le signal des vibrations d’élongation C=O) sensible à la structure secondaire d’une protéine, ou d’autres régions qui permettraient de suivre des groupes participant activement à des réactions chimiques, etc. Spectroscopie vibrationnelle des polyamides La soie est un polyamide naturel (CO-NH-CRiH)n, Ri correspondant aux différents résidus d’acides aminés. Les chaînes des polyamides synthétiques sont beaucoup plus simples, car le résidu R est un simple atome d’hydrogène, équivalent à celui de la glycine, et des groupements (-CH2-)n sont intercalés périodiquement entre les liaisons amides. Ainsi, le polyamide le plus utilisé pour ses propriétés mécaniques, le PA 66, compte 6 carbones intercalés entre les liaisons amides (Figure 1.17). Il en résulte un encombrement réduit de la chaîne, ce qui permet une distance plus courte entre les chaînes et une organisation plus régulière. En conséquence, les polyamides synthétiques peuvent être mieux « cristallisés » que leurs homologues naturels [Marcellan 2003; Ramirez et al. 2006]. Les signatures infrarouge et Raman correspondant au squelette de la chaîne de soie sont similaires à celles de la chaîne de polyamide de synthèse, à l'exception de la largeur des bandes spectrales plus étroites dans le cas de polyamides synthétiques en raison de leur cristallinité plus élevée et de leur organisation plus régulière en feuillets parallèles [Marcellan et al. 2004; Colomban et al. 2006]. 27 Chapitre 1 - Etat de l’art O C H H CH N N H O CH O CH3 R H O CH N C N H O H H CH H CH H N H CH H CH CH CH CH C CH CH CH N H H O H H H H n Liaison amide Figure 1.17 : Comparaison entre la chaîne de soie (polyAGX) (gauche), polyamide naturel, et la chaîne de polyamide 66 (droite), polyamide synthétique. Intensité Raman Les spectres de polymères peuvent être divisés en trois régions : - Les hauts nombres d’ondes (>2000 cm-1) concernent des vibrateurs légers et dont la liaison chimique (ressort joignant deux masses atomiques) est forte, typiquement, X-H. - Les modes internes (300 à 2000 cm-1) fournissent des informations sur la structure très locale des chaînes macromoléculaires. Les modes de vibration mettent en jeu des atomes de masses moyennes des liaisons C-C, C-N, etc. (les modes d’élongation où les mouvements des atomes se font le long de la liaison sont à plus haut nombre d’onde/énergie que les modes de déformation où seul l’angle est modifié). - Les modes de faible énergie (nombres d'onde <300 cm-1) correspondent aux vibrations de liaisons faibles (liaisons inter-chaînes, librations) et/ou impliquant des masses élevées (modes d’ensemble, dits de « réseau »). Rarement étudiés dans le cas des polyamides, du fait des difficultés expérimentales et de la nécessité d’appréhender l’objet avec des concepts de spectroscopie du solide et non de chimie analytique, ils informent sur les mouvements collectifs des chaînes et leur organisation à longue distance. Nous allons nous intéresser à la soie en tant que polyamide naturel, en comparant les spectres de la fibre PA 66 (Figure 1.8 et Tableau 1.8) et de la fibroïne de Bombyx mori. ┴ // Nombre d’onde / cm-1 Figure 1.18 : Spectres Raman d’une fibre de PA 66 orientée perpendiculairement (haut) et parallèlement (bas) à la direction de polarisation du laser – la Figure de gauche montre deux fois le même spectre pour chaque configuration (perpendiculaire ou parallèle) avec une modification de l’échelle pour l’observation des modes internes ainsi que des basses fréquences. Modifiée via [Colomban et Gouadec 2009]. Hauts nombres d’onde Les hauts nombres d'ondes impliquent les vibrations d’élongation des liaisons NH et OH. Une bande intense est détectée à environ 3300 cm-1 (IR et Raman) et une autre, plus 28 Etat de l’art - Chapitre 1 faible, à 3100 cm-1 (IR). Elles sont appelées amide A et B respectivement. L’amide A provient de la vibration d’élongation N-H, alors que l’amide B est la première harmonique de la vibration amide II (décrite par la suite). En raison des règles de sélection, la vibration amide II et donc l’amide A ne sont pas observables dans les spectres Raman (les harmoniques sont peu visibles en Raman sauf en Raman résonnant lorsque l’excitation correspond à une absorption électronique d’un chromophore). Le mode d'élongation N-H est généralement décrit comme un oscillateur indépendant en raison de l'important contraste de masse entre ses deux atomes. Le groupement C=O est un accepteur de proton et peut établir une liaison hydrogène avec le proton du groupement N-H ou tout donneur de proton (eau). Typiquement, on considère qu’une liaison hydrogène faible (> quelques kcal/mol) commence à s’établir lorsque la longueur accepteur-donneur est inférieure à 0,28 nm, elle devient notable en dessous de 0,27 nm (son énergie étant dès lors supérieure à l’énergie kT à température ambiante) et forte (quelques dizaines de kcal/mol) en dessous de 0,26 nm. Le déplacement des vibrations des bandes associées aux liaisons N-H et C=O informe sur la liaison hydrogène N/O...H et sa force (Figure 1.19) [Gruger et al. 1994]. Figure 1.19 : Corrélation entre le nombre d’onde associé aux vibrations d’élongation N-H/O-H et la distance X-H…Y [Novak 1974; Colomban et al. 1994; Herrera Ramirez et al. 2004]. Région des modes internes Les études vibrationnelles de fibres polymères, y compris des fibres de soie, sont généralement limitées entre 400 et 2000 cm-1. La fibre de soie, même analysée par micro-spectroscopie est toujours considérée comme un matériau homogène lors de ces études. La région 1200 à 1800 cm-1 correspond à la région des vibrations des liaisons amides et des déformations C-H, la région de 700 à 1200 cm-1 contient les élongations du squelette peptidique et la région de 400 à 1300 cm-1 est, pour l'essentiel, attribuée à des modes de déformation. De 1200 à 1800 cm-1, les vibrations concernent notamment les liaisons N-H, C=O et C-N, dont les modes sont fortement couplés par la délocalisation partielle des électrons le long de la liaison N-C=O : 29 Chapitre 1 - Etat de l’art - le mode amide I (autour de 1670 cm-1) est essentiellement dû à la vibration d'élongation C=O (80%) avec des contributions mineures de l’élongation C-N, de la déformation C-C-N et de la déformation N-H dans le plan [Krimm et Bandekar 1986] ; - le mode amide II (~1550 cm-1, actif en IR uniquement) résulte de l'élongation C-N couplée avec la vibration de déformation N-H dans le plan de la chaîne du squelette peptidique ; - le mode amide III (1240 cm-1) est la combinaison en phase de la déformation N-H et de la vibration d'élongation C-N, avec de petites contributions de la déformation C=O dans le plan et de la vibration d'élongation C-C. Le N-méthyl-acétamide (NMA), qui ne possède qu’une liaison amide, a été le point de départ pour l’analyse des modes normaux des vibrations du squelette peptidique [Krimm et Bandekar 1986] et 9 bandes caractéristiques de cette liaison ont été répertoriées (bandes amide I-VII, A et B). L'atome d'oxygène de la liaison C=O peut établir des liaisons H avec les molécules d'eau, ainsi qu'avec les protons (N-H) de chaînes voisines ou d'un segment replié de la même chaîne (et par conséquent stabiliser la conformation). La vibration amide I est sensible à la force de la liaison H et par conséquent à la liaison avec les donneurs : les molécules d'eau ou des l'hydrogène des résidus ou des chaînes adjacentes (structure secondaire du squelette protéique). La région amide I est la bande amide la plus sensible aux changements de structure secondaire et est par conséquent couramment étudiée pour caractériser l'organisation des protéines. Cette bande est faiblement affectée par la nature de la chaîne latérale mais dépend de l’organisation, de la distance et de l’environnement des dipôles (prise en compte des transitions dipolaires dues aux couplages, TDC) [Barth et Zscherp 2002]. Ces couplages, différents dans le cas des structures secondaires relativement étendues de type β et dans le cas de structures en hélice α, seraient à l’origine des différences observées entre ces deux structures (position, largeur à mi-hauteur). La Figure 1.20 regroupe les positions des composantes de la bande amide I en fonction de l’attribution aux structures secondaires communément admises pour les protéines, dans la littérature. La distribution des positions est large et certaines contributions se recouvrent. La description correcte de la large bande amide I (largeur à mi-hauteur 60 cm-1) de structures en feuillets β a présenté un défit pour les théoriciens ; en IR, seul la prise en compte dans les calculs du mécanisme de couplage dipolaire a pu expliquer la décomposition en une bande principale à ~ 1630 cm-1 et une bande latérale à ~ 1690 cm-1 [Abe et Krimm 1972]. Comme énoncé précédemment, le groupe de Michel Pézolet [Rousseau et al. 2004; Rousseau et al. 2006; Lefèvre et al. 2007b] décompose la bande amide I en 5 composantes et en déduit des proportions de structures secondaires pour des fibres d’araignées et de vers à soie. Le Tableau 1.6 rassemble leurs attributions des différentes composantes de la bande amide I en spectroscopie Raman. 30 Etat de l’art - Chapitre 1 1700 -1 IR 1690 Nombre d'onde / cm Nombre d'onde / cm -1 1700 1680 1670 1660 1650 1640 1630 1620 1610 Raman 1690 1680 1670 1660 1650 1640 Hélices α Feuillets β Coudes β Désordonnée Hélices α Feuillets β Coudes β Désordonnée Structure secondaire Structure secondaire Figure 1.20 : Positions des composantes de la bande amide I en fonction de l’attribution aux structures secondaires dans les protéines en IR (à gauche) [Krimm et Bandekar 1986; Heimburg et Marsh 1993; Barth 2007; El Khoury et al. 2011; Ordonez et al. 2011] et en Raman (à droite) [Krimm et Bandekar 1986; Monti et al. 1998; Rousseau et al. 2004; Rousseau et al. 2006; Tsuboi et al. 2006; Lefèvre et al. 2007b; Preghenella et al. 2007; Rygula et al. 2013]. Ces attributions sont discutées dans la littérature, notamment en Raman, avec par exemple une équipe italienne qui place les feuillets β à 1659 à 1666 cm-1 et les feuillets β anti-parallèles vers 1689 à 1691 cm-1 [Monti et al. 1998; Preghenella et al. 2007]. Cependant, certaines études montrent qu’il est difficile de distinguer les feuillets β parallèles et anti-parallèles pour des feuillets β finis [Susi et Byler 1987; Khurana et Fink 2000; Kubelka et Keiderling 2001]. De plus, les résultats des décompositions spectrales sont très dépendants du modèle utilisé, c'est-à-dire de la forme des bandes (Lorentzienne (L), Gaussienne (G), combinaison L-G, profil de Voigt, etc.), et des bornes admises en ce qui concerne la position, la largeur à mi-hauteur ainsi que l’aire de ces bandes. Les autres vibrations de cette zone spectrale (voir les attributions Tableau 1.7) sont dues aux résidus d’acides aminés contenant des chaînes alkyles ou aromatiques. Les vibrations d’élongation C-H sont observées ver 2700 à 3000 cm-1. Position Raman (cm-1) Hélices 31 1655 à 1657 Hélices α 1657 Feuillets β 1666 à 1670 Feuillets β antiparallèles 1693 à 1699 Coudes β 1678 à 1685 Coudes β 1693 à 1700 Coudes β 1646 Pelote statistique 1639 à 1643 Structure secondaire Tableau 1.6 : Attribution des composantes de la bande amide I en Raman par l’équipe de Michel Pézolet pour différentes fibres de vers à soie ou d’araignées [Rousseau et al. 2004; Rousseau et al. 2006; Lefèvre et al. 2007b] – hélice 31 : hélice gauche de poly-proline II. 31 Chapitre 1 - Etat de l’art Bas nombres d’ondes Les bas nombres d’onde (<300 cm-1) ont rarement été étudiés en raison de la nécessité de recourir à des instruments à haute résolution pour s’approcher de la raie élastique Rayleigh, très forte pour les composés hétérogènes et/ou mal cristallisés. La faible luminosité des dispositifs à triple monochromateurs disponibles jusqu’à récemment et la puissance limitée pouvant être supportée par l’objet d’étude imposaient des temps de comptage beaucoup trop longs (plusieurs heures) pour entreprendre des études d’envergure. Aujourd'hui, les nouveaux instruments équipés de trois filtres Notch successifs permettent l'analyse des très bas nombres d’onde avec un de temps de comptage de 10 min à une puissance de 1 mW (voir Annexe E). Trois modes sont observés pour les fibres de soie de Bombyx mori et de Nephila madagascariensis ainsi que pour le polyamide 66 [Marcellan et al. 2004; Colomban et al. 2008a; Colomban 2009; Colomban et Gouadec 2009; Colomban et al. 2012b]. Pour la soie, il s’agit d’une gaussienne à ~ 80 cm-1 attribuée aux vibrations de translation des chaînes macromoléculaires amorphes, un épaulement vers 145 cm-1 attribués aux mêmes mouvements mais des chaînes ordonnées et une autre gaussienne à ~ 230 à 250 cm-1 relative aux mouvements collectifs d’écartement/rapprochement des chaînes (librations). Par comparaison, la fibre de PA-66 semi-cristalline présente un ensemble similaire de trois bandes à ~ 60 cm-1 (chaînes amorphes, gaussienne, FWHM = 113 cm-1), 100 cm-1 (Lorentzienne, chaînes « ordonnées », FWHM = 25 cm-1) et 245 cm-1 (très faible). L'écart entre les bandes du PA 66 et de la soie, à respectivement 100 et 143 cm-1, est attribué à une plus grande friction inter-chaîne dans la soie en raison de la présence de résidus d’acides aminés de plus grosse taille. L'écart est réduit pour les chaînes amorphes (~ 60 vs. 80 cm-1) en raison d'une distance inter-chaîne attendue plus grande. Raman polarisé Les fibres polyamides synthétiques et naturelles sont fortement anisotropes. En effet, lors de leur production, les macromolécules s’ordonnent dans la direction d’extrusion et de filage. Les fibres synthétiques à hautes propriétés mécaniques sont obtenues par une séquence complexe d’étirement et traitement thermique post-filage pour optimiser l’orientation des macromolécules (axialité), l’ordre (cristallinité) et l’état de contrainte résiduel de la peau (sa mise en compression retarde la mise en travail de la fibre, comme pour le verre trempé). Lors d’une analyse Raman, il en résulte un signal très polarisé qui sera dépendant de la position de la fibre par rapport à celle du vecteur champ électrique du laser. Le Tableau 1.7 permet de comparer le comportement de chaque bande lors d’une analyse où la fibre est tournée de 0 à 90° par rapport au vecteur champ électrique du laser. La plupart des bandes réagissent de manière identique pour les fibres naturelles et synthétiques. L’analyse en spectroscopie Raman polarisée, faisant intervenir les paramètres d’ordre pour l’estimation de l’orientation des liaisons par rapport à l’axe des fibres, montre une orientation des liaisons C=O (amide I) perpendiculaire à l’axe des fibres de soie. Les structures secondaires retenues dans la littérature, pour la plupart des types de soie, sont les feuillets β, qui seraient donc alignés avec l’axe de la fibre [Rousseau et al. 2004; Lefèvre et al. 2007b; Rousseau et al. 2009]. 32 Etat de l’art - Chapitre 1 Position (cm-1) PA 66 Bmd 60 100 (↑) 80 245 (↓) 335 (↓) Attribution Modes de chaînes T’ Modes de chaînes T’ Modes de chaînes T’ Modes de chaînes Modes de chaînes N-H---O / squelette δC-C, δC-N δC-N-C 145 230 250 426 (↑) 465(↓) 515(↑) 640 sh (↔) 705(↓) 755 sh (↑) 798 (↓) 840 (↑) 900 (↔) 925 (↔) 955(↑) 1000 (↔) 645 (↔) 756 (↔) 830 (↔) 852 (↔) 882 (↑) 923(↑) 1003 (↓) 1050 (↔) 1060 (↔) 1080 (↔) 1133/1145 (↔) 1180 (↔) 1200 sh(↔) 1235(↓) 1255 (↔) 1300 (↔) 1340 (↔) Amide IV (C=O) / cycle arom Tyr Amide V ρCH2, δCH3 ρCH2 / Tyr Tyr νC-C et νC-N (feuillets β poly(AG)) ρCH2 ρCH2 ρCH2 1085 (↔) Phe, Tyr (C-C respiration de cycle) νC-C (+ρCH2) νC-C (+ρCH2) νC-C (+ρCH2) / νC-C, feuillets β, δCH3 1162 (↔) νC-N (+ρCH2) / νNCα 1172 (↔) 1210 sh (↔) 1240 (↓) 1266 (↔) νC-N (+ρCH2) / Tyr - / δC-H cycle aromatique Phe, Tyr, Trp νC-N, amide III - / amide III, conformation désordonnée, δCH3 ωCH2 (amide III) 1317/1335 (↔) ωCH2 / δCH3 1370/80/90 ωCH2 (amide III) δC-Hα, δN-H νCOO- dans Asp / Glu, δCH2 dans poly(AG), 1400 (↓) δC-Hα dans poly(A) 1445/52 (↔) 1450 (↔) δCH2 / δCH3 in poly(A) 1545 (↔) 1554 (↔) νC-N (Amide II) / δN-H, νCα-C dans poly(A) 1615 (↔) Cycle aromatique Phe et Tyr 1635/1660 (↑) 1658-1666 (↑) amide I (νC=O) 3303 3289 νN-H 1368 (↓) Tableau 1.7 : Comparaison des positions et attributions des bandes Raman du polyamide 66 [Marcellan et al. 2004] et de fibres de fibroïne (Bmd) [Moore et Krimm 1976b; Krimm et Bandekar 1986; Rousseau et al. 2004; Lefèvre et al. 2008; Dinh 2010] les flèches indiquent le comportement des intensités des bandes lorsque la fibre est tournée de 0 à 90° par rapport au vecteur champ électrique du laser – δ : déformation symétrique dans le plan (cisaillement), ρ : déformation asymétrique dans le plan (rotation), ν : élongation, ω : déformation symétrique hors du plan (balancement), Asp : acide aspartique, Glu : acide glutamique, Phe : phénylalanine, poly(A) : polyalanine, poly(AG) : polyalanine-glycine, Trp : tryptophane, Tyr : tyrosine. Couplage Spectroscopie Raman/traction uni-axiale La spectroscopie vibrationnelle est une technique permettant d’accéder à la mécanique des liaisons chimiques, en considérant la liaison comme un ressort reliant deux masses (les 33 Chapitre 1 - Etat de l’art atomes). Le couplage des propriétés mécaniques et la dynamique moléculaire du système est intrinsèque (double analyse) : les fréquences propres du système vibrant sont directement reliées à la nature de la liaison chimique considérée. Un état de déformation (∆ε) macroscopique se répercute à l’échelle moléculaire ou atomique par une contrainte des liaisons chimiques, et vice versa [Colomban 2013]. Il en résulte un déplacement direct du nombre d'onde ν (cm-1) caractéristique des modes de vibration et, dans certains cas, de transformations structurales. Figure 1.21 : Représentation du potentiel vibrationnel (gauche) et illustration de la double analyse mécanique et physico-chimique (droite). A l'échelle de la liaison chimique, l'analogie avec les ressorts permet de quantifier la force de rappel (F) qui s'exerce sur les atomes : F = - k ∆ε, où k représente la raideur [Colomban 2002] (analogie avec les paramètres σ, E et ε de la loi de Hooke, qui caractérise l’aptitude à la déformation d’un matériau, Annexe D). Les solutions de l'oscillateur harmonique sont de la forme l = l0 (1+ sin (2πνvibt + ϕ)) et νvib = 1/2π x (k/µ)1/2 où νvib est la fréquence de vibration, µ la masse réduite et le déphasage (ϕ). La fréquence de vibration est directement liée à la raideur du système par la relation : νvib ∝ k1/2. Dans l'approximation harmonique du potentiel de vibration (symétrie du potentiel), le nombre d'onde est indépendant de toute contrainte : la distance interatomique moyenne reste fixe. Un potentiel anharmonique, tel que le potentiel de Morse (Figure 1.21), est nécessaire pour prendre en compte le déplacement Raman. Lorsque le système subit une déformation, les distances interatomiques sont modifiées : ∆ν = ν(ε%) - ν(0%) = Sε x ∆ε(%) où Sε est un coefficient exprimé en cm-1/% dont la valeur est fonction de l'anharmonicité de la liaison considérée. Le coefficient S peut également être défini par Sσ : ∆ν = Sσ x ∆σ. A noter que S est une grandeur tensorielle, ici exprimée dans le cadre de sollicitations uni-axiales. S est généralement négatif : ν baisse en tension et augmente en compression. Schématiquement, pour une élongation ∆l donnée en valeur absolue, les énergies mises en jeu, en compression (C), pour l/l0 < 1, et en traction (T) (l/l0 > 1) sont différentes : EC est supérieure à ET ; les fréquences de vibration s'en trouvent changées, d'où l'explication du signe de S [Marcellan 2003]. 34 Etat de l’art - Chapitre 1 Lors d’une analyse Raman sous contrôle de déformation, il est nécessaire de s’assurer que le niveau de puissance laser n’induit pas de décalage thermique, ou du moins, que ce décalage n’excède pas l’incertitude de mesure. Dans la littérature, quelles que soient les fibres analysées par le couplage Raman/traction, la zone spectrale analysée se limite généralement aux modes internes de vibration (400 à 2000 cm-1). L’étude de fibres de kératine (cheveux humains) a montré une transition de structure secondaire des chaînes macromolécules d’hélices α à feuillets β au cours de la déformation par suivi de la bande amide I [Paquin et Colomban 2007]. La rupture des ponts disulfure (entre 0 et 4 %) ainsi que l’augmentation des distances intra- et inter-chaînes ont également été observées. Peu de modes sont affectés pour les soies de vers et d’araignées, seuls les modes impliquant les C-C, CH2 et/ou les liaisons amides subissent une diminution du nombre d’onde lors de la mise en déformation [Sirichaisit et al. 2003; Brookes et al. 2008; Colomban et al. 2008a; Lefèvre et al. 2009]. La zone spectrale affectée par la mise en contrainte est la région 1000 à 1300 cm-1, en particulier les bandes à 1085 et 1232 cm-1 pour la soie Bombyx mori et 1095 et 1232 cm-1 pour celle de Nephila Edulis, attribuées respectivement aux vibrations d’élongation C-C et C-N [Sirichaisit et al. 2000; Sirichaisit et al. 2003; Brookes et al. 2008]. Une étude montre que le rapport d’intensité amide I/amide III diminue lorsque la contrainte augmente, et la variation est proportionnelle à la contrainte appliquée sur la fibre. Ces variations d'intensité suggèrent que l'alignement des chaînes de protéines diminue avec la pression qui pourrait être dû à la réorganisation de la phase amorphe [Lefèvre et al. 2009]. La région de vibration d’élongation des liaisons N-H est peu étudiée, cependant, une corrélation a été mise en évidence entre le type de profil mécanique (paragraphe 1.3.1), le déplacement de cette bande de vibration et la distance NH…O (Figure1.22). L’identité des comportements micro et nanomécaniques est manifeste en ce qui concerne les seuils et les profils de courbes. Déformation / % Figure 1.22 : Comparaison des différents déplacements des nombres d’onde des vibrations d’élongation N-H en fonction de la déformation de la fibre pour les comportements mécanique I à IV – Bmf : Bombyx mori fraîche, Bmd : Bombyx mori décreusée ; Bmw : Bombyx mori hydratée ; Neph : Nephila madagascariensis. 35 Chapitre 1 - Etat de l’art 1.5 Volonté de maîtrise De nombreuses méthodes sont utilisées pour tenter de maîtriser les propriétés mécaniques des soies. Outre la méthode ‘traditionnelle’ de la sélection des reproducteurs, de l’optimisation de leur état sanitaire et de leurs conditions d’élevage, les méthodes peuvent être classées en deux catégories : celles qui consistent à modifier génétiquement les organismes de production et celles qui modifient chimiquement ou physiquement la matière première « soie ». 1.5.1 Par génie génétique Modification génétique des vers à soie Cette technique permet de réaliser des modifications contrôlées et d’aider à la compréhension de certains phénomènes [Mori et Tsukada 2000; Thomas et al. 2002]. Ces modifications peuvent avoir pour objectifs d’aider une espèce à mieux résister à certains climats ou à des maladies et d’améliorer ainsi la production de soie. Cependant la modification génétique est longue à mettre en place et nécessite de nombreuses recherches pour l’identification des « bons » gènes codants. Un autre objectif de ces études a été l’incorporation de gènes d’araignée dans le génome du ver à soie, certains auteurs [Vollrath et al. 1996; Swanson et al. 2006] ayant revendiqués sur la base de quelques mesures, des propriétés mécaniques exceptionnelles pour la soie d’araignée. Or, la production de soie d’araignée n’est pas économiquement viable en raison du caractère territorial et cannibale de ces animaux. L’utilisation des vers à soie, qui produisent de grandes quantités de soie, pour obtenir une soie aux propriétés « exceptionnelles », en l’occurrence du fait de l’addition de gènes d’araignées serait de ce fait une innovation pleine d’intérêt. L’incorporation d’un « gène type » d’araignée dans le génome d’un ver à soie nécessite l’utilisation d’un transposon piggybac. Ce vecteur est constitué, entre autre, d’une séquence de spidroïne et d’une protéine fluorescente permettant la reconnaissance des larves ayant intégré le gène correctement [Tamura et al. 2000; Thomas et al. 2002; Royer et al. 2005]. On peut retrouver des tentatives de ce type dans la littérature mais la faible amélioration des propriétés mécaniques se base sur 5 essais de traction (de 15,3 à 18,5 % en déformation et de 564 à 660 MPa en contrainte) et la protéine d’intérêt est produite dans la séricine et non la fibroïne [Wen et al. 2010]. Les cocons génétiquement modifiés étudiés dans ce travail (voir Annexe A) proviennent de l’ancienne unité séricicole de l’INRA et le segment de spidroïne incorporé se substitue à la chaîne légère de fibroïne en se liant à la chaîne lourde par pont disulfure. Soie bio-synthétique « recombinante » Une autre voie expérimentée pour produire de la « soie d’araignée » à grande échelle est la synthèse biochimique de protéines recombinantes, obtenues à partir de micro-organismes programmés génétiquement pour produire des séquences particulières d’acides aminés. Ce genre de production est également utilisé pour des applications médicales, notamment la culture cellulaire. Après isolation des gènes codant les séquences de MaSp 1 et 2, ils sont insérés dans un système hôte. Les hôtes utilisés sont généralement la bactérie Escherichia coli, des plants de pommes de terre et de tabac ainsi que des mammifères (cellules mammaires de chèvre) [Scheller et al. 2001; Lazaris et al. 2002; Stark et al. 2007]. 36 Etat de l’art - Chapitre 1 Plusieurs équipes utilisent le vecteur Escherichia coli pour la production de soie d’araignée [Prince et al. 1995; Lewis et al. 1996; Fahnestock et Irwin 1997; Arcidiacono et al. 1998; Stark et al. 2007]. Les gènes codant la soie sont intégrés au bagage génétique de la bactérie et lorsque celle-ci produit ses protéines, elle synthétise aussi les protéines de soie d'araignée. Avec des méthodes de purification biochimique, on peut isoler les protéines MaSp1 et 2 de la soie d'araignée des autres composantes de la bactérie. Différentes méthodes sont utilisées pour transformer les solutions de protéines en fibres comme l’extrusion (détaillée par la suite) utilisée pour la formation de fibres polymères synthétiques. Cependant, le processus de filage artificiel de biopolymères possédant plusieurs motifs de répétition (acides aminés) est difficile à mettre en œuvre et les propriétés mécaniques sont bien inférieures à celles des fibres naturelles. La protéine recombinante étudiée dans ce travail, appelée 4RepCT, a été produite par la bactérie Escherichia coli modifiée génétiquement par des chercheurs (Stefan Grip, Anna Rising, My Hedhammar, Jan Johansson, ect.) de deux laboratoires de l’université suédoise des sciences de l’agriculture (Annexe A) [Stark et al. 2007]. La protéine est produite par un gène de l’araignée Euprosthenops Australis et s’organise spontanément sous forme de fibres macroscopiques en solution. Cela a été possible grâce à l'utilisation d'un fragment de MaSp1 relativement court, ne contenant que quatre régions riches en polyalanine-glycine et le domaine C-terminal non répétitif, 4RepCT. C’est un partenaire de fusion clivable qui empêche l'agrégation durant la production de la protéine et permet son isolement [Grip et al. 2009]. La Figure 1.23 montre le résultat des tests de traction uni-axiale réalisés sur ces fibres. Les propriétés mécaniques de cette soie atteignent 1/5 à 1/10 de celles d’une fibre naturelle d’araignée. Figure 1.23 : Courbes de contrainte-déformation de 3 fibres de soie recombinante 4RepCT de diamètre ~ 80 µm et une vitesse de traction de 10 mm/min. Modifiée via [Stark et al. 2007]. 1.5.2 Fibroïne régénérée Une grande partie de la soie produite, en particulier en Chine, présente des propriétés mécaniques moyennes voire faibles. Comme il a été possible de fabriquer des fibres de rayonne à partir de cellulose, une voie utilisant la soie comme matière première est recherchée. Pour fabriquer de la fibroïne régénérée, il faut partir des cocons c'est-à-dire de la bave constituée de 2 fibres entourée de séricine. La première étape est donc l’élimination de la gaine de séricine, 37 Chapitre 1 - Etat de l’art appelé le décreusage, dans une solution savonneuse portée à ébullition (Annexe B). La fibroïne est solubilisée en milieu ionique fort en utilisant typiquement LiBr [Chen et al. 2001; Sofia et al. 2001; Karageorgiou et al. 2004; Jin et al. 2005; Lawrence et al. 2008; Lawrence et al. 2010; Lu et al. 2010], mais KCl [Sugihara et al. 2000], CaNO3 [Kweon et al. 2000], le LiSCN [Valluzzi et al. 1999] ou des mélanges complexes comme CaCl2/H2O/CH3CH2OH [Nam et Park 2001; Hu et al. 2006] sont aussi utilisés. Une étape de dialyse est effectuée ensuite pour éliminer le sel. A partir de la solution aqueuse de fibroïne ainsi réalisée, il est possible de fabriquer différents types d’objets selon les applications visées (Figure 1.24). Dans cette étude, seules les mises en forme en films et en hydrogels seront considérées. Pour obtenir des films de fibroïne, on évapore la solution dans des boîtes à échantillon en polystyrène cristal. Différentes procédures de traitement des films sont utilisées pour changer l’organisation des protéines de soie, ainsi que les propriétés macroscopiques des films obtenus. Ces procédures ainsi que celles permettant d’obtenir des hydrogels seront détaillées dans le Chapitre IV. Les éponges de fibroïne poreuses sont utilisées dans le domaine du biomédical pour l’attachement des cellules, leur prolifération et leur migration. Elles peuvent être préparées de différentes manières : i) par lyophilisation, méthode la plus courante pour obtenir des éponges sèches gelées ; ii) par l’utilisation de cristaux de sels comme agents porogènes en solution aqueuse ; iii) par lyophilisation suivie d’une solubilisation dans un solvant et ajout d’agents porogènes. Le premier procédé décrit pour l’obtention de microsphères utilise un lipide contenant des acides gras insaturés (1,2-dioleoyl-sn-glycero-3-phosphocholine, DOPC) mélangés à la solution aqueuse de fibroïne. Suite à la formation des vésicules, le lipide est éliminé et les microsphères peuvent être remises en suspension [Rockwood et al. 2011]. La deuxième procédure décrite pour la formation des microsphères s’effectue par le biais d'une séparation de phase entre la soie et un autre polymère (l'alcool polyvinylique PVA par exemple). Cette seconde méthode est particulièrement utile en raison de sa simplicité et de l'absence de solvants organiques. La taille des particules sphériques obtenues est d’environ 2 µm avec les lipides et entre de 300 nm et 20 µm avec le PVA [Rockwood et al. 2011]. L’obtention de fibres par extrusion consiste à introduire une solution de fibroïne concentrée dans une seringue et à l’extruder dans une solution permettant la solidification de la soie sous forme de fils. Les fibres obtenues sont circulaires avec un diamètre compris entre 20 et 100 µm [Liivak et al. 1998]. L’électrofilage (« electrospining ») est un processus par lequel des fibres de petit diamètre et de longueur infinie peuvent être produites grâce à l’application d’une forte tension électrique (de l’ordre d’une dizaine de kV) entre la seringue et la surface de dépôt, ce qui induit une coagulation des macromolécules [Jin et al. 2002; Vepari et Kaplan 2007; Rockwood et al. 2011]. Les diamètres vont de quelques nanomètres à quelques micromètres selon le procédé utilisé [Reneker et Chun 1996]. Des non-tissés isotropes de fibres de soie peuvent être obtenus ou les fibres peuvent être alignées en utilisant un mandrin rotatif [Rockwood et al. 2008]. 38 Etat de l’art - Chapitre 1 Solution aqueuse de fibroïne Extrusion, Electrofilage Evaporation Microfluidique Ca2+, pH, T, ultrason, électricité Films Fibres PVA Lipides Lyophilisation Microsphères Hydrogels Eponges Figure 1.24 : Procédés d’obtention d’objets de différentes morphologies à partir d’une solution de fibroïne. Modifiée via [Vepari et Kaplan 2007; Rockwood et al. 2011] – PVA : l'alcool polyvinylique. Une dernière technique pour obtenir des fibres à partir de fibroïne régénérée est la microfluidique [Kang et al. 2011; Kinahan et al. 2011]. L’objectif de ces recherches est de se rapprocher au mieux des conditions de formation dans les animaux en essayant de contrôler certains paramètres (pH, vitesse). Les propriétés mécaniques des objets préparés à partir de fibroïne régénérée restent faibles en comparaison à celles des fibres (Tableau 1.8). Matériaux Films (traités) Films (ultra)minces Fibres électrofilées Module de Young Contrainte à Déformation à rupture (%) Conditions des tests de traction uni-axiale Référence (GPa) rupture (MPa) 22 3,6 140 En solution, à 37°C, 10 mm/min-1 [Lawrence et al. 2010] 6à8 100 0,5 à 3 ND [Jiang et al. 2007] 0,5 7 3 23°C, 65 % d’humidité relative [Ayutsede et al. 2005] Tableau 1.8 : Propriétés mécaniques de soies régénérées. 39 Chapitre 1 - Etat de l’art 40 Chapitre 2 : Structure et organisation des fibres L’étude de la formation de la soie dans la glande est essentielle pour comprendre la structuration finale des fibres. Pour des raisons pratiques, les araignées possédant jusqu’à sept glandes séricigènes de plus petites tailles, nous étudierons la formation de la soie depuis la glande de Bombyx mori (le ver à soie domestique communément utilisé dans l’industrie du textile) jusqu’au produit fini par spectroscopie vibrationnelle. L’étude des fibres se concentrera en revanche sur la soie d’araignée de Nephila madagascariensis, une araignée sauvage, peu étudiée mais dont la soie est traditionnellement utilisée depuis des siècles. Cette fibre de géométrie homogène (section circulaire) et dépourvue de grès peut être étudiées sans perturbation par la gaine de séricine ou sans décreusage (solubilisation du grès qui peut induire des modifications de la surface de la fibre). Dans une certaine littérature, la soie d’araignée est présentée comme un matériau exceptionnel, surpassant les propriétés mécaniques de celles des vers à soie (en particulier la déformation à rupture). La production de soie d’araignée à grande échelle n’a pas pu être mise en œuvre en raison du caractère territorial et cannibale des araignées. Une voie expérimentée pour produire de la soie d’araignée à grande échelle est la synthèse biochimique de protéines recombinantes, obtenues à partir de micro-organismes programmés génétiquement pour produire une (courte) fibre (nommée 4RepCT) avec une séquence définie d’acides aminés, appartenant à l’araignée. Le processus de filage artificiel, sous décharge électrique, de biopolymères possédant plusieurs motifs de répétition (acides aminés) est difficile à mettre en œuvre et les propriétés mécaniques restent, à ce jour, très inférieures à celles des fibres naturelles. Une voie alternative, la modification génétique des vers à soie Bombyx mori Nistari avec des gènes d’araignée, sera considérée. Ce Chapitre sera dédié à l’étude, essentiellement par spectroscopie vibrationnelle, de l’organisation et de la déshydratation de la soie de la glande séricigène jusqu’à la fibre. Une comparaison des soies de Bombyx mori et de Nephila madagascariensis sera faite avec de la soie recombinante non extrudée (4RepCT) ainsi qu’avec celle d’un ver à soie Bombyx mori Nistari ayant subi une modification génétique avec un gène d’araignée de Nephila Clavipes. 2.1 De la glande de Bombyx mori à la production de la fibre 2.1.1 Conditions d’étude de la glande 2.1.2 Organisation de la fibroïne le long de la glande jusqu’à la fibre 2.2 Variabilité et ordre au sein des fibres de soie 2.2.1 Morphologie 2.2.2 Structure 2.2.3 Ordre local Conclusions 41 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres 2.1 De la glande de Bombyx mori à la production de la fibre Le ver à soie possède une paire de glandes séricigènes qui, lors du dernier stade larvaire (5 mue), représente 25 % de son poids total [Takeda 2009]. A ce stade, le ver tisse son cocon en vue de sa transformation en chrysalide. Les deux brins de fibroïne sont fournis au niveau des glandes salivaires situées au niveau de la tête, et enrobés de séricine (protéine jouant un rôle de colle et de protection). L’animal colle la première sécrétion de soie et par un mouvement en forme de 8 de sa tête forme le cocon : la fibre est filée suivant un mouvement périodique. Les glandes du ver à soie sont un système de sécrétion hautement spécialisé divisé en trois parties principales selon la morphologie, les produits de sécrétion et d'autres caractéristiques (Figure 2.0) : i) la partie postérieure, où la fibroïne est synthétisée, sécrétée et stockée temporairement, ii) la partie médiane, en forme de S, qui fonctionne comme un immense réservoir pour la soie liquide en plus de la production de séricine et iii) la partie antérieure, qui se compose d’un conduit partant du réservoir de stockage vers la filière. ème Figure 2.0 : Vue de la paire de glandes du Bombyx mori, après dissection, sous divisées en 3 parties : postérieure (POST), médiane (MID) et antérieure (ANT) avec le canal excréteur jusqu’à la filière. Les diamètres sont donnés pour chaque partie. Des études antérieures, réalisées avec plusieurs méthodes d’analyses, ont montré que le pH, la concentration en sel et la teneur en eau varient le long des différentes parties de la glande (voir Tableau 2.1). La grande partie centrale de la glande séricigène est divisée en une partie postérieure (Mid1), avec les parties distale et proximale de la partie médiane (Mid2), et une partie antérieure (Mid3) [Akai 1983; Jin et al. 2006]. Les changements de pH et de concentration en sel affectant l’organisation de la fibroïne le long de la glande pourraient favoriser l’orientation des chaînes de fibroïne selon l'axe de la fibre [Zhou et al. 2003; Terry et al. 2004; Wong Po Foo et al. 2006; Chen et al. 2008]. 42 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 Glande Fonction Partie postérieure Synthèse de la fibroïne Concentration en fibroïne (%)* pH Ca2+ (10-3 %)* Quantité d’eau (%)* Partie médiane Partie antérieure Synthèse de la séricine et stockage de la fibroïne Mid1 Mid2 Mid3 12 25 30 30 5.6 5.2 5.0 4.8 17.7 46.0 59.7 75 74 74 70 12 6.9 88 Microscopie Analyse structurale in vivo électronique, Biréfringence, Biréfringence, [Kerkam et al. 1991; Hossain et al. 2003; Biréfringence, Rhéologie, DLS, NMR, Raman Rhéologie Jin et al. 2013; Suzuki et al. 2014] Rhéologie Tableau 2.1 : Fonction, composition et techniques utilisées pour l’analyse « quasi » in vivo de la glande séricigène de Bombyx mori - * pourcentages massiques. La composition globale provient de [Magoshi et al. 1996] et [Tanaka et al. 1999; Inoue et al. 2000; Tanaka et al. 2002]). 2.1.1 Conditions d’étude de la glande L’analyse des glandes séricigènes nécessite au préalable la dissection de l’animal. Le détail de la procédure est donné en Annexe A. Plusieurs paramètres sont à considérer dans l’analyse vibrationnelle, notamment les éventuelles perturbations par les signatures de l’eau, de la séricine et des cellules épithéliales. Etude de la solution de filage de soie en fonction de la déshydratation Pour l’analyse infrarouge, le liquide précurseur de soie a été extrait à partir du conduit de la glande, mais ceci n'a pas pu être réalisé dans les régions antérieure et postérieure. Dans ces régions, la glande est trop fine (diamètre entre 0,05 et 0,8 mm) pour séparer l'épithélium du contenu interne. L'analyse IRTF a été réalisée sur toute la partie postérieure tandis que le tube antérieur n'a pas pu être analysé. La spectroscopie vibrationnelle a déjà été utilisée pour l’étude des glandes séricigènes de vers à soie ou d’araignées (Nephila clavipes, Araneus diadematus) [Lefèvre et al. 2007a; Lefèvre et al. 2008], mais les glandes ont été analysées à l’état sec. Notre objectif est d’analyser la glande dans les conditions les plus proches possibles des conditions in vivo. La Figure 2.1 présente les spectres IRTF-ATR du liquide assez visqueux extrait de la partie Mid1 (Figure 2.1) en fonction du temps écoulé après dissection. Les spectres ont été corrigés par soustraction du spectre de l'eau enregistré dans les mêmes conditions. La soustraction a été considérée comme satisfaisante lorsque la région entre 1750 et 2650 cm-1, où aucune absorption des protéines est attendue, était plate [Dousseau et al. 1989; Rahmelow et Hubner 1997; Millo et al. 2005; Boulet-Audet et al. 2010]. Les spectres montrent la déshydratation progressive de la solution de filage à partir de son dépôt sur la surface du cristal ATR. Après 30 min, la solution est à l’équilibre avec la pression partielle de l'eau dans la pièce (~ 70 % d'humidité relative) : aucun changement n’est alors observé au cours du temps dans la région d’élongation O-H (3200 à 3500 cm-1). Nous appellerons cet état « partiellement séché ». L'échantillon visqueux est alors devenu semblable à un matériau solide vitreux. La déshydratation a généré un déplacement vers les plus bas nombres d’onde des bandes amides I (de 1643 à 1635 cm-1) et III (de 1245 à 1238 cm-1) et une diminution de 43 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres l'absorbance à 1515 cm-1. Ces variations doivent être interprétées avec précaution en raison de l’opération de soustraction du spectre de l'eau, en particulier dans le cas de mesures ATR car le rapport fibroïne/eau varie et la viscosité de la solution (de laquelle dépend l'indice de réfraction) varient dans le temps. Le déplacement des bandes amides I et III, correspondant aux modes C=O (minoritaire dans le cas de l’amide III), indique un renforcement des liaisons hydrogène intramoléculaires (rapprochement des chaînes du fait de la disparition de molécules d’eau présentent entre les chaînes). La bande à ~ 1515 cm-1 (vibration d'élongation C-C du cycle aromatique de la tyrosine) est un marqueur spécifique pour les changements de conformation, et est sensible à la polarité de l’environnement [Barth 2000; Barth et Zscherp 2002]. Sa position passe de 1518 cm-1 à 1513 cm-1 avec la déshydratation (Figure 2.1). Les mêmes changements ont déjà été observés par Hu et al. [Hu et al. 2008] par chauffage et avaient déjà été attribués à la déshydratation du matériau. Temps / min -1 1515 cm Amide I max / cm Absorbance -1 0 5 10 17 27 32 1000 1644 1640 1636 0 10 20 30 Temps / min 1250 1500 1750 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.1 : Spectres IRTF-ATR de la partie Mid1 de la glande en fonction du temps après soustraction de l’eau. Les spectres sont normalisés par rapport à l'intensité de la bande à 1414 cm . En insert, la position du maximum du mode amide I est tracée en fonction du temps. -1 Extraction de la solution de fibroïne et signaux parasites Si l'on compare en IRTF-ATR (Figure 2.2) l’aire des régions amide I et II (1700 à 1500 cm-1) à celle de la région d’élongation C-H, on observe que les signatures des parties Mid1, 2 et 3, ont un ratio différent de celui de la région postérieure (et de l’épithélium). En fait, les échantillons Mid1, 2 et 3 correspondent au contenu de la glande « pur » tandis que les spectres des régions postérieure et externe correspondent à un mélange des signatures de la solution de filage et des cellules de l’épithélium, bien reconnaissable par le taux élevé de lipides qui constitue la paroi cellulaire. Dans l'échantillon contenant des cellules, la faible bande vers 1740 cm-1 (groupes carbonyle) et la bande à 1070 cm-1 (phosphate des phospholipides), dont l’intensité augmente, sont aussi de bons marqueurs de la contamination par l’épithélium. Seuls les extraits Mid 1, 2 et 3 peuvent être caractérisés sans ambiguïté par IRTF-ATR, sans interférence due aux cellules. 44 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 1500 1070 Membrane externe POST Elongations C-H 1740 1000 Mid1 Mid2 Mid3 Membrane externe POST 1070 Absorbance Mid1 Mid2 Mid3 2000 2500 3000 Nombre d'onde / cm 3500 900 1000 -1 1100 Nombre d'onde / cm 1200 -1 Figure 2.2 : Spectres IRTF-ATR du contenu des différentes parties de la glande partiellement séchées à ~ 70 % d’humidité relative : région postérieure (POST), régions Mid1, Mid2 et Mid3 et membrane externe de 880 à 3800 cm (gauche) et zoom sur la zone 880 à 1200 cm (droite). -1 -1 Intensité Raman L’utilisation d’objectif de microscope à fort grossissement (x 100, spot laser de ~ 1 µm) a permis d’enregistrer des spectres Raman dans tout le conduit de la glande, de la partie postérieure à la partie antérieure, à l'état hydraté, sans contribution de l'épithélium. Le signal Raman de l'eau est suffisamment faible pour ne pas recouvrir celui des protéines dispersées/dissoutes dans l'eau. La séricine est détectée, même présente à l’état de trace, en raison de la résonance des pigments de carotène qui la colore en jaune (Figure 2.3). S1 S2 S3 Fibroïne 1000 1500 3000 3500 Nombre d'onde / cm -1 Figure 2.3 : Spectres Raman caractéristiques de la gaine séricine retirée et de la fibroïne dans la région 750 à 3700 cm . Les spectres S1, S2 et S3 correspondent respectivement à des gaines de séricine blanche, jaune et orange. Les pointillés marquent les bandes à 1155 et 1525 cm correspondant à la résonance Raman associées aux vibrations d’élongation C-C et C=C des pigments caroténoïdes. -1 -1 La déshydratation de la fibroïne entraîne un changement de conformation. Pour une étude quasi in vivo, la glande doit être analysée rapidement (<20 min) pour accéder aux changements d’organisation dans la glande et non pas à ceux dus à la deshydratation. Les parties postérieure et antérieure ne peuvent être analysées par IR sans perturbation par la signature de la membrane. L’absence des bandes caractéristiques des caroténoïdes dans les spectres Raman confirme la non contamination du prélèvement par la séricine et l’utilisation d’un objectif à fort grossissement permet l’étude tout au long de la glande sans contamination. 45 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres 2.1.2 Organisation de la fibroïne le long de la glande jusqu’à la fibre Comparaison de la fibre et de la glande dans la région amide I : évolution de la conformation de la fibroïne Pour obtenir des informations sur l'organisation progressive des macromolécules de fibroïne le long de la glande, la région amide I a été étudiée de façon détaillée. La Figure 2.4a permet de comparer les spectres IRTF-ATR obtenus pour la glande médiane hydratée, Mid1, 2 et 3 (après soustraction de l’eau), et la fibre décreusée. Une comparaison est aussi faite avec la référence glande « partiellement séchée » (<3 % pondéral d’eau). Avec cette technique, aucune différence significative n'est détectée entre les trois régions de la glande (Mid1, 2 et 3). Le maximum de la bande amide I passe de 1642 cm-1 pour la glande hydratée (Mid) à 1620 cm-1 pour la fibre (Figure 2.5a). Pour une analyse plus précise, l'ajustement des courbes a été réalisé sur les spectres des régions Mid1 et 2 (après soustraction de la contribution de l'eau), de la glande sèche et de la fibre décreusée (Figure 2.4c, Tableau 2.2). Six composantes sont identifiées par seconde dérivation, comme généralement proposé. Elles sont centrées à 1600 ± 2 cm-1, 1622 ± 2 cm-1, 1643 ± 1 cm-1, 1664 ± 2 cm-1, 1683 ± 1 cm-1 et 1696 ± 2 cm-1. L’aire de chaque composante est exprimée en pourcentage par rapport à la somme des aires de toutes les composantes présentes dans la région spectrale allant de 1590 à 1720 cm-1. Les positions déterminées par dérivation seconde et les largeurs ont été imposées et seules les intensités ont été affinées. En infrarouge, aucune différence importante n'est observée en ce qui concerne le mode amide I de la fibroïne entre les différentes régions de la glande hydratée : les positions sont stables à l’exception de la composante à 1622 cm-1, avec une composante principale à 1643 cm-1 qui représente environ 38 % de la surface totale. Après déshydratation et extrusion (glande « référence séchée » et fibre), le maximum de la bande amide I est situé autour de 1620 cm-1 et on voit apparaître une bande centrée à 1696 ± 2 cm-1. Comme mentionné précédemment, la position de l'amide I doit être interprétée avec précaution en raison de l'effet de la soustraction de l'eau dans cette région pour les échantillons hydratés de la glande. La teneur en eau mesurée dans la glande « référence séchée » et dans la fibre sèche décreusée [Colomban et al. 2012b] est comparable dans les deux échantillons (perte thermogravimétrique en dessous de 200 ° C <3 % en poids). Nombre d’onde (cm-1) 1695 1683 1663 1643 1622 1600 Mid1 (%) 0,1 9,4 24,6 37,1 24,6 4,2 Mid2 (%) 0 8,4 23,3 39,3 19,4 9,3 Glande sèche (%) 5,1 6,8 18,3 26,1 32,7 11,7 Fibre (%) 5,9 3,8 13,1 24,7 40,8 11,1 Tableau 2.2 : Evolution de l’aire (%) des différentes composantes IR dans la région amide I pour la glande de Bombyx mori (régions Mid1 and Mid2 après soustraction de l’eau et pour la référence glande « sèche ») et la fibre décreusée. 46 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 (a) (b) -1 Absorbance Intensité Raman Amide I (cm ) 1658 POST 1658 Mid1 1658-1666 Mid2 Glande sèche 1672 1666 Fibre -1 Amide I (cm ) Mid1 1642 Mid2 1639 Mid3 1645 Glande sèche 1623 Fibre 1620 1500 1600 1700 (c) 1622 Fibre 1800 1600 (d) 1650 1700 1668 1643 1663 1677 1657 1695 1617 Intensité Raman Absorbance Glande sèche Mid2 Mid1 1600 1650 1700 1600 -1 1650 1700 Nombre d'onde / cm Figure 2.4 : Région spectrale amide I par spectroscopies IRTF-ATR (a) et Raman (b), enregistrées dans les différentes parties de la glande hydratée, la fibre décreusée et la glande « référence séchée ». Les bandes IRTF sont normalisées par rapport à l'intensité de la bande amide I (après soustraction de l'eau pour les parties hydratées) et les bandes Raman par rapport à l'intensité de la bande de la phénylalanine à 1003 cm . La décomposition spectrale est limitée à 1590 à 1720cm pour les spectres IRTF (c) et Raman (d). -1 -1 47 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres (a) Aire des composantes Raman / % Maximum Amide I / cm -1 1680 Raman ( ) 1660 Liaison intermoléculaire 1640 IRTF ( ) 1620 Mid1 (b) Mid2 Glande sèche -1 ν (cm ) 1677 1668 1657 30 Fibre ? 20 10 Mid1 Mid2 Fibre Glande sèche Figure 2.5 : Comparaison (a) de la position du maximum de la bande amide I en Raman et IRTF-ATR et (b) des aires des trois principales composantes Raman (Tableau 2.2) dans les régions Mid1 et Mid2 de la glande hydratées, la glande « référence séchée » et la fibre décreusée. Nous avons également utilisé la micro-spectroscopie Raman pour caractériser la section de la glande à l'état hydraté avec une meilleure résolution spatiale (1 µm latéralement (xy), ~ 10 µm selon l’axe optique (z)) (Figures 2.4b et 2.6). Cependant, pour l'analyse de la partie antérieure, la plus étroite, une faible contribution de la membrane ne peut pas être exclue. La Figure 2.4b présente les spectres obtenus pour la partie postérieure, les parties Mid1 et Mid2, la partie médiane de la glande « référence séchée » et pour la fibre décreusée, dans la région de l'amide I. Comme mentionné précédemment, les plus grandes différences sont observées dans la région amide I, dominée par la vibration de la liaison C=O. La Figure 2.4b montre que, dans les régions postérieures et Mid1, le maximum de la bande amide I est centré autour de 1658 cm-1. Cette bande est plus large que les autres, ce qui reflète un degré de désordre plus élevé, la présence de plusieurs conformations, et la présence d’eau. Dans le spectre Raman de la région Mid1, un épaulement à 1668 cm-1 peut être observé. Le spectre de la région Mid2 présente clairement deux maxima, d’intensité équivalente. Le spectre de la fibre présente une bande plus fine avec un maximum à 1668 cm-1, à plus bas nombre d’onde que celui de la glande « référence séchée », amorphe (1672 cm-1). Pour suivre l’évolution de la bande amide I, une décomposition spectrale a été réalisée dans la région 1590 à 1720 cm-1 (Figure 2.4d) en imposant les 9 composantes données dans le Tableau 2.3. L'évolution de l’aire des trois composantes principales de la zone est représentée sur la Figure 2.5b. La largeur des bandes des différentes composantes reflète l’ordre des matériaux : les bandes sont plus fines dans les matériaux organisés et plus larges dans les régions amorphes (hydratées). Pour la procédure d'ajustement spectral, la largeur et la position de bandes sont imposées. Cette hypothèse permet de comparer les échantillons et facilite l'interprétation, mais limite l’exploitation des largeurs de bandes. Dans la littérature, les bandes 48 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 à 1657 et 1668 cm-1 sont attribuées aux conformations en hélice α et feuillets β respectivement [Frushour et al. 1976; Rabolt et al. 1977; Krimm et Bandekar 1986; Rousseau et al. 2006]. Les composantes à 1689, 1677 et 1647 cm-1 sont attribuées, sur la base d’une analyse des modes normaux, aux conformations coudées [Krimm et Bandekar 1980; Vass et al. 2003]. L'attribution de la bande à 1634 cm-1 n'est pas claire ; elle varie proportionnellement à l’aire de la bande à 1657 cm-1 (Tableau 2.3). La composante à 1700 cm-1 a été attribuée à la vibration d’élongation de la liaison C=O de la glutamine et de l'arginine. Les composantes à 1602 et 1617 cm-1 correspondant aux vibrations des acides aminés aromatiques sont constantes dans tous les échantillons analysés [Rousseau et al. 2006], les cycles aromatiques se comportant comme des vibrateurs peu perturbés pra les entités auxquelles ils sont liés. Nombre d’onde (cm-1) 1700 1689 1677 1668 1657 1647 1634 1617 1602 Mid1 (%) 4,3 8,9 13,4 18,5 23,4 12,9 7,4 7,9 3,4 Mid2 (%) 2,8 9,9 17 20,4 19,2 12,5 7,7 7,8 2,7 Glande sèche (%) 5,3 11,6 22,1 24,6 13,7 7,4 5,8 8,2 1,23 Fibre (%) 4,6 9,1 16,2 34 12,8 7 3,5 11,4 1,3 Tableau 2.3 : Evolution de l’aire (%) des différentes composantes Raman dans la région amide I pour la glande de Bombyx mori (régions Mid1 et Mid2 et pour la glande « référence séchée ») et la fibre décreusée. La Figure 2.5a résume l'évolution des maxima de la bande amide I extraits des spectres IRTF-ATR et Raman (Figures 2.4a et b). Cette Figure montre un changement marqué de l'organisation entre l’état hydraté concentré dans la glande et l'état séché. L’analyse des composantes (Tableau 2.2) montre que celles à 1643 et 1664 cm-1 sont dominantes dans les spectres IRTF de la glande hydratée, mais aucune différence significative ne peut être faite entre les régions Mid1 et Mid2. La composante à 1622 cm-1 est dominante dans les spectres de la glande séchée et de la fibre montrant un changement d'organisation entre l'état hydraté et la matière séchée et/ou extrudée. Les composantes à 1696 et 1622 cm-1 sont associées et attribuées aux feuillets β dans la littérature. Les spectres Raman montrent un changement d’organisation dans la région Mid2 avec l'apparition de deux maxima dans la bande amide I (Figure 2.4b). La Figure 2.5b montre l'évolution des 3 composantes majeures en fonction de la position dans la glande et de la déshydratation provoquée par le séchage (glande « référence séchée ») ou l’extrusion (fibre). L’aire de la bande à 1668 cm-1, attribuée aux feuillets β, augmente le long de la glande et lors de la déshydratation, tandis que la bande à 1657 cm-1 s’affaiblit. Le filage amplifie cette variation. La composante à 1647 cm-1 semble se comporter de la même manière que celle à 1657 cm-1 (Tableau 2.3). Rousseau et al. [Rousseau et al. 2006] associent la bande 1657 cm-1 à des hélices α et les composantes à 1689 et 1677 cm-1, qui varient de la même manière, aux conformations coudées. La déshydratation implique des changements de la constante diélectrique et des possibilités de liaisons hydrogène, ce qui est déterminant pour la(les) conformation(s) ; de plus, le passage par la filière va orienter les chaînes macromoléculaires. Ces événements affectent la 49 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres vibration d’élongation des groupements polaires carbonyle. Des études sur des séries de fibres polymères synthétiques montrent que les changements de conformation/cristallinité et d'orientation/axialité de la chaîne sont des paramètres indépendants [Colomban et al. 2006]. Lorsque seul le processus de déshydratation est à l’œuvre (comparaison glande hydratée/séche), un changement de l'organisation des protéines est observé (Figure2.4 (b)), avec une légère augmentation de l’aire des composantes à 1668 et 1677 cm-1 et une diminution de celle à 1657 cm-1. Pour la fibre (extrusion), la position de la bande amide I est située à 1666 cm-1 (largeur à mi -hauteur de 12 cm-1) alors qu'elle atteint pour la glande séchée 1672 cm-1 (largeur à mi-hauteur de 14 cm-1), suggérant un désordre plus important. Un changement de conformation entre la partie Mid1 et Mid2 est mis en évidence par micro-spectroscopie Raman en accord avec les changements biochimiques observés dans la littérature. Changement d’organisation entre l'état hydraté dans la glande et la matière séchée ou filée. Comparaison de la fibre et de la glande dans la région 550 à 1800 cm-1 : changements lors du séchage et de l'orientation La Figure 2.6 permet de comparer les spectres Raman de la glande, étudiée in situ et à l'état sec et d’une fibre décreusée, en fonction de la polarisation : l'axe des fibres de soie ou de la glande sèche est soit parallèle, soit perpendiculaire au vecteur champ électrique du faisceau laser. Amide III 13 T // 18 Amide I 22 (a) 10 67 5 Intensité Raman 12 8 9 21 12 Fibre Glande sèche 20 14 15 11 3 12 (b) 19 16 4 ANT Mid 2 17 Mid 1 POST 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.6 : Spectres Raman caractéristiques de la fibre décreusée et de la glande « référence séchée » (partie centrale) (a) et du contenu de la glande (b) pour la région 550 à 1850 cm . Les spectres sont normalisés par rapport à l’intensité de la bande d’élongation des C-H (a) ou de la bande à 1003 cm (Phe) (b). Voir le Tableau 2.4 pour l'attribution et la position des bandes. -1 -1 50 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 Pour la fibre, nous pouvons voir une grande différence des intensités relatives en fonction de l’orientation, comme déjà observé pour celles des vers à soie Bombyx mori, Samia cynthia ricini et d’araignée Nephila Madagascariensis [Rousseau et al. 2006; Hu et al. 2008; Colomban et al. 2012b]. Les rapports d'intensité des bandes amide I et amide III sont inversés lorsque l'axe de la fibre est tourné de 90 ° (Figure 2.7a). Au contraire, pour la glande séchée, il n'y a pas de différence entre les spectres en fonction de l’orientation de l’objet. Le rapport d’intensité amide I/amide III obtenu en faisant tourner la glande tous les 15 ° sur 90° (Figure 2.7a et b) est stable (~1,3), en accord avec un caractère non orienté des chaînes dans la glande et donc son caractère isotrope. Les Figures 2.6a et b permettent de comparer la glande hydratée à la glande séchée ; le Tableau 2.4 présente les attributions. Les bandes à 722, 785, 1129, 1311, 1338, 1578 et 1604 cm-1 ne sont observées que dans la glande hydratée. Ces bandes, ont également été observées par Lefèvre et al. mais dans une glande d’araignée Nephila Clavipes [Lefèvre et al. 2011], en dépit d’une séquence en acides aminés différente. n° Position (cm-1) 1 2* 3* 4* 5* 6* 7 8 9* 10 11* 12 13* 14* 15* 16* 17* 18* 19 20* 21* 22* 620 642 722 785 829 854 882 974 1003 1084 1129 1157 1228 à 1265 1311 1338 1398 1416 1448 1578 1604 1615 1658 ANT POST Mid1 Mid2 Hydraté x x x x x x x x wk x x x wk x x 1228 x x x/x s x x 1658 x wk x x 1240 x x sh x/sh x x sh x 1658 à 1666 Glande Bmd Sec x x x x x x x x x/1162 x Attributions F Cycle aromatique de la Y, amide VI δCH2 Y δCH2 δCH3, δCH2 F (respiration de cycle) νC-C νC-C et νC-N νC-C amide III δCH2 et δCH3 x x x 1672/1666 νCOO-, δC-H, δCH2 νCOOδCH2 et δCH3 νC=C F, Y sous forme protonée νC=C (Y) amide I Tableau 2.4 : Position et attribution des bandes majeures dans la région 550 à 1850 cm pour la glande de Bombyx mori et la fibre décreusée (Bmd) pour les spectres Raman de la Figure 2.6. Les régions étudiées sont associées deux à deux lorsqu’elles présentent un comportement similaire. *Bandes aussi observées pour la solution de filage de la soie d’araignée de Nephila clavipes. [Lefèvre et al. 2008]. Abréviations : F, phénylalanine, sh, épaulement, wk, faible, Y, tyrosine [Monti et al. 2001; Marcellan et al. 2004; Rousseau et al. 2004; Preghenella et al. 2007; Lefèvre et al. 2008; Lefèvre et al. 2011]. -1 Les bandes à 1523 (épaulement) et 1157 cm-1 sur la Figure 2.6, observées également dans le spectre Raman de la séricine colorée, sont attribuées à des pigments, caroténoïdes ou molécules d'isoquinoléine (Figure 2.3) [Arikan et al. 2002]. Ces bandes résultent d’une contamination par des cellules (contribution des lipides et pigments). Le rapport de l'intensité 51 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres des bandes à 854 cm-1 et 829 cm-1, toutes deux attribuées à la tyrosine, est un indicateur du caractère hydrophobe de l'environnement du groupe hydroxyle de la tyrosine [Siamwiza et al. 1975]. Ce rapport est plus faible dans la région Mid1 que dans la région Mid2 ; il y a une diminution de l'intensité de la bande à 859 cm-1 vers la partie antérieure de la glande, qui peut être liée à la perte d'eau. Les bandes à 859 et 1003 cm-1 associées respectivement à la tyrosine et à la phénylalanine montrent un comportement différent à l'état hydraté et sec, avec la bande à 859 cm-1 plus intense à l'état sec et la bande à 1003 cm-1 plus intense dans l'état hydraté. Ces bandes Raman sont sensibles à la déshydratation de la glande et à l'augmentation associée de la densité. Bmd Glande sèche I amide I / I amide III 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 0 15 30 Intensité Raman (a) 45 60 75 90 Angle / ° 0° 100 200 90° 300 0° 15° 30° 45° 60° 75° 90° 1000 (b) 1500 3000 Nombre d'onde / cm 3500 -1 Figure 2.7 : a) Rapport d’intensité amide I/amide III pour la fibre de Bombyx mori décreusée et la glande sèche en fonction de l’orientation de l’axe principal de l’échantillon par rapport au vecteur champ électrique du laser et b) spectres Raman de la glande sèche tournée de 0 à 90 ° par rapport au vecteur champ électrique du laser, normalisés par rapport à l’intensité de la bande amide I. Les bandes à 1398 et 1416 cm-1 peuvent être associées aux modes d’élongation des groupes CO2- provenant des acides aminés acides aspartique et glutamique [Rousseau et al. 2004]. La position et l'intensité peuvent être modulées s’il y a changement du champ électrique local : changement du pH et interactions avec les cations Ca2+. Dans le spectre de la région postérieure (Figure 2.6b), aucune bande n’est observée dans la région d’élongation des carboxylates, tandis que les bandes sont présentes dans les trois autres régions de la glande. Pour la partie Mid 1 la bande est située à 1416 cm-1, deux maxima (1398 et 1416 cm-1) peuvent 52 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 être distingués dans le spectre de Mid 2, et une seule bande à 1398 cm-1 dans la région antérieure. Ceci suggère un groupement carboxylate libre dans la région antérieure et un groupement carboxylate coordonné dans la partie centrale de la glande. Les données spectroscopiques confirment l'orientation des chaînes de fibroïne après filage. 2.2 Variabilité et ordre au sein des fibres de soie 2.2.1 Morphologie Soie de vers à soie Un cocon est constitué d’une fibre ininterrompue et entremêlée de près de 1000 voire 1500 m de longueur. Lorsque le ver file, il réalise des mouvements en forme de 8. Il fixe son fil sur une partie du cocon déjà filée et l’étire ensuite jusqu’au point de fixation suivant, en bougeant la tête, depuis l’extérieur vers l’intérieur du cocon. Cette méthode peut engendrer des hétérogénéités le long de la fibre ainsi que des défauts probablement localisés au niveau des points de fixation [Colomban et al. 2012b]. L’obtention d’image en microscopie optique de fibres de soie de vers à soie est difficile étant donné leurs géométries particulières et compliquées (problèmes de profondeur de champ) (Figures 2.8, 2.9 et 2.10). En effet, la bave de ver à soie est constituée de deux brins de fibroïne de section triangulaire enrobés dans une gaine de séricine. La microscopie électronique pose le problème du vide qui déshydrate et modifie la surface des objets, c’est pour cela que nous avons privilégié la microscopie optique. Les deux brins sortent des deux filières (de chaque glande) côte à côte et sont comprimés par l’ajout de la gaine. Il en résulte une section non circulaire avec une géométrie particulière comme montré sur la Figure 2.8. Cette même Figure montre la présence de la gaine de séricine enrobant les fibres de fibroïne. La section est assimilée à un cercle en déterminant un diamètre équivalent. La seule différence macroscopique entre les cocons de vers à soie Bombyx mori et Bombyx mori de souche Nistari polyvoltin, ainsi que les vers ayant subi une modification génétique, est leur couleur : blanche pour le Bombyx mori et jaune pour les Nistari (Annexe A). Pour certaines applications, les vers ont été forcés à filer des cocons plats. Les baves intérieures de ces « cocons » sont entremêlées comme pour un cocon ordinaire. Les baves extérieures, par contre, sont faites de longs segments parallèles. La géométrie particulière des baves de vers à soie et la présence de défauts engendre une grande variabilité de diamètre équivalent pour une même fibre, l’écart entre deux mesures pouvant atteindre 10 µm. La moyenne est d’environ 20 µm (voir Tableau 2.6) et dépend peu du fait que l’on soit dans la partie intérieure ou extérieure du cocon, en accord avec [Zhao et al. 2007; Dinh 2010]. Pour étudier la fibre de fibroïne « seule », il est nécessaire d’effectuer un traitement chimique pour dissoudre la gaine de séricine (Annexe B et Chapitre 1). Les Figures 2.9 et 2.10 présentent des fibres décreusées représentatives, sur lesquelles on observe la présence de multiples défauts. 53 organi des fibres Chapitre 2 – Structure et organisation Fibroïne Fibro Séricine Figure 2.8 : Bave (bi-fibre) de cocon ocon (haut) ( et de cocon plat (bas) de Bombyx mori, observée servées avec des objectifs de gr grossissement x100 et x50, respectivement. Figu 2.9 : Fibres décreusées de Bombyx mori. Figure Figure 2.10 : Fibres décreusées sées de ver génétiquement modifié (gauche) et de ver témoin émoin de la modification (droite). a) b) Figure 2.11 : Fibres de Nephila ephila madagascariensis de couleur a) or intense et b) jaune clair voire gris. F Figure 2.12 : Fibre de soie recombinante 4RepCT. 54 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 Soie d’araignée La soie est obtenue par tirage manuel sur des araignées (femelles) vivantes, les segments de fibres mesurent de 20 à 30 cm de long. L’étude des soies d’araignée pose un certain nombre de difficultés, le diamètre des fibres étant souvent inférieur à 10 µm. Isolées, elles sont difficilement visibles à l’œil nu et il n’est possible de les manipuler que grâce à la réflexion de la lumière. Les échantillons de soie de Nephila madagascariensis sont classés en trois catégories : les fibres de soie « anciennes » âgées de plus de 20 ans (Nm), les fibres « fraîches » tirées 3 mois avant les tests (Nmf) et les fibres « fraîches » non moulinées (Nmfnm). Mouliner signifie réunir et tordre ensemble plusieurs fibres pour constituer un fil. La Figure 2.11 montre que les fibres de Nephila Madagascariensis possèdent une section circulaire et homogène. Elles sont lisses et ne sont pas recouvertes d’une gaine de séricine comme dans le cas des fibres de vers à soie. Comme tout objet, en particulier issu du vivant, on peut observer la présence de défauts sous forme de tâches circulaires ou de traits entourant les fibres. Par observation microscopique, on observe que, quel que soit l’âge des échantillons de Nephila madagascariensis, leur couleur varie d’un jaune d’or très intense à clair jusqu’à une couleur grise presque transparente. La connaissance de la section de la fibre est nécessaire pour la détermination des propriétés mécaniques (la contrainte et le module de Young). La statistique effectuée sur 224 portions de fibres (Annexe C.2) révèle que la Nmf possède des diamètres allant jusqu’à 13 µm alors que pour les deux autres types (Nm et Nmfnm) il est au maximum de 11 µm (voir Tableau 2.5). La Nm possède le plus petit diamètre minimum, 5 µm. Pour la détermination des propriétés mécaniques, la contrainte subie par chaque fibre est calculée à partir de son diamètre propre (Annexe C, C.2). Fibre Nm Diamètre (µm) Moyen Ecart type Min Max 8,3 1,5 5,0 11,0 Nmf 9,5 2,5 5,9 13,2 Nmfnm 8,8 1,5 6,5 11,6 Tableau 2.5 : Statistique sur les diamètres de fibres de Nephila madagascariensis – Nm : fibres « anciennes » âgées de plus de 20 ans, Nmf : fibres « fraîches » tirées 3 mois avant les tests et Nmfnm : fibres « fraîches » non moulinées. Soie recombinante La Figure 2.12 montre que la soie bactérienne est une fibre plus ou moins cylindrique qui se termine par une partie plane de forme triangulaire (les fibres protéiques 4RepCT produites par les bactéries Escherichia coli [Stark et al. 2007] sont séchées en les maintenant par une extrémité). La section de la fibre est très hétérogène : le diamètre varie de 40 à 190 µm (Tableau 2.6) et de nombreux défauts sont présents sous forme de lignes parallèles ou perpendiculaires à l’axe. 55 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres Diamètre (µm) Echantillons Bombyx mori Bombyx mori Nistari polyvoltin Min Max bave 19,4 17,3 21,9 bave 23 18,7 32,7 1 fibre fibroïne 12,5 9,7 14,5 1 fibre fibroïne 11,9 9,8 14,1 fibre (tous âges) 8,8 5 13,2 fibre 81,5 Bombyx mori Nistari polyvoltin modifié Nephila madagascariensis Moyenne 4RepCT 37,2 190,8 Tableau 2.6 : Moyennes, minima et maxima des diamètres des différents échantillons de soie – bave : bi-fibre de fibroïne entourée de la gaine de séricine. Teneur en eau La Figure 2.13 montre les courbes thermogravimétriques représentatives des soies de Bombyx mori et de Nephila madagascariensis. La perte de poids est due à l’évaporation de l’eau [Kweon et Park 2001; Elakkiya et al. 2012]. L’eau représente environ 3 % en poids pour les fibres de Bombyx mori décreusées et 4 % pour les cocons, la présence de séricine, plus hydrophile, expliquant la plus grande perte d’eau. La composition étant proche, les fibres de Nephila madgascariensis âgées (>20 ans) et fraîches (3 mois) possèdent une quantité d’eau similaire, environ 4 à 5 % en poids. La perte à 100°C correspond à l’eau faiblement liée (physi-sorbée) et la seconde perte à 150°C (~ 0,5 %) à des molécules d’eau plus fortement liées, intercalées entre les macromolécules et liées aux groupements C=O. Cocon Bm Bmd Nm Nmf 0 TG / % TG / % 0 -2 -2 -4 -4 -6 -6 50 100 150 200 Température / °C 50 100 150 200 Température / °C Figure 2.13 : Analyses thermogravimétriques représentatives des soies de Bombyx mori décreusée (Bmd) et sous forme de cocon (Bm) et de Nephila madagascariensis produite par l’animal il y a plus de 20 ans (Nm) et 3 mois avant les analyses (Nmf). La soie recombinante 4RepCT possède une morphologie très irrégulière un diamètre moyen très élevé (~ 80 µm) par rapport à ceux des soies filées (~ 9 à 19 µm). En raison de la large variabilité des diamètres, le diamètre propre à chaque portion de fibre sera utilisé pour la détermination des paramètres mécaniques. Les fibres de Bombyx mori possèdent une quantité plus faible d’eau (3 %) par rapport aux fibres de Nephila madagascariensis (4 à 5 %). 56 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 2.2.2 Structure Spectroscopie Infrarouge Absorbance La Figure 2.14 présente les spectres IRTF-ATR des différentes fibres de soies. Les spectres de fibres de vers à soie, Bombyx mori décreusé (Bmd), Bombyx mori Nistari polyvoltin polyvoltin témoin décreusé (OGMt) et Bombyx mori Nistari polyvoltin modifié génétiquement décreusé (OGM) sont très similaires au niveau des formes et des rapports d’intensité des bandes. Pour la fibre de Nephila madagascariensis (Nm), de légères différences, par rapport aux spectres des vers à soie, sont observées au niveau des bandes à 1389 et 1375 cm-1 (intensité plus importante) attribuées aux vibrations de déformations dans le plan des groupements CH3 [Barth 2007] et au niveau du rapport d’intensité des bandes entre 943 et 1091 cm-1 attribuées aux vibrations de déformations dans le plan des groupements C-H, aux vibrations de torsion des CH2 et/ou aux vibrations d’élongations C-C [Barth 2007]. Ces différences peuvent être attribuées aux compositions en acides aminés et aux motifs de répétition spécifiques aux deux types de soies (Tableaux 2.7 et 2.8) (plus longs segments de polyalanine dans la soie d’araignée). 4RepCT 4RepCT 4RepCT Nm Nm OGM OGM OGMt OGMt Bmd Bmd Nm OGM OGMt Bmd 1000 1500 3000 Nombre d'onde / cm 3500 4000 1600 -1 1650 1700 -1 Nombre d'onde / cm 3150 3300 3450 3600 -1 Nombre d'onde / cm (c) (a) (b) Figure 2.14 : Spectres IRFT-ATR (a) des différents types de fibres normalisés par rapport à l’intensité de la bande amide I, (b) décomposition spectrale de la région amide I (1590 à 1720 cm ) et (c) décomposition spectrale de la région N-H/O-H (3125 à 3675 cm ) – Fibres de Bombyx mori décreusées (Bmd), Bombyx mori Nistari polyvoltin témoin décreusées (OGMt), Bombyx mori Nistari polyvoltin modifié génétiquement décreusées (OGM), Nephila madagascariensis (Nm) et soie recombinante (4RepCT). -1 -1 Le spectre IRTF-ATR de la soie recombinante (4RepCT) possède des différences dans plusieurs régions spectrales par rapport aux autres échantillons : la région des vibrations d’élongation des C-H (2968 cm-1), le maximum de la bande amide I (située à 1624 cm-1 et pour les autres échantillons à 1630 cm-1) et les deux régions précédemment citées relatives aux 57 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres vibrations de déformation des C-H (1350 à 1325 et 943 à 1091 cm-1) [Barth 2007]. Cette fibre n’est pas filée, elle se forme spontanément en solution, ce qui entraîne une organisation différente de celles des autres fibres. Une décomposition spectrale de la bande amide I a été réalisée à partir des dérivées secondes. Le modèle choisi diffère de celui utilisé pour la glande, qui s’appliquait à des échantillons hydratés. Six composantes gaussiennes ont été imposées à 1696 ±1 cm-1, 1678 ±1 cm-1, 1662 cm-1, 1644 ±1 cm-1, 1625 cm-1 et 1600 cm-1 avec une largeur n’excédant pas 30 cm-1. Le Tableau 2.7 résume l’aire de chaque composante exprimée en pourcentage par rapport à la somme des aires de toutes les composantes présentes dans la région spectrale allant de 1590 à 1720 cm-1. Comme dit précédemment, la bande amide I est très similaire pour les spectres de vers à soie et d’araignée. Le pourcentage de feuillets β (1625 cm-1) [El Khoury et al. 2011; Ordonez et al. 2011] est légèrement plus élevé pour la soie recombinante (38,3 % contre ~ 35 % pour les soies filées). Structure secondaire Nombre d’onde (cm-1) Bmd (%) OGMt (%) OGM (%) Nm (%) 4RepCT (%) Feuillets β anti-parallèles 1696 7,6 8,4 7,2 8,2 5,1 Coudes 1678 8,8 9,2 8,3 9,6 8,3 Hélices α 1662 14,1 14,6 14,0 14,8 13,1 Désordonné 1644 28,7 28,5 29,3 28,1 25,3 Feuillets β 1625 35,3 34,5 36,0 33,5 38,3 - 1600 5,5 4,8 5,1 5,9 10,0 Tableau 2.7 : Evolution de l’aire (%) des différentes composantes IRTF-ATR dans la région amide I pour les fibres de Bombyx mori décreusées (Bmd), Bombyx mori Nistari polyvoltin témoin décreusées (OGMt), Bombyx mori Nistari polyvoltin modifié génétiquement décreusées (OGM), Nephila madagascariensis (Nm) et soie d’araignée recombinante (4RepCT). La région de 3125 à 3675 cm-1 concerne les vibrations d’élongation des liaisons N-H et O-H. La décomposition spectrale (Figure2.14c et Tableau 2.8) a été effectuée avec quatre composantes gaussiennes dont la largeur est comprise entre 64 et 170 cm-1. Les positions et aires sont laissées libres en particulier pour le spectre de la soie recombinante (4RepCT) qui est très différent de ceux des autres soies. Nombre d’onde (cm-1) ; aire (%) (largeur à mi-hauteur (cm-1)) Bmd OGMt OGM Nm 4RepCT 3499 ; 18,4 (160) 3497 ; 19,0 (170) 3498 ; 18,6 (162) 3500 ; 19,1 (166) 3457 ; 11,4 (140) 3376 ; 21,6 (118) 3376 ; 21,5 (116) 3375 ; 21,9 (120) 3378 ; 22,4 (120) 3373 ; 21,7 (126) 3292 ; 50,0 (91) 3293 ; 50,2 (88) 3292 ; 50,3 (90) 3288 ; 48,4 (100) 3274 ; 57,8 (78) 3212 ; 10,0 (75) 3215 ; 9,3 (76) 3214 ; 9,2 (74) 3205 ; 10,0 (76) 3202 ; 9,0 (64) Tableau 2.8 : Evolution de la position (cm ), de l’aire (%) et de la largeur à mi-hauteur (cm ) des différentes composantes IRTF-ATR dans la région N-H/O-H pour les fibres de Bombyx mori décreusées (Bmd), Bombyx mori Nistari polyvoltin témoin décreusées (OGMt), Bombyx mori Nistari polyvoltin modifié génétiquement décreusées (OGM), Nephila madagascariensis (Nm) et soie recombinante (4RepCT). -1 -1 58 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 La composante principale représentant ~ 50 % de la large bande est attribuée aux vibrations d’élongation des liaisons N-H. Cette bande est située à ~ 3290 cm-1 pour les soies de vers et d’araignée et à 3274 cm-1 pour la soie recombinante. Ce déplacement peut-être attribué à une différence au niveau des liaisons H (nombre d’onde associé aux vibrations d’élongation N-H plu faible donc liaisons H plus courtes dans la soie recombinante [Gruger et al. 1994]) et/ou à la composition en acides aminés. En effet, cette soie possède un pourcentage non négligeable d’asparagine (5,5 %) et de glutamine (8,6 %) qui contiennent des groupements NH2 et ne sont pas présents dans les soies filées. La bande associée aux vibrations d’élongation O-H est située à ~ 3500 cm-1 (~ 19 %) pour les soies filées et ~ 3460 cm-1 (11,4 %) pour la soie recombinante. Cette dernière posséderait un pourcentage en eau presque deux fois inférieur aux soies de vers et d’araignée. Des analyses thermogravimétriques seraient nécessaires pour confirmer ce résultat mais la quantité de fibres de 4RepCT disponible était trop faible pour les réaliser. Différences structurales entre soies filées et soie recombinante : - quantité plus importante de feuillets β pour la soie recombinante 38 % contre ~ 35 % pour les soies filées ; - déplacement vers de plus bas nombres d’onde des vibrations d’élongation N-H pour la soie recombinante attribué à des différences de compositions en résidus d’acides aminés et/ou à la force des liaisons hydrogène ; - pourcentage en eau deux fois plus élevé pour les soies filées. Spectroscopie Raman Les cinq échantillons de fibres de soie peuvent être organisés en deux familles : - la famille de la soie décreusée des vers à soie avec le Bombyx mori domestique (Bmd), le Bombyx mori Nistari (OGMt) et sa variation génétiquement modifiée (OGM), comprenant une section de spidroïne ; - la famille de la soie d'araignée avec la soie de Nephila Madagascariensis (Nm) et la soie 4RepCT, un échantillon de soie d’araignée recombinante. Ces échantillons possèdent différentes compositions en acides aminés (Tableau 2.9). Région 600 à 1800 cm-1 Les spectres Raman de soie d'araignée et de soie de ver à soie décreusée (fibroïne) diffèrent ponctuellement dans la région intermédiaire 600 à 1800 cm-1, où les vibrations des modes du squelette protéique (liaisons C-C et amides) ainsi que les résidus d’acides aminés des chaînes latérales sont observés. Suite à différents tests (voir Annexe E) et à des études antérieures sur la polyalanine et la polylysine [Yu et al. 1973b; Frushour et al. 1976], qui montraient qu’elle est peu sensible aux changements de conformation, la bande située vers 1450 cm-1, attribuée aux modes de déformation des CH2, a été utilisée pour normaliser les différents spectres (Figure 2.15). 59 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres Acides aminés (%) Glycine (GLY, G) Alanine (Ala, A) Sérine (Ser, S) Tyrosine (Tyr, Y) Valine (Val, V) Asparagine (Asn, N) Isoleucine (Ile, I) Glutamine (Gln, Q) Leucine (Leu, L) Méthionine (Met, M) Proline (Pro, P) Arginine (Arg, R) Acide glutamique (Glu, E) Thréonine (Thr, T) Cystéine (Cys, C) Acide aspartique (Asp, D) Phénylalanine (Phe, F) Lysine (Lys, K) Histidine (His, H) Tryptophane (Trp, W) 4RepCT 20.97 29.59 14.61 3.00 6.74 4.49 3.37 8.61 2.62 1.12 1.12 1.50 0.75 1.12 0.37 Fibroïne 43.7 28.8 11.9 5.1 2.2 Soie d’araignée 37.1 21.1 4.5 0.7 0.9 0.5 0.1 0.5 0.5 1 0.9 0.2 1.3 0.6 0.3 0.2 0.3 3.8 0.4 4.3 7.60 9.2 1.7 0.3 2.5 0.7 0.5 0.5 2.9 1.8 Tableau 2.9 : Composition en acides aminés des différents types de soie (%) [Saravanan 2006]. La Figure 2.15 permet de comparer les spectres Raman des 5 échantillons de soie, avec l'axe des fibres aligné soit perpendiculairement, soit parallèlement au vecteur champ électrique du laser. T (90°) // (0°) 1667 1230 1450 4RepCT Intensité Raman 904 Nm OGM OGMt Bmd 1000 1500 3000 3500 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.15 : Spectres Raman des fibres des différentes soies alignées parallèlement ou perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser et normalisés par rapport à l’intensité de la bande à 1450 cm – Bmd : Bombyx mori décreusée, OGMt : Bombyx mori Nistari polyvoltin témoin de la modification, OGM : Bombyx mori Nistari -1 60 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 polyvoltin modifié génétiquement avec un gène de Nephila Clavipes, Nm : Nephila madagascariensis et 4RepCT : soie recombinante. La fibroïne de Bombyx mori possède un motif de répétition GAGAGS alors que, dans la spidroïne des araignées, le motif est associé à des segments polyalanine (Tableau 2.10). Type de soie Fonction Fibroïne de Bombyx Mori Cocon Proteines Chaîne lourde Chaîne légère P25 Masp 1 et 2 Masp 1 et 2 Nb de répétition Motif de répétition (GAGAGS)5-15(GX)5-15GAAS ND Nephila Madagascariensis Fil de suspension ND (GA)2A6 Nephila Clavipes Fil de suspension 19 (GA)2A5 Soie recombinante (gène : 4RepCT 4 (A)14-15/ GX Euprosthenops Australis) Tableau 2.10 : Séquence protéiques des soies [Hayashi et al. 1999; Hayashi et Lewis 2000; Inoue et al. 2000; Zhou et al. 2000; Stark et al. 2007]. Dans la région allant de 600 à 1800 cm-1, les bandes les plus intenses sont dues aux liaisons amides : la vibration amide I à ~ 1667 cm-1 (principalement due à la vibration d'élongation C=O) et la vibration amide III à 1230 cm-1 (vibration d'élongation C-N et déformation dans le plan des N-H). Pour une espèce donnée, la littérature et les études de reproductibilité que nous avons effectuées montrent que cette région est peu dépendante de la fibre étudiée ou du point d’analyse choisi sur cette fibre. La soie d'araignée (Nm) et la soie recombinante (4RepCT) donnent lieu à une forte bande à environ 904 cm-1 qui est absente dans les spectres des soies des vers domestiques, sauvages et génétiquement modifiés. Cette bande a également été observée dans le spectre Raman de la β-poly(L-alanine) [Moore et Krimm 1976b] et a été attribuée à une combinaison de modes de vibration, dont les modes d’élongation Cα-C et C-N du squelette peptidique et la vibration de déformation (rocking) des groupes méthyles [Krimm et Bandekar 1986]. Cette bande est clairement caractéristique de l’élongation des séquences de polyalanine trouvées dans ces deux types de soie « d'araignée », tandis que la soie de Bm est majoritairement constituée d'une alternance de motifs d'alanine-glycine. L'intensité élevée observée pour la bande à 904 cm-1 dans le spectre de la soie d'araignée bactérienne est due au fait que ce type de soie est constitué de longues séquences d'alanine variant entre 14 et 15 résidus par rapport aux 6 à 7 résidus pour Nm (Tableau 2.10). L'incorporation d’une séquence de spidroïne dans le génome du ver à soie aurait dû augmenter l’intensité de la vibration d’élongation de la polyalanine de la séquence primaire de l'espèce OGM mais le spectre Raman ne présente pas ce marqueur de bande de manière significative. Les spectres montrent la présence des acides aminés aromatiques à : 643 (Tyr), 829 (Tyr), 850 (Tyr), 1001 (Phe, Trp, Tyr), 1160 à 1174 (Trp), 1208 à 1210 (Phe , Trp, Tyr), 1590 à 1595 (Phe, Trp, Tyr) et 1615 cm-1 (Tyr, Trp). Seules les bandes à 829, 850 et 1001 cm-1 sont sensibles à l'orientation de la fibre dans le cas des fibres de Nm et d’OGM (contenant des « gènes d'araignée »). La tyrosine est absente dans la composition de la spidroine (Tableau 2.9), les bandes associées à cet acide aminé sont donc moins intenses pour les échantillons d'araignée et sont probablement attribuées à la présence d’autres acides aminés aromatiques comme Trp et Phe. Comme mentionné précédemment, la tyrosine donne un doublet à 830 et 850 cm-1. Il a été démontré que le rapport de l'intensité de ces deux pics est sensible à la nature de la liaison 61 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres hydrogène du groupe hydroxyle phényle, et de l'environnement du noyau phényle. Ce rapport est d'environ 1,5 pour tous les échantillons et n’est pas sensible à l'orientation comme rapporté précédemment [Shao et al. 1999]. Ce rapport est caractéristique de chaînes latérales de tyrosine engagées, soit comme donneuses, soit comme accepteuses de protons, dans des liaisons hydrogène faibles à modérées [Rousseau et al. 2004]. En plus des vibrations de la liaison amide et des acides aminés aromatiques, d'autres bandes sont affectées par l'orientation de l'axe de la fibre, en particulier dans la région de 800 à 1800 cm-1. Dans la famille des vers à soie, les bandes à 882, 923 et 1665 cm-1 ont des intensités décroissantes lorsque lon passe de la configuration perpendiculaire à la configuration parallèle. La bande à 882 cm-1 est présente dans la fibroïne (Bmd) mais absente dans la spidroïne (Nm). Cette bande n'est pas présente dans les films de fibroïne, mais apparaît après un traitement au méthanol [Rousseau et al. 2004] et a été attribuée à une combinaison de modes d'étirement Cα-C et N-C et associée à des feuillets β orientés dans la polyalanine-glycine. La bande à 923 cm-1 est attribuée aux déformations (rocking) de CH3 dans la polyalanine-glycine [Moore et Krimm 1976b]. Ces bandes sont plus intenses dans la configuration perpendiculaire. La bande à 880 cm-1 peut impliquer la vibration d’élongation C=O, comme suggéré par Moore [Moore et Krimm 1976a]. Tous les autres pics dépendants de la polarisation (pour Nm et Bm) varient dans le même sens que la bande amide III, c’est à dire augmentent de la configuration perpendiculaire à la configuration parallèle. La plupart de ces bandes sont également sensibles à des changements de conformation. Dans les fibres de Nm et d’OGM, la bande vers 973 à 976 cm-1 est sensible à l'orientation, alors que la bande observée au même nombre d'onde dans les spectres Bm, mais y est insensible à l'orientation. Cette bande a été attribuée à la polyalanine avec une structure en feuillets β [Moore et Krimm 1976a]. Dans le spectre de Nm, la bande vers 1087 à 1090 cm-1 est sensible à l'orientation, tandis que la bande à 1084 cm-1 du spectre Bm y est insensible. Ceci a été observé précédemment par Shao et al. [Shao et al. 1999]. Les deux groupes ont été attribués au mode d'élongation de Cα-Cβ ainsi qu’au mode de déformation (rocking) des CH3 [Krimm et Bandekar 1986; Rousseau et al. 2006]. La bande à 1085 cm-1 est sensible à la conformation [Yu et al. 1973b; Krimm et Bandekar 1986; Shao et al. 1999] et attribuée aux feuillets β dans la polyalanine-glycine [Zheng et al. 1989]. Dans le cas de polyalanine-glycine, la bande n'est pas sensible à l'orientation des fibres. Les bandes à 1230, 1367 et 1400 cm-1 sont communes à tous les échantillons de soie (sauf 4RepCT). La bande fortement polarisée à 1400 cm-1, attribuée précédemment à la vibration d’élongation symétrique COO- est plus probablement due à la combinaison des modes de déformation des CH2 (wagging), Hα (bending) et des vibrations d’élongation Cα-C, comme observé pour la polyalanine-glycine dans les structures plissées en feuillets β antiparallèles [Moore et Krimm 1976a]. Cette bande a également été observée dans le spectre de Nephila clavipes par Lefèvre et al. [Lefèvre et al. 2011] et associée à la polyalanine en feuillets β [Moore et Krimm 1976a]. La bande à 1369 cm-1 est attribuée à la combinaison des déformations symétriques des CH3, Hα, NH dans le plan et CH2 et a été observée dans les soies de vers à soie et d’araignées [Moore et Krimm 1976a]. Deux bandes ont été observées dans les spectres de l’OGM et du témoin de modification à 1529 et 1554 cm-1 et associés aux vibrations d’élongation C=C des chaînes 62 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 conjuguées d’isoquinoléine et de caroténoïdes (ces échantillons de soie sont de couleur jaune et les deux bandes sont très polarisées) [Hata et al. 2000; Bernstein et al. 2002]. Soie recombinante Le cas de 4RepCT est particulier car aucun changement majeur n'a été observé sur les spectres lorsque l’on change l'orientation des fibres, indiquant un caractère totalement isotrope et donc amorphe. Comme dit précédemment, par rapport aux autres échantillons de soie, une différence majeure est la présence d'un pic intense à 904 cm-1. Ceci a été observé par Rousseau et al. [Rousseau et al. 2004] dans les fibres de soie composées de longues séquences d’alanine, de 12 à 13 résidus. Ce spectre présente également deux bandes à 937 et 964 cm-1 qui sont attribuées à des hélices α dans la spidroïne [Lefèvre et al. 2008] et sont sensibles à la conformation. Ces bandes ont aussi été observées dans les protéines musculaires et la tropomyosine [Frushour et Koenig 1974] contenant de grandes quantités d'hélices α. Comme observé dans le spectre de Nm, il existe un pic intense à 1094 cm-1 associé à la spidroïne en feuillets β. De manière surprenante, la bande à 1400 cm-1 est absente de ce spectre. Comme cette bande est fortement polarisée dans les spectres de Bm et Nm, ceci peut être dû à l'état désordonné de cet échantillon. En ce qui concerne les acides aminés aromatiques, les bandes correspondant à la tyrosine sont présentes, mais cet échantillon ne contient pas de phénylalanine et de tryptophane et aucune bande correspondante n’est observée à 1000 cm-1. Région amide I En position perpendiculaire, la bande amide I apparaît à 1668 et 1669 cm-1 pour Nm et 4RepCT, respectivement, alors qu'elle se trouve vers 1664 à 1667 cm-1 pour le Bm et les espèces Nistari (Figure 2.15). Cette différence de nombre d'onde est le plus probablement associée à la séquence primaire des protéines de soie. Une différence similaire a été observée pour les spectres de β-poly(L-alanine) et β-poly(L-alanylglycine) [Moore et Krimm 1976b]. Dans la littérature, la bande amide I est dite sensible à la conformation des protéines et est composée de différentes composantes affectées à différents éléments de structure secondaire tels que les feuillets β, les hélices α ou hélices 310, les coudes β et les pelotes statistiques [Shao et al. 1999; Tsuboi et al. 2006; Lefèvre et al. 2007b]. Nous avons utilisé un procédé d'ajustement des courbes de façon à déterminer la sensibilité de ces différentes composantes à l'orientation de la fibre en fonction de l'espèce d'araignée ou de ver à soie, et pas nécessairement pour déterminer quantitativement le pourcentage de structure secondaire dans chacune des fibres de soie. Les fibres de soie filées étant très anisotropes, la contribution d’une composante est un mélange de la quantité d’une structure secondaire et de son orientation dans la fibre. A partir des dérivées secondes des spectres, dans les orientations parallèle et perpendiculaire, nous trouvons cinq composantes dans la zone 1640 à 1700 cm-1, en accord avec des travaux antérieurs sur les spectres Raman polarisés de fibres de soie d'araignées et de vers à soie [Rousseau et al. 2004; Lefèvre et al. 2011]. Les résultats de la région spectrale amide I, pour les différentes espèces, sont donnés dans la Figure 2.16a. Les soies d'araignée contiennent non seulement la composante à 1668 cm-1, mais aussi une composante à 1655 cm-1 qui n’est pas présente en position perpendiculaire, pour toutes les espèces de vers à soie. Cette composante est attribuée dans la littérature soit aux hélices α, soit à des hélices 310 [Rousseau et 63 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres al. 2004; Rousseau et al. 2006; Lefèvre et al. 2008]. Rousseau et al. ont observé au moins deux bandes amide I distinctes situées à 1652 et 1669 cm-1 dans les spectres Raman de la soie de Nephila edulis pour les deux orientations. Selon les auteurs, la bande à 1652 cm-1 est attribuée à l'existence d'une conformation en hélice α ou en pelote statistique. La forte intensité des bandes amide I en configuration perpendiculaire et amide III en configuration parallèle reflète le niveau élevé d'orientation du groupe carbonyle perpendiculairement à l'axe de la fibre et le degré élevé d'orientation du squelette protéique parallèlement à l'axe de la fibre. Le pourcentage en aire de chaque composante par rapport à la surface totale de la bande amide I reflète les variations relatives de la forme et de l'intensité des bandes d'éléments sensibles à l'orientation comme représenté sur la Figure 2.16b. La composante à 1668 cm-1, attribuée aux feuillets β, représente 73 à 74 % de la bande amide I pour toutes les espèces de vers à soie dans la position perpendiculaire alors que pour soies d'araignée sa contribution est d'environ 58 à 64 %. Etant donné que l’ellipsoïde de polarisabilité (tenseur Raman) associé à la vibration amide I est essentiellement en cohérence avec la liaison peptidique C=O, on peut déduire du changement d’intensité des différentes composantes une orientation préférentielle des structures par rapport à l'axe de la fibre. Le pourcentage de la composante à 1668 cm-1, lorsque la fibre est dans le sens perpendiculaire, est plus élevé qu’en configuration parallèle pour toutes les espèces sauf pour la soie d'araignée bactérienne. Dans le cas de la 4RepCT, tous les groupes constitutifs sont insensibles à l'orientation de la fibre. Comme observé précédemment, les macromolécules sont donc distribuées de façon aléatoire par rapport à l'axe de la fibre. Comme mentionné précédemment, les intensités des bandes amide I et amide III évoluent de manière inverse avec le changement d'orientation des fibres (dans la plupart des articles, les spectres de fibre sont représentés dans la configuration perpendiculaire). Pour s’affranchir des problèmes de normalisation, nous avons travaillé sur le rapport d'intensité de ces deux bandes pour comparer nos échantillons (Tableau 2.11). En raison des comportements de polarisation opposés de ces bandes, ce rapport est très sensible au degré d'orientation des macromolécules. Dans la configuration perpendiculaire, ce rapport est d'environ 2 pour tous les échantillons, à l'exception de la soie recombinante qui présente un ratio plus faible (~ 1,6). Dans la conformation parallèle, on observe une diminution de ce ratio puisque l’intensité de la bande amide III augmente et l'intensité de la bande amide I diminue. Cette baisse suit la forte polarisation de ces bandes (C=O et NH/NC). Le rapport passe de 2 à 0,5 de la configuration parallèle à perpendiculaire, à l'exception du spectre de 4RepCT, qui présente un rapport d'environ 1,7, stable pour les deux configurations. Echantillons 4RepCT N.m. OGM OGMt Bmd IAmide I/IAmide III ┴ 1,6 2 2,2 2 2 // 1,8 0,6 0,5 0,5 0,5 Tableau 2.11 : Rapport d’intensités des bandes amide I et amide III pour les différents échantillons dans les configurations parallèles et perpendiculaires. 64 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 75 // 4RepCT // T 4RepCT T 50 25 0 % en aire des composantes de la bande amide I Intensité Raman Nm OGM OGMt 75 Nm 50 25 0 OGM 75 50 25 0 75 OGMt 50 25 0 Bmd 75 Bmd 50 25 -1 1698 1686 1668 1653 1641 1698 1686 1668 1600 1650 1700 1750 1653 1600 1650 1700 1750 1641 0 -1 Nombre d'onde / cm Nombre d'onde (cm ) (a) (b) Figure 2.16 : (a) Décomposition spectrale de la région amide I des différents échantillons en position parallèle et perpendiculaire par rapport au vecteur champ électrique du laser et (b) pourcentage en aire des différentes composantes de la bande amide I. Peu de différences spectrales dans la région 600 à 1800 cm-1, les compositions et structures des échantillons étant très semblables. Cependant, une distinction peut être réalisée entre soies de vers à soie et d’araignées grâces aux bandes caractéristiques des vibrations relatives aux segments de polyalanine (904 cm-1 pour les soies types araignées), polyalanine-glycine (882 cm-1 pour les soies types vers à soie), des cycles aromatiques et des déformations des groupements CH3 (975 et 1084 cm-1 insensible à l’orientation pour les spectres de Bombyx mori). La composante relative aux C=O composants les feuillets β de la bande amide I est plus intense en configuration perpendiculaire pour toutes les soies filées ce qui confirme une orientation préférentielle de ces structures secondaires selon l’axe de la fibre. La non polarisation des spectres Raman de la soie recombinante 4RepCT indique une organisation isotrope contrairement aux fibres filées par les animaux. 65 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres Région C-H La Figure 2.17 présente les décompositions spectrales des spectres Raman de soie pour les deux géométries de diffusion dans la région spectrale 2800-3100 cm-1. Les spectres montrent 4 maxima à 2875, 2935, 2980 et 3065 cm-1. Ces bandes ne peuvent pas être attribuées sans ambiguïté à cause des résonances de Fermi (couplage de modes de vibration) et d’un manque de données bibliographiques sur les protéines dans cette région spectrale. Snyder et al. [Snyder et al. 1978] distinguent deux niveaux de résonance de Fermi, le premier est intramoléculaire et concerne les modes de déformation (bending) parallèles à l'axe de la chaîne, le deuxième est intermoléculaire et implique des modes de flexion et est fonction de la structure cristalline (dans le cas du polyméthylène). La bande à 2875 cm-1 peut être attribuée aux vibrations d’élongation des groupements C-H [Moore et Krimm 1976b]. La bande qui s'étend de 2935 à 3937 cm-1 peut être attribuée à la vibration d’élongation des CH2-CH3 et la bande vers 2969 à 2993 cm-1 à l’élongation des C-H. Bauer et al. [Bauer et al. 2012] ont publié des spectres polarisés de cette région pour les filaments soutenant les œufs de chrysopes (insectes) tandis que Monti et al. [Monti et al. 2003] ont publié des spectres Raman de soie de type I et II ainsi que le spectre de la polyalanine-glycine. Tous ces spectres montrent quatre maxima dans cette région du spectre, comme nous l’observons. Lors des changements de polarisation, seule la bande à ~ 2980 cm-1 est affectée. Ceci a également été observé pour les cristaux de L-leucine [Façanha FilhoI et al. 2008]. Les spectres Raman dans cette région peuvent être décomposés par une procédure d'ajustement mathématique en utilisant 7 composantes (Figure 2.17). Dans l'orientation perpendiculaire, on peut distinguer deux groupes sous la bande à ~ 2980 cm-1, l'un de 2968 à 2970 et l'autre de 2991 à 2993 cm-1, l'intensité relative de la bande à 2973 cm-1 diminuant de l'orientation perpendiculaire à parallèle. Comme suggéré dans la littérature, le rapport de l'intensité de la bande à 2935 sur la bande à 2980 cm-1 est sensible à l’ordre [Façanha Filho et al. 2008] et à la polarisation. Selon Shao et al. [Shao et al. 2005], la bande vers 3063 à 3065 cm-1 est attribuée à l’harmonique de la vibration C-N-H. Lin-Vien et al. dans le Handbook of infrared and Raman characteristic frequencies of organic molecules [Lien-Vien et al. 1991] positionne le groupement phényle avec cinq liaisons C-H aryle entre 3030 et 3070 cm-1. Pour la soie, la bande vers 3063 à 3065 cm-1 est attribuée aux C-H aromatiques. En effet, cette bande est moins intense dans le cas de la soie recombinante, car elle est composée de peu d'acides aminés aromatiques. 66 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 4RepCT T // Intensité Raman Nm OGM OGMt Bmd 2800 2900 3000 3100 2800 2900 3000 3100 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.17 : Décomposition spectrale de la région C-H pour les différents échantillons en position parallèle et perpendiculaire par rapport au vecteur champ électrique du laser. La région des vibrations d’élongation CH, non spécifique et complexe, est peu sensible à l’orientation. Région N-H/O-H La partie du spectre dans la région 3140 à 3700 cm-1 se compose d'une large bande asymétrique à 3300 cm-1, attribuée aux vibrations d’élongation des groupements N-H et O-H. Pour la décomposition spectrale de cette région, le modèle choisi comprend quatre composantes (Figure 2.18) : une composante Lorentzienne-Gaussienne à ~ 3290 cm-1 (FWHM ≈ 60 cm-1) et une Gaussienne à 3360 cm-1 (FWHM ≈ 120 cm-1), attribuées aux modes de vibration d’élongation N-H dans les chaînes respectivement ordonnées et amorphes [Colomban et al. 2012a] ; deux Gaussiennes supplémentaires à ~ 3215 et 3475 cm-1. 67 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres 4RepCT // T Intensité Raman Nm OGM OGMt Bmd 3200 3400 3600 3200 3400 3600 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.18 : Décomposition spectrale de la région N-H/O-H pour les différents échantillons en position parallèle et perpendiculaire par rapport au vecteur E du laser. La large bande Gaussienne (FWHM = 200 cm-1) à 3475 cm-1 correspond aux modes d’élongation O-H de l’eau comme l’a établi l’analyse en dilution isotopique des polyamides synthétiques PA66 [Colomban et Gouadec 2009] (Figure 2.13). Des études antérieures sur la soie de Bmd [Colomban et Dinh 2012] montrent que la position et la largeur de bande des modes N-H ne changent pas lorsque la température est abaissée à 11 K et sont donc fixées par le désordre statique. Au contraire une réduction importante de la largeur du mode O-H est en accord avec un désordre dynamique des molécules d’eau à température ambiante. Une petite composante est également détectée à ~ 3215 cm-1, dont l’attribution est plus difficile : les bandes X-H peuvent avoir une forme complexe et cette composante résiduelle peut découler de la description inadéquate de la forme de bande par les composantes choisies. Une attribution alternative pourrait être l'effet de liaisons H plus fortes (N-H ou O-H) qui déplacerait le mode vers de plus bas nombre d'onde. L’explication par une combinaison/harmonique de la déformation C-N-H, comme proposé par certains, peut être rejetée pour le spectre Raman en raison de l’absence de ces bandes dans des conditions de non-résonance. Une dernière hypothèse pourrait être une attribution aux vibrations O-H de l’eau. 68 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 Vibrateur isolé de par le contraste de masse, le mode d’élongation N-H est très sensible aux liaisons hydrogène [Novak 1974]. D’après la relation établie par Novak et al. [Novak 1974; Gruger et al. 1994], la distance accepteur-donneur N-H…O/H pour des nombre d'onde de 3285 cm-1 à 3290 cm-1 est de l’ordre de ~2,93(3) Å. Elle est suffisamment importante pour que les liaisons H soient considérées comme négligeables par rapport à l'énergie kT et seraient donc incapables de fixer la conformation à la température ambiante. Ceci est en accord avec l’invariance à très basse température. Comme observé avec les fibres de PA66, les modes N-H sont polarisés et plus visibles lorsque le laser est polarisé perpendiculairement à l'orientation axiale des chaînes macromoléculaires. La composante isotrope « amorphe » apparaît par conséquent plus visible dans la position parallèle. La position maximale de la bande de vibration N-H « ordonnée » est située vers 3285 à 3290 cm-1 pour les soies filées par les animaux mais à plus faible nombre d’onde dans le cas de la soie recombinante (3280 cm-1). La position étant reliée, par la relation établie, à la longueur des liaisons hydrogène, ces liaisons sont donc plus courtes dans la soie 4RepCT. Les vibrations d’élongation N-H permettent d’extraire de nombreuses informations structurales, en particulier de séparer segments en configuration ordonnée et amorphe, mais le temps de comptage est élevé. La longueur des liaisons H est importante pour les soies filées et plus courte dans le cas de la soie recombinante. Polarisation, orientation des chaînes macromoléculaires La Figure 2.19 présente les spectres Raman des fibres de Bombyx mori et de Nephila madagascariensis tournées de 0 (//) à 90 ° (┴) par pas de 15 ° par rapport au vecteur champ électrique du laser, grâce à une platine tournante (voir Annexe E). L’axe de la platine tournante a été aligné au mieux avec l’axe optique du microscope mais le point d’analyse peut changer légèrement d’un pas à un autre. Bmd Intensité Raman Nm 0° 0° 15° 15° 30° 30° 45° 45° 750 1000 1250 1500 60° 60° 75° 90° 75° 90° 750 1750 1000 1250 1500 -1 -1 1750 Nombre d'onde / cm Nombre d'onde / cm Figure 2.19 : Spectres Raman des fibres de Bmd et Nm tournées de 0 (//) à 90 ° (┴) par rapport au vecteur champ électrique du laser, normalisés par rapport à l’intensité de la bande à 1450cm-1. 69 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres Nombre d'onde (cm-1) OGMt Bmd // 643 829 853 ┴ 645 830 855 883 883 925 (sh) 977 - OGM 882 979 // 642 828 853 882 (sh) 923 (sh) 976 882 974 // 642 828 852 882 (sh) 923 (sh) 976 - // 643 828 852 883 (sh) 902 923 - - - - 976 973 973 963 - 963 - 1002 1002 1004 1002 - - 1029 1029 1029 - - - - - - - - - - νCα-Cβ 1085 1083 1081 1084 1083 1068 (sh) 1089 ρCH3, νN-Cα ρCH3 / polyA en feuillets β Respiration des cycles aromatiques de Tyr et Phe / νC-C cycle indole Trp ρNH3+ 1003 1004 1003 1001 - - 1029 - - 1085 1094 1094 νCα-Cβ en feuillets β / ρCH3 1162 1162 1160 1159 1159 1158 sh 1088 1161 (sh) 1172 1172 sh sh sh 1171 (sh) 1169 1667 (l) 1667 (l) Combinaison des modes νN-Cα et νCα-H sous forme de feuillets β / Trp 1209 (sh) 1230 - 1209 (sh) 1230 - sh sh sh sh sh 1227 - 1224 - 1228 - 1228 - 1228 - 1266 1266 1263 1261 1264 1263 1263 1336 1368 1336 1368 1335 1366 1335 - 1335 1366 1335 - 1332 1368 1207 (sh) 1231 1263 (sh) 1332 1367 1401 sh 1400 sh 1400 sh 1399 sh 1451 1554 1599 (sh) 1615 1642 1653 1666 1684 1698 2730 2875 2907 2935 2969 2992 3032 3063 3216 3289 3360 3475 1449 1554 1598 (sh) 1615 1642 1653 1667 1686 1699 2730 2874 2909 2935 2969 2993 3032 3065 3217 3287 3360 3475 1449 1527 sh 1599 (sh) 1614 1642 1654 1665 1684 1698 2730 2875 2908 3937 2969 2993 3032 3064 3219 3290 3360 3475 1447 1527 sh 1598 (sh) 1615 1642 1653 1665 1684 1698 2730 2874 2909 2936 2969 2993 3032 3063 3216 3287 3360 3490 1449 1527 sh 1597 (sh)sh 1614 1642 1655 1664 1684 1698 2730 2875 2907 2936 2969 2992 3032 3064 3218 3289 3360 3477 1448 1527 sh 1598 (sh) 1615 1642 1653 1665 1685 1698 2730 2874 2908 2935 2970 2993 3032 3064 3215 3287 3360 3488 1450 sh 1554 1597 (sh) 1615 1642 1654 1669 1686 1700 2730 2875 2908 2936 2969 2992 3032 3063 3215 3290 3360 3475 1448 sh 1554 1595 (sh) 1614 1642 1653 1668 1686 1698 2730 2873 2908 2935 2970 2993 3032 3064 3215 3290 3360 3484 1209 (sh) 1230 1242 1270 (sh) 1340 1364 1405 (l) 1451 1554 1599 (sh) 1615 1641 1653 1668 1686 1698 2730 2876 2906 2935 2968 2991 3032 3065 3210 3282 3335 3442 1209 (sh) 1230 1242 1270 (sh) 1336 1364 1405 (l) 1451 1554 1598 (sh) 1615 1641 1653 1668 1686 1698 2730 2875 2906 2935 2968 2991 3032 3063 3210 3278 3335 3440 925 ┴ 642 826 850 923 ┴ 642 828 852 Attribution 4RepCT Nm ┴ 641 827 850 // 642 829 852 ┴ 642 829 852 883 - - 901 905 905 1173 Cycle aromatique de la Tyr Doublet, résonnace de Fermi de la Tyr νCα-C, νC-N (poly AG), νC=O νCα-C, νC-N et ρCH3 (Ala) ρCH3 (polyAG) δC-H de F et Y / cycle aromatique de Trp νC-N / Amide III / feuillets β / δCH2 νC-N, δHα, δN-H / amide III / feuillets β amide III / pelote statistique / δCH2 hélices α / δCH3 δHα, δN-H, δCH2, δCH3 νC-C, δHα, γCH2 δCH2 νC=C, chaînes conjugées Phe, Trp, Tyr Phe, Trp, Tyr νC=O, νC-N / amide I / pelote statistique νC=O, νC-N / amide I / hélices α νC=O, νC-N / amide I / feuillets β νC=O, νC-N / amide I / tours β νC=O, νC-N / amide I / feuillets β antiparallèles νC-H aliphatiques νC-H νCH2-CH3 νC-H νC-H aromatiques νO-H νN-H ordonnés νN-H amorphes νO-H Tableau 2.12 : Positions et attributions des bandes Raman des différents fibres de soie alignées parallèlement ou perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser – δ : déformation symétrique dans le plan (cisaillement), ρ : déformation asymétrique dans le plan (rotation), ν : élongation, Phe : phénylalanine, polyA : polyalanine, poly(AG) : polyalanine-glycine, Trp : tryptophane, Tyr : tyrosine. 70 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 La forte anisotropie du matériau a déjà été démontrée précédemment et dans la littérature en analysant la fibre perpendiculairement ou parallèlement au vecteur champ électrique du laser. Comme observé précédemment, une inversion du rapport d’intensité des bandes amide I/amide III est observée ; il passe de 0,5 à 2 de la position parallèle (0 °) à la position perpendiculaire (90°) pour les deux types de soies (Figure 2.20). La variation progressive de l’angle d’analyse permet de préciser la position moyenne des groupements chimiques par rapport à l’axe de la fibre. Les contributions des deux bandes de vibration amide I et III sont équivalentes à environ 40-45 ° (Iamide I/Iamide III ≈ 1). Le Tableau 2.13 résume l’évolution des principales bandes de vibration de 0 à 90 °. Dans la zone spectrale présentée, on n’observe qu’une seule bande suivant le comportement de la bande amide I (↗ de 0 à 90 °), celle à 881 cm-1 attribuée au couplage des vibrations d’élongation des liaisons C=O, C-C et C-N. Les autres bandes évoluent dans le même sens que la bande amide III. I amide I / I amide III 2,5 Bmd Nm 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 0 20 40 60 80 Angle / ° Figure 2.20 : Rapport d’intensité amide I/amide III en fonction de l’orientation des fibres de Bmd (deux campagnes d’analyses) et Nm par rapport au vecteur champ électrique du laser. Nombre d'onde (cm-1) Attribution Variation de 0 à 90° 642 Amide IV, Tyr ↔ 828 ↔ Doublet, résonance de Fermi de la Tyrosine 852 ↔ 881 νC-N, νC=O, νCα-Cβ ↗ 977 ρCH3 ↘ 1003 Cycle aromatique Phénylalanine (F) et Tyrosine (Y) (respiration) ↘ 1084 (Bmd) νC-C ↔ 1093 (Nm) νC-C ↘ 1228 Amide III ↘ 1263 Amide III, désordonné et δCH2 ↔ 1400 ν(COO-) ↘ ↔ 1448 CH3 ab dans poly(A), CH2 b dans poly(AG) 1614 Cycle aromatique Phénylalanine (F) et Tyrosine (Y) ↔ 1664 Amide I ↗ Tableau 2.13 : Evolution des bandes de vibration Raman en fonction de la rotation des fibres de Bmd et de Nm de 0 à 90° par rapport au vecteur champ électrique du laser – les bandes n’évoluant pas (↔) sont dans les cases blanches, celles dont l’intensité augmente de 0 à 90 ° (↗) dans les cases gris clair et celles dont l’intensité diminue (↘) dans les cases gris foncé. 71 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres Plusieurs méthodes expérimentales sont utilisées pour caractériser l'orientation des cristaux et des polymères semi-cristallins : biréfringence, dichroïsme linéaire infrarouge, résonance magnétique nucléaire, diffraction des rayons X et spectroscopie Raman. Cette dernière est, avec les RX, est la plus précise. Cela vient du fait qu’elle est modulée par une propriéte tensorielle de rang 2 (le tenseur de polarisabilité) plutôt que par une grandeur vectorielle (équivalent à un tenseur de rang 1). Un avantage de la micro-spectroscopie Raman est que la mesure peut être effectuée sur une fibre unique, de faible dimension, et à différentes échelles (du µm à des centaines de µm selon l’objectif utilisé et le déplacement de l’objet). La Figure 2.21 présente les spectres Raman polarisés des fibres de Bombyx mori décreusée, Nephila madagasccariensis et de Bombyx mori semi-décreusée analysée sur la tranche (section). Les fibres sont placées en position perpendiculaire par rapport à la direction initiale de la polarisation du vecteur champ électrique. La polarisation du laser est changée (V ou H) en amont du microscope avec une lame demi-onde. La lumière rétrodiffusée est ensuite analysée dans une direction (V ou H) grâce à un polariseur puis traverse une seconde lame demi-onde ajustée pour toujours envoyer des photons polarisés verticalement sur le CCD (voir Annexe E). Les fibres de soie de petit diamètre sont difficiles à analyser sur la tranche (section droite) en raison du faible signal récupéré et de flambage suite à l’échauffement par le laser. La fibre semi-décreusée analysée provient d’un flotillon (cocon dévidé). Elle est plus rigide que les fibres décreusées et celles d’araignée et le support des fibres voisines limite les déplacements lors de l’analyse. VV VH HV HH Bm partiellement décreusé VV VH HV HH Intensité Raman Bmd 1000 1500 3000 -1 1000 3500 1500 Nm 3000 -1 3500 Intensité Raman VV VH HV HH 1000 1500 3000 3500 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.21 : Spectres Raman polarisés de fibres de Bombyx mori décreusée, de Bombyx mori partiellement décreusée analysée sur la tranche et de Nephila madagascariensis. 72 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 Les bandes les plus polarisées sont celles citées précédemment lors des analyses réalisées en tournant la fibre par rapport au vecteur champ électrique du laser. Pour tous les échantillons, la région C-H/N-H/O-H est très affectée, l’intensité des bandes diminue considérablement des configurations VV et HH aux configurations VH et HV. Un changement du rapport d’intensité des différentes vibrations d’élongation C-H est également observé quel que soit l’échantillon. Les spectres enregistrés sur la tranche de la fibre sont identiques quelle que soit la configuration d’analyse. Ceci démontre l’isotropie radiale des fibres. L’analyse en spectroscopie Raman polarisée montre l’isotropie transverse des fibres de soie. 2.2.3 Ordre local Diffraction X Les diagrammes de diffraction par transmission des fibres de Bombyx mori sont présentés en Figure 2.22 en fonction de l’angle 2θ et annotés avec les distances réticulaires pour chaque composante de diffraction et le plan associé. L’échantillon de Bombyx mori décreusé a été préparé en introduisant des fibres décreusées dans une pastilleuse. On obtient une pastille constituée d’un compact épais de fibres. Cet échantillon ainsi que celui de cocon contiennent des fibres orientées dans toutes les directions, ce qui revient approximativement à analyser un matériau isotropique 2D. Les diagrammes sont presque identiques, qu’il y ait de la séricine ou non. Les fibres, décreusées ou non, présentent une certaine organisation à courte distance. Cependant, les fibres peuvent être considérées comme quasi amorphes étant donné la largeur des pics de diffraction. La composante à 0,9 nm correspond à l’harmonique de la composante à 0,43 nm, ce qui montre une périodicité. Cocon Bm 0,44 nm (210) (101) 0,6 nm 0,43 nm (210) Pastille Bmd 0,39 nm (201) 0,35 nm (002) 0,37 nm (211) 0,35 nm (002) 0,33 nm (102) 0,33 nm (102) 0,9 nm Intensité 0,28 nm (212) 0,23 nm (003) 0,28 nm (212) 0,22 nm (003) Flottillon_analyse verticale Flottillon_analyse horizontale 0,43 nm (210) 0,35 nm (002) 0,74 nm 0,32 nm (102) 0,24 nm (003) 0,23 nm (003) 10 20 30 40 10 50 20 30 40 50 2 théta / ° 2 théta / ° Figure 2.22 : Comparaison des diagrammes de diffraction de soies de Bombyx mori : d’un cocon, d’une pastille (épaisse) compacte de fibres décreusées et de fibres alignées (flottillon) positionnées horizontalement ou verticalement – les annotations correspondent aux longueurs de cohérence pour chaque pic de diffraction et le plan associé [Warwicker 1954; Marsh et al. 1955; Shen et al. 1998; Jauzein 2010]. 73 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres Si l’on regarde les diagrammes de diffraction des fibres alignées horizontalement ou verticalement (incidence sur la direction de diffraction par rapport au réseau du cristal, objet 1D), le contraste entre les analyses horizontales et verticales confirme le caractère anisotrope des fibres de soie. Lorsque les fibres sont placées horizontalement, on observe un pic fin situé à ~ 29 °/0,35 nm, observable aussi pour le matériau rendu isotrope 2D. Un cristallographe de formation, habitué aux diffractogrammes de composés cristallisés, qualifierait les fibres naturelles de totalement amorphes ou, au mieux, quasi amorphes. La cristallinité des fibres animales est très limitée et, bien sûr, les conclusions faites sur les modèles structuraux compatibles avec les quelques taches de Bragg ne doivent être considérées que comme des modèles, l’essentiel de la matière étant désordonné. L’organisation des polymères, en particulier des fibres, est soumise à diverses contraintes. Notamment, la longueur quasi constante de certaines liaisons covalentes telles que C-C, C-N, C-H, C=O, etc, qui en fait des invariants géométriques du système, nécessairement à l’origine de quelques « pics » de diffraction. La rotation dièdrale ne consomme pas d’énergie, ce qui facilite repliements et boucles et un « ordre » de type para-cristal, sans origine ni bordure [Colomban et al. 2012b]. Dans l’espace réciproque de la diffraction cela conduit à une longueur de cohérence que beaucoup identifient faussement à une taille de cristallite [Guinier 1963] (la Transformée de Fourier ne discerne pas la différence). La diffraction de RX confirme le caractère quasi-amorphe ainsi que l’axialité des fibres et baves de Bombyx mori. Spectroscopie Raman aux faibles nombres d’onde La grande variabilité des propriétés mécaniques des fibres de soie (entre différentes fibres ou portions de fibres), tant pour ce qui concerne les valeurs du module, des contraintes et déformation à rupture que pour profil de la courbe de contrainte-déformation a été démontrée [Madsen et al. 1999; Pérez-Rigueiro et al. 2002; Zhao et al. 2007; Colomban et al. 2012a]. Cependant, quel que soit le point analysé sur la fibre, les spectres Raman de la région 600-1800 cm-1 sont identiques. Une étude de reproductibilité a été menée dans la région des bas nombres d’onde, modes sondant la matière à plus grande distance. Les modes de bas nombres d’onde de la soie sont très peu étudiés dans la littérature car les instruments d’ancienne génération nécessitaient un temps de comptage très long, en raison de la faible puissance d’illumination requise pour ne pas brûler l’échantillon. Le LabRam HR 800 équipé d’un système de filtres (Annexe E) permet d’obtenir des spectres aux très bas nombres d’onde (>10 cm-1) sous faible puissance laser, avec un temps d’analyse réduit d’un facteur 10 à 20. Ces modes donnent accès aux vibrations à longue distance des chaînes et des réseaux. Se basant sur notre expérience, acquise lors des travaux sur les fibres semi-cristallines naturelles et synthétiques [Herrera Ramirez et al. 2004; Colomban et al. 2006; Colomban 2009; Colomban et Gouadec 2009; Colomban et al. 2012a], les spectres aux bas nombres d’onde ont été décomposés avec une large bande Gaussienne et une Lorentzienne fine ; une Lorentzienne supplémentaire centrée à 0 cm-1 est ajoutée pour tenir compte de l’aile de diffusion de la raie Rayleigh. Parfois, on peut apercevoir des séries de pics très fins (résolution instrumentale) 74 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 symétriques par rapport à une composante plus forte à ~ 60 cm-1 ; elles proviennent de la signature Raman de l’air (branches Q Stokes de l’azote) et sont amplifiées par les multiréflexions du faisceau laser lorsque des interfaces matériau-air sont présentes, par exemple des microbulles ou des craquelures/fissures dans les fibres. Une Gaussienne est également ajoutée vers 230 cm-1. Une bande fine et intense est parfois observée à 143 cm-1 (Figure 2.23). Elle avait déjà été observée [Colomban et al. 2008a; Colomban 2009; Colomban et Gouadec 2009; Colomban et al. 2012b] mais peu exploitée en raison des difficultés expérimentales mentionnées précédemment. Suite aux expériences de reproductibilité des spectres, il est apparu que la fine composante à ~ 143 cm-1 dépend fortement du point d’analyse comme montré sur la Figure 2.23 pour la soie de Nm et de Bmd. La majorité des spectres enregistrés précédemment et au cours des expériences de reproductibilité présentaient cette bande sous forme d’épaulement. Elle est attribuée aux modes collectifs de translation des chaînes ordonnées [Colomban et al. 2006]. La large bande vers 70 à 80 cm-1 est attribuée aux mêmes mouvements collectifs mais dans des régions désordonnées/amorphes. Enfin, la bande à ~ 230 cm-1, de profil Gaussien, est attribuée aux modes collectifs inter-chaînes ou de libration. T Bmd T Nm 83 143 Intensité Raman 83 143 250 -300 -200 -100 0 100 200 300 250 100 200 300 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.23 : Variabilité des spectres Raman aux faibles nombres d’onde pour des fibres de Nephila madagascariensis (Nm) et de Bombyx mori décreusée (Bmd) alignées perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser. En comparaison, le polyamide 66 possède trois bandes similaires à ~ 60 cm-1 (Gaussienne), 100 cm-1 (Lorentzienne) et 245 cm-1 (très faible) (Figure 2.24) [Marcellan et al. 2004]. L’écart observé entre le PA66 et la soie (bandes à 100 et 143 cm-1) est attribué à des frottements plus importants dans la soie à cause de la plus grande taille des résidus d’acides aminés greffés sur les chaînes : pour le PA 66, l’acide aminé équivalent est le plus petit possible, à savoir la glycine (H). Cet effet est moins important pour les bandes associées aux chaînes amorphes (60 et 75 cm-1) car une plus grande distance inter-chaîne est attendue. Pour la soie comme pour le PA 66, la bande à 143 (respectivement 100 cm-1) est peu dépendante de la polarisation. 75 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres PA66 99 T Bmd T // Intensité Ramn 143 230 Nm 56 50 100 150 200 50 250 // 100 -1 a) 150 200 250 -1 Nombre d'onde / cm Nombre d'onde / cm b) Figure 2.24 : Spectres Raman aux faibles nombres d’onde des fibres a) de Nephila madagascariensis (Nm) et de Bombyx mori décreusée (Bmd) dans une zone où la bande à 143 cm est intense et b) du polyamide 66 (PA66) ; les fibres sont alignées parallèlement ou perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser (spectre réalisés en un même point en tournant la lame demi-onde en amont du microscope). -1 Le rapport de l’intensité de la composante étroite (143 cm-1) sur la composante large (~ 70-80 cm-1) peut être considéré comme un indice d’ordre. La valeur de l'indice mesuré en position perpendiculaire pour les fibres de soie varie de 0,2 lorsqu’un épaulement est observé à 0,3 à 0,6 lorsque la bande est plus forte (Tableau 2.14 et Figure 2.23). Pour les fibres de PA66, la valeur est constante et supérieure (environ 0,8), en raison de sa meilleure cristallinité. Indice I 143/(I 80 + I 143) Echantillons N.m. 143 intense 0,6 N.m. 143 épaule 0,2 B.m.d 143 intense 0,3 B.m.d 143 épaule 0,2 PA 66 0,8 Tableau 2.14 : Indice d’ordre pour des spectres réalisés avec le vecteur champ électrique du laser aligné perpendiculairement aux fibres. Pour caractériser la distribution des régions présentant une bande très intense à 143 cm , des cartographies en ligne ont été réalisées le long de la fibre avec un pas de 1 µm, environ la résolution latérale du microscope. En raison de la meilleure qualité optique des fibres de Nm et des possibles modifications des fibres de Bmd dues au décreusage, nous avons focalisé notre attention sur les fibres de Nm. La Figure 2.25 montre les variations de l’aire de la bande à 143 cm-1 le long de la fibre de Nm, alignée perpendiculairement au champ électrique. Ces variations ont été normalisées par rapport à l’aire de la bande la plus intense de la cartographie. L’extension linéaire des zones possédant une bande intense à 143 cm-1 est de 1 à 3 µm (zoom Figure 2.25) et celles-ci sont séparées par des distances allant de 10 à 100 µm. La -1 76 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 distance moyenne entre les zones ordonnées est estimée à 60 µm. Une analyse similaire a été effectuée sur une fibre de Bmd, mais avec un temps de comptage 10 fois inférieur, d’où le bruit spectral plus important. La Figure 2.26 montre le résultat de cette analyse. L’extension linéaire des zones ordonnées, leur séparation et la distance moyenne entre zones consécutives sont du même ordre de grandeur que ce que nous avons observé pour les fibres de Nm. 287 307 358 367 376-378 220 91 1,0 1,0 307 0,8 -1 Aire de la bande à 143 cm normalisée Fibre de N.m 0,5 0,6 2,6 µm 0,4 0,0 300 305 310 315 0,2 0,0 0 100 200 300 400 500 Point d'analyse le long de la fibre de Nm / µm Figure 2.25 : Variabilité de l’aire de la bande à 143 cm le long de la fibre de Nm alignée perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser. -1 17 189 195 198 132 1,0 189 0,8 -1 Aire de la bande à 143 cm normalisée 21 1,0 0,6 0,5 2,5 µm 0,4 0,0 180 185 190 195 0,2 0,0 0 25 50 75 0 50 100 200 250 Point d'analyse le long de la fibre de Bmd / µm Figure 2.26 : Variabilité de l’aire de la bande à 143 cm le long de la fibre de Bmd alignée perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser. -1 Lors d’une cartographie en ligne, dans la région des bas nombres d’onde, d’une fibre de Bombyx mori décreusée, nous avons obtenu le spectre présenté en Figure 2.27. Nous observons un décalage des bandes par rapport à ce qui était observé habituellement. Les bandes situées à 143 et 230 cm-1 sur tous les autres spectres sont positionnées à 152 et 277 cm-1. 77 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres De plus la bande située à ~ 230 cm-1, auparavant d’intensité faible et très large, devient intense et s’affine lorsqu’elle est à 277 cm-1. Ce spectre est obtenu sur une dizaine de micromètres le long de la fibre. Ce résultat montre encore la variabilité de l’organisation le long de la fibre. Une étude statistique serait nécessaire pour enregistrer le spectre complet (0 à 4000 cm-1) dans une zone de la fibre où ces différences sont observées. Bmd Intensité Raman 277 152 -152 -277 -300 -200 -100 0 100 200 300 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.27 : Spectre Raman stokes et anti-stokes obtenu sur une portion de fibre de Bombyx mori décreusée. Des mesures en cartographie axiale ont été réalisées avec un pas de 1,5 µm, en pénétrant dans la fibre de Nm le au travers d’un de ses diamètres, dans les zones présentant une bande intense ou un épaulement à 143 cm-1. La Figure 2.28 semble indiquer que la plus forte contribution de la bande à 143 cm-1 provient du cœur de la fibre plutôt que de la surface. Cependant, la combinaison de notre résolution axiale limitée (4 à 5 µm) et du faible diamètre de la fibre (6 à 8 µm) ne permet pas une discrimination précise entre le cœur et la peau. Ceci nécessiterait des analyses supplémentaires en utilisant un objectif possédant un grossissement plus élevé (objectif x200) ou de diffraction X avec microfaisceau. Amide I 143 épaulement 143 intense Aire de la bande normalisée 1,0 0,5 Diamètre de la fibre 0,0 10 5 0 -5 -10 -15 -20 Déplacement axial du laser / µm Figure 2.28 : Aire Raman d’une bande intense et d’un épaulement à 143 cm et de l’amide I (dans une zone où la bande à 143 cm est intense) lors d’une cartographie axiale (pas 1,5 µm) de la fibre de Nephila madagascariensis. -1 -1 78 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 La Figure 2.29 présente les décompositions de spectres de Nm en configuration d’analyse perpendiculaire, en des points présentant une bande à 143 cm-1 soit très intense, soit sous forme d’épaulement. La zone amide I est identique dans les deux cas. En effet, il n’est pas surprenant que les modes d’élongation soient moins sensibles aux changements d’ordre que les modes de réseaux (bas nombres d’ondes) sondant l’interaction des chaînes. Ces résultats remettent en question la validité des données de la littérature qui utilisent uniquement la bande amide I comme sonde pour déterminer la structure. Des mesures de micro-diffraction possibles avec une source Synchrotron, non effectuées durant ce travail, sont nécessaires pour déterminer la structure secondaire précise de ces régions ordonnées, hélices ou feuillets. L’observation d’au moins 2 types d’organisation est toutefois mise en évidence. La variabilité de la région N-H/O-H est plus faible que celle observée dans les bas nombres d’onde. Cependant, un léger déplacement de la bande cristalline est observé (2 cm-1) ainsi qu’une légère diminution de l’aire de la bande de l’eau dans les zones « ordonnées ». Néanmoins, cette dernière observation peut être faussée par l’opération de soustraction de la ligne de base. 77 1653 144 Intensité Raman 3285 1669 3360 1642 1686 1698 3495 3213 143 3287 1669 75 3360 1653 1642 1686 3475 3214 1698 100 200 300 1600 1650 1700 1750 3200 3400 3600 -1 Nombre d'onde / cm Figure 2.29 : Décomposition spectrale des bas nombres d’onde et des régions amide I et νN-H-νO-H dans des zones ayant un épaulement (en haut) ou une bande intense à 143 cm (en bas), pour une fibre de Nm alignée perpendiculairement à la direction du vecteur champ électrique du laser. -1 L’analyse aux faibles nombres d’ondes montre une variabilité de l’organisation le long des fibres de Bombyx mori et de Nephila madagascariensis. Les zones ordonnées s’étendent sur 1 à 3 µm et sont séparées d’environ 60 µm. La région amide I est peu sensible aux changements d’organisation mis en évidence dans la région des faibles nombres d’onde. 79 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres Conclusions L’analyse par spectroscopie vibrationnelle de la glande des animaux qui produisent une soie nécessite de prendre certaines précautions, notamment en IR où la résolution spatiale (20x20 µm²) est beaucoup plus étendue qu’en spectroscopie Raman (2x2 µm²). La non contamination de la solution de fibroïne par la séricine lors de l’extraction de la solution de filage a été confirmée par l’absence des bandes (résonantes) caractéristiques des caroténoïdes dans les spectres Raman. Les parties postérieure et antérieure ne peuvent être analysées par IR sans contribution de la membrane car la solution de filage ne peut être extraite de celle-ci. La décomposition de la bande amide I dans les zones hydratées doit être interprétée avec prudence en raison de la présence des bandes de vibration de l’eau qui se situent dans la même région spectrale. Cependant, il a pu être démontré que la déshydratation de la fibroïne entraîne un changement de conformation. Aussi, pour une étude in vivo, la glande doit être analysée rapidement (< 20 min) pour accéder aux changements d’organisation de la glande jusqu’à la fibre. Il a également été mis en évidence par spectroscopie Raman un changement de conformation entre les parties Mid1 et Mid2. Ce résultat n’est pas observable par IR mais est en accord avec par les études antérieures montrant des différences de concentration en fibroïne et en Ca2+ et la diminution du pH entre ces deux zones de la glande. Les deux méthodes dévoilent des changements d’organisation entre l'état hydraté dans la glande et la matière séchée et filée. Les données spectroscopiques mettent en évidence l'orientation des chaînes de fibroïne après filage. Il est donc à noter le rôle primordial du passage par la filière dans l’organisation finale des fibres de soie. L’étude morphologique met en avant la présence de défauts et d’hétérogénéités pour tous les types de fibres. Néanmoins, les fibres de Nephila madagascariensis possèdent une morphologie plus homogène et une section circulaire, plus simple à étudier que celles de Bombyx mori, qui nécessitent une opération de décreusage pouvant induire des modifications de la surface de la fibre. La quantité d’eau, déterminée par analyse thermogravimétrique, est plus importante pour les fibres de Nephila madagascariensis (4 à 5 %) que pour celles de Bombyx mori (3 %). Cette différence pourrait être une des explications de la plus importante déformation à rupture moyenne des fibres d’araignée. Les différences spectrales sont minimes dans la région 600 à 3800 cm-1 en raison des compositions et certainement des organisations à courte distance similaires des différentes soies. Les spectres Raman des soies filées par les animaux sont très polarisés, notamment les bandes amides I et III, dont le ratio d’intensité varie de 0,5 à 2 lors de la rotation de 90 ° des fibres par rapport au vecteur champ électrique du laser. La soie recombinante 4RepCT montre des spectres Raman peu polarisés, indiquant une organisation non axiale des chaînes macromoléculaires lors de la formation spontanée des fibres. La comparaison des spectres Raman des différentes fibres de soie met en avant la complexité de la région des vibrations d’élongation C-H, qui est quasi-identique pour toutes les fibres. Les spectres Raman des vibrations d’élongation N-H montrent une position maximale plus faible dans le cas de la soie recombinante (3280 cm-1) par rapport aux soies filées (3285 à 3290 cm-1). Cette position étant directement reliée à la longueur des liaisons hydrogène, ces liaisons sont donc plus courtes dans la soie 4RepCT. L’analyse en spectroscopie Raman 80 Structure et organisation des fibres - Chapitre 2 polarisée montre l’isotropie des fibres de soie au niveau de leur section ; les macromolécules sont orientées selon l’axe de la fibre mais auraient peu d’organisation dans la direction perpendiculaire ou une organisation totalement radiale, la fibre de soie étant un objet 1D. Les diffractogrammes de RX des fibres contiennent des pics larges et peu définis, ce qui confirme le caractère quasi-amorphe des fibres et baves de Bombyx mori. L’analyse des fibres positionnées horizontalement montre un pic fin correspondant à une longueur de cohérence de 0,35 nm et confirme l’organisation axiale des macromolécules. Les modes de bas nombres d’ondes, observés en spectroscopie Raman, mettent en avant l’organisation à longue distance des chaînes polyamides. La bande de vibration de translation des chaînes macromoléculaires des régions plus « ordonnées » varie en intensité et dans de rares cas, pour le Bombyx mori, en position. Cette première grande variabilité du spectre Raman de la soie met en avant une organisation hétérogène le long des fibres de Bombyx mori et de Nephila madagascariensis, en accord avec la variabilité des comportements en traction uni-axiale déjà établie. Les zones ordonnées s’étendent sur 1 à 3 µm et sont séparées d’environ 60 µm. La région amide I est quant à elle peu sensible à ces changements d’organisation, ce qui remet en cause les travaux se basant uniquement sur cette bande pour la détermination de la structure des fibres de soie. 81 Chapitre 2 – Structure et organisation des fibres 82 Chapitre 3 : Micro et nano-mécanique de fibres d’araignée et de ver à soie modifié par un gène d’araignée Dans ce chapitre nous nous intéresserons aux soies d’araignée Nephila madagascariensis et de ver à soie Bombyx mori Nistari polyvoltin avec ou sans un ‘gène type’ d’araignée Nephila Clavipes. Une comparaison sera faite avec les soies de Bombyx mori et de Bombyx mori Nistari polyvoltin filées sous différentes formes. Les mesures de traction uni-axiale sont effectuées pour évaluer l’influence des paramètres de mesure (jauge, diamètre) et des paramètres de mise en forme de l’objet (précontrainte, moulinage) sur les propriétés mécaniques des fibres de Nephila madagascariensis. Nous étudierons ensuite les paramètres « chimiques » (teneur en eau, âge). La dernière partie sera consacrée à l’étude du comportement nano-mécanique des fibres de Nephila : la contrainte à l’échelle des liaisons chimiques est sondée par couplage de la micro-spectroscopie Raman avec la traction uniaxiale. Une description précise des procédures et instruments, est donnée dans les Annexes D (traction) et E.6 (couplage Raman/micro-mécanique). 3.1 Propriétés en tension uni-axiale de fibres de Nephila madagascariensis 3.1.1 Profils des courbes de contrainte-déformation 3.1.2 Effet de la longueur de jauge 3.1.3 Influence du diamètre de fibre 3.1.4 Choix de la vitesse des essais de traction uni-axiale 3.1.5 Autres paramètres « physiques » (relaxation/cycle/précontrainte) 3.1.6 Paramètres « chimiques » (âge/eau) 3.2 Propriétés en tension uni-axiale de fibres de Bombyx mori Nistari modifié 3.2.1 Profils de courbes de contrainte-déformation 3.2.2 Influence de la modification génétique 3.2.3 Mise en forme du cocon 3.3 Nano-mécanique : comportement mécanique des liaisons chimiques 3.3.1 Comportement des modes internes 3.3.2 Comportement des modes externes / de réseau (<300 cm ) -1 Conclusions 83 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres 3.1 Propriétés en tension uni-axiale de fibres de Nephila madagascariensis 3.1.1 Profils des courbes de contrainte-déformation L’observation des courbes de contrainte–déformation (Figures 3.2 et 3.8) dévoile la grande variabilité des propriétés mécaniques de la soie de Nephila madagascariensis. Comme vu dans le Chapitre I, les comportements mécaniques des fibres protéiques, quel que soit le mode de production et l’espèce considérée (kératines, soies), peuvent être classés en cinq types [Dinh 2010]. La majorité des courbes de Nephila madagascariensis possèdent un profil de type IV (§ 1.3.1). Ces profils de courbes sont comparables à ceux obtenus pour la kératine [Paquin et Colomban 2007], des polyamides synthétiques [Marcellan et al. 2003; Herrera Ramirez et al. 2004; Colomban et al. 2006] ainsi que de nombreuses soies d’araignées [Denny 1976; Gosline et al. 1999; Madsen et al. 1999; Madsen et Vollrath 2000; Pérez-Rigueiro et al. 2001a; Vollrath et al. 2001; Blackledge et al. 2005; Carr et al. 2006; Swanson et al. 2006; Van Nimmen et al. 2006]. Le nombre important de tests effectués sur les fibres de soie de Nephila madagascariensis (environ 200) par rapport à l’étude précédente [Dinh 2010], permet une description plus précise du type IV (Figure 3.1). Les profils présentent tous un premier comportement élastique linéaire entre 0 et 2 % d’élongation. Pour certains échantillons, après ce premier régime élastique linéaire, une petite diminution de la contrainte apparaît (seuil de plasticité suivi d’un adoucissement plastique, AP, défini comme la différence entre les valeurs absolues de la contrainte d’écoulement plastique et la contrainte au seuil de plasticité, AP =|a| |p|, Figure 3.1) [Halary et al. 2008]. Il est suivi éventuellement d’un plateau (écoulement « plastique ») puis d’une reprise de contrainte. Le plateau révèle un déroulement des hélices [Kreplak et al. 2004; Paquin et Colomban 2007] et/ou des zones non ordonnées et/ou un glissement des chaînes (transitions peu énergétiques) et peut atteindre jusqu’à 18 % de déformation (- - -). Lorsqu’il n’y a pas d’adoucissement plastique (AP=0), le premier régime élastique linéaire est suivi d’un changement de pente continuant par un plateau et une reprise de contrainte (- - -), ou bien directement par une augmentation de la contrainte jusqu’à la rupture. Ces quatre déclinaisons du type IV son différenciés sur la Figure 3.1. On nomme IVs le comportement sans plateau ni seuil d’écoulement (——). L’absence de plateau dans certains cas suggère une absence d’hélices ou leur non déroulement. Le comportement du type IVs est celui où un fort durcissement intervient très rapidement après le passage du seuil de plasticité et masque totalement tout phénomène d’adoucissement plastique ou d’écoulement plastique. Le dernier régime - conduisant à la rupture finale – révèle une reprise de contrainte caractérisant un « durcissement structural » (Ey ~ 3 GPa). On peut penser que l’alignement progressif des macromolécules conduit à leur rapprochement (striction de la fibre) et à une rigidification se traduisant par une augmentation significative du module tangent dans le dernier régime de la courbe. 84 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 Contrainte / MPa 800 Variantes du type IV (IV s) Ey = 3,4 GPa Ey = 3,2 GPa Ey = 2,2 GPa 400 Ey = 4,6 GPa 600 400 2% 200 a p 200 0 0 0 0 10 20 30 5 40 Déformation / % Figure 3.1 : Types de courbes de contrainte-déformation pour la soie de Nephila madagascariensis (à gauche), zoom sur le début des courbes (à droite) – Ey : module de Young dans la zone de durcissement structural, a : contrainte au seuil de plasticité et p : contrainte d’écoulement plastique. Les profils de type IV sont divisibles en 4 « sous-types ». Les profils peuvent être décrits par 4 régimes dont les deux centraux peuvent ne pas être présents : Une région élastique linéaire jusqu’à ~ 2 % de déformation ; Un seuil de plasticité suivi d’un adoucissement plastique plus ou moins formé ; Un quasi-plateau (écoulement plastique) pouvant s’étendre jusqu’à 18 % de déformation ; Une reprise de la contrainte quasi-linaire correspondant à un régime linéaire pseudo-élastique. 3.1.2 Effet de la longueur de jauge La longueur de jauge est un paramètre important dans une étude de traction uni-axiale. Elle doit être suffisamment grande pour s’affranchir des effets dus aux mors, les normes ASTM imposant une longueur 2000 fois supérieure au diamètre de la fibre (~ 10 µm x 2000 = 20 mm). La longueur effective est la longueur fiable de mesure et correspond à 90 % de la longueur totale. Les 10 % restant sont situés au niveau des accroches où les effets de bords peuvent être importants. Le serrage dans les mors, malgré l’utilisation d’un support papier peut endommager la fibre et provoquer la rupture de celle-ci au niveau des extrémités. En considérant un matériau dont la densité de défauts est relativement homogène, augmenter la longueur de jauge revient à augmenter le nombre de défauts mais cela augmente aussi la longueur effective ce qui diminue la contribution des effets de bords. Nous utiliserons une statistique de Weibull (voir Annexe D) pour décrire la dispersion des paramètres mécaniques : plus la dispersion sera importante, plus le paramètre de forme k (ou module de Weibull) sera petit. Par exemple, k est environ égal à 30 pour des « bonnes » céramiques industrielles avec un faible taux de défauts. La Figure 3.3 montre l’évolution des résultats des tests effectués avec différentes longueurs de jauge (5, 10, 30 et 100 mm) pour des fibres de Nephila madagascariensis datant de plus de 20 ans. Comme observé classiquement, y compris pour des fibres provenant de 4 espèces d’araignées endémiques de Nouvelle Zélande [Carr et al. 2006], la contrainte ainsi que la déformation à rupture diminuent lorsque la longueur de jauge augmente (la probabilité de rupture augmente à cause de l’augmentation du nombre de défauts critiques). Le module de Young n’est pas affecté par la longueur de jauge, étant une propriété intrinsèque du matériau. Par contre, le module de Weibull relatif au module de Young diminue fortement pour les 85 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres jauges de 100 mm (kE (100 mm) ~ 3). Tester kE permet donc de trouver les bonnes longueurs de jauge car il faut un kE élevé et insensible à une légère augmentation ou diminution de la longueur de jauge : 100 mm est une valeur qui ne convient pas. Quelle que soit la longueur de jauge, la contrainte à rupture est située autour de 600 à 700 MPa. Les fibres testées avec une jauge de 10 mm possèdent une déformation moyenne inférieure à celle des fibres testées avec des jauges de 30 et 100 mm, ceci est attribué à une population de défauts non homogènes. La Figures 3.2, présentant le profil des essais avec les différentes longueurs de jauge montre que, pour les jauges 5 et 10 mm, il s’est produit de nombreux phénomènes de glissement dans les mors, correspondants aux soudaines diminutions de contrainte dans le dernier régime des courbes. En outre, le profil des courbes est plus homogène lorsque la longueur de jauge est grande, les hétérogénéités étant moyennées. La longueur de jauge intermédiaire de 30 mm a été privilégiée dans la suite de l’étude. Contrainte / MPa 1000 Nm jauge 5 mm 1000 n = 14 n = 11 800 800 600 600 400 400 200 200 0 0 0 10 20 30 40 50 60 0 70 Nm jauge 30 mm 1000 Contrainte / MPa Contrainte / MPa 1000 Nm jauge 10 mm n = 36 800 600 400 10 20 30 40 50 40 50 60 70 Nm jauge 100 mm n = 10 800 600 400 200 200 0 0 0 10 20 30 40 50 60 70 Déformation / % 0 10 20 30 60 70 Déformation / % Figure 3.2 : Influence de la longueur de jauge sur les propriétés mécaniques de la soie de Nephila madagascariensis – n = nombre de tests. Diminution des contraintes et déformations à rupture lorsque la longueur de jauge augmente. Pas d’influence sur le module de Young. Longueur de jauge de 30 mm privilégiée pour la suite de l’étude en traction uni-axiale, en accord avec les normes ASTM. 86 8 8 6 2 4 0 2 0 20 40 60 80 100 8 700 6 4 600 2 0 20 40 60 80 100 50 8 40 6 4 30 2 20 0 0 0 Jauge / mm Jauge / mm 10 k 4 10 k 6 800 Déformation à rupture / % 10 k Module de Young / GPa 10 Contrainte à rupture / MPa Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 20 40 60 80 100 Jauge / mm Figure 3.3 : Evolution des paramètres mécaniques (module de Young, contrainte et déformation à rupture ( )) en fonction de la longueur de jauge pour les fibres de Nephila madagascariensis – k ( ) = paramètre de forme (Weibull) (voir Tableau D.6.1 Annexe D). 3.1.3 Influence du diamètre de la fibre Le diamètre est un paramètre important pour l’étude mécanique de fibres : plus il est petit plus on se rapproche des phénomènes se produisant à l’échelle de la liaison chimique [Vollrath et Kohler 1996; Colomban et al. 2008b; Colomban et al. 2012b]. Pour l’ensemble de l’étude en traction uni-axiale des fibres de Nephila madagascariensis, les calculs de contraintes ont été réalisés grâce au diamètre propre à chaque fibre testée (et non grâce à l’application d’une valeur moyenne) déterminé au préalable. Une étude sur la mesure de diamètres de fibres provenant des différentes glandes de 7 espèces d’araignées [Blackledge et al. 2005] montre l’importance de considérer le diamètre propre à chaque fibre pour le calcul des propriétés mécaniques, les résultats étant nettement moins dispersés qu’avec l’utilisation d’un diamètre moyen. Nm Nmf 10 9 8 7 5<d<8,99 µm 9<d<13 µm 900 Nm Nmf 800 700 600 500 5<d<8,99 µm 9<d<13 µm 50 Déformation à rupture / % 11 Contrainte à rupture / MPa Module de Young / GPa Comme indiqué précédemment (paragraphe 2.2.1), le diamètre des fibres de Nephila madagascariensis varie entre 5 et 13 µm. Les fibres âgées de plus de 20 ans (Nm) et les fibres « fraîches » (Nmf), d’environ 3 mois, ont été classées en deux catégories : petits (5<d<8.99 µm) et grands (9<d<13 µm) diamètres. Cependant, il est à noter que les fibres anciennes ne possèdent pas de diamètres supérieurs à 11 µm (voir Figure 3.10). NM NMf 40 30 20 10 5<d<8,99 µm 9<d<13 µm Figure 3.4 : Moyennes des propriétés mécaniques (module de Young, contrainte et déformation à rupture) des fibres de Nephila madagascariensis en fonction du diamètre (d) et de l’âge des échantillons (Nm produite il y a plus de 20 ans et Nmf produite 3 mois avant les tests) (voir Tableau D.6.2 Annexe D). 87 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres La Figure 3.4 montre les résultats obtenus en fonction du diamètre et de l’âge des fibres. Les paramètres mécaniques (module de Young, contrainte et déformation à rupture) semblent peu varier en fonction du diamètre pour les fibres de Nm. Pour les fibres de Nmf, celles de petits diamètres possèdent un module de Young moyen plus important mais des contraintes et déformations à rupture moyennes plus faibles que celles mesurées pour les fibres ayant de grands diamètres. Les fibres plus âgées possèdent des propriétés plus homogènes. Le diamètre a une plus grande influence pour les fibres fraîches (corrélation avec le degrè de séchage ?). Plus les fibres vieillissent, moins le diamètre influe sur les propriétés mécaniques. 3.1.4 Choix de la vitesse des essais de traction uni-axiale Une étude précédente [Dinh 2010] a montré que dans la gamme autorisée par notre machine (2 à 30 mm/min), la vitesse choisie n’a pas une grande influence sur les paramètres mécaniques des fibres de soie, notamment sur le module de Young. Aussi, pour une bonne comparaison, la vitesse la plus lente de 2 mm/min a été utilisée pour l’ensemble des tests. Notons que lors des mesures Raman la durée du cycle de chargement peut être de plusieurs heures. Vitesse utilisée = 2 mm/min. 3.1.5 Autres paramètres physiques (relaxation/cycle) Effet d’un historique de contrainte La petite dimension des fibres les rend difficiles à manipuler, ce qui peut induire une mise en tension involontaire. L’impact d’une précontrainte involontaire a donc été évalué en effectuant une sollicitation cyclique dans les différents régimes des courbes de contraintedéformation. La Figure 3.5 montre l’effet d’une charge-décharge (a) dans le régime élastique linéaire (courbe 1), (b) dans le plateau (courbes 2, 3, 4, 5), (c) dans le dernier régime de la courbe (courbes 6, 7, 8) ainsi qu’un tableau regroupant les modules de Young avant et après décharge (en recharge). Une précontrainte dans le premier régime linaire de la courbe n’a pas d’incidence, la déformation revient à l’origine en même temps que la contrainte, le module de Young est identique (8,1 GPa), ce qui confirme la présence d’un régime élastique linaire (Figure 3.5 (a)) et donc que dans la plupart des cas, la manipulation n’aura pas d’effet. Lorsque la précontrainte dépasse la limite d’élasticité (ou seuil de plasticité) (Figure 3.5b & c), les fibres que l’on recharge ont un comportement différent tant que l’on n’a pas atteint le maximum de contrainte du premier cycle. Le comportement n’est donc plus élastique. On observe d’ailleurs une boucle d’hystérésis lors de la décharge–recharge, montrant une dissipation d’énergie dans le matériau. Quelle que soit la zone du plateau (début, milieu ou fin) où est effectuée la charge-décharge, le comportement est similaire avec une perte d’environ 1 GPa sur le module de Young apparent (Figure 3.5 (b) et (d)). La Figure 3.5 (c) qui représente des cycles dans le régime de reprise de contrainte, montre que lorsque la charge maximale avant la décharge est dépassée, l’allure de courbe est inchangée par rapport à une traction monotone. L’influence de la précontrainte jusqu’à une valeur proche de 88 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 la rupture (courbes 7 et 8) est similaire, que ce soit pour un type IV (7) ou IVs (8), avec cependant une perte plus importante sur le module de Young en recharge pour le type IVs (23 % de perte) par rapport au type IV (10 %). La perte de la rigidité étant faible, on peut penser que les liaisons ont peu de chance d’être cassées mais que certains mouvements sont bloqués (déroulement des chaînes) car la déformation ne revient pas à son état initial (présence de déformation résiduelles). La fibre de Nephila madagascariensis n’est pas purement élastique. 300 200 800 200 100 600 5 2 100 Contrainte / MPa Contrainte / MPa 800 1 0 0,0 2,5 5,0 400 200 600 4 3 0 2 0 5 10 400 200 0 0 0 10 20 30 40 0 10 20 (a) 800 7 600 400 200 0 0 10 20 40 (b) 6 8 30 Déformation / % Déformation / % Contrainte / MPa 3 4 5 30 Profil Régime dans lequel la précontrainte est imposée E (GPa) Erecharge (GPa) 1 2 élastique linéaire 8,1 8,1 début plateau 10,1 9 3 début plateau 8,1 7,5 4 milieu plateau 9,3 8,4 5 fin plateau 9 7,6 6 reprise de contrainte 8,7 8,7 7 reprise de contrainte 8,9 8 8 reprise de contrainte (type IVs) 13,8 10,6 40 Déformation / % (c) (d) Figure 3.5 : Influence de l’historique de contrainte dans les différents régimes pour des fibres de Nephila madagascariensis (Type IV ou IVs) - Précontrainte imposée au niveau des régimes : (a) élastique linéaire (profil 1), (b) plateau (profils 2, 3, 4 et 5), (c) reprise de contrainte (profils 6, 7et 8) et (d) Tableau regroupant les valeurs de modules de Young apparant au premier et au second chargement – en insert des Figures (a) et (b), zoom sur les zones d’intérêts. 800 Contrainte / MPa Contrainte / MPa 800 600 400 200 0 300 600 200 400 600 400 100 200 0 0,0 200 0,1 0,2 0 42,875 42,900 0 0 5 10 15 20 25 30 35 0 10 20 30 40 Temps / h Déformation / % (a) (b) Figure 3.6 : Effet d’une charge-décharge laissée à déformation contrôlée (~ 10 %) – (a) courbe de contrainte-déformation, (b) courbe de contrainte en fonction du temps - en insert, zoom sur le début et la fin de la courbe. 89 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres La Figure 3.6 montre la relaxation de la fibre après un cycle de charge-décharge (charge jusqu’à 18 % puis décharge totale et maintien à ~ 10 % d’élongation, puis après ~ 42 h de relaxation à 10 %, la fibre est remise en charge jusqu’à rupture). Après décharge, on observe une augmentation de la contrainte jusqu’à ~ 50 MPa, la fibre étant encore sous contrôle de déformation (~ 10 %). Puis la contrainte se stabilise et fluctue légèrement dans le temps (périodicité jour/nuit) en fonction des variations de l’hygrométrie liées à celles de la température. Relaxation de contrainte Pendant une analyse Raman sous contrôle de déformation, la fibre est maintenue à une déformation choisie pendant un certain temps, pouvant atteindre jusqu’à 3 h. La dépendance de la contrainte en fonction du temps est de ce fait un paramètre à prendre en compte. La Figure 3.7 montre les courbes de contrainte et de déformation en fonction du temps. Une contrainte élastique (segment AB) apparaît instantanément lors de l’application de la déformation, un caractère viscoélastique se manifeste par une diminution progressive de la contrainte jusqu’à une valeur constante non nulle [Halary et al. 2008]. La période de relaxation, c'est-à-dire la période nécessaire pour obtenir une contrainte constante, est d’environ 30 min. Pour réaliser un spectre Raman sous contrôle de déformation, il sera donc nécessaire d’attendre 30 min avant de commencer l’enregistrement du spectre pour que la position d’analyse de la fibre soit stable pour la résolution spatiale. 500 Déformation / % 10 150 B 0 A 5 -150 Contrainte / MPa 300 Contrainte / MPa 450 15 0 2 4 6 300 200 100 0 -300 0 400 -100 8 0 2 4 6 8 10 12 Temps / h Déformation / % (a) (b) Figure 3.7 : Influence du temps sur la contrainte à déformation contrôlée pour des fibres de Nephila madagascariensis – (a) Contrainte et déformation en fonction du temps, (b) courbe de contrainte déformation correspondante. Matériau viscoélastique. Lors du couplage spectroscopie Raman/traction uni-axiale, après la mise en déformation, une attente de 30 min est nécessaire pour débuter l’analyse Raman. Influence du moulinage Une étude a été réalisée sur l’influence du moulinage des fibres fraîches. Mouliner signifie réunir et tordre ensemble plusieurs fibres pour constituer un fil. Les résultats de traction 90 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 montrent une légère diminution du module d’Young pour les fibres moulinées (il passe de ~ 11 à 9 GPa) ainsi que de la contrainte à rupture (voir Figure 3.8 (b) et (c) et Figure 3.9). Le fait que les fibres n’aient pas été moulinées permettrait une meilleure conservation des propriétés mécaniques, les fibres ayant moins subi de contraintes avant analyse. Par contre, le moulinage ne semble pas apporter de défauts supplémentaires aux fibres, la déformation à rupture n’étant pas modifiée (voir Figure 3.9). Les modules de Weibull (k) relatifs au module de Young et à la déformation à rupture sont identiques (~ 5,5 et 2,5 respectivement) que les fibres aient été moulinées ou non ; on observe cependant une plus grande dispersion de la contrainte à rupture dans le cas de fibres non moulinées (k étant égal à 2,5 alors qu’il est de 5,3 pour les fibres moulinées). Nm 1000 n = 36 Contrainte / MPa Contrainte / MPa 1000 800 600 400 200 800 600 400 200 0 0 0 10 (a) 20 30 40 0 50 10 Déformation / % 20 30 40 50 Déformation / % (b) Nmfnm n=6 Nm hydratées Nmfnm hydratées n = 9 1000 n = 30 Contrainte / MPa Contrainte / MPa 1000 Nmf n = 36 800 600 400 200 800 600 400 200 0 0 0 10 20 30 40 50 Déformation / % 0 10 20 30 40 50 Déformation / % (c) (d) Figure 3.8 : Influence de l’âge, du moulinage et de l’hydratation pour des fibres de Nephila madagascariensis – (a) Nephila madagascariensis produites il y a plus de 20 ans (Nm), (b) Nephila madagascariensis fraîches (3 mois) (Nmf), (c) Nephila madagascariensis fraîches non moulinées (Nmfnm), (d) Nm et Nmfnm hydratées – n = nombre de tests. Légère diminution du module de Young et de la contrainte à rupture suite au moulinage (faible influence du moulinage). 3.1.6 Paramètres chimiques (âge/eau) Influence de l’âge Les Figures 3.8 (a) et (b) permettent de comparer l’effet de l’âge sur les propriétés mécaniques pour des fibres produites par l’animal il y a plus de 20 ans (Nm) et des fibres produites 3 mois avant les essais, dites « fraîches » (Nmf). Les deux types de fibres possèdent les mêmes propriétés mécaniques : la contrainte à rupture est en moyenne de 650 MPa, la déformation à rupture d’environ 25 % et le module d’Young de 8,5 GPa (voir Figure 3.9). Pour les trois paramètres mécaniques étudiés, les paramètres de forme (k) sont plus élevés dans le cas de la soie plus âgée : les propriétés mécaniques de la soie âgée sont moins dispersées que 91 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres celles de la soie fraîche. Ceci est aussi observable directement sur les courbes de contrainte-déformation (Figure 3.8). 4 500 2 15 5 2 Nmfnm h Nm Nmfnm Nmfnm h Nmf Nm 0 Nm h Nmfnm h Nmfnm Nmf Nm h Nm 4 10 400 0 6 20 Nmfnm 2 600 25 Nmf 2 6 8 30 k 4 4 700 k 6 8 Nm h 6 800 Déformation à rupture / % 8 k Module de Young / GPa 8 10 Contrainte à rupture / MPa 35 12 Figure 3.9 : Moyennes des propriétés mécaniques (module de Young, contrainte et déformation à rupture) des fibres de Nephila madagascariensis en fonction de l’âge, du moulinage et de l’hydratation – k ( ) = paramètre de forme (Weibull), Nm = Nephila madagascariensis produites il y a plus de 20 ans, Nmf = Nephila madagascariensis fraîche (3 mois), Nmfnm = Nephila madagascariensis fraîche non moulinée, Nm h et Nmfnm h = hydratées (voir Tableau D.6.3 Annexe D). Les profils de courbes sont tous de type IV, avec une variation de la longueur du plateau et l’existence ou non d’un seuil d’écoulement. La Figure 3.10 présente sous forme de nuage de points le diamètre des fibres en fonction de la déformation à laquelle s’arrête le plateau ; les points situés à 0 % concernent les fibres ne présentant pas de plateau (type IVs). La première constatation que l’on peut faire en regardant ce graphique est la plus grande hétérogénéité des diamètres pour la soie fraîche. En effet, comme remarqué précédemment, les fibres plus anciennes possèdent des diamètres inférieurs à 11 µm. On observe aussi que les fibres de diamètres supérieurs (>9,5 µm), possèdent les plateaux les plus longs (>12,5 %) sur leurs profils de contrainte-déformation (le déroulement des hélices, des zones non ordonnées ou un glissement des chaînes sont facilités). Ces résultats montrent la bonne stabilité des fibres sur plusieurs années ainsi qu’une réduction du diamètre et de la variabilité avec le temps. Arrêt plateau / % 9,5 µm Nm Nmf 15 Type IV 10 5 Type IVs 0 4 6 8 10 12 14 Diamètre / µm Figure 3.10 : Diamètres des fibres en fonction de la déformation à laquelle s’arrête le régime de plateau dans les courbes de contrainte-déformation pour des fibres de Nephila madagascariensis produites il y a plus de 20 ans (Nm) et fraîches (3 mois) (Nmf). Fibres stables dans le temps du point de vue des propriétés mécaniques. Diminution de la variabilité avec le temps. 92 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 Influence de l’hydratation Les fibres ont été placées pendant ~ 48 h dans l’eau distillée et testées consécutivement à leur retrait de la solution. Les mesures de diamètres avant et après hydratation, montrent la non influence de l’hydratation sur le diamètre des fibres. Les résultats obtenus (voir Figure 3.8 (a), (c) et (d) et Figure 3.9) ainsi que d’autres études sur différentes soies [Colomban et al. 2012a] ou kératines [Paquin et Colomban 2007] montrent que la saturation en eau des fibres modifie le profil de traction. Pour les fibres de Bombyx mori décreusées, 100 % des fibres hydratées possèdent un profil de type III qui se caractérise par une transition progressive entre un régime élastique linéaire et un quasi-plateau [Dinh 2010]. Des études sur les soies de vers à soie Attacus atlas et Antheraea pernyi ayant une composition en acides aminés proche de celle de la soie d’araignée montrent une nette diminution du module de Young dans l’eau [PérezRigueiro et al. 2001b] et avec l’augmentation de l’humidité [Fu et al. 2009]. Dans le cas de la soie d’araignée, nous observons une légère dispersion des différents profils de courbes suite à l’hydratation (Figure 3.8 (d)). Les courbes de type IV sont toujours majoritaires mais l’hydratation entraîne une quasi-disparition du plateau et de l’adoucissement plastique. Le plateau étant attribué au déroulement des hélices ou des zones non ordonnées, sa raréfaction suggère une absence de leur déroulement cohérent. La lubrification est responsable de la disparition du seuil d’écoulement. La transition après le régime linéaire est plus douce comme dans le cas des profils de type III mais le dernier régime des courbes montre une reprise de contrainte comme pour les type IV. Les contraintes et déformations à rupture sont plus faibles lorsque les fibres sont hydratées, elles diminuent d’environ 200 MPa et de quelques pourcents respectivement, les paramètres de forme k suivent cette diminution. Le premier régime élastique linéaire s’arrête à une contrainte plus faible que pour les fibres non hydratées (~ 100 au lieu de ~ 200 MPa). En accord avec la littérature, on peut penser que l’eau s’intercale entre les chaînes ce qui lubrifie et aide au glissement des chaînes les unes sur les autres [Pérez-Rigueiro et al. 2001b; Paquin et Colomban 2007]. Profils de courbes affectés par l’hydratation : disparition de l’adoucissement et de l’écoulement plastiques. Contrainte et déformation à rupture diminuées. 3.2 Propriétés en tension uni-axiale de fibres de Bombyx mori Nistari modifié Le but de la modification génétique du ver à soie Bombyx mori Nistari polyvoltin par l’insertion d’un gène d’araignée de Nephila Clavipes (Annexe A.1) était de renforcer les propriétés mécaniques de cette soie. En effet, la littérature [Vollrath et Porter 2009; Porter et al. 2013], attribue de meilleures propriétés mécaniques aux soies d’araignées qu’aux vers à soie, mais la production de soie d’araignée est difficile/impossible à mettre en place en raison du cannibalisme des animaux. Il a donc été entrepris de modifier la fibre de soie en insérant un motif protéique de soie d’araignée [Royer et al. 2005]. Cette étude tente d’évaluer l’influence de cette modification en comparant les soies décreusées provenant de ver modifié (OGM) et de ver témoin (OGMt). Le ver utilisé pour cette modification n’est pas le Bombyx mori standard 93 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres mais le Bombyx mori Nistari polyvoltin. Ce ver appelé OGMt (témoin) produit une soie qui peut-être légèrement différente du Bombyx mori et qui sera utilisée comme référence dans cette étude. Comme son nom l’indique (polyvoltin), il effectue plusieurs cycles de vie par an, ce qui permet de suivre plus rapidement la transmission du gène introduit sur la descendance. L’influence de la mise en forme du cocon de Bombyx mori Nistari polyvoltin non décreusé sera également caractérisée en comparant les propriétés mécaniques en traction uni-axiale des cocons plats à des études antérieures [Dinh 2010]. 3.2.1 Profils de courbes La Figure 3.11 regroupe les types de comportement observés pour les soies de Bombyx mori Nistari polyvoltin décreusées avec et sans la modification génétique. On observe des comportements de types I, II et IVs. Le type I est caractérisé par un premier régime élastique linéaire jusqu’à 2 % de déformation suivi par un quasi-plateau. Le type II se caractérise par la présence d’un second régime élastique linéaire. Le type IVs est décrit comme un type I auquel il faut ajouter une reprise de contrainte avant la rupture. 100 II Pourcentage de type / % Contrainte / MPa 500 IVs 400 300 200 I 100 0 0 5 10 15 20 25 80 I II IVs 60 40 20 0 OGMt OGM Déformation / % Figure 3.11 : Types de courbes de contrainte-déformation pour les soies décreusées de Bombyx mori Nistari polyvoltin contenant un « gène type » d’araignée Nephila Clavipes (OGM) et du témoin de la modification (OGMt) (gauche) et pourcentage de type I, II et IVs pour chaque échantillon (droite) (le nombre de tests est 21 pour l’OGMt et 26 pour l’OGM). Les profils de courbes sont moins dispersés pour la soie de vers modifiés génétiquement avec 90 % de courbes de type I contre 70 % pour la soie de ver témoin, le reste des courbes présentant des profils de type II et IVs (Figure 3.11). Trois types de courbes : I, II et IVs avec une majorité de type I avec ou sans la modification génétique du ver et une dispersion moins importante des profils pour la soie de ver génétiquement modifié. 3.2.2 Influence de la modification génétique Une étude précédente [Jauzein 2010] a porté sur la caractérisation des mêmes soies sous forme de bi-fibres non décreusées extraites des cocons de Bombyx mori Nistari polyvoltin, modifié ou non. Comme nous allons le voir, elle montre également que l’allure des courbes n’est pas modifiée par rapport à des fibres de Bombyx mori classiques. La modification génétique a entraîné une diminution de 35 % du module de Young, de 29 % de la contrainte à 94 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 rupture et une augmentation de 18 % de la déformation à rupture. Par diffraction de rayons X aux grands angles (WAXS), il a été démontré que l’indice de cristallinité de la fibre diminue de 26 % après la modification génétique. Afin de suivre l’efficacité de la modification génétique, une protéine fluorescente verte (GFP) a aussi été exprimée en fusion avec un peptide extrait du génome de la Nephila Clavipes. L’hypothèse avancée pour expliquer ces différences mécaniques et structurales est la suivante : une modification microstructurale serait induite lors du filage par la présence de la protéine fluorescente qui modifierait la viscosité et l’hydratation, cette protéine étant fortement hydrophile. Dans notre étude, les fibres de vers témoin et de l’OGM sont étudiées à l’état décreusé. Si l’on compare les courbes de contrainte-déformation de la soie de Nephila madagascariensis (Figure 3.8) et du témoin de la modification (OGMt) (Figure 3.12 (a)), on remarque qu’aussi bien la déformation que la contrainte à rupture sont inférieures dans le cas des vers à soie. En effet, comme dit précédemment, la soie d’araignée Nephila madagascariensis possède une contrainte à rupture moyenne d’environ 675 MPa et une déformation moyenne de 25 %, alors qu’elles sont approximativement de 360 MPa et 15 % respectivement pour le témoin de l’OGM (voir Figure 3.13). Cependant, le module de Young est supérieur pour la soie de Bombyx mori Nistari polyvoltin (~ 12 GPa contre ~ 8 GPa pour Nm). Une différence entre ces deux types de soie est aussi visible grâce aux profils de courbes obtenus, contrairement à la soie de Nephila qui présente essentiellement des types IV, pour le Bombyx mori Nistari la majorité des courbes montre des profils de type I (Figure 3.11). La comparaison des propriétés des fibres du Bombyx mori Nistari avec celles du Bombyx mori [Dinh 2010] montre un résultat comparable en ce qui concerne la déformation et la contrainte à rupture. OGMt 1000 n = 21 Contrainte / MPa Contrainte / MPa 1000 800 600 400 OGM n = 26 800 600 400 200 200 0 0 0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50 Déformation / % Déformation / % (a) (b) Figure 3.12 : Profils de contrainte-déformation des fibres de soie de (a) Bombyx mori Nistari polyvoltin témoin (OGMt) et (b) Bombyx mori Nistari polyvoltin modifié génétiquement (OGM) – par mesure de comparaison avec les fibres de Nephila madagascariensis, l’échelle est identique à celle de la Figure 3.8 – n = nombre de tests. La Figure 3.13 montre, aussi bien pour le module de Young que pour les contraintes et déformations à rupture, que les valeurs sont très semblables entre la soie du ver témoin et du ver modifié. Les valeurs sont légèrement plus faibles pour les fibres d’OGM (diminution de 4, 8 et 9 % respectivement) mais les variations ne dépassent pas l’écart type de la mesure. La modification génétique n’améliore pas les propriétés mécaniques de la soie. Toutefois, le module de Weibull est supérieur (pour le module de Young ~ 14 contre ~ 3) dans le cas de la soie provenant du ver ayant subi la modification génétique. Que ce soit en observant le profil des courbes ou grâce à la statistique de Weibull, les paramètres de la soie de l’OGM sont 95 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres 12 15 10 4 5 2 0 OGMt OGM Bmd Nm 0 600 15 400 10 200 0 5 OGMt OGM Bmd Nm 0 20 30 25 15 20 k 10 6 20 k 8 35 800 Déformation à rupture / % 20 Contrainte à rupture / MPa 14 k Module de Young / GPa moins dispersés que ceux de la soie du ver témoin. La modification de la séquence a peu d’impact sur les propriétés mécaniques, ce qui semble raisonable si l’on considère que l’essentiel de l’effort est supporté par les chaînes, c'est-à-dire l’enchaînement de liaisons amides, la séquence en acides aminés ne jouant qu’indirectement sur les distances interchaînes. Une autre hypothèse pourrait être que la séquence introduite n’est pas assez longue pour induire des changements au niveau des propriétés mécaniques. 10 15 10 5 5 0 OGMt OGM Bmd Nm 0 Figure 3.13 : Propriétés mécaniques des fibres de Bombyx mori Nistari polyvoltin témoin (OGMt), modifié génétiquement (OGM) et Bombyx mori [Dinh 2010] décreusées et de Nephila madagascariensis – k ( ) : paramètre de forme (Weibull) (voir Tableau D.6.4 Annexe D). Effet sur les propriétés mécaniques de l’insertion d’un segment de protéine de soie de Nephila Clavipes dans la fibre de Bombyx mori Nistari polyvoltin : pas d’influence sur le profil de courbe ; pas d’amélioration des propriétés mécaniques ; dispersion moins importante. 3.2.3 Mise en forme du cocon L’intérêt de forcer les vers à filer sous d’autres formes que l’ovoïde du cocon « naturel » est de pouvoir utiliser directement les objets produits par l’animal. La Figure 3.14 représente les profils de contrainte-déformation des différents échantillons de fibres extraites de cocons plats, non décreusées. Les fibres de 3 cocons plats (Annexe A, Figure A.1.6) ont été extraites puis testées en traction uni-axiale : i) des fibres intérieures et extérieures du cocon plat fabriqué par 5 vers de Bombyx mori (Cp_5v_int & Cp_5v_ext) ; ii) des fibres intérieures du cocon plat de Bombyx mori Nistari (Cp_N1_int) ; iii) des fibres extérieures d’un autre cocon plat de Bombyx mori Nistari (Cp_N2_ext). Les fibres de cocons plats de Bombyx mori Nistari proviennent de la même souche que le témoin de la modification génétique (OGMt) mais elles ont été étudiées sous forme de bave (bi-fibre) non décreusée. Comme pour les fibres de Nephila madagascariensis, la première constatation est la variabilité des paramètres et des profils des courbes de traction. Le faible nombre de tests (18) ne nous permet que de soulever certaines questions. Pour les échantillons analysés, les fibres de souche Nistari (CpN) possèdent de meilleures propriétés mécaniques que celles de Bombyx mori blanches (CP5v) (Figure 3.15), notamment la déformation à rupture qui est située entre 18 et 20 % pour la souche Nistari et entre 12 et 16,5 % pour la soie blanche. Le même résultat 96 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 avait été obtenu lors de précédents travaux [Dinh 2010]. Les profils de courbes sont dispersés, mais ils sont en majorité de type I, observé entre autre dans le cas de filage forcé, avec une proportion non négligeable de type IV, en particulier pour les fibres de la souche Nistari. Contrainte / MPa 800 300 Pourcentage de type / % Cp5v_ext Cp5v_int Cp_N2_ext Cp_N1_int 1000 200 100 600 0 0 400 10 20 30 200 0 0 10 20 30 40 50 60 I II III IV V 40 20 0 Cp_5v_ext Cp_5v_int Cp_N2_ext Cp_N1_int Déformation / % 2 100 0 10 5 CpN1int CpN2ext Cp5vint 0 Cp5vext CpN1int CpN2ext Cp5vint Cp5vext 0 15 CpN1int 4 20 CpN2ext 6 200 Cp5vint 8 25 Cp5vext Contrainte à rupture / MPa Module de Young / GPa 10 Déformation à rupture / % Figure 3.14 : Influence de la forme du cocon sur les propriétés mécaniques de soies vers à soie Bombyx mori et Bombyx mori de souche Nistari et pourcentage de type pour chaque échantillon - Cocon plat 5 vers intérieur et extérieur (Cp_5v_int, Cp_5v_ext), cocon plat Nistari 1 intérieur (Cp_N1_int) et Nistari 2 extérieur (Cp_N2_ext) par mesure de comparaison avec les fibres de Nephila madagascariensis, l’échelle est identique à celle de la Figure 3.8 et l’insert est un agrandissement de la zone d’intérêt. Figure 3.15 : Propriétés mécaniques des fibres de cocons plats - Cocon plat fabriqué par 5 vers intérieur et extérieur (Cp5vint, Cp5vext) et cocon plat Nistari 1 intérieur (CpN1int) et 2 extérieur (CpN2ext). Etant donné les aspects différents du filage entre l’intérieur et l’extérieur, les fibres sont classées en deux lots (intérieur et extérieur). Les fibres situées à l’extérieur du cocon plat, filées en premier en longs segments parallèles, semblent posséder des contraintes à rupture ainsi que des modules de Young plus élevés que les fibres intérieures. En revanche, les déformations à rupture sont plus faibles. Si l’on compare ces résultats à ceux de cocons de forme conventionnelle [Dinh 2010], les propriétés obtenues sont similaires. Une étude en traction uni-axiale sur les fibres d’un cocon de l’intérieur vers l’extérieur montrait aussi une différence au niveau des propriétés mécaniques [Jauzein 2010]. Les fibres extérieures des cocons possèdent une déformation à rupture plus faible que celles situées à l’intérieur, comme dans le cas des cocons plats. La différence de forme du cocon ne semble donc pas avoir d’effet les propriétés mécaniques des fibres. Pas d’effets de la mise en forme par l’animal sur les propriétés mécaniques. 97 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres 3.3 Nano-mécanique : comportement mécanique à l’échelle des liaisons chimiques Cette partie s’attache à comprendre le comportement mécanique des fibres à l’échelle macroscopique en relation avec les déformations mesurées à l’échelle de la liaison chimique, c'est-à-dire le comportement nano-mécanique accessible grâce à la spectroscopie Raman. Pour cela, le testeur de fibre universel a été placé sous le spectromètre LabRaman HR800 avec une longueur d’onde d’excitation à 514 nm. La fibre est amenée à l’allongement voulu puis après un temps de relaxation fixé à 30 min (ou au moins 80 % du temps nécessaire, pour effectuer de multiples mesures en un jour), l’enregistrement du spectre Raman est effectué. Etant donné le temps d’analyse élevé (jusqu’à 3h pour une zone spectrale afin d’obtenir un spectre suffisamment exempt de bruit) et la sensibilité de l’instrument aux changements de température, pour vérifier la bonne calibration du spectromètre et comparer les différentes campagnes de mesure, une lampe néon, possédant des bandes d’émission très fines, est placée non loin de l’objectif (Annexe E, Figure E.6.2). Deux réseaux de diffraction sont utilisés pour réaliser les analyses : 1800 et 600 tt/mm. Le réseau comportant 1800 tt/mm permet une résolution plus élevée (±0,5 cm-1 contre ±2 cm-1 pour le réseau à 600 tt/mm) mais la fenêtre spectrale est réduite et ne permet pas d’observer les raies de la lampe néon en même temps que certaines régions spectrales d’intérêt. Pour certaines régions spectrales, il est préférable d’utiliser le réseau à 600 tt/mm en raison de la sensibilité du LabRaman HR800 aux variations de température de la pièce (le laboratoire est situé dans des locaux provisoires sans climatisation efficace). Les régions comportant les raies de la lampe néon ont pu être suivies avec le réseau à 1800 tt/mm. Trois zones d’intérêt ont été étudiées : 0 à 300 cm-1 (bas nombres d’onde), 800 à 1800 cm-1 (déformation et élongation) et 3140 à 3800 cm-1 (zone N-H/O-H). Des temps d’analyse relativement longs sont nécessaires pour obtenir des spectres exploitables car la puissance laser au niveau de l’échantillon doit être limitée à 1 mW (pour ne pas risquer de le brûler et limiter l’échauffement local). La situation est particulièrement défavorable dans la zone des vibrations d’élongation N-H/O-H car trois fenêtres spectrales sont nécessaires pour la couvrir avec une résolution spectrale correcte. Du fait des vibrations de la fibre sous l’effet des courants d’air, les spectres obtenus dans cette région sont très bruités et ne seront pas discutés. 3.3.1 Comportement des modes internes Dans la littérature, la plupart des équipes focalisent leur attention sur la zone spectrale 800 à 1800 cm-1. Pour des soies d’araignées, certains auteurs observent une diminution du nombres d’onde de certaines bandes en fonction de la déformation appliquée, notamment la bande à 1095 cm-1 [Sirichaisit et al. 2000; He et al. 2005; Brookes et al. 2008] attribuée aux vibrations d’élongation C-C et la bande associée à la vibration amide III (~ 1230 cm-1) [Sirichaisit et al. 2000]. Ces résultats ont été obtenus avec un laser rouge ou proche infrarouge, aucune précision n’était donnée quant au nombre de fibres testées. La diminution observée des positions de ces bandes de vibration est linéaire et indique une déformation moléculaire directe des fibres sujettes à déformation. Cependant, ce modèle ne permet pas de relier le 98 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 comportement mécanique non linéaire des fibres de soie d’araignée aux phénomènes nano-structuraux se produisant pendant la déformation. Nos mesures menées sur 13 fibres de Nephila madagascariensis dans cette zone (Figures 3.16 et 3.17a), ne montrent pas de déplacement de la bande à 1095 cm-1, qui est large et intense lorsque la fibre ne subit aucune contrainte. A partir de 1 % d’élongation, son intensité et sa largeur diminuent fortement et restent stables jusqu’à 30 % (Figure 3.16). La vibration amide III correspondant principalement à une élongation de la liaison C-N est également affectée par la déformation mais sa position ne change significativement qu’entre 0 % de déformation (composante majoritaire située à ~ 1230 cm-1) et 1 % de déformation (~ 1240 cm-1 Figure 3.17b). Sirichaisit et al. [Sirichaisit et al. 2000] observent une diminution de la position du maximum du nombre d’onde associé à la bande amide III pour la soie de Nephila Edulis, qu’ils attribuaient à des changements au niveau du réseau de liaisons hydrogène ou à une réorganisation structurale. On suppose que dans leur cas des variations thermiques ont pu influer sur le comportement de la fibre, la température au niveau du point d’analyse augmentant avec le temps, d’où la diminution du nombre d’onde. Comme observé par d’autres auteurs [Sirichaisit et al. 2000; Sirichaisit et al. 2003; Dinh 2010] pour la soie de Bombyx mori et d’araignée, aucun déplacement significatif de la bande amide I n’est observé (Figure 3.17c). Amide III Amide I 830 30 % 1350 Intensité Raman 915 20 % 1385 1070 10 % 1595 1005 1332 5% 1527 904 1% 1095 1614 985 0% 800 1000 1200 1400 1600 -1 1800 Nombre d'onde / cm Figure 3.16 : Spectres Raman de fibre de Nephila madagascariensis à 0, 1, 5, 10, 20 et 30 % de déformation normalisés par rapport à la bande à 1450 cm . -1 Le rapport d’intensité amide I/amide III (obtenu en relevant le maximum d’intensité des bandes) a été tracé pour toutes les campagnes de mesures en fonction du pourcentage d’élongation (voir Figure 3.17d). Les spectres de la Figure 3.16 ont été normalisés par rapport à la bande à 1450 cm-1, qui est, selon des études sur la polyalanine et la polylysine peu sensible 99 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres aux changements de conformation [Yu et al. 1973b; Frushour et al. 1976], et varie peu lors d’analyse Raman polarisé (Annexe E). Cette normalisation permet une bonne visualisation des changements du rapport d’intensité amide I/amide III (en d’autres termes d’orientation des liaisons C=O vs. C-N). Lors des analyses Raman sous contrôle de déformation, les fibres sont placées perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser, le rapport initial de l’intensité de la bande amide I sur l’intensité de la bande amide III (avant déformation) est environ égal à 2. Ce rapport diminue à 1 jusqu’à 1 à 2 % de déformation et est stable jusqu’à la rupture de la fibre. La variation du rapport d’intensité amide I/amide III suggère une réorientation du tenseur C=O par rapport au vecteur champ électrique du laser sous l’effet de la traction et par conséquent un changement d’orientation des chaînes par rapport à l’axe de la fibre [Lefèvre et al. 2009]. Ce changement de ratio se produisant dans le premier régime élastique linéaire de la courbe de contrainte-déformation, il est attribué à une réorientation des chaînes de la phase amorphe (qui est plus facile à solliciter). -1 vC-C Nombre d'onde / cm Nombre d'onde / cm -1 1096 1094 1092 1090 1088 1086 0 5 10 15 20 25 30 35 1250 Amide III 1245 1240 1235 1230 0 5 Déformation / % 10 15 20 25 30 35 Déformation / % (a) (b) I amide I / I amide III amide I Intensité Raman Déformation 0% 1% 10 % 1600 1700 2 1 0 1800 5 10 15 20 25 30 35 -1 Nombre d'onde / cm Déformation / % (c) (d) Figure 3.17 : Evolution (a) de la position de la bande νC-C, (b) de la position de la bande amide III et (c) de la bande amide I et (d) du ratio d’intensité amide I/amide III pour les différentes campagnes effectuées en fonction de la déformation de la fibre (spectres réalisés avec le réseau à 600 tt/mm et ajustés en fonction des raies de la lampe néon) . 1 Si utilisation du réseau 600 tt/mm : présence de raies de la lampe néon (référence) mais mauvaise résolution. Si utilisation du réseau 1800 tt/mm : absence de raies de référence, bonne résolution mais la calibration n’est pas fiable (le LabRam HR 800 étant très sensible aux variations de température dans les locaux provisoires du laboratoire). 1 100 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 Pour la Nephila madagascariensis, les autres changements concernent des variations de rapports d’intensité de bandes, sans tendance spécifique en fonction de la déformation. Les bandes dont l’intensité varie sont celles attribuées aux cycles aromatiques (830, 1005, 1070, 1527, 1595 et 1614 cm-1), aux vibrations de déformation C-H (915, 1332, 1350 et 1385 cm-1) ainsi que les bandes liées à la conformation (904, 985, 1095, 1242 et 1668 cm-1). Les changements des rapports d’intensités de bandes suggèrent un rapprochement des chaînes et une réorganisation de la position des groupements chimiques, la plupart de ces bandes étant sensibles aux changements de polarisation (Chapitre II, 2.2.2). Les cycles aromatiques sont des groupements isolés, ils sont peu perturbés en fréquence mais le sont en orientation. Ces vibrations sont susceptibles d’être de bonnes sondes car leurs comportements pourraient différer selon l’organisation des chaînes sondées. Elles n’ont pas été exploitées plus profondémment, faute de temps. Les changements majeurs observés dans la région spectrale 800 à 1800 cm-1 se produisent entre 0 et 1 à 2 % de déformation c'est-à-dire au passage du régime élastique linéaire au quasi-plateau de la courbe de contrainte-déformation, dû au changement de phase impliqué par déroulement des hélices. Ce comportement est comparable à celui observé pour la kératine (cheveux) [Colomban 2009] qui possède un profil de traction similaire à celui des fibres de Nephila madagascariensis. Une étude antérieure par spectroscopie Raman sous contrôle de déformation pour la soie de Nephila madagascariensis et de Bombyx mori [Colomban et Dinh 2012] à permis d’étudier le déplacement de la vibration d’élongation des liaisons N-H. Il a été démontré que les déplacements en nombre d’onde des vibrations d’élongation N-H suivent le profil des courbes de contrainte-déformation avec une transition au seuil de 2% : pour les fibres de Nephila madagascariensis, le nombre d’onde augmente jusqu’à 2 % de déformation et se stabilise par la suite. Les modes de vibrations internes (de 400 à 3800 cm-1) permettent de mettre en avant les comportements nano-mécaniques ayant lieu au seuil de 2 %, marquant la transition du régime élastique linaire au quasi plateau du déroulement des hélices. Les principaux changements concernent les rapports d’intensité des bandes suggérant une réorganisation de la position des groupements chimiques (des chaînes amorphes) par rapport à l’axe de la fibre. 3.3.2 Comportement des modes externes/de réseau (<300 cm-1) Pour la zone des bas nombres d’onde, des mesures avaient été réalisées en 2008 sur des fibres de Bombyx mori [Colomban et al. 2008a], mais la difficulté d’approcher la raie Rayleigh et la très longue durée de l’analyse avec l’instrument (Dilor, XY) n’ont pas donné de résultats assez conséquents pour mieux comprendre les phénomènes se produisant dans cette région spectrale. Notre étude a été effectuée sur trois fibres avec le réseau 1800 tt/mm, les bandes relatives aux vibrations de l’air (branches Q de N2) permettent de vérifier la bonne calibration du système (Figures 3.18, 3.19). A chaque déformation appliquée, plusieurs spectres ont été enregistrés le long de la fibre, ce qui permet de calculer un écart type sur la position et de trouver une zone où la bande à ~ 143 cm-1 est intense, la position de son maximum étant alors mieux résolu que lorsqu’il 101 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres s’agit d’un simple épaulement. Dans les régimes élastiques linéaires et le plateau (jusqu’à 4 % de déformation pour les fibres présentées en Figures 3.18 et 3.19a et b et jusqu’à 10 % pour celle présentée en Figure 3.19c et d), cette bande relative aux vibrations de translation des chaînes ordonnées est peu affectée par la déformation, le nombre d’onde associé à son maximum ne varie pas. A partir du régime de reprise de contrainte, cette bande voit son nombre d’onde diminuer (allongement des liaisons, ouverture des feuillets β), le déplacement peut atteindre jusqu’à 4 cm-1. La bande à ~ 80 cm-1 attribuée aux mouvements de translation des chaînes amorphes [Faurskov Nielsen 1988; Colaianni et Nielsen 1995] est plus difficile à suivre. En effet, cette bande est très large et malgré l’utilisation du module ULF (Annexe E), se superpose à l’aile de Rayleigh, ce qui engendre une incertitude importante sur sa position lors des décompositions spectrales. Cependant, pour les trois fibres, la tendance est similaire à celle de la bande à 143 cm-1. Le nombre d’onde est relativement stable dans les deux premiers régimes des courbes de contrainte-déformation et a tendance à diminuer lors de la reprise de contrainte. 9% 7% 1,5 0 -1 1,0 -2 0,5 Charge / g ∆ν / cm-1 1 v143 -3 Intensité Raman 0,0 -4 0 1 4 6 8 10 v80 12 1,5 0 -1 1,0 -2 0,5 Charge / g -1 ∆ν / cm 4% 2 -3 1% 0,0 -4 0 2 4 6 8 10 12 Déformation / % 100 200 Nombre d'onde / cm (a) 300 -1 (b) Figure 3.18 : Evolution de la région spectrale des bas nombres d’onde en fonction de la déformation d’un segment de fibre (30 mm) de Nephila madagascariensis – (a) Décomposition des spectres Raman à 1, 4, 7 et 9 % de déformation, (b) Déplacement des nombres d’onde à 143 et 80 cm et courbe de charge-déformation – la courbe en pointillés représente un profil semblable sans les périodes de relaxation. -1 102 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 9% 3 Intensité Raman 7% 0 2 -1 -2 1 Charge / g ∆ν / cm-1 1 v143 -3 0 -4 0 1 1% 10 15 20 3 v80 0 2 -1 -2 1 -3 0 -4 100 200 0 300 Nombre d'onde / cm 5 10 15 20 Déformation / % -1 (a) (b) 1 Intensité Raman 6% 4 v143 0 3 -1 2 -2 1 -3 0 -4 0 1 0.8 % 10 20 30 4 v80 0 3 -1 2 -2 1 -3 0 -4 200 Nombre d'onde / cm 0 300 -1 Charge / g -1 ∆ν / cm 3.4 % Charge / g ∆ν / cm-1 7.8 % 100 Charge / g -1 ∆ν / cm 4% 5 10 20 30 Déformation / % (c) (d) Figure 3.19 : Evolution de la région spectrale des bas nombres d’onde en fonction de la déformation de deux segments de fibres de Nephila madagascariensis – (a) Décomposition des spectres Raman à 1, 4, 7 et 9 % de déformation (le segment de fibre testé fait partie de la même fibre que celui de la Figure 3.18), (c) Décomposition des spectres Raman à 0,8, 3,4, 6 et 7,8 % de déformation (le segment testé appartient à une fibre différente), (b) et (d) Déplacements des nombres d’onde à 143 et 80 cm et courbes de charge-déformation – les courbes en pointillés représentent un profil semblable sans les périodes de relaxation. -1 103 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres L’analyse des modes T’ (~ 100 cm-1) de fibres de PA 66 sous sollicitation mécanique présente aussi deux régimes [Marcellan 2003]. Un premier stade pour lequel la sollicitation mécanique n’a pas d’influence sur le déplacement de la bande et un second stade à partir d’environ 330 MPa (±30 MPa) où l’on observe un déplacement de la bande de 1,5 cm-1 vers les bas nombres d’onde. Le premier comportement de déformation du polymère est imputé aux zones amorphes. Le deuxième régime correspond à la sollicitation des zones cristallines et amorphes. Des études Raman de fibres individuelles de natures différentes testées sous contrôle de charge ou de déformation ont démontré que le comportement en traction est induit par l'allongement des liaisons et par les mécanismes de rupture de celles-ci [Herrera Ramirez et al. 2004; Paquin et Colomban 2007; Colomban et al. 2008a; Lefèvre et al. 2009; Colomban et Dinh 2012]. Les changements de régime observés en traction uniaxiale correspondaient à ceux observé sur le comportement Raman. Par ailleurs, le comportement spécifique des bandes des bas nombre d'ondes caractéristiques des chaînes « ordonnées » et « amorphes » donne un aperçu direct sur la microstructure [Colomban et al. 2006] (voir Figure 3.20) : soit seule la composante amorphe montre un déplacement vers les bas nombres d’onde lorsque la fibre est soumise à une déformation. Cela correspond à une microstructure de type Oudet [Oudet et Bunsell 1987] où les chaînes « ordonnées » forment des îlots cristallins dans une matrice amorphe. Pas de déplacement observé pour la signature spectrale des régions ordonnées (une faible augmentation du nombre d'onde est même possible en raison de l'effet de Poisson - striction), elles ne contribuent pas aux propriétés mécaniques. soit à la fois les composantes « ordonnée » et « amorphe » présentent une diminution vers les bas nombres d’onde lorsque la fibre est soumise à une déformation car les régions ordonnées et amorphes appartiennent aux mêmes chaînes macromoléculaires (avec un ordre/désordre variable le long de chaque chaîne). Ceci correspond à une microstructure de type Prevorsek [Prevorsek DC et al. 1973]. Grâce au couplage des méthodes de spectroscopie Raman et de traction uni-axiale, on observe que dans la phase initiale de traction, au dessous de 2 %, les chaînes s’accommodent de la déformation en se déroulant (suivi du ratio d’intensité amide I/amide III). Ceci est attribuable à un changement d’orientation des tenseurs associés aux groupements C=O et C-N plutôt qu’à un changement de conformation, comme observé lors de la rotation de la fibre par rapport au vecteur champ électrique du laser (c’est à dire des feuillets β, des hélices et des chaînes désordonnées). Lorsque le régime de plateau est présent, il est dû à des transitions peu énergétiques telles que le déroulement des hélices et/ou des régions non ordonnées et/ou au glissement des chaînes. Puis, une fois que toutes les chaînes sont alignées avec la direction de sollicitation ou bloquées, les régions les plus ordonnées commencent à résister à la contrainte (transitions énergétiques, ouverture des feuillets β). La Figure 3.21 résume le modèle proposé. La variation de la vibration de translation des chaînes ordonnées et amorphes (respectivement 143 et 80 cm-1) pour les fibres de Nephila madagascariensis indique une organisation de la soie selon le modèle de Prevorsek. 104 Micro et nano-mécanique de fibres - Chapitre 3 Modèle de Oudet (domaines ordonnés isolés) Régions ordonnées Modèle de Prevorsek (domaines ordonnés et amorphes appartiennent à la même chaîne) Figure 3.20 : Modèles schématiques de l’organisation des chaînes macromoléculaires. 0 O 1 Régime élastique linéaire : changements d’orientation (alignement / blocage des chaînes) Modèle initial : C N 2 3 Plateau : transitions peu énergétiques Reprise de contrainte : transitions énergétiques Ouverture des feuillets β Glissements Transitions Déroulement des hélices brins β chaînes désordonnées Figure 3.21 : Modèle schématique des phénomènes se produisants lors de la mise en tension des fibres de Nephila madagascariensis jusqu’à rupture. Le déplacement des bandes à 143 et 80 cm-1 dans la zone de reprise de contrainte suggère une organisation de la soie de Nephila madagascariensis selon le modèle de Prevorsek. Conclusions L’analyse des courbes de contrainte-déformation en traction uni-axiale des fibres de Nephila madagascariensis montre une variabilité des comportements. Les profils des courbes précédemment regroupées sous l’appellation « type IV » sont divisibles en 4 domaines, dont les deuxième et troisième sont parfois absents : une région élastique linéaire jusqu’à ~ 2 % de déformation ; un seuil de plasticité suivi d’un adoucissement plastique plus ou moins formé ; un quasi-plateau pouvant s’étendre jusqu’à 18 % de déformation ; une reprise de la contrainte quasi-linaire correspondant à un régime linéaire pseudo-élastique. La contrainte à rupture est en moyenne de 650 MPa, la déformation à rupture d’environ 25 % et le module d’Young de 8,5 GPa. Les fibres sont stables dans le temps et on observe même une diminution de la variabilité avec le temps (plusieurs dizaines d’années). Le moulinage des fibres influe peu sur les propriétés mécaniques des fibres avec tout de même une légère diminution du module de Young et de la contrainte à rupture après moulinage. 105 Chapitre 3 – Micro et nano-mécanique de fibres Les tests effectués sur des fibres hydratées montrent que les profils de courbes sont affectés par la disparition de l’adoucissement et de l’écoulement (plateau) plastiques ainsi que par une diminution des contrainte et déformation à rupture. La modification génétique du ver à soie Bombyx mori Nistari polyvoltin par un gène d’araignée ne modifie pas le profil des courbes de contrainte-déformation : les types I, II et IVs sont observés dans les deux cas, avec une majorité de type I. On note toutefois une dispersion moins importante des profils pour la soie de ver modifié. Les propriétés mécaniques ne sont pas améliorées par la modification génétique, qui réduit toutefois leur variabilité. La mécanique est contrôlée par la chaîne amide et non par les greffons d’acides aminés, la modification de la séquence en acides aminés a par conséquent peu d’effet sur les propriétés. Les quelques tests réalisés montrent que le filage « forcé » des vers sous différentes formes n’influence pas les propriétés mécaniques moyennes des fibres par rapport à des cocons de forme traditionnelle. L’étude nano-mécanique permet de mieux comprendre le comportement des fibres à l’échelle macroscopique. Les modes de vibrations internes (de 400 à 3800 cm-1) montrent que les seuils observés sur la courbe de traction macroscopique sont les mêmes qu’à l’échelle nanoscopique, comme cela a été observé pour les polymères synthétiques : au seuil de 2 %, correspondant à la transition du (premier) régime élastique linaire vers le plateau du déroulement des hélices (transition de phase), des chaînes non ordonnnées et du glissement des chaînes (transitions peu énergétiques). Les phénomènes sont majoritairement des variations de rapport d’intensité des bandes qui suggèrent une ré-orientation des groupements chimiques traduisant le déroulement des chaînes des zones amorphes et ordonnées. Les modes de vibration externes se comportent de manière similaire à ce qui a été observé pour le PA 66. Les modes de translation des chaînes macromoléculaires amorphes et ordonnées possèdent le même comportement : ils sont stables dans les régimes élastique linéaire et de plateau puis diminuent dans la zone de reprise de contrainte. Ce résultat suggère une organisation de la soie de Nephila madagascariensis selon le modèle de Prevorsek induisant que les mêmes chaînes appartiennent aux domaines amorphes et ordonnés. Cette diminution du nombre d’onde est attribuée à des transitions énergétiques comme l’ouverture des feuillets β. 106 Chapitre 4 : Du film au composite Leur création par des organismes vivants confère une grande variabilité aux propriétés mécaniques des fibres de soies. Cette grande variabilité conduit à chercher des solutions pour maîtriser ce matériau. Diverses stratégies sont mises en œuvre : 1) la stratégie « biologique » avec la sélection génétique des lignées de vers, 2) les stratégies mixtes avec soit les modifications génétiques des animaux, soit la production bactérienne ou la production par transgénèse et 3) la stratégie « chimique » avec la solubilisation de la fibroïne. Ce dernier procédé de fabrication permet une élimination totale de la séricine, protéine pouvant être à l’origine de réactions inflammatoires ou allergiques, problématiques dans le cas d’applications biomédicales. L’obtention de solutions de fibroïne permet la préparation de matériaux avec différentes morphologies, adaptables aux applications visées. Cependant le processus de dissolution modifie/dégrade les macromolécules et leur organisation ainsi que les propriétés mécaniques de la soie régénérée. Quel que soit l’objet fabriqué, contrainte comme déformation à rupture sont bien inférieures à celles des fibres d’origine (quelques % en contrainte par rapport à la fibre et aucune reproductibilité n’a à ce jour été démontrée). Des films de soie régénérée ont été préparés en faisant varier différents paramètres et caractérisés par traction uni-axiale et spectroscopie vibrationnelle. Ensuite, une amélioration des propriétés mécaniques en traction par l’incorporation de fibres, avec ou sans leur gaine de séricine, sera explorée. Différentes méthodes de fabrication de ces composites ont été testées en incorporant une, six puis des centaines de fibres. 4.1 Films de soie 4.1.1 Procédé de fabrication 4.1.2 Morphologie 4.1.3 Structure, organisation et propriétés mécaniques 4.2 Composites 4.2.1 Composites mono-renforts 4.2.2 Composites hexa-renforts 4.2.3 Composites unidirectionnels Conclusions 107 Chapitre 4 – Du film au composite 4.1 Films de soie 4.1.1 Procédé de fabrication La première étape de mise en œuvre de la soie de ver à soie consiste à éliminer la séricine (« décreusage ») en plaçant les cocons dans une solution de Na2CO3 à 4 g/L sous agitation pendant 1h30 (Figure 4.1 et Annexe B). Les films de soie sont obtenus par solubilisation des fibres en milieu ionique fort grâce à une solution de LiBr à 9 mol/L portée à une température d’environ 45°C pendant 1h30. La solution de fibroïne obtenue est dialysée pendant 20 h (dialyses successives, détails en Annexe B) avec une membrane de porosité adaptée aux macromolécules de 10 à 35 103 Dalton afin d’éliminer les ions. Dans ces conditions, le pH des solutions de fibroïne obtenues est d’environ 6,5. Une filtration de la solution peut alors être effectuée avec des filtres présentant une porosité de 5, 0,8, 0,65 ou 0,22 µm. Par évaporation, la solution de fibroïne forme spontanément des films. Avant dépôt et évaporation, la solution peut être acidifiée en ajoutant une solution d’HCl. Le séchage peut être effectué à l’air libre ou en contrôlant l’humidité. Après évaporation, les films peuvent être re-solubilisés dans de l’éthanol ou du méthanol (80 % en volume). De nouveaux films sont obtenus après séchage à l’air à température ambiante (Figure 4.2). Séricine 1. Solubilisation 0. Décreusage Na2CO3 4 g/ L ~95°C Cocons LiBr 9 mol/ L 45°C Fibres de fibroïne Porosité 25-30 Å 2. Dialyse 0,22 ; 0, 65 ; 0,8 ou 5 µm LiBr (3. Filtration) Solution de fibroïne 4. Evaporation 1 mm Film de fibroïne régénérée Concentration ~ 17 g/L A l’air ou en boîte à gants À Tamb ou 60 °C Figure 4.1 : Synoptique de la préparation de films de fibroïne. Variation du pH ↘ pH Evaporation HCl A l’air ou en boîte à gants Solution de fibroïne pH = 6,5 Solution de fibroïne pH = 3,7 Film pH = 3,7 Ajout CH3OH ou C2H5OH Solubilisation dans des solvants + Evaporation A l’air 1 cm Film de fibroïne Film traité au méthanol Figure 4.2 : Traitements des films par variation du pH et solubilisation dans des solvants organiques. 108 Du film au composite - Chapitre 4 Lors de la formation des films, la solution de soie est évaporée dans des boîtes à échantillon en polystyrène cristal (3,7x2,3 cm). Diverses méthodes sont utilisées pour influer sur la/les structure(s) secondaire(s). L’ajout de solvants organiques possédant une faible constante diélectrique [Chen et al. 2001], comme le méthanol, l’éthanol ou le dioxane [Canetti et al. 1989; Kweon et al. 2000; Chen et al. 2001; Nam et Park 2001; Sofia et al. 2001; Kino et al. 2006; Jiang et al. 2007; Lawrence et al. 2010; Lu et al. 2010; Yin et al. 2010] est utilisé pour induire des changements de structures secondaires mais aussi pour contracter les films (en enlevant l’eau) et les rendre insolubles dans l’eau. D’autres méthodes, notamment la variation du pH [Ayub et al. 1993] ou des changement de températures [Freddi et al. 1995] et de l’humidité relative [Lawrence et al. 2010] lors du séchage sont utilisées pour changer l’organisation de la fibroïne. Dans la plupart des études, le but poursuivi est de se rapprocher de la structure secondaire de la fibroïne de la fibre, en espérant retrouver ses propriétés mécaniques et physiques (insolubilité dans l’eau par exemple). Afin de moduler/optimiser les propriétés du film, les paramètres physico-chimiques tenus pour importants seront étudiés dans ce travail : la re-solubilisation dans le méthanol et l’éthanol, l’acidification ainsi que la filtration des solutions avec des filtres possédant différentes porosités. En outre, deux conditions d’évaporation seront utilisées : à l’air ou en boîte à gants sous humidité contrôlée. 4.1.2 Morphologie 4.1.2a Films de fibroïne Dans un premier temps, les films ont été préparés sans filtration, par évaporation à l’air de la solution à température ambiante. Au niveau macroscopique, ces films présentent de nombreux défauts et hétérogénéités qui peuvent êtres dus à des impuretés présentes dans les fibres de fibroïne avant solubilisation (provenant de la chrysalide), à une précipitation des protéines lors de la dialyse (au fur et à mesure de l’élimination du LiBr), et/ou à des poussières reçues lors de l’évaporation. L’observation au microscope optique des films (Figure 4.3) montre un contraste optique très variable laissant penser à une persistance d’amas de fibrilles de plusieurs centimètres de longueur. Certains de ces films, après évaporation, ont été re-solubilisés dans des alcoools (méthanol, l’éthanol) (Figure 4.4). Suite à l’évaporation de ces solvants, au niveau macroscopique, les films sont gondolés, comme s’ils s’étaient contractés de façon hétérogène. L’observation microscopique montre encore la présence d’agrégats ainsi que de nombreuses microfissures. Ces films étant très cassants, il n’a pas été possible de les tester en traction uni-axiale. Le fait que les films soient cassants est attribué à un départ plus important d’eau lors de l’évaporation des solvants et à des micro-fissurations. Les films obtenus par évaporation, à l’air ou en boîte à gant, après dialyse au travers de membranes NadirMD (Roth) et filtration de la solution sont présentés Figure 4.5. Le nombre de défauts est considérablement diminué et le contraste optique plus homogène. La filtration permet d’éliminer les plus grosses impuretés et d’augmenter l’homogénéité. L’analyse Raman des résidus de filtration montre la présence de fibroïne. On a donc une perte des macromolécules les plus grandes et/ou agrégées. Des tests ont été menés pour comprendre l’influence du pH de la solution. Avant évaporation, le pH initialement de 6,5 est abaissé à la valeur souhaitée (3,5) par ajout d’une 109 Chapitre 4 – Du film au compo omposite solution d’acide chlorhydrique drique. Par observation microscopique, on cons constate que l’état de surface des films obtenus,, que ce soit par évaporation à l’air ou en boîte îte à ggant, n’est plus lisse mais présente de nombreuses euses iirrégularités (Figure 4.6). L’évaporation en bo boîte à gants permet un contrôle de l’humiditéé relative relat par absorption de l’eau via la présence nce d d’une large quantité de P2O5 en poudre dans laa boîte (cependant, le milieu est très acide). Parfois, un produitit géla gélatineux se forme lors de la dialyse ou lors d’une d conservation prolongée des solutions à 4°C. Dans la littérature, plusieurs hypothèses es ont été proposées : la gélification serait attribuéee à la formation de structures β dans la solution tion de fibroïne [Ayub et al. 1993], la fibroïne s’assembla semblant d’abord en nanoparticules de 10 nm, m, puis pui en microsphères de taille supérieure à 1 µm [Lu et al. 2011]. Plusieurs études démontrent trent que q le gel se forme spontanément plusieurs jours après la préparation de la solution. Divers Diverses méthodes sont utilisées pour accélérer le processus proce : l’augmentation de la température [Kang [Kan et al. 2000; Kim et al. 2004], la diminutionn du pH p [Ayub et al. 1993; Kang et al. 2000;; Kim et al. 2004], l’ajout de polyéthylène glycol [Kang et al. 2000; Kim et al. 2004], l’agitation (sonicat onication) [Rockwood et al. 2011] ou l’application d’un ccourant [Lu et al. 2011; Rockwood et al. 2011]. 2011 Dans notre cas, l’obtention de gel lors dee la dialyse di s’est produite uniquement en été, é, lais laissant penser que la température en est responsable nsable. Après séchage de ce gel, un réseau 3D de fibrilles se forme (Figure 4.7). Figur 4.3 : Film non filtré (pH = 6,5) séché à l’air. Figure Figure 4.4 : Films non filtrés fil pH = 6,5 séchés à l’air, re-solubilisés dans du méthanol méth (gauche) et de l’éthanol (droite). 110 Du film au composite - Chapitre 4 1 cm 1 cm Figure 4.5 : Films filtrés pH = 6,5 séchés à l’air (gauche) et en boîte à gants (droite). Figure 4.6 : Films filtrés pH = 3,7 séchés à l’air (gauche) et en boîte à gants (droite). Figure 4.7 : Gel de fibroïne séché à l’air. Les épaisseurs des films varient en fonction de la concentration et du volume de solution de fibroïne versé avant évaporation. Les volumes typiquement versés sont de 1, 2 et 3 mL, pour des concentrations variant entre 15 et 30 g/L. Les épaisseurs varient entre 9 et 86 µm et sont en moyenne d’une vingtaine de micromètres (Figure 4.8). 111 Chapitre 4 – Du film au composite Epaisseur / µm 80 60 40 20 0 10 20 30 40 50 60 Echantillon Figure 4.8 : Courbe de dispersion des épaisseurs de films. 4.1.2b Films de spidroïne La procédure de solubilisation de la fibroïne a été reprise (Figure 4.9) pour préparer des films de soie d’araignée (Figure 4.1 et Annexe B), mais sans étape de décreusage, les fibres de soie d’araignée étant dépourvues de grès. Deux séries ont été préparées : avec et sans filtration. Les films non filtrés présentent de nombreuses hétérogénéités ainsi que de nombreuses fissures. Ils sont très cassants, il a été impossible de tester leurs propriétés mécaniques. Après filtration à 0,8 µm, la densité d’hétérogénéités est considérablement diminuée mais reste tout de même importante. L’épaisseur des films étant très faible en raison de la faible quantité de fibres dissoutes (la quantité disponible est limitée), il n’a pas été possible de les décoller de leur support pour des tests de traction uni-axiale. Figure 4.9 : Films de soie de Nephila madagascariensis préparés avec une solution non filtrée (gauche) et une solution filtrée (droite). Morphologie hétérogène de tous les types de films de soie. 112 Du film au composite - Chapitre 4 4.1.3 Structure, organisation et propriétés mécaniques 4.1.3a Films de fibroïne La Figure 4.10 présente le diffractogramme d’un film de fibroïne préparé avec une solution non filtré et re-solubilisé dans du méthanol. Alors que les fibres présentent une organisation à courte distance (Chapitre II, Figure 2.22) les films ont un caractère très amorphe. On distingue cependant quelques pics de faible intensité à 0,45, 0,73 et 0,86 nm aussi présents pour les fibres, en accord avec la détection d’amas « fibreux » en microscopie optique (Figure 4.3). 0,86 nm 0,73 nm Intensité 0,45 nm 10 20 30 40 50 2 théta / ° Figure 4.10 : Diagramme de diffraction X d’un film de fibroïne re-solubilisé dans du méthanol. Dans la littérature, les films de fibroïne présentent des diagrammes de diffraction X dont l’allure est similaire à ceux obtenus pour le cocon ou les fibres décreusées présentés dans le Chapitre 2. On observe un large pic possédant au moins deux maxima vers 20 et 25 ° [Lv et al. 2005; Hu et al. 2006; Jiang et al. 2007; Wei et al. 2012] ou un large pic asymétrique [Nam et Park 2001; Yuan et al. 2010]. Ces deux pics sont attribués, selon les auteurs, à des « cristaux » en feuillets β antiparallèles (silk II) ou à une structure amorphe (silk I). Selon les mêmes auteurs, la re-solubilisation dans le méthanol, parce qu’elle conduit à un affinement de ces pics, permettrait de passer d’une structure en pelote statistique à une structure cristalline en feuillets β [Nam et Park 2001; Jiang et al. 2007]. Dans ce travail, les films re-solubilisés dans le méthanol, supposés plus cristallins, présentaient pourtant un diffractogramme montrant un caractère amorphe. Les analyses n’ont donc pas été poursuivies sur les autres types de films. Caractère amorphe des films obtenus même après re-solubilisation dans le méthanol. La Figure 4.11 présente les spectres infrarouge, obtenus par réflexion totale atténuée avec une pointe en germanium, pour différents films de fibroïne : le premier obtenu avec une solution non filtrée, le second avec une solution filtrée (5 µm) et les deux autres avec une 113 Chapitre 4 – Du film au composite solution non filtrée et re-solubilisés dans une solution aqueuse d’éthanol et de méthanol (80 % en volume). 1652 2888 1536 1628 Absorbance 1530 1238 1515 1638 1448 1263 1410 1104 1335 1169 1235 976 2935 3079 2978 2878 Film re-solubilisé dans le méthanol 1069 1168 Film re-solubilisé dans l'éthanol 1452 1381 1056 1014 3278 1238 946 2936 1385 1058 1017 Film filtré (5 µm) 1172 2926 2852 1000 3072 1500 3075 Film non filtré 3000 Nombre d'onde / cm 3500 4000 -1 Figure 4.11 : Spectres IRTF-ATR de films de fibroïne normalisés par rapport à l’intensité de la bande amide I. Les spectres de films obtenus avec les solutions filtrées et non filtrées sont semblables avec quelques différences dans la zone 1000 à 1100 cm-1 attribuée aux vibrations de déformation des C-H et une bande supplémentaire à 2852 cm-1 attribuée aux vibrations d’élongations C-H. La filtration engendre la perte des agrégats de plus grande taille contenant certainement les motifs de répétition de polyalanine-glycine. Les films réalisés avec des solutions non filtrées et re-solubilisés dans des alcools possèdent des spectres éloignés de celui d’origine. De nombreuses régions spectrales sont concernées, en particulier les régions de déformation (1000 à 1100 cm-1) et d’élongation (2800 à 3000 cm-1) C-H, les bandes amides I (~ 1640 cm-1), II (~ 1530 cm-1) et III (~ 1235 cm-1) et la région d’élongation des N-H et O-H (3100 à 3700 cm-1). Pour mieux caractériser ces changements, des décompositions spectrales ont été réalisées dans les régions amide I (Figure 4.12a) et d’élongation des N-H et O-H (Figure 4.12b) en utilisant les mêmes procédures que pour les fibres (paragraphe 2.2.2). Les pourcentages de chaque composante par rapport à la somme des aires de toutes les composantes présentes dans la région amide I (Tableau 4.1) sont quasiment identiques entre films obtenus avec des solutions filtrées ou non, cependant la présence d’eau, dont les bandes de vibration se situent dans la même région, pourrait fausser ce résultat. Le spectre du film re-solubilisé dans l’éthanol possède un très fort élargissement de la bande amide I montrant une distribution plus étendue des différents types de structures secondaires, la structure dominante restant les feuillets β (1625 cm-1) [Gruger et al. 1994; Barth et Zscherp 2002]. L’élargissement de la bande amide I est plus faible et la composante dominante est située à 1644 cm-1 pour le film re-solubilisé dans le méthanol, elle peut être 114 Du film au composite - Chapitre 4 Fibre Bmd Fibre Bmd Film re-solubilisé dans le méthanol Film re-solubilisé dans le méthanol Film re-solubilisé dans l'éthanol Film re-solubilisé dans l'éthanol Absorbance Absorbance attribuée aux hélices α [Barth et Zscherp 2002] mais elle est plus souvent assignées aux structures non ordonnées (pelote statistique) [Heimburg et Marsh 1993; Barth et Zscherp 2002; Ordonez et al. 2011]. La proportion d’hélices α, situées à 1662 cm-1, est supérieure dans le cas des films re-solubilisés dans l’alcool (~ 20 % contre ~ 16 %) alors que certains auteurs semblent observer un pourcentage croissant de feuillets β suite à une re-solubilisation dans un solution aqueuse de méthanol à 15 % (pourcentage volumique) [Nam et Park 2001], 50 % [Jin et al. 2005] ou 70 % éthanol/30 % D2O [Chen et al. 2001] ; cependant leurs films avant re-solubilisation dans l’alcool possédaient une structure majoritaire désordonnée ou en hélices α. Film filtré (5 µm) Film filtré (5 µm) Film non filtré 1600 (a) 1650 Film non filtré 1700 Nombre d'onde / cm 3150 -1 (b) 3300 3450 3600 Nombre d'onde / cm -1 Figure 4.12 : Décomposition spectrale des spectres IRTF-ATR (a) de la région amide I (1590 à 1720 cm ) et (b) de la région N-H/O-H (3125 à 3675 cm ). -1 -1 Structure secondaire Feuillets β Nombre d’onde (cm-1) 1696 Film non filtré (%) 4,2 Film filtré (5 µm) (%) 4,5 Film re-solubilisé dans l'éthanol (%) 8,9 Film re-solubilisé dans le méthanol (%) 6,4 Coudes 1678 7,8 9,6 16,0 12,4 Hélices α 1662 15,8 16,3 21,6 19,3 Désordonné 1644 30,2 30,0 18,6 28,8 Feuillets β 1625 32,7 32,4 27,3 27,6 - 1600 9,3 7,3 7,5 5,4 Tableau 4.1 : Evolution de l’aire (%) des différentes composantes IRTF-ATR dans la région amide I pour les différents films. 115 Chapitre 4 – Du film au composite La composante attribuée aux vibrations d’élongations N-H est obtenue à 3287 cm-1 dans le cas des films re-solublisés dans l’alcool et à 3275 cm-1 pour les films filtrés ou non (Tableau 4.2). Elle représente ~ 50 % de la bande relative à la région N-H/O-H comme observé pour les fibres. Ce déplacement confirme les différences de structures secondaires, observées grâce à la décomposition de la bande amide I. La position des vibrations d’élongation N-H étant aussi reliée à la force et à la longueur des liaisons H, leurs longueurs seraient plus importantes dans les cas des films re-solubilisés dans des alcools, en raison de la diminution de la proportion de feuillets β et de l’augmentation du pourcentage d’hélices α. Le pourcentage d’eau (élongation O-H à ~ 3490 cm-1) semble être moins important dans le film obtenu avec la solution non filtrée, ce résultat est néanmoins à prendre avec précaution en raison de la subsistance possible d’alcool dans les films. Les bandes N-H sont moins larges dans le cas des films re-solubilisés dans l’alcool. 3488 ; 16,8 (148) Nombre d’onde (cm-1) ; aire (%) (largeur à mi-hauteur (cm-1)) Film re-solubilisé dans Film re-solubilisé dans le Film filtré (5 µm) l'éthanol méthanol 3488 ; 22,5 (156) 3504 ; 21,9 (160) 3491 ; 21,3 (176) 3499 ; 18,4 (160) 3365 ; 21,6 (128) 3366 ; 23,0 (122) 3375 ; 23,5 (130) 3350 ; 22,2 (130) 3376 ; 21,6 (118) 3276 ; 53,0 (102) 3274 ; 47,9 (112) 3286 ; 51,0 (98) 3288 ; 52,5 (74) 3292 ; 50,0 (91) 3200 ; 8,6 (66) 3197 ; 6,7 (66) 3204 ; 3,6 (56) 3215 ; 4,0 (54) 3212 ; 10,0 (75) Film non filtré Fibre Bmd Tableau 4.2 : Evolution de la position (cm ), de l’aire (%) et de la largeur à mi-hauteur (cm ) des différentes composantes IRTF-ATR dans la région N-H/O-H pour les différents films. -1 -1 La spectroscopie IRTF-ATR met en évidence une distribution plus large des structures lors de la re-solubilisation dans les alcools. Films ordonnés et désordonnés – structure locale Différentes procédures ont été explorées pour identifier les paramètres influençant la structure des films. Le principal marqueur du changement d’organisation que nous utiliserons sera la largeur de la bande amide I en Raman (Figures 4.13 et 4.14). Des différences sont visibles entre les signatures Raman des fibres et des films de fibroïne dans la région 600 à 1750 cm-1 (Figure 4.13a). Alors que la largeur des bandes Raman est quasi constante quelle que soit la fibre (~ 23 cm-1 à mi-hauteur pour le mode amide I en position perpendiculaire et 35 cm-1 en position parallèle), de fortes différences sont observées selon les films analysés, avec des largeurs variant entre ~ 20 et 60 cm-1 (Figure 4.13b). Les films peuvent être classés en deux catégories : ceux dont les spectres présentent une bande amide I fine (<40 cm-1) qui possèdent donc une structure locale proche de la fibre que nous appellerons type O (pour « ordonnée ») et ceux qui possèdent une bande amide I large (>40 cm-1), possédant une structure plus « désordonnée », de type D. La Figure 4.15 permet de comparer les spectres Raman de films dont l’évaporation a été réalisée à l’air ou en boîte à gants, à différents pH (6,5 et 3,7). Les spectres sont identiques en tous points (largeurs et positions des bandes), le pH et les conditions d’évaporation n’ont donc pas d’influence sur l’organisation de nos films. La Figure 4.14 regroupe les largeurs à 116 Du film au composite - Chapitre 4 mi-hauteur de la bande amide I en fonction des conditions de préparation des différents films. Pour certains échantillons, la mesure, réalisée en 3 points différents du film, montre l’homogénéité de la largeur de la bande. T Intensité Raman Fibre décreusée Fibre décreusée // Film fibroïne type D Film fibroïne type O 1267 1085 1402 883 942 643 750 1000 1250 1500 1750 -1 (a) Nombre d'onde / cm Intensité Raman T 1500 (b) Fibre décreusée Film fibroïne type D Film fibroïne type O 1600 1700 -1 Nombre d'onde / cm Figure 4.13 : (a) Spectres Raman normalisés par rapport à l’intensité de la bande amide I d’une fibre décreusée en position parallèle et perpendiculaire par rapport à la direction du vecteur champ électrique du laser et de deux films (types O et D) ; (b) détail de la bande amide I. Le seul paramètre permettant d’obtenir des spectres Raman notoirement différents de façcon reproductible est la filtration des solutions avant évaporation. Les films obtenus avec des solutions non filtrées sont les seuls présentant une largeur de la bande amide I inférieure à 40 cm-1 (type O) (Figure 4.14). La filtration est donc un facteur déterminant qui entraîne l’élimination de certains constituants qui permettent, au moins dans la gamme d’épaisseur étudiée, d’obtenir une organisation locale plus proche de celle de la fibre. On observe que la resolubilisation des films possédant une bande amide I déjà fine dans du méthanol ou de l’éthanol n’induit aucun changement sur la bande amide I en Raman (on observe toutefois des différences dans les spectres IR). Contrairement à ce qui est écrit dans la littérature, l’utilisation de solvants et l’acidification de la solution ne modifient pas les signatures vibrationnelles et donc la structure locale de nos films. Dans la littérature, peu de publications précisent l’épaisseur des films produits. Cependant, Jiang et al. [Jiang et al. 2007] ont induit une conformation 117 Chapitre 4 – Du film au composite pH = 3,7 séché en bag pH = 3,7 séché en bag « ordonnée » (déterminée par infrarouge et diffraction de rayons X) pour des films ultrafins de l’ordre de 100 nm, grâce au traitement au méthanol. Une des hypothèses de la faible organisation observée dans notre cas serait liée à l’épaisseur, le rôle de l’épaisseur des films protéiques dans le contrôle de l’organisation des protéines ayant déjà été observé [Noinville et Revault 2006]. La question de savoir si l’effet du substrat n’est pas alors un critère déterminant reste ouverte. 70 60 + CH3OH + C2H5OH Largeur à mi-hauteur bande amide I / cm -1 80 50 40 30 20 10 0 -- 5 µm 0,8 µm Non filtrée 0,65 µm 0,22 µm Filtrée Figure 4.14 : Largeur à mi-hauteur de la bande amide I en Raman en fonction des paramètres de fabrication (sans filtration, filtration à 5, 0,8, 0,65 ou 0,22 µm, re-solubilisation dans l’éthanol ou le méthanol, le pH de la solution et le séchage à l’air ou en boîte à gants (bag) – pour les données où rien n’est spécifié, l’évaporation est effectuée à l’air sans modification du pH (6,5)). D’autres différences sont à noter entre les films et les fibres d’origine. Alors que le spectre Raman d’une fibre est fortement polarisé selon l’orientation du vecteur champ électrique du laser, le spectre des films est quasiment non-polarisé, indiquant une absence d’anisotropie aux échelles (sub)nanométriques. Quel que soit le film, le rapport d’intensité amide I/amide III est égal à ~ 1, alors qu’il est de 2 en position perpendiculaire et 0,5 en position parallèle pour les fibres. Après solubilisation, les chaînes ne s’organisent pas dans une direction préférentielle lors du séchage : les films sont isotropes dans leur plan. Comme mentionné dans le Chapitre II, la bande à ~ 883 cm-1 diminue fortement dans les spectres Raman des films (Figure 4.13a), elle est attribuée à une combinaison de modes d'élongation Cα-C et N-C et associée à des feuillets β orientés dans la polyalanine-glycine. Des changements sont observés dans les zones 926 à 963 cm-1, ~ 1085 à 1100 cm-1 et 1334 cm-1. Pour les films à bande amide I fine, la bande à 925 cm-1 se décompose en deux bandes à 917 et 930 cm-1 ; une bande à 1100 cm-1 apparaît ainsi que des bandes vers 1300, 1308, 1321, 1334 cm-1 tandis que pour les films D à amide I large, la bande à 925 cm-1 est devenue un épaulement sous une large bande à 943 cm-1 ; la bande à 1085 cm-1 disparaît au profit de celle à 1100 cm-1 et, dans la dernière zone, seule la bande à 1334 cm-1 persiste. Toutes ces bandes correspondent à des vibrations de déformation des CH3 (cisaillement et rotation), ce qui montre leur 118 Du film au composite - Chapitre 4 Intensité Raman changement d’environnement et donc un changement de structure des macromolécules dans les films. Pour la bande amide III, les changements sont similaires à ceux de la bande amide I, la largeur à mi-hauteur est quasiment inchangée pour les films de type O et augmente fortement pour les films de type D. Dans la région des modes internes (400 à 3800 cm-1), les films de type D présentent de nombreux élargissement de bandes par rapport à ceux de type O. Ils concernent les bandes amide I (celle qui permet de faire la distinction entre les deux types de films), amide III, à 944 (ρCH3), 853 et 643 cm-1 (Tyr). Ces élargissements sont les preuves d’un matériau peu organisé, majoritairement amorphe. Les modélisations avec le programme Chem 3D [Colomban et al. 2008a] avaient montré que la conformation des chaînes de soie courtes était très dépendante de la nature des groupements terminaux. On peut penser que l’élargissement des modes amide I et III résulte d’une grande distribution de conformation, en relation avec la distribution des longueurs de chaînes courtes. pH = 3,7 séché en bag pH = 3,7 séché à l'air pH = 6,5 séché en bag pH = 6,5 séché à l'air 500 1000 1500 3000 Nombre d'onde / cm 3500 -1 Figure 4.15 : Spectres Raman de films provenant de solutions à pH = 6,5 ou 3,7 filtrées et séchés à l’air en boîte à gants (bag) normalisés par rapport à l’intensité de la bande à 1450 cm . -1 4.1.3b Films de spidroïne La largeur à mi-hauteur de la bande amide I est aussi différente dans les films de Nephila madagascariensis par rapport aux fibres d’origine (Figure 4.16b), mais dans une moindre mesure en comparaison aux variations observées pour les films de fibroïne. Elle est d’environ 28 cm-1 dans la fibre, passe à 37 cm-1 pour le film non filtré (comprable à ceux de Bombyx mori), et atteint 47 cm-1 (~ 55 cm-1 pour ceux de Bm) lorsque le film est produit après une filtration à 0,8 µm de la solution. Pour les films de fibroïne et de spidroïne, si la filtration élimine les impuretés extrinsèques, elle peut aussi éliminer des éléments permettant une structuration plus proche de celle de la fibre. Ce sont sans doute les grandes macromolécules qui gouvernent l’organisation des petites. 119 Chapitre 4 – Du film au composite Intensité Raman T Fibre Nm Fibre Nm // Film spidroïne type D Film spidroïne type O amide I 850 1578 830 750 1000 1250 1500 1750 -1 (a) Nombre d'onde / cm T Intensité Raman Fibre Nm Film spidroïne type D Film spidroïne type O 1500 (b) 1600 1700 -1 Nombre d'onde / cm Figure 4.16 : (a) Spectres Raman normalisés par rapport à l’intensité de la bande amide I d’une fibre de Nm en position parallèle et perpendiculaire par rapport à la direction du vecteur champ électrique du laser et de deux films de Nm (types O et D) ; (b) détail de la bande amide I. La Figure 4.16a montre les spectres des films filtrés (type D) ou non (type O) et de la fibre, de 600 à 1750 cm-1. Le ratio d’intensité amide I/amide III des films de spidroïne est affecté de la même manière que pour ceux de fibroïne, en comparaison à celui des fibres, il est environ égal à 1. Une autre similitude est que les mêmes zones diffèrent entre les films et la fibre, celles relatives aux vibrations de déformations des CH3. Cependant des changements supplémentaires sont à noter, notamment la diminution du rapport I850/I830. Selon Shao et al., qui s’appuient sur les études de Yu et al. [Yu et al. 1973a; Shao et al. 1999], la diminution de ce rapport est liée à une diminution de la force des liaisons hydrogène des groupements hydroxy-phényl des tyrosines et donc à un changement de conformation de feuillets β à hélice α ou pelote statistique. Une bande supplémentaire apparaît à ~ 1578 cm-1 dont l’attribution reste indéterminée. Hétérogénéité structurale des films de spidroïne Dans le Chapitre II, nous avons observé que les spectres Raman des fibres de Bombyx mori et de Nephila madagascariensis possèdent un épaulement à 143 cm-1, qui peut apparaître sous forme de bande intense en certains points d’analyse. Cette bande étant caractéristique des 120 Du film au composite - Chapitre 4 modes collectifs de translation de chaînes ordonnées, ce résultat dévoile la présence de zones ordonnées : des cartographies linéaires le long des fibres montrent une distance moyenne d’environ 60 µm entre ces régions ordonnées. Les spectres des films présentés jusqu’ici (fibroïne et spidroïne) ne présentent pas de bande fine à 143 cm-1, même sous forme d’épaulement (Figure 4.15 et 4.17b à 48 µm). Pour connaître la représentativité de ces quelques mesures, une cartographie a été effectuée le long d’une ligne d’environ 500 µm sur un film de Nm (Figure 4.17). Sur la zone étudiée, on retrouve la présence de la bande à 143 cm-1 mais plus rarement que pour les fibres. Sur 500 µm, elle n’est détectée que trois fois très nettement (à 56, 64 et 134 µm) et trois autres fois sous la forme d’un simple épaulement (à 28, 33 et 96 µm). Pour les fibres, l’épaulement est toujours visible et 7 bandes intenses ont été observées sur une longueur de 500 µm. La présence de bandes ou d’épaulements à 143 cm-1 est concentrée sur une zone de 100 µm sur le film. Sur cette zone, les pics sont distants en moyenne de 21 µm. La taille des domaines apparait quelque peu réduite (1 à 2 µm) par rapport aux fibres (1 à 3 µm). Les zones sont donc plus dispersées mais localisées autour d’un point central. Ceci confirme qu’il y a bel et bien une perte d’organisation dans les films mais que l’organisation y reste hétérogène (de petites zones ordonnées subsistent). 56 28 µm 48 µm 56 µm 143 56 1,0 64 0,5 1,2 µm 0,6 134 0,0 0,4 50 0,2 28 33 52 54 56 58 60 62 Intensité Raman 0,8 -1 Aire de la bande à 143 cm normalisée 1,0 96 0,0 0 100 200 300 400 Point d'analyse le long du film de Nm / µm 100 200 Nombre d'onde / cm -1 (a) (b) Figure 4.17 : a) Variabilité de l’aire de la bande à 143 cm le long d’un film de solution de spidroïne (Nm) filtrée (type D) à 0,8 µm. En insert, zoom sur le pic à 56 µm et b) spectres Raman correspondant pour les points à 28, 48 et 56 µm. -1 4.1.3c Orientation des chaînes dans les films La Figure 4.18 permet de comparer les spectres polarisés des films de fibroïne et de spidroïne de type D. Le film de fibroïne a été analysé en rétrodiffusion sur la surface ainsi que sur la tranche. L’épaisseur du film étant d’environ 20 µm, le volume sondé est réduit pour l’analyse sur la tranche, ce qui engendre un rapport signal sur bruit de moins bonne qualité. Peu de différences sont à noter entre l’analyse de la surface et de la tranche : la bande vers 829 à 851 cm-1 est plus intense en surface, le rapport des intensités des maxima des différentes vibrations associées aux vibrations d’élongation des liaisons C-H (2800 à 3100 cm-1) est différent 121 Chapitre 4 – Du film au composite en VH et HV et les vibrations d’élongation des liaisons N-H (~ 3290 cm-1) sont très intenses sur la tranche, ce qui est en accord avec un film constitué d’un feutre de chaînes macromoléculaires distribuées dans un plan. VV VH HV HH 750 500 1000 1250 1000 1500 1500 Intensité Raman Intensité Raman VV VH HV HH 1750 3000 750 1000 3500 Nombre d'onde / cm 1000 1250 1500 1750 1500 3000 3500 -1 -1 Nombre d'onde / cm (a) (b) Intensité Raman VV VH HV HH 750 500 1000 1250 1000 1500 1500 1750 3000 Nombre d'onde / cm 3500 -1 (c) Figure 4.18 : Spectres Raman polarisés de films (type D) (a) de fibroïne analysé sur la surface, (b) sur la tranche, (c) de spidroïne analysé sur la surface – en insert zoom sur la zone 600 à 1750 cm . -1 Deux types de films : type O obtenu avec des solutions non filtrées (amide I fine) et type D à partir de solutions filtrées (amide I large, chaînes courtes) pour la fibroïne et la spidroïne. Perte d’organisation et hétérogénéité (résidus de zones ordonnées dans les films de spidroïne). 4.1.3d Propriétés en traction uni-axiale des films de fibroïne Seuls les films suffisamment manipulables ont pu être testés, les films de fibroïne re-solubilisés dans le méthanol et l’éthanol étaient trop friables et les films de spidroïne trop fins pour être décollés de leurs supports et donner des échantillons de taille suffisante. La Figure 4.19 permet de comparer les courbes contrainte-déformation obtenues pour différents films : la distribution des caractéristiques mécaniques est large, concernant aussi bien le module de Young initial que la déformation et la contrainte à rupture. Cette très importante variabilité du comportement mécanique des films de soie régénérée avait déjà été observée 122 Du film au composite - Chapitre 4 dans des travaux antérieurs [Hassine 2007; Colomban et al. 2008a; Tiennot et al. 2011], avec des contraintes à rupture variant de quelques MPa à plusieurs dizaines de MPa. Le profil des courbes consiste en un régime élastique linéaire dont le module tangent diminue légèrement avant la rupture fragile. La Figure 4.20 permet de comparer les propriétés mécaniques des films en fonction du pH et des conditions d’évaporation (air ou boîte à gants). Comme en spectroscopie Raman, aucun effet n’est observé, les résultats étant équivalents pour tous les types d’échantillons. Une statistique a été réalisée en classant les échantillons selon la largeur de la bande amide I en Raman (Figure 4.21). De façon inattendue, les films présentant une bande amide I large (~ 60 cm-1), de type D, possèdent des modules de Young et des contraintes à rupture presque 4 fois supérieurs à ceux dont la bande amide I est fine (type O), la déformation à rupture est aussi améliorée. La dispersion des résultats est bien moins importante pour les films de type D, le paramètre de Weibull (k) étant environ deux fois plus grand. Contrairement à ce qui serait attendu, les films ayant une structure locale plus proche de la fibre (type O), possèdent ainsi des propriétés mécaniques inférieures à ceux de type D. On peut penser que l’interpénétration des (longues) macromolécules est difficile dans les films O ou que la filtration élimine les longues chaînes et augmente la proportion de chaînes courtes, pouvant s’interpénétrer ou développer des couplages dans les films de type D, ou que les longues chaînes favorisent du cisaillement local. Dans la littérature, la majorité des études visent des applications biomédicales telles que la réparation tissulaire ou osseuse et les tests mécaniques s’effectuent à l’état hydraté, à 37°C. Il n’est donc pas possible de comparer directement nos valeurs avec ces publications (Chapitre 1, 1.5.2). Lors de précédentes études au laboratoire [Hassine 2007; Tiennot et al. 2011], des résultats comparables aux nôtres avaient été obtenues avec un module de Young également compris entre 1 et 6,5 GPa, une contrainte à rupture entre 7 et 40 MPa et une déformation à rupture de 0,6 à 1 % en moyenne. Contrainte / MPa Films de type O Films de type D n = 16 n = 28 60 40 20 0 0,0 0,5 1,0 1,5 Déformation / % Figure 4.19 : Courbes de contrainte-déformation pour des films de fibroïne de type O et D – Type O : largeur de la bande Raman amide I < 40 cm et type D : largeur de la bande Raman amide I > 40cm , n = nombre de tests. -1 -1 Les propriétés mécaniques de la soie régénérée obtenue par solubilisation sont diminuées, contrainte à la rupture comme allongement, sont bien inférieures à celle des fibres 123 Chapitre 4 – Du film au composite initiales. Pour les meilleurs films (type D), la valeur de la contrainte atteint 10 % de celle des fibres standards, le module de Young est divisé par deux et la déformation à rupture par 20. Par ailleurs, la dispersion est encore plus importante par rapport à celle des fibres (modules de Weibull, k, faibles). La volonté de maîtrise de la dispersion des propriétés des fibres par la régénération de leur soie est donc pour l’instant loin d’être satisfaite. 8 20 6 2 0,0 4 pH = 6,5 air 0 0,5 pH = 3,7 bag 4 pH = 6,5 bag 10 6 pH = 3,7 bag 10 30 1,0 pH = 6,5 bag 12 8 pH = 3,7 air 40 Déformation à rupture / % 14 pH = 6,5 air pH = 3,7 bag pH = 6,5 bag pH = 3,7 air 2 pH = 6,5 air 0 50 pH = 3,7 air 4 16 k 2 1,5 60 k 6 Contrainte à rupture / MPa 8 4 k Module de Young / GPa 10 4 0 Type O Type D 6 40 30 4 20 10 0 2 Type O Type D 6 4 1,0 k 2 1,5 k 2 50 Déformation à rupture / % 4 Contrainte à rupture / MPa 6 k Module de Young / GPa Figure 4.20 : Propriétés mécaniques (module de Young, contrainte et déformation à rupture) des films en fonction du pH de la solution et de l’environnement lors de l’évaporation et paramètres de Weibull (k) associés – air : évaporation à l’air, bag : évaporation en boîte à gants (voir Tableau D.6.6 Annexe D). 2 Type O Type D Figure 4.21 : Propriétés mécaniques (module de Young, contrainte et déformation à rupture) des films en fonction de la largeur de la bande amide I en Raman et paramètres de Weibull (k) associés – Type O : bande Raman amide I < 40 cm et type D : bande Raman amide I > 40cm (voir Tableau D.6.7 Annexe D). -1 -1 Faibles propriétés mécaniques des films de fibroïne par rapport aux fibres. La mise en solution modifie l’organisation des macromolécules et leurs interactions ce qui entraîne un autre type de variabilité. Pas d’effet du pH et des conditions d’évaporation mais effet de la filtration de la solution avant évaporation. Rupture fragile des films de soie. Deux types de films : ceux possédant une structure proche de celle de la fibre (type O) possèdent de moins bonnes propriétés mécaniques que ceux possédant une organisation désordonnée (type D, obtenus avec des solutions filtrées). Ce résultat va à l’encontre de l’idée reçue de se rapprocher de l’organisation de la fibre pour retrouver ses propriétés mécaniques. 124 Du film au composite - Chapitre 4 4.2 Composites L’objectif de la fabrication de composites est d’améliorer les propriétés mécaniques en traction de films de soie régénérée par l’incorporation de fibres de soie, avec ou sans leur gaine de séricine. L’étude s’est faite par étapes successives pour évaluer l’impact de la séricine et du diamètre des fibres : renforcement des films par i) un filament de soie (composites monorenforts), ii) six filaments de soie (composites hexa-renforts) et iii) des centaines de filaments (composites unidirectionnels). La limitation du nombre de fil dans les composites mono-renforts était imposée par les caractéristiques de la (mini)machine de traction (charge maxiale de 100 g). Pour la fabrication des composites mono-renforts ou des composites hexa-renforts, trois méthodes sont utilisées (Figure 4.22 et Annexe B). La première où le renfort (un ou six filaments) est enroulé et tendu sur un support constitué de deux vis et la seconde où ils sont maintenus ensemble dans une boîte à échantillon, sans être tendus, avant que la solution de fibroïne ne soit coulée et évaporée à température ambiante. La troisième et dernière méthode consiste à effectuer plusieurs trempes dans la solution, à intervalles de temps régulier, permettant le séchage de la solution sur les filaments. Pour ces trois méthodes, des fibres de soie décreusées (fibroïne) ainsi que des fibres de bave, bi-fibres entourées de la gaine de séricine sont insérées dans la matrice. Méthode filaments tendus Méthode filaments non tendus Méthode filaments trempés + solution de fibroïne 1 ou 6 filament(s) tendu(s) séchage Vue de dessus Vis Vue de dessus 1 ou 6 filament(s) non tendu (s) + solution de fibroïne Boîte échantillon 1 ou 6 filament(s) trempe Plusieurs x Solution de fibroïne Figure 4.22 : Méthodes de fabrication des composites mono-renforts et composites hexa-renforts. Différents types d’échantillons sont obtenus : le film renforcé avec une fibre (décreusée – C1Bmd) ou une bi-fibre (non décreusée – C1Bm) ainsi que des films renforcés avec six fibres (C6Bmd) ou six bi-fibres (C6Bm), cela avec les filaments tendus, non tendus ou trempés. Les composites sont préparés avec des centaines de fibres décreusées, partiellement ou en totalité. Les composites mono-renforts et composites hexa-renforts filaments tendus et non tendus ont été fabriqués avec des solutions non filtrées alors que les composites et les composites hexarenforts filaments trempés l’on été avec des solutions filtrées. Les géométries simplifiées présentées en Figure 4.23 sont utilisées pour le calcul des propriétés mécaniques. L’observation et les mesures d’épaisseurs montrent que les composites mono-renforts sont deux à six fois plus épais au niveau de la fibre en raison des effets de bords lors du séchage. C’est pourquoi la section est calculée avec une géométrie particulière (Figure 4.23). Pour les fibres trempées, des diamètres équivalents ont été mesurés. Pour les composites (renforcés par centaines de filaments), nous avons tentez de prendre en compte la porosité des échantillons pour le calcul 125 Chapitre 4 – Du film au composite du volume, la porosité ouverte étant déterminée par comparaison des poids à l’état sec et saturé d’eau. Cette estimation est sans doute peu précise. Le nombre de mesures exploitables est faible en comparaison de la quantité d’échantillons préparés. Ce fort taux d’échec provient de la fragilité intrinsèque des films, des défauts engendrés pendant la découpe et du glissement des échantillons dans les mors lors des tests de traction. La Figure 4.24 présente des exemples des échantillons préparés. C1Bm Tendue ou non C6Bm Tendues ou non C1Bmd Tendue ou non C∞Bm C6Bmd C∞Bmd Tendues ou non Figure 4.23 : Représentation schématique des échantillons préparés. Figure 4.24 : Photographies (a) d’un film de fibroïne renforcé par six bi-fibres (C6Bm) tendues, (b) d’un film de fibroïne renforcé par six fibres de fibroïne (C6Bmd) non tendues, (c) d’un film de fibroïne renforcé par 1 bi-fibre (C1Bm) tendue, (d) d’un film de fibroïne renforcé par 1 fibre (C1Bmd) de fibroïne non tendue, (e) de six bi-fibres trempées dans la solution de fibroïne et (f) composite (centaines de fibres). 4.2.1 Composites mono-renforts Les Figures 4.25 et 4.26 regroupent les profils de contrainte-déformation ainsi que les paramètres mécaniques obtenus pour chaque méthode de fabrication. Influence de la méthode de fabrication La méthode consistant à tremper le renfort (une fibre ou une bi-fibre) dans la solution de fibroïne permet de s’assurer que le procédé ne dégrade pas la fibre. Le résultat se situe dans l’intervalle des paramètres classiques de fibres de vers à soie [Dinh 2010]. En effet, pour cette 126 Du film au composite - Chapitre 4 méthode, le pourcentage en masse de fibre étant beaucoup plus élevé que celui du film, le comportement mécanique est semblable à celui d’une fibre. Avec l’incorporation de bi-fibres dans les films (C1Bm), le fait que les fibres soient tendues ou non n’influe pas sur les paramètres mécaniques, on observe néanmoins une dispersion plus importante des modules de Young et des contraintes à rupture dans le cas où les bi-fibres sont non tendues (k ≈ 1). En renforçant le film avec des fibres de fibroïne (C1Bmd), le module de Young et la contrainte ultime sont légèrement supérieurs dans le cas de fibres tendues mais la dispersion est cette fois plus importante. 50 Contrainte / MPa 400 C1Bm Tendue Non tendue Trempée 300 25 n=4 n=4 n=1 0 200 0 1 2 3 2 3 100 0 0 5 10 15 20 Déformation / % 50 Contrainte / MPa 400 C6Bmd Tendue n=9 Non tendue n = 9 300 Trempée n = 1 25 0 200 0 1 100 0 0 5 10 15 20 Déformation / % Figure 4.25 : Influence de la méthode de fabrication et des fibres insérées (décreusées ou non) sur les propriétés mécaniques des composites mono-renforts, en insert, zoom sur les courbes des films renforcés par une fibre ou une bi-fibre – C1Bm : composite mono-renfort, film de fibroïne renforcé par une bi-fibre et bi-fibre trempée dans la solution de fibroïne, C1Bmd : composite mono-renfort, film de fibroïne renforcé par une fibre de fibroïne et fibre trempée dans la solution de fibroïne, n : nombre de tests. Comparaison films/composites mono-renforts Comme expliqué précédemment, les composites mono-renforts ont été fabriqués avec des solutions non filtrées (donc de type O) possédant une bande amide I fine en spectroscopie Raman et ils présentent des propriétés mécaniques plus faibles que ceux dont la bande Raman 127 Chapitre 4 – Du film au composite amide I est large (type D). Si l’on compare les paramètres mécaniques des composites mono-renforts et des films de type O (Figure 4.26), les profils de courbes sont similaires. On observe une nette amélioration du module de Young et de la contrainte qui sont respectivement multipliés par 3 et 2. Cependant, le volume de film étant prédominant, aucune amélioration n’est observée pour la déformation à rupture. La déformation à rupture des films est très faible et elle gouverne a priori celle du composite. Les propriétés mécaniques des composites mono-renforts restent inférieures à celles des films de type D. Effet de la séricine et du diamètre Le renforcement d’un film grâce à un filament (décreusé ou non) permet d’évaluer l’effet de la présence de la séricine. Il a été montré que dans les fils de soie grège, l’enrobage de séricine jouait un rôle significatif sur le comportement mécanique [Jauzein 2010]. 8 6 0 40 30 20 10 0 2 0 C1Bmd Films 16 14 12 14 10 12 8 k 2 C1Bm k 4 6 4 200 2 no ten n du te e n tre due m pé no ten e n du te e n tre due m p Ty ée pe Ty O pe D Films 300 6 4 0 C1Bmd C1Bm Déformation à rupture / % 400 6 1,0 4 0,5 2 0,0 no ten n du te e n tre due m pé no ten e n du te e n tre due m p Ty é e pe Ty O pe D 8 Contrainte à rupture / MPa Films no ten n du te e n tre due m pé no ten e n du te e n tre due m p Ty ée pe Ty O pe D C1Bmd k Module de Young / GPa C1Bm 10 Figure 4.26 : Propriétés mécaniques des composites mono renforts et paramètres de Weibull (k) associés – C1Bm : composite mono-renfort, film de fibroïne renforcé par une bi-fibre, C1Bmd : composite mono-renfort, film de fibroïne renforcé par une fibre de fibroïne, films type O : bande Raman amide I < 40 cm et type D : bande Raman amide I > 40 cm (voir Tableau D.6.8 Annexe D). -1 -1 Les résultats révèlent une contrainte à rupture et un module de Young supérieurs dans le cas où la séricine n’a pas été éliminée ; quant aux déformations, elles sont moins dispersées. On peut attribuer ces améliorations soit au meilleur comportement de l’interface bi-fibre (séricine)/matrice, soit au fait que les filaments avec séricine sont composés de deux fibres jumelées. Le fait qu’aucun effet significatif sur la déformation ne soit observé laisse penser que la séricine a peu d’effet sur l’interface filament-matrice. Cependant, pour les composites monoet hexa-renforts, la déformation de la matrice gouverne la rupture des composites. Pas de dégradation des fibres lorsqu’elles sont trempées dans la solution de fibroïne. Faible influence d’une pré-tension des filaments sur les propriétés mécaniques des mini-composites. Faible influence de la gaine de séricine (comparaison fibre/bi-fibre). 4.2.2 Composites hexa-renforts Les Figures 4.27 et 4.28 regroupent les profils de contrainte-déformation ainsi que les paramètres mécaniques obtenus pour chaque méthode de fabrication. Les résultats en terme de 128 Du film au composite - Chapitre 4 profils de courbes et de propriétés mécaniques sont similaires aux mini-composites, aucune amélioration n’est observée. Les procédés par renforcement d’un grand volume de film par une ou six fibres montrent la prédominance des propriétés mécaniques de la matrice, les fibres ne représentant que quelques pourcent des composites hexa-renforts. 40 400 30 C6Bm Contrainte / MPa 20 n=4 Tendues Non tendues n = 7 10 Trempées n = 16 300 0 0 1 2 3 4 2 3 4 200 100 0 0 10 20 30 Déformation / % 40 30 Contrainte / MPa 400 20 C6Bmd Tendues Trempées 300 n=4 10 n = 20 0 0 1 200 100 0 0 10 20 30 Déformation / % Figure 4.27 : Influence de la méthode de fabrication et des fibres insérées (décreusées ou non) sur les propriétés mécaniques des composites hexa-renforts fibres (C6Bmd) ou bi-fibres (C6Bm), en insert, zoom sur les courbes des films renforcés par six fibres ou bi-fibres - n : nombre de tests. Les profils de courbes des échantillons contenant six fibres ou bi-fibres trempées sont similaires à ceux de fibres ou bi-fibre uniques trempées. Dans le cas des bi-fibres (C6Bm), on observe des courbes de type III avec un premier régime élastique linéaire et une transition lisse vers un quasi-plateau tandis que pour les fibres de fibroïne décreusées (C6Bmd), le comportement majoritaire est de type II avec deux régimes élastiques linéaires suivis d’un quasi-plateau. Le type II semble bien lié à la présence de l’interphase de séricine. La rupture fragile obtenue pour les fibres uniques trempées se transforme en rupture dissipative pour six 129 Chapitre 4 – Du film au composite fibres enrobées, les fibres cassant successivement. Si l’on compare les propriétés mécaniques entre une et six fibres trempées, les contraintes à rupture et les modules de Young diminuent lorsque le nombre de fibres augmente tandis que la déformation à rupture est améliorée. Avec l’étude précédente effectuée sur les fibres et bi-fibres de Bombyx mori [Dinh 2010], il est possible de comparer la dispersion des résultats avec celle des C6. Les modules de Weibull (k) par rapport aux fibres ou bi-fibres sont inférieurs pour les modules de Young et les contraintes à rupture, la dispersion est plus importante pour les C6 car ces deux paramètres sont très dépendants de la proportion en volume de fibres par rapport au volume de film. Les paramètres k sont supérieurs à ceux des fibres ou bi-fibres dans le cas de la déformation à rupture, la dispersion étant moins importante car la déformation est le résultat de la moyenne sur six fibres ou bi-fibres. C6Bmd Films C6Bm 25 6 200 4 2 0 t no end u n te e nd tre ue m pé te e nd tre ue m p Ty é e pe Ty O pe D 0 40 2 20 0 0 C6Bm C6Bmd Films 20 6 15 4 k 2 100 k 4 4 t no end n u te e nd tre ue m pé te e nd tre ue m p Ty ée pe Ty O pe D 6 Déformation à rupture / % 8 2 1 2 0 t no end n u te e nd tre ue m pé te e nd tre ue m p Ty ée pe Ty O pe D C6Bmd Films Contrainte à rupture / MPa C6Bm k Module de Young / GPa 6 Figure 4.28 : Propriétés mécaniques des composites hexa-renforts fibres (Bmd) ou bi-fibres (Bm) et paramètres de Weibull (k) associés – C6Bm : composite hexa-renfort, film de fibroïne renforcé par six bi-fibres, C6Bmd : composite hexa-renfort, film de fibroïne renforcé par six fibres de fibroïne, film type O : largeur de la bande Raman amide I fine et film type D : largeur de la bande Raman amide I large (voir Tableau D.6.10 Annexe D). Pour la méthode de renforcement du film par les filaments tendus ou non, il y a peu d’amélioration par rapport aux propriétés mécaniques des films, le pourcentage en masse de film étant bien supérieur à celui des fibres. La méthode des fibres trempées engendre des profils similaires à ceux des fibres initiales avec cependant une rupture dissipative. 4.2.3 Composites unidirectionnels Sept composites unidirectionnels de dimension 45x45x0,45 mm contenant plusieurs milliers de fibres enrobées dans une matrice de soie régénérée ont été fabriqués selon des conditions de fabrication différentes (Tableau 4.3 et Annexe B). Les paramètres considérés sont la température d’évaporation, le type de fibres (décreusées ou semi-décreusées), la porosité ainsi que le type de film obtenu (avec une bande amide I fine (type O) ou large (type D)). La porosité ouverte des échantillons est déterminée par comparaison des poids à l’état sec et saturé d’eau afin de calculer la section réelle des échantillons, donnée indispensable au calcul de la contrainte. L’écart type sur la porosité est assez important (jusqu’à 23 %) car la porosité n’est 130 Du film au composite - Chapitre 4 pas homogène dans tout le composite. On observe, sur les composites 2 à 7, des zones transparentes plus ou moins grandes où l’on ne discerne plus les fibres de la matrice. Composite Composite Composite Composite Composite Composite Composite 1 2 3 4 5 6 7 Matrice de fibroïne Fibres de Bombyx mori Type D ND Type O ND ND Type D Type D partiellement partiellement décreusées décreusées décreusées décreusées décreusées décreusées décreusées Porosité du composite 70 ± 6 % Température d’évaporation 25°C 45 ± 13 % 40 ± 15 % 20 ± 16 % 40 ± 23 % 50 ± 13 % 40 ± 17 % 25°C 25°C 25°C 60°C 60°C 60°C Tableau 4.3 : Paramètres de fabrication des composites - type O : largeur de la bande Raman amide I fine ou type D large, ND : Non Déterminé. Comportements mécaniques Pour les tests mécaniques, les composites ont été découpés en bandes ayant une largeur allant de 2 à 7 mm et de longueur 35 mm, contenant plusieurs centaines de fibres. La Figure 4.29 présente les résultats des tests de traction et la Figure 4.30 regroupe les propriétés mécaniques des différents composites. Les calculs de contrainte sont effectués à partir de la section « réelle » des échantillons, en tenant compte de leur porosité propre. Lorsque les fibres sont semi-décreusées, on observe une déformation à rupture plus importante. La séricine permet un glissement des fibres dans la matrice, l’interface est plus efficace (interphase plastique ?), ce qui n’avait pas été observé pour les mini-composites. La contrainte est variable quel que soit le composite. Les modules de Young se situent entre 2 et 3 GPa. Les courbes de traction peuvent être décomposées en plusieurs régimes : un premier régime linéaire élastique imposé par les fibres ; un second régime non linéaire dû à la fracturation de la matrice (entraînant une diminution du module tangent) ; un plateau correspondant au glissement des fibres dans la matrice ; la rupture, qui peut-être : nette (fragile) ou s’opérer par paliers successifs (dissipative). Pour les sept composites, on observe un comportement plus ou moins dissipatif : le comportement global est non linéaire. La non linéarité indique une fissuration de la matrice ou de l’interface fibre-matrice. Un phénomène de plasticité n’est pas envisagé car la matrice possède un comportement élastique fragile. Les fibres assurent la résistance du composite, le report de charge de la fibre sur la matrice engendre l’endommagement de celle-ci car elle ne peut pas s'allonger autant que la fibre. Lorsqu'un échantillon comporte des zones transparentes (la matrice et les fibres forment un matériau homogène transparent), la rupture se produit dans les zones « fibreuses » (où l’on discerne à l’œil les fibres de la matrice). Dans ce type de composite, la rupture est nette. 131 Chapitre 4 – Du film au composite Contrainte / MPa 125 Fibres semi-décreusées / Tamb Composite 1 n = 3 Composite 2 n = 7 100 75 50 25 0 0 5 10 15 20 Déformation / % Fibres décreusées / Tamb Fibres décreusées / 60°C 125 Composite 3 Composite 4 100 Composite 5 Composite 6 Composite 7 n=6 Contrainte / MPa Contrainte / MPa 125 n=6 75 50 25 100 n=6 n=8 n=6 75 50 25 0 0 0 5 10 15 20 0 5 10 15 20 Déformation / % Déformation / % Figure 4.29 : Influence de la méthode de fabrication sur les paramètres mécaniques des composites – n = nombre de tests. 4 0 1 2 3 4 5 6 7 0 50 0 2 1 2 3 4 5 6 7 0 15 10 k 2 4 k 2 100 Déformation à rupture / % 4 Contrainte à rupture / MPa 6 k Module de Young / GPa 4 2 5 0 1 2 3 4 5 6 7 Composites Figure 4.30 : Propriétés mécaniques des composites et paramètres de Weibull (k) associés (voir Tableau D.6.9 Annexe D). Un classement des courbes en 3 groupes peut-être effectué selon les régimes qu’elles présentent et la rupture subie (Figure 4.31) : Groupe 1 : présence du second régime non linéaire et rupture fragile ; Groupe 2 : présence du second régime non linéaire et rupture dissipative ; Groupe 3 : absence du second régime non linéaire et rupture dissipative. Le comportement mécanique des composites dépend fortement de la liaison qui s’établit entre fibre et matrice. Un composite ne peut remplir pleinement sa fonction mécanique dissipative que si les charges appliquées au matériau peuvent être transmises de la matrice à la fibre. Un composite optimal nécessite une force de liaison fibre/matrice ni trop forte, ni trop faible. Dans ce cas, il aura un comportement dit pseudo-ductile provenant de la 132 Du film au composite - Chapitre 4 Contrainte / MPa 50 Distribution des groupes / % multi-fissuration progressive de la matrice et du transfert des efforts des zones rompues vers les zones plus rigides. La rigidité du matériau diminue alors progressivement au cours de la sollicitation. Ce type de comportement permet au composite d’avoir un travail de rupture plus élevé que lorsque l’interaction fibre/matrice est trop forte ou trop faible. La rupture ductile est préférable à la rupture nette pour obtenir un effet dissipatif important. De ce point de vue, le profil de contrainte-déformation du groupe 2 correspond aux échantillons que l’on peut qualifier de « bon composites ». Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 40 30 20 10 0 100 Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 75 50 25 0 0 5 10 1 2 3 4 5 6 7 Déformation / % Composite Figure 4.31 : Courbes de contrainte-déformation caractéristiques des trois groupes de composites identifiés. La méthode de fabrication influe sur la distribution des groupes. Tous les composites fabriqués possèdent en plus ou moins grande proportion des courbes appartenant au groupe 2. L’utilisation de fibres semi-décreusées (composites 1 et 2) engendre une majorité de courbes de groupe 2. Si les composites comportent des fibres décreusées et que l’évaporation de la solution s’effectue à température ambiante (composites 3 et 4), les courbes sont distribuées dans les trois groupes avec une majorité de courbes de groupe 2 (50 à 80 % des échantillons). La description du comportement des composites avec fibres décreusées et évaporation à 60°C (composites 5, 6, 7) est plus aléatoire mais ils sont plus susceptibles de montrer des ruptures nettes (groupe 1), en raison d’une plus faible quantité d’eau qui rend la liaison fibre/matrice plus forte. Un nombre plus important d’échantillons est nécessaire pour confirmer ces conclusions. Faciès de rupture Les courbes de traction uni-axiale montrent deux types de ruptures des composites : fragile (nette) ou dissipative (progressive). Les photographies optiques et les clichés de microscopie électronique à balayage (MEB) montrent une prédominance de ruptures franches des fibres dans les composites à rupture fragile alors qu’on observe plutôt des ruptures fibrillaires dans le cas des composites à rupture dissipative (Figure 4.32). L’observation au MEB permet de tirer différents types d’informations complétant l’analyse des courbes de traction : la longueur des fibres sortant de la matrice dans la zone de rupture fibrillaires, les distances entre fissures et la fractographie des fibres. Les observations par microscopie électronique à balayage ont été réalisées sur les composites 1 (groupe 2), 3 (groupe 1) et 5 (groupe 2). Pour le composite 5, on observe la présence de nombreuses fissures matricielles au voisinage de la zone de rupture, perpendiculairement à l’axe de traction (Figure 4.33). Une telle 133 Chapitre 4 – Du film au composite fissuration transverse est en accord avec un report de la charge des fibres vers la matrice. On observe un allongement des fibres plus important que celui de la matrice et le glissement fibre/matrice donne lieu à une rupture dissipative. Figure 4.32 : Faciès de rupture des composites – Photographies par scanner et microscopie électronique à balayage (V = 5 KV, WD = 19 mm) et courbes de contrainte-déformation associées (groupe 1 pour le composite 3 et groupe 2 pour le composite 5). Les composites 1 et 3 ne présentent pas de fissuration matricielle perpendiculairement à l’axe des fibres. La différence d’endommagement du composite 5 peut-être attribuée à la température d’évaporation différente de la matrice, qui a manifestement un effet important sur l’interface fibre-matrice. Lorsque la température d’évaporation est plus élevée, la cohésion est plus importante entres les fibres et la matrice. Les mesures des distances entre les fissures sont en moyenne de 40 µm. Figure 4.33 : Fissures de la matrice proches de la zone de rupture pour le composite 5 (groupe 2). 134 Du film au composite - Chapitre 4 Des mesures de la longueur de fibre de déchaussement des fibres dans la zone de rupture fibrillaire ont été effectuées sur les composites 1 et 5 (Figures 4.34 et 4.35). Les ruptures nettes du composite 3 ne permettaient pas de mesures analogues dans son cas (Figure 4.32). La longueur de déchaussement est en moyenne d’environ 200 µm pour les deux composites. La dispersion est plus étendue dans le composite 5 que dans le 1. (a) (b) Figure 4.34 : Mesures des longueurs de déchaussement dans la zone de rupture fibrillaire – (a) Composite 1, (b) Composite 5 (groupe 2). Composite 1 Composite 5 Longueur de fibres extraites / µm 1000 800 600 400 200 0 10 20 40 60 80 100 Mesures Figure 4.35 : Dispersion des longueurs de fibres sortant de la matrice dans la zone de rupture fibrillaire observées pour les composites 1 et 5. La Figure 4.36 montre une image en MEB du faciès de rupture d’une fibre du composite 1. Il s’agit d’un cas complexe : le point d’initiation se situe en haut à droite de la fibre avec une petite zone de propagation ductile et une grande zone (miroir) de rupture fragile. Ce type de fracture est caractéristique de matériaux homogènes et correspond à ce qui est classiquement obtenu pour les fibres de soie [Jauzein 2010] et de polyamide [Herrera Ramirez 2004]. L’aspect rugueux de la surface de la fibre est attribué aux résidus de matrice de fibroïne ou à la présence de séricine. 135 Chapitre 4 – Du film au composite Figure 4.36 : Faciès de rupture d’une fibre du composite 1 (groupe 2). Tests d’intégrité des fibres insérées Des tests en traction uni-axiale ont été effectués sur des fibres semi-décreusées extraites à la pince avant rupture du composite 1 (Figure 4.37). En comparant les résultats obtenus aux résultats de fibres de Bombyx mori non traitées [Dinh 2010], on observe que les valeurs des propriétés mécaniques sont similaires. L’insertion des fibres dans la matrice de soie régénérée n’altère donc pas leurs propriétés mécaniques, comme déjà montré lors de l’étude des fibres trempées dans la solution de fibroïne (Figure 4.25). Le module de Young est en moyenne de 8 GPa, la déformation à rupture de 16 % et la contrainte ultime de 320 MPa. Contrainte / MPa 400 300 200 100 0 0 5 10 15 20 25 Déformation / % Figure 4.37 : Profil de contrainte-déformation de fibres extraites de la matrice de fibroïne du composite 1. 136 Du film au composite - Chapitre 4 Conclusions L’observation macroscopique et microscopique des films de soie montre une morphologie hétérogène. Cette hétérogénéité est confirmée au niveau structural grâce à l’étude Raman aux faibles nombres d’onde qui montre une variabilité de la bande relative aux vibrations des chaînes à l’état ordonné pour les films de spidroïne. Cependant, les films possèdent majoritairement un caractère amorphe, avéré aussi bien par leur diffractogramme de rayons X que par l’élargissement des bandes Raman par rapport à ceux des fibres. Les films montrent donc une perte d’organisation aux différentes échelles par rapport à la fibre mais l’organisation y reste hétérogène (analyse des bas nombres d’onde des films de spidroïne). Nous avons obtenu deux types de films. Un type O est obtenu avec des solutions non filtrées (bande Raman amide I fine comparable à celle de la fibre) et un type D obtenu avec des solutions filtrées (bande Raman amide I large), sans doute constitué de chaînes courtes. La filtration joue donc un rôle important dans l’organisation finale des films de soie. Contrairement à ce qui était attendu, les films possédant une structure proche de celle de la fibre (type O) possèdent de moins bonnes propriétés mécaniques en traction que ceux possédant une organisation désordonnée (type D, obtenus avec des solutions filtrées). Ce résultat va à l’encontre de l’idée reçue de se rapprocher de l’organisation de la fibre pour retrouver ses propriétés mécaniques. On peut penser que la diminution de la taille des macromolécules suite à la filtration ou la séparation des macromolécules permet un meilleur enchevêtrement, conduisant à une amélioration du comportement mécanique global. Les faibles propriétés mécaniques des films de fibroïne sont confirmées, la maîtrise de la variabilité des propriétés mécaniques des fibres via la régénération sous forme de films n’est donc pas envisageable à l’état actuel des recherches. La mise en solution modifie l’organisation des macromolécules et leur interaction ce qui entraîne un autre type de variabilité. La préparation de composites fibres de soie/matrice de soie régénérée a été menée pour améliorer les propriétés en traction des films et préparer un matériau entièrement constitué de soie utilisable pour des applications biomédicales. La préparation de composites mono-renforts montre la faible influence de la méthode de fabrication entre filament tendu ou non, ainsi que la faible influence de la gaine de séricine (comparaison de l’insertion d’une fibre/bi-fibre). Pour la méthode de renforcement du film par 6 filaments tendus ou non, peu d’amélioration est observée par rapport aux propriétés mécaniques des films, le pourcentage en masse de film étant bien supérieur à celui des fibres. La méthode des fibres trempées engendre des profils similaires à ceux des fibres d’origine avec une rupture dissipative, ce qui montre l’intégrité des fibres. L’incorporation de centaines de fibres dans le film mène à des résultats variables selon la méthode de fabrication. Pour tous les composites, le paramètre amélioré par rapport aux films est la déformation à rupture (proche de 100 %). Les composites présentant les meilleures propriétés mécaniques sont ceux fabriqués avec des fibres décreusées et une évaporation à 60°C. Cependant, les composites réalisés avec les fibres semi-décreusées montrent un « meilleur comportement composite » au niveau des courbes de contrainte-déformation, avec une diminution de la rigidité du matériau progressive au cours de la sollicitation et une rupture dissipative. Certains paramètres restent à optimiser, des séries de composites à base de fibres semi-décreusées et une matrice préparée par évaporation à 60°C pourraient améliorer les propiétés. 137 Chapitre 4 – Du film au composite 138 Conclusions et perspectives La compréhension des mécanismes de formation des fibres de soie et de leur structure est essentielle pour tirer le meilleur parti possible de leurs propriétés en fonction des procédés de mise en œuvre des soies synthétiques et/ou des matériaux secondaires. Le travail s’inscrit dans la perspective d’analyse d’autres biomatériaux à base de fibres protéiques comme le collagène, l’élastine et la kératine. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’organisation de la soie de sa phase « aqueuse » dans la glande de l’animal à la formation de la fibre. Comme précisé dans le Chapitre 1, la majorité des études vibrationnelles effectuées sur les glandes d’animaux fileurs de soie avait porté sur les glandes à l’état sec. Notre démarche a donc été de s’approcher au mieux des conditions in vivo, en analysant la glande de Bombyx mori immédiatement après dissection des vers. L’analyse de la solution de filage en par spectroscopie infrarouge nécessite son extraction de la membrane cellulaire la contenant en évitant la contamination du signal par celui des cellules ou de la séricine (la résolution spatiale est limitée, ~ 20x20 µm²). En outre, même si l’analyse de la glande à l’état hydraté permet de se rapprocher au mieux des conditions de production de la soie, la présence d’eau est gênante pour la bonne interprétation des spectres, les bandes de vibration de l’eau se situant dans la même région spectrale que les marqueurs les plus utilisés pour l’étude des changements d’organisation, les régions amides. La soustraction du signal de l’eau apparaît donc indispensable pour avoir accès à ces modes mais les résultats doivent être interprétés avec prudence. Pour une étude quasi-in vivo, la glande doit être analysée rapidement (< 20 min) pour conserver un matériau pas trop éloigné de son état d’origine. La micro-spectroscopie Raman permet d’analyser les échantillons avec une meilleure résolution spatiale (de l’ordre du micron), de s’affranchir du signal de l’eau, beaucoup moins intense qu’en IR et d’être certain de ne pas être face à une contamination due à la séricine (résonante du fait de sa pigmentation). La diffusion Raman a permis de mettre en évidence un changement d’organisation entre les parties médianes Mid1 et Mid2 de la glande. Ce résultat est en accord avec les études antérieures montrant des différences de concentration en fibroïne et en Ca2+ et la diminution du pH entre ces deux zones. Le rôle déterminant de la filière a été mis en évidence par les deux méthodes d’analyse vibrationnelle. En effet, elles permettent toutes deux d’observer des changements d’organisations entre la fibroïne simplement séchée (glande) et celle filée et séchée (fibre). 139 Conclusion et perspectives L’étude morphologique des différents échantillons de soie, provenant de vers à soie Bombyx mori, de Bombyx mori Nistari et de son homologue génétiquement modifié, de l’araignée Nephila madagascariensis et de la soie recombinante 4RepCT, met en avant la présence de défauts et d’hétérogénéités pour tous les types de fibres. De par leur biosynthèse, les baves de vers à soie possèdent une géométrie compliquée (2 fibres de fibroïne de section à peu près triangulaire entourées d’une gaine de séricine), leur section est variable et difficile à mesurer précisemment car leur observation par microscopie est problématique. Les fibres de Nephila madagascariensis possèdent la morphologie la plus homogène avec une section circulaire et sont plus simples à étudier que celles de Bombyx mori, qui nécessitent une opération de décreusage pouvant induire des modifications de la surface de la fibre. L’analyse thermogravimétrique des fibres a montré la présence de deux types d’eau : essentiellement une eau physisorbée (quelques %), faiblement liée, et une autre plus fortement liée intercalée (~ 0,5 %) entre les macromolécules. La quantité totale supérieure d’eau présente dans les fibres de Nephila madagascariensis (4 à 5 %) (contre 3 % pour celles de Bombyx mori) pourrait être une des causes de la déformation à rupture plus importante pour les fibres d’araignée que pour celles de vers à soie. Les modes de vibrations internes (300 à 1800 cm-1) varient peu pour les différentes fibres de soie étudiées. Les faibles changements sont relatifs aux pourcentages variables en acides aminés à la base des soies et certainement à l’ordre dans lequel ils sont enchaînés. L’analyse en spectroscopie Raman, classique pour la détermination de l’orientation des groupements chimiques dans les matériaux polymères, montre que les soies filées sont très anisotropes : le ratio d’intensité IamideI/IamideIII varie de 0,5 à 2 lors de la rotation de 90 ° d’une fibre par rapport au vecteur champ électrique du laser. Au contraire, la soie recombinante 4RepCT, dont les « fibres » (∅ ≈ 80 µm, longueur de quelques cm) sont formées en solution, présente des spectres Raman peu polarisés indiquant une organisation non axiale des chaînes macromoléculaires. Ceci souligne le rôle très important joué par le passage par la filière pour l’organisation finale des chaînes protéiques. La différence d’organisation entre la soie recombinante et les soies filées est aussi observable au niveau des vibrations d’élongation N-H, à 3280 cm-1 dans le cas de la soie recombinante et vers 3285 à 3290 cm-1 pour les soies naturelles. Leur position étant directement reliée à la force des liaisons hydrogène, ces dernières sont un peu plus courtes pour la soie 4RepCT mais dans les deux cas la liaison hydrogène reste faible par rapport à l’énergie kT nécessaire à la formation d’une liaison H et donc ne peut pas déterminer la structure en phase solide. L’analyse en spectroscopie Raman polarisée confirme l’organisation axiale des chaînes protéiques parallèlement à l’axe de la fibre, ainsi que l’isotropie radiale des fibres de Bombyx mori : la fibre de soie est un objet unidimensionnel. Les diffractogrammes RX présentent quelques tâches larges et peu définies, ce qui confirme le caractère quasi-amorphe des fibres et baves de Bombyx mori. La comparaison des diffractogrammes des flotillons (assemblage de fibres grossièrement parallèles) en configurations verticale et horizontale confirment le caractère très anisotrope des fibres. En spectroscopie vibrationnelle, les modes de bas nombres d’ondes dépendent de l’organisation à longue distance, c'est-à-dire de la position relative des chaînes polyamides et sont peu étudiés pour les protéines. Lors de cartographies le long des fibres, une bande plus ou 140 Conclusion et perspectives moins intense a été observée à 143 cm-1. Une grande variabilité a été observée au niveau de l’intensité de cette bande de vibration attribuée aux translations des chaînes macromoléculaires ordonnées (143 cm-1) selon la zone analysée le long des fibres de Nephila madagascariensis et de Bombyx mori. C’est la première fois que l’on met en évidence une telle variabilité du spectre Raman de la soie traduisant une organisation hétérogène le long des fibres. Le constat de la forte hétérogénéité de l’organisation des fibres de soie est en accord avec la variabilité du comportement mécanique en traction uni-axiale des prélévements faits sur une même fibre. En effet, les comportements mécaniques des fibres protéiques ont été classés en cinq types (type I : présence d’un plateau bien défini, type II : deux régimes élastiques linéaires, type III : transition lisse vers un quasi-plateau, type IV : dernier régime de reprise de contrainte et type V : la fibre rompt dans le premier régime élastique). Par micro-spectroscopie Raman des bas nombres d’onde, réalisée avec un objectif x100 et un système de filtres Notch Bragg Grate, on observe des zones ordonnées s’étendant sur 1 à 3 µm et séparées d’environ 60 µm pour les deux soies. La distribution ainsi que la taille de ces zones pourraient être plus précisément décrites grâce à des analyses plus approfondies avec un objectif à plus fort grossissement (objectif x 200), à de la micro-diffraction X ou de la microscopie électronique à transmission (sous réserve que le vide poussé et l’irradiation ne modifient/dégradent pas l’échantillon comme cela a été observé pour les fibres de kératine). La région amide I du spectre Raman est quant à elle peu sensible aux changements d’organisation observés aux bas nombres d’onde. Ce résultat remet en cause les conclusions se basant uniquement sur l’analyse de cette bande pour la détermination de l’organisation des protéines dans les fibres de soie. Pour la première fois, une étude par traction uni-axiale de centaines de fibres de soie d’araignée Nephila madagascariensis a été entreprise pour décrire leur comportement. Parmi les 245 essais réalisés, environ 200 ont été exploitables. L’analyse des profils de courbes de contrainte-déformation montre, comme attendu, une variabilité des comportements. Le profil de courbes obtenu le plus souvent avait été précédemment nommé type IV dans le cadre d’une étude portant sur un nombre plus réduit de tests. Il présente un régime élastique au-dessous de 2 % de déformation, suivi d’un plateau (pseudo-plastique, transition conformationnelle et glissement) puis d’une augmentation du module tangent apparent (comme pour le durcissement structural des métaux) jusqu’à rupture. Ce profil est obtenu pour des fibres mouillées puis séchées ainsi que pour des polymères semi-cristallins comme le PA66 ou le PET. Grâce à cette étude statistique, nous avons pu mieux décrire le comportement mécanique des fibres de soie d’araignée. Le profil des courbes en contrainte-déformation peut être décomposé en 4 parties dont les deux parties transitoires peuvent ne pas être présentes : une région élastique linéaire jusqu’à ~ 2 % de déformation ; un seuil de plasticité suivi d’un adoucissement plastique plus ou moins formé ; un quasi-plateau pouvant s’étendre de 2 à 18 % de déformation et une reprise de la contrainte quasi-linaire, avec un module tangent environ égal à 3 GPa, correspondant à un régime linéaire pseudo-élastique. Le profil ne montrant pas de plateau a été appelé IVs, et est proche donc du type II. La contrainte à rupture de toutes les fibres testées est en moyenne de 650 MPa, la déformation à rupture d’environ 25 % et le module d’Young de 8,5 GPa. La comparaison des 141 Conclusion et perspectives résultats de fibres âgées de plus de 20 ans et de fibres beaucoup plus fraîches (3 mois) montre que les propriétés des fibres sont stables à ces échelles de temps, avec même une diminution de la variabilité avec l’âge. L’effet du moulinage ou du bobinage des fibres après filage a été évalué. Les précontraintes ont une faible influence sur les propriétés mécaniques, si ce n’est une légère diminution du module de Young et de la contrainte à rupture après moulinage. L’hydratation des fibres est un paramètre important, notamment dans le cas de la soie sauvage qui subit de nombreuses variations d’environnement. Les tests effectués sur des fibres hydratées montrent que les profils de courbes sont affectés. On note en particulier la disparition de l’adoucissement et de l’écoulement (plateau) plastiques ainsi qu’une diminution des contraintes et déformations à rupture comme pour les fibres de kératine, les molécules d’eau insérées entre les chaînes macromoléculaires favorisent leur glissement. La séquence en résidus d’acides aminés de la soie de ver à soie a pû être modifiée par génie génétique pour y insérer des segments propres à l’araignée. Les baves (bi-fibres) obtenues, étudiées par traction uni-axiale, n’avaient pas montré d’amélioration des propriétés mécaniques lors d’études antérieures. Ici, nous nous sommes intéressés à l’étude des fibres modifiées isolées, obtenues après décreusage des cocons. Comme pour les baves, la modification génétique du vers à soie Bombyx mori Nistari polyvoltin ne modifie pas les courbes de contrainte-déformation des fibres lorsqu’on les compare à celles du témoin de la modification. Comme pour l’étude précédente, les courbes ont été classées et ont montré trois types de comportements : I, II et IVs avec une majorité de type I pour les fibres, avec ou sans la modification génétique, et une dispersion moins importante des profils pour la soie de ver modifié. Le profil de type I est caractérisé par un comportement élastique jusqu’à ~ 2 % d’élongation puis un quasi-plateau jusqu’à rupture. Ce type est aussi dominant pour les kératines ainsi que pour les soies fraîches. Les propriétés mécaniques ne sont pas améliorées avec la modification génétique mais leur variabilité est moins importante. En effet, les propriétés mécaniques en traction apparaissent peu dépendentes des greffons de résidus d’acides aminés, ce qui est logique, l’effort de traction étant supporté par la chaîne polyamide ; en outre les séquences introduites sont de petite taille par rapport à la chaîne polyamide. Le filage « forcé » des vers sous différentes formes (« soie conformée »), en d’autres termes une « impression 3D biologique », pourrait servir dans de nombreux domaines : la mode (pour la fabrication de gants sans coutures), l’habitat (qui exploiterait les propriétés optiques de la soie pour la création de luminaires), la cosmétique (en créant des masques de soins personnalisés) ainsi que la santé (pour la création de masques anti-pollution). Les objets ainsi obtenus présentent des domaines où les baves sont organisées parallèlement les unes aux autres et d’autres où elles s’entremêlent. Quelques tests mécaniques ont été réalisés avec ces différentes baves et comparés à ceux effectués sur les baves de cocons classiques. Le résultat montre l’absence d’influence de la forme des objets produits par les vers sur les propriétés mécaniques des baves. Les profils de courbes sont dispersés mais en majorité de types I et II comme pour les cocons de forme ovoïde. Ces résultats sont encourageants pour le développement de matériaux à partir de « soie conformée ». L’analyse des spectres Raman sous déformation contrôlée a été effectuée en enregistrant la totalité du spectre, de 30 à 3800 cm-1. Le temps d’acquisition restant élevé pour les modes de 142 Conclusion et perspectives hauts nombres d’onde, malgré l’utilisation d’un spectromètre très lumineux, la région correspondant à l’élongation des liaisons N-H était trop bruitée et n’a pas été exploitée dans ce travail. Contrairement à ce qui a été publié par certains dans la littérature pour la soie d’araignée de Nephila edulis et celle de Bombyx mori, aucun déplacement significatif des modes de vibrations internes n’a été observé pour la soie de Nephila madgascariensis sous traction, ce qui laisse penser que l’effet était dû à un échauffement de l’échantillon). Cependant, des variations d’intensité de certaines bandes ont été obtenues, notamment le rapport IamideI/IamideIII, qui décroit fortement dans le premier régime élastique linaire. Ces variations suggèrent une perte d’orientation des groupements chimiques (C-N, C=O, CH3, etc.) par rapport à l’axe de la fibre en raison de l’alignement des chaînes. Le même comportement avait été observé précédemment au niveau des vibrations d’élongation N-H avec une augmentation du nombre d’onde dans le premier régime élastique puis une stabilisation. Une attention particulière a été portée aux modes de vibrations externes, aux très bas nombres d’onde, qui sondent les l’organisation à grande échelle. On a pu observer que les modes de translation des chaînes macromoléculaires amorphes et ordonnées possèdent le même comportement : la position des bandes est stable dans le régime élastique linaire et le plateau puis se déplace vers les bas nombres d’onde dans la zone de reprise de contrainte. Ce résultat est en accord avec une organisation de la soie de Nephila madagascariensis selon le modèle de Prevorsek, où une même chaîne macromoléculaire appartient à la fois aux domaines amorphes et ordonnés, comme observé pour les fibres de Bombyx mori et de PA 66 synthétique. Suite aux analyses micro- et nano-mécaniques, les phénomènes se produisant lors de l’étirement de la fibre de Nephila madagascariensis peuvent être schématisés de la façon suivante : 2 Modèle initial : C 1 Changements d’orientation (alignement / blocage des chaînes) : 3 0 600 -2 1 400 ∆ν143 / cm N 800 -1 Contrainte / MPa 0 O 200 -4 2 2 Transitions peu énergétiques : 00 0 10 20 30 40 Déformation / % 3 Glissements Transitions Déroulement des hélices brins β chaînes désordonnées Transitions énergétiques : Ouverture des feuillets β Etat initial (0) : les fibres seraient composées de différentes « conformations » liées les unes aux autres : chaînes amorphes, brins β (chaînes détwistées), hélices α et feuillets β. Les zones les plus ordonnées (feuillets et/ou hélices) seraient dispersées le long de la fibre (distance moyenne 143 Conclusion et perspectives 60 µm) et de taille variable (2 à 3 µm). Selon les attributions classiques des composantes de la bande amide I, les feuillets β apparaissent majoritaires et alignés avec l’axe de la fibre, les autres structures sont peu visibles. Régime élastique (1) : l’ensemble des liaisons atomiques est en tension et seuls les rapports de polarisation sont modifiés montrant une perte de l’anisotropie imposée par la filière. Lors de l’étirement de la fibre, après le régime élastique linéaire de la courbe de contrainte-déformation, la contribution Raman polarisée des liaisons C=O et C-N devient équivalente (IamideI/IamideIII ≈ 1) et les bandes amides I et III s’élargissent. Ces phénomènes sont a priori plutôt attribuables à un changement d’orientation des tenseurs associés aux groupements C=O et C-N qu’à un changement de conformation, comme observé lors de la rotation de la fibre par rapport au vecteur champ électrique du laser (c’est à dire des feuillets β, des hélices et des chaînes désordonnées). Régime de plateau (2) : pouvant être absent des courbes pour des prélévements d’une même fibre, est dû à des transitions peu énergétiques, tel que le glissement de chaînes les unes sur les autres, le déroulement des chaînes désordonnées ou la transition des hélices α en brins β, comme observé dans la kératine. L’absence du plateau suggérerait le non déroulement des hélices, leur faible présence dans le segment de fibre testé ou un blocage des zones désordonnées. Reprise de contrainte (3) : ce dernier régime serait attribué à la sollicitation des zones les plus ordonnées (ouverture des feuillets β) ou des zones les plus denses, appuyé sur le déplacement des modes de bas nombres d’onde dans ce régime de traction (courbes en pointillés gris et vert clair), jusqu’à rupture. La dernière partie de ce travail a été consacrée à l’étude de la fibroïne régénérée sous forme de films renforcés ou non par des fibres de soie (composites soie/soie). Deux types de films ont été fabriqués. Ceux de type O (ordonné), obtenus avec des solutions non filtrées (bande amide I fine en Raman) ont une signature spectrale et donc une organisation plus proche de celle de la fibre que ceux de type D (désordonnés) préparés à partir de solutions filtrées (bande amide I large). Nous avons pu montrer que la filtration joue un rôle important dans la structure des films de soie. Contrairement à ce qui aurait pu être attendu, les films possédant une structure proche de celle de la fibre (type O) possèdent des propriétés mécaniques 2 à 5 fois inférieures à ceux possédant une organisation désordonnée (type D), sans doute du fait d’une meilleure interpénétration des microfibrilles. Ce résultat va à l’encontre de l’idée simple de se rapprocher de l’organisation de la fibre pour retrouver de bonnes propriétés mécaniques. La filtration élimine les plus grosses fibrilles/agrégats, lesquels créraient de nombreux défauts dans les films mais joueraient un rôle dans l’organisation des plus petites entités. L’hétérogénéité des films aux niveaux macroscopique et microscopique a été confirmée au niveau structural par l’étude Raman dans la région des bas nombres d’onde. Comme dans le cas des fibres, des hétérogénéités spectrales (présence ou non de la bande à 143 cm-1 associée aux translations des chaînes ordonnées) ont été observées. Néanmoins, les zones ordonnées semblent très localisées et les films possèdent majoritairement un caractère amorphe, comme le confirment la diffraction des rayons X et l’élargissement des bandes Raman des modes internes, en comparaison des fibres. Les propriétés mécaniques (contrainte 144 Conclusion et perspectives et déformation à rupture) de nos films de fibroïne n’atteignent que quelques % de celles des fibres. La maîtrise de la variabilité des propriétés mécaniques des fibres via la régénération sous forme de films n’est pas envisageable dans l’état actuel du savoir-faire. La mise en solution modifie l’organisation des macromolécules et leur interaction, ce qui entraîne un autre type de variabilité. Une meilleure compréhension de la structure des fibres est nécessaire pour une meilleure maîtrise de la soie régénérée. Pour pallier la variabilité et les faibles propriétés mécaniques des films, des essais ont été menés sur la fabrication de composites fibres de soie/matrice de soie régénérée. Les tests préliminaires ont consisté en la préparation de composites mono-renforts (1 fibre ou bi-fibre) et en un renforcement des films par 6 fibres ou bi-fibres. La non dégradation des fibres insérées a été confirmée par les tests mécaniques effectués sur les fibres trempées ainsi que sur celles extraites directement des composites. Pour ces mini-composites, la méthode de fabrication (filament tendu ou non) et la présence de la gaine de séricine (comparaison de l’insertion d’une fibre/bi-fibre) influence peu les résultats. Au contraire, l’incorporation de centaines de fibres dans le film mène à des résultats variables selon la méthode de fabrication. Deux paramètres principaux ont été testés, le type de surface des fibres utilisées (décreusées ou semi-décreusées, c'est-à-dire saus ou avec une gaine de séricine) et la température d’évaporation de la phase aqueuse (à l’ambiante ou à 60°C). Pour tous les composites, les principaux paramètres améliorés par rapport aux films sont la déformation à rupture (accrue de 85 %) et le travail de rupture. Les profils de contrainte-déformation contiennent tous un premier régime élastique linéaire et ont été classés en trois groupes : - Groupe 1 : présence d’un second régime non linéaire et rupture fragile ; - Groupe 2 : présence du second régime non linéaire et rupture dissipative ; - Groupe 3 : absence du second régime non linéaire et rupture dissipative. Le type de profil de contrainte-déformation correspondant au groupe 2 est préférable pour qualifier les objets fabriqués de « bons » composites. Les meilleures propriétés mécaniques nominales sont obtenues avec des fibres décreusées et une évaporation à 60°C. Cependant, les composites réalisés avec les fibres semi-décreusées montrent un « meilleur » comportement composite lorsque l’on regarde le profil des courbes de contrainte-déformation, avec une diminution de la rigidité du matériau progressive au cours de la sollicitation et une rupture dissipative (groupe 2). De nombreux paramètres restent à optimiser, des composites préparés avec des fibres semi-décreusées et une évaporation à 60°C pourraient éclairer davantage sur la méthode de fabrication conduisant au meilleur composite. Les nombreuses informations pouvant être extraites de la microanalyse Raman, y compris en milieu aqueux, sur l’organisation et le comportement mécanique de la soie devrait permettre d’appliquer cette démarche à d’autres biomatériaux comme la soie recombinante 4RepCT, la cellulose, les ligaments, etc, en milieu sec ou hydraté. 145 Conclusion et perspectives 146 Annexe A : Corpus d’échantillons A.1. Ver à soie – Bombyx mori A.2. Araignée – Nephila madagascariensis A.3. Bactéries - Escherichia Coli 147 Annexe A - Corpus d’échantillon A.1. Ver à soie – Bombyx mori Les vers à soie provenant de l’ancienne unité séricicole nationale (UNS) de l’INRA ont été reçus au laboratoire dans leur cinquième stade larvaire, accompagnés de feuilles de murier qui constituent leur unique alimentation. A la fin du 5ème âge larvaire, les vers cessent de se nourrir, vident leur tube digestif, et cherchent un espace propice à l’ancrage et au filage du cocon. Lorsqu’ils commencent à filer, de la soie fraîche peut-être extraite manuellement et les vers sont disséqués pour extraire leurs glandes. Figure A.1.1 : Ver à soie Bombyx Mori prêt à filer. Les vers possèdent deux glandes symétriques sous leur tube digestif. Pour les extraire, deux méthodes peuvent être utilisées : La première consiste à découper la tête du ver à l’aide d’un scalpel puis à effectuer une pression à partir de la partie inférieure de l’abdomen en remontant de manière à extraire les glandes. La deuxième commence en plaçant le ver dans un récipient rempli d’eau distillée, il se met alors en état de narcose (il est « endormi »). Il est ensuite transféré dans un récipient contenant un fond de paraffine (environ 2 à 3 cm) au dessus duquel se trouve environ 1 cm d’eau. Une aiguille est placée au niveau de la tête et une autre au niveau de la partie inférieure de l’abdomen. (Figure A.1.2) Le ver est ouvert à l’aide d’une paire de ciseaux en partant de la partie inférieure en remontant vers la partie supérieure de l’abdomen, la peau est écartée avec quatre aiguilles. Enfin, il reste à retirer le canal digestif et à prélever les glandes en coupant préalablement au niveau de la région filière. Figure A.1.2 : Immobilisation du ver pour l’extraction des glandes. 148 Corpus d’échan ’échantillons – Annexe A (a) Glande fraîche (b) Glandes sèches Figure A.1.3 : Glandes et séricine ricine provenant de la paroi de la partie médiane des glandes landes de Bombyx Mori. Lorsque le ver estt arrivé arriv à maturité, il cherche un emplacement ent fav favorable et se met à sécréter la blase. Il établitt ainsi une sorte de réseau lâche et irrégulier qui ui servira ser à suspendre le cocon. Au centre de ce réseau, réseau il délimite un espace ovale à l’intérieur rieur d duquel il demeure enfermé et qu’il filera pendant ndant trois jours [Chancrin 1922]. Il construitit son cocon en réalisant des mouvements en formee de 8 avec un fil ininterrompu d’environ 1000 m de long. (Figure A.1.4) Son fil est composé sé de d deux brins de fibroïne entourés d’une gaine aine de d séricine qui joue le rôle de colle et de protection. on. Figure A.1.4 : Cocons de Bombyx Mori. Les cocons génétiquem tiquement modifiés (Figure A.1.5) ont été fournis fourn par l’UNS. La modification génétique a été réalisée ré en incorporant un segment de « gène type » d’araignée provenant de Nephila clavipes avipes dans le génome de la souche Nistari polyvoltin poly du Bombyx mori. Un vecteur piggyback consistant co en une protéine fluorescente verte et une section de spidroine (MaSp1) [SQGAGRG AGRGGQ(GA)2(A)5GGAGQGGYGGLGSQG]19 a été utilisé [Jauzein 2010]. 149 Annexe A - Corpus d’échantillo antillon Figure A.1.5 : Cocons de Bombyx Bom mori Nistari polyvoltin génétiquement modifié ifié et de ver témoin. En vue d’applications, ions, (Figure A.1.6) les vers sont contraints de file filer à plat. Lorsqu’ils ont terminé de produire leur blase, bl ils sont déplacés sur des surfaces nee leur permettant pas de s’accrocher. Ces surfacess sont des céramiques planes ou incurvées de d différentes tailles et formes placées en hauteur ur sur su de longues tiges. Un ou plusieurs vers sont so placés sur ces supports, ils filent de l’extérieur térieur vers l’intérieur et une fois le filage terminé, miné, ils se transforment en chrysalides puis en papillon pillon [Hardy 2013]. (a) Cocons plats Nistarii fabriqué fabriq par un ver (Cp_N1) (b) Cocons plats Nistarii fabriqué fabriq par un ver (Cp_N2) (b) Cocon plat fabriquéé par 5 vers (Cp_5v) (c) Cocons bombé fabriqu abriqué par un ver Fig Figure A.1.6 : Cocons plats de Bombyx Mori. 150 Corpus d’échantillons – Annexe A A.2. Araignée– Nephila madagascariensis Contrairement aux vers à soie domestiqués depuis des siècles, l‘araignée est sauvage. Les araignées Nephila madagascariensis sont récoltées dans la nature dans la région d’Antananarivo (Madagascar), la soie est tirée manuellement puis les araignées sont relâchées. La captivité d’araignées nécessiterait une mise en place onéreuse d’équipements en raison du cannibalisme. La Figure A.2.1 montre l’attitude habituelle de l’araignée Nephila madagascariensis qui est caractérisée par le fait qu’elle se tient sur sa toile, la tête en bas, les pattes largement étalées. Figure A.2.1 : Nephila Madagascariensis. A la différence de celles du ver, les fibres de soie d’araignée sont composée d’une seule protéine appelée spidroïne. Les araignées possèdent six ou sept glandes, chacune produisant des fibres différentes. (Tableau A.2.1) Les filières, tubes microscopiques provenant de glandes, sont classées en ampullacées majeure et mineure. Le terme « ampulla » est utilisé pour décrire la partie distale de la zone de secrétion [Saravanan 2006]. Soie Glande Fil de trame Visqueuse Majeur ampullacée Flabelliforme Filière utilisée Antérieure/ Médiane Postérieure Collante Agrégée Postérieure Mineure Cocon Mineure ampullacée Cylindrique Enveloppante Aciniforme Antérieure/ Médiane Médiane/Pos térieure Médiane/Pos térieure Attache Piriforme Antérieure Fonction Composition en acides aminés Cadre, rayons, fil de survie Capture des proies, spirale collante Capture des proies, attache Cadre Gly (37%), Ala (18%), petites chaînes (62%), polaires (26%) Gly (44%), Pro (21%), petites chaînes (56%), polaires (17%) Reproduction Enveloppement des proies capturées Attache Gly (14%), Pro (11%), petites chaînes (27%), polaires (49%) Gly (43%), Ala (37%), petites chaînes (85%), polaires (26%) Ser (28%), Ala (24%), petites chaînes (61%), polaires (50%) Ser (15%), Gly (13%), Ala (11%), petites chaînes (40%), polaires (47%) Ser (15%), chaînes (32%), polaires (58%) Tableau A.2.1 : Types de glandes, soies et leurs fonctions [Saravanan 2006]. La soie communément étudiée est le fil de trame. (Figure A.2.2) 151 Annexe A - Corpus d’échantillo antillon Figure A.2.2 : Fil de trame de l’araignée [Gosline et al. 1999]. 1999] L’étude des fils dee soie d’araignée pose un certain nombre dee difficultés diff notamment parce que leur diamètre est sou ouvent inférieur à 10 µm. Isolés, ils sont très ès difficilement diff visibles à l’œil nu, mais il demeure possible possib de les manipuler grâce à la réflexion de la lumière. Les fibres de Nephila madagascariensis possèdent p une couleur jaune intense pouvant uvant être assimilée à la couleur de l’or. Dans cette étude, trois types pes de fibres de soie, fil de trame, de Nephila la Mad Madagascariensis sont caractérisées : an » âgées de plus de 20 ans - Nm : fibres de soie « ancienne - Nmf : fibres « fraiches iches » obtenues en 2012 âgées d’environ 3 mois - Nmfnm : fibres « fraîches fraîch » obtenues en 2013 non moulinées (mouliner signifie réunir et tordre tord ensemble plusieurs fils). (a) Soie d’araignée ancienn ncienne (Nm) (b) Soie d’araignée née fraîche fra (Nmf) Figure re A.2.3 A.2 : Soies de Nephila Madagascariensis moulinées. Figure A.2.4 : Soie de d Nephila Madagascariensis fraîche non moulinée (Nmfnm). 152 Corpus d’échantillons – Annexe A A.3. Bactéries - Escherichia Coli La protéine de soie d'araignée recombinante 4RepCT a été produite dans Escherichia coli par deux laboratoires de l’Université suédoise des Sciences de l’Agriculture [Stark et al. 2007]. Brièvement, la protéine fusion his6Trxhis6-4RepCT a été produite dans E. coli BL21 (DE3) (Merck Biosciences). Les cellules ont été cultivées à 30 ° C dans du milieu Luria-Bertani à une OD600 de 1 à 1,5, induite avec de l'IPTG, et incubées pendant 4 heures à 20 ° C. La fraction soluble du lysat a été mise sur une colonne Ni-NTA, les protéines liées ont été lavées et éluées avec de l'imidazole dans une solution tampon contenant 20 mM de Tris-HCl (pH 8,0) et dialysées contre 20 mM de Tris-HCl (pH 8,0). Les protéines 4RepCT ont été libérées de la his6Trxhis6-tags par clivage protéolytique et purifiées sur une deuxième colonne de Ni-NTA. L'écoulement continu contenant les protéines 4RepCT a été recueilli dans un tube qui a ensuite été remué délicatement d’un côté à l'autre, à une concentration en protéine de 1 mg/ml, ce qui a pour effet de former spontanément des fibres mascroscopiques. Les fibres sont ensuite stérilisées par autoclavage pendant 15 min à 121 ° C dans l'eau distillée, à 2,8 bars. La séquence primaire de la protéine se compose de 267 acides aminés : GSGNSGIQGQ GGYGGLGQGG YGQGAGSSAA AAAAAAAAAA GGQGGQGQGG YGQGSGGSAA AAAAAAAAAA AAAGRGQGGY GQGSGGNAAA AAAAAAAAAA AAGQGGQGGY GRQSQGAGSA AAAAAAAAAA AAAGSGQGGY GGQGQGGYGQ SSASASAAAS AASTVANSVS RLSSPSAVSR VSSAVSSLVS NGQVNMAALP NITSNISSSV SASAPGASGC EVIVQALLEV ITALVQIVSS SSVGYINPSA VNQITNVVAN AMAQVMG Figure A.3.1 : Fibre de soie recombinante sèche (gauche) et en solution (droite). 153 Annexe A - Corpus d’échantillon 154 Annexe B : Synthèse – Préparation d’échantillons B.1. Du cocon à la fibre B.2. Préparation des films B.3. Préparation des composites B.3.1. Film renforcé par 1 ou 6 fibre(s) B.3.2. Composites à forte densité de fibres 155 Synthèse – Préparation d’échan ’échantillons - Annexe B Différents types d’échan ’échantillons peuvent être obtenus à partir dess cocon cocons de ver à soie, le schéma ci-dessous résume les étapes é d’obtention des différents échantillons. Procédé industriel 1 cm Solubilisation Organsin Dévidage Solution (fibroïne) Solubilisation + évaporation Décreusage 1 cm Flotillon (fibroïne + trace de séricine) Décreusage Bmd (fibroïne) Cocon (Bm) + Film (fibroïne) ou 1 cm Composite (fibre de soie + fibroïne régénérée) (fibres En laboratoire Figur B.0 : Schéma d’obtention des échantillons. Figure B.1. Du cocon à laa fibre Le décreusage dee la so soie consiste à recueillir les fibres de fibroïne broïne en éliminant leur gaine de séricine qui est soluble dans l’eau. Les cocons sont laissés à l’étuve à 100 °C pendant environ 1h pour éliminer l’eau qui pourrait être absorbée et on mesure alors la masse réelle des cocons. Celle-ci peut varier ier ent entre 0,26 g et 0,36 g par cocon avec une quant quantité d’eau d’environ 7 % en masse. La séricine ne est dissoute en plaçant les cocons dans 200 mL m de solution de Na2CO3 à 4 g/L sous agitation on pendant 1h30 à 95 °C (Figure B.1.1),, l’ajout l’ajou de carbonate de sodium permet un décreusage eusage plus rapide que dans de l’eau seule. Les es fibres de fibroïne obtenues sont abondamment ent ri rincées à l’eau distillée pour éliminer les éventuelles évent traces de sel et de séricine. Les fibres décre décreusées sont séchées 12 h à température ambi ambiante. La masse de fibroïne obtenue correspond ond à ~ 77 % de la masse du cocon sec. (Figures B.1.1 B.1 et B.1.2) Figure B.1.1 : Décreusage et cocon décreusé de Bombyx Mori (Bmd). d) 1 cm 1 cm Figure B.1.2 : Cocons décreusés és de vers génétiquement modifiés et de vers témoins de la modification m (OGM et OGMt). 156 Annexe B – Synthèse – Préparation d’échantillons Le flotillon provient du dévidage du cocon et enroulement du fil. Pour cela, les cocons sont mis à tremper dans de l’eau portée à 100°C, ce qui à pour effet de dissoudre en partie la séricine et de les dérouler. Il permet de mesurer la longueur du fil (entre 300 et 1500 m), c’est la première étape dans les procédés industriels. (Figure B.1.3) Le dévidage conduit à un décreusage partiel des fibres. Figure B.1.3 : Flotillon. L’organsin est le fil de chaîne utilisé pour tisser les étoffes. Il s’agit de 2 ou plusieurs fils de soie grège tordus individuellement de droite à gauche et tordus à nouveau, mais cette fois de gauche à droite. (Figure B.1.4) 1 cm Figure B.1.4 : Organsin. B.2. Préparation des films Pour solubiliser les fibres de fibroïne de Bombyx Mori, il faut en premier lieu effectuer un décreusage des cocons (B.1.). Lors d’une deuxième étape, la solubilisation de la fibroïne est effectuée dans une solution de LiBr à 9 mol/L portée à une température d’environ 45°C pendant 1h30. (Figure B.2.1a) (a) Solubilisation de la fibroïne dans une solution de (b) Dialyse LiBr 9 mol/L Figure B.2.1 : Préparation des solutions de fibroïne. La solution est dialysée pendant 20 h avec une membrane NadirMD (Roth) dont la porosité est adaptée aux macromolécules de 10 à 20 103 Dalton. On élimine ainsi le bromure de lithium (Figure B.2.1b). Le bain de dialyse est changé trois fois à intervalle d’une heure, laissé une nuit entière et changé le lendemain (1h). On obtient une solution très légèrement laiteuse à environ 157 Synthèse – Préparation d’échantillons - Annexe B 17 g/L de fibroïne (la concentration a été estimée après évaporation par pesée des films formés). Parfois un gel se forme. Le pH de la solution obtenue est d’environ 6,5. Une filtration de la solution peut-être effectuée avec des filtres de 5, 0,8 ou 0,22 µm. Les films sont obtenus en laissant évaporer 1, 2 ou 3 mL de solution à l’air à température ambiante pendant 48h dans des boîtes à échantillon en polystyrène cristal (3,7x2,3 cm). L’épaisseur obtenue en un cycle d’évaporation varie entre 15 et 85 µm selon la concentration initiale de solution et le volume. On peut faire varier le pH de la solution avant évaporation en ajoutant une solution d’HCl. Après évaporation, les films peuvent être solubilisés dans de l’éthanol ou du méthanol. De nouveaux films sont obtenus après séchage à l’air et à température ambiante. Le même protocole est utilisé pour l’obtention de films de soie de Nephila madagascariensis. Lors de la mise en solution dans le LiBr, les fibres se dissolvent peu à peu et la solution prend une teinte orange foncée, avec la présence de petites fibrilles et d’impuretés noires. (Figure B2.2a) Après la première dialyse, la solution devient jaune clair, l’eau de la première dialyse l’est aussi. (Figure B2.2b) Elle est ensuite filtrée à 5 puis à 0,8 µm. (a) Solubilisation de spidroïne dans une solution de (b) Dialyse LiBr 9 mol/L Figure B.2.2 : Préparation des solutions de spidroïne. B.3. Préparation des composites Les différents composites étudiés ont été préparés par incorporation quasi-uniaxiale de 1, 6 ou de centaines de fibres, décreusées ou non, dans une matrice de fibroïne. Nous distingueront le film renforcé avec une fibre (C1Bmd) ou une bifibre (C1Bm) (bave avec gaine originale de séricine) ainsi que des films renforcés avec 6 fibres (C6Bmd) ou 6 bifibres (C6Bm) ; les composites incorporant des centaines de fibres sont préparés avec des flotillons. B.3.1. Film renforcé par 1 ou 6 fibre(s) Les fibres, décreusées ou non, sont enroulées et tendues sur un support constitué de deux vis fixées parallèlement grâce à une plaque métallique à leurs extrémités pour qu’elles soient en contact avec le fond de la boîte à échantillon. Les fibres sont enroulées entre les deux vis, avec une distance entre chaque portion de fibre d’environ 0,5 à 1 cm pour les C1 et 1,5 cm pour les C6. La solution de fibroïne est coulée et séchée à l’air à température ambiante pour former le film. (Figures B.3.1.1 et B.3.1.2) 158 Annexe B – Synthèse – Préparation d’échantillons Figure B.3.1.1 : Montage C1 fibres tendues. Figure B.3.1.2 : Montage C6 fibres tendues. Une autre méthode consiste à maintenir les fibres sans les tendres complètements dans le film. Les fibres sont attachées à chaque extrémités avec du ruban adhésif et maintenues à l’aide de pinces. Le centre des fibres est immergé dans la solution de fibroïne contenue dans une boîte à échantillon. (a) (b) Figure B.3.1.3 : Montage C6 fibres « non tendues » ; vues de dessus (a) et de profil (b). Une dernière méthode consiste à tremper 6 fibres ou bifibres dans une solution-gel placée dans une seringue en plastique coupée en deux dans le sens de la longueur. Les fibres sont maintenues entre deux morceaux de ruban adhésif. Deux trempes sont effectuées avec quelques heures de séchage entre les deux. Le séchage est effectué en suspendant les échantillons. La même méthode est réalisée pour des séries de 1 fibre ou bifibre. Cinq trempes sont effectuées à plusieurs heures d’intervalle dans une solution de fibroïne (liquide) placée dans un couvercle à échantillon et laissée à l’air dans le but qu’elle se concentre et adhère mieux aux fibres. B.3.2. Composites à forte densité de fibres Comme pour les C1 et C6, la préparation des composites commence par la mise en place des fibres. Celle-ci s’effectue dans un moule en téflon constitué d’une plaque plane et d’une seconde plaque plus épaisse, ayant plusieurs ouvertures de forme carrée de 4,5 cm de côté. Les deux plaques sont percées en de multiples endroits dans le but de les assembler, grâce à des vis. Des fibres de flotillon semi-décreusées sont séparées grâce à un peigne, celles qui sont décreusées sont utilisées telles quelles. Elles sont ensuite « tendues » entre deux morceaux de ruban adhésif double face sur la partie plane du moule en téflon, recouvert préalablement d’un papier film polymère transparent. (Figures B.3.1.1a) Un joint en caoutchouc est placé par159 Synthèse – Préparation d’échan ’échantillons - Annexe B dessus (Figure B.3.1.1b) puis la seconde partie du moule en téflon est st fixé avec plusieurs vis. (Figure B.3.1.1c) Figure B.3.2.1 : Montage du moule. Plusieurs recouvrement ements par une solution de fibroïne de 1 à 5 mL (4 à 8 fois) sont effectués, le nombre de recouvrement recouv dépendant de la concentration de la solution qui varie entre 16 et 30 g/L. L’évaporat aporation peut se faire à l’air à température ambiante ambia ou à l’étuve à 60°C. Parfois, la solution n prend pren une teinte brune pendant l’évaporation. ation. (Figures B.3.2.2 à B.3.2.8) Pour les composites tes 2 à 7, pour obtenir des composites moins poreux poreu avec une surface plane, après l’avant dernier ier rec recouvrement de 1 mL, un papier transparent arent est appliqué sur le composite et recouvert d’un ’un poids poi pendant l’évaporation. Figure igure B.3.2.2 B : Composite 1 (c, b, a) vu des deux faces. Figu B.3.2.3 : Composite 5 vu des deux faces. Figure 160 Annexe B – Synthèse – Préparation d’échantillons Figure B.3.2.4 : Composite 3 vu des deux faces. Figure B.3.2.5 : Composite 2 vu des deux faces. Figure B.3.2.6 : Composite 4 vu des deux faces. Figure B.3.2.7 : Composite 6 vu des deux faces. Figure B.3.2.8 : Composite 7 vu des deux faces. 161 Synthèse – Préparation d’échantillons - Annexe B 162 Annexe C : Microscopie optique C.1. Instrument C.2. Mesures des diamètres des fibres/des largeurs des films et des composites 163 Annexe C – Microscopie optique C.1. Instrument L’Olympus BX 51 est un microscope optique avec polariseur, équipé de 5 objectifs achromatiques plans (x5, x10, x20, x50 et x100). Il est doté d’une caméra CCD ColorView III permettant l’observation en champ clair (brightfield/BF), champ sombre (darkfield/DF), contraste de phase, contraste interférentiel, bright fluorescence et polarisation avec une résolution de 2576 x 1932 pixels. C.2. Mesures des diamètres des fibres/des largeurs des films et des composites Les mesures de diamètres sont réalisées grâce au logiciel Analysis. Les fibres sont observées avec un objectif x100, l’image obtenue fait apparaître un segment de fibre d’environ 140 µm. Le focus est réalisé de manière à ce que les contours de la fibre soient nets. Figure C.2.1 : Focalisation pour mesure de diamètre de fibre de Nephila avec l’objectif x100. Un zoom à 150% est réalisé puis grâce à l’outil layer tickness measurement du logiciel Analysis, les contours du segment de fibre sont tracés (border 1 + border 2) et 140 mesures différentes du diamètre sont effectuées automatiquement. Figure C.2.2 : Tracé des contours de la fibre avec l’outil layer tickness mesurement. 164 Microscopie optique– Annexe C Figure C.2.3 : Observation des 140 mesures de diamètres. Le logiciel génère une feuille de calcul contenant les résultats ainsi qu’une statistique sur les mesures. Figure C.2.4 : Statistique obtenue sur les 140 mesures de diamètres. Ceci est effectué sur 3 zones de chaque segment de fibre de longueur de jauge 30 mm. Pour les mesures de largeurs des films et des composites, les échantillons sont posés sur une mire et le focus est réalisé avec l’objectif x5. Le focus est fait en alternance sur les deux bords de l’échantillon et sur la mire, ce qui permet de mesurer les largeurs. L’opération est répétée 3 fois à différents endroits de chaque échantillon. 165 Annexe C – Microscopie optique 166 Annexe D : Traction uniaxiale D.1. Principe D.2. Préparation des échantillons D.3. Instruments D.4. Traitements des données D.5. Statistique de Weibull D.6 Tableaux de résultats 167 Traction uni-axiale – Annexe D D.1. Principe Un essai de traction uni-axial (ou encore essai de traction monotone, essai de traction simple) est l’essai le plus couramment pratiqué, car le plus simple, pour déterminer les caractéristiques mécaniques élastiques, plastiques et ductiles des matériaux. Cette expérience consiste à soumettre une éprouvette à une charge uni-axiale jusqu’à rupture, et à enregistrer simultanément pendant l’essai la charge et l’allongement de l’éprouvette. L’essai de traction doit être pratiqué à vitesse constante. Avant tout essai de traction, il est nécessaire de mesurer précisément les dimensions de le l’éprouvette. On désigne par : • L0 (mm), la longueur initiale de référence, • S0 (mm²), l’aire de la section initiale de l’éprouvette. Les essais de traction doivent être exploités de manière à fournir les grandeurs caractéristiques du matériau. Les données obtenues sont la charge F (ou force appliquée) et l’allongement ∆L de la longueur initiale L0 de l’éprouvette. Ces données sont exploitées pour être présentées en courbe conventionnelle de contrainte : σ = F/S0 exprimée en Pascal (Pa) en fonction de la déformation : ε = ∆L/L0 sans unité (exprimée en pourcentage dans le manuscrit) La courbe obtenue possède la même forme que la courbe de charge-allongement, seules les unités sur les axes changent. L’aire sous la courbe représente l’énergie dissipée par l’éprouvette lors de la rupture. Un autre paramètre étudié est le module de Young (E) ou module d’élasticité (longitudinal), il caractérise la rigidité souplesse d’un matériau élastique. Il est donné par la pente initiale de la courbe de contrainte-déformation (Figure D.1.0) et suit la loi de Hooke : σ = Eε E s’exprime en Pa Le module de Young est un paramètre intrinsèque au matériau, il peut évoluer en fonction de la température et de la pression. Rupture Contrainte (MPa) 800 600 Module de Young 400 200 Energie de rupture 0 0 10 20 30 40 Déformation (%) Figure D.1.1 : Courbe de contrainte-déformation pour une fibre de Nephila madagascariensis. 168 Annexe D – Traction uni-axiale D.2. Préparation des échantillons Pour les films et composites, étant donné les tailles et formes des échantillons obtenus, une découpe est nécessaire. Les premiers films ont été découpés à l’aide l’un scalpel équipé de deux lames séparées de 2 mm. Par la suite, les découpes des films et composites ont été effectuées grâce à une petite paire de ciseaux de couture car le double scalpel engendrait un nombre plus élevé de défauts. Pour une manipulation plus facile et pour ne pas engendrer de défauts supplémentaires, les fibres, films et composites sont placés dans un support en papier bristol et fixés grâce à de la colle néoprène avant d’être tirés (Figure D.2.1). Le séchage de la colle est effectué pendant au moins 24 h avant l’essai. De plus, cette protection permet de diminuer la contrainte de cisaillement dans les mors et d’éviter une rupture prématurée de l’échantillon. L0 Fibre Figure D.2.1 : Schéma de montage des échantillons dans le support en papier bristol. Pour la détermination de l’aire de la section initiale de l’éprouvette S0, les diamètres de fibres et les largeurs des films et composites sont mesurés au microscope (Annexe C). Les épaisseurs de films et composites sont déterminées grâce à un palmer électronique, trois mesures sont effectuées en différents endroits de l’échantillon. D.3. Instruments Les tests de traction uni-axiale ont été effectués avec deux instruments : Le testeur de fibre universel permet de tester des échantillons de quelques dizaines de micromètres de diamètre ou d’épaisseur. Les fibres (jauge < 30 mm), certains films de faible largueur et l’organsin ont été caractérisés avec cet instrument. Il a été conçu à l’Ecole des Mines de Paris et réalisé par la société Dyspalec (Figure D.3.1). Les tests sont effectués horizontalement, l’échantillon est parallèle au sol. L’instrument est composé d’un mors fixe et d’un mors mobile, la longueur de jauge initiale pouvant être ajustée. Pendant l’essai, un moteur permet de contrôler le déplacement du mors mobile. Le capteur de charge de 1 N et un Linear Variable Differential Transfomer (LVDT) permettent de connaître avec précision la mesure de la charge et du déplacement à chaque instant. La machine peut être contrôlée grâce à un bloc électronique ou par un programme écrit sous Labview [Dinh 2010]. Le bloc électronique permet un contrôle optimal de la charge ou du déplacement en fixant des vitesses, des limites à atteindre, des seuils, etc. Le logiciel permet l’enregistrement des courbes de contrainte-allongement. 169 Traction uni-axiale – Annexe D Mors mobile Mors fixe Bâti Capteur LVDT Chariot mobile Cellule de Charge Moteur Figure D.3.1 : Testeur de fibre universel. L’instron 5565 disponible à l’ESPCI a été utilisé pour tester les composites, les films et les fibres de Nephila madagascariensis possédant une jauge de 100 mm, c'est-à-dire pour des échantillons nécessitants une charge supérieure à 1 N ou un déplacement supérieur à 20 mm. Les tests sont effectués verticalement, l’échantillon est perpendiculaire au sol. L’instrument est composé d’un mors fixe et d’un mors mobile, la longueur de jauge initiale pouvant être ajustée. L’instrument possède deux cellules de charge, 10 N et 100 N (incertitude relative 0,16 % de 0 à 0,1 N) avec une longueur de jauge maximale de 1580 mm. Il est contrôlé par le logiciel Blue Hill. Les paramètres des essais sont listés dans le tableau D.3.1 ci-dessous : Instrument Paramètres Echantillons Jauge (mm) Vitesse (mm/min) Cellule de charge (N) Testeur de fibre universel Instron 5565 Fibres Films Organsin 5-10-30 10-15-20 30 2 1 Fibres Films Composites 100 20 10-15-20-25-35 2 1 10 100 Tableau D.3.1 : Paramètres des essais de traction uni-axiale. D.4. Traitements des données Le traitement des résultats est effectué avec le logiciel Origin.6. Les calculs détaillés en D.1 sont effectués avec l’outil set column value. Pour la détermination du module de Young, il faut : tracer courbe contrainte(MPa) = f(déformation(%), utiliser l’outil data selector pour sélectionner la zone d’intérêt sur la courbe (début de la courbe avec pente linéaire), + dans l’onglet analysis, cliquer sur Fit linear ( = de Young en GPa est obtenue directement en divisant b par 10. ) puis la valeur du module D.5. Statistique de Weibull Lorsque l’on soumet une série de matériaux à des essais mécaniques, on constate : - une dispersion de la contrainte ultime, - une dépendance de la contraint ultime au volume de matière sollicité. 170 Annexe D – Traction uni-axiale En effet, la rupture d’un matériau provient de la propagation d’un défaut préexistant et la taille ou sévérité de ces défauts est distribuée. La statistique de Weibull est un outil pour décrire ce comportement [Weibull 1939; Weibull 1951]. La statistique de Weibull a été utilisée pour analyser des données expérimentales obtenues pour la contrainte ultime σu, la déformation ultime εu et le module de Young E. La fonction de répartition faisant intervenir les deux paramètres de Weibull est : ( ) = 1– {−( ) } (D.5.1) avec x le paramètre mécanique considéré (σu, εu ou E), λ le paramètre d’échelle et k le paramètre de forme. La détermination pratique de k, découlant de l’équation (D.5.1), s’obtient grâce à l’équation : "#(−"#(1 − ( ))) = "# ( ) – "#($) (D.5.2) En traçant ln(-ln(1-F(x))) en fonction de ln (x), on obtient une courbe linéaire de pente k. Les N tests d’une série sont notés xi avec i = 1,2, …, N. A chaque valeur expérimentale xi est associée une probabilité Fi exprimée en fonction de Ni et du nombre total d’échantillons testés [Asloun et al. 1989] : % = &' (D.5.3) &() Par le tracé de l’équation D.5.2, on obtient les valeurs du paramètre de forme k et du paramètre d’échelle λ, on peut alors calculer la médiane et l’écart type de la série de valeurs : *é,% # / 01 12 = $("#2)1/ (D.5.4) 2 1 = $3Г 51 + 2 6 + Г²(1 + ) (D.5.5) où Г est la fonction Gamma : = Г(8) = 9> 1 :)(; :< ,1 (D.5.6) Avec z un nombre complexe avec une partie réelle positive. Si n est entier positif, alors Г(8) = (# − 1) ! (D.5.7) Un programme de statistique de Weibull a été écrit au laboratoire à l’aide du logiciel Labview, permettant d’obtenir des courbes de Weibull et les propriétés statistiques de Weibull [Dinh 2010]. 171 Traction uni-axiale – Annexe D D.6 Tableaux de résultats Propriété Longueur de jauge (mm) Moyenne Ecart type k 5 7,6 1,2 6,2 10 9,7 1 10 30 8,2 1,4 7,1 100 8,5 2,2 3 5 725 116 6,3 10 697 122 6,7 30 689 112 7,3 100 604 69 8,4 5 42,7 14,2 3,2 10 24,5 5,6 5,1 30 28,3 8,1 3,9 100 21,5 6,1 3,1 Module de Young (GPa) Contrainte à rupture (MPa) Déformation à rupture (%) Tableau D.6.1 : Influence de la longueur de jauge sur les propriétés mécaniques des fibres de Nephila madagascariensis – k = paramètre de forme (Weibull). Echantillon NM NMf NM NMf n 24 Diamètre (µm) Type (%) 14 12 21 m 7,40 10,49 σ 1,34 1,36 IV 100 100 100 100 Module de Young (GPa) Contrainte à rupture (MPa) Déformation à rupture (%) m 8,0 10,0 8,6 7,9 σ 0,9 1,3 2,2 1,3 m 688 616 695 651 σ 83 161 143 109 m 28,6 17,8 27,7 33,2 σ 7,8 6,9 8,4 8,4 Tableau D.6.2 : Propriétés mécaniques des fibres de Nephila madagascariensis en fonction du diamètre m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type 172 Annexe D – Traction uni-axiale Echantillon NM NMf NMfnm Traitement - hydratées - - hydratées n 36 6 36 30 9 Diamètre moyen (µm) 8,2 6,13 9,5 8,7 9,1 I - 17 - 13 - II - - - 13 11 IV 100 83 100 74 89 m 8,3 9,4 8,9 10,7 7,7 k 7,1 8,3 5,4 5,6 7 σ 1,35 1 1,4 2,2 1,3 Min 5,7 7,8 6 7,2 6,7 Max 11,3 10,2 16 16,4 9,8 Type (%) Module de Young (GPa) Contrainte ultime (MPa) Déformation ultime (%) m 699 421,3 644 676 523 k 7,3 4,8 5,3 2,4 2,2 σ 112 79 139 310 260 Min 440 323 383 221 190 Max 1004 557 904 1082 744 m 28,4 23,9 26,3 23,1 20,4 k 3,9 2,4 2,4 2,7 1,5 σ 8,1 7,7 12 9 16 Min 14,7 11,5 6,7 8,7 4,5 Max 45,3 33,7 47,7 40 40,7 Tableau D.6.3 : Propriétés mécaniques des fibres de Nephila madagascariensis - k : paramètre de forme ; m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. 173 Traction uni-axiale – Annexe D Echantillon n I II IVs m k Module de Young (GPa) σ Min Max m k Contrainte ultime (MPa) σ Min Max m k Déformation ultime (%) σ Min Max Type (%) OGM t 21 67 19 14 12,7 4,8 3 9 18,7 359 5,7 73 221 514 15,5 2,1 7,8 3,9 21,8 OGM 26 88 8 4 12,2 21,5 1 10,7 13,4 332 9,3 43 270 418 14,1 2,9 5,2 5,8 22,6 Tableau D.6.4 : Propriétés mécaniques des fibres de Bombyx mori Nistari polyvoltin témoin et modifié génétiquement - k : paramètre de forme ; m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. Echantillon Cp_5v_ext Cp_5v_int Cp_N2_ext Cp_N1_int n 4 4 5 5 Diamètre moyen 19,4 19,4 20 25,9 I 50 50 40 60 II - 25 - - III - 25 - - IV 25 - 60 40 V 25 - - - m 4,48 3,65 7,62 4,40 σ 0,97 0,47 1,19 1,28 m 121,7 102,7 234,5 125,8 σ 56,3 27,4 43,3 57,4 m 12,28 16,69 17,97 20,11 σ 8,29 6,78 2,50 11,25 Type (%) Module de Young (Gpa) Contrainte ultime (MPa) Déformation ultime (%) Tableau D.6.5 : Propriétés mécaniques des fibres de cocons plats- Cocon plat 5 vers intérieur et extérieur (Cp_5v_int, Cp_5v_ext) et cocon plat Nistari 1 intérieur (Cp_N1_int) et 2 extérieur (Cp_N2_ext), m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. 174 Annexe D – Traction uni-axiale Echantillon n Module de Young (GPa) Contrainte ultime (MPa) Déformation ultime (%) pH = 6,5 air pH = 3,7 air pH = 6,5 bag pH = 3,7 bag 9 3 5 7 m 4 4,4 4,4 4,3 k 4,5 3,5 9,7 2,4 σ 1 1,4 0,5 1,9 Min 2,9 3,4 3,8 2,1 Max 5,8 4,9 4,8 6,4 m 42,4 39,7 53,3 47,9 k 4 16,3 5,2 2,6 σ 12 3 11,8 19,8 Min 30,4 38,7 43,5 24 Max 60,3 42 62,9 76,2 m 1,2 1 1,4 1,3 k 7,1 4,3 4,8 5,5 σ 0,2 0,27 0,3 0,27 Min 0,89 0,9 1 0,94 Max 1,4 1,2 1,6 1,57 Tableau D.6.6 : Propriétés mécaniques des films en fonction du pH de la solution et de l’environnement lors de l’évaporation – air : évaporation à l’air, bag : évaporation en boîte à gants, k : paramètre de forme ; m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. Echantillon n m k Module de Young (GPa) σ Min Max m k Contrainte ultime (MPa) σ Min Max m k Déformation ultime (%) σ Min Max Type O Type D 16 28 1,2 4,04 2,1 4,4 0,63 1,05 0,4 2,1 2,5 6,4 9,2 42,7 1,5 3,3 6,3 14,1 1,8 20,1 16,6 76,2 0,83 1,2 3,5 6 0,26 0,23 0,45 0,75 1,2 1,63 Tableau D.6.7 : Propriétés mécaniques des films en fonction de la largeur de la bande amide I en Raman– Type O : bande amide I < 40 cm et type D : bande amide I > 40cm , k : paramètre de forme ; m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. -1 -1 175 Traction uni-axiale – Annexe D Composites mono-renforts (C1) fibres tendues fibres non tendue fibres trempées C1Bm C1Bmd C1Bm n Module de Young (GPa) Contrainte ultime (MPa) Déformation ultime (%) C1Bmd C1Bm C1Bmd 4 9 4 9 m 3,8 3 4,1 2,1 k 2,7 1,8 1,04 7,6 σ 1,5 1,8 4 0,3 Min 2,4 1,3 0,9 1,9 Max 4,9 5,8 5,5 2,7 m 24,4 17,9 22,2 10,3 k 5 1,7 0,94 3,2 σ 5,6 10,9 35,8 3,5 Min 19,3 6,4 6 6 Max 28 32,6 43,8 14,7 m 0,78 0,79 0,87 0,59 k 4,2 2,1 12,8 2,5 σ 0,2 0,4 0,08 0,25 Min 0,6 0,35 0,82 0,23 Max 0,93 1,6 0,95 0,73 1 1 5,2 10,4 170 362,7 16,8 12 Tableau D.6.8 : Propriétés mécaniques des composites mono-renforts – C1Bm : composite mono-renforts, film de fibroïne renforcé par 1 bi-fibre, C1Bmd : composite mono-renforts, film de fibroïne renforcé par 1 fibre de fibroïne, k : paramètre de forme ; m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. 176 Annexe D – Traction uni-axiale Composites hexa-renforts (C6) fibres tendues fibres non tendues fibres trempées C6Bm C6Bmd n Module de Young (GPa) Contrainte ultime (MPa) Déformation ultime (%) C6Bm C6Bm C6Bmd 4 4 7 16 20 m 1,2 4,1 1,7 2,9 5,1 k 2,8 3,2 7,1 4,7 4,3 σ 0,4 1,4 0,3 0,7 1,3 Min 0,8 3 1,4 2 2,9 Max 1,6 5,2 2 4,6 6,9 m 7,1 10,9 18,2 121,6 208,5 k 4,5 1 3,1 5,7 4,7 σ 1,8 10,4 6,8 24,6 50,6 Min 5,5 3,8 14,4 88 141,7 Max 8,1 17,3 21,1 162 298,2 m 0,72 0,64 1,3 20,1 15,2 k 2,8 1,4 4,8 4,7 4,9 σ 0,3 0,5 0,3 4,8 3,5 Min 0,47 0,25 0,9 12,5 11 Max 0,95 0,9 1,6 27,5 24 Tableau D.6.9 : Propriétés mécaniques des composites hexa-renforts fibres (Bmd) ou bi-fibres (Bm) – C6Bm : Poly-composite film de fibroïne renforcé par six bi-fibres, C6Bmd : Poly-composite film de fibroïne renforcé par six fibres de fibroïne, k : paramètre de forme ; m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. 177 Traction uni-axiale – Annexe D Composite 1 2 3 4 5 6 7 n 3 6 6 7 6 8 6 m 3 2,5 2,4 1,9 1,9 3,1 3,3 k 2,5 1,8 3,2 5,2 5,5 4,7 4,2 σ 1,3 1,4 0,8 0,4 0,4 0,75 0,9 Min 2,2 0,9 1,4 1,5 1,6 2,2 2,6 Max 4 3,1 2,8 2,5 2,4 3,9 4,6 m 89 35 34,9 37,5 25,8 72,9 74 k 1,4 2,7 2,2 3,5 2,1 σ 66 13,9 16,6 10,2 12,4 23,2 37 Min 41 23 Max 129 57 49 46,2 39,7 95,1 102 13,4 4,8 2,9 9,2 4,7 7,7 7,1 Module de Young (GPa) Contrainte ultime (MPa) m Déformation ultime (%) 4,2 2,2 16,2 25,9 16,4 43,9 31,4 k 2 3,8 2,1 2,1 1,4 3,4 1,8 σ 7,1 1,4 1,4 4,6 3,3 2,5 4,1 Min 8,9 3,4 1,8 5,7 1,7 5,1 2,7 Max 18,5 6,6 5,1 12,6 7,6 10,8 9,3 Tableau D.6.10 : Propriétés mécaniques des composites - k : paramètre de forme ; m : moyenne ; n : nombre d’échantillons ; σ : écart type. 178 Annexe E : Spectroscopie Raman E.1. Principe E.2. Instruments E.3. Mesures aux basses fréquences E.4. Effets de polarisation E.4.1. Configuration d’analyse parallèle/perpendiculaire E.4.2. Rotation de l’échantillon E.4.3. Raman polarisé E.5. Cartographies/résolution spatiale E.6. Spectroscopie Raman couplée à la traction uni-axiale E.7. Traitement/décomposition spectrale 179 Spectroscopie Raman – Annexe E E.1. Principe La diffusion inélastique de la lumière par les vibrations de la matière, prédit en 1922 (L. Brillouin, A. Smekal), fut mise en évidence simultanément en Inde (C.V. Raman et K.S. Krishnan sur les liquides), France (Y. Rocard et J. Cabanes sur les solides) et Russie (G. Landsberg et L. Mandelstam sur les solides) en 1928 [Dhamelincourt et al. 1999; Colomban 2013]. Le physicien Indien Chandrasekhra Venkata Raman obtint le prix Nobel de Physique en 1930 (ayant publié ces résultats le premier) et fut anobli par la Reine pour cette découverte. La spectroscopie Raman est une méthode d’analyse non destructive (si la puissance laser est adaptée) qui renseigne sur la composition chimique, la structure cristalline et les interactions moléculaires dans un échantillon. En envoyant une onde électromagnétique monochromatique sur un échantillon, il se produit différents phénomènes : réflexion, transmission et, pour une faible partie, diffusion. La diffusion Raman met en jeu les états d’énergies vibrationnels et rotationnels des molécules. Les niveaux électroniques sont excités (virtuellement si le composé est transparent pour l’onde), la (de)excitation finale/initiale met en jeu les niveaux vibrationnels. Diffusion et fluorescence Élastique ν 0 et inélastique ν Raman≠ν (< ν 0) Raman Absorption Excitation ν0 Transmission ν0 Réflexion ν0 UV-IR Figure E.1.1 : Interaction rayonnement-matière. L’interaction lumière-matière engendre une excitation du système qui ce traduit par une émission de photons. (Figure E.1.1) Si ces photons ont la même énergie que les photons incidents, on parle de diffusion élastique, dite Rayleigh. Par contre, s’ils ont une énergie inférieure ou supérieure, on parle de diffusion inélastique Raman respectivement Stokes et antiStokes. Ceci est représenté sur le diagramme d’énergie ci-dessous : Figure E.1.2 : Diagramme d’énergie montrant l’origine des raies Stokes et anti-stokes du spectre Raman [Geosystèmes]. 180 Annexe E – Spectroscopie Raman En Raman, on observe des transitions si elles s’accompagnent d’une variation de la polarisabilité des molécules à analyser. La polarisabilité est l’aptitude du nuage électronique à se déformer sous l’action d’un champ électrique . Sous l’effet de ce champ électrique oscillant à la fréquence νk, la molécule acquiert un moment dipolaire induit @ qui, au premier ordre, est considéré comme proportionnel au champ électrique : @= (Qk) Le tenseur de polarisabilité est modulé par les mouvements vibrationnels et fluctue au cours des vibrations de la molécule sous l’effet de . La cordonnée normale de vibration Qk peut apparaître dans l’expression du tenseur de polarisabilité. Selon la théorie classique, si on développe l’expression précédente, on obtient (Cabannes et Rocard, 1929) : DE @= (0) + 5 6 DF @= (0) G @ = (0) 0 FG H> Qk cos(2LMkt) DE cos(2LM0t) + 5DF 6 0 cos(2LM 0t) G ) FG H> 0 cos(2LM 0t) Qk 0 cos(2LM kt) cos(2LM0t) DE 6 Qk 0[cos[2L(M0+Mk)t] + DFG F H> G + 5 cos[2L(M0+Mk)t]] Un spectre Raman est présenté Figure E.1.3 : Figure E.1.3 : Spectre Raman. Il se présente sous la forme de l’intensité relative des bandes de vibration en fonction du déplacement Raman, c'est-à-dire de la fréquence de vibration des molécules. On observe que les positions des raies stokes et anti-stokes sont symétriques par rapport à la raie Rayleigh. En général, on s’intéresse seulement aux raies Stokes car elles sont plus intenses que les raies anti-Stokes. En effet, pour ces dernières, la transition démarre d’un niveau plus énergétique (Figure E.1.2) donc moins peuplé (loi de distribution de Boltzmann), ce qui engendre signal moins rapidement décroissant en fonction du niveau considéré. En spectroscopie Raman, tous les modes de vibration ne sont pas observables, des règles de sélection établissent les critères d’activités des vibrations. Les propriétés de symétrie du système déterminent ses vibrations et ainsi leurs activités en Raman. Le dénombrement des modes de vibration et leur activité en diffusion Raman et en absorption IR sont prédits par la théorie des groupes [Poulet et Mathieu 1977]. La Figure suivante renseigne sur ce que l’on peut extraire d’un spectre Raman. 181 Spectroscopie Raman – Annexe E Figure E.1.4 : Informations extraites d’un spectre Raman. L’effet Raman (non résonnant) est de faible intensité (10-6 fois la diffusion Rayleigh). En outre, un phénomène de fluorescence peut se produire avec certains échantillons. Ce phénomène intense provoqué par l’absorption d’un photon suivie immédiatement d’une émission spontanée peut masquer le signal Raman. Pour le réduire, on peut exposer le point à analyser au faisceau laser pour engendrer une saturation ou encore utiliser un laser avec une longueur d’onde plus élevée (pour se déplacer hors de la fenêtre spectrale de fluorescence). La fluorescence peut-être due à des fonctions organiques greffées en surface de l’échantillon ou à des éléments intrinsèques au matériau analysé. Dans le cas de la soie, la longueur d’onde excitatrice communément utilisée est située dans le vert. Le phénomène de fluorescence est présent mais ne couvre pas totalement le signal Raman, il est soustrait grâce à une ligne de base. Une longueur d’onde excitatrice dans l’IR (1064 nm) permet de s’en affranchir mais l’intensité Raman obtenue est très faible, ce qui engendre un temps d’acquisition très élevé, car l’intensité Raman est proportionnelles à (1/λ)4. E.2. Instruments Pour réaliser une expérience de diffusion Raman, on peut focaliser le laser sur l’échantillon à étudier à l’aide d’un microscope (micro-spectroscopie Raman). La lumière diffusée est ensuite recueillie puis envoyée dans un monochromateur et l’intensité est finalement mesurée aux différentes longueurs d’onde à l’aide d’un capteur CCD (Charge Coupled Device) refroidi à l’aide d’azote liquide ou par effet Peltier. Le rayonnement diffusé passe par un filtre pour éliminer la raie Rayleigh et la lumière transmise. En effet, sans ce filtre, la raie Rayleigh, du fait de son intensité importante, saturerait le détecteur. Figure E.2.1: Représentation schématique d’un micro-spectromètre Raman type LabRam HR800. 182 Annexe E – Spectroscopie Raman Les analyses ont été réalisées avec différents instruments : Caractéristiques des spectromètres Raman Spectromètre LabRam HR800 (Horiba Jobin Yvon) Senterra (Bruker) XY1 (Dilor) a FT-Raman RFS100/S (Bruker) Interface échantillon Microscope confocal inversé Microscope confocal Microscope confocal ou macro Macro (180° et 90°) ou micro Surface d'analyse (obj./O.N.) ~ 1 µm² (x100/0.95) ~ 3 µm² (x50/0.75) ~ 1 µm² (x100/0.95) ~ 3 µm² (x50/0.75) ~ 1 µm² (x100/0.95) ~ 3 µm² (x50/0.75) ~ 1 µm² (x100/0.95) ~ 28 µm² (x40/0.45) Spectrographe Réseau : 1800 tt/ mm Focale : 800 mm Filtre Edge Réseau : 1200 tt/mm Focale : 200 mm Filtre Edge Réseau : 1800 tt/ mm Focale : 600 mm Double monochromateur Interféromètre Filtre Notch Résolution 0,5 cm-1 3-5 cm-1 0,5 cm-1 Fixée à 4 cm-1 Fenêtre spectrale > 10 cm-1 > 80 cm-1 > 50 cm-1 > 100 cm-1 Détecteur CCD 1024 x 256 Refroidi à 200 K Effet Peltier CCD 1024 x 256 Refroidi à 200 K Effet Peltier CCD (Jobin Yvon) 2000 x 8000 Refroidi à 140 K Azote liquide Ge azote liquide Sources lasers Nd:YAG doublé / 532 nm Diode laser / Ar+ - Kr+ / 514,5 nm 785 nm Tableau E.2.1 : Tableau présentant les différents spectromètres Raman utilisés. Ar+ / 363, 458, 488, 514,5 nm Nd:YAG / 1064 nm La majorité des analyses a été effectuée sur le LabRam HR 800 avec une longueur d’onde d’excitation à 514,5 nm. L’objectif utilisé est un x100 longue distance de travail avec une puissance au niveau de l’échantillon < 1,5 mW. Le temps typique d’analyse par fenêtre spectrale est de 6 fois 10 min. Huit fenêtres spectrales sont enregistrées de 0 à 1800 cm-1 et de 2700 à 3800 cm-1 avec le réseau 1800 tt/mm, soit un total de 8 h pour obtenir un spectre complet. Les échantillons sont fixés à un miroir d’or qui ne diffuse pas de signal Raman, qui permet d’augmenter le signal collecté et d’éviter une contribution du support. Lorsque l’on a utilisé le dispositif de traction, la fibre était tendue dans l’air, suffisamment éloignée de tout support. E.3. Basses fréquences Le LabRaman HR 800 possède un système donnant accès aux très basses fréquences (> 10 cm-1) avec un temps de comptage réduit et une longueur d’onde à 514,5 nm. Ce système se compose de deux parties : - une série de filtres en sortie de laser qui éliminent les raies parasites, - une série de trois filtres Notch BragGrate™ placés avant le réseau (Figure E.3.1) qui coupant la diffusion Rayleigh pour la longueur d’onde 514,5 nm. 183 Spectroscopie Raman – Annexe E Position des lames demi-onde Filtre primaire Position du polariseur Deux filtres Notch du montage "ULF"(514,5 nm) 2 miroirs d'entrée Filtres atténuateurs sur roue motorisée (int. divisée par 10DO) Vers le réseau et le CCD Pige Filtre Notch (514,5 nm) ou Edge Vers le microscope Figure E.3.1 : Chemin optique de la lumière pour le LabRam HR 800. E.4. Polarisation E.4.1. Parallèle/perpendiculaire Les fibres de soie étant des matériaux pouvant être anisotropes, leur position d’analyse par rapport au vecteur champ électrique du laser influence le spectre obtenu. Pour placer les échantillons parallèlement ou perpendiculairement au vecteur champ électrique, deux solutions sont possibles : tourner la fibre ou tourner le vecteur champ électrique. Objectif Objectif Platine XY Miroir d’or Fibre ┴ Laser V Fibre // Laser H Figure E.4.1 : Positionnement de l’échantillon et du vecteur champ électrique du laser. 184 Annexe E – Spectroscopie Raman L’avantage de tourner la polarisation du laser grâce à une lame demi-onde est que l’analyse est effectuée exactement au même point. Les analyses réalisées en 2011/2012 ont été effectées en tournant la fibre, et par la suite, après l’achat des polariseurs, les analyses ont pu être effectuées en un seul point. E.4.2. Rotation Des analyses ont été réalisées en faisant tourner l’échantillon de 0° à 90°, par pas de 15°. Pour cela, une platine tournante est fixée à la platine XY. Le centre de la platine est aligné avec l’axe optique du microscope de façon que l’impact du spot laser reste sur le même point au cours de la rotation. L’échantillon et le miroir d’or sont ensuite fixés à la platine tournante. Objectif Platine XY Platine tournante Fibre 90 ° Figure E.4.2 : Positionnement de l’échantillon sur la platine tournante. E.4.3. Raman polarisé Pour les analyses en Raman polarisé deux lames demi-onde et un polariseur sont nécessaires. La première lame demi-onde est placée avant la roue de filtres atténuateurs (Figure E.3.1), pour orienter le vecteur champ électrique du laser en position V ou H. Le polariseur est placé derrière le premier filtre Notch pour sélectionner le signal diffusé dans une direction spécifique (V ou H) et une lame demi-onde placée devant les deux filtres Notch du montage « ULF » est ensuite orientée de façon à toujours éclairer le réseau par de la lumière polarisée verticalement. E.5. Cartographies/résolution spatiale Deux types de cartographies ont été réalisés : Linéaire (x), le long de l’axe de la fibre avec un pas (incrément) de 1 µm entre deux points de mesure. Transversale (z), en traversant la fibre avec un pas de 1,5 µm entre deux points d’analyse. Le domaine focal est considéré comme une éllipsoïde avec un diamètre estimé à 1,5 µm et une extension selon l’axe z 4 fois plus grande. E.6. Spectroscopie Raman couplée à la traction uni-axiale Pour réaliser le couplage spectroscopie Raman/traction uniaxiale, les instruments utilisés sont le testeur de fibre universel et le LabRam HR 800. Deux configurations d’analyse ont été utilisées (Figure E.6.1) : 185 Spectroscopie Raman – Annexe E La platine XY est démontée et la machine de traction est posée sur un plot de sable devant le spectromètre. Les inconvénients de cette méthode sont la necessité de positionner l’échantillon en déplaçant la machine manuellement et les vibrations liées au fait que les deux instruments ne sont pas solidaires (2012). La platine XY est démontée et la machine de traction est posée sur une platine micrométrique fixée sur une équerre accrochée au spectromètre (2013/2014). Figure E.6.1 : Photographies du montage spectroscopie Raman couplé à la traction uni-axiale avant et après 2012. L’étude se fait en fonction du pourcentage d’allongement. La fibre est amenée à l’allongement souhaité à une vitesse continue de 2 mm/min. L’analyse Raman démarre lorsque la charge est stabilisée. Les échantillons ont une longueur de jauge de 30 mm. Lorsque les raies du néon sont présentes, les spectres sont recalés pour les observer toujours à la même position (Figure E.6.2). Intensité Raman Intensité Raman Raies Néon -1 (2346 & 2432 cm ) 750 1000 1250 1500 1750 2000 Nombre d'onde / cm 2250 2500 -1 Raies Néon 2500 2750 3000 3250 Nombre d'onde / cm 3500 3750 -1 Figure E.6.2 : Spectres Raman de la soie de Nephila madagascariensis montrant les raies du Néon. 186 Annexe E – Spectroscopie Raman E.7. Traitement/décomposition spectrale Ligne de base Le phénomène de fluorescence s’ajoute au signal Raman et le déforme. Il est nécessaire de s’abstraire de ce phénomène en traçant une ligne de base, qui a été choisie formée de segments linéaires. Dans le but de comparer les spectres, cette ligne de base doit systématiquement passer par les mêmes points. Ces points ont été choisis par comparaison avec un spectre de soie de Bombyx mori enregistré à 1065 nm, presque exempt de fluorescence. La ligne de base est attachée aux points : 214, 282, (remplacés par 192, 307 en HH) 367, 600, 800, 1140, 1490, 1750, 2800, 3140 et 3750 cm-1. Décomposition spectrale Suite au tracé de la ligne de base, les spectres peuvent être décomposés. Pour cela, la position des bandes et leur nombre sont déterminés grâce à la dérivée seconde et/ou à la déconvolution de Fourrier effectuée avec le logiciel OPUS 7.0. Puis, différents tests sont réalisés et la procédure contenant le minimum de composantes avec une décomposition correcte est retenue. Un spectre modèle est ajusté et les paramètres d’ajustement sont automatiquement appliqués aux autres spectres. En général, une forme Gaussienne (G) a été choisie pour des pics larges et une forme Lorentzienne (L) pour les pics étroits et symétriques. Dans certains cas, des mélanges LG ont été utilisés. Le programme Pamir 2, développé au laboratoire par Denis Baron, a été utilisé pour toutes les zones spectrales sauf celle des faibles nombres d’onde. Cette dernière région a été décomposée avec Origin 6.0 peak fitting car il fallait pouvoir placer une composante hors de la fenêtre spectrale (une Lorentzienne à 0 cm-1 simulant la raie Rayleigh), ce que ne permettait pas Pamir2. Zone spectrale Position (cm-1) Largeur à mi-hauteur (cm-1) 0 libre ~ 80 libre Bas nombres d’onde 143 libre ~ 230 libre 1697,5 ±2,5 16 ±4 1613,5 ±1,5 16 ±4 1641 ±1 22 ±2 Amide I 1654 ±1 22 ±2 1666,5 ±2,5 22 ±2 1685 ±1 22 ±2 1699 ±1 22 ±2 2874 ±1 30 ±2 2908 ±1 30 ±2 2936 ±1 30 ±2 CH 2971 ±2 30 ±2 2992 ±2 30 ±2 3032 ±0 28 ±2 3064 ±1 26 ±2 3216 ±3 50 ±10 3287,5 ±2,5 60 ±10 NH 3360 ±0 120 ±10 3485 ±10 200 ±20 Tableau E.7.1 : Paramètres de décomposition des différentes zones spectrales. 187 Forme L G L G LG (0,5) L LG (~ 0,4) LG (~ 0,6) LG (~ 0,4) LG (~ 0,6) LG (~ 0,6) LG (0,25) LG (0,25) LG (0,25) LG (0,25) LG (0,25) LG (0,25) LG (0,25) G LG (~ 0,5) G G Spectroscopie Raman – Annexe E Normalisation Raman Intensity Pour comparer les différents types de soie et, pour une même soie, les spectres enregistrés en tournant la fibre (// et ┴), une normalisation est nécessaire. Plusieurs essais ont été réalisés en considérant l’aire et/ou l’intensité des bandes à 645 (Tyr), 1450 (δCH), 1667 (amide I), et 3987 (C-H) cm-1. Lorsque les analyses sont effectuées sans changer le point d’analyse, en tournant la polarisation du laser, on observe que la bande la plus intense qui se superpose dans les deux configurations est la bande à 1450 cm-1. Les normalisations sont de ce fait effectuées vs. l’intensité de cette bande. V H 100 200 300 1450 1000 1500 3000 3500 -1 Wavenumber / cm Figure E.7.1 : Spectres Raman des fibres de Nm alignées parallèlement ou perpendiculairement au vecteur champ électrique du laser. 188 Annexe F : Spectroscopie Infrarouge F.1. Principe F.2. Instrument 189 Spectroscopie Infrarouge – Annexe F F.1. Principe La spectrométrie IR est basée sur l’absorption/transmission ou la réflexion par l’échantillon de radiations électromagnétiques de longueurs d’onde comprises entre 1 µm et 10-3 m. Selon le domaine infrarouge utilisé, différents phénomènes sont observables. En lointain IR entre 25 et 1000 µm (400 à 10 cm-1), ce sont les vibrations des modes les plus collectifs/de longue distance des espèces les plus lourdes et/ou les plus libres qui sont observées, dans le moyen IR de 2,5 à 25 µm (4000 à 400 cm-1), les vibrations (et les rotations-vibrations), et dans le proche IR entre 0,75 et 2,5 µm (13000 à 4000 cm-1), les harmoniques/combinaisons des vibrations de rotations moléculaires. (Figure F.1.1) Pour caractériser la structure moléculaire de la soie, il faut sonder les vibrations des molécules et donc travailler dans le moyen IR. Le couplage onde-matière a lieu via le dipole instantané résultant du déplacement des atomes lors des vibrations/rotations. Le couplage dipolaire étant à longue distance, les raies IR sont beaucoup plus larges que les modes Raman, sutout pour les composés polaires ou avec une certaine ionicité. E Niveaux rotationnels Proche IR Moyen IR Lointain IR Niveaux vibrationnels Etat électronique fondamental Figure F.1.1 : Diagramme d’énergie d’une molécule montrant les transitions selon le domaine infrarouge. Lors d’une analyse IR, le rayonnement polychromatique est envoyé sur l’échantillon. L’intensité du faisceau transmis est inférieure à celle du faisceau incident. Il y a une variation du moment dipolaire des molécules engendrée par l’interaction entre le champ électromagnétique du rayonnement et les charges électriques de la molécule. Lorsque la fréquence de champ coïncide avec la fréquence de la vibration de la molécule, l’interaction excite la vibration de certaines liaisons, ce qui se traduit par l’absorption de l’énergie de l’onde excitatrice [Hollas 2003]. La fréquence à laquelle est absorbé le rayonnement correspond à une transition permise entre deux niveaux vibrationnels de la molécule, et dépend de la nature des liaisons, de la masse des atomes et de l’environnement proche. Une bande d’absorption est donc observée à une énergie caractéristique de la liaison et du mouvement de vibration [Dalibart et Servant 2000]. Deux types d’interaction rayonnement-matière peuvent être exploités par spectroscopie d’absorption IR : la transmission et la réflexion. F.2. Instrument Dans la spectrométrie à transformée de Fourier, les longueurs d’onde sont mesurées simultanément. La majorité des spectromètres IRTF sont basés sur l’utilisation de l’interféromètre de Michelson. 190 Annexe F – Spectroscopie Infrarouge Figure F.2.1 : Schéma de l’interféromètre de Michelson. La courbe de l’intensité du faisceau mesurée à la sortie du dispositif en fonction de la différence de marche porte le nom d’interférogramme. En appliquant une transformée de Fourier à cet interférogramme, on obtient le spectre infrarouge de l’échantillon. La transformée de Fourier est une opération mathématique qui permet de passer d’un espace direct à l’espace réciproque associé et qui doit s’appliquer à un système périodique ou rendu périodique. Ceci induit une incertitude sur les formes des bandes et il est difficile de conclure sur les formes observées. Ici on passe d’une distance (le déplacement du miroir mobile) à une fréquence (de vibration). Pour des raisons pratiques on préfèrera diviser cette fréquence par la célérité de la lumière et l’exprimer en nombre d’onde. L’instrument utilisé est un Equinox 55/IRscope II (Bruker). Il est équipé d’une source en carbure de silicium et de plusieurs détecteurs selon le mode d’analyse utilisé et la gamme spectrale désirée. La séparatrice utilisée dans le moyen IR est constituée de KBr. Différent modes d’analyse ont été testés et utilisés selon la morphologie des échantillons. L’analyse de fibre unique est difficile en raison de leur petite taille. La Figure F2.2 présente les résultats obtenus selon la méthode utilisée. Bm Bmd Absorbance Microscope en réflexion sur miroir d'or Microscope en transmission sur palet de KBr Microscope ATR (Ge) 4000 3500 3000 2500 2000 1500 Nombre d'onde / cm 1000 -1 Figure F.2.2 : Comparaison des spectres IR de fibres soie de Bombyx mori décreusé (Bmd) ou non (Bm) selon le mode d’analyse. 191 Spectroscopie Infrarouge – Annexe F Le résultat de l’analyse en réflexion sur un miroir d’or présente beaucoup de bruit et d’interférences. Les spectres réalisés avec le microscope en transmission montrent un signal peu intense mais les bandes sont discernables et peu déformées. Les analyses en ATR présentent le meilleur rapport signal sur bruit mais la forme des bandes est peu fiable. Pour les films, des tests ont été réalisés en transmission avec le microscope et dans le compartiment échantillon. Sur la Figure F.2.3, on peut observer qu’il y a des interférences lorsque l’analyse est effectuée avec le microscope, il est donc préférable d’analyser les films en transmission dans le compartiment échantillon. Cependant, lorsque l’échantillon est trop épais, le détecteur sature et aucune information ne peut-être récupérée. Pour cette raison et dans souci de comparaison avec les fibres, l’ATR a également été employée pour l’analyse des films. Absorbance Film en transmission avec le microscope Film en transmission dans le compartiment échantillon Film en ATR 4000 3500 3000 2500 2000 1500 Nombre d'onde / cm 1000 500 -1 Figure F.2.3 : Comparaison des spectres IR en transmission de films de fibroïne de Bombyx mori réalisés avec le microscope ou dans le compartiment échantillon. 192 Annexe G : Diffraction de rayons X G.1. Principe G.2. Instrument 193 Diffraction de rayons X – Annexe G G.1. Principe En faisant diffracter des rayons X sur une structure périodique, il y a création d’ondes constructives dont la détection permet de remonter, à l’échelle de la périodicité c'est-à-dire aux paramètres de maille ou même à la structure. Les rayons X sont produits lors de l’impact d’électrons accélérés par un champ électrique sur une cible appelée anti-cathode. La méthode utilisée consiste à envoyer des rayons X sur l’échantillon placé dans un support adapté, et un détecteur fait le tour de l'échantillon pour mesurer l'intensité des rayons X selon la direction. Pour des raisons pratiques, on fait tourner l'échantillon en même temps ou éventuellement on fait tourner le tube produisant les rayons X. G.2. Instrument Les mesures ont été effectuées en mode transmission avec un diffractomètre Siemens Kristalloflex équipé d’un goniomètre Stoe Darmstadt. Il possède une anti-cathode en cobalt (Kα, λ = 1,7902 A). Les intensités des faisceaux diffractés ont été détectées dans l’intervalle 10 à 40° avec un pas de 0,1°. 194 Annexe H : Analyses thermogravimétriques H.1. Principe H.2. Instrument 195 Analyses thermogravimétriques – Annexe H H.1. Principe L’analyse thermogravimétrique (thermogravimétrie ou ATG en abrégé) est une technique expérimentale d’étude macroscopique de la matière. Cette technique mesure la variation de masse d’un échantillon lorsqu’il est exposé à un cycle thermique. L’échantillon est pesé en continu dans une nacelle suspendue à une balance. La nacelle doit être inerte chimiquement vis-à-vis de l’échantillon analysé et doit posséder une bonne conduction thermique pour un chauffage homogène. L’atmosphère de balayage doit être composée d’un gaz inerte dans la gamme de température de travail et être un bon conducteur thermique. Dans le cas de la soie, la température est élevée jusqu’à 210°C pour observer et quantifier le départ d’eau. H.2. Instrument L’instrument utilisé est le SETSYS Evolution 16/18 de la marque SETARAM. Les conditions de mesures sont listées dans le Tableau H.2.1 ci-dessous. Atmosphère de balayage Gaz de protection du four Vitesse de chauffe Température de travail Nature du creuset 10°C/min 40 à 210°C Platine (130µl) Hélium (gaz) 1er balayage 200 ml/min pendant 15 minutes 2ème balayage 20 ml/min pendant toute la durée de la manipulation Argon L’écran de l’appareil d’ATG doit indiquer une pression de 1020 mb Tableau H.2.1 : Conditions expérimentales des ATG. Les masses des échantillons analysés s’échelonnent entre 5,5 et 23 mg. 196 Annexe I : Microscopie électronique à balayage I.1. Principe I.2. Instrument 197 Microscopie électronique à balayage – Annexe I I.1. Principe * Introduction Le principe de fonctionnement du microscope électronique à balayage est basé sur l’émission d’un faisceau très fin d’électrons, produit par une cathode, qui balaye ligne par ligne la surface de l’échantillon. Les électrons ré-émis par la surface sont ensuite analysés par un détecteur pour donner une image de la surface dont le contraste donne des informations à la fois chimiques et topologiques. Le pouvoir séparateur d’un microscope optique (c'est-à-dire son grossissement) est limité par la longueur d’onde de la lumière. Ainsi, aucun détail d’une dimension inférieure à 0,2 µm ne peut-être observé. L’utilisation de particules accélérées pour atteindre une longueur d’onde associée plus courte permet une augmentation du grossissement. Les électrons sont choisis pour plusieurs raisons : i) leur faible masse qui permet de les accélérer et les focaliser par des champs électriques ou magnétiques ii) une source d’électrons est facile à mettre en œuvre iii) l’interaction avec la matière est plus faible que pour des particules plus lourdes (moins destructif et moins d’effets secondaires). On parle de microscopie à balayage lorsque l’image est obtenue point par point. * Historique La microscopie électronique à balayage à été imaginée pour la première fois en Allemagne, dans les années 1930, par Knoll et von Ardenne. Elle a ensuite été développée en 1942 par Zworykin, Hillier et Snyder dans les laboratoires RCA aux Etats-Unis. Elle a connu son véritable essor entre 1948 et 1965 grâce au progrès de la technique de la télévision et des détecteurs d’électrons et grâce aux recherches d’Oatley et de ses condisciples à Cambridge [Brisset 2008]. * Interaction électron-matière Faisceau incident d’électrons (E0) RX er es ea C Echantillon er : électrons rétrodiffusés es : électrons secondaires ea : électrons Auger et : électrons transmis RX : rayons X C : cathodoluminescence et Figure I.1.1 : Schéma interaction électron-matière. * Les électrons secondaires Les électrons secondaires sont de faible énergie (5 à 50 eV). Ils mettent en évidence le contraste topographique. Ils sont crées par le passage d’un électron incident près d’un atome. L’électron incident peut transmettre une partie de son énergie à un électron peu lié de la bande de conduction provoquant ainsi une ionisation par éjection de ce dernier. L’énergie cinétique 198 Annexe I – Microscopie électronique à balayage de cet électron ne peut excéder 50 eV. Chaque électron incident peut créer plusieurs électrons secondaires. De par leur faible énergie, seuls les électrons secondaires émis près de la surface (< 10 nm) peuvent s’échapper de l’échantillon et être recueillis par le détecteur. La moindre variation topographique va modifier la quantité d’électrons secondaires collectés. * Les électrons rétrodiffusés Les électrons rétrodiffusés sont de plus forte énergie (> 50 eV, E0). Ils permettent d’observer des contrastes de topographie et de composition. Ils sont créés par collision entre un électron incident et un atome de l’échantillon. Ce sont des électrons primaires qui réagissent de façon élastique avec des noyaux d’atomes de l’échantillon. Ils sont dispersés dans toutes les directions avec une faible perte d’énergie. Du fait de leur forte énergie, les électrons rétrodiffusés récupérés peuvent provenir d’une plus grande profondeur que les électrons secondaires. Leur sensibilité topographie est nettement inférieure. De par leur origine, la quantité d’électrons rétrodiffusés augmente avec le numéro atomique des atomes constitutifs de la cible (le coefficient de rétrodiffusion est fonction des numéros atomique et du faisceau incident). * Eléments constitutifs d’un MEB Figure I.1.2 : Schéma microscope électronique à balayage [LRMH]. * Préparation d’échantillon Les échantillons destinés à être observés en MEB doivent être conducteurs, dans certains cas ils nécessitent une préparation spécifique préalable. Le mode de préparation d’un échantillon dépend de l’information recherchée, topographie, microstructure ou composition et bien sûr de la nature de l’échantillon et de la forme dans laquelle il se présente : échantillon dur et massif, échantillon biologique, poudre, etc. L'observation d'échantillons non-conducteurs dans un microscope électronique à balayage est rendue difficile par l'accumulation de charges à la surface de l'échantillon. Ces charges génèrent de nombreux défauts ou artéfacts à la fois en imagerie et en microanalyse. Pour remédier à ces effets de charges, il est parfois possible de travailler à très basse tension ou dans un MEB à chambre à pression contrôlée. Cependant, ces 199 Microscopie électronique à balayage – Annexe I solutions ne sont pas toujours compatibles avec les observations à réaliser et il est alors nécessaire de métalliser la surface des échantillons à observer ou à analyser. I.2. Instrument * JEOL JSM-5510LV Source Objectif Résolution Porte échantillon Détecteur Filament en tungstène pré-centré Tension d’accélération : 0,5 à en épingle à cheveux 30 kV Lentille conique Grossissement : x18 à 300 000 Mode haut vide: 3,5 nm Mode vide faible: 4,5 nm Goniomètre Taille maximale de X = 20 mm, Y = 10 eucentrique l’échantillon : 32 mm mm, Z = 5 à 48 mm R = 360 ° (sans fin) T = -90 à 90 ° Electrons Electrons rétrodiffusés RX secondaires Tableau I.2.1 : Composants et paramètres du JEOL JSM-5510LV. * Paramètres d’analyse La tension d’accélération utilisée pour observer les composites et les fibres de soie est de 5 kV avec une distance de travail de 19 mm et 30 mm respectivement. Les échantillons sont placés, sans métallisation ni préparation préalable, sur un support métallique et fixés grâce à du ruban adhésif en carbone. Ils sont placés dans le compartiment d’analyse environ une heure avant les observations, le temps que la pression diminue pour atteindre 10-5 Torr. Les images en topographie sont obtenues avec le détecteur d’électrons secondaires. 200 Références Abe, Y. et Krimm, S. (1972). « Normal vibrations of crystalline polyglycine I. » Biopolymers 11(9), 1817-1839. Akai, H. (1983). « The structure and ultrastructure of the silk gland. » Cellular and Molecular Life Sciences 39(5), 443-449. Aramwit, P., Siritientong, T. et Srichana, T. (2012). « Potential applications of silk sericin, a natural protein from textile industry by-products. » Waste Management & Research. Arcidiacono, S., Mello, C., Kaplan, D., Cheley, S. et Bayley, H. (1998). « Purification and characterization of recombinant spider silk expressed in Escherichia coli. » Applied Microbiology and Biotechnology 49(1), 31-38. Arikan, Å., Sands, H. S., Rodway, R. G. et Batchelder, D. N. (2002). « Raman spectroscopy and imaging of -carotene in live corpus luteum cells. » Animal Reproduction Science 71(3–4), 249-266. Asloun, M., Donnet, J. B., Guilpain, G., Nardin, M. et Schultz, J. 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