I : Penser et représenter
les territoires
Par Frédéric GIRAUT*
Conceptualiser le territoire
Les usages des mots « territoire » et « mondialisation » ont connu un essor inouï et parallèle depuis plus
d’une décennie dans les différents domaines du marketing et de la communication sur les questions de
société et de l’action publique. Un glissement s’est opéré du territoire (lié au référent national) aux territoires des appartenances, des projets et des pratiques individuelles et collectives multiples.
L’intérêt pour les territoires comme objets spatiaux et politiques déborde les dispositifs d’encadrement,
de gestion, de planification et de gouvernement faits de circonscriptions emboîtées. Il inclut désormais
les territoires du « nouveau régionalisme », ceux que le congrès de l’UGI nous invite à construire, qui
se veulent collaboratifs, participatifs ou coopératifs et qui sont davantage basés sur la société civile, la
gouvernance et le projet.
Dans le champ scientifique, en géographie, en anthropologie mais aussi en sciences politiques et en
économie, voire en sociologie, le mot-clé de territoire est devenu incontournable pour toute réflexion qui
porte sur l’espace, ses usages et ses dynamiques.
Le phénomène est davantage francophone qu’anglophone,
malgré la sortie de manuels dédiés à la notion de territoire
(Delaney, 2005 ; Storey, 2001), celle polysémique de place
n’abandonne pas le terrain lexical pour les aspects socioculturels (Debarbieux, 1999), et le terme de région fait de la
résistance pour les aspects plus économiques, environnementaux et politiques. La meilleure traduction de l’expression française « découpage territorial » reste ainsi regionalization ou districting.
L’usage scientifique du terme territoire pose toute une série
de questions sur la pertinence contemporaine des objets
qu’il désigne. Autrement dit, le prisme territorial ou la focalisation sur les territoires de différentes générations n’occulteraient-ils pas l’essentiel ? Ne seraient-ils pas dépassés ? Un récent colloque international intitulé « Territoires,
Territorialité, Territorialisation : et après ? » a fait le point1
sur ces questions qui méritent d’être appréhendées dans le
dialogue interdisciplinaire2 et en embrassant conjointement
littératures francophones et anglophones.
En géographie, l’usage proliférant du terme en fait de toute
façon un mot-valise (buzzword) qui peut être utilisé dans des
acceptions qui vont du plus extensif au plus restrictif. La mise
en évidence de ces différentes acceptions nous paraît fondamentale pour envisager celles qui autorisent sa conceptualisation ou plutôt ses conceptualisations autour des notions
d’appropriation, de construit et de configuration.
Nous défendrons pour conclure la thèse de la nécessaire
prise au sérieux des différentes formes de territorialisations
politiques contemporaines et d’une conceptualisation de
géographie politique (non exclusive d’une conceptualisation de géographie culturelle) comme moyen d’éclairer les
processus de fragmentation et surtout les limites à la régulation socio-spatiale qu’elle appelle.
1. Le territoire : leurre ou bon objet ?
Face à l’usage débridé du mot territoire en géographie, des
objections de différentes natures s’expriment. Commençons
* Université de Genève.
1
VANIER M. & alii (dirs.), 2007, Territoires, Territorialité, Territorialisation : et après ?, Actes des entretiens de la Cité des territoires, Université
Joseph Fourier, Grenoble 7 et 8 juin.
2
L’ouvrage de Debernardy et Debarbieux (2003) introduisait déjà ce dialogue.
DOSSIER : 9
n° 403 Historiens & Géographes
57
par les recenser pour envisager dans quelle mesure elles
pointent les manques, les insuffisances ou les impasses
conceptuelles. Le territoire en tant que concept d’analyse
et/ou en tant qu’objet est ainsi accusé d’être réducteur,
obsolète ou mystifiant.
Réducteur, le territoire des géographes le serait intrinsèquement par son lien à la raison cartographique qui
formate l’appréhension de l’espace dans un sens étroitement moderne (souveraineté exclusive, limites linéaires
et fixes) loin des réalités hybrides et des faits de transition
(Painter, 2008). En ce sens le territoire souffre d’ignorance
ou d’incapacité à rendre compte de la nature profondément mobile des rapports sociaux à l’espace (Retaillé,
2005 ; Stock, 2006 ; Cattan, 2008). Ce que dément une
lecture attentive de certains maîtres de la géographie
politique francophone comme Camille Vallaux et Jean
Gottmann (Hubert, 1998). Mais la critique implacable des
approches territorialisantes au nom de la fluidité voire de
la mobilité des espaces (Denis Retaillé) peut être également vue comme la mise en évidence des transitions et
des contradictions qui font que les approches territoriales,
particulièrement politiques et d’aménagement, tentent
(désespérément ?) de s’ajuster aux pratiques évolutives
de mobilité qui par définition les transgressent (Estèbe,
2008 ; Vodoz et alii, 2004). Ajoutons que même dans ses
tentatives d’appréhension des territorialités plurielles, un
risque inhérent à la notion serait de prendre en compte
exclusivement les comportements et pratiques dominantes et notamment masculines3 (Hancock, 2004 ; Cattan,
2008).
Obsolète, le territoire le serait de par son effacement au
profit des réseaux dans le contexte de mondialisation et de
métropolisation (Veltz, 1996 ; Castells, 1996 ; Lévy, 1999 ;
Söderstrom, 2008). Ainsi, Jacques Lévy se demandait dès
1993 si l’on avait encore (vraiment) besoin du territoire. La
thèse de la déterritorialisation géopolitique contemporaine
(Fukuyama, 1992 ; Badie, 1995 ; Ohmae 1996, Smouts,
1996 ; Virilio, 1997 ; Agnew, 1994 & 1999 ; Bauman,
2002 ; Pugh et alii, 2006) semble cependant avoir fait
long feu (Tuathail, 1998 ; Newman, 1999 et 2006 ; Dijkink
& Knippenberg, 2001 ; Fukuyama, 2004 ; Brenner, 2004 ;
Antheaume et Giraut, 2005 ; Elden, 2005) avec le repositionnement/redéploiement des États, la rehiérarchisation
des barrières, la prolifération des projets de territoire et
le « new regionalism » sous toutes ses formes (Keating,
1998 ; Joliveau & Amzert, 2001 ; Jonas, 2008 ; Ben Arrous & Ki-Zerbo, 2006 ; Ghorra-Gobin & Velut, 2006 ;
Vanier, 2008). En revanche, celle de la déterritorialisation
par les flux reprend de la vigueur avec le constat d’une
part du dégroupage généralisé des tâches qui affranchit
à nouveau la production des économies d’agglomérations
(Veltz, 2007), d’autre part de l’affirmation de la logique topologique de l’espace numérique (Dodge & Kitchin, 2001 ;
Musso, 2007)4 qui fonde les localités virtuelles (les scapes
d’Appadurai) imaginées par les collectifs diasporiques
et évolutifs constitués à l’échelle mondiale (Appadurai,
1996).
Mystifiant, le territoire le serait par sa capacité voire sa
fonction d’occultation des enjeux sociaux et économiques
majeurs. Ceux-ci ne pouvant être compris et encore moins
régulés dans le cadre étroit d’un territoire circonscrit,
quelle que soit son échelle. En effet, la fluidité du capital
lui permet de toujours plus s’accumuler indépendamment
de la localisation de la production. Celle-ci est de plus en
plus soumise à des relocalisations, tandis que les transferts financiers (investissements, dividendes mais aussi
pensions) issus de la spéculation sur la production s’effectuent dans l’espace en se jouant des frontières territoriales (Cox, 2003 ; Davezies, 2008). Les enjeux essentiels
ne seraient donc pas dans de dérisoires projets de territoires plus ou moins calés sur les circonscriptions politiques,
susceptibles d’attirer puis de capitaliser une part finalement réduite des investissements en circulation et au prix
d’une mise en concurrence des territoires entre eux.
Pire, la focalisation sur les projets de territoires qui accompagnent les processus de décentralisation et de terri-
3
Mais celles-ci peuvent alors être prises pour objet par une géographie politique féministe, ce que montrent Doris Wastl-Walter et Lynn A.
Staeheli (2003).
4
La thèse ou plus exactement le constat du dégroupage et de l’éclatement des taches permet d’envisager des réseaux pour la production et la
distribution de biens ou de services qui peuvent ne plus composer du tout avec des territoires qui accueillaient au moins un segment de la firme.
L’éclatement spatial peut toucher ce qui auparavant était une unité de production nécessairement inscrite territorialement, même temporairement.
Balayées les considérations sur les logiques de firmes qui combinent proximité et circulation des biens et des capitaux au sein de larges réseaux. Pierre
Veltz indique cependant la résilience des économies d’agglomérations mais avec un changement d’échelle et l’émergence de nouvelles économies
d’agglomération « en réseau à vaste étendue » autrement dit une « pelote de flux » gigantesque et très aérée : font elles encore territoires ? Le constat
n’est pas plus optimiste qu’avec les dérisoires territoires numériques que stigmatise Pierre Musso. Ce dernier montre comment les collectivités locales
ont cru pouvoir rattraper la logique des flux d’information numérique par les réseaux physiques. Comme la viabilisation par les voiries et réseaux
divers est fondatrice d’une certaine construction territoriale sur la base d’espace fonctionnel aménagé et partagé, on a pu penser que la
connexion physique d’un espace et l’organisation de la distribution des accès seraient fondatrices d’une requalification territoriale qui assure
une cohérence à l’entité spatiale ainsi organisée (raccordée). Or la logique topologique de l’espace numérique que les acteurs investissent
une fois connectés est tout autre, dès lors ils échappent à toute communauté basée sur la proximité physique pour rallier simultanément
différentes communautés virtuelles, a-spatiales et éventuellement éphémères.
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Historiens & Géographes n° 403
DOSSIER : 10
Projet
“Configuration”
“Idéologie”
Aire
Identité
≠ Réseau
Pouvoir
“Appropriation”
Buzzword
= État
Concept
Géographie culturelle
Souveraineté
Notion spécifique
Géographie politique
Géopolitique
Entre mot-valise et notion spécifique, le concept de territoire dans la géographie francophone contemporaine
torialisation des politiques publiques aurait pour fonction
de légitimer l’abandon des objectifs de solidarité sociale
à l’échelle nationale, autrement dit le démantèlement de
l’État providence, pour lui substituer des objectifs de compétitivité et de cohésion dans la seule proximité. De là à
soupçonner de complicité les géographes qui prennent
pour objet la production contemporaine des territoires et
les idéologies spatiales qui lui sont associées, il y a un pas
qui est une tentation pour une certaine géographie sociale (Jaillet, 2007 ; Ripoll & Veschambre, 2005b ; Séchet
& Keerle, 2007).
La prise en compte de ces réticences ou de ces réserves
scientifiques vis-à-vis de l’engouement territorial, parfaitement fondées pour la plupart, loin d’impliquer de « jeter le bébé avec l’eau du bain » nécessite plutôt un effort
conceptuel. Il s’agit de spécifier les objets que désigne
le mot mais surtout de se doter d’un appareil conceptuel
susceptible de donner du sens à leur production. En ce
sens, la posture de Kevin Cox est exemplaire : fondamentalement sceptique vis-à-vis du territoire incapable de
saisir la mobilité du capital, il contribue remarquablement
à sa conceptualisation (1991, 1997, 2001 & 2005) pour
mieux spécifier ses limites et ses instrumentalisations.
Le double chantier théorique de la complexité et des
configurations territoriales que nous allons envisager
semble de nature à répondre aux attentes soulevées par
l’usage contemporain de la notion en géographie. Mais
ce chantier doit être situé dans un ensemble d’usages
francophones qui font encore de la notion un fourre-tout
potentiellement réducteur et mystifiant.
2. Quand les géographes
francophones utilisent le mot
territoire : un gradient et des
acceptions contradictoires
Des histoires et des épistémologies de la notion ou de sa
circulation en géographie ont été proposées par différents
auteurs (Agnew, 2000 ; Debarbieux, 1999 ; Delaney, 2005 ;
Elissalde, 2002 ; Gilbert, 1988 ; Ozouf-Marinier, 2007 ; Paasi, 2002 & 2003 ; Rippoll & Veschambre, 2005a ; Fall, 2007).
Il ne s’agit donc pas ici de retracer les usages successifs et
simultanés d’une notion polysémique, mais d’évoquer les
enjeux des principales contradictions entre les acceptions
disciplinaires francophones du terme, avec incursion chez
les anthropologues qui font aussi de la notion un objet disciplinaire fondamental.
D’un côté le terme de territoire peut être employé dans une
acception extrêmement large qui le confond avec espace
et renvoie à tout phénomène dont l’inscription spatiale est
aréolaire5. Il s’agit là d’un usage extensif et a-conceptuel,
à moins qu’une restriction apparaisse avec une opposition
théorique stricte entre dimension territoriale et dimension
réticulaire. C’est la définition du territoire de Jacques Lévy
(2003) correspondant aux « métriques topographiques »6
qui s’oppose aux espaces discontinus des réseaux définis
par les « métriques topologiques ».
A l’autre bout de la longue chaîne des usages du terme, il
y a l’usage restrictif qui en fait une notion spécifique de la
5
Un même auteur, Roger Brunet, pourtant rigoureux dans l’usage des notions et des concepts quand il propose un dictionnaire de la discipline,
peut être amené à presque quinze ans d’écart à utiliser le mot territoire dans une acception de géographie politique qui en fait un synonyme
d’espace de gouvernement (local, régional et national) (1990) ou dans une acception beaucoup plus large de support aréolaire pour structure
ou processus spatiaux (2004).
6
Il définit ainsi deux types de territoires ceux du genre pays aux limites fermées de types frontières, et ceux du genre horizon aux limites floues,
incertaines de type confins ou marches.
DOSSIER : 11
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géopolitique et qui renvoie à l’espace borné de l’exercice de
la souveraineté, et notamment de la souveraineté étatique.
Cet usage a longtemps été hégémonique du côté de la géographie anglo-saxonne.
Entre les deux, il y a les usages du terme en lien avec la
notion d’appropriation dérivée de l’usage scientifique originel de la notion en éthologie (Ardrey, 1966). Ce lien est
partagé entre les approches de géographie culturelle qui
privilégient les rapports aux identités individuelles et collectives (Bonnemaison, 1996)7, et les approches de géographie politique qui privilégient l’inscription spatiale des
pouvoirs par le contrôle (Sack, 1986), et bien sûr par les
approches de géographie sociale qui tentent la synthèse (Di
Méo, 1998) : « Le territoire témoigne d’une appropriation à
la fois économique, idéologique et politique de l’espace par
des groupes qui se donnent une représentation particulière
d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur singularité » (1998).
Le terme de pouvoir cependant n’apparaît pas ici, il nous
semble pourtant essentiel pour une définition opératoire
du territoire. Non pas seulement du pouvoir dans l’espace,
mais aussi du pouvoir sur l’espace, autrement dit d’une capacité d’aménagement ou de contrôle de l’aménagement,
bref d’une capacité à intervenir dans le champ de la justice
socio-spatiale.
Cette dimension politique et opératoire n’est pas constitutive des définitions socio-culturelles du territoire (Debarbieux8, 2003 ; Gervais-Lambony9, 2003 ; Turco10, 2004).
Celles-ci ont un grand intérêt lorsqu’il s’agit d’explorer les
pistes11 de l’espace perçu, vécu, représenté, désiré, investi
par les pratiques individuelles et collectives ; ou encore la
question cruciale des rapports identités et territoires (Jolivet, 2000). Un risque existe cependant, celui de privilégier
les formes d’homogénéité socio-spatiale : l’espace de
l’individu ou l’espace de la communauté (unique) comme
ferment de la territorialité. On rejoint là le genre utopique
avec l’isolat communautaire qui lui sert de figure centrale.
Réductionnisme, dont le danger d’une application au terri-
toire ainsi décomplexifié est rappelé par Yves Barel : « Le
plus souvent, un territoire est une réalité complexe formée
d’éléments variés. Il existe effectivement des territoires
apparemment simples, par exemple l’individu lui même,
la famille, le village ou le quartier, la profession, la classe
sociale, le livre, la race, l’ethnie, la nation, etc. En général,
cette “simplicité” cache une redoutable complexité interne. » (Barrel, 1986, p. 133).
Paradoxalement, c’est plutôt de la géographie culturelle que
vient le penchant pour une définition étroitement communautariste et autochtoniste. Ainsi, Edward W. Soja définissait
la territorialité comme « a behavioral phenomenon associated with the organization of space into spheres of influence or clearly demarcated territories that are made distinctive and considered at least partially exclusive by their
occupants or definers. » (1971, p.19). Christine Chivalon
(1999) estime presque trois décennies après que « Le territoire est l’un de ces modes [de relations à l’espace]. Celuici fait référence à une expérience particulière de l’espace
de l’ordre de la durée et de la singularité communautaire »
(p. 136), tout en précisant qu’ « il ne s’agit pas d’en faire un
type idéalisé renouant avec le mythe d’une communauté
solidaire enracinée à une terre complice et bienfaisante »
(p. 131).
Il faut dès lors se tourner vers l’anthropologie, où la dimension identitaire du rapport à l’espace est plus que
jamais un thème de recherche central, et où la notion de
territoire n’est pas pour autant ramenée systématiquement
à cette seule dimension. Elle peut cependant être privilégiée, comme dans le numéro d’Autrepart intitulé “Logiques
identitaires, logiques territoriales” (Jolivet (ed.), 2000) qui
précise dans son introduction ; « Lorsqu’on juxtapose les
notions d’identité et de territoire, on évoque en général un
espace communautaire, à la fois fonctionnel et symbolique,
où des pratiques et une mémoire collective construites
dans la durée ont permis de définir un “Nous” différencié et
un sentiment d’appartenance. Cette conception organique
7
Il réfute cependant l’idée d’appropriation territoriale au sens moderne d’étendue de souveraineté bornée : « La territorialité humaine se définit
beaucoup plus par la relation culturelle qu’un groupe ou une ethnie entretient avec (…) le maillage des lieux et le système d’itinéraires qui
quadrillent son espace que par la référence aux concepts biologiques fermés d’appropriation et de frontières. Le territoire dans cette perspective est véritablement un espace symbolique » (1996, p. 167).
8
“Agencement de ressources matérielles et symboliques capable de structurer les conditions pratiques de l’existence d’un individu ou d’un
collectif social et d’informer en retour cet individu et ce collectif sur sa propre identité” p. 910.
9
“Le territoire paradigmatique est l’habiter par excellence, c’est-à-dire la double inscription au monde, verticale (mise en relation avec la
terre et le ciel « être au monde ») et horizontale (relation avec les autres, être à la société humaine). Cette territorialité est rendue intelligible
par les sociétés humaines par le biais d’un discours, une narration qui offre aux hommes une mise en cohérence de leur monde. Ce discours
est culturel, social et politique. Mais la territorialité n’est pas ce discours qui est d’ordre culturel, elle est inscription individuelle immédiate
au monde. » p. 88.
10
Concernant la fonction et le marquage territorial en Afrique sub-saharienne : « Territory performs an intercultural function articulated on
three levels. First, it ensures that mythic and technical knowledge remain compatible, preventing them from entering into conflict ; secondly, it
legitimates the pratices by which land and natural resources are used ; thirdly, it moderates disintegratory tendencies in society, re-calling the
collective body to a single, unified mythic-religious and technical matrix which, in spite of the differences (and discriminations) that continue
to exist within it, embrace the whole collectivity » p 330.
11
Pistes ouvertes dans le monde francophone par Armand Frémont (1976).
60
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DOSSIER : 12
et traditionnelle du territoire est particulièrement adaptée
aux espaces homogènes de petites dimensions » (Jolivet &
Léna, 2000, p.8). Mais l’identitaire peut aussi être conjugué
au politique, à la mobilité et à leurs dynamiques pour ne
jamais considérer d’espaces homogènes socialement et
même culturellement, comme dans le numéro d’Ethnologie
française intitulé “Territoires en questions” (Alphandéry &
Bergues (eds.), 2004) où l’introduction et l’enchaînement
des articles restituent la nécessaire complexité d’une
approche territoriale contemporaine. Y sont notamment
posées les questions suivantes : « Quel type de territoire
le phénomène de multi-appartenance produit-il ? Faut-il
rapporter les processus de différenciation territoriale aux
formes diverses de quêtes ou de bricolages identitaires,
qu’elles soient individuelles ou collectives ? Comment les
territoires construits et institutionnalisés au cours de l’histoire sont-ils transformés par ces dynamiques et qu’en résulte-t-il du point de vue des modalités de l’action publique
et de la représentation politique ? » (Alphandery & Bergues,
2004, p. 7).
3. Du construit à la complexité
En revenant à la géographie, on peut souligner que la posture théorique partagée par les approches culturalistes et
politiques est désormais de type constructiviste, il est couramment admis qu’aucun territoire n’est donné, mais qu’il
s’agit d’une production sociale.
Les définitions de Robert Sack :
« Territoriality for humans is a powerful strategy to control
people and things by controlling area » (Sack, 1986, p. 5) et
de Claude Raffestin :
« Le territoire est une réordination de l’espace dont l’ordre est à chercher dans les systèmes informationnels dont
dispose l’homme en tant qu’il appartient à une culture. Le
territoire peut être considéré comme de l’espace informé
par de la sémiosphère. » (Raffestin, 1986, p. 177)
bien que différentes12, introduisaient une telle posture,
avec pour Raffestin une attention particulière portée à la
construction par le codage symbolique et matériel. Les définitions de Michel Lussault et Anssi Paasi entérinent cet
acquis de la réflexion géographique des trois dernières
décennies : « Le territoire est un espace structuré par des
principes de contiguïté et de continuité. Celles-ci dépendent
sans doute moins du seul aspect matériel des espaces que
des systèmes idéels qui encadrent l’espace en question,
ainsi que des pratiques afférentes qui s’y déploient. (Lussault, 2007, p. 113) ».
« Territories are made, given meanings, and destroyed in
social and individual action. Hence, they are typically contested and actively negociated » (Paasi 2003, p. 110)
Le débat reste cependant très largement ouvert entre les
approches qui privilégient l’autonomie et l’expérience des
agents dans des approches phénoménologiques (Hoyaux,
2006) et celles qui tentent d’identifier des structures sociales et/ou spatiales plus lourdes qui conditionnent la production territoriale.
L’irruption du projet et de la mobilisation à des fins de développement comme ferment de la production territoriale
contemporaine a introduit le territoire comme objet fétiche, non plus des seules géographies culturelles et politiques, mais aussi de la géographie économique. Celle-ci
s’intéresse alors aux effets de proximité dans les districts
spécialisés et aux ressources territoriales génératrices de
plus-value basée sur les qualités spécifiques d’une production territorialisée par rapport à une production générique
et a-territoriale (Benko & Lipietz, 1992 & 2000 ; Storper,
1997 ; Morgan, 2004 ; Pecqueur, 2005). Ces approches sont
également constructivistes et alimentent les travaux sur les
jeux, les systèmes et les coalitions d’acteurs au coeur des
processus de construction territoriale par le projet (Marié,
1982 ; Gumuchian et alii, 2003 ; Moine, 2006 ; Rolland-May,
2000 ; Gerbaux, 1999 ; Gerbaux et Giraut, 2000 ; Cox, 2002)
ainsi que sur la dimension réflexive de ces processus (Melé,
2007 ; Debarbieux, 2007).
Plus intégratrice et porteuse de théorie que le « projet de
territoire », la notion d’idéologie territoriale introduite par
Michel Lussault permet de conférer au territoire une dimension conceptuelle au sein d’une théorie géographique qui
spécifie les objets de la discipline : « Un territoire s’impose
alors comme une aire délimitée affectée d’une idéologie
territoriale qui attribue à une portion d’espace un statut
de territoire, donc d’étendue limitée continue scandée par
des pôles et valorisée comme telle. Chaque individu qui
s’y trouve inclus peut éprouver et qualifier la contiguïté,
la scansion, la délimitation et la valeur, la congruence de
tous les composants dans un même agencement cohérent,
doté de sens. Cette idéologie territoriale peut émaner d’une
société - locale, nationale, etc.-, d’un groupe étendu ou restreint, d’un individu isolé, qui ferait d’une aire quelconque
son territoire » (p 113).
Aux côtés du projet de territoire ou surtout de l’idéologie territoriale, d’autres pistes semblent fécondes pour aller plus
loin dans la conceptualisation que le simple croisement des
dimensions politiques, culturelles et économiques de l’appropriation spatiale. Ces pistes sont celles qui explorent la
complexité territoriale contemporaine faite d’appartenan-
12
« Il semble difficile d’accepter ou accueillir l’idée de Sack selon laquelle la territorialité est un contrôle sur une aire. C’est faire l’économie
du pouvoir par assimilation de la territorialité humaine à celle animale, privées de symbolisation et donc de codification » (Raffestin 1995 cité
par Debarbieux, 1999).
DOSSIER : 13
n° 403 Historiens & Géographes
61
ces multiples et de jeux croisés entre entités territoriales et
réseaux de natures, d’échelles et de temporalités différentes (Thuathail, 1998 ; Giraut et Vanier, 1999 ; Alphandery &
Bergues, 2004 ; Giraut, 2005)
« Territory and territoriality are not discrete ontologies but
social constructions entwined with technological capabilities,
transportation machines, military logistics, social institutions,
political authorities and economic networks. Human society
produces, reworks and, creatively and otherwise, destroys
territory and territoriality. Our task is to theorize critically the
polymorphous territorialities produced by the social, economic, political and technological machines of our postmodern
condition rather than refuse this complexity and reduce it to
singular dramas of resistant territorializtion or unstoppable
deterritorialization » (Tuathail, 1998, p. 90)
Il s’agit alors de prendre en compte les jeux d’échelles et
les jeux de configurations entre territorialités complémentaires, par exemple entre territoires de « dépendance » et
« d’engagement » pour reprendre les expressions de Kevin
Cox (1996) ou encore de « sécurité » (cloisonnement) et
« d’opportunité » (accessibilité) pour reprendre les principes
contradictoires consubstantiels à l’organisation territoriale
selon Jean Gottmann (1973). On retrouve une telle opposition chez Michel Foucault, entre le territoire circonscrit de
« la discipline » et le territoire cette fois ouvert de « la sécurité » comprise alors comme la facilitation du mouvement et
de la distribution nécessaires au gouvernement des masses
(Foucault, 2004 ; Elden, 2007)
Un outil ou un objet transdisciplinaire semble ainsi se dégager pour analyser les termes de cette complexité territoriale
et surtout ses composantes, il s’agit des « configurations
territoriales ». Michel Lussault (2007) dans sa théorie de
l’homme spatial et, lors du colloque sus-mentionné, Bernard Debarbieux, (2007) dans sa proposition de grille de
lecture ou encore Laurent Cailly (2007) dans son essai
épistémologique ont recours explicitement à cette notion
de configuration territoriale. (ensemble d’attributs dans
des agencements particuliers, ou combinatoire de détails
quasi illimitée à partir d’un répertoire restreint). Il est frappant de voir que des politologues revendiquent également
la notion pour cette fois, à la suite de Norbert Elias, qualifier
les formations sociales et politiques qui s’élaborent dans
des cadres territoriaux qu’elles ont pu participer à produire
(Négrier, 2005).
En géographie, c’est la nature des espaces, construits comme des agencements ou des combinaisons spécifiques
d’attributs activés et créés, autrement dit leurs principes
de cohérence et non uniquement l’échelle à laquelle ils se
situent, qu’il convient de travailler, différentes configurations territoriales pouvant être mobilisées simultanément
à une échelle donnée. L’intérêt renouvelé des géographes
13
pour les configurations territoriales basées sur les attributs
spatiaux intègre les modalités topologiques (Allen, 2003)
ou les « qualités » (Foucault, 2004) et permet de redéfinir
le territoire dans ses rapports aux réseaux en sortant de
l’opposition territoire/réseau (Offner & Pumain, 1996 ; Macleod & Jones, 2007) et en réactivant par exemple comme
Joe Painter (2007) la figure du « rhyzome13 » chère à Gilles
Deleuze (1980).
L’intérêt pour les configurations territoriales vient également
du dépassement des attributs du territoire de la modernité
(la souveraineté exclusive et le bornage qui garantissent
l’emboîtement et l’exhaustivité) par la géométrie variable et
les agencements souples qui marquent les nouveaux dispositifs territoriaux. C’est alors la postmodernité territoriale
qui devient un objet pour la discipline et qui doit être caractérisée (Newman, 1999 ; Pourtier, 2005), ce qui implique
de revisiter les différentes modalités, notamment coloniales
de la modernité territoriale (Giraut, 2005) et la part de prémodernité qui irrigue la postmodernité (Anderson, 1996 ;
Smith, 2007).
4. Pistes pour une
conceptualisation opérationnelle
par la différenciation
zone/territoire
Ainsi la complexité territoriale n’est ni une calamité ni un
bienfait, c’est une expression spatiale des mutations sociales et des différentes facettes de la postmodernité. Notre
posture est celle de son acceptation à la fois comme objet
pertinent et comme donnée contextuelle, mais pas comme
un facteur de résignation en matière d’aménagement et
de développement. En effet, si tout ne se joue pas sur le
territoire, bien souvent dérisoire face à la mobilité du capital et des hommes, l’enjeu territorial existe et il n’est pas
à sommes nulles. Il y a des gagnants et des perdants, de
plus, les modèles spatiaux qui circulent sont tout sauf neutres, dans la mesure où ils peuvent accroître la capacité
ou l’incapacité régulatrice territoriale. Dans ce contexte,
la conceptualisation du territoire pour être opératoire doit
permettre de saisir les contradictions inhérentes à sa production contemporaine et à la nouvelle division spatiale et
scalaire du travail politique.
En fait, pour nous l’enjeu d’une définition opératoire du territoire ne se situe pas dans sa différenciation avec le réseau ou
le lieu auxquels il est lié (Turco, 2004b), voire même parfois
équivalent, comme le rappellent Jean-Marc Offner et Denise
Pumain (1996), Joe Painter (2007) et Bernard Debarbieux
(2003), mais dans sa différenciation avec la zone comme
Figure déjà reprise par Jacques Lévy mais pour l’opposer à celle du territoire des « métriques topographiques » (Lévy, 1999 et 2003).
62
Historiens & Géographes n° 403
DOSSIER : 14
espace d’affectation dans un zonage. On rejoint là Sylvy Jaglin qui distingue la spatialisation par « déclinaison contractualisée des règles et normes nationales en fonction des
contingences locales » de la territorialisation « par création
de systèmes autonomes d’action collective, chacun doté de
son propre mode de gouvernance en fonction de valeurs et
comportements localisés » (Jaglin, 2005). Elle voit cependant
entre ces deux notions, un continuum sur une échelle de territorialisation, alors que j’y vois une différence de nature.
Le territoire au sens plein se distingue donc fondamentalement de l’espace circonscrit homogène caractérisé par une
ressource, une fonctionnalité ou une contrainte : l’espace
d’affectation dans un dispositif plus large. C’est en interne
qu’un territoire s’organise en espaces que l’on qualifiera de
zones. C’est entre ces zones que peuvent s’opérer des affectations fonctionnelles (une division spatiale fonctionnelle), se
forger un ordre ségrégatif, se décliner des normes ou s’effectuer une redistribution, c’est-à-dire s’exercer un pouvoir
socio-spatial selon le projet et la capacité territoriale. L’enjeu
des idéologies qui président à sa construction est celui d’accroître ou minimiser cette capacité territoriale. C’est toute la
question du choix des modèles, des gabarits, des configurations, des coalitions recherchées ou revendiquées dans les
territoires d’action dont on se dote ou que l’on reconnaît.
Une telle définition revendique en fait une filiation avec la
pensée sur l’espace de Michel Foucault. Celui-ci repère des
lieux ou des espaces d’affectation, d’assujettissement, de
relégation, de surveillance, de punition. Mais ces éléments
spatiaux ne prennent sens qu’à l’échelle d’un projet social
et d’exercice du pouvoir qui se matérialise dans un espace
de répartition des éléments d’un dispositif de “discipline”.
« La discipline procède d’abord à la répartition dans l’espace » (Surveiller et punir, 1975)
« Comment surveiller quelqu’un, comment contrôler sa
conduite, son comportement, ses aptitudes, comment intensifier sa performance, multiplier ses capacités, comment
le mettre à la place où il sera le plus utile : voilà ce qu’est
à mon sens la discipline » (“Les mailles du pouvoir”, 1981
nº 297 in Dits et Ecrits, 1994).
Un dispositif disciplinaire constitue donc ce que nous appelons finalement un territoire, qui chez Foucault est fondamentalement répressif ou coercitif, mais qui peut relever
de différentes idéologies territoriales au sens que Lussault
(2007) donne à l’expression.
On peut affirmer que si le territoire politique (métropolitain,
national, régional, municipal…) est bien le cadre (hétérogène et composite spatialement) d’une régulation et/ou
d’une exploitation potentielle entre des zones (homogènes
spatialement), son atomisation, par autonomisation de ses
parties ou zones, anéantit ses possibilités de régulation (au
sens de planification, de redistribution et de péréquation).
Autrement dit, si l’on transfère le pouvoir territorial à des
« infra-territoires » communautaires ou à des « para-territoires » concédés, en fait à de simples zones, on produit
de la fragmentation et d’autres formes d’articulation sont
alors nécessaires à un éventuel maintien d’une quelconque
gouvernementalité.
Ce sont donc finalement les vertus potentielles, en termes
de justice ou d’injustice socio-spatiale (Reynaud, 1981),
d’inclusion-exclusion (Agamben, 1997) du territoire politique intégrateur qui ressortent, mais aussi les enjeux de ses
recompositions et les risques de sa fragmentation, de sa
dislocation. On reste cependant conscient que l’enjeu est
autant dans la nature des territoires pluriels et leurs agencements que dans leur articulation avec l’englobant.
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DOSSIER : 19
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Frédéric GIRAUT : Professeur en géographie politique à l’Université de Genève, est spécialiste des questions de recompositions
territoriales et de politiques publiques comparées dans différents contextes africains et européens. Il est chercheur associé à l’Institut de
Recherche pour le Développement et à l’UMR PACTE/Territoires. Il a dirigé avec Benoît Antheaume l’ouvrage : « Le territoire est mort, Vive
les territoires ! » aux éditions de l’IRD et a piloté l’ « Étude comparée des politiques d’aménagement et de développement régional dans
les pays du Sud » publiée par la DGCID.
R É S U M É
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A B S T R A C T
Conceptualiser le territoire
Par Frédéric GIRAUT
L’usage social du mot « territoire » tend à proliférer sur fond de mondialisation. La géographie francophone fait
aussi un usage immodéré de la notion. Paradoxe apparent qui propulse les territoires contemporains dans le
collimateur de ses détracteurs qui y voient un objet obsolète (produit de la modernité et relégué par une postmodernité déterritorialisante), réducteur (qui ne permet pas de saisir la dimension mobile des rapports à l’espace)
et mystifiant (qui occulte les véritables enjeux sociaux et participe du démantèlement de l’État providence). Ces
critiques appellent davantage une conceptualisation du terme que son abandon, tant la complexité territoriale
est une donnée de la postmodernité. La perspective de l’abandon n’est d’ailleurs pas d’actualité puisque les
usages vont actuellement du mot-valise, synonyme d’aire ou d’espace, à la notion spécifique en géopolitique,
synonyme d’extension bornée de la souveraineté étatique. Entre ces pôles extensifs et restrictifs de l’usage de
la notion, géographies culturelles et politiques convergent sur le caractère nécessairement construit de l’objet
territoire. Des contradictions subsistent cependant au sein de ces approches constructivistes et les pistes les
plus fécondes pour leur dépassement se trouvent du côté de l’intelligence des idéologies et des configurations
territoriales. Des propositions sont ainsi émises pour rendre le concept opératoire sur un plan politique : il s’agit
notamment de distinguer clairement le terme de celui de zone ou d’espace d’affectation.
Conceptualizing Territories
By Frédéric GIRAUT
The social use of the term “territory” has tended to proliferate in the context of globalization. French-language
geography has also indulged an immoderate use of the concept. The apparent paradox has made the contemporary notion of territory the target of detractors who see it as something obsolete (a product of modernity
now superseded by a de-territorializing postmodernism), too reductive (not allowing for a grasp of the mobile
aspect of spatial relationships), and mystifying (masking the true social issues, further dismantling the welfare
state). These criticisms suggest that the term should be re-conceptualized rather than dropped, given that territorial complexity is a given of postmodernism. Nor dropping the term is likely to happen anytime soon, since
usage currently ranges from a portmanteau word synonymous with region or area to a specifically geopolitical
notion based on the delimited extension of state sovereignty. Between the extensive and restrictive uses of the
concept, cultural and political geographies converge on the necessarily “constructed” nature of the territorial
object. Contradictions nevertheless remain between these constructivist approaches; the most promising paths
for overcoming them call for a clear grasp of territorial configurations and ideologies. Proposals are thus offered
here for rendering the concept functional on a political level, notably by making a clear distinction between the
term and the zone or area it applies to.
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