C’est seulement depuis le milieu du siècle dernier que quelques historiens ont cherché à mettre en chantier une étude de l’écriture latine dans
ses formes qui aille au-delà de la description, de la nomenclature et de
l’expertise, pour construire des faits plus généraux et identifier de possibles causalités. Ce fascicule de la Bibliothèque de l’École des chartes
voudrait renouer avec de semblables perspectives, trop délaissées pendant
plusieurs décennies, en réunissant des travaux nouveaux menés notamment autour du Séminaire permanent sur les écritures cursives (Paris,
Cambridge et Florence).
Comme toute production conventionnelle, l’écriture est fondamentalement conservatrice et son existence n’est possible que grâce à des traditions, assises sur un enseignement dont les recettes ont remarquablement
peu évolué depuis des millénaires. L’imitation est au cœur de ces traditions, mais elle est en même temps ferment de diffusion des changements.
Quant à l’invention proprement dite, l’aspect le plus mystérieux sans
doute, elle ressortit à des facteurs tout à la fois matériels et culturels, physiques et psychiques, qu’il nous faut oser imaginer.
L’histoire des formes graphiques ne peut être la chronique d’inventions
successives ; plutôt l’analyse d’un paysage mouvant, où interfèrent sans
cesse, comme dans toute langue, comme dans tout système de conventions sociales, une diversité plus ou moins structurée et son évolution dans
le temps. Non pas un arbre généalogique de variétés clairement identifiées, donc, mais plutôt la cartographie d’une tectonique, avec ses dérives
insensibles, ses chevauchements, ses failles et ses fractures, ses phases
d’immobilité apparente et parfois ses séismes. De cette carte qui reste en
grande partie à dessiner, on explorera ici quelques régions, suffisamment
diverses, veut-on espérer, pour baliser ou suggérer l’ensemble : par les
types d’écriture comme par les époques, les milieux, les matériaux, les
techniques, les problèmes.
Études réunies par Marc H. Smith.
Bibliothèque de l’École des chartes, t. 165 (2007), fasc. 1.
ÉCRITURES LATINES DU MOYEN AGE TRADITION IMITATION INVENTION
ÉCRITURES LATINES DU MOYEN AGE
TRADITION IMITATION INVENTION
REVUE D’ÉRUDITION
PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ DE L’ÉCOLE DES CHARTES
Directeurs de la publication : Olivier Poncet, Marc Smith.
Comité de rédaction : Michel Antoine, Bernard Barbiche, Jérôme Belmon,
Alban Cerisier, Isabelle Diu, Frédéric Duval, Christine Gadrat, François
Giustiniani, Anita Guerreau-Jalabert, directrice de l’École des chartes,
Olivier Guyotjeannin, Étienne Hamon, Bertrand Joly, Werner Paravicini,
Olivier Poncet, Emmanuel Poulle, Remy Scheurer, Marc Smith,
Neil Stratford.
Livres reçus : Christine Gadrat. — Chronique : Bernard Barbiche avec la
collaboration de Jérôme Belmon, Geneviève Bresc, Bruno Galland,
Pierre Gasnault, Philippe Henwood, Mathieu Stoll. — Traduction des
résumés : Martin-Dietrich Glessgen (allemand), Marc Smith (anglais).
Responsable de la publication : Marc Smith.
BIBLIOTHÈQUE
DE L’ÉCOLE
DES CHARTES
TOME 165
PREMIÈRE LIVRAISON
janvier-juin 2007
Publiée avec le concours
du Centre national de la Recherche scientifique
PARIS ‰ GENÈVE
LIBRAIRIE DROZ
2008
ISSN 0373-6237
SOMMAIRE
Marc H. Smith, Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5-8
Giovanna Nicolaj, Questions terminologiques et questions de méthode :
autour de Giorgio Cencetti, Emanuele Casamassima et Albert Derolez.
9-28
Teresa De Robertis, Quelques remarques sur les conditions et les principes de la ligature dans l’écriture romaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
29-45
Jean Vezin, Écritures imitées dans les livres et les documents du haut
Moyen Âge (VIIe-XIe siècle) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
47-66
Patricia Stirnemann et Marc H. Smith, Forme et fonction des écritures
d’apparat dans les manuscrits latins (VIIIe-XVe siècle) . . . . . . . . . . . . . .
67-100
Vincent Debiais, Robert Favreau et Cécile Treffort, L’évolution de
l’écriture épigraphique en France au Moyen Âge et ses enjeux historiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
101-137
e
Teresa Webber, L’écriture des documents en Angleterre au XII siècle . . . .
139-165
Irene Ceccherini, Tradition cursive et style dans l’écriture des notaires
florentins (v. 1250-v. 1350). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
167-185
Emmanuel Poulle, Aux origines de l’écriture liée : les avatars de la mixte
(XIVe-XVe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
187-200
Bibliographie
I. Comptes rendus critiques :
L. De Coninck, B. Coppieters’t Wallant, R. Demeulenaere. La tradition manuscrite du recueil
« De verbis Domini » jusqu’au XIIe siècle [P. Bourgain], 201. — Conradus de Mure, Fabularius,
éd. CTLO [P. Bourgain], 203. — Jean de Roquetaillade. Liber ostensor quod adesse festinant
tempora, éd. C. Thévenaz-Modestin et C. Morerod-Fattebert [P. Jugie], 205. — Le livre de Boèce de
Consolacion, éd. G. M. Cropp [F. Duval], 207. — M. Peyrafort-Huin, La bibliothèque médiévale
de l’abbaye de Pontigny (XIIe-XIXe siècle) [K. Rebmeister-Klein], 210. — J.-F. Gilmont, Le
livre réformé au XVIe siècle [A. Renoult], 212. — E. Bœuf, La bibliothèque parisienne de
Gabriel Naudé en 1630 [J. Delatour], 214. — G. Brunel, Images du pouvoir royal. Les chartes
décorées des Archives nationales XIIIe-XVe siècle [C. Jeay], 219. — L. de Carbonnières, La
procédure devant la chambre criminelle du parlement de Paris au XIVe siècle [P. Arabeyre],
221. — P. Arabeyre, Les idées politiques à Toulouse à la veille de la Réforme. Recherches autour
de l’œuvre de Guillaume Benoît (1455-1516) [J.-L. Thireau], 224. — V. Beaulande, Le malheur
d’être exclu ? Excommunication, réconciliation et société à la fin du Moyen Âge [C. Sonnefraud],
227. — V. Julerot, « Y a ung grant desordre ». Élections épiscopales et schismes diocésains en
France sous Charles VIII [H. Larcher], 230. — A. Rousselet-Pimont, Le chancelier et la loi au
XVIe siècle d’après l’œuvre d’Antoine Duprat, de Guillaume Poyet et de Michel de L’Hospital
[O. Poncet], 232. — V. Meyzie, Les illusions perdues de la magistrature seconde. Les officiers
« moyens » de justice en Limousin et en Périgord (v. 1665-v. 1810) [S. Gibiat], 235. — S. Évrard,
L’intendant de Bourgogne et le contentieux administratif au XVIIIe siècle ; C. Glineur, Genèse
d’un droit administratif sous le règne de Louis XV. Les pratiques de l’intendant dans les
provinces du Nord (1726-1754) [O. Poncet], 238. — K. Gruter von Werden, De machinis et rebus
mechanicis. Ein Maschinenbuch aus Italien für den König von Dänemark 1393-1424, éd.
D. Lohrmann et al. [S. Reecht], 241. — M.-C. Déprez-Masson, Technique, mot et image. Le « De
re metallica » d’Agricola [P. Braunstein], 243. — Il viaggio in Europa di Pietro Guerrini
(1682-1686). Edizione della corrispondenza e dei disegni di un inviato di Cosimo III dei Medici,
éd. F. Martelli [O. Poncet], 245. — Ier colloque international de pathographie, dir. P. Charlier
[E. Poulle], 247.
II. Notes de lecture :
M. Parisse, Manuel de paléographie médiévale. Manuel pour les grands commençants
[C. Giraud], 249. — G. Murano, Opere diffuse per « exemplar » e pecia [O. Legendre], 250. —
C. Meyer, Catalogue des manuscrits notés du Moyen Âge, I, 1, Colmar, bibliothèque municipale
[C. Maître], 251. — L. S. Chekin, Northern Eurasia in medieval cartography. Inventory, text,
translation and commentary [C. Gadrat]. 253, — J.-M. Martin, Guerre, accords et frontières en
Italie méridionale pendant le haut Moyen Âge [A. Thomas]. 254, — E. van Mingroot, Les chartes
de Gérard Ier, Liébert et Gérard II, évêques de Cambrai et d’Arras, comtes du Cambrésis (10121092/93) [C. Dufossé], 256. — Un formulari i un registre del bisbe de València En Jaume
d’Aragó (segle XIV), ed. M. M. Cárcel Ortí [L. Combes], 257. — Denis Foulechat, Le Policratique de Jean de Salisbury (1372), livre V, éd. C. Brucker [F. Duval], 258. — Le livre des
délibérations de la grande saunerie de Salins (1466-1481), éd. C. Bébéar et H. Dubois [J.-C.
Hocquet], 260. — R. de Lucinge, Lettres de 1588. Un monde renversé, éd. J. J. Supple [D. Valle de
Loro], 261. — L’intendance de Lorraine et Barrois à la fin du XVIIe siècle. Édition critique du
mémoire « pour l’instruction du duc de Bourgogne », éd. M.-J. Laperche-Fournel [J. Dujardin],
262. — J.-L. Clément, Les assises intellectuelles de la République. Philosophies de l’État,
1880-1914 [B. Joly], 264. — A. Guérard, L’avenir de Paris, préf. P. Bouju, introd. M. Flonneau
[J.-M. Leniaud], 265. — Les usages publics de l’écriture (Antiquité-XXe siècle), dir. M. Cassan et
A. Heller [J. Gherram], 266. — Liens personnels, réseaux, solidarités en France et dans les îles
Britanniques (XIe-XXe siècle), éd. D. Bates et al. [C. Okret], 268. — De l’estime au cadastre en
Europe : le Moyen Âge, dir. A. Rigaudière [S. Deprouw], 270. — Les universités en Europe du
XIIIe siècle à nos jours : espaces, modèles, fonctions, éd. F. Attal et al. [S. Guenée], 271. —
« Scribere sanctorum gesta ». Recueil d’études d’hagiographie médiévale offert à Guy Philippart,
éd. É. Renard et al. [G. Moyse], 273. — Les cartulaires méridionaux, dir. D. Le Blévec [S.
Caucanas], 274. — Plantagenêts et Capétiens : confrontations et héritages, éd. M. Aurell et
N.-Y. Tonnerre [P. Chancerel], 276. — Cahiers de Fanjeaux, 41 : Les ordres religieux militaires
dans le Midi (XIIe-XIVe siècle) [M. Bart-Gadat], 278. — L’écrit et le manuscrit à la fin du
Moyen Âge, dir. T. Van Hemelryck et C. Van Hoorebeeck [F. Duval], 279. — « De part et d’autre
des Alpes » : les châtelains des princes à la fin du Moyen Âge, dir. G. Castelnuovo et O. Mattéoni
[C. Le Fauconnier], 281. —La corona catalanoaragonesa i el seu entorn mediterrani a la baixa
Edat Mitjana, éd. M. T. Ferrer i Mallol, J. Mutgé i Vives, M. Sánchez Martínez ;
M. T. Ferrer i Mallol, Entre la paz y la guerra. La corona catalano-aragonesa y Castilla en la baja
Edad Media [D. Coulon], 283. — Livraisons d’histoire de l’architecture et des arts qui s’y
rattachent, no 10 : Les bâtiments d’archives [A. Thomine-Berrada], 284.
Livres reçus, 287-299.
Résumés, Abstracts, Zusammenfassungen, 301-311.
Bibliothèque de l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 5-8.
AVANT-PROPOS
par
Marc H. SMITH
C’est seulement depuis le milieu du siècle dernier que quelques historiens
ont cherché à mettre en chantier une étude de l’écriture dans ses formes qui
aille au-delà de la description, de la nomenclature et de l’expertise, pour
construire des faits plus généraux et identifier de possibles chaînes de causalité ; soit internes à l’écriture, soit entre l’écriture et des circonstances externes
d’ordre social, politique ou culturel. Ainsi Heinrich Fichtenau a-t-il invoqué
des forces immanentes, celles du Zeitgeist et du Volksgeist, qui cependant,
après la fin de la seconde guerre mondiale, avaient déjà perdu beaucoup de leur
attrait pour les savants 1. Ainsi Stanley Morison a-t-il cherché à établir des
rapports plus subtils entre les formes d’écriture et ce qu’on pourrait appeler
une sémiologie politique 2 : lecture brillante (malgré un système trop ingénieux
pour échapper à la surinterprétation), et qui mériterait encore d’être discuté.
Mais la voie la plus féconde a été ouverte par ceux qui avaient choisi au contraire
d’examiner les écritures dans l’infinie diversité de leurs réalisations concrètes,
uniques et individuelles, au lieu de les enfermer dans des tableaux a priori, dans
des catégories abstraites, établies selon la pure apparence visuelle des lettres,
selon les matières, selon les types de documents..., toutes divisions invétérées
depuis les travaux des savants bénédictins du xviiie siècle 3, et sur lesquelles se
sont édifiées peu à peu autant de spécialités, autant d’enclos académiques.
Une place centrale, on le sait, appartient dans ce renouveau à Jean Mallon.
Ayant d’abord refondé la paléographie romaine 4, il a plaidé toute sa vie pour
une science des observations concrètes, loin des reproductions, des éditions, des
1. Heinrich Fichtenau, Mensch und Schrift im Mittelalter, Vienne, 1946.
2. Stanley Morison, Politics and script : aspects of authority and freedom in the development
of Graeco-Latin script from the sixth century BC to the twentieth century AD (The Lyell Lectures,
1957), éd. Nicolas Barker, Oxford, 1972, réimpr. 2000.
3. [Dom René Tassin et dom C.-François Toustain], Nouveau traité de diplomatique, Paris,
1750-1765, 6 vol. (t. II et III).
4. Travaux synthétisés dans sa Paléographie romaine, Madrid, 1952, et en dernier lieu dans son
remarquable film Ductus, ou La formation de l’alphabet moderne. Paris, 1976.
Marc H. Smith, professeur à l’École nationale des chartes, 19 rue de la Sorbonne, F-75005 Paris.
6
marc h. smith
B.É.C. 2007
classifications, jusqu’à vouloir abolir dans ses dernières années les rares
barrières qu’il avait encore tolérées, et appeler à une étude générale de tous les
écrits sous tous leurs aspects 5. Sa contribution essentielle, faut-il le rappeler ?
a été de placer au centre de l’évolution des formes non plus la trace conservée
par le papyrus ou le parchemin, mais le geste du scripteur, le ductus, dont la
trace avait résulté. Cette révolution des principes — même si certaines des
conclusions de Mallon ont été à juste titre discutées — est unanimement
reconnue. Il faut pourtant constater que ses travaux, auxquels se sont associés
ses confrères Charles Perrat et Robert Marichal en un trio baptisé un peu vite
« école française » de paléographie, n’ont justement guère fait école. Entre
autres parce que la centralité du ductus suppose la revalorisation des écritures
les plus modestes, quotidiennes et documentaires : les moins aimées des paléographes, qui en majorité restent plutôt, depuis le xixe siècle, philologues et
spécialistes du livre. Ce n’est pas un hasard si Mallon et ses collègues appartenaient, eux, à une autre tradition, historiens et archivistes instruits dans le
déchiffrement des chartes autant que des livres.
De ces noms il convient d’en rapprocher d’autres dont il sera question ici.
L’école italienne, aujourd’hui connue principalement par le nom d’Armando
Petrucci, a eu plusieurs maîtres encore trop négligés au-delà des Alpes pour
n’avoir pas été traduits : sans remonter à Luigi Schiaparelli (voire à Scipione
Maffei, génial contradicteur de dom Mabillon), il faut lire et relire au moins
Giorgio Cencetti et Emanuele Casamassima : le premier, historien sensible à
toute la complexité d’un passé qui a un jour été vivant, auteur de la synthèse la
plus ambitieuse à ce jour sur l’écriture latine 6 ; le second, brillant théoricien
d’une paléographie structurale qui retrouve, sous un angle différent, la question du ductus 7. Notons en passant que Cencetti et Petrucci, ouverts à toute la
gamme des écritures sans distinction de dignité, furent eux aussi archivistes
(et Casamassima, bibliothécaire, mais venu à la paléographie par une voie
détournée, les manuels d’écriture de la Renaissance). Giovanna Nicolaj introduit le présent volume en rappelant avec force tout ce qui reste là à puiser pour
l’avenir. Les paléographes italiens méritent d’autant plus d’être lus que leurs
travaux s’appliquent aux écritures de tout l’Occident. Ce qui semble avoir
limité en revanche la circulation de nombreux travaux britanniques, pourtant
exemplaires par l’érudition et la méthode, tient à ce qu’ils se sont occupés
principalement des écritures qui leur étaient propres. Ici encore, inutile de
multiplier les noms, mais citons au moins Neil Ker, Julian Brown et aujourd’hui
Malcolm Parkes.
5. J. Mallon, « Qu’est-ce que la paléographie ? », dans Paläographie 1981 : Colloquium des
Comité international de paléographie (München, 15.-18. September 1981), Referate, éd. Gabriel
Silagi, Munich, 1982, p. 47-52.
6. Giorgio Cencetti, Lineamenti di storia della scrittura latina, Bologne, 1954, rééd. mise à
jour par Gemma Guerrini Ferri, 1997.
7. Surtout Emanuele Casamassima, Tradizione corsiva e tradizione libraria nella scrittura
latina del Medioevo, Rome, 1988, réimpr. 1998.
B.É.C. 2007
avant-propos
7
Ce fascicule de la Bibliothèque de l’École des chartes voudrait renouer avec
cette tradition et ces maîtres-là. Il offre l’occasion de rassembler quelques
représentants des écoles mentionnées, avec leurs matériaux de prédilection et
leurs méthodes différentes mais complémentaires, autour de questions communes difficiles : le comment et le pourquoi de la diversité graphique et de ses
mutations. Plusieurs appartiennent à un groupe de travail formé depuis peu
pour des fins voisines. En 2005, en marge du XVe Congrès international de
paléographie latine, tenu à Vienne, quelques-uns se sont promis de se retrouver
périodiquement pour confronter des réflexions jusqu’ici trop isolées, en plaçant
au centre de leurs perspectives ces écritures négligées que l’on appelle cursives :
leur nature — aucun terme paléographique n’est plus lourd d’ambiguïtés —,
leur développement, leur rôle dans le système graphique latin. Le « Séminaire
permanent sur les écritures cursives » a tenu et tiendra une fois par an ses
réunions informelles et animées, à l’École des chartes en 2006 (« Qu’est-ce que
la cursivité ? »), à King’s College, Cambridge, en 2007 (aspects matériels et
techniques), à l’université de Florence en 2008.
Il aurait été certes prématuré de vouloir dresser un quelconque bilan ; un
volume spécialement consacré à la cursivité reste donc à l’horizon. En reprenant quelques-unes seulement des communications, le recueil que voici montre
du moins que de telles discussions ont conduit dès maintenant à des résultats
aussi réfléchis et documentés que novateurs. En sont issus les trois articles de
Teresa De Robertis sur les ligatures dans l’écriture romaine, d’Irene Ceccherini
sur les écritures des notaires florentins, et de Teresa Webber sur les documents
anglais du xiie siècle — corpus essentiel pour saisir la réapparition de la cursivité dans ses formes nouvelles, après l’extinction des dernières écritures liées de
tradition antique. Emmanuel Poulle, également associé au séminaire, a offert
une contribution indépendante mais complémentaire sur les cursives françaises
de la fin du Moyen Âge. D’autres ont dû renoncer pour des raisons diverses à
livrer dès maintenant leurs textes, et y reviendront sans doute plus tard.
Le domaine qu’on a voulu esquisser (embrasser serait trop dire) déborde
encore largement celui du séminaire. De la cursivité sont certes issues une
grande partie des nouveautés observables au fil des siècles, mais l’histoire des
formes graphiques n’est pas la chronique d’inventions successives ; plutôt
l’analyse d’un paysage mouvant, où interfèrent sans cesse la variété synchronique, plus ou moins structurée, et l’évolution diachronique : comme dans toute
langue, et plus généralement tout système de conventions sociales. Non pas un
arbre généalogique donc, comme on en utilise pour représenter aux débutants
la genèse des principaux types ; plutôt la cartographie d’une tectonique, avec
ses dérives insensibles, ses frottements et ses chevauchements, ses failles et ses
fractures, ses phases d’immobilité apparente et de soudains séismes. La carte
reste couverte de régions en blanc ; on en explorera ici quelques-unes seulement, mais suffisamment diverses, veut-on espérer, pour baliser ou suggérer
l’ensemble : diverses par les types d’écriture comme par les époques, les
milieux, les matériaux, les techniques, les problèmes. Regrettons seulement
8
marc h. smith
B.É.C. 2007
qu’il ait fallu s’arrêter, une fois encore, au seuil de l’époque moderne : la
véritable Terre inconnue est là.
Il est peu fréquent de traiter ensemble non seulement des cursives et des
minuscules de toute sorte, mais encore des écritures d’apparat (Patricia Stirnemann et Marc Smith) et des inscriptions monumentales (Vincent Debiais,
Robert Favreau et Cécile Treffort). Pourtant c’est l’ensemble de ces productions, des plus modestes, négligées et transitoires aux plus solennelles, calligraphiques ou permanentes, qui compose la réalité du système : non seulement
parce qu’elles sont simultanément en usage, mais encore parce que les lignes de
démarcation n’ont cessé de bouger, dans la hiérarchie et la typologie des
écritures, entre les différentes formes et fonctions.
La tradition, l’imitation et l’invention ont été retenues comme axes possibles
pour orienter la carte suggérée ci-dessus, entre les pôles de l’immobilité et du
mouvement. Comme toute production conventionnelle, l’écriture est fondamentalement conservatrice et son existence n’est possible que grâce à des
traditions, assises sur un enseignement dont les recettes ont remarquablement
peu évolué depuis les civilisations mésopotamiennes jusqu’à la nôtre 8. L’imitation est au cœur de cet enseignement, mais elle est en même temps ferment de
changement : la pratique de l’écriture, commencée par l’imitation d’un maître,
se poursuit au fil du temps par l’imitation toujours possible de ce qui vient
d’ailleurs, qui tombe sous les yeux et séduit le lecteur-scripteur, pour une raison
ou une autre, ou bien lui est imposé — par son nouvel abbé, par un conquérant,
par le goût d’un commanditaire. Une génération plus tard, les modèles proposés à l’imitation par les maîtres auront eux-mêmes changé. Les multiples
réalités qui peuvent s’analyser en termes d’imitation sont abondamment illustrées ici et plus spécialement chez Jean Vezin, d’après les aventures de la minuscule caroline. Enfin nous en revenons toujours aux ressorts premiers de la nouveauté, à l’invention ex nihilo, aux germes du jamais-vu : ce seront toujours les
plus obscurs, ressortissant à des facteurs matériels, physiques et psychiques que
nous sommes condamnés soit à ignorer soit à imaginer, à nos risques et périls.
Les études qui suivent diffèrent enfin par leur conception : « carottages » en
profondeur, et observations hautement techniques, tentatives de synthèse sur
un domaine plus vaste, défrichement de champs neufs. Terminons donc par le
souhait qu’elles puissent, ensemble et séparément, à la fois inspirer de nouvelles réflexions et de nouvelles directions de recherche parmi les paléographes de
métier, et persuader d’autres lecteurs que la paléographie n’est pas seulement
une science auxiliaire, encore moins un simple art du déchiffrement, mais une
histoire, et au premier chef, pour ce qui nous a occupés ici, une histoire des
formes.
Marc H. Smith.
8. Sur cette longue durée technique et sociale des écritures en Occident et au Proche-Orient, voir
le grand livre de Colette Sirat, Writing as handwork : a history of handwriting in Mediterranean
and Western culture, Brepols, Turnhout, 2006 (Bibliologia, 24).
RÉSUMÉS
ABSTRACTS
ZUSAMMENFASSUNGEN
Giovanna Nicolaj, « Questions terminologiques et questions de méthode : autour de
Giorgio Cencetti, Emanuele Casamassima et Albert Derolez », dans Bibliothèque de
l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 9-28.
Les maîtres de la paléographie actifs dans la seconde moitié du xxe siècle ont donné à
la discipline des principes théoriques et une terminologie qui risquent de tomber dans
un oubli prématuré sans qu’on en ait tiré tout le profit. Parmi ceux-ci, un rôle de premier
plan revient à deux auteurs trop peu lus hors d’Italie, Giorgio Cencetti et Emanuele
Casamassima, qui représentent des positions historiquement apparentées mais en fin de
compte divergentes : le premier a théorisé et mis en œuvre une conception profondément historienne, embrassant toute l’écriture latine dans une vision fluide, dynamique
et sensible aux facteurs humains et techniques qui peuvent expliquer son évolution. Le
second a mis au point une construction théorique sophistiquée d’inspiration structuraliste, nettement plus abstraite mais apte à mettre en lumière les logiques sous-jacentes de
l’écriture comme système. Une autre approche, issue de nécessités essentiellement
catalographiques, vise à organiser l’histoire de l’écriture en un tableau général, établi sur
une typologie et une nomenclature homogènes : le système proposé il y a un demi-siècle
par Gerard Lieftinck pour les écritures gothiques a ainsi été récemment étendu et
perfectionné par Albert Derolez, dans un livre qui mérite de ranimer, plutôt que de
clore, le débat sur les rapports entre terminologie et méthode.
The theoretical principles and terminology developed by leading palaeographers in
the latter half of the twentieth century risk falling into oblivion before their full
potential has been realised. Essential contributions have been made by two Italian
scholars, Giorgio Cencetti and Emanuele Casamassima, whose outlooks, though historically related, are in the end divergent. Cencetti developed a truly historical concept of
writing, which he stated in theoretical terms and went on to illustrate thoroughly,
embracing the whole field of Latin scripts in a fluid and dynamic vision, sensitive to the
human and technical factors liable to explain its evolution. From a distinctly more
abstract, structuralist perspective, Casamassima developed a sophisticated theoretical
apparatus that is useful for highlighting the underlying logic of writing as a system.
Another approach, with essentially catalographic aims, seeks to organise the history of
scripts into a general scheme based on a coherent typology and nomenclature. The
system, advocated fifty years ago by Gerard Lieftinck for Gothic scripts, was recently
expanded and perfected by Albert Derolez, in a book that ought to renew, rather than
close, the debate on the relationship between terminology and methods.
Die paläographischen Grössen der zweiten Hälfte des 20. Jahrhunderts haben der
Disziplin theoretische Prinzipien und eine Terminologie mitgegeben, die in Vergessen-
302
résumés
B.É.C. 2007
heit zu geraten drohen, bevor wir aus ihnen angemessenen Nutzen gezogen haben. Unter
diesen Professoren sind zwei besonders bedeutend, auch wenn sie außerhalb Italiens
wenig rezipiert worden sind : Giorgio Cencetti und Emanuele Casamassima, die historisch verwandte aber letztlich divergierende Positionen repräsentieren. Auf Giorgio
Cencetti geht die theoretische Begründung und praktische Umsetzung einer historischen Konzeption zurück, die die ganze lateinische Schrift in einer dynamischen
Gesamtschau umfasst und die die menschlichen und technologischen Faktoren ihrer
Entwicklung mit berücksichtigt. Emanuele Casamassima hat ein vom Strukturalismus
inspiriertes, komplexes theoretisches Gebäude entworfen, das weit abstrakter ist, dafür
aber in der Lage ist, die dem Schriftsystem unterliegende Logik offen zu legen. Ein
anderer Ansatz — hervorgegangen aus katalographischen Notwendigkeiten — zielt
darauf ab, die Geschichte der Schrift ausgehend von einer homogenen Typologie und
Terminologie in einer übergreifenden Perspektive darzustellen. Das vor einem halben
Jahrhundert von Gerard Lieftinck für die gotischen Schriften vorgeschlagene System ist
vor kurzem von Albert Derolez in einem Buch erweitert und perfektioniert worden, das
verdient, die Debatte über das Verhältnis von Terminologie und Methode wieder zu
beleben und nicht zu beschließen.
Teresa De Robertis, « Quelques remarques sur les conditions et les principes de la
ligature dans l’écriture romaine », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 165,
2007, p. 29-45.
Dans la cursive romaine, aux ier et iie siècles ap. J.-C., se définit un système de ligature
entre les lettres qui, avec des hauts et des bas, ne connaîtra pas de solution alternative
jusqu’aux xiie-xiiie siècles, lorsque une nouvelle manière de lier commencera de concurrencer l’ancien système. Ce système si cohérent est fondé sur des liaisons tracées de haut
en bas, formant un angle entre le dernier trait horizontal de la lettre précédente et le
premier, vertical et descendant, de la suivante ; mais il existe aussi dès l’origine des
solutions, rares ou exceptionnelles, qui montrent la possibilité (y compris technique),
d’effectuer un autre type de liaison, de bas en haut, surtout entre des traits verticaux.
Pourquoi donc, plutôt que d’exploiter cette voie alternative, a-t-on préféré recourir à une
large gamme d’artifices pour adapter aux conditions exigées par la ligature angulaire de
haut en bas les lettres qui n’y étaient pas « naturellement » prédisposées ? Essentiellement parce que ce schéma de ligature, parfaitement analogue à la manière dont les
scripteurs tendent à disposer aussi bien les traits constitutifs des lettres, répond à une
certaine organisation de l’écriture, qu’il conditionne également en retour. La preuve en
est que, parallèlement aux structures nouvelles et à l’organisation modifiée de l’écriture
cursive au ive siècle, les ligatures changent à leur tour : les liaisons de bas en haut, tout
en demeurant minoritaires et réservées à certaines variantes de lettre (et d’une tout autre
nature que les ligatures cursives médiévales), font désormais partie du système.
During the first and second centuries A.D., Roman cursive developed a system of
ligatures between letters that was to remain virtually unchallenged until a new cursive
structure came about in the twelfth and thirteenth centuries. This remarkably coherent
system was based on top-down connections, in the form of angular joins between the
last, horizontal stroke of one letter and the first, vertical and downward stroke of the
next ; but from the outset different combinations, although sporadic, even exceptional,
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are evidence that other solutions were technically possible, namely bottom-up connections, particularly between vertical strokes. Why, then, was a broad range of artifices
developed to enable the use of top-down, angular connections even with letters whose
« natural » forms were incompatible, instead of resorting more widely to upstrokes ?
Mainly because this type of ligature was quite similar to the manner in which scribes
tended to arrange the strokes constituting letters ; the ligatures were consistent with a
certain organisation of handwriting, which they in turn conditioned. This is all the more
apparent in the fourth century when the structure of cursive letter forms and ligatures
both developed in the same direction : although bottom-up connections remained
relatively scarce and specific to certain variant letter forms (quite different in nature
from medieval cursive ligatures), they henceforth became part of the system.
In der römischen Kursive bürgern sich im 1. und 2. Jahrhundert n. Chr. Ligaturprinzipien zwischen hohen und niedrigen Buchstaben ein, die bis ins 12. und 13. Jahrhundert ohne Alternativen waren. Erst im 12. und 13. Jahrhundert beginnt sich ein
konkurrierendes System zu entwickeln. Das kohärente ursprüngliche System basierte
auf der von oben nach unten verlaufenden Verbindung, die einen Winkel bildet zwischen dem letzten horizontalen Federstrich des vorhergehenden Buchstabens und dem
ersten (vertikal und absteigend) des nachfolgenden. Gleichwohl existieren auch von
Beginn an Ausnahmeerscheinungen, die die Möglichkeit und die Technik für einen
anderen Ligaturtyp belegen, der sich unten nach oben zieht, insbesondere zwischen zwei
vertikalen Federstrichen. Warum hat man es vorgezogen, anstatt diese Alternativen zur
Erklärung zu nutzen, zu einem breiten Programm von trickreichen Erklärungen zu
greifen, um die Buchstaben, die nicht « natürlich » für eine von oben nach unten
verlaufende Winkelligatur geeignet waren, den Bedingungen für eine solche Ligatur
anzupassen ? Im Wesentlichen deshalb, weil dieses Erklärungsschema der Ligatur, das
vollständig analog ist zu der Weise, mit der die Schreiber die wesentlichen Züge der
Buchstaben konstituieren, einer bestimmten Organisation der Schrift entspricht, die es
seinerseits bedingt. Der Beweis dafür ist, dass sich die Ligaturen parallel zu den neuen
Strukturen und zur veränderten Organisation der kursiven Schrift im 4. Jahrhundert
ihrerseits verändern : Die Verbindungen von unten nach oben werden (wenn auch nur
gelegentlich vorkommend und dann ganz anders gestrickt als in den kursiven Ligaturen
des Mittelalters) von diesem Moment an Teil des Systems.
Jean Vezin, « Écritures imitées dans les livres et les documents du haut Moyen Âge
(viie-xie siècle) », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 47-66.
L’imitation des écritures, souvent fidèle et habile, présente des modalités variées qui
répondent à autant de motivations. Dans le développement et l’expansion de la minuscule caroline, on peut repérer des filiations directes entre scriptoria, liées aux circonstances et aux personnes : ainsi autour de 800 entre Saint-Amand-en-Pévèle et Salzbourg,
puis entre Saint-Vaast d’Arras et Lorsch. Quant aux différents types d’écriture perfectionnés à Tours au ixe siècle, ils servent encore de modèle dans les deux siècles suivants,
à Cluny comme à Angers. L’Angleterre a reçu du continent plusieurs écritures successivement : l’onciale romaine reproduite dans le Codex Amiatinus (viie siècle), la minuscule caroline liée aux Bénédictins (xe siècle), enfin les modèles des copistes normands
(xie siècle). L’Espagne, à la fin du xie siècle, apprend de même, non sans hésitations, les
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usages graphiques français (formes mais aussi abréviations). D’autres phénomènes
d’imitation touchent la mise en page et les écritures d’apparat ou épigraphiques. Quant
aux écritures documentaires, elles sont imitées non tant pour leur beauté ou leur
lisibilité que pour leur valeur d’authenticité : c’est ce qu’illustrent des souscriptions
dessinées par des illettrés d’après un modèle, les copies figurées dans les cartulaires et,
surtout, le vaste champ des falsifications, dont l’abbaye de Saint-Denis offre des exemples remarquables.
Imitative handwriting, often skilful and true to its model, was practised in various
contexts to answer a broad range of needs. In the development and expansion of
Caroline minuscule it is possible to observe direct connections between scriptoria,
determined by specific circumstances and individuals ; such is the case of Saint-Amand
and Salzburg, ca. 800, or Saint-Vaast d’Arras and Lorsch later in the century. The
different scripts perfected at Tours in the ninth century were used as models and
imitated for over two hundred years at Cluny and in Angers, among other places. Several
scripts were imported over time from the continent to Britain : Roman uncial was
reproduced in the Codex Amiatinus in the seventh century, Caroline minuscule was
introduced by the Benedictines in the tenth century, and Norman scripts arrived after
the Conquest. Likewise, in the late eleventh century, Spanish scribes progressively
learnt to imitate models from France (both letter forms and abbreviations). Furthermore, imitation is to be found in fields such as book layout, display scripts and
inscriptions. Documentary scripts were also imitated, not for the sake of elegance or
legibility, but as a sign of authenticity : this is exemplified by illiterates drawing
their subscriptions after a model, by copies figurées in cartularies, and above all by
manifold forgeries, remarkable examples of which were produced by the abbey of
Saint-Denis.
Die oftmals geschickte und getreue Nachahmung von Schriften hat unterschiedliche
Hintergründe. Die Entwicklung und Ausbreitung der karolingischen Minuskel kann
durch direkte Filiationen erklärt werden, die an konkrete Umstände und Personen
gebunden sind : So etwa um das Jahr 800 herum durch Verbindungen zwischen SaintAmand und Salzburg, danach zwischen Saint-Vaast (Arras) und Lorsch. Die in Tours im
9. Jahrhundert perfektionierten Schriften dienen in Cluny wie in Angers über zwei
Jahrhunderte hinweg als Modell. England hat nacheinander vom Kontinent mehrere
Schriften übernommen : die römische Unziale (belegt im Codex Amiatinus, 7. Jahrhundert), die karolingische Minuskel des 10. Jahrhunderts, die mit den Benediktinern
in Verbindung gebracht werden kann, sowie die Modelle der normannischen Schreiber
des 11. Jahrhunderts. Auch Spanien übernimmt gegen Ende des 11. Jahrhunderts —
zunächst zögerlich — die französischen Schriftüsancen (Form der Buchstaben, aber
auch Abbreviaturen). Andere Nachahmungserscheinungen betreffen das Seitenlayout,
die Auszeichnungsschriften und die Inschriften. Was die Urkundenschriften angeht, so
werden sie nicht wegen ihrer Schönheit oder ihrer Lesbarkeit nachgeahmt, sondern
vielmehr aufgrund ihres Authentizitätswertes. Gestützt wird diese These durch die
Unterschriften von Analphabeten, die einem Modell folgen, durch die in den Kopialbüchern erscheinenden Abschriften und insbesondere durch das weite Feld der Fälschungen, für die die Abtei Saint-Denis bemerkenswerte Beispiele bereithält.
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Patricia Stirnemann et Marc H. Smith, « Forme et fonction des écritures d’apparat dans
les manuscrits latins (viiie-xve siècle) », dans Bibliothèque de l’École des chartes,
t. 165, 2007, p. 67-100.
Les écritures d’apparat sont un objet méconnu, un angle mort au croisement des
perspectives de la paléographie, de l’épigraphie et de l’histoire de l’art. C’est pourtant là
une contribution fondamentale du livre médiéval à l’expressivité du verbe graphique
ainsi qu’à la structuration hiérarchique de la mise en page. Elles se distinguent aussi bien
par la morphologie que par l’ornementation et la couleur, et leurs transformations
illustrent une constante interaction entre les différents degrés de l’écriture, de l’initiale
peinte jusqu’à la minuscule. Dès l’origine, les ineffables inventions des artistes insulaires
et mérovingiens pressentent toutes les potentialités de ces écritures. À leur tour, les
copistes et artistes carolingiens élaborent en une combinaison neuve l’héritage insulaire
et la capitale épigraphique antique, outre une disposition du texte qui fait écho dans
l’ordre visuel à la majesté du verbe sacré. À l’époque romane, âge d’or des écritures
d’apparat, une recherche systématique de variété mêle ou fusionne les différentes
formes de l’alphabet, et l’expressivité ornementale l’emporte sur la typologie. Aux xiiie
et xive siècles, la production commerciale des livres, en série, met pratiquement fin à
cette tradition ; deux inventions sont cependant issues des livres de droit italiens : une
initiale filigranée fortement étirée et les « lettres juridiques » en traits dissociés et
finement agrémentées à l’encre brune. La reprise de la capitale romaine par les humanistes au milieu du xve siècle et la naissance de l’imprimerie ouvrent un nouveau
chapitre, où une structure simplement « bicamérale » (majuscules et minuscules) remplace les complexes hiérarchies de l’écriture médiévale.
Display scripts are a neglected phenomenon, a blind spot at the intersection of
palaeography, epigraphy and art history. They are, however, one of the medieval book’s
fundamental contributions to the expressiveness of words as drawn objects and to the
hierarchical structure of page layout. Display scripts are distinguished by their form,
their ornamentation, and their colour, and their permutations illustrate a constant
interaction between the different levels of script, from the decorated initial to the
minuscule. From the outset, the ineffable inventions of the Irish, Hiberno-Saxon and
Merovingian artists prefigure all the potentialities of these scripts. The Carolingian
scribes and artists develop a new amalgam that combines the insular heritage and the
epigraphic capital of classical antiquity, as well as imposing a visual order on the text
that echoes the majesty of the sacred word. In the Romanesque period, a golden age for
display scripts, the relentless quest for variety mixes or fuses the different forms of the
alphabet, and ornamental expressiveness takes precedence over typology. In the thirteenth and fourteenth centuries, the serial, commercial production of books practically
stifles the tradition. Two new inventions, however, are developed in Italian legal manuscripts : very elongated and compressed penwork initials and « juridical letters », which
are composed of dissociated pen-strokes and decorated in fine-line brown ink. The
resurrection of the Roman capital by the humanists in the mid fifteenth century and the
invention of the printing press open a new chapter where a simple bi-cameral structure
(uppercase and lowercase) replaces the complex hierarchies of medieval scripts.
Die Auszeichnungsschriften sind ein verkannter Forschungsgegenstand, ein toter
Winkel an der Kreuzung der Perspektiven von Paläographie, Epigraphik und Kunstgeschichte. In ihnen kann indes der Hauptbeitrag des mittelalterlichen Buchs zur Expres-
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sivität des Wortes und hierarchischen Strukturierung des Seitenlayouts gesehen werden.
Sie unterscheiden sich sowohl durch ihre Morphologie wie durch die Verzierung und die
Farbe ; ihre Veränderlichkeit illustriert eine stetige Interaktion zwischen den verschiedenen Schriftstilen von der illuminierten Initiale bis zum Kleinbuchstaben. Die karolingischen Kopisten und Schriftmaler haben das insulare Erbe und die antike, epigraphische Kapitale in einer neuen Kombination zusammengeführt. Darüber hinaus haben
sie eine neue Textgestaltung eingeführt, die in ihrer optischen Anordnung das heilige
Wort abbildet. Während der romanischen Zeit, die durch die Auszeichnungsschrift
geprägt wird, führt die Suche nach Unterscheidbarkeit und Varianz dazu, dass die
verschiedenen Schrifttypen vermischt werden und dass der ornamentale Ausdruck
wichtiger wird als die Unterscheidung des Schrifttyps. Im 13. und 14. Jahrhundert wird
dieser Tradition im Zuge der Massenproduktion von Büchern ein Ende gesetzt. Gleichwohl bringt das italienische Rechtsbuch zwei Neuerungen hervor : die weit auseinandergezogene gotische Majuskel und die « juristischen Buchstaben » in schwarzer Tinte
und abgesetzten Federstrichen. Die Wiedereinführung der römischen Kapitale durch
die Humanisten des 15. Jahrhunderts und die Geburt des Buchdrucks öffnen ein neues
Kapitel, in dem eine « Zweikammernstruktur » (Grossbuchstaben vs. Kleinbuchstaben)
die im Mittelalter vorherrschende komplexe Hierarchie ersetzt.
Vincent Debiais, Robert Favreau et Cécile Treffort, « L’évolution de l’écriture épigraphique en France au Moyen Âge et ses enjeux historiques », dans Bibliothèque de
l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 101-137.
Malgré une avancée notable de l’épigraphie médiévale en France depuis une quarantaine d’années, surtout en ce qui concerne le nombre des inscriptions publiées et
reproduites, aucun travail d’ensemble sur la paléographie des inscriptions n’est venu
remplacer l’étude déjà ancienne (1929) de Paul Deschamps ; on manque aussi bien de
synthèses régionales comparables à celles qui ont été menées en Allemagne. Entre le vie
et le xve siècle, la forme des lettres, l’usage de la ponctuation, la mise en page, le décor
même de l’écriture ont évolué dans les inscriptions, lapidaires et autres, en fonction de
critères changeants : on y voit notamment s’accorder ou s’opposer l’exigence de lisibilité
et la recherche esthétique, qui se traduisent tantôt par le retour à des formes « classiques », comme à l’époque carolingienne, tantôt par de plus libres innovations morphologiques ou ornementales, comme à l’époque romane. Outre la description des principales caractéristiques graphiques de chaque époque, la présente étude évoque les enjeux
historiques (culturels, sociaux ou politiques, par exemple) qui sous-tendent l’écriture
épigraphique. Son évolution est en partie commune à l’écriture d’apparat des manuscrits, mais en partie singulière, déterminée par le fait que les inscriptions s’adressent à
un public autrement plus large.
Medieval epigraphy in France has made considerable progress over the past four
decades, especially with regard to the number of inscriptions that have been published
and illustrated. But no general work on inscriptional palaeography has come to supersede the somewhat outdated study by Paul Deschamps (1929), nor have there been any
regional surveys similar to those conducted in Germany. From the sixth to the fifteenth
century, the letter forms, punctuation, layout and ornament of inscriptions on stone and
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other materials all developed according to changing factors : the interplay of concepts
of legibility and stylistic trends led to results as different as the revival of « classical »
letter forms in the Carolingian period and the more innovative letter forms and ornaments of Romanesque scripts. Besides analysing the main features of scripts over the
centuries, this study outlines some historical considerations (e. g. cultural, social or
political) linked with epigraphic writing. Its development partly parallels that of display
scripts in manuscripts, but it also has its own peculiarities, determined by the fact that
inscriptions are aimed at a wider audience.
Trotz beachtlicher Fortschritte der mittelalterlichen Epigraphik in Frankreich, insbesondere im Hinblick auf die Anzahl der Editionen und Rekonstruktionen der Inschriften, hat bislang noch keine Synthese zur Paläographie der Inschriften die inzwischen in die Jahre gekommene von Paul Deschamps (1929) zu ersetzen vermocht.
Ebenso fehlt es an regionalen Synthesen, die vergleichbar wären mit denjenigen, die in
Deutschland erstellt wurden. Zwischen dem 6. und dem 15. Jahrhundert entwickeln
sich die Form der Buchstaben, der Gebrauch der Zeichensetzung, das Layout und die
künstlerische Ausgestaltung der Inschriften, Bildhauereien etc., und zwar nach
wechselnden Kriterien : Wir können beobachten, dass sich der Wunsch nach Lesbarkeit
(sichtbar etwa in Karolingerzeit mit seinen « klassischen » Formen) und der nach
Ästhetik (verkörpert beispielsweise durch die freieren Formen der ornamentalen
Erneuerung in der romanischen Zeit) entweder gegenüberstehen oder vereinbar
gemacht werden. Die vorliegende Studie thematisiert neben der Beschreibung graphischen Haupteigenschaften jeder Epoche deren historischen Kontexte (kulturell, sozial
und politisch), in die die Inschriften eingebunden sind. Deren Entwicklung verläuft
zum Teil parallel zu den Manuskriptschriften, zum Teil aber, aufgrund der Tatsache,
dass die Inschriften sich an ein größeres Publikum wenden, auch eigenständig.
Teresa Webber, « L’écriture des documents anglais au xiie siècle », dans Bibliothèque de
l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 139-165.
Au xiie siècle, l’écriture des actes anglais (royaux, épiscopaux et privés) montre une
diversité croissante, dont les éléments et les ressorts méritent d’être analysés. Les
scribes, particulièrement ceux du roi, modifient leur écriture pour écrire plus rapidement, non seulement en adoptant des variantes de lettre simplifiées mais aussi en fixant
dans l’usage divers traits cursifs apparus d’abord par accident. Au long de cette évolution, beaucoup de scribes maintiennent la tradition d’employer dans les actes une
écriture posée, que ce soient des formes semblables à celles des livres, comme à l’époque
anglo-saxonne, ou bien des variétés plus ornées, aux proportions distinctives, initialement importées par des scribes versés dans les usages diplomatiques de la France du
Nord, puis, à partir des années 1140, inspirées par une habitude croissante des actes
pontificaux. Dès le milieu du xiie siècle, faute d’une tradition commune d’écriture
documentaire, les scribes réagissent diversement à deux pressions contradictoires, à
savoir le besoin d’une production accrue et le souci d’une écriture qui soit digne de la
solennité des actes. Certains unissent une certaine rapidité à l’exécution de nouveaux
éléments de style ; d’autres incorporent dans leur écriture posée des formes de lettre et
d’autres éléments empruntés à la fois à l’écriture informelle, rapide, et aux pratiques
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continentales. Dès la fin du siècle, cependant, les scribes commencent à partager un
répertoire commun de traits cursifs et d’éléments de style, exécutés selon une gamme
mesurée de degrés de formalité et de dimensions, créant ainsi une nouvelle hiérarchie de
types d’écriture à usage documentaire.
During the twelfth century the handwriting of English royal, episcopal and private
acts became increasingly diverse. This article surveys the different elements and processes that contributed to such diversity. It examines first the ways in which clerks,
especially royal clerks, modified their handwriting in order to write more swiftly, not
only adopting simplified variant forms but also incorporating spontaneous cursive
traces. Alongside this development, many scribes maintained a tradition of employing
set handwriting for written acts, both the earlier Anglo-Saxon tradition of writing
documents in the same script as that used for books as well as more ornamental varieties
with distinctive proportions introduced first by scribes with experience of northern
French diplomatic practice, and then, from the 1140s, through increasing familiarity
with the handwriting of papal acts. By the mid twelfth century, in the absence of a single,
shared tradition of documentary handwriting, scribes responded variously to the competing impulses of, on the one hand, pressure of business and on the other, a concern to
make the appearance of the handwriting conform with the solemnity of the act. Some
combined rapidity of execution with new features of style ; others incorporated into
their usual set hand forms and elements derived both from informal, rapid handwriting
and from continental practice. By the end of the century, however, scribes were beginning to share a common repertoire of cursive elements and features of style, executed at
different levels of formality and size, according to the context, thus creating a new
hierarchy of scripts for the writing of documents.
Im 12. Jahrhundert weisen die Schriften der englischen Königs-, Bischofs- und
Privaturkunden eine zunehmende Diversität auf, deren Elemente und Hintergründe
eine Analyse wert sind. Die Schreiber, besonders die des Königs, verändern ihre Schrift,
um schneller zu schreiben, nicht nur durch die Vereinfachung der Form der Buchstaben, sondern auch durch die Gebrauchsübernahme akzidenteller Kursivierungserscheinungen. Im Laufe dieser Entwicklung halten viele Schreiber an der Tradition fest, in
den Urkunden gepflegte Schriften zu verwenden, sei es — wie in der angelsächsischen
Periode — in einer den Buchschriften ähnlichen Form, sei es in einer ausgeschmückten
Form mit distinktiven Merkmalen wie sie ursprünglich von Schreibern importiert
wurden, die mit dem Urkundenschrifttum Nordfrankreichs vertraut waren, und wie sie
ab 1140 vom Pontifikalschrifttum inspiriert wurde. In Ermangelung einer übergreifenden Geschäftsschriftguttradition reagieren die Schreiber ab der Mitte des 12. Jahrhunderts auf einen Veränderungsdruck der auf zwei sich widersprechende Faktoren
zurückgeht : Den zunehmenden Bedarf nach einer gesteigerten Produktion und die
Sorge um eine Schrift, die der Würde der dokumentierten Rechtsakte gerecht wird.
Einige Schreiber verbinden Geschwindigkeit mit neuen gepflegten Stilformen, andere
bauen in ihre Buchschrift Elemente ein, die den informellen, schnellen Schriften oder
denen des Kontinents entlehnt sind. Ab dem Ende des Jahrhunderts beginnen die
Schreiber indes, ein gemeinsames Repertoire von kursiven und gepflegten Elementen zu
teilen, die je nach Formalitätsgrad und Textlänge eingesetzt werden, wodurch sie eine
neue Hierarchie von Schrifttypen im Rahmen des Geschäftsschriftguts erzeugen.
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Irene Ceccherini, « Tradition cursive et style dans l’écriture des notaires florentins
(v. 1250-v. 1350) », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 167-185.
Le rapport entre le modus scribendi cursif et le modus livresque à la fin du Moyen Âge
reste à analyser sur le plan des faits graphiques comme sur le plan historique et culturel.
La question est ici abordée à travers l’examen de la culture graphique des notaires de
Florence entre le milieu du xiiie et le milieu du xive siècle. Face à des structures
graphiques essentiellement stables (morphologie des lettres, ductus, organisation de la
chaîne graphique), les écritures des notaires témoignent d’une variété considérable dans
les faits d’exécution et de style. La forte parenté entre les deux modi scribendi reste
visible dans la similitude morphologique des signes graphiques et dans les moyens
employés pour ordonner la chaîne graphique. Les notaires maîtrisent, en outre, des
formes différentes d’exécution et de style, qui caractérisent de manière cohérente deux
filons : une écriture currenti calamo, et une écriture au trait, tout à fait analogue à la
littera textualis quant aux moyens qui ordonnent la chaîne graphique. L’écriture
currenti calamo est donc un choix, un fait de style, et les principales différences entre les
deux modi scribendi semblent se réduire à des faits d’exécution et de style. En fin de
compte, ce sont les figurae des traits supérieurs (hastes) et inférieurs (hampes), à la fois
diversement interprétés par les scripteurs et étrangers à l’ordonnance de la chaîne
graphique, qui semblent constituer la seule différence essentielle entre écritures livresques et documentaires.
The relationship between the cursive modus scribendi and the modus typical of books
in the late Middle Ages remains to be analysed, both in terms of material facts and
historical and cultural issues. This study examines the handwriting of Florentine
notaries from the mid-thirteenth to the mid-fourteenth century. Whereas the main
structural elements remained essentially unchanged (i. e. individual letter forms, ductus, and rules for combining letters into words), notarial scripts show considerable
variety in features of execution and style. A strong correlation between both modi
scribendi may be observed in the similarity between single strokes and letters, as well as
in letter combination. Moreover, notaries were able to master different kinds of execution and style, belonging on the whole to two opposite types : one written currenti
calamo, and the other built up from separate strokes and quite similar to littera
textualis in the manner that letters were combined in words. Therefore, writing currenti
calamo should be seen as a specific option, a feature of style. In fact, the main difference
between the two modi scribendi seems to amount to no more than features of execution
and style : book scripts and document scripts were essentially distinguished by the
figurae of ascenders and descenders, which scribes could treat in various manners, but
with hardly any effect on the fundamental rules for combining letters into words.
Das Verhältnis zwischen dem kursiven modus scribendi und den Buchschriften ist
bislang weder auf der Ebene der einzelnen Buchstaben noch mit seinen soziokulturellen
Hintergründen erschöpfend analysiert worden. Diese Frage wird hier vermittels der
Untersuchung der Schreibkultur der Florentiner Schreiber von der Mitte des 13. bis zur
Mitte des 14. Jahrhunderts bearbeitet. Während sich die Schriften im Bereich von
Buchstabenmorphologie, Duktus und Organisation der graphischen Kette als im
Wesentlichen stabil erweisen, zeugen die Schriften von einer beachtlichen Varianz in der
Ausführung und im Stil. Die starke Verwandtschaft zwischen den beiden modi scribendi
bleibt in der morphologischen Ähnlichkeit der graphischen Zeichen und in den Mitteln,
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mit denen die graphische Kette organisiert ist, sichtbar. Die Schreiber beherrschen
darüber hinaus verschiedene Formen in Ausführung und Stil, die sich im Wesentlichen
zu zwei Gruppen zusammenfassen lassen : eine Schrift currenti calamo, und eine
abgesetzte Schrift, analog zur littera textualis was die Mittel angeht, die die graphische
Kette ordnen. Die currenti calamo ist also eine Wahl, eine Tatsache des Stils, und die
Hauptunterschiede zwischen den beiden modi scribendi scheinen sich auf die Ausführung und den Stil reduzieren zu lassen. Letztlich sind es die figurae der Ober- und
Unterlängen, die unterschiedlich von den Schreibern ausgeführt werden und die sich
der Anordnung der graphischen Kette entziehen, die den einzigen wesentlichen Unterschied zwischen Buch- und Urkundenschriften zu bilden scheinen.
Emmanuel Poulle, « Aux origines de l’écriture liée : les avatars de la mixte (xivexve siècle) », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 165, 2007, p. 187-200.
Formée au début du xive siècle dans la chancellerie de France, comme une stylisation particulière de l’alphabet morphologique de la minuscule caroline, la mixte
s’est bientôt révélée un extraordinaire chantier de recherche pour améliorer techniquement cet alphabet morphologique, en le rendant apte à se développer en écriture liée.
Cette transformation fut réalisée au moyen de la priorité accordée aux ligatures « de
séquence » (à l’intérieur de chaque lettre) sur les ligatures « de tête en pied » (du trait
supérieur d’une lettre au trait inférieur de la lettre suivante), lesquelles tendaient, au
siècle précédent, à faire éclater les lettres en tiretés isomorphes, antinomiques d’une
écriture liée. Dans un certain nombre de cas, ce changement dans le mode de ligature
s’accompagna d’une modification de l’ordre de succession des traits, y compris en
inversant le sens de certains tracés. Une fois réalisées ces menues révolutions dans le
cadre de chacune des lettres de l’alphabet, aussi bien minuscule que majuscule, la mixte
a pu accomplir ses potentialités en donnant naissance à l’écriture liée, même si celle-ci
finit par rompre sa filiation avec la tradition médiévale pour trouver aux xvie et xviie
siècles de nouvelles voies dans le sillage des cursives développées par les humanistes
italiens.
Formalised in the early fourteenth century at the French royal chancery, a particular
stylisation of Caroline minuscule letter forms, the French document script known as
mixte, was soon to become an extraordinary laboratory for the technical improvement of
those letters, in order to turn them into a fluent cursive. This transformation was
achieved by giving priority to internal connections within each letter (« ligatures de
séquence »), over external, top-down connections (« de tête en pied ») between
neighbouring letters. In the thirteenth century, the latter mode, linking the last stroke
of a letter with the first stroke of the following one, had led to letters being broken up
into a series of separate, more or less identical strokes, quite the contrary of fluent
cursivity. In several letters, the new way of connecting also brought about changes in the
sequence of strokes, even reversing the usual direction of single strokes. By achieving
these tiny revolutions in single letters, both minuscule and majuscule, the French mixte
was made fully functional as a fluent cursive ; later, in the sixteenth and seventeenth
centuries, it broke with the past and sought new directions in light of the cursive scripts
developed by Italian humanists.
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Die mixte-Schrift ist eine im 14. Jahrhundert in der französischen Königskanzlei
ausgeprägte Sonderform der karolingischen Minuskel. Schon bald wurde sie eine Baustelle für die Suche nach technischer Verbesserung dieser Schrift, indem sie so ausgebaut wurde, dass die Buchstaben verbunden werden konnten. Diese Veränderung wurde
mittels der Bevorzugung mittiger Ligaturen umgesetzt (in der Mitte der Buchstaben)
gegenüber den vertikalen (vom Kopf eines Buchstaben zum Fuß des Folgebuchstaben)
Ligaturen, welche im vorhergehenden Jahrhundert Gefahr liefen, die Buchstaben zu
isomorphen gestrichelten Linien zu reduzieren, und sich damit zum Gegenteil einer
Kursiven entwickelten. In einigen Fällen zog diese Veränderung in der Art der Verbindung eine veränderte Abfolge der Federstriche nach sich, was bis zur Umkehrung
von deren Richtung gehen konnte. Mit diesen Veränderungen innerhalb eines jeden
Buchstaben des Alphabets (sowohl der Minuskeln wie auch der Majuskeln) hat die mixte
ihr Veränderungspotenzial ausschöpfen können, indem sie sich zu einer verbundenen
Schrift entwickelt, selbst wenn diese am Ende mit der mittelalterlichen Tradition bricht
und im Zuge des italienischen Humanismus einen neuen Zweig der Kursiven beginnen
lässt.
IMPRIMERIE F. PAILLART, B.P. 324, 80103 ABBEVILLE — (D. 13098).
Dépôt légal : 3e trimestre 2008