Stephanie Wojcik

Sur leurs sites municipaux, l’ouverture par les municipalités de forums de discussion s’inscrit dans un mouvement de renouveau des pratiques participatives où les responsables politiques locaux cherchent à vivifier la participation citoyenne selon une dynamique délibérative. La délibération démocratique implique théoriquement que « la norme n’est légitime que si elle est fondée sur des raisons publiques résultant d’un processus de délibération inclusif et équitable, auquel tous les citoyens p..

This paper outlines the political issues raised by the 2009 European Citizen Consultations (ECC) for European Communication. Under the aegis of the European Commission, various types of Entrepreneurs for Europe (associations, businesses, think tanks, and NGOs) were involved in designing and organizing the ECC. This process involved national and face-to-face consultations based on the mini-public principle and Web-based deliberation platforms in each of the 27 member countries. Citizens were invited to produce recommendations on the economic and social future of Europe intended for MEPs before the European elections of June 2009. The analysis of this experience highlights the binding nature of the political architecture of the EU as it relates to the implementation of deliberative democracy at the European level, which leads to the blurring of boundaries between public communication and participatory deliberation in generating support for the EU. It also shows the shortcomings of European communication, the importance of mediators whose actions may be contradictory in practice, and the unexpected behavior of citizens when taking part in the various phases of the ECC, who were sometimes reluctant to express their opinions within the framework defined by the Entrepreneurs who sought to educate them on the virtues of Europe as much as to reveal the ephemeral and fragile development of their sense of European belonging.

De prime abord, l'Europe est un objet suppose plutot lointain des preoccupations de nombreux agents sociaux. Il est ainsi frequemment considere que l'Europe ne constitue pas un sujet politique mobilisateur (Cautres, 2001 et 2003 ; Belot, Greffet, 2005 ; Schmitt, 2005 ; Schmitt, Binder, 2006). Et, quand elles apparaissent, les attitudes a l'egard de la construction europeenne sont le plus souvent sollicitees, par exemple a l'occasion d'entretiens semi-directifs et plus encore de sondages, tels que les enquetes Eurobarometres. Elles sont alors le produit d'une situation partiellement "artefactuelle" ainsi que des effets lies a la presence de l'enqueteur (Labov, 1976). Notre objectif dans cette communication est a contrario d'analyser ces attitudes lorsqu'elles emergent sous une forme spontanee a travers des prises de parole au sein de dispositifs en ligne sur l'Europe. Cette proposition de communication vise a relever les arguments de citoyens mobilises et certaines de leurs caracteristiques sociales a partir de materiaux originaux issus de deux dispositifs de prise de parole en ligne mis en œuvre dans des contextes differents. Loin d'etre des espaces publics " virtuels " nouveaux ou l'on retrouverait l'ideal deliberatif de l'espace public bourgeois (Greffet, Wojcik, 2008) tel qu'il fut theorise par Habermas (1962), l'hypothese que nous avancons est celle que ces espaces numeriques reconstituent et reconfigurent les effets de selection sociale et de mise en forme d'un discours particulier qui ont pu anterieurement etre observes au sein d'arenes politiques selectives (Fraser, 1992 ; Landes, 1988). Les deux materiaux se composent de la maniere suivante. Premierement, suite a l'echec du referendum sur le Traite constitutionnel europeen (TCE) en France le 29 mai 2005, le site d'information sur l'Union europeenne (UE), Toute l'Europe.fr a lance un sondage en ligne intitule "L'Europe et vous" avec de nombreuses questions fermees et ouvertes sur les rapports a l'Europe et quelques unes sur les caracteristiques sociodemographiques (sexe, âge, profession, niveau de diplome). 1298 internautes y ont repondu totalement ou partiellement (Hube, Meon, Michon, 2010). Deuxiemement, a l'initiative de la Commission europeenne, un consortium "d'entrepreneurs d'Europe" (Aldrin, Dakowska, 2011) a organise les Consultations Europeennes des Citoyens (CEC). Ce dispositif sophistique a articule des consultations nationales en face-a-face, sur le principe du "mini-public", et des plateformes de debat en ligne dans chacun des 27 pays membres. L'objectif affiche etait la production, par les citoyens, de recommandations, sur le theme de l'avenir economique et social de l'Europe, a l'attention des deputes europeens a la veille des elections de juin 2009 (Wojcik, 2011). Entre leur lancement en decembre 2008 et la date de cloture du debat en ligne en mars 2009, sur l'ensemble des sites nationaux, 5 907 internautes enregistres ecriront un message ou feront une proposition, pour un total de 5 640 messages. Nous nous concentrerons ici sur les 1132 messages collectes a partir du site francais. Quoique poursuivant des objectifs sensiblement differents, ces deux dispositifs offrent la possibilite de recueillir et de caracteriser une parole active sur l'Europe. L'etude du contenu des paroles tenues et de ceux qui les tiennent renseigne sur les opinions a l'egard de l'Europe, en les observant en actes. Traitees et analysees au moyen d'approches qualitative et quantitative, ces donnees donnent l'opportunite d'observer des opinions plus que des attitudes a proprement parler. Dans une premiere lecture, ces materiaux illustrent des attitudes ambivalentes - que nous avons precedemment eu l'occasion d'explorer a travers des entretiens qualitatifs (Dakowska, Hube, 2010) - quant a l'Union europeenne : l'Europe qui les fait reagir n'est pas necessairement, ni uniquement celle du processus d'integration europeenne. Plus encore, les non-reponses au sondage "L'Europe et vous" ou bien la plethore de messages hors theme lors des CEC (par exemple, protection des animaux, developpement de l'esperanto, legalisation du cannabis) laissent a voir combien la complexite de l'objet Europe est redhibitoire pour des citoyens qui semblent pourtant particulierement concernes, voire politises. Cette parole n'est ainsi pas completement "ordinaire" : pour se faire entendre, elle doit respecter des normes discursives (Boltanski, Darre, Schiltz, 1984 ; Pounds, 2006). Cette contribution nous permettra de montrer egalement que les dispositifs en ligne autorisant une parole "spontanee" ne s'adressent pas a des utilisateurs depourvus d'ancrage social. Qu'ils soient en face-a-face ou, pour ce qui nous interesse ici, en ligne, de tels dispositifs constituent des entreprises en representations politiques, qui par leur design, la langue utilisee, renvoie a un rapport au monde. Le lien entre politisation et medias (Gaxie, 1978 et 2003 ; Charpentier, 2004 ; Pierru, 2004) s'incarne dans des…

National audiencePrésentation éditeur : Cet ouvrage collectif s'interroge sur les transformations contemporaines de la démocratie, liées notamment à la multiplication de dispositifs participatifs, témoignant d'une certaine reconnaissance des compétences que peuvent mobiliser les citoyens lorsqu'ils s'expriment sur la conduite des affaires publiques. Une quinzaine de chercheurs analysent ces nouveaux modes de prise de parole citoyenne et leurs effets

TALKING POLITICS ON LINE A review of French- and English-language research This paper is a review of studies on on-line political discussions. Originally these studies were strongly influenced by the deliberative issue, but the academic literature now stresses the socio-technical devices used and the objectives of these discussions. Even though on-line political discussions can lead to the homogenization of opinions, they are also open to diverse opinions and to a wide range of discursive resources. The need for further research on citizens' motives for taking part in on-line discussions, as well as the effects of these discussions on political engagement and public decisionmaking, is also underlined.

The term “e-democracy” refers to the relationship between democracy and new media and information and communication technology (ICT). The nature of this relationship is a matter of considerable debate both empirically and normatively. Although many commentators view ICT as a democratizing force, others suggest that the democratic effects of ICT are minimal or perhaps even deleterious. Writers also disagree in normative terms about what type of democracy ICT should be used to support. Like democracy, e-democracy is a complex and contested concept, and a number of different models of e-democracy have been advocated. Reflecting these different views, e-democracy may encompass a wide range of democratic practices and is by no means limited to the formal institutions of representative government and politics. However, the term “e-democracy” is most often used to refer to activities in and around the sphere of conventional politics; this narrower definition is given primacy here. Defined ...

Stéphanie WOJCIK, « Démocratie électronique », in CASILLO I. avec BARBIER R., BLONDIAUX L., CHATEAURAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, ISSN : 2268-5863. URL : http://www.dicopart.fr/fr/dico/democratie-electronique.Ensemble des dispositifs et procédures mobilisant les technologies de l'information et de la communication en vue de favoriser la participation des citoyens au contrôle, à la discussion ou à l'élaboration des décisions publiques

Le travail de O. Negt et A. Kluge constituera l’amorce d’un courant théorique prolifique des contre-publics à travers la critique de la prétention à l’universalité du modèle habermassien, ce dernier reposant en définitive sur la négation des inégalités réelles renvoyées à la seule sphère privée.
Ainsi, aux Etats-Unis, à partir des années 1990 les théories féministes s’intéressent à la manière dont les définitions de ce qui relève du public ou du privé peuvent faire perdurer les inégalités en restreignant l’accès de certains thèmes, de certains types de raisonnement et modes de discussion à l’espace public, laissant les inégalités s’enraciner dans la sphère domestique. Dans cette perspective, elles vont mobiliser la notion de « contre-public » afin de rendre compte mais aussi de remédier aux inégalités à l’œuvre dans la sphère publique dominante. Plusieurs auteurs comme Rita Felski (1989), spécialiste de théorie esthétique et littéraire, et la philosophe Nancy Fraser vont mettre au jour l’existence d’une sphère publique féministe qui ne prétend pas à l’universalité, mais qui repose sur l’expérience commune de la discrimination, de l’oppression et de l’exclusion.

A travers l’analyse du fonctionnement des debats en ligne proposes par certaines municipalites francaises, ce texte interroge la place, marginale, qu’y occupent les acteurs politiques, qu’elle que soit leur obedience partisane. Nous avancons plusieurs explications a cette evanescence du politique. D’abord, les sites Internet municipaux, supports communicationnels au sein desquels s’inscrit le debat, constituent precisement des espaces dont l’autorite municipale s’applique a evacuer la dimension potentiellement conflictuelle et partisane. Cette volonte de gommer les conflits et les antagonismes existants dans l’espace public local influence egalement la conception et le fonctionnement du debat en ligne. Ensuite, ce debat, tel qu’il est concu par les municipalites observees, engendre des contraintes telles que les individus, porteurs de revendications ou de critiques qui prendraient leur source dans une quelconque appartenance partisane, en sont necessairement exclus.

La contribution du numérique au fonctionnement des régimes démocratiques est régulièrement mise en question, qu’il s’agisse de faire sa critique ou de faire perdurer son existence, en améliorant l’expression et la participation citoyennes. On assiste à un foisonnement d’initiatives démocratiques portées tantôt par des institutions, tantôt par des citoyens, de manière individuelle ou collective.

The growing use of Internet discussion forums in city communication practices has raised hopes that new forms of deliberation may be opened up, at least partially freed up from the temporal constraints of face-to-face debates. It is also hoped that these new forms of deliberation may weaken social hierarchies and the power relations that exist in face-to-face debates. But just as the proliferation of debating spaces creates the need for mediators in the local sphere whose job it is to manage the interface between technology and politics (for example, commissioners for public inquiries, project managers, etc.), internet forums too require the presence of professionals (head of communications, webmaster) who ensure their smooth running. To what extent does their management of the electronic discussion influence the conditions and the modes of participation of the population? We observed three main functions of the moderator: the manager, the referee and the intermediary. In the case o...

This study is based on research conducted on integrated services. The research focuses on factors of an effective inclusive classroom and the collaboration of teachers and service providers. The research also focuses on related service models and the elements of service integration within inclusive classrooms. In order to gain more information on related services, surveys were sent out to teachers and related service providers at Elm Elementary. These surveys asked professionals what kind of service model they were involved in (pull-out, push-in, and combination). The surveys also asked professionals for their reactions to each service model and which they preferred for their students. The advantages and disadvantages of each service model, as outlined by the participants, were considered as conclusions were drawn. Document Type Thesis Degree Name MS in Special Education Department Education Subject Categories Education This thesis is available at Fisher Digital Publications: http:/...

Ce texte explore les déterminants de la participation en ligne et les confronte aux théories classiques qui insistent sur les ressources sociodémographiques et culturelles. Il considère aussi l’impact des compétences numériques et d’attitudes politiques comme la confiance à l’égard des partis. L’étude repose sur deux sondages en ligne auprès de citoyens qui ont utilisé Internet à des fins électorales au cours des campagnes présidentielle en France et législative au Québec en 2012. L’âge, la confiance envers les partis et les compétences numériques constituent des prédicteurs significatifs de la participation en ligne. En revanche, cette dernière n’entretient pas de rapports positifs avec le niveau d’éducation et le type d’occupation.

Sommés d'être présents sur une diversité toujours plus grande de dispositifs et supports numériques, en particulier à l'occasion des campagnes électorales, les candidats doivent tirer parti des spécificités propres à chacun, et adapter leurs prises de parole et leurs interventions, de manière plus générale, aux codes propres à la culture numérique. Celle-ci valorise notamment l'interaction, l'humour et la dérision, auxquelles seraient particulièrement sensibles les publics jeunes. Dès lors, il est possible de s'interroger sur les opérations de mise en récit de soi des candidats, comme sur les formes de mise en relation avec les publics auxquels celles-ci s'adressent. Facebook est-il véritablement mis à profit pour développer des interactions avec les internautes et/ou est-ce un espace de mise en scène des activités de campagne, et des qualités du candidat ? Dit autrement, les pages Facebook constituent-elles un support supplémentaire pour un discours électoral routinisé ou bien sont-elles intégrées en tant qu'instrument d'une stratégie de mobilisation plus générale ? A partir d'une étude d'un corpus de messages postés sur Facebook par 5 candidats (Benoît Hamon, François Fillon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon) lors de la campagne présidentielle française de 2017 1 , cette communication propose de caractériser les formes spécifiques de la communication électorale numérique.

Sommés d'être présents sur une diversité toujours plus grande de dispositifs et supports numériques, en particulier à l'occasion des campagnes électorales, les candidats doivent tirer parti des spécificités propres à chacun, et adapter leurs prises de parole et leurs interventions, de manière plus générale, aux codes propres à la culture numérique. Celle-ci valorise notamment l'interaction, l'humour et la dérision, auxquelles seraient particulièrement sensibles les publics jeunes. Dès lors, il est possible de s'interroger sur les opérations de mise en récit de soi des candidats, comme sur les formes de mise en relation avec les publics auxquels celles-ci s'adressent. Facebook est-il véritablement mis à profit pour développer des interactions avec les internautes et/ou est-ce un espace de mise en scène des activités de campagne, et des qualités du candidat ? Dit autrement, les pages Facebook constituent-elles un support supplémentaire pour un discours électoral routinisé ou bien sont-elles intégrées en tant qu'instrument d'une stratégie de mobilisation plus générale ? A partir d'une étude d'un corpus de messages postés sur Facebook par 5 candidats (Benoît Hamon, François Fillon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon) lors de la campagne présidentielle française de 2017 1 , cette communication propose de caractériser les formes spécifiques de la communication électorale numérique. Nous nous intéressons en premier lieu aux caractéristiques formelles et à la dynamique temporelle de ces posts tout au long de la campagne (soit du 29 janvier au 5 mai 2017) : dans quelle mesure ils évoluent ou non en rapport avec les temps forts de la campagne hors ligne ? Quels sont les liens que ces posts entretiennent avec les environnements médiatiques et les autres espaces numériques de campagne ? Ensuite, nous cherchons à catégoriser ces posts. Dans un temps saturé d'événements précisément créés pour occuper les espaces médiatiques, la recherche de la mise en visibilité de leurs actions et propositions, appuyée par une gestion algorithmique que les acteurs tentent de maîtriser à leur profit, peut d'autant plus les conduire à privilégier des contenus facilement partageables, plus visuels qu'écrits, ayant davantage recours aux émotions et aux sentiments qu'à une argumentation raisonnée. D'un autre côté, l'ethos que cherchent à cultiver les acteurs politiques diffère selon le contexte et, pour une campagne présidentielle, peut sans doute entrer en contradiction avec les formes d'expression prisées dans la culture numérique et valorisées par les plateformes.