Procédé de préparation d'amino-acides ou esters comprenant une étape de métathèse
Le travail qui a conduit à cette invention a reçu un financement de la part de l'Union Européenne dans le cadre du 7ième Programme Cadre (FP7/2007-2013) sous le numéro de projet N°241718 EUROBIOREF.
L'invention vise un procédé de synthèse d'acides ou d'esters α,ω-amino- alcanoïques à longue chaîne à partir d'un acide ou ester gras mono-insaturé comportant au moins une étape de métathèse.
L'industrie des polyamides que cela soit pour fabriquer des fibres synthétiques ou des résines thermodurcissables, utilise toute une gamme de monomères constitués par des diamines, des diacides et surtout des ω-amino- acides à longue chaîne. Ces derniers sont usuellement appelés Nylon, définis par la longueur de chaîne méthylène (-CH2)n séparant deux fonctions amide -CO-NH-, C'est ainsi que sont connus les Nylon-6, Nylon 6-6, Nylon 6-10, Nylon 7, Nylon 8, Nylon 9, Nylon 1 1 , Nylon 13, etc.
Ces monomères sont généralement fabriqués par voie de synthèse chimique en utilisant notamment comme matières premières des oléfines en C2 à C4, des cycloalcanes ou du benzène, hydrocarbures issus de sources fossiles, mais aussi dans certains cas particuliers à partir d'huile de ricin (Nylon 1 1 ) ou d'huile érucique (Nylon 13/13) ou lesquérolique (Nylon 13).
L'évolution actuelle en matière d'environnement conduit dans les domaines de l'énergie et de la chimie à privilégier l'exploitation des matières premières naturelles provenant d'une source renouvelable. C'est la raison pour laquelle certains travaux ont été repris pour élaborer sur le plan industriel des procédés utilisant des acides/esters gras comme matière première de fabrication de ces monomères.
Ce type d'approche n'a que peu d'exemples industriels. Un des rares exemples de procédé industriel utilisant un acide gras naturel comme matière première est celui de la fabrication à partir de l'acide ricinoléique extrait de l'huile de ricin, de l'acide amino-1 1 -undécanoïque, qui est à la base de la synthèse du Rilsan 1 1 ®. Ce procédé est décrit dans l'ouvrage « Les Procédés de
Pétrochimie » de A. Chauvel et al. paru aux Editions TECHNIP (1986). L'acide amino-1 1 -undécanoïque est obtenu en plusieurs étapes. La première consiste en une méthanolyse de l'huile de ricin en milieu basique produisant le ricinoléate de méthyle qui est ensuite soumis à une pyrolyse pour obtenir d'une part l'heptanaldéhyde et, d'autre part le undécylénate de méthyle. Ce dernier est passé en forme acide par hydrolyse. Ensuite l'acide formé est soumis à une hydrobromu ration pour donner l'acide ω-bromé d'où l'on passe par ammoniation à l'acide amino-1 1 -undécanoïque.
Dans cette voie « bio », les principaux travaux ont porté sur la synthèse de l'acide amino-9-nonanoïque qui est le précurseur du Nylon 9 à partir de l'acide oléique d'origine naturelle.
En ce qui concerne ce monomère particulier on peut citer l'ouvrage « n- Nylons, Their Synthesis, Structure and Properties » - 1997 Ed.J. Wiley et Sons dont le chapitre 2.9 (pages 381 à 389) est consacré au Nylon 9. Cet article donne la synthèse des réalisations et des travaux conduits sur le sujet. On y mentionne, page 381 , le procédé développé par l'ex Union Soviétique ayant conduit à la commercialisation du Pelargon®. On y mentionne également, page 384, un procédé développé au Japon utilisant l'acide oléique venant de l'huile de soja comme matière première. La description correspondante fait référence à l'ouvrage de A. Ravve « Organic Chemistry of Macromolecules » (1967) Marcel Dekker, Inc., dont la partie 15 est consacrée aux polyamides et qui mentionne en page 279 l'existence d'un tel procédé.
La demanderesse a pour sa part conduit des travaux dans ce domaine. Elle a décrit dans la demande de brevet français publiée sous le numéro FR 2912741 un procédé de synthèse de toute une gamme de ce type d'aminoacides/esters à partir d'un acide/ester gras naturel à longue chaîne en soumettant ce dernier à une réaction de métathèse catalytique croisée avec un composé insaturé comportant une fonction nitrile suivie d'une hydrogénation. Dans la demande de brevet français déposée le 17 novembre 2008 sous le numéro FR0857780 elle a également décrit un procédé de synthèse d'acides ω-amino-alcanoïques ou de leurs esters à partir d'acides gras naturels insaturés à longue chaîne transitant par un composé intermédiaire de type nitrile ω-insaturé dont l'une des variantes met
en œuvre dans la phase finale une métathèse croisée du nitrile ω-insaturé avec un composé de type acrylate. Enfin dans la demande de brevet français déposée le 5 février 2009 sous le numéro FR0950704, elle a décrit une variante du procédé précédent dans laquelle le composé intermédiaire est du type dinitrile insaturé. L'ensemble de ces procédés conduit à une dernière étape d'hydrogénation de la fonction nitrile ainsi que de la double liaison.
Le procédé de l'invention a pour objet d'améliorer les performances des procédés de préparation d'amino-acides ou d'amino-esters comprenant une étape de métathèse en améliorant l'étape de purification des matières premières ce qui a naturellement une incidence sur le coût final.
L'aspect purification des acides gras ou esters gras pour un procédé de métathèse est décrit dans la demande de brevet WO 03/093215. Il est important pour le procédé que les matières premières soient exemptes autant que possible de poisons capables d'inhiber le catalyseur de métathèse. Il est connu que les dérivés d'acides gras insaturés peuvent s'oxyder de manière radicalaire à l'air pour donner des composés de type hydroperoxyde et peroxyde, et que ces composés peroxydiques organiques sont néfastes pour les catalyseurs de métathèse. En purifiant les réactifs pour éliminer ces poisons et en particulier ces hydroperoxydes, il est possible d'améliorer très significativement l'activité des catalyseurs de métathèse mesurée par le nombre de cycles (« turnover number ») qui correspond au nombre de réactions effectuée par une molécule de catalyseur. Dans la demande de brevet WO 03/093215, le procédé de purification préalable à la réaction de métathèse consiste à mettre en contact les acides ou esters gras avec un adsorbant solide comme l'alumine activée. Cette solution est efficace pour réduire le taux de peroxydes, typiquement d'une valeur initiale de l'ordre de 300 meq./kg à une valeur inférieure à 1 meq/kg après traitement, ce qui permet de faire passer le « turnover number » du catalyseur de métathèse de 0 à 2160.
La demande US2009/0264669 décrit également l'utilisation d'adsorbants solides choisis par exemple parmi des silicates, des charbons actifs, et des argiles.
Cependant, le recours à un adsorbant est une solution qui nécessite d'utiliser une grande quantité d'adsorbant et est coûteuse au niveau du procédé
puisque qu'elle nécessite l'investissement d'une colonne d'adsorption et une étape de régénération de l'adsorbant. Elle conduit aussi à une perte en matière première qui reste piégée dans la porosité sur solide.
Or la demanderesse a découvert qu'il était possible de conduire le procédé de métathèse avec des « turnover numbers » très élevés en faisant simplement subir un traitement thermique et/ou chimique aux dérivés d'acides gras avant de les utiliser pour la réaction de métathèse.
L'invention a pour objet un procédé de synthèse d'un α,ω-aminoester (acide) saturé longue chaîne comportant de 6 à 17 atomes de carbone ledit procédé comprenant une première étape de métathèse croisée entre un premier composé acrylique choisi parmi l'acrylonitrile, l'acide acrylique ou un ester acrylique et un second composé mono-insaturé comportant au moins une fonction trivalente, nitrile, acide ou ester, l'un de ces composés comportant une fonction nitrile et l'autre une fonction acide ou ester, en présence d'un catalyseur de métathèse de type carbène de ruthénium, et une deuxième étape d'hydrogénation du nitrile-ester(acide) mono-insaturé obtenu, le dit composé mono-insaturé comportant au moins une fonction trivalente nitrile, acide ou ester ayant préalablement été soumis à une purification par traitement thermique et/ou chimique.
La réaction de métathèse considérée est une réaction de métathèse croisée entre un composé acide ou ester mono-insaturé généralement issu de l'oléochimie avec l'acrylonitrile ou une réaction de métathèse croisée entre un composé nitrile insaturé généralement issu de l'oléochimie avec un composé acrylique, acide ou acrylate, et dans ce cas de préférence l'acrylate de méthyle ou l'acrylate de butyle.
Le procédé a été développé en vue de l'exploitation de matières premières issues de sources naturelles renouvelables. Il peut cependant aussi bien s'appliquer aux composés mono-insaturés analogues obtenus par synthèse chimique.
L'étape de métathèse est réalisée selon le schéma réactionnel suivant : H2]n R2 +
R2=COOR5 ou CN,
R3=COOR5 ou CN,
R4=H ou R2>
R5=radical alkyle de 1 à 4 atomes de carbone, ou H
n=2 à 13,
m= 4 à 1 1 et,
R2 identique ou différent de R3.
La purification par traitement chimique ou thermique mentionnée ci-dessus est applicable à un procédé de préparation de diacides, diesters, et/ou dinitriles.
La formule de Γα,ω-aminoester (acide) final synthétisé dépend essentiellement de celle du composé réagissant avec le composé acrylique.
Dans ce composé issu de l'oléochimie i.e. obtenu à partir d'esters ou acides gras naturels renouvelables, Ri est soit H, soit un radical alkyle, soit un radical alkyle fonctionnel comportant une fonction trivalente (CN, COOH ou COOR).
Ri sera H lorsque l'ester gras naturel sera par exemple soumis à une éthénolyse ou dans certains cas à une pyrolyse. La formule de Ι'α,ω- aminoester/acide obtenu est alors directement liée au radical -(CH2)n- de l'ester gras. C'est ainsi que n sera égal à 7 avec l'acide oléique, à 4 avec l'acide pétrosélénique, à 8 à partir d'acide ricinoléique soumis à une pyrolyse, à 10 à partir d'acide lesquérolique soumis à une pyrolyse etc ., ainsi que cela est décrit dans la demande de brevet français publiée sous le numéro FR 2 912 741 .
Ri sera un radical alkyle lorsque dans (CH2)m-R4, R4 est H. Ceci correspond à l'utilisation dans le procédé d'un acide gras naturel mono-insaturé tel que par exemple les acides oléique, palmitoléique, pétrosélénique, lauroléique etc ..
Ri sera un radical alkyle fonctionnel lorsque dans (CH2)m-R , R est un radical représentant une fonction trivalente CN, COOH ou COOR qui sera identique à R2. Le composé sera alors sous la forme diacide, diester ou dinitrile. Il sera alors particulièrement avantageux que la formule du composé présente une symétrie permettant d'optimiser les rendements en α,ω-aminoester/acide final. L'obtention de ce type de composés, par métathèse notamment, est décrite dans les demandes FR 2912741 , FR0857780, et FR0950704 citées précédemment.
Dans un mode de réalisation particulier de l'invention, en ce qui concerne le composé acrylique, le choix de la fonction trivalente R3 peut être lié à la nature de la fonction trivalente de l'autre composé, R3 pouvant être nitrile lorsque R2 est ester/acide et réciproquement ester/acide lorsque R2 est nitrile.
Cette réaction conduit à des nitrile-acides ou des nitrile-esters insaturés.
De préférence, la réaction de métathèse croisée avec l'acrylonitrile est réalisée avec un composé choisi parmi l'acide 9-décénoïque ou le 9-décénoate de méthyle, issus de l'éthénolyse de l'acide oléique ou de l'oléate de méthyle, ou d'un triglycéride contenant de l'acide oléique, l'acide 10-undécénoïque ou le 10- undécénoate de méthyle, issus du craquage de l'acide ricinoléique ou du ricinoléate de méthyle, l'acide oléique ou l'oléate de méthyle, l'acide 9- octadécènedioïque ou le 9-octadécènedioate de méthyle, issus de l'homométathèse ou de la fermentation de l'acide oléique, l'acide érucique et l'érucate de méthyle, l'acide 12-tridécénoique ou le 12-tridécénoate de méthyle issu du craquage thermique de l'acide lesquerolique, l'acide 13-tetradécénoïque ou le 13-tetradécénoate de méthyle issus de l'éthénolyse de l'acide érucique, l'acide lesquerolique et le lesquerolate de méthyle, l'acide gondoique ou le gondoate de méthyle, l'acide 1 1 -dodécénoïque ou le 1 1 -dodécénoate de méthyle issus de l'éthénolyse de l'acide lesquerolique ou de l'acide gondoique.
La réaction de métathèse croisée de l'ester(acide) acrylique est réalisée avec un composé choisi parmi le 9-décènenitrile issu de l'acide 9-décénoïque, le 10-undécènenitrile issu de l'acide 10-undécénoïque, le 9-octadécènenitrile ou oléonitrile, issu de l'acide oléique, le 9-octadécènedinitrile, issu de l'acide 9- octadécènedioïque ou de l'homométathèse du 9-décènenitrile, l'éruconitrile, le 13- tetradécénonitrile issu de l'acide érucique, le 12-tridécénenitrile issu de l'acide lesquerolique après une étape de craquage thermique, le 1 1 -dodécènenitrile issu de lesquérolique ou de l'acide gondoique après une étape d'éthénolyse.
Le procédé de purification des composés mono-insaturés dérivés d'acides gras comportant une fonction nitrile, acide ou ester, préalable à l'étape de métathèse, consiste à détruire les composés de type hydroperoxyde et/ou peroxyde par un traitement thermique et/ou chimique.
Le traitement thermique est réalisé à une température comprise entre 80°C et 250°C, de préférence entre 80°C et 180°C, en atmosphère inerte pendant un temps suffisant pour décomposer les composés de type hydroperoxyde et/ou peroxyde. De préférence, la température est comprise entre 100 et 200°C, ou mieux entre 100 et 150°C. De préférence, le traitement thermique est réalisé sans solvant sous atmosphère d'azote.
Le traitement chimique comprend une étape d'ajout d'un composé choisi parmi des acides inorganiques, des bases, des réducteurs, des métaux, des sels métalliques, des composés organiques ou inorganiques comprenant du ruthénium et leurs mélanges, destiné à décomposer les composés de type hydroperoxyde et/ou peroxyde par réaction. De préférence, le traitement chimique est réalisé sans solvant ou dans un solvant utilisé ultérieurement pour l'étape de métathèse. La réaction s'effectue dans des conditions proches de la stœchiométrie entre le peroxyde et le réactif considéré.
Les acides inorganiques utilisés sont de préférence choisis parmi l'acide sulfurique, l'acide perchlorique, l'acide chlorhydrique et leurs mélanges et mis en œuvre à une température comprise de préférence entre 20 et 50°C.
Les bases utilisées sont de préférence des aminés choisies parmi la triéthylamine, la diéthylamine, l'isobutylamine, la triéthanolamine, la diméthylaniline, la diéthylaniline, la diméthylparatoluidine, et leurs mélanges et mis en œuvre à une température comprise de préférence entre 20 et 120°C.
Les agents réducteurs utilisés sont de préférence choisis parmi les trialkyl et triaryl phosphines, notamment la triphénylphosphine, les trialkyl ou triaryl phosphites notamment le triphénylphosphite, les sulfures inorganiques ou organiques comme le l'hydrogénosulfure de sodium ou le thioxane, l'hydrazine, ou les alkyl ou aryl hydrazines comme la diphénylhydrazine, l'hydroxylamine, l'acide formique, l'acide oxalique et leurs mélanges et mis en œuvre à une température comprise entre 20 et 50°C.
Les métaux utilisés sont de préférence choisis parmi des métaux alcalins, alcalino-terreux et terres rares, aluminium, titane, zirconium, zinc, étain, plomb, bismuth, fer, nickel, cobalt, cuivre, argent et leurs mélanges, et en particulier le fer, le nickel, le cobalt, le cuivre, l'argent et leurs mélanges, et mis en œuvre à une
température comprise entre 20 et 150°C, et de manière tout à fait préférée entre 20°C et 50°C. Les composés les plus réactifs seront les métaux alcalins, puis alcalino-terreux, puis les terres-rares et pour finir les métaux de transition, l'argent étant un composé moins réactif.
Les sels métalliques utilisés sont de préférence choisis parmi les dérivés du fer et de préférence l'acétate de fer(ll), l'acétate de fer(lll), l'acétylacétonate de fer(ll), l'acétylacétonate de fer(lll), les dérivés du cobalt et de préférence l'acétate de cobalt(ll), l'acétylacétonate de cobalt(ll), l'acétylacétonate de cobalt(lll), le 2- éthylhexanoate de cobalt(ll), les dérivés du cuivre et de préférence l'acétate de cuivre(l), l'acétate de cuivre(ll), l'acétylacétonate de cuivre(l), le 2-éthylhexanoate de cuivre(ll), les dérivés du manganèse et de préférence l'acétate de manganèse(ll), l'acétate de manganèse(lll), l'acétylacétonate de manganèse(ll), l'acétylacétonate de manganèse(lll), les dérivés du nickel et de préférence l'acétate de nickel(ll), l'acétylacétonate de nickel(ll), le 2-éthylhexanoate de nickel(ll) et leurs mélanges et mis en œuvre à une température comprise entre 20 et 100°C.
A titre d'exemple de composé à base de ruthénium, on peut citer Ru(NH3)6 2+.
Tous ces traitements permettent de réduire la teneur en hydroperoxyde et ou peroxyde dans le composé mono-insaturé dérivé d'acide gras à des valeurs inférieures à 3 meq/kg et de préférence inférieures à 1 meq/kg. L'analyse de la concentration en hydroperoxyde et/ou peroxyde dans les réactifs peut être réalisée selon des méthodes standards connues de l'homme de l'art comme la méthode de titration avec l'iodure de potassium et le thiosulfate de sodium.
La réaction de métathèse croisée avec un composé de type acrylique est réalisée dans des conditions parfaitement connues. La réaction de métathèse est réalisée de préférence à une température de réaction comprise entre 20 et 120 °C et la pression est comprise entre 1 et 30 bars en présence d'un catalyseur à base de ruthénium. Elle sera de préférence conduite à basse pression comprise entre 1 et 10 bars et de façon plus préférée à la pression atmosphérique lorsque la métathèse croisée conduit à la formation d'un composé léger par exemple de l'éthylène pour en permettre un dégagement aisé. La réaction peut être conduite
sans solvant ou en présence d'un solvant comme le toluène, les xylènes ou le dichlorométhane. le benzène, le chlorobenzene ou le dimethylcarbonate.
La catalyse de la réaction de métathèse a fait l'objet de très nombreux travaux et le développement de systèmes catalytiques sophistiqués. On peut citer par exemple les complexes au tungstène développés par Schrock et al (J. Am. Chem. Soc. 108 (1986) 2771 ou Basset et al. Angew. Chem., Ed. Engl. 31 (1992) 628.
Plus récemment, sont apparus les catalyseurs dits de Grubbs (Grubbs et al. Angew. Chem., Ed. Engl. 34 (1995) 2039 et Organic Letters 1 (1999) 953) qui sont des complexes ruthénium-benzylidène opérant en catalyse homogène.
Enfin des travaux ont été conduits pour la réalisation de catalyseurs immobilisés, c'est-à-dire de catalyseurs dont le principe actif est celui du catalyseur homogène, notamment les complexes ruthénium-carbène, mais qui est immobilisé sur un support inactif. L'objectif de ces travaux est d'augmenter la sélectivité de la réaction de métathèse croisée vis-à-vis des réactions parasites telles que les « homo-métathèses » entre les réactifs mis en présence. Ils portent non seulement sur la structure des catalyseurs mais également sur l'incidence du milieu réactionnel et les additifs pouvant être introduits.
La réaction de métathèse peut ainsi être réalisée en présence d'un catalyseur au ruthénium choisi parmi les catalyseurs chargés ou non-chargés de formule générale :
(X1 )a (X2)bRu(carbène C) (L1 )c(L2)d (L3)e
dans laquelle :
• a, b, c, d et e sont des nombres entiers, identiques ou différents, avec a et b égaux à 0, 1 ou 2 ; c,d et e égaux à 0, 1 , 2, 3 ou 4;
• X1 et X2, identiques ou différents, représentent chacun un ligand mono- ou multi-chélatant, chargé ou non ; à titre d'exemples, on pourra citer les halogénures, le sulfate, le carbonate, les carboxylates, les alcoolates, les phénolates, les amidures, le tosylate, l'hexafluorophosphate, le tétrafluoroborate, le bis-triflylamidure, un alkyle, le tétraphénylborate et dérivés. X1 ou X2 peuvent être liés à (L1 ou L2) ou au (carbène C) de façon à former un ligand bidenté ou chélate sur le ruthénium ; et
• L1 , L2 et L3 identiques ou différents, sont des ligands donneurs d'électrons tels que phosphine, phosphite, phosphonite, phosphinite, arsine, stilbine, une oléfine ou un aromatique, un composé carbonylé, un éther, un alcool, une aminé, une pyridine ou dérivé, une imine, un thioéthers, ou un carbène hétérocyclique
• L1 , L2 ou L3 peuvent être liés au (carbène C) de façon à former un ligand bidenté ou chélate, ou tridenté
• Le (carbène C) étant représenté par la formule générale : C_(R1 )_(R2) pour laquelle R1 et R2 sont des groupes identiques ou différents tels que l'hydrogène ou tout autre groupe hydrocarboné saturé ou insaturé, cyclique, branché ou linéaire, ou aromatique. A titre d'exemples, on pourra citer les complexes du ruthénium alkylidènes, benzylidène ou cumulènes tels que les vinylidènes Ru=C=CHR ou allénylidènes Ru=C=C=CR1 R2 ou indénylidènes.
Un groupe fonctionnel permettant d'améliorer la rétention du complexe du ruthénium dans un liquide ionique peut être greffé sur au moins l'un des ligands X1 , X2, L1 , L2, ou sur le carbène C. Ce groupe fonctionnel peut être chargé ou non chargé tel que de préférence un ester, un éther, un thiol, un acide, un alcool, une aminé, un hétérocycle azoté, un sulfonate, un carboxylate, un ammonium quaternaire, un guanidinium, un phosphonium quaternaire, un pyridinium, un imidazolium, un morpholinium ou un sulfonium.
Le catalyseur de métathèse peut être éventuellement hétérogénéisé sur un support afin de faciliter sa récupération/recyclage.
Les catalyseurs de métathèse croisée du procédé de l'invention sont de préférence des carbènes du ruthénium décrits par exemple dans Aldrichimica Acta, vol 40, N°2, 2007, p.45-52. Les catalyseurs préférés sont le catalyseur Umicore® M51 (commercialisé par la société Umicore®) de formule (A) ci- dessous, et le catalyseur Umicore® M71 SIPr (commercialisé par la société Umicore®) de formule (B) ci-dessous, ou encore les catalyseurs commercialisés par Materia®.
(A) (B)
Le temps de réaction est choisi en fonction des réactifs et des conditions opératoires mis en œuvre et pour atteindre le terme de la réaction.
La métathèse étant une réaction équilibrée, il convient de déplacer cet équilibre pour aller vers la conversion totale. Pour ce faire dans le cas où le coproduit de la réaction est une oléfine légère telle que l'éthylène, il est aisé de « dégazer » le réacteur de temps en temps pour forcer l'élimination des légers et donc aller à conversion totale. Dans le cas où le co-produit est une oléfine plus lourde, éventuellement fonctionnelle, l'opération d'extraction est plus délicate dans la mesure où il faut maintenir dans le milieu réactionnel, les deux réactifs et le catalyseur. Par ailleurs si on doit séparer au moins en partie le nitrile-ester(acide) insaturé par distillation et éliminer les composés légers avant l'hydrogénation, il faut opérer de sorte que le catalyseur de métathèse reste dans la fraction lourde avec le nitrile-ester(acide) pour l'utiliser dans sa fonction de catalyseur d'hydrogénation. Dans cette opération lors de la séparation on n'élimine pas du milieu les composés très lourds qui seront donc hydrogénés avec la fraction lourde, leur séparation intervenant lors d'une purification ultérieure de l'amino- acide/ester final.
L'autre façon de déplacer l'équilibre est d'utiliser un excès de réactif, typiquement ici un excès d'acrylonitrile ou d'acrylate d'alkyle (de méthyle en général). D'un point de vue procédé, la première étape serait conduite à son terme avec l'épuisement du catalyseur de métathèse, l'excès d'acrylate ou d'acrylonitrile serait distillé pour recyclage, puis en seconde étape le composé α-ω nitrile- ester/acide insaturé contenu dans le milieu réactionnel serait hydrogéné en présence du métal du catalyseur de 1 ere étape dans sa fonction hydrogénation.
La quantité de catalyseur de métathèse au ruthénium introduite lors de la première étape est choisie de telle sorte qu'il assure toute la transformation possible du réactif non acrylique contenu dans la charge. On observe que ledit catalyseur, dans les conditions opérationnelles de l'étape de métathèse, est au terme de la réaction transformé ; il s'épuise ou se désactive et perd son activité catalytique en terme de métathèse - il sera désigné par la suite par le qualificatif de « dégradé » pour ladite réaction. En procédé batch, la quantité de catalyseur peut aisément être réglée pour donner la conversion souhaitée à dégradation totale du catalyseur.
Au terme de l'étape de métathèse, le milieu réactionnel est soumis à une hydrogénation. La réaction d'hydrogénation peut être réalisée directement sur le mélange réactionnel issu de l'étape de métathèse et en présence du catalyseur de métathèse résiduel au ruthénium faisant fonction de catalyseur d'hydrogénation. Elle peut également être réalisée avec un catalyseur classique d'hydrogénation. Parmi les métaux utilisés classiquement pour l'hydrogénation, on peut citer le nickel, le palladium, le platine, le rhodium ou l'iridium. De préférence, le catalyseur utilisé sera le nickel de Raney ou du palladium sur charbon. La réaction est effectuée sous pression d'hydrogène et en présence d'une base. La pression est comprise entre 5 et 100 bars, de préférence entre 20 et 30 bars. La température est comprise entre 50 et 150°C, de préférence entre 80 et 100°C. La base peut être par exemple la soude, la potasse, le tertiobutylate de potassium ou l'ammoniac. La base est généralement utilisée à une teneur de 10 à 80% en mole par rapport au substrat nitrile-ester insaturé.
La réaction d'hydrogénation peut être réalisée avec ou sans solvant. Dans le cas d'une réaction en milieu solvant, les solvants préférés utilisés pour les étapes de métathèse et d'hydrogénation sont les solvants aromatiques comme le toluène ou les xylènes ou un solvant chloré comme le dichlorométhane le chlorobenzene, le dimethylcarbonate.
Les amino-acides ou amino-esters obtenus selon le procédé de l'invention peuvent être utilisés comme monomères pour la synthèse de polyamides.
L'invention a encore pour objet des polymères obtenus par polymérisation des α,ω-aminoesters (acides) synthétisés selon les procédés définis ci-dessus.
Le procédé de l'invention est illustré par les exemples suivants.
Exemple 1 Métathèse croisée du 10-undécènenitrile avec l'acrylate de méthyle en présence du catalyseur Umicore® M71 SIPr (B) après traitement du 10-undécènitrile par l'hvdrazine
Le 10-undécènenitrile a été préparé par réaction de l'acide 10-undécénoïque avec l'ammoniac en présence d'oxyde de zinc. Le taux de peroxyde initial déterminé par la méthode à l'iodure de potassium et au thiosulfate de sodium est de 10 meq/kg.
Dans un réacteur en verre purgé à l'azote, on charge 50g de 10-undécènenitrile (contenant 0,5 mmol de peroxydes) et 30mg d'hydrazine monohydrate (0,6 mmol - 1 ,2 équivalents). On chauffe une heure à 50°C sous agitation.
Le taux de peroxyde après traitement est inférieur à 1 meq/kg. Le produit est utilisé tel que pour la réaction de métathèse.
Le réacteur de métathèse est un réacteur en verre double-enveloppe de 250ml muni d'une agitation mécanique, d'une réfrigérant, d'une sonde de température, d'une arrivée d'azote et d'un pousse-seringue pour additionner le catalyseur de métathèse en continu. Dans le réacteur purgé à l'azote, on charge 5g de 10- undécènenitrile purifié précédemment (30 mmol), 5,2g d'acrylate de méthyle (60 mmol) et 50g de toluène séché sur tamis moléculaire. On charge dans une seringue 1 ,2 mg de catalyseur Umicore® M71 SIPr de formule (B) donnée ci- dessus (catalyseur fourni par la société Umicore® - 1 ,5.10 3 mmol - 0,005% mol par rapport au 10-undécènitrile) dissous dans 5ml de toluène. On chauffe à 100°C puis on ajoute le catalyseur via le pousse seringue sur une période de 3 heures. Le mélange réactionnel résultant est analysé par chromatographie en phase gaz pour déterminer la conversion en 10-undécènenitrile et les sélectivités en nitrile- ester C12 insaturé (produit de métathèse croisée) et en dinitrile C20 insaturé (produit de self-métathèse).
La conversion du 10-undécènenitrile est de 89%. La sélectivité en nitrile- ester C12 insaturé est de 41 % et celle en dinitrile C20 insaturé est de 59%. Le « turnover number » du catalyseur est de 17800. A l'issue d'une étape d'hydrogénation suivant cette étape de métathèse, on obtient un produit conforme (exempt d'impuretés) pouvant être polymérisé facilement, et avec un meilleur rendement que dans l'exemple comparatif suivant.
Exemple 2 (comparatif) L'exemple a été réalisé dans les même conditions que l'exemple 1 sans purification du 10-undécènenitrile et en utilisant 0,0075% molaire de catalyseur Umicore® M71 SIPr.
Dans un le réacteur purgé à l'azote, on charge 5g de 10-undécènenitrile (non purifié -30 mmol), 5,2g d'acrylate de méthyle (60 mmol) et 50g de toluène séché sur tamis moléculaire. On charge dans une seringue 1 ,8 mg de catalyseur Umicore M71 SIPr (2,2.10"3 mmol - 0,0075% mol par rapport au 10-undécènitrile) dissous dans 5ml de toluène. On chauffe à 100°C puis on ajoute le catalyseur via le pousse seringue sur une période de 3 heures.
La conversion du 10-undécènenitrile est de 5%. Le « turnover number » du catalyseur est de 666.
A l'étape d'hydrogénation, on observe que les impuretés présentes sous une forme combinée au Ruthénium, donnent des alcools, des alcools-esters, voire des amino-alcools-esters. A l'étape de polymérisation ces impuretés agissent comme des inhibiteurs de croissance de chaîne, entraînant l'obtention (difficile) d'un polymère de mauvaise qualité.
En définitive, le traitement thermique et/ou chimique du procédé de l'invention permet de cibler les impuretés, et de les retirer le plus tôt possible, tout en limitant la perte de matière première, ce qui améliore la sélectivité de l'étape de métathèse, mais aussi de façon surprenante, toutes les étapes en aval de l'étape de métathèse, en particulier d'hydrogénation, et de polymérisation éventuelle du monomère obtenu selon le procédé de l'invention.