Procédé pour la concentration du carotène dans I'huile de palme
La présente invention concerne un procédé pour la concentration du carotène dans l'huile de palme par diffusion liquide thermique, lequel procédé fournit deux fractions, dont l'une est enrichie en carotène, contient une proportion centésimale d'acides gras inférieure à celle de l'huile de palme initiale, et oppose une résistance accrue à l'oxydation, tandis que l'autre est d'une teinte plus claire.
Parmi les diverses huiles végétales disponibles, 1'huile de palme est unique en ce sens qu'elle contient une proportion de carotène relativement importante par rapport à celle des autres huiles végétales. La concentration du carotène dans l'huile de palme varie généralement entre environ 0, 05 et 0, 20 O/o, et l'on croit que c'est cette teneur relativement forte en carotène qui est la cause de la couleur orange foncé de l'huile de palme brute.
Par carotène p, on entend ici à la fois l'alpha-, le bêta-et le gamma-carotène. Il s'agit d'une provitamine qui se transforme en vitamine A par dédoublement des molécules de carotène.
L'huile de palme contient des traces de tocophérols qu'on désigne également par vitamine E . On croit que les tocophérols agissent dans l'huile de palme comme antioxydants et empêchent ainsi, dans une certaine mesure, l'oxydation du carotène et d'autres constituants. Suivant l'origine géographique des fruits de palmier utilisés pour 1'extraction de l'huile, et suivant le procédé d'extraction, l'huile de palme contient une proportion d'acides gras libres allant de 3"/o jusqu'à 45 /0.
Or, la présence d'acides gras libres dans l'huile de palme est nuisible à cause de leur instabilité relative à la chaleur et à l'oxydation.
Actuellement, on procède à 1'extraction du carotène de l'huile de palme en saponifiant l'huile de palme brute avec de l'hydroxyde de sodium ou de potassium, et en extrayant ensuite avec du bichlorure d'éthylène le savon résultant. Quoique ce procédé permette de récupérer environ 95 O/o de carotène, les masses extrêmement importantes d'huile de palme, qui doivent être traitées pour l'obtention d'une petite quantité de carotène (il est nécessaire de traiter environ 450 kg d'huile de palme, et de séparer cette huile du solvant par centrifugation, pour obtenir 0, 5 kg de carotène), font que ce procédé est extrêmement coûteux et entraîne un prix proportionnellement élevé du carotène concentré.
De plus, 1'huile est inutilisable pour l'alimentation et pour d'autres applications, pour lesquelles il convient d'utiliser une huile. On ne peut la récupérer que sous forme de savon, ce qui restreint considérablement l'utilisation de la masse d'huile.
Le procédé pour la concentration du ca rotène dans l'huile de palme selon l'invention est caractérisé en ce qu'on forme une mince pellicule d'huile de palme entre deux parois très rapprochées, parallèles, en matière conductrice de la chaleur, on chauffe au moins une de ces parois pour maintenir un gradient de température en travers de la pellicule d'huile, et l'on recueille en au moins un point de la paroi relativement froide éloigné du point d'alimentation, une fraction dense, enrichie en carotène par diffusion thermique et, en au moins un point de la paroi relativement chaude éloigné du point d'alimentation, une fraction légère, appauvrie en carotène et enrichie en acides gras par diffusion thermique.
Le procédé suivant la présente invention offre un certain nombre d'avantages importants, parmi lesquels on peut signaler une réduction importante de la masse d'huile qui doit être traitée, une augmentation correspondante de la capacité de l'installation pour 1'extraction au solvant, et une stabilité accrue à l'oxydation de l'huile soumise à 1'extraction au solvant grace à la teneur plus faible en acides gras libres, et à la présence des tocophérols probablement en concentration plus forte. De plus, l'huile débarrassée du carotène est utilisable et peut servir à des applications pour lesquelles le savon ne convient pas.
Pour de nombreuses applications industrielles, la qualité de l'huile de palme est jugée en fonction de sa couleur. Les huiles légères présentant un minimum de concentration en carotène sont considérées comme étant plus indiquées que les huiles plus foncées présen- tant une concentration plus forte en carotène, parce que ces dernières exigent un raffinage et un blanchiment plus rigoureux. Cette préfé- rence pour les huiles de teinte plus claire se traduit sur le marché par des prix plus élevés, par rapport à ceux des huiles plus foncées.
Pour exécuter le présent procédé, il est avantageux d'utiliser les huiles de palme plus foncées, c'est-à-dire de qualité inférieure, comme matière de départ. La fraction appauvrie en carotène, qu'on obtient comme sousproduit, est d'une teinte plus claire que l'huile initiale et possède toutes les propriétés des huiles de palme brutes plus légères qui se vendent aux prix les plus élevés sur le marché. Le procédé suivant l'invention est donc avantageux non seulement en ce qui concerne la concentration en carotène réalisée, mais également parce qu'il fournit une huile de palme de teinte plus claire, plus demandée sur le marché que l'huile de palme initiale de teinte relativement foncée.
Le produit enrichi en carotène, qu'on obtient par le procédé suivant l'invention, est destiné à des applications non médicamenteuses, et notamment à des applications auxquelles les concentrats qu'on obtient par les procédés usuels d'extraction au solvant ne se prêtent pas.
Par exemple, ce produit est particulièrement avantageux comme colorant végétal naturel, qu'on peut ajouter au beurre, à la margarine et aux produits similaires, et qui augmente en même temps la teneur en vitamines A de ces produits.
Les parois de l'appareil utilisé peuvent être, par exemple, en verre, acier inoxydable, aluminium, ou une matière similaire inerte par rapport au produit traité.
On peut utiliser un appareil à parois verticales, à alimentation continue ou intermittente, les fractions de teinte claire et foncée étant éva- cuées d'une manière continue ou intermittente respectivement par le haut et par le bas de l'ap- pareil.
On peut aussi employer un appareil à alimentation continue ou intermittente, mais à parois non verticales, la paroi chaude étant placée au-dessus de la paroi froide ; on évacue alors d'une manière continue ou intermittente, en certains points éloignés du point d'introduc- tion, les fractions claires et foncées respectivement à proximité des parois chaude et froide, ou l'on évacue la fraction foncée à une extrémité de l'espace à proximité de la paroi froide et la fraction claire à l'autre extrémité de la fente à proximité de la paroi chaude.
Pour l'obtention des résultats les plus favorables, il est indiqué d'ajouter à l'huile une matière neutre et facilement séparable, telle que le chlorobenzène, pour réduire la viscosité du liquide, et (ou) de déshydrater l'huile de palme avant de la soumettre à la diffusion thermique.
La température des parois chaude et froide peut varier très largement à condition que la paroi chaude n'atteigne pas la température à laquelle le carotène se décompose et que la température de la paroi froide ne descende pas au point d'entraîner une augmentation importante de la viscosité de l'huile. De préférence, on prévoit pour la paroi chaude des températures atteignant environ 150 C, et pour la paroi froide des températures descendant jusqu'à 400C. On peut utiliser pour la paroi chaude des températures plus élevées si un antioxydant est présent dans des proportions suffisantes pour empêcher toute oxydation du carotène à ces températures, surtout si la durée de séjour du carotène dans l'appareil est relativement courte.
La pellicule doit être assez mince pour que les forces de diffusion thermique puissent assurer la séparation, et le gradient de température, ainsi que la rapidité d'évacuation, doivent être proportionnés à l'épaisseur de la pellicule, pour permettre l'obtention du taux de séparation désiré. Des épaisseurs de la pellicule de l'ordre de 0, 25 à 3, 8 mm, de préférence comprises entre 0, 25 et 1, 5 mm, sont souhaitables. Pour l'obtention d'une fraction enrichie en carotène de concentration maximum, il est avantageux de réduire la vitesse d'évacuation de cette fraction à une faible proportion, par exemple 1/10, 1/20, ou même moins, de la vitesse d'évacuation de la fraction appauvrie en carotène.
Si on le désire, la fraction appauvrie en carotène peut être réintroduite dans l'appareil ou soumise à une nouvelle diffusion thermique dans un ou plusieurs appareils con sécutifs.
Etant donné que l'huile de palme brute contient fréquemment un peu d'eau, généralement dans une proportion inférieure à 1 /o, et que la présence de cette eau réduit l'effica- cité du procédé, il est indiqué de sécher 1'huile de palme avant de la soumettre à la diffusion thermique. Pour la mise en oeuvre continue du procédé suivant l'invention, il est nécessaire d'introduire l'huile de palme brute dans l'appa- reil de diffusion thermique à l'état très fluide, et non pas à l'état visqueux. A cet effet, il peut être nécessaire de chauffer préalablement l'huile de palme pour la porter à une température de l'ordre de 430 C, la température exacte dépendant de la température de congélation de chaque huile de palme.
Les exemples ci-après illustrent l'inven- tion :
Exemple 1
On remplit d'huile de palme brute un espace annulaire ayant un volume d'environ 50 cc, une largeur de. 1, 09 mm, et une hauteur de 2, 43 m, formée entre deux tubes concentriques en verre. On maintient une paroi à une température d'environ 100 C en la chauffant à la vapeur d'eau sous la pression atmosphéri- que, qu'on fait passer en courant continu dans le tube intérieur. L'autre paroi, qui est formée par la surface intérieure du tube extérieur, est maintenue à une température de 430 C par le ruissellement continu d'eau dans une chemise entourant le tube extérieur.
Après trois nuits et deux jours, c'est-à-dire après 60 heures environ, on constate que le liquide dans la partie supérieure de l'espace présente une teinte orange clair, tandis que le liquide dans la partie inférieure de l'espace est d'une teinte orange foncé. On évacue séparément des fractions de liquide de teintes différentes et on les analyse.
Les résultats figurent dans le tableau ci-après : Indice de Carotène Acides gras
Courant refraction /a /o
Arrivée 0, 13 25, 5
En haut 1, 4610 0, 04 45, 7
En bas 1, 4650 0, 32 14, 9
Ce mode de mise en oeuvre donne une indication du taux de séparation possible avec l'ap- pareil et dans les conditions décrites. Il est à noter que la majeure partie du carotène peut être séparée par le procédé.
Exemple 2
On utilise la même huile de palme brute qu'on soumet à la diffusion thermique dans l'appareil et dans les conditions de 1'exemple 1, sauf qu'on introduit au cours de trois jours consécutifs un volume total de 310 cc, à la température de 430 C au milieu de l'espace, tandis que 230 et 80 cc sont respectivement évacués dans le haut et dans le bas de la colonne. On maintient le liquide en état statique pendant les deux nuits intermédiaires, tout en maintenant le gradient de température.
Les résultats sont indiqués dans le tableau ci-après :
Courant Carotene% Acides gras% Volume cc Arrivée 0, 13 25, 5 310
En haut 0, 081 34, 5 230
En bas 0, 208 20, 9 80
On laisse reposer pendant un mois environ les produits supérieurs obtenus dans les exemples 1 et 2, tout en les exposant à l'air. On constate alors que les produits virent de l'orange clair au jaune.
On croit que ce changement résulte d'une oxydation et indique que les antioxydants naturels, c'est-à-dire les tocophérols, se sont concentrés dans la fraction inférieure enrichie en carotène.
Exemple 3
On effectue un certain nombre de séparations dans une colonne verticale en aluminium d'une hauteur effective de 1, 8 m et d'une largeur de 480 mm. On porte l'huile de palme brute préalablement à 43O C, on l'introduit dans la colonne au milieu entre les extrémités de l'espace entre les deux parois et l'on évacue les fractions chaude et froide respectivement dans le haut et dans le bas de la colonne. Les températures des parois chaude et froide et la largeur de l'espace entre les parois de la colonne, la vitesse d'arrivée et la concentration en carotène de l'huile de palme arrivant dans la colonne, le rapport des vitesses d'évacuation dans le haut et dans le bas de la colonne, et la concentration en carotène dans la fraction du bas sont indiqués dans le tableau ci-après :
Largeur Concentr.
Concentr. en Temp Temp @ DÚbit @ @ de Rapport carotene
de d'arrivÚe de carot¯ne des vitesses dans frac.@ paroi paroi l'espade Ó l'entrÚe @ @
ml/heure o d'evac. inférieure
chaude froidç mm./0 o/O
156 32-75 0, 73 220 0, 162 10/1 0, 610
149 33-68 0, 48 480 0, 142 50/50 0, 238
149 32-63 0, 48 660 0, 142 10/1 0, 324 140, 6 32-67 0, 48 330 0, 139 10/1 0, 206
138 33-68 0, 48 630 0, 139 20/1 0, 315
147 32-66 0, 94 1320 0, 137 10/1 0, 269
149 37-69 0, 94 660 0, 137 10/1 0, 283
140 40-71 0, 45 630 0, 128 20/1 0, 395
149 38-70 0, 91 420 0, 121 50/50 0, 200
On mesure les températures des parois chaude et froide à l'aide de couples thermoélectriques en divers points de chacune des plaques opposées en aluminium.
On croit que la raison des températures différentes de la paroi froide réside dans une circulation inefficace de 1'eau de refroidissement.
Les concentrations supérieures en carotène de la fraction évacuée dans le bas de la colonne sont surprenantes, étant donné les concentrations initialement faibles en carotène de l'huile de palme brute soumise à la diffusion thermique. Le taux de séparation qu'on peut obtenir par diffusion thermique étant fonction du gra dient de température, il est évident que des sé parations plus poussées sont possibles avec un refroidissement plus uniforme et plus approprié de la paroi froide, à une température de l'or- dre de 40, 6 à 430 C.
Exemple 4
On effectue un certain nombre de séparations dans la colonne verticale à plaques en aluminium décrite dans 1'exemple 3. Pour certaines de ces séparations, ainsi que l'indique la dernière colonne du tableau ci-après, on ajoute à l'affluent un troisième constituant miscible, par exemple 15 O/o en volume de chlorobenzène (CIB) ou 0, 5 /0 en poids d'extrait de son de riz (RBE). Pour certaines de ces séparations également, on déshydrate l'huile de palme avant de l'introduire dans la colonne de diffusion thermique.
On chauffe préalablement l'huile de palme brute à 43 C, on l'introduit dans la colonne au sommet, à proximité de la paroi froide de l'espace ou au milieu de l'espace (ce qui est indiqué respectivement par EF et CF dans la colonne Observations ). On évacue une fraction riche en carotène à proximité de la paroi froide ou dans le bas de la colonne, et une fraction pauvre en carotène à proximité de la paroi chaude ou dans le haut de la colonne.
Le tableau indique également les températures moyennes des parois chaude et froide, la largeur de l'espace, le débit d'entrée de l'huile de palme brute, les concentrations en carotène dans l'affluent et dans la fraction inférieure, les rapports entre les vitesses d'évacuation des fractions supérieure et inférieure, et les rapports entre les concentrations en carotène de la fraction inférieure et de l'affluent.
Rapport des Temperatures o C Larg. Debit Concentration en concentr. Rapport
des parois de d'e trée carotène 0/"encarotène entre Obser
des espace dans fraction vitesses vations
chaude-froide mm. m/eure Affluent-Fraction affluent d'évac.
in. affluent 150, 6 52, 2 0, 76 480. 0893. 0938 1, 05 50/50 CF-C1B 145, 0 56, 7 0, 73 660. 0413. 329 8, 0 10/1 CF-C1B 147, 2 54, 4 0, 73 440. 113. 201 1, 74 10/1 EF 142, 8 52, 2 0, 73 440. 0968. 254 2, 62 10/1 EF-sec 147, 2 56, 1 0, 73 660. 0733. 217 2, 96 10/1 EF-sec 145, 6 57, 8 1, 11 194. 057. 0936 1, 64 7, 4/1 EF-sec 139, 4 68, 3 0, 48 218. 076. 1042 1, 37 9, 5/1 EF-sec 145, 0 52, 2 0, 76 214. 0542.
133 2, 46 10/1 EF-sec 145, 0 52, 8 0, 76 228. 077. 175 3, 02 9, 6/1 CF-sec 144, 4 52, 2 0, 76 440. 0513. 183 3, 57 10/1 CF-sec 145, 0 56, 1 0, 76 224. 0914. 190 2, 08 10, 7/1 CF-RBE 145, 6 57, 2 0, 76 414. 0932. 404 4, 34 9, 7/1 CF-RBE
Les résultats montrent qu'on obtient des taux de séparation supérieurs avec des débits d'entrée supérieurs et des vitesses d'évacuation inférieures des produits. On voit que, pour un débit d'entrée suffisamment élevé, et avec un rapport suffisamment faible pour l'évacuation des produits, il est possible d'obtenir une fraction enrichie en carotène dont la qualité permet le traitement complémentaire pour la préparation d'un carotène concentré, et une fraction appauvrie en carotène qui peut être utilisée comme sous-produit à cause de sa teinte plus claire.
Les indications du tableau montrent également qu'on peut même obtenir des résul- tats favorables (a) en déshydratant l'huile de palme avant de la soumettre à la diffusion thermique (b) en ajoutant à l'affluent une matière telle que le chlorobenzène, présentant une chaleur spécifique et une viscosité inférieure, ainsi qu'une densité supérieure à celles de l'huile de palme (c) en ajoutant à l'affluent un antioxydant tel que l'extrait de son de riz.