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Effet Streisand

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La photo du domaine de Barbra Streisand à l'origine de « l'effet Streisand ».

L’effet Streisand désigne un phénomène médiatique involontaire. Il se produit lorsqu'en voulant empêcher la divulgation d’une information que certains aimeraient cacher, le résultat inverse survient, à savoir que le fait caché devient notoire.

Ainsi, les efforts déployés par une personne pour masquer ou supprimer une publication, ou encore faire retirer un produit du commerce, conduisent à l'exposition et à la médiatisation de ce que cette personne désirait que l'on ne sache pas ou que l'on ne voie pas. Il s'agit donc à proprement parler d'un effet pervers[1] de la démarche, qui est d'ailleurs renforcé par internet.

Origine et histoire de l’expression

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La propriété Streisand

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L'expression « effet Streisand » fait référence à un incident survenu en 2003. Le millionnaire de la Silicon Valley et écologiste Ken Adelman prend une photographie aérienne du domaine privé de l'actrice et chanteuse Barbra Streisand ; l'image est diffusée via le site pictotpia.com. Barbara Streisand lance alors une action en justice, réclamant dix millions de dollars, afin d'empêcher la propagation de cette image[2],[3]. Kenneth Adelman affirme alors avoir pris plus de 12 000 photographies aériennes de propriétés privées, aux fins d'étude de l'érosion du littoral dans le cadre d'un autre projet[4],[5]. Mais la médiatisation de la procédure eut pour conséquence une diffusion massive de l'image par les internautes nord-américains, si bien que plus de 420 000 personnes visitèrent le site le mois suivant[5].

Le blogueur Mike Masnick affirme[6],[7] que c'est lui qui a lancé l'expression « effet Streisand », en janvier 2005, à l'occasion d'une affaire d'urinoir : en Floride, l'établissement Marco Beach Ocean Resort avait demandé à la société urinal.net[8] (un site consacré à des photographies d'urinoirs) de supprimer une photo d'un urinoir de cet hôtel, en déclarant qu'il était illégal d'utiliser ainsi son nom. Cette demande, là encore, ne fit qu'attirer davantage l'attention sur le rapprochement entre le nom de l'hôtel et urinal.net. À la suite de cela, Mike Masnick écrivit sur son site Techdirt (en)[9] :

« Combien de temps faudra-t-il avant que les avocats réalisent que le simple fait d'essayer de réprimer quelque chose en ligne qu'ils n'aiment pas risque de faire en sorte que quelque chose que la plupart des gens ne verront jamais, jamais (comme la photo d'un urinoir dans une station balnéaire quelconque), soit maintenant vu par beaucoup plus de gens ? Appelons cela l'effet Streisand. »

Autres utilisations

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En 2010, après que le site WikiLeaks a été menacé de fermeture, des internautes militants créent le site streisand.me avec l'objectif d'aider à la protection de sites menacés : ce site n'est plus actif depuis 2013. En 2011, lors d'une conférence aux Pas Sage en Seine, Benjamin Bayart popularise « l'effet Flanby », dans lequel il voit une variante de l'« effet Streisand », « encore plus absurde » puisqu'il s'agit cette fois de tenter de cacher quelque chose alors même que ce dont il s'agit a déjà été largement relayé. L'expression a été créée en référence à l'effet produit par l'éclatement du flan lorsqu'on l'écrase. Par exemple, la tentative de fermeture d'un serveur de WikiLeaks, qui a créé un effet de duplication de ce serveur des centaines de fois [10],[11].

Dans le même esprit, Reporters sans frontières duplique certains sites de médias menacés afin d'éviter que ces informations soient censurées par les pays concernés[12].

Exemples notables

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  • De 1986 à 2005, l'affaire McLibel opposant McDonald's à David Morris et Helen Steel, deux militants écologistes anglais[13].
  • En 2010, Nestlé fait retirer une vidéo de l'association Greenpeace dénonçant la déforestation en Indonésie[14].
  • En 2011, l'« insecticide tueur de chats »[15], lorsque la compagnie commercialisant l'insecticide Fulgator cherche à faire retirer d'Internet un blog associant son produit à la mort de deux chats domestiques.
  • En 2012, la rumeur sur la prétendue liaison entre Anne Hidalgo et François Hollande, reprise par des sites internet d'information, à la suite de la mise en demeure de Twitter par un cabinet d'avocat pour le compte d'Anne Hidalgo[16].
  • En 2013, les photos peu flatteuses de la chanteuse Beyoncé lors du Super Bowl XLVII, à la suite de la demande de leur retrait du site Buzzfeed par son agent artistique[17].
  • En 2013, la direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) fait supprimer l'article « Station hertzienne militaire de Pierre-sur-Haute » sur la version française de Wikipédia, faisant pression sur Rémi Mathis, un contributeur bénévole disposant des droits d'administrateur, par ailleurs président de Wikimédia France. En l'espace de quelques heures, l'article en question, jusqu’alors relativement ignoré, devient le plus consulté sur la Wikipédia francophone les 6 et , pour être ensuite traduit dans de nombreuses autres versions linguistiques de l’encyclopédie en ligne[18],[19],[20],[21].
  • En , l'énergéticien français EDF renonce à demander 6 millions d'euros à 21 militants écologistes anglais (300 000 euros par militant) qui ont escaladé les cheminées d'une de ses centrales, face à l'indignation liée au dépôt de cette plainte[13],[22].
  • En , l’Agence France-Presse fait retirer une photographie peu avantageuse de François Hollande pour illustrer le déplacement du président dans une école lors de la rentrée scolaire. Pris par le photojournaliste Denis Charlet, le cliché est rapidement retiré par l'AFP, suivie par Reuters. Pour être sûres que la photo disparaisse, les deux agences demandent aux médias de ne pas l'utiliser ou de la remplacer, une suppression qui alimente la méfiance, certains internautes y voyant la marque d'une pression de l'Élysée, ce qui engendre une large diffusion du cliché en question sur Internet[23],[24].
  • En , la sortie du film L'Interview qui tue !, devient un succès en salles à la suite de la censure par la Corée du Nord puis son autocensure par Sony Pictures[25].
  • En , l'attentat contre Charlie Hebdo a provoqué une réaction inverse à celle escomptée par les terroristes qui voulaient faire disparaître le journal. Avant l'attentat, l'hebdomadaire était en grande difficulté financière, mais la vague de soutiens populaires et financiers à la suite de l'assassinat de douze membres de la rédaction a permis de garantir la pérennité du journal. Plus de 5 millions de tweets avec le hashtag #Je suis Charlie furent publiés et Charlie Hebdo connut son record historique de ventes avec un tirage exceptionnel de 5 millions d'exemplaires de l'édition suivante du journal[26],[27],[28],[29],[30].
  • En , le magazine belge Médor devait sortir son premier numéro. Au vu de son contenu, une entreprise pharmaceutique demande en urgence l'interdiction de la publication[31]. Une semaine plus tard, la justice belge autorise la publication du premier numéro[32], dont les ventes explosent (10 000 exemplaires vendus[33]).
  • En , l'humoriste Gad Elmaleh tente de faire supprimer par les avocats de sa société de production des tweets du compte Twitter du vidéaste CopyComic qui l'accuse de plagiat[34],[35],[36]. Après le retrait des tweets par Twitter, de nombreux internautes[évasif] partagent les vidéos incriminées sur leurs propres comptes[37].
  • En , Pauline Harmange publie l’ouvrage Moi les hommes, je les déteste, tiré à 500 exemplaires chez Monstrograph. Un chargé de mission au ministère de l'Égalité entre les femmes et les hommes demande ensuite que l'ouvrage soit retiré de la vente, pour « provocation à la haine à raison du sexe ». À la suite de cela, les ventes explosent et l'ouvrage ressort en urgence début octobre, tiré à 15 000 exemplaires[38].
  • En octobre 2020, la RIAA fait clôturer le dépôt Github de « youtube-dl » au motif que ce dernier serait en infraction au DMCA. En réaction, des utilisateurs[évasif] ont recréé en masse des dépôts contenant le logiciel concerné. Finalement, la requête de la RIAA est jugée abusive et le dépôt originel est réintégré[39].
  • En , la bande dessinée Maus d'Art Spiegelman est censurée par une école du Tennessee, entraînant un retour en tête des ventes aux États-Unis[40].
  • En , l’affaire Gaël Perdriau, qui avait éclaté fin août de la même année, s’était essoufflée dans les médias ; mais elle a refait la une des journaux à la suite de l’obtention par Gaël Perdriau, maire de Saint-Étienne, de l'interdiction anticipée par le tribunal judiciaire de Paris de la publication par Mediapart de nouvelles informations issues d’enregistrements compromettants. Cette situation inédite en France de censure par anticipation a eu un fort retentissement dans les médias et a généré de nombreux débats politiques[41],[42].
  • Toujours en , plusieurs élus du Rassemblement national ainsi que des représentants du Syndicat des commissaires de la Police nationale s'indignent et interpellent la Fnac concernant la vente d'un jeu de société édité par Libertalia et baptisé Antifa, le jeu. Dans la foulée de ces critiques, la Fnac annonce le retrait du jeu de ses rayons, ce qui déclenche une autre vague d'indignations. La polémique va alors attirer l'attention du public sur ce jeu, à tel point que Libertalia annonce sur Twitter que le tirage du jeu est épuisé[43],[21]. Finalement, après un réexamen, la Fnac décide de réintégrer le jeu dans ses rayons[44].
  • Début juin 2023, le poème The Hill We Climb d'Amanda Gorman bénéficie d'un record de ventes à la suite de son interdiction dans une école de Floride[45].

Notes et références

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  1. « Le buzz que l'on ne voulait pas », sur Le Monde, .
  2. (en) « California Coastal Records Project - Image 3850 - "Streisand Estate, Malibu" », sur California Coastline.
  3. (en) Mike Masnick, « Since When Is It Illegal to Just Mention a Trademark Online? », sur Techdirt (en), .
  4. (en) « Barbra Sues Over Aerial Photos », The Smoking Gun (en), .
  5. a et b (en) Paul Rogers, « La photo de la maison de Barbra Streisand devient un hit sur Internet », San Jose Mercury News, avec pour site miroir Californiacoastline.org, (consulté le ).
  6. (en) Mike Masnick, « Is Leveraging The Streisand Effect Illegal? », sur techdirt.com, (consulté le )
  7. (en) « "'Streisand Effect" Snags Effort to Hide Documents », (consulté le )
  8. En décembre 2022, le site est toujours en ligne.
  9. (en) Masnick, Mike, « For 10 Years Everyone's Been Using 'The Streisand Effect' Without Paying; Now I'm Going to Start Issuing Takedowns », sur Techdirt, (consulté le )
  10. « L'effet Flamby », billet du par Genma.
  11. [vidéo] « L'effet "Flamby" - Une contre-histoire des Internets », diffuser et produit par ARTE, .
  12. « Qu'est-ce que l'effet Streisand ? », sur Franceinfo, (consulté le ).
  13. a et b (en) « Will EDF become the Barbra Streisand of climate protest? », sur The Guardian, .
  14. Benoît Méli, « Greenpeace a fait plier Nestlé », sur Le Journal du Net.com, .
  15. « La blogueuse, l'insecticide "tueur de chats" et l'effet Streisand », sur Rue89, .
  16. « Twitter, la mauvaise cible d'Anne Hidalgo », sur Slate.fr, .
  17. « Photos de Beyoncé au Super Bowl : Ses agents veulent faire supprimer les clichés peu flatteurs… mauvaise idée », sur Le Huffington Post, .
  18. Wikiscan : Pages les plus actives le .
  19. « La DCRI accusée d'avoir illégalement forcé la suppression d'un article de Wikipédia », sur Le Monde.fr, .
  20. « La DCRI s'attaque à Wikipédia et découvre "l'effet Streisand" », sur Slate.fr, .
  21. a et b « La Fnac retire le jeu de société "Antifa" : comment "l'effet Streisand" a encore frappé », France Info,‎ (lire en ligne)
  22. « 21 écolos anglais humilient EDF qui voulait les saigner », sur Rue89, .
  23. Renée Greusard, « François Hollande en ravi de la crèche : l’AFP retire la photo », sur Rue89.com, .
  24. « Hollande : l'AFP "m'a tuer" ! », sur Le Point.fr, .
  25. Damien Douani, « "The Interview" fait salle comble : Sony peut (vraiment) remercier l'effet Streisand », sur L'Obs.com, .
  26. Antoine Lagadec, « Charlie Hebdo : le plus bel effet Streisand du monde », sur Terrafemina.com, .
  27. « "Charlie Hebdo" et "Libération" interdits de séjour au Sénégal », sur Libération.fr, .
  28. (en) « Charlie Hebdo Muhammad Cartoons Force Newsrooms To Reevaluate Editorial Policies », sur International Business Times.com, .
  29. (es) « El ‘efecto Streisand’ rebota sobre ‘Charlie Hebdo’ », sur La Estrella de Panamá (es).com, .
  30. (en) Greg Lukianoff, « Free Speech, Charlie Hebdo, and the Ultimate Campus Trigger Warning », sur The Huffington Post.com, .
  31. Amandine Cloot, « Le premier numéro de « Médor » muselé : « C’est une tentative d’intimidation » », sur Le Soir, (consulté le ).
  32. « Fini la muselière pour Médor, le journal retrouve sa liberté », sur RTBF Info, (consulté le ).
  33. « Notre histoire », sur medor.coop (consulté le ).
  34. « Accusations de plagiat : Gad Elmaleh fait supprimer les vidéos de CopyComic sur Twitter », sur BFMTV.com, .
  35. Marc Rees, « Épinglé pour plagiat, Gad Elmaleh accuse CopyComic de contrefaçon », sur Next INpact.com, .
  36. Marion Simon-Rainaud, « Accusé de plagiat, Gad Elmaleh s'attaque à CopyComic », sur 01net.com, .
  37. Marc Rees, « CopyComic : Twitter réactive les deux vidéos anti-plagiats dénoncées par Gad Elmaleh », sur Next INpact.com, .
  38. Quentin Girard, « Pauline Harmange : tous des phallos ! », sur Libération.fr, .
  39. (en-US) « Angry YouTube-dl users flood GitHub with new repos after takedown », sur BleepingComputer (consulté le )
  40. Charlotte Riccardi, « Banni d’une école du Tennessee, “Maus” redevient un best-seller aux États-Unis », sur Les Inrocks, (consulté le )
  41. « Affaire de la vidéo intime à Saint-Etienne. «Censure» de Mediapart : « Le bureau du maire, c’est la vie privée ? » », sur www.leprogres.fr (consulté le )
  42. « Gaël Perdriau tente de museler Mediapart : l'énième illustration de l’effet Streisand », sur France Culture, (consulté le )
  43. Juliette Mitoyen, « Antifa, le jeu retiré de la Fnac : on vous explique la polémique », L'Alsace,‎ (lire en ligne)
  44. « Jeu « antifasciste » retiré du site de la Fnac : l’enseigne le remet finalement en rayon », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  45. (en-US) « Amanda Gorman’s Book Sales Hit A New Peak After A Florida School Banned ‘The Hill We Climb’ », sur Yahoo News, (consulté le )

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Articles connexes

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Liens externes

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