2 - Atrophies Villositaires Non Coeliaques
2 - Atrophies Villositaires Non Coeliaques
2 - Atrophies Villositaires Non Coeliaques
ENTÉROLOGIE
GASTRO-
Georgia MALAMUT
Service de Gastroentérologie, AP-HP. Centre-Université de Paris, Hôpital Cochin, 27 rue du Faubourg Saint Jacques 75014 - PARIS
georgia.malamut@aphp.fr
111
Tableau : Principaux diagnostics d’atrophie villositaire
Maladie coeliaque IgA anti-transglutaminase ou IgG si déficit en IgA Hyperplasie des cryptes et augmentation
IgA anti-endomysium des lymphocytes intraépithéliaux ; richesse
HLA-DQ2/DQ8 lymphoplasmocytaire du chorion
Infections
Whipple PCR Whipple (biopsies duodénales et selles) Macrophages PAS +
Lambliase Contexte géographique G. Lamblia
Sprue tropicale Breath Test
Pullulation microbienne Quantiféron, PCR BK sur biopsies duodénales Granulomes avec nécrose caséeuse
Tuberculose intestinale Sérologie VIH
VIH
Inflammation/Autoimmunité
Maladie de Crohn ASCA + Granulomes, distorsion glandulaire, cryptites
Entéropathie autoimmune AC anti-entérocytes+, AC anti-AIE 75KD+ Apoptose glandulaire, cryptites
+/- Déficit en IgA, IgG et/ou IgM Raréfaction plasmocytaire du chorion,
Déficit primitif en Ig Anasarque, polysérite hyperplasie folliculaire lymphoïde
Gastroentérite à éosinophiles Infiltrat muqueux+/- musculaire et séreux
à polynucléaires éosinophiles
Lymphoproliférations
Sprue réfractaire, EATL IgA et IgG anti-transglutaminase + CD103+ CD56-
(complications maladie cœliaque) HLA-DQ2/DQ8 Clone T
MEITL CD103-CD56+
Lymphoproliférations T CD4+ Clone T
CD4+CD8-CD3+
Clone T
a une incidence de à 0,24 pour et syndrome de malabsorption. une sprue tropicale après plusieurs
100 000 personnes par an (7,8). Elle Typiquement, les patients présentent mois passés au Vietnam et qui ont
concerne les migrants occidentaux en phase chronique un amaigris- totalement guéri après le retour aux
résidant en général depuis au moins sement, une asthénie, une anémie USA (19). Un cercle physiopathogé-
un an en zone tropicale et les autoch- macrocytaire liée à une carence en nique a été proposé impliquant une
tones eux-mêmes. Elle a été considérée folates et vitamine B12, une hypoal- hyperproduction d’entéroglucagon
comme une cause majeure de malab- buminémie et une stéatorrhée. Les suite à l’infection intestinale aiguë
sorption et de décès en Inde dans les coprocultures et examens parasito- et à la destruction épithéliale intes-
années soixante (9). Les principales logiques des selles sont négatifs à ce tinale. L’hypersécrétion d’entéroglu-
autres régions tropicales concer- stade (16). Chez les enfants des zones cagon entraînerait le ralentissement
nées sont l’Asie du Sud-Est, l’Afrique, d’endémie, la diarrhée chronique et du transit et une pullulation micro-
les Philippines et certaines îles des la malabsorption peuvent induire un bienne responsable du syndrome de
Caraïbes comme Haïti où la prévalence retard de croissance (17). malabsorption (10).
de la sprue tropicale est estimée à Dans la sprue tropicale, l’analyse
43 %, Cuba et Porto Rico où la préva- Pullulation microbienne
histopathologique du grêle montre
lence est de 11 % (10,11,12). De façon une atrophie villositaire, générale- Le syndrome de pullulation micro-
assez surprenante, l’incidence de la ment de type partiel. Tout le grêle bienne du grêle observé dans nos pays
sprue tropicale a considérablement peut être concerné mais l’atrophie occidentaux est généralement secon-
diminué jusqu’à presque disparaître villositaire se retrouve classiquement daire à des modifications anatomiques
chez les expatriés vivant en zones au niveau de l’iléon terminal contraire- (sténose, anse borgne, diverticulose
d’endémie, probablement en raison du ment à la maladie cœliaque qui prédo- grêlique) ou fonctionnelles (achlorhy-
recours plus systématique aux antibio- mine dans le grêle proximal (8,18). La drie, réduction de la motilité intesti-
tiques en cas de diarrhée et aux meil- physiopathogénie de la sprue tropi- nale) du grêle et peut s’accompagner
leures pratiques sanitaires (13,14,15). cale reste totalement méconnue. d’une malabsorption des graisses dans
La description initiale de la sprue Le facteur environnemental semble les formes les plus sévères (20). Alors
tropicale fait état de deux phases : jouer un rôle prépondérant tel que plus de la moitié des patients ont
une phase d’installation brutale avec qu’en témoignent les cas de soldats une histologie duodénale normale,
un tableau de gastroentérite, puis américains initialement totalement environ 24 % d’entre eux présentent
une phase chronique avec diarrhée asymptomatiques qui ont développé des lésions d’atrophie villositaire (21).
112
Infections virales en plus de l’estomac et du grêle thie auto-immune. Il est parfois diffi-
(30,31,32,33). Plusieurs chimiokines cile de différencier une entéropathie
Des lésions d’atrophie villositaire
et médiateurs inflammatoires comme auto-immune d’une maladie cœliaque
intestinale sont retrouvées jusqu’à
ENTÉROLOGIE
l’interleukine 5 participent au recrute- réfractaire au régime sans gluten.
54 % des personnes infectées par le
GASTRO-
ment des polynucléaires éosinophiles Dans la série de la Mayo Clinic, la
VIH sans infection opportuniste (22).
dans le tractus gastro-intestinal (30). majorité des patients (13/14) avaient
Ces lésions pourraient être liées aux
Lorsque la musculeuse est atteinte, un des anticorps anti-entérocyte et un
désordres immunitaires induits par le
syndrome obstructif intestinal peut tiers des patients avaient des anti-
virus lui-même puisqu’avant la déplé-
tion en lymphocytes T CD4+, l’infection être observé, voire une ascite lorsque corps anti-transglutaminase (5/15)
aiguë par le VIH induit une infiltra- l’extension se fait jusqu’à la séreuse. Si les anticorps anti-transglutami-
tion muqueuse par des lymphocytes T Des cas de péritonite sont possibles. nase peuvent être observés au cours
effecteurs mémoires CD4+ et CD8+ T à Une hyperéosinophilie sanguine peut d’une entéropathie auto-immune, les
l’origine d’une destruction de l’épithé- être observée de façon non obli- anticorps anti-entérocyte semblent
lium intestinal par apoptose (23). En gatoire. L’aspect endoscopique est en revanche spécifiques des entéro-
histologie, on observe une atrophie non spécifique et inclut ulcérations, pathies auto-immunes lorsqu’on ne
villositaire généralement partielle érythème et pseudopolypes (34). retient comme tests positifs que les
avec une hyperplasie des cryptes (22). forts niveaux de fluorescence (39).
Entéropathie auto-immune Il est également possible de détecter
Chez les immunodéprimés, d’autres des anticorps dirigés contre une
virus peuvent être impliqués. C’est le L’entéropathie auto-immune reste une protéine présente dans la bordure en
cas des patients transplantés rénaux cause rare et peu connue de diarrhée brosse des entérocytes de 75 kDa par
sous immunosuppresseurs, qui déve- chronique. Les critères diagnostiques une méthode radio-immunologique
loppent des lésions d’atrophie villo- retenus par la Mayo Clinic sont : qui permet un dosage spécifique
sitaire partielle au cours d’infections une diarrhée chronique évoluant et précis du taux d’anticorps anti-
chroniques par Norovirus par défaut depuis plus de 6 mois, un syndrome AIE75kDa (40). L’absence d’anticorps
d’élimination du pathogène (24,25). de malabsorption, des signes histo- anti-entérocyte ne suffit pas à exclure
logiques spécifiques incluant une le diagnostic d’entéropathie autoim-
Causes inflammatoires atrophie villositaire et une hyperlym- mune. Récemment des outils géné-
et auto-immunes phocytose intraépithéliale modérée tiques ont été développés pour aider
et l’exclusion des autres causes au diagnostic d’entéropathie en parti-
Maladie de Crohn
d’atrophie villositaire (35). De plus, culier lorsque les patients résistants
Des lésions d’atrophie villositaire ont les symptômes cliniques et l’atrophie au régime sans gluten présentent des
été décrites au cours de la maladie de villositaire intestinale sont résistants IgA anti-transglutaminase et l’haplo-
Crohn (26). Il existe également une à tout régime d’exclusion alimen- type HLADQ2/8 de susceptibilité à
association entre maladie de Crohn taire. Si l’entéropathie autoimmune a la maladie cœliaque. Le laboratoire
et maladie cœliaque ; pour confirmer d’abord été majoritairement décrite d’immunité intestinale de l’institut
le diagnostic de maladie cœliaque, il chez l’enfant avec le syndrome d’IPEX Imagine (Inserm UMR1163) a déve-
est nécessaire de réévaluer les lésions pédiatrique (Immune dysregulation, loppé un panel de séquençage ciblé
d’atrophie villositaire après au moins Polyendocrinopathy, Enteropathy, « Entéropathie » permettant une
1 an de régime sans gluten (27). X-linked), secondaire à une mutation étude génétique constitutionnelle
du gène FOXP3 (36), les descrip- des patients avec entéropathie. Nos
Gastroentérite à éosinophiles tions chez l’adulte sont en constante travaux montrent qu’un variant
La gastroentérite à éosinophiles est augmentation (35,37,38). Une des génétique pathogénique est retrouvé
caractérisée par l’existence d’une premières cohortes adultes a été chez environ 40 % des patients avec
symptomatologie gastro-intestinale décrite à la Mayo Clinic en 2007. Elle entéropathie autoimmune. Les gènes
(douleurs abdominales, dyspepsie, comprenait 15 patients avec diarrhée concernés sont : STAT1, STAT3, LRBA,
diarrhée, nausées et vomissements), chronique et syndrome de malab- CTLA4, ICOS, TNFRS13B, TNFAIP3,
la présence d’une infiltration à éosi- sorption résistant au régime sans NFKB1, C1S (41).
nophiles limitée à la paroi digestive gluten (35). Les lésions histologiques
et l’absence de facteur causal tels étaient une atrophie villositaire Les entéropathies auto-immunes
qu’une cause médicamenteuse (sels intestinale avec une augmentation peuvent être observées chez les
d’or, clozapine, carbamazepine, modérée des lymphocytes intraé- patients avec déficit primitif en immu
rifampicine, gabapentine et préga- pithéliaux. Il pouvait s’y associer des noglobulines. Deux des 15 patients
baline, etc.), un syndrome hyperéo- lésions d’apoptose glandulaire compa- de la cohorte décrite par Akram
sinophilique, une maladie de Crohn rables à celles observées lors de la et al. avaient un déficit immuni-
ou autre maladie de système ainsi réaction du greffon contre l’hôte ainsi taire commun variable (35). Plus
qu’une pathologie parasitaire intesti- que des lésions de cryptite et d’abcès récemment une étude italienne
nale. Klein et al. a proposé une clas- cryptiques. Les autres atteintes diges- décrivant 40 patients avec entéro-
sification en fonction de l’infiltration tives étaient des gastrites lymphocy- pathie auto-immune note un déficit
éosinophilique de la paroi digestive taires et des colites lymphocytaires immunitaire chez 21 d’entre eux,
permettant de distinguer les infil- observées chez 80 % des patients. Il en particulier un déficit immuni-
trations à prédominance muqueuse est donc nécessaire d’associer une taire commun variable (DICV) et une
(jusqu’à 100 % des cas), musculeuse coloscopie à l’endoscopie digestive agammaglobulinémie liée à l’X (42).
(jusqu’à 70 % des cas) et séreuse haute et de réaliser des biopsies La forte proportion de patients avec
(jusqu’à 13 % des cas) (28,29). Le côlon gastriques, duodénales et coliques hypogammaglobulinémie primitive
et l’œsophage peuvent être atteints étagées pour le bilan d’une entéropa- explique le faible taux de positi-
113
vité des anticorps anti-entérocyte L’entéropathie à l’olmésartan, inhibi- associé à la maladie cœliaque (49).
de 14 % (4/28) dans cette série. teur du récepteur de l’angiotensine 2 Des ulcérations du grêle peuvent être
Jusqu’à 50 % des patients atteints peut mimer une maladie cœliaque en à l’origine d’hémorragie digestive et
de DICV se plaignent d’une diarrhée raison de l’hyperlymphocytose intraé- les sténoses d’un syndrome occlusif.
chronique. Après élimination des pithéliale et des lésions d’atrophie Il révèle la maladie cœliaque dans
causes infectieuses et d’une hypo- villositaire. Toutefois certaines carac- 40 % des cas. Dans les autres cas, la
gammaglobulinémie secondaire à téristiques histologiques (lésions maladie cœliaque est connue, voire
une entéropathie exsudative, le dia- d’apoptose glandulaire) et sérolo- compliquée d’une sprue réfractaire
gnostic d’entéropathie auto-immune giques (négativité des anticorps clonale (sprue de type II). L’EATL de
associée au DICV doit être évoqué. cœliaques, positivité des anticorps type II, encore appelé MEITL (mono-
On trouve des lésions d’atrophie vil- anti-entérocyte ou anti-AIE 75KD morphic epitheliotropic intestinal
lositaire intestinale chez la moitié observée chez 40 % des patients) la T-cell lymphoma), est plus fréquent en
des patients DICV avec symptômes rapprochent davantage des entéro- Asie chez l’homme et survient géné-
digestifs et une hyperlymphocytose pathies auto-immunes (46). L’âge ralement au cours de la cinquantaine.
intraépithéliale intestinale chez (en moyenne 70 ans) et la notion de II est caractérisé par une proliféra-
les trois quarts d’entre eux (43). prise d’olmésartan sont des éléments tion monomorphe de lymphocytes de
Néanmoins, atrophie villositaire et diagnostiques clés chez des patients taille petite à moyenne CD3+, CD8+/-,
hyperlymphocytose intraépithéliale p ré s e n ta n t b r u s q u e m e n t u n e TCRaβ+/-, CD57-, CD4-, CD5-, TiA1+,
sont généralement moins sévères diarrhée profuse et un syndrome de présentant des réarrangements du
que dans la maladie cœliaque et les malabsorption. Il existe fréquemment TCR et exprimant CD56. Peut-être
plasmocytes sont souvent rares ou un terrain auto-immun et les patients faut-il rapprocher ces lymphomes
absents (43). Des lésions de colite sont porteurs de l’haplotype de des rares cas de lymphome malin
peuvent être associées, souvent de susceptibilité de la maladie cœliaque non hodgkinien (LMNH) de type
type microscopique (plus souvent HLA DQ2-DQ8 dans environ 68 % NK/T obser vés dans l’intestin.
lymphocytaire que collagène), ou de des cas (47). Dans notre expérience Contrairement à l’EATL de type I, il
maladie inflammatoire chronique l’hyperlymphocytose intraépithéliale n’existe aucun lien avec la maladie
intestinale avec distorsion de l’archi- duodénale était modérée (30-40 %) cœliaque. L’infiltration tumorale,
tecture glandulaire et ulcérations. À à l’exception d’un patient avec volontiers étendue à l’ensemble du
ces lésions peuvent être intriquées hyperlymphocytose élevée (100 %) tractus gastro-intestinal, confère un
des lésions d’hyperplasie folliculaire qui avait également une gastrite aspect d’atrophie villositaire avec
lymphoïde diffuse et d’apoptose lymphocytaire (46). Les sartans sont hyperlymphocytose intraépithéliale.
glandulaire de type greffon contre également pourvoyeurs de sprue Son mode de révélation peut être une
l’hôte (GVHD : Graft Versus Host collagène avec un épaississement de diarrhée chronique avec amaigrisse-
Disease) (43). Leur présence aide la membrane basale collagène sous ment, voire une perforation intesti-
à éliminer le diagnostic de maladie épithéliale (46). nale (51,52,53).
cœliaque, les anticorps anti-trans-
Mycophenolate Mofetil Les lymphoproliférations indolentes
glutaminase étant négatifs du fait du
déficit en production d’anticorps et Le Mycophenolate mofetil est la cause de l’intestin sont des proliférations
l’haplotype HLA-DQ2/DQ8 de suscep- la plus courante d’atrophie villositaire clonales T (CD4+, CD8+, CD4-CD8-), ou
tibilité de la maladie cœliaque peu chez les transplantés d’organes (48). de type Natural Killer. Elles n’ont géné-
discriminant car observé chez une L’entéropathie se développe typique- ralement pas de lien avec la maladie
grande majorité (jusqu’à 77 %) des ment dans l’année suivant son intro- cœliaque et peuvent s’étendre à tout
patients DICV avec manifestations duction et est responsable de diarrhée le tractus gastro-intestinal, même si
digestives (43). L’habituelle absence chronique (48). Les lésions sont liées l’atteinte grêlo-colique est majori-
de réponse au régime sans gluten à la fois à la toxicité directe ainsi qu’à taire. Même indolentes, ces lympho-
permet d’éliminer définitivement le l’inhibition de la prolifération cellu- proliférations induisent douleurs
diagnostic de maladie cœliaque (43). laire causée par l’inhibition de la abdominales, diarrhée chronique et
synthèse des purines. malnutrition (54,55). Les lympho-
Causes médicamenteuses / proliférations T CD4+ du chorion
Lymphoproliférations
iatrogènes correspondent à des proliférations
intestinales clonales à petites cellules CD4+ du
Check point inhibitors
L’intestin est une localisation chorion intestinal (54,55) qui peuvent
Des lésions d’atrophie villositaire avec extra-ganglionnaire fréquente des envahir l’épithélium causant un enri-
infiltration lymphoplasmocytaire du lymphomes périphériques (49,50). chissement épithélial en lympho-
chorion et hyperlymphocytose intraé- Les lymphomes intestinaux avec cytes T CD4+ entraînant une baisse
pithéliale ont été observées avec atrophie villositaire les plus fréquents relative des LIE CD8+ et conférant
l’utilisation des anticorps anti-PD-1 sont l’enteropathy-associated T-cell ainsi un aspect de trou phénotypique
utilisés dans le cadre d’une immuno- lymphoma (EATL) de type I, EATL pouvant faire évoquer initialement
thérapie anti-tumorale (44). de type 2, les lymphoproliférations T le diagnostic de sprue réfractaire.
et NK indolentes et le lymphome du Il n’existe pas d’aspect macrosco-
Sartans MALT (mucosa-associated lymphoid pique spécifique avec en endoscopie
L’olmesartan est responsable de la tissue). Bien que ne représentant que la possibilité de lésions nodulaires,
majorité des entéropathies d’origine 5 % des lymphomes T périphériques, polypoïdes, ulcérées ou simplement
médicamenteuse (45). Les autres inhi- l’EATL de type I est le plus fréquent atrophiques. En histologie l’atro-
biteurs du récepteur de l’angioten- des lymphomes intestinaux primitif phie, villositaire est habituellement
sine sont beaucoup moins impliqués. dans les pays occidentaux et est partielle (55).
114
de la muqueuse duodénale témoignant mettent pas en elles-mêmes d’iden-
Démarche diagnostique de l’atrophie villositaire mais égale- tifier la cause de l’entéropathie,
ment des ulcérations comme dans la certains critères histopathologiques
ENTÉROLOGIE
maladie de Crohn, la gastroentérite à orientent fortement le diagnostic.
La démarche diagnostique d’une
GASTRO-
éosinophiles, certaines entéropathies C’est le cas en pathologie infectieuse
entéropathie avec atrophie villositaire
autoimmunes et lymphoproliférations de l’aspect spumeux spécifique des
résistante au régime sans gluten est
intestinales. Comme dans la maladie macrophages PAS+ au cours de la
résumée dans la figure.
cœliaque, les lésions d’atrophie villo- maladie de Whipple, des granulomes
Bilan endoscopique sitaire peuvent être hétérogènes dans tuberculoïdes avec nécrose caséeuse
et réalisation des biopsies les entéropathies auto-immunes et à au cours de la tuberculose digestive ou
digestives éosinophiles notamment (57) : il est de la visualisation directe sur coupe
donc nécessaire de réaliser 2 biopsies du parasite comme au cours des infec-
L’atrophie villositaire duodénale dans le bulbe et 6 au minimum dans la tions à G. lamblia.
résistante au régime sans gluten deuxième partie du duodénum.
nécessite au minimum une relecture D’autres critères aident au diagnostic
anatomopathologique et en général Il ne faut pas hésiter à réaliser des des causes inflammatoires et auto-im-
de renouveler le bilan endoscopique biopsies congelées pour étude de munes comme les granulomes sans
(fibroscopie œsogastro-duodénale, clonalité T et B, même si des études nécrose caséeuse des maladies de
iléocoloscopie avec biopsies étagées de clonalité peuvent également être Crohn et la raréfaction plasmocytaire
gastriques, duodénales et iléoco- réalisées sur biopsies en paraffine. du chorion associée aux entéropathies
liques). Un examen complémentaire En effet, l’étude TNGS (Targeted Next des patients avec déficit primitif en
par vidéocapsule endoscopique peut Generation Sequencing) se réalise sur immunoglobulines. Un taux d’éosino-
être utile pour apprécier l’extension biopsies congelées, étude qui permet philes supérieur à 20 polynucléaires
de l’atteinte ainsi que l’évaluation dans un second temps de guider la par champs permet le diagnostic de la
d’autres lésions associées comme prise en charge thérapeutique des gastroentérite à éosinophiles.
des ulcérations aphtoïdes. Elle est lymphoproliférations intestinales
notablement utile au diagnostic de Alors que l’infiltration tumorale
grâce à l’identification de la ou des
maladie de Crohn grêlique lorsque des lymphomes à grandes cellules
mutations somatiques retrouvées.
la coloscopie est sans anomalie, en comme dans l’EATL pose rarement de
particulier en cas d’élévation impor- Des biopsies duodénales doivent problème diagnostique, il existe une
tante de la calprotectine fécale (56). également être conditionnées pour errance diagnostique courante pour
recherche microbiologique de patho- le diagnostic des lymphoproliférations
L’aspect macroscopique des diffé- gènes spécifiques comme les PCR intestinales « indolentes » à petites
rentes maladies gastro-intestinales Whipple et PCR BK. cellules où il n’existe habituellement
avec atrophie villositaire est générale- pas de trouble architectural marqué.
ment non spécifique. Il peut exister un Si l’atrophie villositaire et l’hyper- Les patients souffrent alors de
aspect en mosaïque, crénelé, fissuraire plasie des cryptes du chorion ne per diarrhée, malnutrition avec hypoal-
Figure
115
buminémie liées à une entéropathie pour dépister un déficit primitif en méthoprime + sulfaméthoxazole)
avec atrophie villositaire résistante immunoglobulines (Ig) en montrant per os pendant un à deux ans (5).
au régime sans gluten pendant en typiquement une hypogammaglobu- L’utilisation de l’hydroxychloroquine
moyenne 7 années avant le dia- linémie d’intensité variable concomi- a été proposée en association avec la
gnostic (55). En plus de l’étude de tante d’un taux d’albumine normal doxycycline pour prévenir les formes
clonalité, les études histochimiques écartant ainsi l’hypothèse d’une résistantes ou en rechute sous cotri-
complémentaires sont indispensables hypogammaglobulinémie secondaire moxazole (60).
au diagnostic. Au cours des lympho- à une entéropathie exsudative. Le
Le traitement de la sprue tropicale
proliférations CD4+, le marquage CD3, bilan comprend aussi une numération
repose classiquement sur l’utilisation
CD8, CD4 permet l’identification d’un et un immunophénotypage des sous
de cyclines, les tétracyclines étant les
excès de lymphocytes CD4+ dans le populations lymphocytaires T, B et NK,
antibiotiques les plus couramment
chorion qui infiltrent l’épithélium l’évaluation des réponses vaccinales
utilisés (61). Plus rarement, les sulfa-
intestinal habituellement riche en lym- par tests fonctionnels appropriés ainsi
mides et les fluoroquinolones sont
phocytes intraépithéliaux CD3+CD8+. qu’un dosage en sous classes d’Ig
employés (16). La durée du traitement
Il existe donc un excès de lymphocytes (IgA, IgG, IgM et sous classes d’IgG).
n’est pas codifiée pouvant s’étendre
CD3+CD8- donnant un aspect de trou Après le déficit sélectif en immuno-
de quelques semaines à quelques
phénotypique qui peut faire, avec la globuline IgA, le déficit immunitaire
mois, parfois supérieure à 6 mois pour
présence d’un clone T identifié par commun variable (DICV) est le plus
les malades vivant en zone d’endémie
PCR, poser en première intention le fréquent des déficits de l’immunité
ayant une maladie prolongée (16).
diagnostic de sprue cœliaque réfrac- humorale et est caractérisé par une
Outre le traitement antibiotique, une
taire clonale (de type II). La différence diminution d’au moins deux dévia-
supplémentation des carences en
majeure réside sur la positivité CD4+ tions standards de deux à trois sous-
particulier en folates et vitamine B12
de ces lymphocytes intraépithéliaux classes d’Ig. Sa prévalence est estimée
doit être réalisée. Le risque de récidive
CD3+CD8- au cours de ces lymphopro- à 1/50 000 à 1/25 000 en population
existe pour les malades vivant en zone
liférations, qui sont négatifs pour le caucasienne (58). Le diagnostic est
tropicale ce qui nécessite un suivi
CD4 au cours de la sprue réfractaire également évoqué devant des infec-
prolongé (62).
de type II. En plus de l’étude immu- tions ORL et broncho-pulmonaires à
nohistochimique sur coupes, l’étude répétition pouvant conduire à une Le traitement de la pullulation micro-
phénotypique en cytométrie de flux dilatation des bronches (58). bienne repose également sur un trai-
des lymphocytes isolés de l’intestin tement antibiotique dont l’efficacité
est très utile pour préciser le type Les examens d’imagerie du grêle
permet également de confirmer le
de lymphoproliférations à petites (Entéro-scanner, entéro-IRM) sont
diagnostic. Les fluoroquinolones,
cellules (55). utiles au diagnostic et nécessaires
l’acide clavulanique-amoxicilline, le
avant la réalisation d’une vidéocapsule
métronidazole et la rifaximine sont les
Bilan complémentaire endoscopique en raison des risques
plus employés. L’utilisation des probio-
La recherche d’une cause infectieuse de sténoses en cas de pathologie
tiques pourrait également accélérer la
implique des examens complémen- crohnienne ou lymphomateuse. Le
guérison (63,64). En effet, Il existerait
taires spécifiques comme le test Pet-Scanner est utile pour distinguer
jusqu’à 40 % d’échec thérapeutique
Quantiféron pour la tuberculose, la les entéropathies inflammatoires/
et 44 % des patients pourraient avoir
PCR Whipple dans les selles ou le auto-immunes des lymphoproliféra-
une pullulation microbienne récidi-
Breath test au glucose (ou lactulose) tions intestinales en particulier en cas
vante en dépit de l’antibiothérapie.
pour la pullulation microbienne. Ce de lymphomes invasifs pourvoyeurs
dernier peut également être utilisé d’intenses foyers de fixation (EATL, Alors que la thérapie anti-rétrovi-
pour la sprue tropicale étant donné MEITL etc.) (55). rale est essentielle au traitement
qu’au stade de malabsorption les de l’infection par le VIH, son impact
coprocultures et examens parasitolo- sur l’entéropathie est généralement
giques des selles sont habituellement retardée (65,66). La restauration
négatifs (16). Traitement, évolution de la population T intestinale peut
être lente et incomplète. Des lésions
Le dosage des anticorps anti-enté- et risques évolutifs d’atrophie villositaire persistante ont
rocyte ou anti-AIE 75kDa est utile au été retrouvées chez les patients VIH
diagnostic d’entéropathie auto-im- Le traitement de l’entérite infectieuse traités par anti-rétroviraux à long
mune. L’absence de ces anticorps repose sur le traitement de l’agent terme alors qu’ils avaient reconstitué
anti-entérocyte ne permet toutefois infectieux responsable. Le traite- leurs taux de lymphocytes T CD4+ dans
pas d’écarter le diagnostic, princi- ment des lambliases repose sur les le sang veineux périphérique (65). Le
palement en raison de l’association imidazolés, flagyl et fasigyne dont traitement des entéropathies médi-
possible à un déficit immunitaire les cures peuvent être répétées chez camenteuses repose sur l’arrêt du
primitif. Alors que le diagnostic du l’immunodéprimé (55,59). médicament responsable. Toutefois
déficit immunitaire acquis (séro- il est souvent nécessaire de recourir
logie VIH ou contexte de prise au Le traitement de la maladie de aux corticoïdes généraux, voire à
long cours d’immunosuppresseurs) Whipple nécessite une antibiothé- l’administration d’anticorps anti-TNF-
est assez simple, le déficit immuni- rapie au long cours. Le plus souvent alpha dans les entérocolites induites
taire primitif peut être de diagnostic elle associe un traitement « d’at- par les immunothérapies anti-tumo-
plus difficile chez l’adulte. La réali- taque », par exemple pénicilline G rales. Lorsque l’atteinte du grêle est
sation d’une électrophorèse des et streptomycine injectées pendant isolée, on peut envisager le recours au
protéines sériques est recommandée 2 semaines puis cotrimoxazole (tri budésonide qui peut également être
116
utilisé pour raccourcir l’évolution des une protéine de fusion comprenant 3. Duncombe V, Bolin T, Davis A, et al.
entéropathies aux sartans (46). Dans la partie extra cellulaire de CTLA4 et Histopathology in giardiasis: a corre-
lation with diarrhoea. Aust N Z J Med.
le cas des transplantés d’organe, il agoniste du récepteur a montré son 1978;8(4):392-6.
ENTÉROLOGIE
n’est parfois pas possible d’arrêter le efficacité dans le traitement des mani-
GASTRO-
mycophenolate mofetil ; la réduction festations auto-immunes notamment 4. Arevalo F, Aragon V, Morales L, et al.
Duodenal villous atrophy, an unexpec-
de doses suffit dans certains cas à digestives chez des patients porteurs tedly common finding in giardia lamblia
stopper la diarrhée (48). d’une mutation perte de fonction de infestation. Rev Gastroenterol Peru.
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Le traitement de causes inflamma-
Le pronostic des EATL et des MEITL 5. Dolmans R, Boel C, Lacle M, et al. Clinical
toires et auto-immunes d’atrophie
manifestations, treatment, and diagnosis
villositaire repose sur les corticoïdes reste sombre en raison de leur faible of Tropheryma whipplei infections. Clin
et les immunosuppresseurs. C’est le chimiosensibilité. Comme plus de Microbiol Rev. 2017;30(2):529-55.
cas notamment de la gastroentérite à 80 % des EATL expriment le CD30 (71)
6. Hujoel I, Johnson D, Lebwohl B, et al.
éosinophiles pour laquelle les anti-his- un protocole français en cours inclut Tropheryma whipplei infection (Whipple
taminiques peuvent également l’utilisation des anticorps anti-CD30 disease) in the United States. Dig Dis Sci.
être utilisés. Le budésonide « open à la chimiothérapie (ClinicalTrials. 2019;64/213-23
capsule » (le patient avale le contenu gov Identifier: NCT03217643). Il 7. Booth CC. The 1st Description of Tropical
de la gélule en le mâchant préalable- n’existe pas de traitement codifié Sprue (Willian Hillary). Gut 1964;5:45-50.
ment pour permettre l’action du budé- pour les lymphoproliférations indo-
8. Pipaliya N, Ingle M, Rathi C, et al.
sonide dans le grêle proximal) est le lentes. Les corticoïdes et les anti- Spectrum of chronic small bowel
traitement de première intention de corps anti-CD52 peuvent induire diarrhea with malabsorption in Indian
l’entéropathie auto-immune (38). une rémission clinique (55). Il existe subcontinent: is the trend really
En cas de déficit en Ig associé, la toutefois un risque de transformation changing? Intest Res. 2016;14(1):75-82.
supplémentation en Ig n’a d’effet en lymphome de haut grade (55). 9.
Mathan VI, Baker SJ. Epidemic
ni sur la fréquence des infections L’identification des mutations tropical sprue and other epidemics of
gastro-intestinales ni sur les lésions acquises par TNGS et/ou cytogéné- diarrhea in South Indian villages. The
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spécifiques comme l’atrophie villosi- tique peut être utile pour guider la 1968;21:1077-87.
taire intestinale (43). Le recours aux thérapeutique (72).
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11. Booth C. Tropical sprue. Lancet 1984;1
Parmi eux, la ciclosporine, le tacro- Conclusion (8384):1018.
limus, le sirolimus et le cyclophos-
phamide ont beaucoup été utilisés 12. Klipstein FA. Sprue and subclinical
avant l’apparition des anticorps Les causes d’atrophie villositaire intes- malabsorption in the tropics. Lancet
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variable (39,67). L’identification des et l’origine géographique peuvent 13. Bartholomew C. William Hillary and sprue
causes génétiques des entéropathies orienter facilement vers une cause in the Caribbean: 230 years later. Gut
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auto-immunes permet le recours aux infectieuse ou médicamenteuse. Le
thérapies ciblées dans certains cas. diagnostic d’entéropathie auto-im- 14. Klipstein FA. Tropical sprue in travelers
Nous avons notamment rapporté les mune et de lymphoproliférations indo- and expatriates living abroad. Gastro-
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effets d’une thérapie ciblée chez une lentes est plus difficile et nécessite la
jeune femme de 25 ans suivie pour réalisation de biopsies spécialisées. 15. Rosenberg IH. Tropical enteritis: nutritional
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de 6 mois avec atrophie villositaire reste mal codifié et implique souvent 2003;133:333S-5S.
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dans un contexte d’hypogammaglo- La réalisation d’études génétiques 16. Macaigne G, Boivin JF, Auriault ML, et
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bulinémie primitive sans amélioration constitutionnelles permet maintenant area. Gastroenterologie clinique et biolo-
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dont les corticoïdes, des immuno- les entéropathies autoimmunes et la
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suppresseurs et des biothérapies. cytogénétique ou le TNGS somatique Seminars in gastrointestinal disease
L’identification d’une mutation gain celui des lymphoproliférations indo- 2002;13:221-31.
de fonction de STAT3 (Signal trans- lentes.
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L a n g e n b e r g M , W i s m a n s P, v a n
ducer and activator of transcription Genderen P. Distinguishing tropical sprue
3) a conduit à proposer un traite- from celiac disease in returning travellers
ment par le ruxolitinib, un inhibiteur with chronic diarrhoea: a diagnostic
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5
Les cinq points forts
● Les causes d’atrophies villositaires non cœliaques peuvent être
infectieuses, médicamenteuses, inflammatoires, auto-immunes
et néoplasiques.
119