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PC6Captage Et Stockage Du CO2

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Les controverses de Mines Paris

La Capture et le Stockage / Utilisation du


CO2
S’agit-il d’une solution déterminante pour lutter contre le
réchauffement climatique?

Clara ALLOIS Louis HENNION


Elise COSTA Evan LETELLIER
Clément DESROCHES Guillaume RAMOS
Paul DHALLUIN Yinuo ZHANG

2023
Les controverses de Mines Paris 2023

Cette publication a été réalisée par des étudiants en troisième année du cycle ingénieur de Mines
Paris PSL Research University. Il présente le travail réalisé dans le cours intitulé « Descriptions de
controverse », qui a pour objectif d’introduire les étudiants à l’univers incertain de la recherche
scientifique et technique et de les sensibiliser aux enjeux de la participation citoyenne.

Mines Paris décline toute responsabilité pour les erreurs et les imprécisions que peut contenir cet
article. Vos réactions et commentaires sont bienvenus. Pour signaler une erreur, réagir à un contenu
ou demander une modification, merci d’écrire à la responsable de l’enseignement :
madeleine.akrich@mines-paristech.fr.
Les controverses de Mines Paris 2023

Introduction
Début 2021, Elon Musk a promis de récompenser à hauteur de 100 millions de dollars la
meilleure technologie de captage du carbone. Imaginée par la fondation Xprize, cette initiative vise à
stimuler l’industrie et à inciter au développement de technologies de rupture, pour capter et stocker le
CO21. Un an après, le groupe III du GIEC publie son dernier volet, étudiant les scénarios de
réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique en exhibant des
moyens d’action. Parmi ceux-ci est évoqué le CSC (Capture et Stockage du Carbone, CCS en anglais
pour Carbon Capture and Storage). «Le CSC est une option pour réduire les émissions provenant de
sources d'énergie et d'industries fossiles à grande échelle, à condition que le stockage géologique soit
disponible.»2 lit-on. Le stockage de carbone, présenté comme une solution majeure dans la lutte
contre le changement climatique, est en fait une technologie issue de l'industrie des hydrocarbures.
Celle-ci a émergé dans les années 70 aux Etats Unis, portée par les développements de la technologie
de l’Enhanced Oil Recovery (EOR) qui vise à déloger les 40 à 60% d’hydrocarbures restants dans les
réservoirs déjà utilisés en injectant du CO2 dans les puits. Les acteurs industriels historiques ayant
développé cette technologie sont donc à l’origine des entreprises pétrolières comme la compagnie
norvégienne Equinor. C’est à partir de la publication du rapport spécial du GIEC de 20183 sur le
réchauffement climatique qu’émerge une deuxième vague de projets avec un objectif de réduction
des quantités de CO2 dans l’atmosphère. En effet, du côté industriel, ce rapport a été un rebond pour
le CSC et de nouveaux projets ont été alors développés comme celui de Northern Lights en Norvège
par TotalÉnergies. Néanmoins, il est également montré dans le 6ème rapport du GIEC qu'à l'heure
actuelle les taux de déploiement du CSC dans le monde sont bien inférieurs à ceux correspondants
aux scénarios modélisés limitant le réchauffement de la planète à 1,5°C ou 2°C.”4 Aujourd’hui, au
niveau français, c’est TotalÉnergies qui favorise le plus le développement du secteur avec le projet
Northern Lights en Norvège.

Le CSC peut-il être considéré comme une solution déterminante pour limiter le changement
climatique ?

Cette controverse soulève diverses problématiques. La première phase de réflexion sera


centrée sur la souhaitabilité du développement de cette technologie. Nous verrons que le domaine de
la capture et du stockage de carbone englobe un ensemble de technologies variées et largement
débattues, et qu’en dépit du soutien récent du GIEC, industriels, scientifiques, ONG, pouvoirs
publics et acteurs locaux peinent à s'entendre sur la souhaitabilité des projets de stockage de carbone.
Nous étudierons cette première controverse à l’échelle mondiale en comparant les points de vue des
différents acteurs. Nous nous concentrerons ensuite dans un second temps sur les controverses liées à
l’acceptabilité sociale en évoquant les craintes des populations locales ainsi que les solutions mises
en place par les industriels pour favoriser l’acceptabilité. Enfin, nous étudierons dans un troisième
temps un enjeu primordial au développement de cette technologie : la question du financement. Les
acteurs industriels font en effet face à de nombreux problèmes de rentabilité sur le CSC, et les

1
XPrize. (s.d.) «$100M prize for carbon removal». Site de l’entreprise XPrize. Disponible sur
https://www.xprize.org/prizes/carbonremoval. [Consulté le 07/01/2023]
2
IPCC. (2022). «Summary for Policymakers.Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change». Contribution of
Working Group III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change. Cambridge
University Press. doi: 10.1017/9781009157926.001.
3
GIEC. (2018) «Réchauffement planétaire de 1,5 °C, Résumé à l’intention des décideurs». Organisation météorologique
mondiale. Disponible sur: https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf.
[Consulté le 07/01/2023]
4
ibid

1
Les controverses de Mines Paris 2023

questions du mode de financement et du rôle de la sphère politique sont cruciales. Nous nous
focaliserons sur l’Europe et en particulier sur le cas de la France pour ces deux dernières parties.

2
Les controverses de Mines Paris 2023

Un secteur complexe comprenant de multiples technologies;


laquelle choisir ?
La naissance du CSC est historiquement liée aux innovations du secteur pétrolier. La
séquestration du carbone trouve en effet ses racines aux Etats Unis dans les années 70, avec les
premières démonstrations de la technologie EOR - Enhanced Oil Recovery - (1972: projet à Val
Verde, Texas, 1982: projet Enid, Oklahoma)5. Comme nous le verrons par la suite, la séquestration du
carbone n’était cependant pas la motivation première des géants pétroliers. De l’autre côté de
l’Atlantique, avec l’introduction de taxes carbone -notamment en Norvège en 1991-, les entreprises
énergétiques se penchent ensuite sur le CSC6 pour diminuer les émissions de carbone de leurs
activités pétrolières offshore. Equinor (ex-Statoil), qui exploite le champ de gaz de Sleipner en
Norvège, lance alors le premier projet CSC de grande envergure: il sépare le CO2 du gaz extrait
offshore et ré-injecte ce CO2 dans les strates géologiques exploitées. On constate donc que les
premières technologies furent fortement portées par les acteurs pétroliers ou énergétiques, et
l’exemple de Sleipner ouvrira la voie à de nombreux autres projets de CSC7.

Malgré une perte d’intérêt globale pour le CSC suite à l’avènement du gaz de schiste et à la
crise financière de 2008, la technologie de la capture de carbone revient aujourd’hui sur le devant de
la scène. Le CSC étant présenté comme une technologie clef pour atteindre les objectifs de Paris par
différentes organisations internationales comme le GIEC, de nombreux projets naissent et se
développent. Dans le même temps, les acteurs non-gouvernementaux de la protection de
l’environnement dénoncent le CSC (Reporterre8 ou Carbon Market Watch9) et y voient avant tout un
levier d’inaction climatique ainsi qu’un frein à la conception de processus industriels
authentiquement décarbonés.

Une première partie de la controverse soulevée par les acteurs du CSC porte donc sur la
question du développement et de la mise à l’échelle de cette technologie. Alors que les industriels
sont favorables à l’utilisation du CSC et y voient une aubaine pour la réduction de leurs émissions10,
les acteurs luttant contre le réchauffement climatique essaient de ralentir son développement.11

Les différentes techniques de capture de carbone


La capture du CO2 est la première étape de la réduction des émissions. Pour comprendre les
débats autour de ce sujet, il faut d’abord séparer la capture du carbone en deux grandes familles : la
5
International Energy Agency. (2016) «20 Years of Carbon Capture and Storage: Accelerating Future Deployment».
OECD, doi: 10.1787/9789264267800-en
6
ibid
7
Pigeon, J. (2016). «Les technologies de Captage, Transport et Stockage du CO2 (CTSC) dans l’Axe-Seine : description
des futurs possibles d’un dispositif technique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.» Thèse de doctorat.
Université du Havre.
8
Heuillard, Y. (2021, 10 Février). « La capture et le stockage du carbone, un remède pire que le mal ». Reporterre.
Disponible sur https://reporterre.net/La-capture-et-le-stockage-du-carbone-un-remede-pire-que-le-mal. [Consulté le
07/01/2023]
9
Stoefs, W. (2021, 20 Septembre). « There is no cheating the atmosphere ». Carbon market watch. Disponible sur
https://carbonmarketwatch.org/2021/09/20/there-is-no-cheating-the-atmosphere/. [Consulté le 07/01/2023]
10
TotalÉnergies. (2020, 31 Janvier) «Le captage-stockage de CO2, une solution prometteuse.» Site de l’entreprise
TotalÉnergies. Disponible sur https://totalenergies.com/fr/dossiers/le-captage-stockage-de-co2-une-solution-prometteuse.
[Consulté le 07/01/2023]
11
Center for International Environmental Law. (2021, 19 Juillet) «It’s Time to End Carbon Capture of Climate Policy : An
Open Letter to US and Canadian Leaders». Disponible sur
https://www.ciel.org/wp-content/uploads/2021/07/CCS-Ad_The-Washington-Post_FINAL.pdf. [Consulté le 07/01/2023]

3
Les controverses de Mines Paris 2023

capture naturelle et la capture technologique. La séquestration naturelle se fait dans un puits de


carbone comme les océans, les forêts, et dans une moindre mesure les prairies et le reste du couvert
végétal qu'il soit naturel ou sous conduite humaine (pâturages, cultures, jardins, etc.). La
séquestration industrielle, sur laquelle nous avons concentré notre travail, se focalise à ce jour sur
deux types de sources qui sont d’un côté l’air ambiant dans lequel le CO2 est très dilué, et de l’autre
les fumées (généralement d’usines) dans lesquelles le gaz est plus concentré.

La DAC (Direct Air Capture) consiste à prélever le CO2 directement dans l’atmosphère.
Cette solution, encore en développement, est présentée comme prometteuse comme l’écrit l’AIE
dans son rapport :

«Le DAC joue un rôle important et croissant dans les scénarios "net zéro".»12

Cette technologie permet théoriquement de réaliser des émissions négatives, si l’alimentation


énergétique du dispositif génère moins de CO2 qu’il n’en capte, comme l’explique Mahdi Fasihi,
chercheur à l’université technologique de Lappeenranta en Finlande13, dans son étude sur le DAC.
Néanmoins, M. Fasihi montre dans son rapport que cette technologie pose question quant à la
faisabilité de sa réalisation, à son efficacité et à son coût. De fait, la DAC ne traite qu'une source
diluée de CO2 (ce gaz ne représente que 0.5% de l’air ambiant), ce qui signifie qu'il faut filtrer de
grandes quantités d'air pour capter une quantité significative de CO2. Pour fixer les idées, il faudrait
filtrer l’équivalent de 800 piscines olympiques pour récupérer 1 tonne de CO2 atmosphérique14.
Aujourd’hui, malgré les incertitudes restantes autour du coût et de la consommation énergétique
potentiellement démesurés de telles techniques généralisées à large échelle, les start-up du secteur se
multiplient. Parmi celles-ci, l’entreprise suisse Climeworks affiche comme objectif de retirer 1% du
CO2 de l’atmosphère d’ici 2050 . Les investisseurs sont particulièrement attirés par ces technologies,
comme en témoigne la levée de fonds de 600 millions d’euros de Climeworks le 5 Avril dernier15.
Outre-Atlantique, la startup canadienne Global Thermostat a levé 68 millions de dollars en 2019.
Malgré l’intérêt pour cette innovation technologique, Aïcha El Khamlichi, ingénieure à l’ADEME
(Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie) explique dans son interview pour le
journal Socialter que les coûts et consommations énergétiques associés sont encore trop importants:

«Un des obstacles majeurs aux technologies de capture et de séquestration du carbone est son prix.
Mais ces investissements massifs pourraient à terme les faire baisser. [...] Autre inconvénient de taille
: la faible rentabilité énergétique de ces technologies, malgré des objectifs ambitieux… voire
irréalistes selon la chercheuse. En 2017, Climeworks admettait qu’il faudrait construire pas moins de
750 000 usines supplémentaires pour capter 1% du dioxyde de carbone atmosphérique mondial»16

12
International Energy Agency. (2022, Avril) «Direct Air Capture. A key technology for net zero». IEA. Disponible sur
https://iea.blob.core.windows.net/assets/78633715-15c0-44e1-81df-41123c556d57/DirectAirCapture_Akeytechnologyforn
etzero.pdf. [Consulté le 07/01/2023]
13
Fasihi, M. et O. Efimova, C. Breyer, (2019) «Techno-economic assessment of CO2 direct air capture plants», Journal of
Cleaner Production, Volume 224, doi: 10.1016/j.jclepro.2019.03.086
14
Garric, A. et P. Mouterde. (2022, 22 Janvier) «Le captage et le stockage de CO2, solution d’avenir pour le climat ou
mirage ?». Le Monde. Disponible sur
https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/01/26/le-captage-et-stockage-du-co2-solution-d-avenir-pour-le-climat-ou-mira
ge_6110976_3244.html. [Consulté le 07/01/2023]
15
Mann, N. (2022, 14 Avril). «Au-delà de Climeworks, les technologies de captage de CO2 dans l’air se multiplient.»
L’Usine nouvelle. Disponible sur
https://www.usinenouvelle.com/editorial/l-instant-tech-au-dela-de-climeworks-les-techologies-de-captage-de-co2-dans-l-air
-se-multiplient.N1993422. [Consulté le 07/01/2023]
16
Kloetzli, S. (2018, 12 Juillet) «Les technologies de capture du carbone pourront-elles contrer le réchauffement
climatique ?» Socialter. Disponible sur
https://www.socialter.fr/article/les-technologies-de-capture-du-carbone-pourront-elles-contrer-le-rechauffement-climatique-
1. [Consulté le 07/01/2023]

4
Les controverses de Mines Paris 2023

La seconde technique de captage de CO2 est celle consistant à récupérer le CO2 là où il est
plus concentré, c'est-à-dire directement à la sortie des sites les plus polluants (cimenteries, aciéries,
centrales thermiques). Le captage de CO2 à partir des fumées d'usine présente plusieurs avantages
par rapport à la Direct Air Capture (DAC). Comme le souligne Habib Azarabadi, chercheur à
l’Université d’Arizona, cette technologie induit des coûts de capture par tonne de CO2 bien
inférieurs à ceux obtenus par la DAC pour une grande partie des installations. Cependant, il précise
que pour les installations où la mise en place de capture directe est très coûteuse, le DAC peut
revenir moins cher17. Ce dispositif est plus ancien et fut développé à l’origine par les industries
d’hydrocarbures dans les années 70 pour le développement de l’EOR. Cette technologie historique
mature18 du point de vue de l’efficacité n’est pourtant pas très développée en raison d’un manque de
financement. Selon Sébastien Chailleux, maître de conférences à Sciences-Po Bordeaux, et
enseignant chercheur sur l’impact sociologique de la transition énergétique, avec qui nous avons pu
nous entretenir :

«Au niveau de l'Union européenne, le développement du CCUS a été adossé au marché carbone. Mais
étant donné que le marché carbone a plongé lui aussi à cause de la crise financière en 2008- 2009, on
était sur un système qui n'était même plus assez incitatif vis-à-vis des des grands émetteurs de CO2 et
donc on a perdu une décennie car le prix du carbone était en dessous de 20€ pendant quasiment 10
ans»19

Cette solution a été par exemple développée par l’entreprise TotalÉnergies à Lacq en 2010.
Cependant, après environ une année de fonctionnement, le projet a été mis à l’arrêt suite aux
contestations locales et au manque de rentabilité. Ce n’est qu’assez récemment que des coalitions
d’industriels et des financements publics apparaissent comme le montre le projet pilote du partenariat
entre ArcelorMittal, TotalÉnergies, Axens et l’IFPEN à Dunkerque.20 De plus, la capture de CO2 à
partir des fumées d'usine pose la question de l’incitation à l’inaction. En effet, ces technologies de
captage permettent à des industries très émettrices de réduire fortement leurs émissions tout en
perpétuant leur mode de fonctionnement fossile, comme le juge Carbon Market Watch (association à
but non lucratif qui a pour but de veiller à ce que la tarification du carbone et d’autres politiques
climatiques réduisent effectivement les niveaux de pollution). Cette association y voit :

«Un gâchis et prône au contraire de concentrer les efforts sur la décarbonisation en amont (hydrogène
par exemple pour les hauts fourneaux) plutôt que de limiter les effets en aval (en filtrant les
fumées).»21

On retrouve ici un point clef de la controverse du CSC : ne vaut-il pas mieux concentrer les
efforts sur la cause -les technologies émettrices- plutôt que sur la conséquence ?

On constate donc que plusieurs technologies de capture de carbone existent, certaines depuis
plusieurs décennies. Aujourd’hui, le DAC semble davantage financé et soutenu par les

17
Azarabadi, H. (2020). «Post-Combustion Capture or Direct Air Capture in Decarbonizing US Natural Gas Power?»
Environ. Sci. Technol. doi: 10.1021/acs.est.0c00161
18
ibid
19
Entretien réalisé avec Sébastien Chailleux le 02/11/2022
20
TotalÉnergies. (2022, 22 Mars) «Démarrage du pilote industriel « 3D » de captage et de stockage de CO2 à Dunkerque».
Site de l’entreprise TotalÉnergies. Disponible sur
https://totalenergies.com/fr/medias/actualite/communiques-presse/france-demarrage-du-pilote-industriel-captage-co2-3d-du
nkerque. [Consulté le 07/01/2023]
21
Stoefs, W. (2022, 10 Janvier) «A sustainable carbon cycle or a vicious emissions cycle?» Carbon Market Watch.
Disponible sur https://carbonmarketwatch.org/2022/01/10/a-sustainable-carbons-cycle-or-a-vicious-emissions-cycle/.
[Consulté le 07/01/2023]

5
Les controverses de Mines Paris 2023

investisseurs22. Mais, finance-t-on la bonne technologie ? Le captage fait directement sur les sites
polluants permet en effet d’atteindre dans une grande partie des cas le coût de captage de la tonne de
CO2 le moins cher23. Cependant, le fait qu’à l’heure actuelle les plus pollueurs soient les initiateurs
de ces projets semble freiner la volonté d’investissement.

Le devenir du carbone, une question délicate


La diversité et l’efficacité des méthodes de capture du carbone ne constituent qu’une partie
des enjeux relatifs au CSC. Une fois le carbone capté, la problématique de son devenir se pose. Deux
stratégies émergent des initiatives du secteur. La première consiste à considérer le CO2 comme un
«déchet» et à le stocker en profondeur dans des roches poreuses. C’est le CSC (Captage et Stockage
du Carbone). Une seconde approche consiste à valoriser le carbone capté en vue d’une réutilisation
en lui trouvant un usage. C’est le CUC (Captage et Utilisation du Carbone).

Le CSC exploite la porosité des roches (aquifères salins, roches pétrolières) pour y stocker
du CO2. C’est en quelque sorte le principe inverse de l’extraction de gaz dans un puits
d’hydrocarbures. Historiquement, les acteurs pétroliers furent pionniers dans le développement de
cette technologie. En 1996, l’opérateur Statoil ainsi que les partenaires Esso, Norsk, Hydro, Elf et
TotalÉnergies (ex-Total), lancent le premier projet CSC d’échelle sur un gisement gazier en mer du
Nord (Norvège). Motivés par la récente taxe carbone norvégienne (1991) et par la teneur excessive
en CO2 du gaz extrait, les acteurs choisissent d’extraire une partie du CO2 du gaz pour la réinjecter,
sous terre. D’après Helge Kongsjorden, chercheur au laboratoire privé d’Equinor à Trondheim
(Norvège), la séquestration du CO2 capté à partir du gaz à Spleiner représente environ 1 Mt/an soit 2
à 3% des émissions annuelles norvégiennes.24

Dans sa synthèse «Faux espoir», Greenpeace soulève cependant les risques induits par
l’injection souterraine de CO2. L’intégrité du stockage sur le long terme y est notamment
questionnée :

« Il est impossible de garantir un stockage sûr et permanent du CO2. Un taux de fuite, même très
faible, pourrait saper tout effort d’atténuation des changements climatiques. »25

Les conséquences d’éventuelles fuites sont à prendre en compte, comme le rappelle Laurent Catoire,
responsable de l'Unité chimie et procédés à l'ENSTA Paris. Il distingue deux catégories de risque. Si,
pour l’homme, une fuite ne serait visiblement dangereuse qu’en milieu clos où le CO2 pourrait
s’accumuler, le principal risque pour la biodiversité réside dans l’acidification des eaux souterraines
et ses conséquences sur la faune et la flore locales.26 L’évaluation des risques demeure cependant
complexe en raison du peu de recul dont disposent les industriels. De fait, freinés par la lourdeur des

22
Budinis, S. (2022, Septembre) «Direct Air Capture», IEA, Paris. Disponible sur
https://www.iea.org/reports/direct-air-capture.
23
Azarabadi, H. (2020). «Post-Combustion Capture or Direct Air Capture in Decarbonizing US Natural Gas Power?»
Environ. Sci. Technol. doi: 10.1021/acs.est.0c00161
24
Kongsjorden, H. et O. Kårstad, T. Torp. (1998) «Saline aquifer storage of carbon dioxide in the Sleipner project». Waste
Management, Volume 17, Issues 5–6, Pages 303-308, doi: 10.1016/S0956-053X(97)10037-X.
25
Rochon, E. (2008, Mai) «Faux espoir». Greenpeace International. Disponible sur
https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2017/02/faux-espoir.pdf?_ga=2.172225126.475964195.1673102098-1811481672.167
2733525. [Consulté le 07/01/2023]
26
Catoire, L. (2022, 8 Mars). «CO2 : un stockage souterrain possible, mais pas accepté». Polytechnique Insights.
Disponible sur
https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/industrie/lacceptation-sociale-est-un-obstacle-majeur-au-stockage-souterr
ain-du-co2/. [Consulté le 07/01/2023]

6
Les controverses de Mines Paris 2023

investissements requis, les projets d’échelle sont rares : en 2021, l’AIE en recense une trentaine27.
Dans une analyse du projet Spleiner de 2010, Ringrose, Eiken et Hermanrud, chercheurs travaillant
pour Equinor et/ou Statoil, soulignent notamment que le risque est intimement lié à la technique de
mesure de la capacité d’un puits. Dans leur synthèse, ils avancent que la capacité d’un puits est une
grandeur subjective, car celle-ci dépend des risques de fuite que la compagnie est prête à prendre28.
Leur étude évoque par exemple des écarts importants entre six estimations, réalisées entre 1996 et
2009, parfois divergentes d’un facteur 100. Mais un chercheur à l’IFPEN que nous avons interviewé
en octobre 2022 est plus optimiste :

« La nature a piégé du CO2 partout depuis des millions d’années. On a essayé de trouver des
structures géologiques qui pourraient reproduire ce phénomène, et on le fait déjà avec du gaz naturel.
Ça me parait donc jouable pour le CSC. »29

On observe donc une nuance dans les opinions entre les propos rassurants des pro-CSC qui avancent
des études (notamment les pétroliers), et l’appel à la prudence d’une partie de la communauté
scientifique.

La valeur du CO2 stocké dans le cadre du CSC n’est autre que celle que les différents acteurs
lui donnent, et c’est pourquoi historiquement, ce n’est pas cette méthode qui a été développée en
premier mais l’EOR. C’est en effet la technique de valorisation controversée à l’origine de la filière
CUC. Une autre méthode de valorisation comme matière première existe, mais est elle aussi critiquée
pour ses possibilités et échelles limitées.

Historiquement, l’intérêt pour la capture du CO2 est né avec l’EOR. Il s’agit d’ un ensemble
de techniques permettant de poursuivre l’extraction du pétrole ou du gaz d'un gisement une fois que
les méthodes de récupération primaire et secondaire ont été épuisées. Un sous-type d’EOR - l’EOR
par injection - consiste à introduire des gaz tels que le CO2 dans le gisement pour pousser le pétrole
hors du puits et augmenter les rendements. L’EOR par injection de CO2 est une technique déjà
éprouvée qui trouve son origine aux Etats Unis dans les années 70-8030, et connaît depuis une
constante croissance [Figure 1].

27
International Energy Agency (2021) «Carbon capture, utilisation and storage». Site de l’IEA. Disponible sur
https://www.iea.org/fuels-and-technologies/carbon-capture-utilisation-and-storage. [Consulté le 07/01/2023]
28
Ringrose, P., O. Eiken et C. Hermanrud (2010). «Injection, stockage et surveillance à Sleipner (Norvège) : une
rétrospective de 15 ans». Géologues. 166. 69-75
29
Entretien réalisé avec un enseignant-chercheur de l’IFPEN le 25/10/2022
30
Falwell, P. (2015, Janvier). «Understanding the National Enhanced Oil Recovery Initiative». Center for Climate and
Energy Solutions. Disponible sur
https://www.c2es.org/document/understanding-the-national-enhanced-oil-recovery-initiative/. [Consulté le 07/01/2023]

7
Les controverses de Mines Paris 2023

Figure 1 : Nombre de projets EOR en opération entre 1971 et 2017


Source : McGlade, C., G. Sondak et M. Han (2018, 28 Novembre) «Number of EOR projects in operation globally,
1971-2017», AIE, Disponible sur https://www.iea.org/commentaries/whatever-happened-to-enhanced-oil-recovery.
[Consulté le 07/01/2023]

S’il permet de lier l’utile (stockage de CO2) au bénéfice (viabilité économique, pour les
industriels), l’EOR suscite néanmoins de fortes critiques chez les défenseurs de l’environnement,
comme Reporterre31. Dans un article en cinq parties, Reporterre pointe du doigt que le moteur
économique est avant tout l’extraction d’hydrocarbures supplémentaires, la séquestration du carbone
restant un corollaire. Le média y voit également une incitation à produire davantage d’énergies
fossiles et qualifie la technologie de contre-productive. De plus, le CO2 utilisé est majoritairement
d’origine naturelle (poches souterraines de CO2) car bien moins cher que le CO2 capté32. Pour
réaliser des émissions négatives, la source doit donc être une émission d’origine anthropique
(biomasse, usines, etc) [Figure 2].

Figure 2:
A gauche la source est une poche souterraine de CO2, aucun CO2 atmosphérique n’est enfoui.
A droite, la source est une usine, on peut envisager réduire les émissions globales du cycle.
Source : McGlade, C. (2019, 11 Avril) «Can CO2-EOR really provide carbon-negative oil?», AIE, Disponible sur
https://www.iea.org/commentaries/can-co2-eor-really-provide-carbon-negative-oil. [Consulté le 07/01/2023]

La seconde façon de valoriser le carbone est son utilisation comme matière première.
Toutefois, les cas d’utilisation sont limités car le CO2 est le produit final de l’oxydation du carbone

31
Robert, A. et A.-R. Kokabi (2021, 06 Mai) «Stockage de CO2: les manœuvres de Total». Reporterre. Disponible sur
https://reporterre.net/Stockage-de-CO2-les-manoeuvres-de-Total. [Consulté le 07/01/2023]
32
El Khamlichi, A., T. Gourdon, et S. Padilla. (2020, Juillet) «Le Captage et Stockage géologique du CO2 (CSC) en France
: Le CSC, un potentiel limité pour la réduction des émissions industrielles». ADEME. Disponible sur
https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2020/07/captage-stockage-geologique-co2_csc_avis-technique_2020.pdf.
[Consulté le 07/01/2023]

8
Les controverses de Mines Paris 2023

et est donc un réactif chimique très inerte33. Quelques cas d’utilisation existent (culture sous serre,
gaz réfrigérant, agent neutralisant34) et comptent pour environ 0.8Mt/an en France et 230Mt/an dans
le monde selon l’ADEME35, des quantités à mettre en relation avec les 38Gt annuelles émises dans le
monde. De nouveaux cas de valorisation sont envisagés notamment dans les domaines de l'industrie
chimique, des biocarburants et de la production de ciment36. Enfin, un autre frein au CUC reste la
nécessité d’un transport plus local (camions, bateaux), faute de développement à des échelles plus
larges.

À quelle échelle géographique développer la technologie ?

Dans un contexte global, la solution du CSC pourrait être décisive37, mais dans certains pays
comme la France, le potentiel de cette technologie est limité comme le souligne l’ADEME38,en
raison du nombre restreint de sites de stockages possibles. Se pose donc la question de l’échelle de
déploiement de cette technologie.

La diffusion de la technologie du CSC serait accompagnée corollairement d’un réseau de


transport du CO2 adapté. En effet, alors que les premiers projets intégraient le captage et stockage au
même endroit, on assiste aujourd’hui à un découplage des différentes briques du CSC avec un
éloignement des zones de captage et de stockage. Comme l’explique Sébastien Chailleux, le CSC a
connu ces dernières années un développement plus tourné vers un stockage en offshore qu’en
onshore, notamment en raison de l’absence de protestations au niveau local, et ces nouveaux sites de
stockage impliquent un transport du CO2 depuis les industries39 situées sur la terre ferme, ainsi
qu’une gestion internationale, tous les pays ne disposant pas de sites de stockage adaptés dans leurs
eaux. Le chercheur mentionne également la question des émissions produites par ce transport40,
notamment en raison des distances entre lieux de captage et de stockage de plus en plus importantes.
Celles-ci sont notamment induites par le choix des technologies utilisées pour ce transport de CO2
(pipeline, bateau, camion), qui conditionne le type de réseau de CSC à mettre en place (mondial,
européen ou national). Des pipelines transportant du CO2 sont déjà en place -3000 kilomètres au
total, surtout situées aux Etats-Unis, le gaz étant utilisé pour extraire davantage de pétrole41-. Sur de
plus longues distances - au-delà de 1000 km-, le transport par bateau semble être le plus économique,
avec une utilisation possible des tankers transportant du gaz naturel liquéfié pour l’acheminement de

33
Cailloce, L. (2016). «Le CO2, une ressource à exploiter ?» CNRS. Disponible sur
https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-co2-une-ressource-a-exploiter [Consulté le 07/01/2023]
34
Air Liquide. (s.d.) «Enrichissement en CO2 dans les serres» Site de l’entreprise Air Liquide. Disponible sur:
https://fr.airliquide.com/solutions/enrichissement-en-co2-dans-les-serres [Consulté le 07/01/2023]
35
Robert, A. et A.-R. Kokabi (2021, 06 Mai) «Stockage de CO2: les manœuvres de Total». Reporterre. Disponible sur
https://reporterre.net/Stockage-de-CO2-les-manoeuvres-de-Total. [Consulté le 07/01/2023]
36
ibid
37
Lefvert, A., E. Rodriguez, M. Fridahl, S. Grönkvist, S. Haikola, et A. Hansson. (2022, Mai) « What Are the Potential
Paths for Carbon Capture and Storage in Sweden? A Multi-Level Assessment of Historical and Current Developments ».
Energy Research & Social Science.Volume 87, doi: 10.1016/j.erss.2021.102452.
38
El Khamlichi, A., T. Gourdon, et S. Padilla. (2020, Juillet) «Le Captage et Stockage géologique du CO2 (CSC) en France
: Le CSC, un potentiel limité pour la réduction des émissions industrielles». ADEME. Disponible sur
https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2020/07/captage-stockage-geologique-co2_csc_avis-technique_2020.pdf.
[Consulté le 07/01/2023]
39
Chailleux, S. et X. Arnauld de Sartre (2021). «L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un
débat non émergé.» Natures Sciences Sociétés, 12-24. Doi: 10.1051/nss/2021043
40
Finon, D. et M. Damian (2011, Janvier) « Le captage et le stockage du carbone, entre nécessité et réalisme ». Natures
Sciences Sociétés, Volume 19, pages 56-61. Disponible sur:
https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2011-1-page-56.htm. [Consulté le 07/01/2023]
41
Club CO2. (s.d.) «Transporter le CO2». Site du Club CO2. Disponible sur
https://www.club-co2.fr/fr/content/transporter-le-co2. [Consulté le 07/01/2023]

9
Les controverses de Mines Paris 2023

CO242. Il convient donc non seulement de prendre en compte les coûts (l’installation de pipelines
nécessite des investissements importants) mais des opposants au CCS mentionnent également les
risques associés au transport, comme le risque de fuite ou de décharge illicite du CO2 par bateau ou
pipeline43 . En effet, contrairement au gaz, le CO2 ne peut être utilisé que dans des conditions très
spécifiques, et l’objectif est ici plutôt de le stocker pour s’en défaire, notamment dans le cadre du
CSC (il n’y a pas la même problématique pour le CUC car le CO2 y est réutilisé). Des détracteur du
CSC affirment que des industriels peu scrupuleux pourraient donc être tentés de relâcher le CO2
qu’ils étaient censés transporter, d’autant plus que certaines zones ne peuvent pas être surveillées
(transport maritime), comme le souligne Yves Heuillard dans son article pour Reporterre :

«L’histoire nous a montré de façon répétée l’honnêteté relative de certains acteurs industriels et,
concernant le carbone, la manipulation du marché des quotas de carbone par le grand banditisme. Par
exemple, comment être certain qu’un navire gazier transportant 100.000 tonnes de CO2 arrivera bien
à destination quand il sera si facile d’ouvrir les robinets, et de dégazer en pleine mer ? Dans ce cas,
pas de marée noire, pas de produit toxique, pas d’odeur, pas de saveur, aucune trace, aucune
conséquence. Avec un gazoduc, ce serait encore plus facile.» 44

La multiplication des vecteurs augmente également les risques d’accidents et de fuites, notamment si
un transport a lieu par camion par exemple.

Il apparaît donc que la question des moyens de transport du CO2 est un facteur clé
contribuant à la détermination de l’échelle de déploiement de la technologie de CCS. Le
développement des réseaux de transport est également conditionné à une évolution législative, et en
particulier à une facilitation du transport du CO2 par bateau ou par voie terrestre par rapport aux
gazoducs, comme le mentionne l’entreprise TotalÉnergies dans sa contribution déposée auprès de
l’UE45.

Conclusion de la Partie

Bien que les industriels ne soient encore qu’au stade initial de développement de leurs
projets de CSC, et ce en marge de leurs activités principales (Northern Lights ne tournera à plein
régime qu’en 2025), l’importance stratégique du développement de ces technologies fait naître de
nombreux débats quant aux spécificités techniques de cet outil de décarbonation. Captage massif
dans l’air ou au plus près des usines carbo-intensives, stockage dans les sous-sols géologiques ou
revalorisation du carbone, chaque industriel a un intérêt à défendre son processus adapté à ses
besoins : ArcelorMittal favorise par exemple les projets de décarbonation à la sortie de ses usines,
alors que d’autres industriels moins émissifs défendent une décarbonation plus globale. Chaque
technologie possède ses avantages et ses inconvénients.

Cependant, depuis que les instances internationales comme le GIEC ou l’ADEME se sont
emparées de la problématique, le débat concernant le CSC a dépassé le cercle technologique et

42
ibid
43
Joeres, A. et S. Götze. (2021, 10 Avril) « Les fausses promesses des technologies de captage du carbone pour réduire les
émissions de CO2 ». Le Monde. Disponible sur
https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/04/10/climat-les-fausses-promesses-des-technologies-de-captage-du-carbone_6
076305_1652612.html. [Consulté le 07/01/2023]
44
Heuillard, Y. (2021, 10 Février). « La capture et le stockage du carbone, un remède pire que le mal ». Reporterre.
Disponible sur https://reporterre.net/La-capture-et-le-stockage-du-carbone-un-remede-pire-que-le-mal. [Consulté le
07/01/2023]
45
Robert, A. et A.-R. Kokabi (2021, 06 Mai) «Stockage de CO2: les manœuvres de Total». Reporterre. Disponible sur
https://reporterre.net/Stockage-de-CO2-les-manoeuvres-de-Total. [Consulté le 07/01/2023]

10
Les controverses de Mines Paris 2023

logistique. Aujourd’hui se posent davantage des questions d’ordre social ou économique, mises sous
le feu des projecteurs par l’émergence de projets pilotes comme celui de TotalÉnergies à Lacq.

11
Les controverses de Mines Paris 2023

Acceptabilité : Comment réconcilier industries et locaux ?


Lors du développement et de la mise à l’échelle des projets de CSC, un nouveau nœud de
controverse émerge en raison de la confrontation du projet avec les populations locales. Au-delà des
seuls aspects technico-économiques concernant les technologies, les industriels font souvent face à
une opposition locale des populations au développement des sites de CSC: là où les industriels
essaient de développer des projets de décarbonation, les populations s’y opposent pour différentes
raisons socio-environnementales.

L’importance de l’opinion publique était souvent un aspect sous-estimé lors du


développement de ces projets, comme nous l’a confié un exécutif chargé des projets CSC au sein de
TotalÉnergies. En apprenant des échecs des projets CSC des années 2010 (Le Lacq, France ou
Barendrecht, Pays-Bas), les industriels trouvent aujourd’hui indispensable pour l'implantation de ces
projets de comprendre les interactions avec l’opinion publique et les différentes controverses nées
des tensions socio-environnementales: celles-ci sont notamment liées aux risques associés à la
technologie, et sont non seulement corrélées à la distance entre lieu de captation du CO2 et lieu de
stockage, mais aussi à l’implantation de l’industriel porteur de projet dans la région.

Un scepticisme historique du grand public


Les projets de CSC onshore, et plus particulièrement les projets de stockage de carbone dans
les sols, se heurtent au problème de leur acceptabilité sociale et se voient contestés par des
populations locales craignant pour l’environnement et pour la santé humaine. Ces dernières se basent
notamment sur des études scientifiques et sur l’existence de projets ayant échoué ou ayant eu des
effets dommageables46.

La principale motivation derrière l’opposition des riverains provient des risques possibles de
fuites de CO2. Comme le montre la synthèse réalisée par le Bureau de recherches géologiques et
minières (BRGM)47 les fuites au sein des sols peuvent engendrer la contamination des nappes
souterraines desquelles est tirée l’eau potable, avec la migration de saumure vers des zones d’eau
douce, ce qui présente un risque pour la biodiversité et pour la santé humaine48. D’après une étude de
l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques) réalisée en 2012, la présence
de CO2 dissout dans l’eau entraîne l’augmentation des concentrations de métaux toxiques49. Les
mêmes experts géologues du BRGM insistent cependant sur le caractère limité des risques et
soutiennent la position des porteurs de projets en mettent en avant leurs connaissances des milieux
géologiques de stockage et leur capacité à éviter les fuites50.

46
Gough, C., R. Cunningham et S. Mander (2017). «Societal responses to CO2 storage in the UK: media, stakeholder and
public perspectives.r» Energy Procedia, Volume 114, Pages 7310-7316. Doi: 10.1016/j.egypro.2017.03.1861
47
Lions, J. et O. Bouc (2013). «Synthèse sur les impacts potentiels du stockage géologique du CO2 sur les ressources en
eau souterraines». Rapport de recherche, BRGM, ONEMA.
48
Joeres, A. et S. Götze. (2021, 10 Avril) « Les fausses promesses des technologies de captage du carbone pour réduire les
émissions de CO2 ». Le Monde. Disponible sur
https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/04/10/climat-les-fausses-promesses-des-technologies-de-captage-du-carbone_6
076305_1652612.html. [Consulté le 07/01/2023]
49
Laperche, D. (2012, 11 décembre). «Quels risques pour le stockage de CO2 ?». Actu-environnement. Disponible sur
https://www.actu-environnement.com/ae/news/quels-risques-pour-stockage-dioxyde-de-carbone-17285.php4. [Consulté le
07/01/2023]
50
ibid

12
Les controverses de Mines Paris 2023

Selon Sébastien Chailleux51 - qui a mené une étude portant sur l'acceptabilité sociale des
projets de CSC -, une autre source de préoccupation des populations directement touchées par les
projets de stockage est la sismicité qu’ils peuvent induire52 : des tremblements de terre pourraient
être causés par l'injection de grandes quantités de gaz carbonique dans le sous-sol, mettant en péril
l’intégrité des constructions à la surface. Il cite notamment le projet d’In Salah dans le centre de
l’Algérie53 pour illustrer son propos. Il s’agit d’un projet pionnier mondial de CSC onshore qui a
permis d'accumuler une expérience très utile pour les projets de CSC dans le monde entier. Le projet
a été basé sur l’extraction de CO2 du flux de production provenant de plusieurs gisements de gaz de
la région de Krechba. L’injection débutée en 2004 a permis l’enfouissement de plus de 3,8 millions
de tonnes de CO2. L'analyse du réservoir et des données sismiques et géomécaniques ainsi que
l’observation de la remontée des sols (environ 15 mm en 7 ans) due à l’enfouissement de carbone ont
conduit à la décision de suspendre l'injection de CO2 en juin 2011. Ce risque est cependant remis en
question par une partie de la communauté scientifique spécialisée en raison des progrès techniques
réalisés au cours des dernières années54 et des projets qui ont pu aboutir sans présenter de problème
de sismicité55.

Comme le présente Laurent Catoire, responsable de l'Unité chimie et procédés à l'ENSTA


Paris56, les populations locales ne font pas non plus abstraction du risque de fuites de CO2 dans
l’atmosphère, au vu par exemple de la catastrophe du lac Nyos en 1986 au Cameroun, qui a
provoqué la mort de 1800 personnes asphyxiées par le CO2, et cela même si ce CO2 était contenu
dans une poche naturelle. Bien que, comme l’explique Laurent Catoire, ce risque est bien contrôlé
par un choix approprié du lieu de stockage (un espace non clos évitant la concentration de CO2),
cette expérience rappelle aux riverains que le risque n’est pas nul et contribue à leur hostilité.

Pour les acteurs industriels, la solution de l’enfouissement offshore a constitué dès les
premiers projets de CSC une opportunité de passer outre les problématiques d’acceptabilité. Comme
le décrit un cadre de TotalÉnergies dans l’entretien qu’il nous a donné le 16 novembre 2022, il est
toujours plus simple de monter un projet de stockage dans les zones moins densément peuplées, et a
fortiori au large des côtes. Cependant, selon S. Chailleux57, une opposition locale existe tout de
même, même si elle est moindre, qui rassemble ONG défenseurs de la biodiversité et professionnels
de la mer. Les risques de fuites existent en effet également dans les cas d’enfouissements offshore.
Leur conséquence serait l’acidification des mers ou des océans et la création de zones mortes58,
portant gravement atteinte aux écosystèmes.

51
Entretien réalisé avec Sébastien Chailleux le 2 Novembre 2022.
52
Zoback, M. D. et S. M. Gorelick (2012). «Earthquake triggering and large-scale geologic storage of carbon dioxide.»
Proceedings of the National Academy of Sciences, 109(26), 10164-10168. Doi: 10.1073/pnas.120247310
53
Ringrose, P.S., A.S. Mathieson, I.W. Wright, F. Selama, O. Hansen, R. Bissell, N. Saoula et J. Midgley (2013) «The In
Salah CO2 Storage Project: Lessons Learned and Knowledge Transfer» Energy Procedia, Volume 37, Pages 6226-6236,.
Doi: 10.1016/j.egypro.2013.06.551.
54
White, J. A., & Foxall, W. (2016). «Assessing induced seismicity risk at CO2 storage projects: Recent progress and
remaining challenges». International Journal of Greenhouse Gas Control, 49, 413-424. Doi: 10.1016/j.ijggc.2016.03.021
55
Hill, B. «Seismic Risk Won’t Threaten the Viability of Geologic Carbon Storage» (2012, 20 juin) Clean Air Task Force.
Disponible sur https://www.catf.us/2012/06/seismic-risk-wont-threaten-the-viability-of-geologic-carbon-storage/ [Consulté
le 07/01/2023]
56
Catoire, L. (2022, 8 Mars). «CO2 : un stockage souterrain possible, mais pas accepté». Polytechnique Insights.
Disponible sur
https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/industrie/lacceptation-sociale-est-un-obstacle-majeur-au-stockage-souterr
ain-du-co2/. [Consulté le 07/01/2023]
57
Entretien réalisé avec Sébastien Chailleux le 2 Novembre 2022.
58
Joeres, A. et S. Götze. (2021, 10 Avril) « Les fausses promesses des technologies de captage du carbone pour réduire les
émissions de CO2 ». Le Monde. Disponible sur
https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/04/10/climat-les-fausses-promesses-des-technologies-de-captage-du-carbone_6
076305_1652612.html. [Consulté le 07/01/2023]

13
Les controverses de Mines Paris 2023

Les oppositions locales auxquelles sont confrontés les porteurs de projets de CSC en Europe
sont qualifiées par ces derniers comme s’inscrivant dans une attitude NIMBY (Not In My
BackYard)59, ou plus précisément -puisqu’il s’agit d’un enfouissement de CO2- dans une attitude
NUMBY (Not Under My BackYard)60. Cette attitude serait liée la position de populations directement
en contact avec des infrastructures de projets d’aménagement et donc sujettes à des nuisances
potentielles. L’acronyme NIMBY est controversé, car il est utilisé par les porteurs de projet pour
décrédibiliser les mouvements de contestation locaux, accusés d'égoïsme. Comme l’indique le cadre
chez TotalÉnergies que nous avons interviewé le 16 novembre 2022, l'industrie du stockage de
carbone ne fait pas exception. La plupart des problèmes touchant les populations riveraines mènent à
ce genre de qualification par les oppositions, quelle que soit l’industrie. À l’opposé, les locaux se
défendent en mettant en avant des arguments socio-environnementaux61.

L’opposition des populations locales à l’implantation de projets de stockage de carbone


comporte différentes facettes. En premier lieu, les protestations sont motivées par la crainte de la
technologie et des risques encourus pour l’environnement voisin et la santé des riverains. Ces
protestations émergent petit à petit en raison de la méconnaissance des technologies au premier
abord62. Le discours de l’opérateur quant à la technologie est alors crucial dans l’existence et la
portée du refus local63. La manière qu’a le porteur du projet de présenter les risques associés à
celui-ci a donc une incidence significative sur les éventuelles contestations. Dans le projet Altmark
Clean64, l’opérateur de stockage GDF Suez a revu sa position sur les risques encourus en
reconnaissant leur existence après l’avoir niée. L’analyse de S. Chailleux révèle que le public s’est
senti trompé et a provoqué l’abandon du projet65.

La position des riverains ne se limite pas au simple refus des risques mais s’inscrit également
dans une démarche responsabilisante. Un argument important de l’opposition est en effet le refus de
voir son environnement devenir un lieu de stockage pour des émissions tierces. Comme le montre C.
Merk, la distance entre la population et le projet de stockage joue un grand rôle dans son
acceptabilité66. Les projets de CSC sont d’autant plus difficilement acceptés par les populations
locales accueillant le stockage que le site de stockage est éloigné du site de captage. Cet effet est
encore plus considérable dans le cas où ces sites ne correspondent pas au même pays67. Les
populations jugent que chacun doit se rendre responsable de ses émissions et refusent de voir leur

59
Chailleux, S. et X. Arnauld de Sartre (2021). «L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un
débat non émergé.» Natures Sciences Sociétés, 12-24. Doi: 10.1051/nss/2021043
60
Merk, C., Å. Dyrnes Nordø, G. Andersen, O. M. Lægreid, E. Tvinnereim (2022) « Don't send us your waste gases:
Public attitudes toward international carbon dioxide transportation and storage in Europe. » Energy Research & Social
Science, Volume 87. Doi: ​10.1016/j.erss.2021.102450.
61
Jobert, A. (1998). «L'aménagement en politique. Ou ce que le syndrome NIMBY nous dit de l'intérêt général». Politix, 42,
67-92. Doi: 10.3406/polix.1998.1725
62
Ashworth, P. et C. Cormick (2011) « Enabling the social shaping of CCS technology ». Hart Publishing. ISBN:
9781841132686.
63
Bertaud du Chazaud, S. (2018, 30 Août) « L’acceptabilité des projets d’ingénierie du sous-sol: questionnement et mise en
perspective autour de cas concrets » APESA, Centre technologique au service des transitions. Disponible sur:
https://www.apesa.fr/acceptabilite-sociale-des-projets-dingenierie-sous-sol/. [Consulté le 07/01/2023]
64
Kühn, M., M. Tesmer, P. Pilz (2012, Septembre) «CLEAN: project overview on CO2 large-scale enhanced gas recovery
in the Altmark natural gas field (Germany).» Environmental Earth Sciences, Volume 67, pages 311-321. Doi:
10.1007/s12665-012-1714-z
65
Chailleux, S. et X. Arnauld de Sartre (2021). «L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un
débat non émergé.» Natures Sciences Sociétés, 12-24. Doi: 10.1051/nss/2021043
66
Merk, C., Å. Dyrnes Nordø, G. Andersen, O. M. Lægreid, E. Tvinnereim (2022) « Don't send us your waste gases:
Public attitudes toward international carbon dioxide transportation and storage in Europe. » Energy Research & Social
Science, Volume 87. Doi: ​10.1016/j.erss.2021.102450.
67
ibid.

14
Les controverses de Mines Paris 2023

territoire devenir une « décharge »68. Cet argument d’opposition est notamment la raison pour
laquelle le projet de Barendrecht porté par Shell aux Pays-Bas a été un échec69 : le CO2, capté au
sortir des raffineries de Rotterdam, devait être stocké dans un réservoir de gaz déplété à 2000 mètres
sous la ville de Barendrecht. La population locale, notamment rassemblée au sein du groupe
d'activistes « CO2 is no »70, s’est opposée à cette importation de carbone et le projet a été abandonné.
A l’inverse, un projet en « auto-consommation » (selon les mots de S. Chailleux71), où le CO2 est
stocké là où il est produit, entraîne moins d’opposition puisqu’il s’intègre entièrement dans
l’éco-système local.

Pistes de réconciliation des acteurs

Le manque de confiance entre opérateurs et riverains peut parfois contribuer à expliquer le


non aboutissement d’un projet. Comme l’explique S. Chailleux72, alors que les opérateurs tiennent
largement les populations locales comme responsables des échecs en les accusant d’avoir une
position NIMBY, cette responsabilité est controversée dans la mesure où elle pourrait aussi servir à
camoufler un manque de viabilité technologico-économique des projets ou même des problèmes plus
structurels liés à la technologie même.

Dans son analyse de la perception publique du CSC en Europe, le projet européen


NearCO273 souligne le fait que le confinement du débat sur les aspects techniques du CSC met en
position de force le porteur de projet face à un public qui ne possède pas un niveau de connaissance
et de sensibilisation adapté. L’utilisation d’un langage plus adéquat peut alors être une stratégie de
l’opérateur vis-à-vis de ses opposants afin de regagner une confiance qui manque à la faisabilité du
projet. D’autres solutions sont possibles pour éviter les écueils des projets passés. Par exemple, S.
Brunsting74 souligne l’intérêt de la pro-activité des opérateurs dans leurs négociations, alors que
ceux-ci se cantonnent souvent aux obligations légales. De nombreux points peuvent être négociés
avec les riverains pour satisfaire à leurs demandes, notamment en ce qui concerne la localisation
exacte du site ou encore l’emplacement des infrastructures, bien que ces paramètres aient souvent un
impact sur la rentabilité du projet. Le cas de Chapelle-de-Rousse dans le Béarn est très parlant à ce
niveau. Chapelle-de-Rousse constitue le projet pilote de CSC de TotalÉnergies en France. Il a
consisté en l’injection entre 2010 et 2013 de 50 kilotonnes de carbone à 4500 mètres dans un
réservoir de gaz déplété. Ce projet s’est heurté à des oppositions qui ont pu être levées par une action
volontaire de Total qui a mis en place des commissions locales75. Un autre aspect que souligne S.

68
Chailleux, S. et X. Arnauld de Sartre (2021). «L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un
débat non émergé.» Natures Sciences Sociétés, 12-24. Doi: 10.1051/nss/2021043
69
Brunsting, S., M. de Best-Waldhober, C.F.J. Feenstra et T. Mikunda (2011), «Stakeholder participation practices and
onshore CCS: Lessons from the Dutch CCS Case Barendrecht.» Energy Procedia, Volume 4, pages 6376-6383. Doi:
10.1016/j.egypro.2011.02.655.
70
Feenstra, C.F.J., T. Mikunda, et S. Brunsting, (2010, Juin) «What happened in Barendrecht?» Global CCS Institute,
Disponible sur https://www.globalccsinstitute.com/archive/hub/publications/8172/barendrecht-ccs-project-case-study.pdf
[Consulté le 07/01/2023]
71
Entretien réalisé le 2 Novembre 2022.
72
Chailleux, S. et X. Arnauld de Sartre (2021). «L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un
débat non émergé.» Natures Sciences Sociétés, 12-24. Doi: 10.1051/nss/2021043
73
Brunsting, S., J. Desbarats, M. de Best-Waldhober, E. Duetschke, C. Oltra, P. Upham, H. Riesch. (2011) «The public and
CCS: the importance of communication and participation in the context of local realities.» Energy Procedia, Volume 4,
pages 6241-6247. Doi: 10.1016/j.egypro.2011.02.637.
74
ibid
75
Ha-Duong, M., M. Gaultier, and B. deGuillebon (2011) « Social aspects of Total’s Lacq CO2 capture, transport and
storage pilot project.» Energy Procedia, Volume 4, pages 6263-6272. Doi: 10.1016/j.egypro.2011.02.640.

15
Les controverses de Mines Paris 2023

Brunsting76 dans la récupération de la confiance entre les parties concerne l’intégration d’experts au
débat, ceux-ci étant susceptibles d'être perçus comme indépendants. Cependant, reste la question de
l’identification des experts compétents en CSC. Les incertitudes liées aux données scientifiques sur
la fiabilité du stockage du CO2 peuvent compliquer la situation. L'exemple du projet de Ketzin, dans
le Brandebourg, en Allemagne, illustre l'importance du recours à un observateur impartial dans le
cadre des efforts de communication. La confiance du public dans le GFZ (centre de recherche
allemand en géosciences), étant donnée son identité en tant qu'institut de recherche, était élevée et a
conduit à l'acceptation par le public de la technologie et du projet.

Un autre élément peut également favoriser l’implantation de projets de CSC et permettre une
meilleure acceptabilité. Il s’agit de la proximité qu’entretient l’entreprise porteuse du projet avec la
population locale. Comme l’explique Bertaud du Chazaud et al.77, un projet CSC a en effet beaucoup
plus de chances d’être accepté et d’aboutir si l’opérateur qui le conduit est implanté historiquement
auprès des populations locales. De par son intégration territoriale, l’industriel est connu des locaux et
leur est lié économiquement, ce qui facilite les discussions et diminue les protestations. Ainsi, sur
trois projets de CSC en Allemagne, seul le projet de Ketzin a pu voir le jour. Il s’agit d’un projet qui
s’est étalé entre 2008 et 2013. 67 kilotonnes de CO2 ont été stockées dans du grès. Il n’a conduit à
aucune contestation, le territoire étant habitué aux activités de stockage de l’opérateur, une entreprise
locale. Les deux autres projets, Altmark et Jänschwalde, ont été abandonnés à la suite d’oppositions
se focalisant sur les risques de fuites et sur les historiques de pollution des opérateurs en question78.
À Chapelle-de-Rousse, dans le bassin de Lacq, TotalÉnergies n’avait pas envisagé de contestation en
raison de la fréquence des projets d’extraction en sous-sol dans la région et surtout en raison de son
implantation historique auprès des populations locales. Son image d’entreprise très fortement
implantée localement lui a permis une communication et une négociation facilitées auprès des élus ce
qui a ouvert la voie à l’atténuation de l’opposition79. Il apparaît donc que pour qu’un projet de CSC
soit faisable et acceptable, son insertion dans une dynamique de développement local est
primordiale.

Vers la nécessité de changer d’arène

Le débat sur le CSC est souvent confiné autour d’enjeux localisés et extrêmement
spécifiques. Il se limite fréquemment à des aspects techniques de terrain et s’exporte mal dans les
autres arènes. Comme l’expliquent les sociologues Rebeca Neri O’Neill et Alain Nadaï80, l’arène de
débat se situe majoritairement entre les scientifiques, les industriels et les locaux. La conférence
GHGT (Greenhouse Gas Control Technologies) tenue en Octobre 2022 est un exemple des débats
publics ouverts sur le CSC. Mais, le collège intervenant est principalement constitué d’acteurs
scientifiques et industriels.

76
Brunsting, S., J. Desbarats, M. de Best-Waldhober, E. Duetschke, C. Oltra, P. Upham, H. Riesch. (2011) «The public and
CCS: the importance of communication and participation in the context of local realities.» Energy Procedia, Volume 4,
pages 6241-6247. Doi: 10.1016/j.egypro.2011.02.637.
77
Bertaud du Chazaud, S. (2018, 30 Août) « L’acceptabilité des projets d’ingénierie du sous-sol: questionnement et mise en
perspective autour de cas concrets » APESA, Centre technologique au service des transitions. Disponible sur:
https://www.apesa.fr/acceptabilite-sociale-des-projets-dingenierie-sous-sol/. [Consulté le 07/01/2023]
78
Kühn, M., M. Tesmer, P. Pilz (2012, Septembre) «CLEAN: project overview on CO2 large-scale enhanced gas recovery
in the Altmark natural gas field (Germany).» Environmental Earth Sciences, Volume 67, pages 311-321. Doi:
10.1007/s12665-012-1714-z
79
Ha-Duong, M., M. Gaultier, and B. deGuillebon (2011) « Social aspects of Total’s Lacq CO2 capture, transport and
storage pilot project.» Energy Procedia, Volume 4, pages 6263-6272. Doi: 10.1016/j.egypro.2011.02.640.
80
Neri O’Neill, R. et A. Nadaï. (2012, 19 Juin) « Risque et démonstration, la politique de capture et de stockage du dioxyde
de carbone (CCS) dans l’Union européenne ». Vertigo. Doi: 10.4000/vertigo.12172

16
Les controverses de Mines Paris 2023

Le sujet du CSC est également peu développé dans les médias actuellement, mis à part dans
la presse spécialisée. Ce résultat a été obtenu par les politistes et géographes Sébastien Chailleux et
Xavier Arnauld de Sartre81 qui ont réalisé une analyse de presse entre 1997 et 2020 afin de
déterminer si le CSC était un sujet développé ou non, et à quelle échelle. Une autre analyse de presse
de 201682 portant sur un projet particulier, le projet CSC à Lacq exploité par Total entre 2009 et
2013, en est venu aux mêmes conclusions. Plusieurs journaux nationaux furent effectivement
consultés et analysés (Le Monde, Libération, Le Figaro, ainsi que La Tribune et Les Echos) pour
évaluer l'impact social du projet de CSC au-delà de l'axe Lacq – Jurançon. Il fut observé que le projet
de Lacq n'était mentionné que sporadiquement, toujours dans le contexte de la question plus générale
du CSC. Les acteurs de l’analyse ont dès lors conclu que ce projet local n'est jamais devenu un objet
de débat au niveau national. Une analyse plus locale réalisée avec le journal Sud Ouest a montré
qu’un débat public avait bien eu lieu avant et après la période de consultation publique et que le
projet existait dans la presse régionale en tant que sujet d'actualité entre 2007 et 2011. Néanmoins, le
débat sur les conséquences locales du projet CSC fut mis de côté en 2012.

Le rôle vulgarisateur de la presse généraliste pose donc question. Cependant, comme


l’évoque Sébastien Chailleux lors de notre entretien :

« En réalité ce n’est pas forcément uniquement le problème des journalistes. C'est aussi en lien avec
l'argument du portage politique »83

Il y a une corrélation entre l’état du débat politique et les médias : ces derniers ne se saisissent pas du
CSC car les politiques eux-mêmes n’en parlent pas. Les porteurs politiques pourraient donner
davantage de visibilité au CSC et permettre à la controverse de changer d’arène. Ce manque de
portage peut s’expliquer par un problème de soutenabilité du CSC, déjà évoqué précédemment.
Comment défendre le CSC quand cela reviendrait à subventionner les compagnies pétrolières
responsables en partie du changement climatique ? Pour Sébastien Chailleux :

« Il n'y a pas eu de grand débat médiatique mais il n’y a pas eu de grand débat politique non plus »84

Ainsi, les débats publics ayant actuellement lieu sur le CSC sont uniquement locaux et
portent sur un projet particulier dans un endroit circonscrit. Pourtant, les arguments soulevés lors des
manifestations ponctuelles ne se restreignent pas à la dimension régionale et sont ancrés dans une
critique globale du système économique et du manque de planification découlant de la prise de
conscience de l’urgence climatique et du besoin de décarbonation. Les opérateurs, tout comme les
locaux s’opposant au CSC, souhaiteraient donc que des débats se tiennent dans une arène plus large
afin de parvenir à une décision globale permettant l’acceptation locale ou non et la résolution de la
controverse à leur niveau. L’ensemble des acteurs que nous avons interviewés pour cette analyse
confirme unanimement l’absence d’un débat national en France. Un enseignant chercheur de
l’IFPEN pense par exemple que :

« La politique fait défaut parce qu'elle ne porte pas le débat à un niveau national. Elle le traite en
donnant des outils pour faire des procédures locales »85

81
Chailleux, S. et X. Arnauld de Sartre (2021). «L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un
débat non émergé.» Natures Sciences Sociétés, 12-24. Doi: 10.1051/nss/2021043
82
Ha-Duong, M., M. Gaultier, B. de Guillebon, G. Mardon (2015) « Carbon capture and storage - The Lacq pilot. Project
and injection period 2006-2013 », Global Carbon Capture and Storage Institute (GCCSI), pages 216-241. Disponible sur :
https://www.globalccsinstitute.com/archive/hub/publications/194253/carbon-capture-storage-lacq-pilot.pdf. [Consulté le
07/01/2023]
83
Entretien réalisé avec Sébastien Chailleux le 02/11/2022
84
ibid
85
Entretien réalisé avec un enseignant-chercheur de l’IFPEN le 25/10/2022

17
Les controverses de Mines Paris 2023

Pour revenir enfin sur la mobilisation médiatique en tant que telle, celle-ci est également
sujette à controverse. Les opposants à la technologie invoquent notamment l’exemple de la
couverture médiatique japonaise86 du CSC en critiquant un discours minimisant les risques et
sur-estimant les quantités possiblement stockables, ou encore l’exemple de la couverture allemande87
dont la méthodologie peinerait à mettre en valeur les enjeux climatiques globaux en se cantonnant à
une balance risques/potentiel.

Dans le cadre de notre rapport, nous avons réalisé une analyse quantitative portant sur le
nombre d’articles concernant le CSC parus dans la presse généraliste française (voir figure 3) et dans
la presse scientifique (voir figure 4 et 5) publiés depuis 2001 (voir figure 4 et 5). Concernant le
nombre d’articles scientifiques mondiaux, on observe une augmentation à partir de 2008 puis une
stabilisation à partir de 2017 autour de 3000 articles par an. Cela montre que le débat se situe bien
autour de l’arène scientifique depuis quelques années. En ce qui concerne le nombre d’articles parus
dans la presse généraliste, notre analyse confirme celle réalisée par Sébastien Chailleux et Xavier
Arnauld de Sartre88 de 1997 à 2020. On distingue deux pics : le premier, de 2007 à 2015, s’explique
par l’actualité nationale (avec le projet du Lacq) et mondiale (avec par exemple la réunion des
membres de l’OPEC à Bali ; le second pic s’explique un début de priorisation du sujet écologique.
Cependant, on observe dans notre analyse une augmentation significative du nombre d’articles
portant sur le CSC pour les années 2021 et 2022. La couverture médiatique serait-elle en train de
changer ?

Figure 3 : Nombre d’articles de la presse généraliste française portant sur le CSC par année

86
Asayama, S., et A. Ishii (2017, Septembre) « Selling Stories of Techno-Optimism? The Role of Narratives on Discursive
Construction of Carbon Capture and Storage in the Japanese Media ». Energy Research & Social Science, Volume 31,
Pages 50-59. Doi: 10.1016/j.erss.2017.06.010.
87
Otto, D., M. Pfeiffer, M. Madruga de Brito, et M. Gross (2022, 15 Juin) « Fixed Amidst Change: 20 Years of Media
Coverage on Carbon Capture and Storage in Germany ». Sustainability Volume 14. Doi: doi.org/10.3390/su14127342
88
Chailleux, S. et X. Arnauld de Sartre (2021). «L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un
débat non émergé.» Natures Sciences Sociétés, 12-24. Doi: 10.1051/nss/2021043

18
Les controverses de Mines Paris 2023

Figure 4 : Nombre d’articles de la presse scientifique mondiale portant sur le CSC par année

Figure 5 : Nombre d’articles de la presse scientifique française portant sur le CSC par année

Conclusion de la Partie
Ainsi, la technologie de CSC implique des risques divers, notamment liés à de potentielles
fuites de CO2 et donc des dangers d’asphyxie, de sismicité, et de retour du CO2 stocké dans
l’atmosphère, annulant ainsi les effets du stockage. Dès lors, les contestations locales émergent
spontanément lorsque des projets s’implantent. La résolution de ces conflits est parfois rendue
difficile par le décalage relatif au niveau de connaissances des opérateurs et des riverains qui s’y
opposent.

D’une façon générale, le sujet du CSC n’a pas réussi à s’imposer dans le débat médiatique, et
ne fait pas l’objet d’un débat dans la sphère publique à l’échelle nationale et européenne. Cette

19
Les controverses de Mines Paris 2023

absence de débat médiatique est directement liée à l’absence de débat politique sur ce sujet.
Cependant, une nette augmentation du nombre d’articles concernant le CSC dans la presse a pu être
observée au cours des dernières années.

Ainsi, l’acceptabilité sociale constitue un des premiers freins au développement du secteur.


Elle a été la cause de plusieurs échecs de projets. Cependant, un autre facteur est à l’origine de
multiples échecs. Il s’agit du coût et du manque de rentabilité de cette technologie. En effet, par
nature, le stockage d’un déchet comme le CO2 ne présente pas de rentabilité intrinsèque et ne génère
pas de revenus sans financements extérieurs. C’est pourquoi, historiquement, un autre enjeu majeur
du développement du CSC est la question de son financement.

20
Les controverses de Mines Paris 2023

Comment financer le développement du CSC?


Le CSC soulève de profonds débats en matière de choix technologiques, de souhaitabilité et
d'acceptabilité sociale. Si le recours à cette technologie semble nécessaire dans le cadre de la
trajectoire 1,5°C (GIEC), la question de son financement est également sujette à controverses. Dans
cette dernière partie, et dans l’hypothèse d’une reconnaissance du CSC comme outil de
décarbonation, nous tenterons d’interroger le rôle des États, des entreprises et d’autres acteurs dans le
financement de son développement.

Nous noterons dans cette partie que le fort coût de la technologie suscite des interrogations
chez les industriels quant à sa viabilité. Ensuite, nous questionnerons le rôle des organismes
intergouvernementaux dans le financement du développement du CSC. Enfin, nous tenterons de
comprendre pourquoi les sphères politiques nationales ne financent que très peu cette technologie en
France.

Capter le carbone, oui, mais à quel prix ?

Le constat selon lequel le CSC est encore une technologie coûteuse et non mature du point
de vue économique est globalement partagé. Chacun des entretiens que nous avons menés avec des
personnes travaillant dans des domaines variés, de l’industrie pétrolière à l’administration française
en passant par la recherche, a confirmé cet état de fait. Ainsi, l’enseignant chercheur à l’IFPEN que
nous avons interviewé déclarait :

« La technologie [sur le plan scientifique] est relativement mature, mais elle est encore coûteuse. Donc
elle n’est pas mature en ce sens. »89

Pour des données plus chiffrées, l’IEA a réalisé en 2019 une étude du coût associé au
captage de CO2 qui montre le coût moyen (en dollars américains) par secteur et par tonne captée
[Figure 6].

89
Entretien réalisé avec un enseignant-chercheur de l’IFPEN le 25/10/2022

21
Les controverses de Mines Paris 2023

Figure 6 : Coût nivelé de la capture du CO2 par secteur et concentration initiale de CO2
Source : Baylin-Stern, A. et N. Berghout (2021, 17 Février), « Levelised cost of CO2 capture by sector and initial CO2
concentration, 2019 », AIE, Disponible sur https://www.iea.org/commentaries/is-carbon-capture-too-expensive. [Consulté
le 07/01/2023]

Ce graphique illustre également la forte variabilité du coût en fonction de la technologie


utilisée, et que le journaliste Roman Epitropakis explique ainsi dans son article publié le 5 septembre
2022 dans Les Echos Planète:

« Cette variabilité du prix reflète de grandes disparités entre les industries pour qui il est plus ou moins
facile de capter le gaz rejeté. Car plus les rejets industriels concentrent une forte part de CO2, plus il
sera facile d’un point de vue énergétique de le récupérer. »90

Or, comme évoqué par l’enseignant chercheur à l’IFPEN lors de son entretien en Octobre
2022, pour que le CSC devienne viable, c’est un secteur global qu’il faudra créer. Au vu de ces
variations de prix, on comprend mieux pourquoi il avait émis des réserves quant à la création
effective de ce secteur.

De plus, l’Energy Transitions Commission -un groupe de réflexion international axé sur la
croissance économique et l'atténuation du changement climatique réunissant de grands pétroliers, des
acteurs des industries lourdes, des chercheurs et des lobbies- considère que cette tendance des coûts
élevés ne va pas se renverser en moins de 10 ans. En effet, dans son rapport publié en 201891- soit la
même année que le rapport du GIEC- les auteurs estiment que le CSC pourrait devenir plus rentable
dans les années 2030-2040 qu'il ne l’est aujourd’hui. Cette vision se veut optimiste, mais elle n’est
pas partagée par tous. En effet, l’ONU considérait déjà en 2008 que le CSC ne pourrait être
implémenté à grande échelle à temps pour lutter efficacement contre le changement climatique en
affirmant :

90
Epitropakis, R. (2022, 09 Septembre) « La captation du carbone: vraie solution ou faux espoir ? » Les Echos Planète.
Disponible sur: https://planete.lesechos.fr/enquetes/la-captation-du-carbone-vraie-solution-ou-faux-espoir-14795/.
[Consulté le 07/01/2023]
91
Energy Transitions Commission. (2018, Novembre) « Mission Possible: Reaching net-zero carbon emissions from
harder-to-abate sectors by mid-century ». Energy Transitions Commission. Disponible sur:
https://www.energy-transitions.org/publications/mission-possible. [Consulté le 07/01/2023]

22
Les controverses de Mines Paris 2023

« Le CSC arrivera sur le champ de bataille bien trop tard pour aider le monde à éviter un dangereux
changement climatique. »92

Ce propos est rejoint par celui de Greenpeace, une ONG internationale de protection de
l'environnement, qui reprend cette citation dans son rapport de la même année, et ajoute même la
remarque suivante :

« Si le CSC est un jour en mesure de produire des résultats, ce sera trop peu, et trop tard. »93

Cette non-viabilité financière a été source, d’après Greenpeace, d’un greenwashing délétère
lié à cette technologie encore non implémentée à grande échelle. L’ONG donne ainsi l’exemple dans
ce même rapport d’une centrale électrique à charbon dans le Kent, qui avait obtenu la mention
officielle britannique de “carbone capture ready” (trad : prêt à la capture du carbone). Greenpeace
n’était pas le seul acteur à avoir cette position. Par exemple, les chercheurs britanniques Nils
Markusson et Stuart Haszeldine affirmaient dans leur papier de novembre 2010 :

« La notion de “prêt à la capture” s'accompagne de sérieuses incertitudes et ne garantit pas que les
nouvelles centrales fossiles construites seront aptes à la capture ou à la réduction à l'avenir. En tant
que stratégie réglementaire, elle a été sur-promise au Royaume-Uni. »94

Le débat autour de cette mention britannique semble s’être éteint de lui-même. Cependant,
les accusations de greenwashing pour des activités de CCS en général sont nombreuses, et des
exemples récents, tels que celui de Shell95, en attestent.

Pour l’instant, la seule technologie de CSC rentable est l’EOR. Mais, comme le rappelle le
directeur CSC chez TotalÉnergies dans l’entretien qu’il nous a accordé en novembre 2022, les
entreprises pétrolières américaines récupéraient du CO2 pour augmenter leur production de pétrole.
Deux journalistes indépendantes allemandes soulignaient ainsi l’ironie de l’EOR dans un article
publié en avril 202196, même si le professeur de l’IFPEN que nous avons interviewé portait un autre
regard sur la question :

« Alors on voit [l’EOR] comme une bouteille vide ou une bouteille pleine. Si vous le voyez comme
une bouteille vide, vous dites, ce n'est pas très sympa, parce qu’on utilise le CO2 pour produire plus
d'hydrocarbures fossiles, et donc on va rajouter du carbone d'origine fossile dans l'atmosphère, ce
n’est pas bien du tout. De l'autre, vous pouvez dire, dans la transition énergétique, on a besoin
d'énergie en grande quantité. On n'est pas à même de développer les renouvelables au rythme où l’on
devrait les développer. Donc il va nous falloir encore et toujours du pétrole dans cette transition. Et il

92
UNDP (2008, 01 Janvier) « Human Development Report: Fighting climate change: Human solidarity in a divided world
». UNDP. Disponible sur: https://hdr.undp.org/content/human-development-report-20078. [Consulté le 07/01/2023]
93
Rochon, E. (2008, Mai) «Faux espoir». Greenpeace International. Disponible sur
https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2017/02/faux-espoir.pdf. [Consulté le 07/01/2023]
94
Markusson, N. et H. Stuart (2010, Novembre) « Capture ready regulation of dossil fuel power plants - Betting the UK’s
carbon emissions on promises of future technology ». Energy Policy, Volume 38, pages 6695-6702. Doi:
10.1016/j.enpol.2010.06.039
95
Gilslam, S. (2022, 31 Janvier) « Shell accused of greenwashing emissions from carbon capture tech ».Industry Europe.
Disponible sur:
https://industryeurope.com/sectors/energy-utilities/shell-accused-of-greenwashing-emissions-from-carbon-capture-/.
[Consulté le 07/01/2023]
96
Joeres, A. et S. Götze. (2021, 10 Avril) « Les fausses promesses des technologies de captage du carbone pour réduire les
émissions de CO2 ». Le Monde. Disponible sur
https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/04/10/climat-les-fausses-promesses-des-technologies-de-captage-du-carbone_6
076305_1652612.html. [Consulté le 07/01/2023]

23
Les controverses de Mines Paris 2023

est plus subtil d’en produire plus là on a déjà mis en place des infrastructures que d'aller chercher des
infrastructures ailleurs. Et quand je dis ailleurs, il y a l'Arctique qui pourrait être une cible… »97

Malgré ces difficultés, certes nuancées, les financements étatiques continuent de jouer une
place centrale. Par exemple, le projet Northern Lights98, qui vise à offrir à l'industrie européenne la
possibilité de séquestrer de manière sûre et permanente ses émissions de CO2, est approuvé par le
Ministère Norvégien du Pétrole et de l'Énergie. Il fait partie du projet de CSC à grande échelle appelé
Langskip dont investissements et ses coûts d'exploitation sont estimés à 25,1 milliards NOK dont
environ 16,8 milliards NOK (soit l’équivalent de 1,57 milliards d'euros) sont financés par l'aide de
l'Etat norvégien. Ainsi, les organismes nationaux et intergouvernementaux ont un nouveau rôle à
jouer sur le financement de cette technologie notamment depuis le développement du marché
carbone européen.

Rôle des organismes intergouvernementaux

La France se situe dans un ensemble politique plus vaste qu’il est essentiel de prendre en
compte, car celui-ci joue un rôle majeur dans la définition des politiques climatiques : l’Union
Européenne (UE). Or, l’UE vise la neutralité carbone d’ici 2050, et l’un de ses piliers pour atteindre
cet objectif est le CSC. Le soutien de l’UE pour le CSC n’est pas récent : dès 2003, l’UE cite cette
technologie dans la première directive du marché du carbone, et en 2009, l’UE produit une directive
exclusivement au sujet du CSC99.

Ce soutien se matérialise à travers les financements importants de cette technologie qu’offre


l’UE. De 2009 à 2021, l’UE a investi près d’1 milliard d'euros sur les projets de CSC, et ce soutien
financier continue aujourd’hui. Cependant, l’utilité de ces investissements ne fait pas l’unanimité.
Par exemple, ils ont été remis en question par Annika Joeres et Suzanne Götze, deux journalistes
allemandes indépendantes dont un article a été traduit puis publié dans Le Monde. En effet, dans un
article publié le 10 avril 2021 (année où le CSC revenait sur le devant de la scène), les deux
journalistes qualifiaient d’«échec» les premiers projets européens de CSC:

«Toutes les tentatives pour séparer et séquestrer le gaz indésirable ont jusqu’ici échoué [...] en raison
du coût des projets ou d’oppositions locales».100

Plus précisément, pour les projets ne causant a priori pas de problème d’acceptabilité sociale,
la question des coûts est essentielle, et les financements européens trop faibles, comme nous l’a
expliqué un enseignant chercheur de l’IFPEN dans l’interview qu’il nous a donnée le 25 octobre
2022 :
« Pour tous les projets de stockage qui ont été proposés à terre en Europe, les populations s'y sont
opposées. Les seuls projets qui existent sont des projets qui vont stocker le CO2 au large de la
Norvège, pour le moment. [...] Le projet ROAD associé à une centrale à charbon au Pays Bas n’a eu
lieu alors qu'il était offshore parce qu'on n'a pas trouvé 450 millions d'euros pour le faire. Il n’y a pas
de business model. L’Europe a dit, je mets 300 millions d'euros (projet ENR dans années 2015-20, par
là), mais il manquait 150 millions d'euros au minimum pour le faire. Et là on ne trouve pas un Bill

97
Entretien réalisé avec un enseignant-chercheur de l’IFPEN le 25/10/2022
98
Lepic, B. (2021, 09 Mars) « Norway approves plan for Northern Lights project ». Offshore Energy. Disponible sur:
https://www.offshore-energy.biz/norway-approves-plan-for-northern-lights-project/. [Consulté le 07/01/2023]
99
European Commission. (s.d.) « Carbon capture, storage and utilisation ». European Commission. Disponible sur:
https://energy.ec.europa.eu/topics/oil-gas-and-coal/carbon-capture-storage-and-utilisation_en. [Consulté le 07/01/2023]
100
Joeres, A. et S. Götze. (2021, 10 Avril) « Les fausses promesses des technologies de captage du carbone pour réduire les
émissions de CO2 ». Le Monde. Disponible sur
https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/04/10/climat-les-fausses-promesses-des-technologies-de-captage-du-carbone_6
076305_1652612.html. [Consulté le 07/01/2023]

24
Les controverses de Mines Paris 2023

Gates ou quelqu'un comme ça qui sort des millions pour les mettre sur le sujet. Donc il a été
abandonné. »101

Les deux journalistes allemandes ont aussi interrogé Artur Runge-Metzger, de la direction
générale de l’action pour le climat à la Commission de Bruxelles, sur les types de projets de CSC
qu’il était pertinent de financer. La réponse de l’intéressé est la suivante :

« Nous ne soutiendrons plus financièrement le CCS pour les centrales à charbon. [...] Pour [les
industries de ciment et d’acier], le captage et stockage du CO2 est l’ultime espoir d’atteindre la
neutralité carbone en 2050, comme le préconise l’accord de Paris sur le climat. »102

Malgré ces réserves, l’UE continue d’investir dans le CSC. En effet, en 2022, la Commission
Européenne a annoncé investir à travers le Fonds d’Innovation (un programme de financement
européen de technologies bas-carbones cherchant notamment à développer les processus de
captation, de stockage et d'utilisation du CO) 1,8 milliards d'euros dans 17 projets à grandes échelles
de technologies bas-carbones, dont 7 projets de CSUC103.

L’UE soutient aussi le CSC à travers son marché du carbone. Le CSC est explicitement
inclus dans le marché du carbone européen depuis 2015 (une tonne de CO2 captée et stockée est
considérée comme non émise), et cela est qualifié comme une incitation «forte» par la Commission
Européenne, même si le prix du carbone a souvent été trop bas pour déclencher un réel engouement,
comme l’explique Vincent Collen dans un article des Echos104. Car, comme le rappellent les deux
journalistes allemandes Annika Joeres et Suzanne Götze :

«La rentabilité du stockage du CO2 dépend en partie du dispositif européen d’échange de quotas
d’émissions»105.

Cette dépendance permet d’expliquer pourquoi de nombreux lobbies se sont positionnés à


Bruxelles sur le sujet, même si, comme nous a dit l’Adjoint au directeur au marchés carbones du
ministère de la Transition Énergétique et Écologique dans l’entretien qu’il nous a donné le 4
Novembre 2022, «Bruxelles, c'est le paradis du lobby ! Mais c'est comme ça que ça fonctionne…».
Toujours lors de l’entretien, il a différencié deux grands types de lobbies. D’une part, les ONG
environnementales :

« Au niveau européen, je crois qu’en termes d'ONG, c'est Bellona qui est basée en Norvège justement.
C'est la position intermédiaire, parce que c'est une ONG environnementale quelque part, mais très
[CSC]. Alors que des ONG type WWF, Greenpeace, ce n’est pas trop leur truc. Enfin, je ne connais
pas toutes leurs positions, mais, je serais surpris qu’il soit à fond là-dedans. Voilà, il y a différents
acteurs mais je pense que c'est Bellona le champion du CCS sur les ONG. »106

101
Entretien réalisé avec un enseignant-chercheur de l’IFPEN le 25/10/2022
102
ibid
103
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076305_1652612.html. [Consulté le 07/01/2023]
106
Entretien réalisé avec l’Adjoint au directeur au marchés carbones du ministère de la Transition Énergétique et
Écologique le 04/11/2022

25
Les controverses de Mines Paris 2023

D’autre part, les lobbies industriels :

« Ils ne sont pas focalisés sur le social. Ils veulent que le CCS fasse partie des options, qu'il soit
possible pour maximiser leur portfolio de solutions de décarbonation mais eux leur souci premier c'est
payer moins de taxes environnementales et recevoir plus d'argent public, pour décarboner. »107

Justement, Bellona et plusieurs groupes pétroliers dont TotalÉnergies ont la même position
en faveur des carbon removal certificates (CDR), ou « certificats d’élimination du CO2 ». Dans un
article du 6 mai 2021 pour Reporterre108, Aline Robert et Alexandre-Reza Kokabi critiquaient le
lobbyisme de TotalÉnergies pour réformer le marché du carbone et permettre la revente sur ce
marché des CDR, puisqu’ils considèrent notamment qu’il y a un « risque de double comptage des
tonnes effectivement enfouies » (à la fois au niveau du site d’émission-captage, et du site de
stockage). Ce lobbyisme semble avoir fonctionné, comme en témoignent la Communication de l’UE
du 15 Décembre 2021 et les critiques qui ont suivi de la part de l’association Carbon Market Watch
dans son article du 10 janvier 2022109. Plusieurs points noirs sont mis en avant dans l’article : la
difficulté à calculer si un processus est à émissions négatives ou positives, la porosité entre CSC et
CUC qu’il faudrait selon eux clarifier -car des stockages temporaires (plastiques, bois) sont qualifiés
comme permanents dans la communication- et la position sur les CDR ambiguë qui laisse entendre
un changement de réglementation du marché du carbone, qui, selon l’article, fragiliserait celui-ci.
Malgré ces critiques, ou justement à cause d’elle, le lobbyisme a continué, comme le montre la note
de 2022 de Bellona dans laquelle il est écrit que :

« Un cadre de certification efficace peut garantir que seuls les CDR de haute qualité et fiables sont
crédités »110.

Une fois encore, ce lobbyisme semble se traduire dans les actions de l’UE, puisque une
initiative sur ce sujet est en passe d’être adoptée.111

Un cran au-dessus, l’idée d’une réglementation mondiale d’allocation des droits d'émissions
liée au CSC inquiète certains, comme Christina Voigt, professeure de droit de l’université d’Oslo, qui
s’interroge sur la question de responsabilité et affirme en 2021 :

« Un quota d’une tonne de CO₂ capturée se vendra facilement en Bourse, mais personne ne peut
garantir que ce dioxyde de carbone restera vraiment dans le sol »112.

107
Entretien réalisé avec l’Adjoint au directeur au marchés carbones du ministère de la Transition Énergétique et
Écologique le 04/11/2022
108
Robert, A. et A.-R. Kokabi (2021, 06 Mai) «Stockage de CO2: les manœuvres de Total». Reporterre. Disponible sur
https://reporterre.net/Stockage-de-CO2-les-manoeuvres-de-Total. [Consulté le 07/01/2023]
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[Consulté le 07/01/2023]
110
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https://www.catf.us/resource/carbon-dioxide-removal-certification-what-is-it-and-why-is-it-needed/. [Consulté le
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111
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112
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https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/04/10/climat-les-fausses-promesses-des-technologies-de-captage-du-carbone_6
076305_1652612.html. [Consulté le 07/01/2023]

26
Les controverses de Mines Paris 2023

Autre point important à évoquer au niveau mondial, les COP - qui sont des lieux où
différents acteurs de la lutte contre le changement climatique se rencontrent. Lors de la COP27,
Global CCS Institute a organisé une conférence pour discuter de son rapport sur le CSC113, qui met
en exergue l’importance d’un cadre réglementaire favorable pour les financements privés de CSC. Le
Global CCS Institute est considéré comme un lobby important par l’adjoint au directeur marchés
carbone du ministère de la Transition Énergétique et Écologique, qui nous a confié lors de son
entretien :

« Ça m'a l'air d'un point de vue extérieur d'être un très gros lobby. Enfin, ils ont l'air d'avoir pas mal de
moyens et d'être influents, parce qu’à chaque fois, c'est leur chiffre qu'on voit sur les [CSC]. »114

Malgré cette influence, cette COP ne s’est pas conclue sur des engagements fort, montrant
par là la difficulté pour aboutir à une coopération internationale : «Nous devons drastiquement
réduire les émissions maintenant, et c'est une question à laquelle cette COP n'a pas répondu», a
regretté le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres 115 à l'issue de la conférence climatique.

Pourquoi la France ne finance pas spécifiquement ce secteur ?

Comme nous venons de le voir, de nombreux types de financements publics sont définis à
l’international. Néanmoins, pour qu’une technologie se développe, il faut également des soutiens
nationaux qu’ils soient financiers ou politiques. L’ensemble des acteurs que nous avons interviewé
pour cette analyse confirme unanimement le manque d’un débat national en France et de soutien
politique à la technologie. Comme nous l’expliquions dans la deuxième partie, le débat est surtout
situé au niveau de l’arène scientifico-industrielle.

En effet, lors de la conférence GHGT 16 et au cours l’entretien qu’il nous a donné le 25


Octobre 2022, un enseignant chercheur de l’IFPEN a mis en avant l’importance du rôle de la
politique nationale dans le déploiement du CSC : il rappelle que c’est parce que la Norvège a mis en
place une taxe carbone en 1990 que cette technologie s’est développée en mer dès 1994. Il semble
donc nécessaire pour lui que le débat se « politise » et devienne un débat national « pour ou contre le
CSC» afin que des financements spécifiques au CSC se développent. Mais aujourd’hui, le débat ne
s’est pas encore politisé au niveau français qui est la cause du faible financement associé au CSC.

Les raisons de cette forme d’absence de politisation du débat sont multiples. Nous avons
échangé avec un membre du département marchés carbone du ministère de la Transition Écologique
et Solidaire sur ce sujet. La première raison qu’il avance est un manque de portage politique du sujet
comme nous l’expliquions précédemment. En effet, pour l’heure, aucun ministre, député ou sénateur
ne s’est « approprié » le sujet, limitant grandement les débats parlementaires sur le CSC. D’après lui,
il n’y a pour le moment pas d’intérêt politique à soutenir le CSC car « ce n’est clairement pas porteur
», un argument confirmé par S.Chailleux lors de notre entretien avec lui. Le second point évoqué par
ce membre du ministère est bien entendu la présence d’autres alternatives. Le ministère de la
transition écologique a réalisé de nombreuses consultations publiques à la suite de la première

113
Rassool, D. (2022) « Unlocking Private Finance to Support CCS Investments ». Global CCS Institute. Disponible sur:
https://www.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2021/06/Unlocking-Private-Finance-for-CCS-Thought-Leadership-
Report-1.pdf. [Consulté le 07/01/2023]
114
Entretien réalisé avec l’Adjoint au directeur au marchés carbones du ministère de la Transition Énergétique et
Écologique le 04/11/2022
115
France 24 (2022, 20 Novembre) « La COP27 se termine sur un bilan contrasté ». Site de France 24. Disponible sur:
https://www.france24.com/fr/plan%C3%A8te/20221120-la-cop27-se-termine-sur-un-bilan-contrast%C3%A9-l-ue-d%C3%
A9%C3%A7ue. [Consulté le 07/01/2023]

27
Les controverses de Mines Paris 2023

stratégie nationale bas carbone116 et il en ressortait qu’ « Il y avait quand même globalement une idée
que les gens préféraient des solutions basées sur les comportements, sur la sobriété, sur des moyens
low tech. Les paris technologiques étaient assez mal vu du point de vue société civile ». Il est
nécessaire de préciser que nous n’avons pas d’informations concernant la représentativité des votants
pour cette consultation publique. Mais cela contraste avec des volontés philanthropiques comme
celles d’Elon Musk ou de Bill Gates qui investissent aujourd’hui de grandes sommes sur les ruptures
technologiques117. Finalement, en évoquant la stratégie nationale bas carbone118, le membre du
ministère de la transition écologique et solidaire explique que la France mise et investit davantage
sur la réduction d’émissions que sur l’absorption de CO2. Il explique que le mix énergétique français
permet de faire ce choix et que d’après lui, le CSC n’est pas nécessaire à court terme et ne le sera
peut être jamais pour la France. En conséquence, dans la SNBC, comme le dit le membre du
ministère :

« Il y a du CSC mais vraiment à petite dose ».119

On lit dans la SNBC un objectif de 15 Mt CO2eq capté d’ici 2050. Cela contraste la place
prépondérante qu’occupent dans la stratégie d’autres technologies comme l’énergie nucléaire ou les
énergies renouvelables . En résulte pour ces dernières un accompagnement fort et ciblé de la part du
gouvernement pour développer précisément ces technologies. Ce n’est pas le cas pour le CSC qui ne
bénéficie pas de financements spécifiques à l’échelle nationale. On constate donc très clairement que
le manque de débat national autour du sujet entraîne un manque d’objectifs nationaux et un manque
de financement. Il est important de nuancer ce propos puisqu'il existe des projets CSC financés par
des fonds de l'État. Avec des plans de financement comme France Relance ou France 2030 ce sont
des milliards d’euros de financements pour la décarbonation de l’industrie dont font parfois partie
les projets de CSC.

On peut néanmoins conclure qu’au niveau national, la France n’a pas priorisé le
développement de cette technologie par rapport à d’autres. Cela contraste avec d’autres pays
européens comme le Royaume Uni où l’on peut lire dans le business model du gouvernement pour
cette technologie que :

« L'ambition du Royaume-Uni est de capter et de stocker 20 à 30 millions de tonnes d'émissions de


carbone par an d'ici 2030 »120

C’est considérablement plus que la France. D’autres pays comme l’Allemagne ou les Pays
Bas tablent également sur ce secteur comme l’illustre sur son site le Global CCS Institute où l’on
peut voir l’ensemble des projets CCS en cours de développement (voir figure 7).

116
Stratégie Nationale Bas Carbone (2020, Janvier) « Projet de consultation du Public ». Ministère de la Transition
écologique et solidaire. Disponible sur: https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020-01-20_MTES_SNBC2.pdf
[Consulté le 07/01/2023]
117
Neate, R. (2021, 08 Février) « Elon Musk pledges $100m to carbon capture contest ». The Guardian. Disponible sur:
https://www.theguardian.com/environment/2021/feb/08/elon-musk-pledges-100m-to-carbon-capture-contest. [Consulté le
07/01/2023]
118
Stratégie Nationale Bas Carbone (2020, Janvier) « Projet de consultation du Public ». Ministère de la Transition
écologique et solidaire. Disponible sur: https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2020-01-20_MTES_SNBC2.pdf
[Consulté le 07/01/2023]
119
Entretien réalisé avec un membre du ministère de la transition écologique et solidaire le 4 Novembre 2022.
120
Department for Business, Energy and Industrial Strategy (2022, Janvier) « Carbon Capture, Usage and Storage ». UK
Government. Disponible sur:
https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1045066/ccus-transport-s
torage-business-model-jan-2022.pdf. [Consulté le 07/01/2023]

28
Les controverses de Mines Paris 2023

Figure 7: Ensemble des projets CCS en cours de développement en Europe de l’Ouest


Source : Global CCS Institute (2019, 17 Octobre), «CCS Facilities», site de la Global CCS Institute. Disponible sur
https://co2re.co/FacilityData.[Consulté le 07/01/2023]

On constate donc que les objectifs mondiaux fixés par le GIEC sont transposés différemment
suivant les pays. Une directive légale émise par la Commission Européenne est toujours transposée
et adaptée aux lois du pays en question et il s’agit du même type de processus ici, les pays ayant
adapté les recommandations du GIEC en fonction de leur propre situation. Mais ce choix est-il
cohérent ici? Traiter de façon nationale la problématique mondiale du réchauffement climatique a ses
limites selon certains. Ainsi, Kian Mintz Woo, chercheur en philosophie à l’Université de Cork, en
Irlande, explique dans son papier de 2021 (au moment où la question du CSC revenait sur le devant
de la scène en Europe) que :

« Nous sommes face à un dilemme moral quant au CSC, et plus particulièrement sur la question des
lieux où le mettre en place : dans les nouveaux pays industriels qui polluent le plus actuellement et
n’ayant pas forcément les ressources géologiques ni juridiques pour, ou bien dans les pays développés
possédant la législation et les financements adaptés, et ayant les ressources géologiques adéquates.
»121

Bien qu’il ne prenne pas position à la fin de son article, Mintz-Woo appelle néanmoins à
préciser le type de coopération voulue entre les États. Ainsi, malgré la nécessité d’adapter la stratégie
mondiale à chaque pays, une coopération financière semble nécessaire pour créer des infrastructures
mondiales pouvant également profiter à des pays plus pauvres.

Conclusion de la Partie

Historiquement, la question de la rentabilité du CSC est un des freins majeurs à son


développement. Peu de valeurs référence font consensus internationalement en raison de la
variabilité des coûts associés à chaque technologie et à chaque projet. Ainsi, comme cela a été
évoqué, les projets CSC ont eu du mal à se développer pendant les années 2000-2010, emportés par
la chute du marché carbone européen et la crise financière de 2008. C’est depuis 2018 et le rapport
spécial du GIEC qui a reboosté le marché Carbone européen que l’engouement a repris, et de
nouvelles formes de financements émergent via des subventions publiques nationales et
internationales suscitant de nouveaux espoirs. Néanmoins, la France n’a pour l’instant pas pris cette
direction au niveau politique, investissant peu dans le CSC. En France, c’est TotalÉnergies qui
121
Mintz-Woo, K. et J. Lane. (2021, 18 Novembre) « Why and Where to Fund Carbon Capture and Storage ». Science and
Engineering Ethics, Volume 27. Doi: 10.1007/s11948-021-00344-3.

29
Les controverses de Mines Paris 2023

pousse au développement du secteur en appelant l’Union Européenne au financement, mais cet


acteur est peu écouté pour le moment.

30
Les controverses de Mines Paris 2023

Conclusion
Il est important d’avoir à l’esprit que le CSC regroupe une large gamme de technologies
ayant chacune ses spécificités. C’est pourquoi il est difficile d’aboutir à un consensus technique et de
déterminer si cette solution pourra répondre aux attentes de décarbonation. Chacune des phases
(captage, transport, stockage ou réutilisation) présente des difficultés du point industriel. Au cours de
leur développement, ces technologies ont soulevé des controverses classiques de doute scientifique
mais sont aujourd’hui largement considérées comme matures et comportant des risques contrôlés par
les experts scientifiques. Néanmoins, seuls peu de projets économiquement viables ont vu le jour en
raison du manque de financements externes ou des contestations locales. Ce dernier point a
transformé le secteur et a mené au développement de la plupart des projets actuels en offshore.
Certains industriels trouvent cependant des solutions en arrivant à créer un dialogue fructueux avec
les populations locales, notamment grâce à un ancrage historique fort dans la région du projet.

C’est surtout depuis la publication du rapport spécial du GIEC que la donne change pour le
CSC. De nouveaux acteurs s’emparent du débat au niveau public et l’on constate une augmentation
drastique de publications de la presse sur le sujet. C’est notamment le cas des lobbys
environnementaux qui adressent de nouvelles critiques au CSC, en soulignant le caractère paradoxal
d’une technologie de décarbonation historiquement portée par des acteurs pétroliers. Néanmoins, le
sujet est encore peu présent dans les arènes politiques et médiatiques nationales, lesquelles
s’engendrent réciproquement. Ainsi, le sujet reste malgré tout relativement confiné dans des arènes
médiatiques et politiques locales et le portage médiatique du CSC reste faible, ce qui limite une
forme de consensus et d'émergence d’objectifs communs vis-à-vis de ce secteur en France.

Enfin, de nouvelles technologies comme le Direct Air Capture sont aujourd’hui développées.
Perçues comme des ruptures technologiques, elles bénéficient d’un attrait très important pour les
investisseurs, contrairement aux technologies plus anciennes. Ces technologies pourraient modifier
profondément le secteur du captage, notamment pour les acteurs pétroliers via des coalitions
internationales, à la fois industrielles (Northern Lights par exemple) et politiques. Le marché
carbone, en forte croissance ces dernières années, pourrait aider ces acteurs à trouver davantage
d’équilibre économique. On assiste donc à une évolution profonde du secteur avec l’émergence de
startups venant contester les technologies historiques et une volonté croissante des états de
développer des projets. C’est sans doute l’union entre ces acteurs historiques -détenteurs d’un
véritable savoir-faire dans le stockage et la gestion des puits d’hydrocarbures- avec des acteurs
montrant une volonté écologique forte qui pourrait permettre un plein développement des
potentialités du secteur.

31
Les controverses de Mines Paris 2023

■ Matériel et méthodes
L’étude de la controverse sur la capture et le stockage / utilisation du CO2 a été réalisée à l’aide de
quatres sources d’informations :
● Les articles de presse nationale et internationale;
● Les articles scientifiques et les rapports des experts;
● La littérature grise;
● Les entretiens menés avec les acteurs de la controverse.

Tout d’abord, nous avons étudié les presses et les articles scientifiques afin de mieux comprendre le
sujet. Ensuite, nous avons recueilli deux corpus d’articles avec les équations suivant : « TEXT=
"captage et de stockage du dioxyde de carbone" | "carbon capture and storage" | "Séquestration
géologique du dioxyde de carbone" | "confinement du dioxyde de carbone" | "Séquestration
géologique du carbone" | "confinement du carbone" » pour la presse nationale issu de la base de
données de Europresse; « TOPIC = carbon capture and storage » pour l’article scientifique
internationale issu de la base de données de Web of Science. Nous avons écarté les sigles « CSS »
et « CSC » qui peuvent renvoyer à d’autres notions.

À l’aide de l’outil statistique d’Europresse et de Web of Science, nous avons pu obtenir les articles
publiés par année. On remarque que le CSC a été mentionné la première fois en 2000, puis on
constate une croissance à partir de 2008 et ensuite une stabilisation à partir de 2017. Afin d’utiliser
le logiciel IRaMuTeQ qui permet d’une analyse automatisée des textes, l’exportation du corpus
Europresse vers Excel a été réalisée à l’aide de la plateforme CorText. Ces résultats ainsi que les
regroupements des éléments nous ont permis d’obtenir une liste de mot-clés.

Toutes ces méthodes nous ont permis de réaliser une analyse quantitative de la fréquence
d’apparition d’articles scientifiques ou de presse généraliste sur le sujet.

32
Les controverses de Mines Paris 2023

Références bibliographiques
NB: les références apparaissant plusieurs fois dans le texte n’ont pas été doublées ici

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- Enseignant-chercheur et professeur à IFP School sur les sujets de capture et stockage du
Carbone. Co-titulaire de la Chaire "Carbon management and negative CO2 emissions
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Entretien réalisé le 25 Octobre 2022.

- Sébastien Chailleux, maître de conférence en science politique à Sciences Po Bordeaux.


Auteur de “L’acceptabilité au prisme du stockage géologique de CO2 : retour sur un débat
non émergé”, étude sur l’acceptabilité sociale autour des technologies de capture de carbone.
Entretien réalisé le 2 Novembre 2022.

- Exécutif chargé des projets CSC chez TotalÉnergies.


Entretien réalisé le 16 Novembre 2022.

- Adjoint au chef de bureau des marchés carbone chez Ministère de la Transition écologique et
solidaire.
Entretien réalisé le 22 Novembre 2022.

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