Après nous, le chaos
Par Muriel Acquaviva
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Au sein de la protection maternelle et infantile, Muriel Acquaviva accompagne chaque jour la fragilité des êtres et la complexité des liens familiaux. Avec ce premier roman, nourri de son parcours, elle transforme l’expérience intime en récit littéraire pour donner voix à celles et ceux que l’on tait.
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Avis sur Après nous, le chaos
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Aperçu du livre
Après nous, le chaos - Muriel Acquaviva
Chapitre 1
Vivre à deux sans exister
La maison était silencieuse, comme tous les matins.
Mickaël referma la porte de la salle de bain, les cheveux encore humides, sa veste de cuisine sur le bras. Il jeta un regard furtif vers le salon, Sabrina était déjà debout, sur le canapé, enroulée dans un plaid, les yeux rivés sur son téléphone. Aucun mot, aucun geste, pas même un regard.
Il attrapa son sac sans bruit, les enfants dormaient encore, il aimait ce moment calme, volé à la lourdeur du quotidien. C’était le seul instant où tout semblait encore possible.
Depuis combien de temps n’avaient-ils pas échangé un vrai mot ? Pas une phrase utilitaire, pas un reproche. Un mot, un rire, une caresse. Deux ans peut-être.
Le lit conjugal était devenu une frontière infranchissable. Il dormait sur le canapé sous prétexte de ses horaires tardifs. En vérité, il avait fui depuis longtemps l’indifférence, l’agacement constant, les sarcasmes, les crises imprévisibles.
Sabrina ne l’aimait plus, elle ne faisait même plus semblant. Et lui, il ne savait même pas s’il avait été aimé un jour.
Mickaël avait 40 ans, il n’attendait pas grand-chose de la vie, sinon qu’on le laisse tranquille.
Il avait toujours été un homme de silence. Non pas par froideur, mais par pudeur. Il appartenait à cette race d’hommes qui pensent plus qu’ils ne parlent, qui observent davantage qu’ils n’agissent, du moins en surface. Chef cuisinier passionné, il avait depuis l’adolescence trouvé refuge dans l’ordre des fourneaux, dans la rigueur du geste, la précision de la cuisson, l’élégance discrète d’un plat bien dressé. Le chaos du monde extérieur l’angoissait, mais dans une cuisine, tout avait sa place, son timing, sa logique.
Introverti, timide, Mickaël n’aimait pas être au centre. Il préférait les marges, les coulisses, là où personne ne le regardait trop longtemps. Il était d’une sensibilité qu’il avait appris à masquer, élevé dans une culture où les hommes « ne pleurent pas », ne flanchent pas, ne demandent pas. À quarante ans, il portait cette armure de silence comme un costume trop lourd, mais familier.
Il était endurant, réfléchi, presque obsessionnel dans ses choix. Il ne prenait aucune décision à la légère. Quand il aimait, c’était entièrement, mais il fallait du temps. Beaucoup. Et souvent, le monde allait trop vite pour lui.
Sa vie avec Sabrina n’était plus qu’une habitude. Une inertie. Une cohabitation sèche, vidée de chaleur. Il s’était laissé enfermer dans un quotidien morne, fait de travail et de responsabilités, sans jamais oser provoquer l’électrochoc. Il s’occupait des enfants, ne vivait que pour eux, se noyait dans les horaires à rallonge, les doubles shifts, les extra. C’était un homme loyal, mais éteint.
Elle, de son côté, ne travaillait plus depuis des années. RSA, aides sociales, quelques combines administratives. Elle gérait les enfants à sa façon : autoritaire, fusionnelle, souvent excessive. Elle hurlait beaucoup, câlinait trop, punissait brutalement. Les enfants s’étaient habitués, ils aimaient leur mère, mais trouvaient chez leur père un refuge muet, Mickaël était le pilier silencieux : Il ne criait jamais, ne frappait jamais, il était là, toujours.
Sabrina, quant à elle, était née en Côte d’Ivoire et était arrivée très jeune en France. Elle avait grandi dans le manque, dans le silence d’un père mort trop tôt et d’une mère débordée. Son enfance avait été une lutte permanente pour exister. Pour être entendue. Pour être forte.
Elle s’était construit une carapace de béton et de mots coupants. Par réflexe. Par survie. À 33 ans, elle avait son premier enfant. Puis un deuxième, puis un troisième. Elle n’avait pas vraiment choisi la maternité, mais elle l’avait embrassée avec férocité. Ses enfants, c’était sa raison, son territoire, son pouvoir. Elle les aimait d’un amour fusionnel, presque animal, avec cette dévotion écrasante qui ne laissait pas beaucoup de place à la nuance.
Elle ne travaillait pas. Pas vraiment par choix. Le RSA, les aides, les rendez-vous CAF et les suivis sociaux faisaient partie de son quotidien. Elle enrageait parfois d’être dépendante, mais n’envisageait pas de changer ce confort douloureux. Mickaël, c’était son pilier. Pas un partenaire d’amour, ça faisait longtemps qu’elle ne le regardait plus comme tel, mais un conjoint d’utilité. Une sécurité. Un statut.
Ce n’est pas lui qu’elle aimait encore. C’était la place qu’il lui offrait dans la société : celle d’une femme en couple, d’une famille « normale », cette image qu’elle pouvait encore coller sur les réseaux ou brandir face aux assistantes sociales.
Sans lui, elle n’était plus que « la mère isolée au RSA ». Et ça, elle ne l’acceptait pas.
Sabrina tenait à cet appartement, à cette image. Un foyer avec un homme stable, des enfants scolarisés, une sécurité apparente. Elle n’aimait plus Mickaël, mais elle aimait ce qu’il représentait. Elle disait souvent « Moi, je ne suis pas comme ces mères avec trois gosses. Moi, j’ai un foyer, moi j’ai un homme ». Un homme qu’elle ne touchait plus, qu’elle méprisait parfois, mais qu’elle refusait de perdre. Car perdre Mickaël, c’était chuter socialement, et ça, elle ne le supportait pas.
Le soir, ils dînaient en décalé, les enfants d’abord, puis lui. Elle mangeait debout souvent, ou dans le salon, ils ne partageaient plus rien, sauf les corvées. Sabrina se plaignait tout le temps de ses douleurs, du bruit des enfants, de la fatigue, mais jamais d’elle-même. Mickaël ne disait rien, il observait, il encaissait. Il notait les failles, sans y croire encore. Il pensait que c’était ça la vie, un compromis sans tendresse.
Un jour, au travail, son second lui dit : « Franchement chef, t’as l’air mort, tu as besoin de respirer ». Mickaël n’avait rien répondu, mais ce soir-là, en rentrant, il regarda sa vie comme on regarde une pièce qu’on s’apprête à quitter. Il regarda Sabrina, ses enfants, le canapé, les murs un peu gris, les volets coincés ; il vit tout et il sut. Il ne l’aimait plus non plus, mais lui il aurait aimé que cela soit autrement, il aurait aimé être heureux.
Chapitre 2
L’appel
C’est au mois de juin que tout a basculé, une ancienne connaissance lui proposa le poste de chef dans un camping au bord de la mer, pour la saison. Du renfort, une cuisine traditionnelle, beaucoup de monde, mais une ambiance familiale. Mickaël hésite, il en parle à Sabrina, elle hausse les épaules : « Fais bien comme tu veux ».
Il accepte provisoirement pour un dépannage, il verra après. Il ne le sait pas encore, mais il vient d’ouvrir une porte qu’il ne pourra plus refermer.
Le soleil tapait déjà fort ce matin-là, bien que l’été n’ait officiellement pas encore commencé.
Mickaël gara sa voiture poussiéreuse sur le gravier brûlant de l’entrée. Devant lui, le camping s’étendait comme un petit monde en ébullition. Les premières familles arrivaient, les vélos d’enfants zigzaguaient entre les allées, les cris étouffés des jeunes saisonniers résonnaient entre les pins.
Tout sentait la résine, l’herbe coupée, la crème solaire et la frite.
Le décor était vivant, brut, presque joyeux. Et pourtant, Mickaël ne ressentait rien. Pas encore.
Il était là pour bosser, rien d’autre. Un poste de chef, une nouvelle équipe à cadrer, une saison à tenir. Il avait quitté sa voiture avec le pas ferme de celui qui n’attend plus rien de neuf. Son cœur, comme sa vie, semblait rangé en caissons hermétiques. Il était fatigué. Silencieux. Usé.
La patronne du camping, une femme au look franc, lui serra la main à l’ombre de l’accueil, puis l’entraîna sans attendre vers les cuisines.
— Vous verrez, on a besoin de quelqu’un de carré cette saison. Y a du potentiel, mais faut tout remettre en ordre. Je vous montre ?
Ils traversèrent les allées bordées de mobil-homes pimpants, récemment nettoyés, les jardiniers s’affairaient encore autour des massifs. Les odeurs de la préparation du service de midi commençaient à flotter dans l’air : tomates cerises, oignons dorés, pain chaud.
Et là, dans le fond d’une cuisine déjà animée, il l’aperçut.
Elle était de dos.
Un chignon improvisé, des gestes précis, une présence discrète mais affirmée, elle était simple, lumineuse, pas maquillée, pas apprêtée, mais tout en elle respirait la vie. Elle lui sourit, un vrai sourire, le premier qu’il recevait depuis longtemps.
La patronne lança d’un ton léger :
— Élise ? Viens deux minutes. Je te présente Mickaël, le futur chef.
Et tout s’arrêta.
Le bruit du frigo, les pas, les voix, même la chaleur. Plus rien n’existait dans cet instant suspendu.
Elle avait des yeux doux, mais vifs. Une bouche qui savait sourire sans parler. Et un regard qui semblait le lire en une seconde.
Il voulut parler, mais ses mots s’enfuirent.
Elle le salua simplement, poliment. Mais son regard ne le quitta pas. Il y avait quelque chose là. Quelque chose d’ancien, d’évident.
Comme un fil tendu entre eux. Invisible, mais déjà trop fort pour être nié.
Mickaël, pourtant si rationnel, sentit quelque chose se fissurer.
Une lumière fragile, presque douloureuse, venait de s’allumer à l’intérieur.
Les jours se mirent à glisser comme des perles sur un fil.
Le camping, de plus en plus peuplé, bourdonnait d’activité. La cuisine tournait à plein régime, les commandes s’enchaînaient, les équipes prenaient leurs marques. Le rythme était soutenu, parfois épuisant, mais Mickaël ne s’en plaignait pas. Il retrouvait dans cette effervescence quelque chose de familier, une routine ordonnée, où chaque geste comptait, où chaque minute pesait.
Mais ce n’était pas le travail qui le tenait éveillé.
C’était elle.
Élise.
Chaque matin, il guettait son arrivée sans en avoir l’air. Elle portait souvent un vieux tote bag, un pull léger noué autour de
