Catherine de Médicis: La reine qui fit trembler la France
Par Jean-H. Mariejol
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À propos de ce livre électronique
Épouse d’Henri II, mère de trois rois et régente de fait pendant près de trente ans, Catherine de Médicis a façonné l’Histoire de France comme peu de souveraines avant elle. Entre les intrigues de cour, les rivalités religieuses et les guerres de Religion, elle sut manœuvrer avec une habileté redoutable, devenant pour certains une protectrice éclairée, et pour d’autres, l’incarnation du mal politique.
Jean-H. Mariejol dresse ici le portrait nuancé d’une femme souvent caricaturée : ni sainte ni monstre, mais stratège, calculatrice et parfois impitoyable. Derrière la légende noire de la Saint-Barthélemy se dévoile une figure complexe, partagée entre la volonté de maintenir l’unité du royaume et les nécessités d’un pouvoir vacillant. Ses alliances changeantes, ses ruses diplomatiques et sa force de caractère firent trembler princes, protestants et catholiques, et marquèrent durablement l’imaginaire collectif.
"Catherine de Médicis : La Reine qui Fit Trembler la France" plonge le lecteur au cœur du XVIᵉ siècle, dans un récit où se mêlent complots, passions, massacres et pouvoir. Une biographie incontournable pour comprendre l’Histoire de France et l’une de ses figures les plus fascinantes.
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Aperçu du livre
Catherine de Médicis - Jean-H. Mariejol
© CurioVox
Bruxelles - Paris
http://www.curieuseshistoires.net
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ISBN : 9782390840251 – EAN : 9782390840251
Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.
Jean-H. MARIÉJOL
CATHERINE
DE MÉDICIS
La Reine qui Fit
Trembler la France
PRÉFACE
Cette biographie n'est ni un plaidoyer, ni un réquisitoire, ni une satire, ni un panégyrique, mais une histoire aussi objective que possible de la vie et du gouvernement de Catherine de Médicis.
Le sujet n'a jamais été traité en son ensemble et il est en effet vaste, complexe et divers. Née d'un père florentin et d'une mère française, élevée en Italie jusqu'à l'âge de quatorze ans et depuis fixée en France par son mariage avec un fils de François Ier, Catherine participait de deux pays et de deux civilisations. Épouse aimante, docile, effacée d'Henri II et Reine-mère très puissante, elle dirigea presque souverainement les affaires du royaume, pendant plus d'un quart de siècle, au nom de Charles IX et d'Henri III, ses fils. La lutte entre le parti protestant et l'État catholique commençait quand elle prit le pouvoir, et elle le garda jusqu'à sa mort parmi les résistances, les troubles et les guerres que provoqua dans toutes les provinces et dans toutes les classes le conflit des passions religieuses, des intérêts politiques, des ambitions personnelles.
Mais l'œuvre est difficile moins par son étendue et sa variété que par l'effort d'impartialité quelle exige. Le massacre de la Saint-Barthélemy est si odieux que l'horreur en rejaillit sur tous les actes de celle qui le décida et qu'on a peine à se défendre de la juger uniquement sur cette crise de fureur. L'excès contraire, et celui-là inexcusable, ce serait, par réaction contre cet instinct d'humanité, de vouloir l'absoudre et l'innocenter en tout. Mais, tout en répugnant au paradoxe d'une réhabilitation, on a bien le droit de se demander si ce crime de l'ambition et de la peur est l'indice d'une nature perverse. La plupart des historiens représentent cette grande coupable comme indifférente au bien et au mal, n'aimant rien ni personne, fausse, perfide et foncièrement cruelle, en un mot, comme une criminelle-née. Ils ont l'air d'oublier qu'elle passait pour douce et bénigne et qu'au début de son gouvernement elle se montra capable de bonnes intentions et de bonnes actions. J'ai vérifié les causes de cette réprobation absolue et j'expose ici le résultat de mes recherches. Je pense avoir découvert une Catherine assez différente du Machiavel féminin de la légende ou de l'histoire et qui n'est ni si noire ni si grande. Peut-être me suis-je trompé, mais c'est de très bonne foi, et l'on se convaincra, je l'espère, après m'avoir lu jusqu'au bout, que mon erreur, si erreur il y a, n'est pas sans excuses.
Avant que la correspondance de Catherine de Médicis fût publiée, je n'aurais eu ni le moyen ni même l'idée d'écrire ce livre. Les lettres, surtout les lettres familières, où l'on n'a pas intérêt à dissimuler, sont la source d'information la plus sûre sur les pensées et les arrière-pensées. La plupart reposaient dans les Archives publiques ou privées, et le peu qui en avait paru était dispersé dans toutes sortes d'ouvrages. Le comte Hector de La Ferrière entreprit, et, lui mort, M. le comte Baguenault de Puchesse, avec une méthode rigoureuse, acheva de réunir l'inédit et l'imprimé dans un seul recueil. Le tout remplit dix volumes de la Collection des Documents inédits relatifs à l'Histoire de France et mérite d'être cité, à côté des Lettres Missives d'Henri IV, comme une œuvre qui fait très grand honneur à l'érudition française. S'il est étrange que le premier en date des deux éditeurs ait, pour rendre ses préfaces plus alertes et vivantes, coupé en dialogues des rapports et des dépêches d'ambassadeurs, s'il se rencontre en cet immense travail quelques erreurs de datation ou d'identification, la coquetterie de la forme et de légères imperfections de fond, qu'un erratum peut facilement corriger, ne doivent pas faire oublier l'importance du service rendu.
Que saurait-on exactement, sans toutes ces lettres, du caractère de Catherine, de ses goûts, de ses sentiments, de ses projets, de ses illusions, de ses rêves, de toutes les manifestations de la personnalité qui échappent le plus souvent à l'histoire officielle? Si elles n'apprennent rien sur son éducation italienne, elles permettent d'apprécier, au cours de sa vie en France, sa formation intellectuelle, son tour d'esprit, sa sagesse mondaine, l'agrément de son commerce, ses qualités d'épistolière, de diplomate, d'orateur, de politique. Elles expliquent ses ambitions, ses variations, ses contradictions, ses complaisances: amour conjugal et partage avec la favorite Diane de Poitiers, tendresse maternelle et jalousie du pouvoir, tolérance religieuse et guerre d'extermination, alliances catholiques et alliances protestantes, lutte contre l'Espagne et capitulation devant la Ligue. Lues et relues de suite et de près, complétées, éclairées, rectifiées l'une par l'autre, elles aident à deviner sous la teinte des attitudes une femme d'État dont la maîtrise sur elle-même fut la grande vertu. Assurément, ces investigations ne sont pas toujours favorables à Catherine, et souvent elles lui sont contraires. On la prend, malgré ses échappatoires, en flagrant délit de mauvaise foi, de ruse et de mensonge. Le principal mérite de sa correspondance, c'est que, sans le vouloir, elle s'y peint elle-même au naturel en bien comme en mal.
Aussi est-elle mon meilleur témoin. On voudra bien se souvenir que j'écris une biographie de Catherine de Médicis, et non l'histoire de son temps. J'ai donc raconté en détail les événements où elle a joué un rôle, mais je me suis borné pour les autres aux traits et aux circonstances qui pouvaient servir de cadre et d'éclaircissement à son action. Les lecteurs qui seraient curieux d'en savoir davantage sur l'administration, la politique générale et la guerre n'ont qu'à se reporter au tome VI.
i
de l'Histoire de France de Lavisse. Grâce à ce départ, j'ai pu resserrer en un volume de quatre cents pages le cours de cette existence et si longue et si pleine. Qu'il s'agisse de l'enfance et de la première jeunesse de Catherine en Italie, de son mariage avec un fils de France, de sa vie de Dauphine et de Reine et de son gouvernement pendant le règne de ses fils, c'est d'elle toujours et principalement d'elle qu'il sera question.
Mon sujet était si restreint et si particulier qu'il n'exigeait pas absolument de nouvelles recherches d'archives. Il suffisait, pour mener à bien une étude psychologique de cette Médicis française, de recourir par-dessus tous les autres documents, à ses Lettres. Même réduite à cette proportion, c'était, je crois, une œuvre utile. Cette correspondance risquerait, comme tant d'autres monuments imprimés, de dormir dans le silence des Bibliothèques du demi-sommeil de l'inédit, si quelques indiscrets, dont je suis, ne s'avisaient de les toucher d'une main amie. Les Préfaces même, ces préfaces si bien informées, qui pourraient servir tout au moins de guide aux curieux, font tellement corps avec les grands in-quarto qu'elles restent comme eux un objet lointain d'admiration et de respect, major e longinquo reverentia. Il est bon que des vulgarisateurs se dévouent, pour la gloire même des érudits, à signaler au public lettré, dans des livres plus maniables, ce que ces immenses travaux de découverte, de collation, de critique ajoutent à la connaissance du temps passé et aux progrès de la vérité historique. Et ce n'est même pas assez. Il serait mieux encore de choisir dans la masse des textes ceux qui sont le plus capables d'aider le lecteur à se faire une opinion aussi personnelle que possible des événements et des hommes d'autrefois. J'ai à cette intention cité dans ce livre, et presque à chaque page, les lettres de Catherine en prenant le soin toutefois d'encadrer ces extraits et de les mettre en leur meilleur jour. Je l'aurais laissée parler toute seule si je l'avais pu. Mais il y a telle époque, comme celle de son enfance, où Catherine ne pouvait pas se raconter, et plus tard des circonstances où elle ne l'a pas voulu. Il a fallu alors de toute nécessité que j'intervinsse pour reconstituer sa vie à l'aide d'autres témoignages.
J'aurais voulu épargner à mes lecteurs l'effort auquel oblige l'orthographe du
XVI
e siècle. Elle n'est pas seulement différente de la nôtre: elle est incohérente, parce que personnelle. On ne peut pas parler de faute et d'ignorance quand il n'y a pas encore de règle établie. Les imprimeurs naturellement tendent à l'uniformité, mais ils n'ont d'action directe que sur les écrivains et les rédacteurs de papiers publics. Le reste, c'est-à-dire à peu près tout le monde, écrit à sa guise, d'après le souvenir imprécis de ses yeux ou de ses oreilles, et quelquefois, dans la même page ou dans la même phrase le même mot se présente figuré de deux ou trois manières. Aussi les publications d'inédit de notre temps ont un aspect d'autant plus rébarbatif qu'elles sont en général plus consciencieuses et plus fidèles. Ajoutons que, pour augmenter la bigarrure, les minutes étant souvent perdues, il ne reste que des copies faites plusieurs années ou même un siècle après par des gens qui dénaturaient à la mode de leur époque l'orthographe du modèle. J'avais pensé d'abord à corriger tous ces textes et à les ramener à une forme commune, mais quelle forme? Celle de mon choix, puisqu'au
XVI
e siècle il n'y en a point d'universellement admise. Mais je ne me suis pas senti le courage, n'étant pas grammairien, de prendre une pareille responsabilité. J'ai donc reproduit les textes tels qu'ils se rencontraient dans les meilleures éditions dont je me suis servi. C'est un habit d'arlequin, j'en conviens, mais il n'en faut accuser que la diversité des temps et des personnes. Quant à la graphie de Catherine, elle est parfois si purement phonétique, que j'ai été obligé, pour comprendre certains passages, de les lire à haute voix au lieu de les parcourir des yeux. Le mélange de sons et de mots italiens la fait paraître encore plus étrange. J'ai, pour la clarté du sens, modernisé ou francisé entre parenthèses ce qui me paraissait inintelligible. Et même dans les citations les plus longues, quand les obscurités abondaient trop, j'ai pris le parti de reproduire l'original et d'en donner en note--le mot n'est qu'un peu fort--une traduction.
Il est probable que j'ai commis dans le récit des événements des erreurs de dates ou de faits (sans parler des fautes d'impression), mais je ne crois pas qu'il y en ait d'essentielles et qui infirment mes conclusions, et c'est là ce qui importe. Assurément il vaut mieux être exact jusqu'à la minutie, mais, outre qu'il n'est pas toujours facile de mettre d'accord les contemporains et qu'il faut choisir quelquefois, sans contrôle possible, entre différentes indications chronologiques et historiques, il est inévitable que l'auteur, en un si long effort, soit sujet à quelques défaillances. Se tromper d'un ou même de plusieurs jours et sur certains détails, le mal n'est pas bien grand quand l'ordre des événements n'est pas interverti et que l'effet n'est pas pris pour la cause ou réciproquement. Ce sont peccadilles qui paraîtront, je l'espère, pardonnables surtout à ceux qui auront le plaisir de les relever.
Je m'excuse enfin de n'avoir pas joint à cette courte biographie une bibliographie très complète; il y faudrait celle des trois quarts du
XVI
e siècle. Je me suis borné à indiquer en tête du volume, et surtout au bas des pages, les recueils de documents et les livres dont je me suis le plus servi. Je renvoie pour les autres, c'est-à-dire pour le plus grand nombre, à l'Histoire de France de Lavisse, t. V. 2 et t. VI. 1. On y trouvera catalogués à leur place les ouvrages que j'ai consultés ou suivis pour le récit général des faits, sans avoir pris toujours la peine de les citer à nouveau. Mais je n'ai pas manqué de dire et même de redire mes références toutes les fois qu'il s'agissait de rectifier une erreur ou d'établir une vérité dans la vie, le rôle et le gouvernement de Catherine de Médicis.
CHAPITRE PREMIER
LA JEUNESSE
DE CATHERINE DE MÉDICIS
Catherine
de Médicis, la Catherine des Guerres de Religion, bru de François Ier, femme d'Henri II, mère des trois derniers rois de la dynastie des Valois-Angoulême, et qui gouverna presque souverainement le royaume sous deux de ses fils, Charles IX et Henri III, n'était pas de pure race florentine. Elle avait pour père Laurent de Médicis, petit-fils de Laurent le Magnifique, mais sa mère était une Française de la plus haute aristocratie, Madeleine de La Tour d'Auvergne, comtesse de Boulogne.
Ce mariage d'une jeune fille apparentée à la famille royale avec le neveu du pape Léon X, fut, comme le sera celui d'Henri de Valois avec Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII, un calcul de la diplomatie française.
Après la victoire de Marignan et la conquête du Milanais, François Ier, désireux de changer en alliance la paix qu'il venait d'imposer à Léon X, avait pris rendez-vous avec lui à Bologne, et là, dans les entretiens où fut ébauché le plan du Concordat (déc. 1515), il lui parla de ses projets sur Naples. Le Saint-Siège étant le suzerain de droit de ce royaume, dont les Espagnols étaient les maîtres de fait, il offrait au Pape, en échange de l'investiture, de favoriser ses ambitions de famille. Léon X, qui avait autant à cœur l'intérêt des siens que le repos de la chrétienté, accueillit bien les avances du Roi et ne découragea pas ses prétentions; des avantages qui s'annonçaient immédiats pouvaient bien être payés d'un vague acquiescement à des rêves de conquêtes. Les Médicis, qui avaient recouvré leur pouvoir à Florence en 1512, après un exil de dix-huit ans, devaient craindre que le parti républicain, mal résigné, ne cherchât, conformément à ses traditions, encouragement et secours auprès du roi de France. L'amitié de François Ier, leur proche voisin à Milan et à Plaisance, les garantissait contre les complots et les agressions. Elle leur permettait par surcroît les grands desseins.
De la descendance légitime de Côme l'Ancien, il ne restait que trois mâles, le Pape, son frère Julien--qui mourut d'ailleurs à la fin de 1516,--et Laurent, le fils de son frère aîné. Sur ce neveu reposait l'avenir de la dynastie. Léon X le fit reconnaître par le peuple chef de la République (après la mort de Julien). En même temps, il le nomma capitaine général de l'Église, et il lui conféra le duché d'Urbin, un fief pontifical, dont il dépouilla le titulaire, François-Marie de La Rovere, que son oncle, Jules II, en avait investi. Il n'aurait pas risqué ce coup d'autorité (1517) et la guerre qui s'ensuivit, sans la connivence du maître de Plaisance et de Milan. François Ier applaudit à cet acte de népotisme. Dans une lettre d'Amboise, du 26 septembre 1517, il félicitait le nouveau duc de ces faveurs qui en présageaient d'autres, ajoutant: «C'est ce que pour ma part je désire beaucoup et de vous y aider de mon pouvoir et en outre de vous marier à quelque belle et bonne dame de grande et grosse parenté et ma parente, afin que l'amour que je vous porte aille s'augmentant et se renforçant encore plus fort (rinforzi piu forte)».
Les Médicis étaient des parvenus de trop fraîche date pour n'être pas flattés d'un cousinage, si lointain qu'il fût, avec la Maison de France. Laurent n'était, comme Côme l'Ancien et Laurent le Magnifique, qu'un citoyen privilégié entre tous, investi par un vote du peuple du droit d'occuper, sans exclusions légales ni condition d'âge, toutes les magistratures, et qui, s'il ne les exerçait pas, employait les moyens et les expédients légaux pour y faire élire ses parents et ses clients. II était, non le souverain de Florence mais le chef de la Cité (capo della Citta). Aussi ses prédécesseurs avaient-ils longtemps borné leurs ambitions matrimoniales à s'allier avec les autres grandes familles florentines ou avec l'aristocratie romaine. Laurent le Magnifique avait épousé une Orsini, et fait épouser une autre Orsini, Alfonsina, à son fils Pierre. Des trois sœurs de Léon X, l'une, Madeleine, était mariée au fils du pape Innocent VIII, François Cibo; les deux autres, Lucrèce et Contessina, à de riches Florentins, Jacques Salviati et Pierre Ridolfi. Sa nièce germaine, Clarice, sœur de Laurent, avait été, pendant le long bannissement des siens (1494-1512), fiancée à un simple gentilhomme, Balhazar Castiglione, l'auteur du Cortigiano, ce célèbre traité des perfections du courtisan, et finalement elle était devenue la femme d'un grand banquier florentin, Philippe Strozzi. Mais Léon X, après le rétablissement des Médicis à Florence (1512) et son élévation au souverain pontificat (1513), prétendit à de plus hautes alliances. Il avait marié, en février 1515, son frère Julien à une princesse de la maison de Savoie, Philiberte, laide, quelque peu bossue et maigrement dotée à titre viager de revenus patrimoniaux, mais sœur d'un prince régnant de vieille race, Charles III, et de la reine-mère de France, Louise de Savoie. Il accepta bien volontiers l'offre d'un mariage princier en France. Il fut question pour Laurent d'une fille de Jean d'Albret, roi de Navarre, mais, la négociation matrimoniale traînant, Madeleine (Magdelaine ou Magdeleine) de La Tour d'Auvergne, comtesse de Boulogne, fut choisie.
La mère de Madeleine, Jeanne de Bourbon-Vendôme, était une princesse du sang, veuve en premières noces d'un prince du sang, Jean II, duc de Bourbon, le frère aîné de Pierre de Beaujeu. Son père, Jean III de La Tour, mort en 1501, était de la maison de Boulogne qui faisait remonter son origine aux anciens ducs d'Aquitaine, comtes d'Auvergne. Il possédait au centre du royaume les comtés de Clermont et d'Auvergne et les baronnies de La Tour et de La Chaise avec leurs appartenances et dépendances;--au midi, les comtés de Lauraguais et de Castres, «et autres choses baillées par le feu roy (Louis XII) au comte Bertrand (père de Jean III) en récompense (en compensation) du comté de Boulogne», dont les rois de France s'étaient saisis;--et çà et là, en Limousin et en Berry, quelques seigneuries: toutes terres et droits, qui ensemble, avec les propres de sa femme, lui constituaient environ 120,000 livres de revenu.
La sœur aînée de Madeleine, Anne, avait épousé un Écossais, Jean Stuart, duc d'Albany et comte de la Marche, tuteur du roi d'Écosse, Jacques V. Les demoiselles de La Tour Boulogne étaient donc de très riches partis.
François Ier espérait tant pour ses entreprises italiennes de son entente avec le Pape qu'il célébra le mariage à Amboise avec autant de magnificence que si c'eût été celui d'une de ses filles avec un souverain étranger (28 avril 1518). Il donna à l'époux une compagnie de gendarmes et le Collier de l'Ordre (de Saint-Michel), il dota l'épouse d'une pension de dix mille écus sur le comté de Lavaur. Au banquet de noces, il les fit asseoir à sa table. Le service était solennel; les plats arrivaient annoncés par des sonneries de trompettes. Trois jours avant, au baptême du Dauphin que Laurent tint sur les fonts pour Léon X, il y avait eu des danses et un ballet où figuraient soixante-douze dames, réparties en six groupes diversement «desguisés», dont un à l'italienne, avec masques et tambourins. De nouveau, le soir du mariage, à la lumière des torches et des flambeaux, qui éclairaient comme en plein jour, «fut dansée et ballées jusques à ungne heure après minuict». Un festin suivit jusqu'à deux heures, et alors, dit le jeune Florange, qui enviait peut-être le bonheur de cet Italien, on mena coucher la mariée, «qui estoit trop plus belle que le mariez».
Le lendemain se firent «les joutes les plus belles qui furent oncques faictes en France». «Et fut là huyt jours le combat dedans les lisses et dehors les lisses, et à piedt et à la barrière, où à tous ces combatz, estoit ledict duc d'Urbin, nouveau mariez, qui faisoit, dit avec quelque ironie le narrateur jaloux, le mieulx qu'ilz povoit devant sa mye.»
Ce que Florange ne dit pas, c'est que le duc d'Urbin n'était pas complètement remis d'une arquebusade à la tête, qu'il avait reçue pendant la conquête d'Urbin. Aussi se garda-t-on de l'exposer dans un tournoi, qui représentait trop fidèlement le siège et la délivrance d'une place forte, «contrefaicte de boys et fossés», et défendue par quatre grosses «quennons (pièces de canon) faictes de boys chelez (cerclé) de fer», tirant «avecque de la pouldre». Les assiégés, renforcés par un secours, que le Roi leur amena, sortirent à la rencontre des assiégeants. L'artillerie des remparts lançait de «grosses balles plaines de vent, aussi grosse que le cul d'ung tonneau», qui, bondissant et rebondissant, frappaient les hommes et «les ruoient par terre sans leur faire mal.» Mais le choc des deux troupes, «ce passe-tamps... le plus approchant du naturel de la guerre», fut si rude qu'il y eut «beaulcoup de tuez et affolez».
Le Pape fit même étalage de contentement. Il envoya à Madeleine et à la famille royale des cadeaux qui furent estimés 300 000 ducats. La Reine-régnante, Claude, qui venait d'avoir son second enfant, eut pour sa part la Sainte Famille de Raphaël, et le Roi reçut de Laurent le Saint Michel terrassant le Dragon, deux tableaux symboliques, qui comptent parmi les chefs-d'œuvre du Louvre.
Léon X avait, plus que François Ier, lieu de se réjouir; il ne se repaissait pas seulement d'espérances. Il avait déjà retiré les profits de l'alliance et, à part soi, il était décidé à en répudier les obligations. Sans doute, il appréhendait la puissance du jeune roi de Naples, Charles, déjà souverain des Pays-Bas, de l'Espagne et du Nouveau-Monde, et qui hériterait à la mort de l'empereur Maximilien, son grand-père, des domaines de la Maison d'Autriche et peut-être de la dignité impériale. Mais il estimait que les Français, s'ils joignaient Naples à Milan, ne seraient pas moins dangereux pour la liberté de l'Italie et l'indépendance du Saint-Siège. Il voulait, unissant Rome et Florence, constituer au centre de la péninsule une sorte d'État à deux têtes, ecclésiastique et laïque, assez fort pour se faire respecter de ces grandes puissances étrangères et capables avec l'aide de l'une de s'opposer aux empiètements de l'autre. A-t-il rêvé encore, comme le racontait plus tard le pape Clément VII à l'historien Guichardin, de détruire les «barbares» les uns par les autres et de les expulser tous d'Italie? Mais, même pour servir de contrepoids à la prépondérance espagnole ou française, il fallait que le groupement romano-florentin fût compact et durable. Léon X avait donné le fief pontifical d'Urbin à Laurent de Médicis, moins pour accroître ses revenus de 25 000 ducats que pour resserrer les liens du Saint-Siège avec la République de Florence. Lui-même, n'ayant que trente-six ans en 1513, lors de son exaltation, pouvait compter sur un long pontificat. À tout hasard, il avait fait cardinal son cousin germain de la main gauche, Jules, pape en expectative et qui le fut en effet, mais non immédiatement après lui. Deux autres Médicis, des enfants naturels encore, alors tout petits, Hippolyte et Alexandre, en attendant les fils de Laurent, s'il en avait, et sans compter les Cibo, les Salviati, les Strozzi, les Ridolfi, qui étaient des Médicis par leurs mères, assuraient le recrutement de la dynastie ecclésiastique à Rome. Il y avait même une autre branche des Médicis, proche parente de la branche régnante, et que son chef, Jean des Bandes Noires, illustrait à la guerre. Mais Léon X se défiait du fameux condottiere et préférait les bâtards de son oncle, de son frère et de son neveu à cet arrière-petit-cousin très légitime.
Les contemporains, qui avaient vu les deux Borgia, le pape et son fils, s'acharner à la destruction de la féodalité romaine, supposaient que César Borgia avait voulu unifier l'État pontifical pour l'accaparer à son profit, ou, comme on dit, le séculariser. Ils s'attendaient toujours à quelque recommencement. L'ancien secrétaire de la République florentine, Machiavel, disgracié à la rentrée des Médicis et qui occupait ses loisirs à établir les lois de la science politique, dédia à Laurent son livre du Prince, où il exposait dogmatiquement, sans souci du bien ni du mal, les moyens de fonder et de conserver un État (1519). Suspect, pauvre et malade, il parlait au chef de la Cité, non en quémandeur, mais en conseiller. Machiavel était de ces Italiens qui rêvaient d'indépendance, à défaut d'unité, et qui détestaient la monarchie pontificale, ce gouvernement de prêtres, comme incapable de la procurer. Mais ils la savaient assez puissante au dedans et assez influente au dehors pour s'opposer, soit avec ses propres forces, soit avec l'aide des étrangers, à toute tentative qui ne viendrait pas d'elle. Aussi ces ennemis du pouvoir temporel voyaient-ils avec faveur grandir un fils d'Alexandre VI, comme César, ou un neveu de Léon X, comme Laurent, hommes d'épée de l'Église, et qui pourraient être tentés d'usurper sa puissance au grand profit de l'Italie.
Mais Laurent de Médicis emporta en mourant les rêves du penseur laïque et les espérances du Pape. C'était un brave soldat, sinon un capitaine. Il passait, comme sa mère, Alfonsina Orsini, pour orgueilleux et autoritaire; il s'isolait de ses concitoyens, et Léon X l'avait, dit-on, sévèrement repris de les regarder comme des sujets. Il ne s'était jamais complètement remis du coup d'arquebuse reçu dans la campagne d'Urbin et aussi, s'il fallait en croire quelques chroniqueurs français ou italiens, d'un mal qui aurait dû retarder, sinon empêcher son mariage. Madeleine aurait épousé le mari et le reste.
Cette belle jeune Française avait fait son entrée à Florence le 7 septembre 1518. Elle tenait à plaire et elle y réussit. C'était, dit le frère Giuliano Ughi, «une gentille dame, belle et sage, et gracieuse et très vertueuse (onestissima)».
Mais elle eut juste le temps de se faire regretter: le 13 avril 1519, elle accoucha d'une fille--c'était la future reine de France--et quinze jours après (28 avril), elle mourut de la fièvre. Laurent, qui, depuis le mois de décembre, gardait le lit ou la chambre, ne lui survécut que quelques jours (4 mai).
L'enfant avait été baptisée le samedi 16 avril à l'église de Saint-Laurent, la paroisse de Médicis, par le Révérend Père Lionardo Buonafede, administrateur de l'hôpital de Santa Maria Nuova, en présence de ses parrains et marraines: Francesco d'Arezzo, général de l'Ordre des Servites, Francesco Campana, prieur de Saint-Laurent, sœur Speranza de' Signorini, abbesse des Murate, Clara degli Albizzi, prieure du couvent d'Annalena, Pagolo di Orlando de' Medici, et Giovanni Battista dei Nobili, deux ecclésiastiques, deux nonnes et deux membres de l'aristocratie florentine. Elle reçut les prénoms de Catherine et de Marie, l'un qui lui venait de sa mère ou de son arrière grand'mère paternelle, l'autre de la Madone, à qui le jour du samedi est plus particulièrement consacré. François Ier avait promis de tenir sur les fonts baptismaux le premier enfant de Laurent et de Madeleine, si c'était une fille. Mais l'état des parents ne laissa pas le temps de prendre ses ordres.
En août, Catherine fut malade à mourir. Léon X en fut très affecté, contrairement à son habitude de prendre légèrement les mauvaises nouvelles. Elle se rétablit vite, et, en octobre, elle fut amenée à Rome par sa grand'mère, Alfonsina. Le Pape racontait à l'ambassadeur de Venise qu'il avait été ému par le chagrin de sa belle-sœur, pleurant la mort des siens, ou, comme s'exprimait ce pontife lettré, «les malheurs des Grecs». Et ces paroles, continue l'ambassadeur, il les disait les larmes aux yeux, et il me dit encore quelques mots à ce sujet, et que la petite à feu D. Lorenzo était «belle et grassouillette.»
Cette enfant était le seul rejeton légitime de la dynastie régnante, ou, pour parler comme l'Arioste, l'unique rameau vert avec quelques feuilles, dont Florence partagée entre la crainte et l'espérance se demande si l'hiver l'épargnera ou le tranchera. Si frêle qu'elle fût, elle comptait déjà dans les calculs de la diplomatie. Ses droits sur Florence étaient incertains, le principat n'étant pas une véritable monarchie et l'exercice des magistratures, qui en était la condition, excluant d'ailleurs les femmes. Mais elle avait hérité de son père le duché d'Urbin. François Ier, toujours préoccupé de ses projets d'Italie, réclama la tutelle de la fille de Madeleine, la petite duchesse d'Urbin, la duchessina. Cette prétention inquiéta Léon X, qui ne voulait pas laisser les Français s'établir à Urbin, et peut-être le contrecarrer dans le règlement des affaires de Florence. Même avant que son neveu fût mort, il avait, pour se dérober aux sollicitations du Roi de France, conclu (17 janvier 1519) avec Charles roi des Espagnes, un traité secret d'alliance où Florence était comprise «comme ne faisant qu'un avec les États et la souveraineté propre de Sa Sainteté», et même il signa encore avec lui (20 janvier) un traité de garantie mutuelle où Laurent était compris. Il prenait ses précautions contre François Ier, mais il ne rompit pas avec lui. L'empereur Maximilien étant mort sur ces entrefaites (11 janvier), il se déclara contre l'élection de Charles à l'empire. C'était un des dogmes de la politique pontificale que le même homme ne devait pas être empereur et roi de Naples, maître du sud de l'Italie et suzerain nominal ou effectif d'une partie de l'Italie du Nord. Il favorisa donc tout d'abord la candidature de François Ier et ne changea de parti que lorsque les électeurs allemands eurent marqué décidément leur préférence. Mais même après l'élection de Charles (28 juin 1519), il continua de montrer une faveur égale aux deux souverains que leur compétition avait irrémédiablement brouillés. Toutefois il inclinait vers Charles-Quint, dont il avait besoin pour arrêter les progrès de l'hérésie luthérienne en Allemagne. La mort de son neveu avait ruiné ses grandes ambitions de famille: il s'en consolait, disait-il à son secrétaire Pietro Ardinghello, comme d'une épreuve qui le libérait de la dépendance des princes et lui permettait de ne plus penser dorénavant «qu'à l'exaltation et à l'avantage du Saint-Siège apostolique». Longtemps encore il pratiqua son jeu de bascule diplomatique, mais quand il fallut prendre parti, il aima mieux, guerre pour guerre, s'allier aux Impériaux contre les Français qu'aux Français contre les Impériaux. L'insistance de François Ier à réclamer le prix d'anciens services et son indiscrétion à rappeler de vagues promesses lui étaient la preuve que le Roi de France tout-puissant serait un tuteur tyrannique. Charles-Quint se serait contenté d'une alliance défensive contre son rival. Ce fut le Pape qui inspira les décisions énergiques. Puisqu'il fallait rompre, il voulut une action offensive, c'est-à-dire profitable, qui chasserait les Français de Milan et de Gênes, et rendrait à l'Église les duchés de Parme et de Plaisance, dont elle avait été dépossédée par le vainqueur de Marignan (8 mai 1521). François Ier n'avait pas réfléchi qu'après la mort de Laurent de Médicis, il n'avait plus à offrir à Léon X que des exigences, tandis que Charles-Quint pouvait l'aider à se pourvoir. Il dénonça hautement «les malins projets du Pape» et sa trahison; mais Milan fut pris par l'armée pontifico-impériale le 19 novembre 1521. Léon X triomphait de ce succès, quand il fut emporté, probablement par une crise de malaria, à quarante-six ans (2 déc. 1521).
Son successeur ne fut pas un Médicis, mais le précepteur de Charles-Quint, Adrien d'Utrecht, un théologien flamand très austère, qui se passionna pour la réforme de l'Église, et qui, par réaction contre le népotisme, laissa François-Marie de La Rovere rentrer en possession du duché d'Urbin. Catherine ne fut plus duchesse qu'en titre. Elle avait perdu sa grand'mère, Alfonsina Orsini, deux ans avant son grand-oncle (7 février 1520). Pendant l'absence du cardinal de Médicis, qui était parti pour Florence quelques jours après l'élection d'Adrien, elle vécut à Rome sous la garde soit de sa grand'tante, Lucrèce de Médicis, mariée au banquier Jacques Salviati, soit de sa tante germaine, Clarice, femme de Philippe Strozzi, une Médicis intelligente, vertueuse et si énergique qu'on l'avait surnommée «l'Amazone».
Avec Catherine vivaient deux bâtards, son cousin Hippolyte, né le 23 mars 1511 de Julien de Médicis et d'une dame de Pesaro, et son frère Alexandre, que Laurent avait eu, en 1512, d'une belle et robuste paysanne de Collavechio (un village de la Campagne romaine), sujette ou serve d'Alfonsina Orsini.
Heureusement pour Catherine, Adrien VI mourut après un an et demi de règne (9 janvier 1522-14 septembre 1523). Les cardinaux, las de l'outrance réformatrice de ce barbare du Nord, élurent un grand seigneur italien, ce cardinal Jules, que Léon X avait placé en réserve dans le Sacré Collège pour continuer la dynastie pontificale des Médicis (19 novembre 1523).
Depuis la mort de Laurent, il gouvernait Florence. Devenu pape, il voulut y organiser la dynastie laïque. Dans cet État singulier, qui n'était plus une République et qui n'était pas encore une monarchie, et où le pouvoir suprême réclamait un homme, Léon X avait pensé concilier les droits dynastiques de la fille de Laurent avec le caractère du gouvernement, en fiançant Catherine à son cousin Hippolyte, et en les déclarant princes de Florence. Peut-être l'aurait-il fait s'il en avait eu le temps. Ce fut aussi la première idée de Clément VII. Hippolyte fut envoyé à Florence où il fit son entrée le 31 août 1524. Il fut reçu comme l'héritier des Médicis et déclaré éligible, malgré son âge, à toutes les charges de la République. Le cardinal de Cortone, Passerini, devait diriger le jeune homme et la Cité. L'année suivante, en juin 1525, arrivèrent Catherine et Alexandre avec leur gouverneur, Messer Rosso Ridolfi, un parent peut-être des Ridolfi, les alliés des Médicis. Ils passèrent probablement l'été dans la belle villa de Poggio à Cajano, que Laurent le Magnifique avait fait bâtir par son grand ami, l'architecte Giuliano da San Gallo, au milieu des arbres et des jardins, sur les bords de l'Ombrone, à quelques heures de Florence, et, l'hiver venu, s'établirent au Palais Médicis de la Via Larga.
Catherine avait, semble-t-il, plus de sympathie pour ce cousin, dont on lui avait dit peut-être qu'elle serait la femme, que pour son frère Alexandre. Mais l'avenir des Médicis fut bientôt remis en question. Après la défaite de François Ier à Pavie et son emprisonnement à Madrid, Clément VII s'était concerté avec les autres États libres d'Italie pour sauvegarder leur commune indépendance contre l'hégémonie de Charles-Quint. Lorsque Francois Ier fut remis en liberté, les alliés l'envoyèrent supplier de les secourir. Le Roi de France, malgré les engagements du traité de Madrid, avait adhéré à la Ligue contre l'Empereur et promis des subsides, une flotte, une armée (Cognac, 22 mai 1526), mais il ne s'était pas pressé de tenir sa parole. Les coalisés italiens, abandonnés à leur initiative et réduits à leurs moyens, n'avaient rien fait. Charles-Quint, faute d'argent, gardait la défensive. La guerre traînait. Mais au printemps de 1527, l'armée impériale d'Italie, où le manque de solde provoquait des mutineries furieuses, ayant été renforcée de dix mille lansquenets presque tous luthériens, se dirigea, pour s'y refaire, vers Rome, cette Babylone gorgée d'or par l'exploitation du monde chrétien. Elle la prit d'assaut (6 mai), la saccagea et bloqua le Pape dans le château Saint-Ange. Les Florentins étaient mécontents de l'administration de Passerini, un brouillon qui voulait tout faire et ne faisait rien, et furieux de ses extorsions fiscales. Ils profitèrent de l'occasion pour se révolter et bannirent Hippolyte et Alexandre de Médicis. Clarice Strozzi, qui, de tout son cœur d'honnête femme, détestait les bâtards et leur patron, Clément VII, arriva trop tard pour sauvegarder les droits de Catherine. Elle l'emmena à Poggio à Cajano.
Le gonfalonier élu par le peuple soulevé, Niccolô Capponi, était un homme de grande famille, doux et clairvoyant, qui n'aurait pas voulu rompre tout rapport avec Clément VII et qui, en tout cas, conseillait à ses compatriotes de rechercher l'appui de Charles-Quint; l'expérience montrait assez quel fonds il fallait faire sur une intervention française. Mais le peuple, fidèle à l'alliance des lis, imposa sa politique au gouvernement. Capponi, convaincu de correspondre avec Clément VII, fut déposé (avril 1529) et remplacé par le chef du parti populaire, Francesco Carducci. Les adversaires intransigeants des Médicis, ou, comme on disait, les Arrabiati (enragés), brisèrent partout les emblèmes de la dynastie, et détruisirent les effigies en cire de Léon X et de Clément VII, qui avaient été, par honneur, suspendues aux murs de l'église de l'Annunziata. Le Pape fut tellement ému de cet outrage qu'il déclara à l'ambassadeur d'Angleterre qu'il aimait mieux être le chapelain et même le «stalliere» (le garçon d'écurie) de l'Empereur que le jouet de ses sujets (29 mai 1529).
Un mois après, il signa avec Charles-Quint, à Barcelone, un traité de réconciliation, qui stipulait le rétablissement des Médicis à Florence. Mais ce n'était plus Hippolyte qu'il destinait au principat. Pendant une grave maladie dont il pensa mourir (janvier 1529), il l'avait fait cardinal malgré lui. C'était couper court, s'il mourait, à toute compétition entre les deux cousins, qui eût aggravé la situation des Médicis. Peut-être jugea-t-il que, bâtard pour bâtard, Alexandre, fils de Laurent était, d'après les règles de succession dynastique, plus qualifié qu'Hippolyte, fils de Julien, pour prendre le gouvernement de la Cité. Il vécut, et les avantages de sa décision se révélèrent encore plus grands. Il put, au traité de Barcelone, en arrêtant le mariage de son neveu avec une bâtarde de Charles-Quint, Marguerite d'Autriche, intéresser personnellement l'empereur à la réduction de Florence. D'autre part, l'élévation d'Hippolyte au cardinalat laissait la main de Catherine disponible pour de nouvelles combinaisons diplomatiques, et par exemple pour une entente avec la France. Réconciliation avec Charles-Quint, accord avec François Ier, c'était le retour au jeu de bascule dont l'abandon lui avait été si funeste. Naturellement, le Pape ne dit à personne ses raisons. Aussi certains contemporains, surpris de ce revirement, soupçonnèrent à tort Clément VII d'avoir eu pour Alexandre une affection qui dépassait celle d'un oncle.
En tout cas le sort de Florence était réglé. Comme Capponi l'avait prévu, François Ier fit lui aussi la paix avec l'Empereur (Cambrai, 5 août 1529), et, moyennant l'abandon des clauses les plus onéreuses du traité de Madrid, il abandonna sans façon ses alliés et ses clients d'Italie, le duc de Ferrare, les Vénitiens et les Florentins au bon vouloir de Charles-Quint. Une armée impériale se joignit aux troupes pontificales pour attaquer Florence. En octobre 1529, l'investissement de la place commença.
La petite Catherine fit l'expérience d'un siège. François Ier avait bien offert aux Florentins, après le bannissement d'Hippolyte et d'Alexandre, de recueillir la duchessina, qu'il traitait de parente. Mais les ennemis des Médicis trouvaient qu'elle était déjà trop loin à Poggio à Cajano, et, appréhendant entre le Pape et le Roi de France quelque négociation matrimoniale, dont leur indépendance paierait les frais, ils l'avaient fait rentrer dans la ville pour prévenir une fuite ou un enlèvement. Catherine avait été mise d'abord au couvent de Sainte-Lucie, ou à celui de Sainte-Catherine de Sienne. De là, elle fut transférée, à la demande de l'ambassadeur de France, M. de Velly, chez les Murate, où il savait qu'elle trouverait bon accueil, en reconnaissance des dons et des faveurs dont les Médicis avaient gratifié cette communauté. On se rappelle que l'abbesse en 1519--et peut-être était-elle encore vivante en 1527?--avait servi de marraine à Catherine. Celle-ci n'eut donc pas trop à souffrir de la perte de sa tante Clarice, morte en mai 1528.
Ce couvent de Bénédictines ou de Clarisses, où l'enfant demeura trente et un mois, du 7 décembre 1527 au 31 juillet 1530, n'était pas une de ces retraites austères où les pécheurs s'enferment pour pleurer leurs fautes et les justes pour ajouter à leurs mérites. Il n'y avait pas beaucoup de ces couvents-là en Italie en l'an de grâce 1527, avant que la Réforme protestante eût suscité la Contre-Réforme catholique. Le nom d'Emmurées (Murate) n'était plus qu'un souvenir; il ne restait de l'époque lointaine où des recluses volontaires s'emprisonnaient leur vie durant entre quatre murs qu'un nom et une cérémonie symbolique. Lorsqu'une novice prononçait les vœux éternels, on la faisait entrer dans le monastère par une brèche ouverte dans l'enceinte. Mais les portes n'étaient rigoureusement closes que ce jour-là. Le cloître servait de retraite à de grandes dames. Catherine Sforza, l'héroïque virago, mère de Jean des Bandes Noires, avait voulu y être enterrée. C'était aussi une excellente maison d'éducation où les plus nobles familles mettaient leurs filles. Sa réputation s'étendait très loin. Les rois de Portugal, de 1509 à 1627, envoyèrent tous les ans aux Murate--on ne sait pour quelle raison--un cadeau de sept caisses de sucre. Elles servaient probablement à faire des confitures. Catherine put apprendre, en mangeant des tartines, l'existence d'un royaume, où avait régné trois siècles auparavant une de ses parentes, Mathilde de Boulogne, et le grand événement des découvertes maritimes; savoureuse leçon d'histoire et de géographie. La communauté des Murate était à la mode. Les cérémonies religieuses y étaient très belles, et le grand monde de Florence affluait aux vêpres pour y entendre une musique et des chants si doux qu'on eût dit, rapporte le prologue d'un mystère de l'époque, «Anges saints chanter au ciel», et «qu'on se serait attardé un an à ouïr pareille mélodie». Les religieuses excellaient aussi à fabriquer de petits objets en filigrane. L'âpre réformateur, qui, conformément au plus pur ascétisme chrétien, voyait un danger pour l'âme dans tous les plaisirs de l'imagination, de l'oreille et des yeux, Savonarole, s'excusait presque en chaire, dans la cathédrale de Santa Maria del Fiore, d'avoir consenti, trois ans après la prière qui lui en avait été faite, à prêcher chez ces nonnes mondaines: «J'ai été aux Murate vendredi dernier... Je leur ai parlé de la lumière qu'il faut avoir, j'entends la lumière supranaturelle, et de celle qui fait qu'on laisse les sachets, les rets et les réticules et les brins d'olivier (ulivi), qu'elles fabriquent en or et en argent, ainsi que leurs cahiers de musique (libriccini)... et je leur ai dit que de ce chant noté (figurato) l'inventeur était Satan, et qu'elles jetassent bien loin ces livres de chant et ces instruments».
Elles n'en firent rien heureusement; l'enfant entendit de la bonne musique.
On a quelques renseignements sur elle dans une chronique du couvent écrite, entre 1592 et 1605, par la sœur Giustina Niccolini, qui avait entendu «nos très vieilles et révérendes mères» parler du séjour de Catherine au couvent. Les «mères avaient bien accueilli et choyé cette mignonnette de huit ans, de manières très gracieuses et qui d'elle-même se faisait aimer de chacun»... et qui «était si douce avec les mères et si affable, qu'elles compatissaient à ses ennuis et à ses peines extrêmement». Le charme de cette petite personne fut si efficace que quelques unes des religieuses, la majorité peut-être, se déclarèrent pour les Médicis. Mais d'autres résistèrent à l'entraînement et la communauté fut partagée.
Le fait est confirmé par l'un des défenseurs de Florence, Busini. «La reine de France actuelle (Catherine de Médicis), écrivait-il en 1549, était pendant le siège chez les Murate, et elle mit tant d'art (arte) et de confusion parmi ces femmelettes (nencioline) que le couvent était troublé et divisé; les unes priaient Dieu (n'ayant pas d'autres armes) pour la liberté, les autres pour les Médicis».
Busini, l'ancien combattant, n'est pas éloigné de croire à quelque noir dessein contre la République. Un complot au couvent! Il oublie l'âge de la fillette.
Mais il est toutefois notable que Catherine, à peine au sortir de l'enfance, ait eu un pareil succès de séduction. Les nonnes, que sa bonne grâce enthousiasmait, s'enhardirent jusqu'à envoyer aux partisans de sa maison qui avaient été emprisonnés des pâtisseries et des corbeilles de fruits, avec des fleurs disposées de façon à figurer les six boules héraldiques (palle) des Médicis.
C'était une insulte à ce peuple qui, malgré le nombre des assiégeants, l'inertie calculée d'un haut condottiere à sa solde, Hercule d'Este, la trahison du gouverneur, Malatesta, la canonnade, le blocus, la peste et la famine, s'opiniâtrait à résister. Des furieux, Lionardo Bartolini et Ceo, parlaient de faire mourir l'enfant, ou de l'exposer sur les remparts aux coups des ennemis; d'autres, plus forcenés encore, de la mettre dans un lupanar.
Les Dix de la Liberté, qui dirigeaient la défense, s'étaient eux aussi émus de la provocation des religieuses; et comme d'autre part ils savaient que le Pape et le Roi projetaient de faire évader la pensionnaire, ils décidèrent de l'enfermer à Sainte-Lucie, une communauté de religieuses que dirigeaient les Dominicains de Saint Marc, toujours fidèles à l'esprit républicain de Savonarole. Un soir, tard, raconte la sœur Giustina Niccolini, des commissaires, escortés d'arquebusiers, vinrent la chercher, et, sur le refus des Murate de la livrer, ils menacèrent de briser la porte et de mettre le feu au couvent. Les nonnes en larmes finirent par obtenir un jour de répit. Catherine croyait qu'on allait la conduire à la mort. Avec une décision remarquable pour son âge, elle coupa ses cheveux et revêtit une robe de religieuse, espérant qu'on n'oserait pas porter la main sur une vierge consacrée. C'est dans ce costume que la trouva, le lendemain, de très grand matin, le chancelier Salvestro Aldobrandini, chargé d'exécuter les ordres de la Seigneurie. «Il la pria de bien vouloir remettre ses vêtements ordinaires, mais elle refusa d'en rien faire, et avec beaucoup de hardiesse répondit qu'elle s'en irait ainsi, afin que tout le monde vît qu'ils arrachaient une religieuse de son couvent. Par là, elle laissait voir la lourde angoisse qui lui serrait le cœur....» Aldobrandini la rassura, lui promettant qu'avant un mois elle reviendrait aux Murate, et la décida ainsi à le suivre. Elle traversa la ville à cheval, en son habit de nonnette (monachina), sous la garde de magistrats et de citoyens en armes, et fut conduite chez les Dominicaines, à Sainte-Lucie, où elle avait peut-être passé quelques mois avant d'entrer aux Murate (21 juillet 1530).
Elle y resta jusqu'à la fin du siège. Florence, à bout de force, fut réduite à traiter (12 août 1530). La capitulation portait que Charles-Quint réglerait à sa volonté la forme du gouvernement, sans toutefois porter atteinte aux libertés. Mais, en attendant, les partisans des Médicis s'emparèrent du pouvoir et mirent en jugement les hommes de la révolution, dont quelques-uns furent exécutés, plusieurs bannis, un plus grand nombre condamnés à de lourdes amendes. Clément VII laissa faire; mais pour ne pas compromettre la popularité de sa maison, il ne voulut pas qu'aucun Médicis restât spectateur de ces vengeances. Il fit venir à Rome sa nièce, qu'il n'avait pas vue depuis cinq ans (octobre 1530). Sa Sainteté, écrit un agent français, le protonotaire Nicolas Raince, lui fit «un cordial et vrai accueil paternel et s'est pu connaître que c'est bien la chose du monde qu'il aime le mieux. Il la reçut les bras tendus, les larmes aux yeux, mêmement (surtout) par la grande joie et plaisir de la ouïr parler tant sagement et la voir en si prudente contenance».
Le secrétaire de Clément VII remarque aussi qu'elle est «bien disante et sage au-dessus de son âge». Cette enfant de onze ans parle sans colère, ou, comme dit Raince, avec «fort bonne grâce» «du maltraitement qu'on lui a fait»; mais elle «ne peut oublier». Le vicomte de Turenne, que François Ier avait chargé de la visiter à son passage à Florence, en septembre 1528, écrivait au duc d'Albany, «qu'il ne vit oncques personne de son âge qui se sente mieux du bien ou du mal qui lui est fait.»
La première lettre qu'on ait d'elle, et qui est de 1529 ou de 1530, est une recommandation adressée au Roi de France en faveur du fils de son gouverneur, ce Messer Rosso Ridolfi, qui l'avait servie six ans avec un entier dévouement. Après la reddition de Florence, elle sauva la vie à Salvestro Aldobrandini, qui, dans l'accomplissement de son devoir, s'était montré bon pour elle. Elle fit la fortune des fils de Clarice Strozzi. Elle garda toujours un tendre souvenir aux bonnes dames des Murate. Dès le plus jeune âge, elle se révèle capable de sentiment et de ressentiment. C'est un trait de caractère à retenir.
À Rome, où elle demeura d'octobre 1530 à avril 1532, elle habita le palais Médicis (plus tard le palais Madame, et aujourd'hui le palais du Sénat). Elle y vivait avec son cousin, le cardinal Hippolyte, et son frère Alexandre, de six à sept ans plus âgés qu'elle, et qui aimaient les fêtes et le luxe. Ils inspirèrent leurs goûts à Catherine, si elle ne les avait pas déjà naturellement. Le vieux banquier, Jacques Salviati, le beau-frère de Léon X, qui habitait le palais, avait été probablement chargé par Clément VII de fournir l'argent et de régler les comptes de la maison. Économe et caissier, il conseillait au Pape de tenir les mains bien serrées et par là il se rendit si odieux à ces jeunes gens qui avaient grand appétit, raconte l'ambassadeur vénitien, Antonio Soriano, «de dépenser et de répandre» (Spendere e spandere) que le cardinal Hippolyte fut sur le point de tuer Salviati de sa main.
Ce cousin de Catherine avait en 1531 vingt ans. Il n'avait d'ecclésiastique que l'habit, et encore ne le portait-il guère. Le portrait que Titien a fait de lui le représente en costume de cavalier, vêtu d'un long justaucorps serré à la taille, d'un violet sombre, et sur lequel s'accroche aux épaules un manteau de même couleur. À sa toque étincelle une double aigrette de diamants. De la main droite il tient un bâton de commandement, et de la gauche étreint son épée. Il n'a pas l'air commode avec ses lèvres pincées, son nez mince, son regard dur, et qui justifie sa réputation de «cervello gagliardo et insopportabile» comme dit un contemporain, ce que Brantôme traduit si bien, sans le savoir, par «mutin, fort escalabrous». Mais il était si élégant et si cultivé! Il aimait les beaux chevaux, les vêtements magnifiques et marchait escorté de barbares pittoresques: Maures, habiles à l'équitation et au saut; Tartares, incomparables archers; Éthiopiens, invincibles à la course et à la lutte; Indiens, habiles nageurs; Turcs, adroits tireurs et chasseurs. Bon musicien, il chantait en s'accompagnant de la cithare et de la lyre, et jouait en virtuose de la flûte. Il était poète. Sa traduction en vers italiens non rimés du second livre de l'Énéide passait pour un chef-d'œuvre. Quelle merveille qu'avec ces goûts et ces talents, il ait fait impression sur cette fillette d'intelligence précoce! «J'ai entendu murmurer par quelques personnes, raconte en 1531 l'ambassadeur vénitien Antonio Soriano, que l'intention du cardinal de Médicis était de se défroquer (dispretandosi) et de prendre pour femme la duchessina, nièce du Pape, sa cousine au troisième degré, pour laquelle il a un grand amour, et dont il est lui aussi aimé. Elle n'a de confiance qu'au Cardinal et ne s'adresse qu'à lui pour les choses qu'elle désire ou pour ses affaires.» De la part de Catherine, cette affection si tendre, premier éveil du cœur, n'est pas invraisemblable; mais il est plus difficile de croire qu'Hippolyte ait partagé cette passionnette. Catherine ne fut jamais jolie, et elle traversait l'âge ingrat. «Elle est, dit toujours Soriano, petite de taille et maigre; ses traits ne sont pas fins et elle a de gros yeux, tout à fait pareils à ceux des Médicis». Dans l'inclination d'Hippolyte pour sa parente, il entrait certainement beaucoup de calcul.
L'Empereur avait arrêté, d'accord avec Clément VII (octobre 1530), qu'Alexandre serait duc de Florence, à titre héréditaire, mais Hippolyte ne se résignait pas à son exclusion. Il affectait de mépriser l'élu, ce fils d'une servante. Lui se disait né d'une noble dame, unie à Julien de Médicis par un mariage secret. Il quitta secrètement Rome, avant que Charles-Quint eût publié l'acte d'investiture, et parut à l'improviste à Florence, pensant y provoquer une manifestation en sa faveur (avril 1531). Il put constater l'indifférence du peuple et s'en revint immédiatement. Le Pape était confondu de l'escapade de son neveu. «Il est fou, Diavolo, il est fou, disait-il à l'ambassadeur de Venise; il ne veut pas être prêtre.» Pour le décider à se tenir tranquille, il paya ses dettes, et lui donna une part des bénéfices du cardinal Pompeo Colonna, qui venait de mourir. Il fit partir sa nièce pour Florence après la fête de Saint-Marc, (c'est-à-dire à la fin d'avril ou au commencement de mai 1532). L'agent du duc de Milan, qui donne ce renseignement, écrivait encore le 15 mai à son maître qu'Hippolyte de Médicis avait consenti à rester cardinal. Le 20 juin, il fut nommé légat à l'armée que l'Empereur rassemblait en Hongrie contre les Turcs, et le 26 août il faisait son entrée solennelle à Ratisbonne. Cette renonciation aux ambitions laïques et cette mission lointaine sont intéressantes à rapprocher du départ de Catherine; mais peut-être n'est-ce qu'une coïncidence.
Clément VII avait intérêt à montrer aux Florentins l'héritière légitime réunie fraternellement au bâtard, chef de l'État, et autorisant en quelque sorte par sa présence l'organisation définitive du gouvernement. Le décret impérial promulgué en mai 1531 avait rétabli les Médicis dans les droits dont ils jouissaient avant 1527 et perpétué par surcroît Alexandre et sa descendance dans le pouvoir de fait que ses prédécesseurs se transmettaient de génération en génération. Mais si le Pape s'était réjoui que les Médicis fussent élevés au rang des familles princières, il lui était désagréable qu'ils tinssent leurs droits souverains de l'Empire à titre de vassaux, avec les obligations et les responsabilités que l'investiture comporte. Sous main il avait encouragé les partisans de sa maison à abolir l'ancienne Constitution que Charles-Quint prétendait maintenir, en la modifiant. Un vote du peuple (statuts du 27 avril 1532), qui était une manifestation d'indépendance à l'égard de l'Empire en même temps qu'une renonciation aux libertés traditionnelles, déclara Alexandre duc perpétuel et héréditaire de la République florentine.
Catherine, en personne sage, s'était prêtée aux volontés de son oncle, quels que fussent ses sentiments. Clément VII lui préparait une superbe compensation. François Ier n'était pas sitôt sorti d'Italie qu'il pensait à y rentrer. Il recherchait avec passion l'alliance du Pape, et, pour l'obtenir, proposait de marier son fils cadet, Henri, duc d'Orléans, à Catherine. La jeune fille était riche d'espérances: duchesse honoraire, mais qui pouvait devenir effective, d'Urbin, nièce du Pape. Aussi les prétendants étaient nombreux. Charles-Quint, pour l'empêcher de se marier en France et débarrasser son futur gendre Alexandre d'une compétition possible, voulait la donner au duc de Milan, François Sforza, qui n'était plus jeune et passait pour impuissant. Le duc d'Albany, oncle de Catherine, proposait son ancien pupille, Jacques, roi d'Écosse. Clément VII était surtout tenté par l'offre d'un fils de France; mais l'honneur lui paraissait si grand, comme il est vrai, qu'il refusait d'y croire. Il s'imaginait que François Ier, en le pressant depuis longtemps de lui confier Catherine jusqu'à la célébration du mariage, n'avait d'autre intention que de mettre la main sur la nièce pour diriger l'oncle, et qu'en fin de compte il se bornerait à lui donner pour mari quelque grand seigneur. Mais François Ier estimait tant le concours de Rome qu'il était décidé a y mettre son fils comme prix. Clément VII ne résistait que pour se faire prier davantage. Cette alliance si glorieuse lui était plus que jamais nécessaire. L'Empereur ne s'était-il pas avisé d'accorder aux protestants d'Allemagne une trêve religieuse, en attendant la réunion d'un concile général. L'idée d'une consultation de l'Église universelle était un cauchemar pour le Pape, qui, promu cardinal, malgré sa bâtardise, contrairement aux saints canons, et resté grand seigneur de la Renaissance en un commencement de réforme, craignait d'être déposé par une majorité de prélats rigides, d'accord avec l'Empereur. Il n'avait pas non plus oublié le sac de Rome.
Il consentit, par un accord qu'il voulait absolument secret, aux fiançailles de Catherine avec le duc d'Orléans (9 juin 1531). Il promettait en dot à sa nièce Modène et Reggio, et même Parme et Plaisance, et se disait prêt à l'aider à reconquérir le duché d'Urbin. Quant aux prétentions de François Ier sur Gênes et Milan, il les trouvait «très raisonnables». La célébration du mariage fut remise à un temps opportun. Les agents français, par indiscrétion ou par calcul, ébruitèrent la nouvelle de ce contrat. Charles-Quint, informé des pratiques de Clément VII, et bien instruit des liaisons du Roi de France avec les protestants d'Allemagne, le roi d'Angleterre les Hongrois et les Turcs, demanda ou plutôt imposa au Pape une entrevue qui eut lieu à Bologne (décembre 1532-février 1533). Il ne put obtenir de lui la convocation d'un concile; mais il lui fit prendre l'engagement écrit d'agir ensemble pour obliger François Ier, si le mariage se faisait, à embrasser de bonne foi l'affaire du concile, la défense de la Chrétienté contre les Turcs et l'observation des traités de Madrid et de Cambrai (24 février 1533). Il le força aussi d'adhérer à une ligue italienne qui défendrait contre tout agresseur le statu quo territorial dans la péninsule. Ces précautions prises, il jugea qu'il pouvait laisser à la maison de France les maigres profits d'une mésalliance.
Pendant que les cours d'Europe étaient occupées de cette question de mariage, Catherine vivait à Florence sa dernière année de jeune fille, dans le palais Médicis (aujourd'hui palais Riccardi). Le Pape l'avait placée sous la garde d'Ottaviano de Médicis, un vieux parent, qui pendant le siège l'avait protégée de son mieux, et il l'avait confiée aux soins de Maria Salviati, veuve de Jean des Bandes Noires, dont le fils Côme était du même âge que sa cousine et partagea probablement ses jeux. Elle avait en 1532 treize ans accomplis. Sœur du duc régnant et promise d'un fils de France, elle avait sa place immédiatement après son frère dans les cérémonies officielles et les fêtes. Jamais elles ne furent si nombreuses et si brillantes qu'en cette première année du règne, pour donner occasion aux Florentins de comparer aux misères
