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À l’ombre de la croix
À l’ombre de la croix
À l’ombre de la croix
Livre électronique223 pages2 heures

À l’ombre de la croix

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À propos de ce livre électronique

Ensisheim, été 1843. Marguerite, vingt et un ans, tombe par hasard sur le corps encore chaud d’une inconnue. Dans sa fuite, une silhouette familière traverse son regard… et le silence devient son seul refuge. Un an plus tard, l’ombre du crime la rattrape : elle disparaît, puis on la retrouve violée et assassinée. Dans sa main crispée, une preuve irréfutable désigne le coupable. Et si, derrière les murs paisibles du presbytère, se cachait un monstre ? À l’ombre de la croix est un roman envoûtant où secrets, peur et trahison déchirent l’Alsace du XIXᵉ siècle.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Henri Rapp s’efforce, à travers ses écrits, de faire revivre les grandes figures historiques de sa commune natale, Ensisheim en Alsace. Après L’affaire Catherine Kistler, Les fantômes du palais de la Régence et Les Grains de la discorde, l’auteur nous propose un quatrième roman mêlant foi chrétienne dans la vie quotidienne des Alsaciens de l’époque, gestion d’une maison centrale surpeuplée et crimes odieux.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie1 sept. 2025
ISBN9791042285197
À l’ombre de la croix

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    Aperçu du livre

    À l’ombre de la croix - Henri Rapp

    Du même auteur

    L’affaire Catherine Kistler – Le Lys Bleu Éditons, 2022 ;

    Les fantômes du palais de la Régence – Le Lys Bleu Éditions, 2023 ;

    Les grains de la discorde – Le Lys Bleu Éditions, 2024.

    Préface

    Henri Rapp est un auteur atypique…

    Passionné d’histoire régionale, et plus particulièrement par celle d’Ensisheim où il est né, il fait revivre à travers ses livres une époque révolue, à la fois lointaine dans le temps et en même temps proche de nous par l’humanité des personnages.

    D’une plume élégante et légère, il nous concocte, pour notre plus grand plaisir, des histoires d’un autre temps, avec des intrigues vivantes peuplées de personnages hauts en couleur et attachants, qui nous entraînent dans un tourbillon d’aventures pleines de suspense. Et une grande partie de l’attrait du roman tient au fait que malgré (ou peut-être même à cause de) la distance dans le temps, on est emporté par ces personnages qui nous ressemblent tant, curieux de découvrir leur mode de vie de l’époque, et on vibre d’empathie pour eux à travers les malheurs qui les frappent au fil des pages.

    Dans À l’ombre de la croix, la magie opère à nouveau. Outre l’histoire de Marguerite et sa famille, du curé Girardin et de ses états d’âme, du directeur controversé de la maison centrale d’Ensisheim et de la vie quotidienne de la petite cité alsacienne, l’auteur sait comme personne décrire la richesse de la palette psychologique et émotionnelle des protagonistes. Vous apprécierez aussi le rythme soutenu de l’intrigue, les paysages bucoliques qui bordent la jolie bourgade d’Ensisheim, et l’ambiance unique qui se dégage de ce beau roman…

    Michèle Nauroy

    Autrice

    Chapitre 1

    Ensisheim, 1844.

    Émoustillé par la délicieuse odeur du café que sa gouvernante Résala prépare en cuisine et ébloui par les rais de soleil qui filtrent à travers les volets entrebâillés, le curé, Joseph Girardin, entrouvre ses paupières. Il vient de passer une très bonne nuit.

    C’est un prêtre d’une quarantaine d’années, rondelet, au visage vermillon et luisant, aux yeux marron. Son crâne, jadis orné de la tonsure qui lui faisait comme une auréole, est désormais lisse, car il a prématurément perdu ses cheveux ; seule subsiste encore une fine couronne de poils grisonnants, derniers vestiges réfractaires aux outrages du temps. Ce matin, il est d’une nature joviale, contrairement à son tempérament austère qu’il affiche d’ordinaire à son réveil. Et pour cause, il ne célébrera pas la première messe de l’aurore. C’est pour convenance personnelle qu’il a décrété qu’il fera l’impasse sur cet office matutinal qui le met à chaque fois de mauvaise humeur pour la journée. De plus, il avait informé ses fidèles la veille au soir, depuis la chaire, que la liturgie du lendemain serait annulée.

    Il se lève tant bien que mal de son lit et se dirige vers la fenêtre pour ouvrir les volets. Il est sept heures. Il aperçoit les premiers paysans conduire le bétail aux pâturages dans un concert assourdissant de bruit des sabots en bois qui martèlent le pavé et le crissement aigu des roues ferrées des charretons. La petite cité commence à se réveiller et à sortir de sa torpeur. Quelques marchands installent leurs étals qu’ils s’empressent de garnir au plus vite. Le sergent de ville s’époumone à hurler contre des galopins qui excitent les chiens et les chats errants et peureux, en leur lançant des cailloux. Le curé en reconnaît quelques-uns. Il les sermonnera à la prochaine occasion.

    — Tiens, se dit-il en se grattant la tête, ne serait-ce pas le petit Léon Wagner ? C’est une vraie terreur, celui-là ! Je devrais en parler à ses parents. Mais auparavant, ils devront se dégriser. Depuis qu’ils ont perdu leur dernier-né, ils sont désespérés et, désormais, ils ne trouvent réconfort que dans la bière et le vin.

    Le curé, après s’être longuement étiré, les bras vers le ciel, émet un bâillement bruyant qui alerte Résala au rez-de-chaussée. Elle s’active aussitôt à dresser la table dans la cuisine. Comme tous les matins, elle prend le petit déjeuner avec lui.

    Mais, avant de la rejoindre, l’homme d’Église se débarbouille le visage avec l’eau qu’il verse du broc dans la cuvette en faïence blanche assortie. Il s’habille ensuite rapidement et enfile sa vieille soutane élimée.

    — Bonjour ma Résala ! s’exclame-t-il en pénétrant dans la cuisine. Comment allez-vous ? Avez-vous passé une bonne nuit ?

    — Excellente, répond-elle sur un ton enjoué. Qu’en est-il pour vous ?

    — Je ne peux pas me plaindre. Hier soir, je me suis assoupi en cinq minutes et j’ai dormi comme un loir. Avouons-le, depuis que le Père Grégoire a quitté ce monde, je n’arrête pas de courir de droite à gauche. On me réclame partout !

    Le curé se signe rapidement, imité en cela par sa fidèle gouvernante, puis tous deux se mettent à table.

    — Oui, certainement, reprend Résala en versant le café brûlant dans deux grands bols de lait. D’autant plus que cela arrive qu’on vous fasse venir pour donner l’extrême-onction à un agonisant alors qu’à peine l’avez-vous quitté, il se relève et déjeune avec sa famille ! Vous accomplissez peut-être des miracles !

    — Là, vous allez un peu loin, répond le curé en trempant son pain chargé d’une généreuse couche de saindoux. Je ne prétends pas détenir le pouvoir de guérison. Mais, je dois admettre que Notre Père qui est aux cieux m’aide quand je prie le saint compétent d’intercéder en ma faveur pour rétablir le malade ou l’assister à mourir. Dans les deux cas, j’aurai réussi ma mission. Alors, de là à parler de miracles…

    — Votre nouvelle charge d’aumônier de la prison d’Ensisheim ne vous facilite pas la tâche. Vous devez en croiser de sacrés personnages !

    — Oh là, je ne vous le fais pas dire. Imaginez un instant, des assassins et des voleurs, cohabitant dans une atmosphère nauséabonde, derrière quatre murs suintants, des coulées verdâtres d’humidité. Certains deviennent nerveux et fous, comme des bêtes attachées à de lourdes chaînes qu’elles tentent de briser. Je ne vous cache pas qu’il y a des jours où je crains pour ma personne. Mais mon rôle consiste à leur apporter du réconfort dans la spiritualité. Ils espèrent tous que Dieu viendra les délivrer. Mais, au fond, leur seule libération porte un nom, la mort.

    L’abbé avale sa généreuse tranche de pain avec délectation. Le saindoux suinte aux commissures de ses lèvres, cependant il n’en a rien à faire. Il apprécie tellement ce moment privilégié de la journée.

    Résala Muller est une femme dans la cinquantaine, gracieuse et de petite taille, aux cheveux grisonnants soigneusement attachés en chignon. Elle a des yeux pétillants qui lui donnent un air plutôt espiègle. Malheureusement, elle s’est retrouvée veuve, il y a une dizaine d’années. On a découvert son pauvre mari écrasé sous une charrette chargée de lourdes gerbes de blé qui, pour une raison inconnue, s’était renversée sur lui. Il est mort après de longues heures d’agonie. Comme elle s’occupait de l’entretien de l’église, le curé Girardin lui avait demandé si elle acceptait la place de gouvernante en remplacement de Victorine Mensch, qui, arrivée à un âge canonique, ne pouvait plus assumer cette tâche. C’est sans hésitation qu’elle a validé la proposition. Son vrai prénom est Thérèse, mais on l’appelle Résala en alsacien.

    — Tout à l’heure, Résala, j’irai me promener vers la ferme Saint-Jean. Cela me permettra de méditer en toute sérénité et de préparer le sermon de demain. Mais, ne vous souciez pas, je serai de retour en fin de matinée.

    — Souvenez-vous aussi que la femme Schwartz souhaite vous rencontrer au sujet du mariage de sa fille, réplique Résala en débarrassant la table.

    — Ah oui, j’avais oublié. Vous constatez que ma tête est un peu fatiguée. Elle ne fonctionne plus comme jadis… Cela m’inquiète un peu. Heureusement que je peux compter sur vous ! Mais, dites à cette femme, si elle vient, que je la recevrai cet après-midi, après ma sieste. L’on devrait m’envoyer un nouveau vicaire pour me décharger quelque peu de la pression qui m’affecte.

    — Bien, mon Père.

    — Je ne m’habituerai jamais à ce que vous m’appeliez « Père ». Je suis plus jeune que vous et cela m’interpelle chaque fois. Dites-moi tout simplement : abbé ou curé. Je serai plus à l’aise.

    — J’y penserai, mon Père… euh… Monsieur le curé, répond-elle avec un certain embarras.

    Le prêtre se lève aussitôt, en émettant son léger rot quotidien, et se rend dans la courette, située à l’arrière du presbytère. C’est la routine pour lui. Chaque matin, il contemple avec attention les fleurs qui étirent vers le soleil naissant leurs inflorescences odorantes et multicolores. Il prend bien soin de les arroser avec l’eau tirée du vieux puits qui trône au milieu du jardinet. Puis, il s’assied quelques instants sur la margelle, ferme les yeux et écoute le doux gazouillis des oiseaux. Il aime tant ce petit coin de paradis qui, à l’abri de tout bruit, lui apporte calme et sérénité. Sorti de ses pensées après une longue introspection, il se redresse prudemment, évitant de trébucher sur sa soutane, et rentre chez lui. Il se dit qu’une belle journée s’offre à lui.

    Résala s’affaire toujours dans la cuisine quand elle entend entrer le curé qui s’exclame d’une voix joyeuse :

    — Résala, je m’en vais à la chapelle Saint-Jean ! Il est huit heures, je serai de retour pour midi.

    — N’oubliez pas votre parapluie ! Un orage est si vite arrivé, répond-elle, la tête au-dessus de la pierre d’évier.

    — Vous avez raison. J’emporte aussi mon missel. À tout à l’heure !

    Il ajuste son grand chapeau noir à large bord, également connu sous le nom de chapeau romain, et quitte le presbytère d’un pas décidé.

    Déjà, le soleil caresse et chauffe le pavé. L’abbé s’arrête quelques instants pour observer le clocher de l’église qui se dresse majestueusement contre le ciel azur. Quelles histoires ce clocher pourrait-il bien raconter, lui qui a vu défiler tant de naissances, de mariages et d’adieux ? En revanche, il remarque de vastes fissures qui lézardent tout le long du bâtiment.

    — Je devrais, à l’occasion, en parler au maire, se dit-il. Tôt ou tard, l’édifice s’effondrera si l’on ne fait rien.

    Il hausse les épaules et reprend son chemin. Il salue au passage quelques villageois matinaux qui vaquent à leurs occupations. Tout le monde le connaît bien ici, le curé Girardin ; il a officié à tant de messes et consolé tant d’âmes en peine.

    Son pas le mène vers la campagne environnante, là où le chemin se transforme en sentier bordé de haies entremêlées de ronces et de mûres sauvages. C’est le trajet vers la ferme et la chapelle Saint-Jean, un lieu qui lui procure chaque fois refuge et méditation. Après une petite heure de marche, il entend au loin, les premiers bruits de la ferme Saint-Jean : les aboiements du vieux chien attaché à une chaîne, les meuglements des vaches dans l’étable, les coups de sabot vigoureux du cheval que le paysan vient d’atteler à la charrette. Il sent l’odeur caractéristique de la ferme, l’effluence du tas de fumier qui servira, plus tard, de fertilisant pour nourrir les champs.

    Dès qu’il aperçoit la silhouette du curé, le fermier lui adresse un grand signe de la main et s’écrie :

    — Bonjour, Monsieur le Curé, vous commencez la journée du bon pied ! Venez donc boire un petit schnaps que j’ai distillé moi-même.

    — Bonjour Jean ! Comment va la famille ? s’enquiert le prêtre en accélérant la marche pour le rejoindre. Ce n’est pas de refus ! Mais, offrez-moi d’abord de l’eau fraîche, j’ai la gorge sèche comme une vieille peau qu’on vient de tanner et la sueur qui coule du front me trouble la vue !

    — Madeleine ! Apporte-nous l’eau de feu et deux verres ! lance Jean Rumbach à sa femme qui s’était mise à la fenêtre, surprise par l’agitation provoquée dans la cour par l’arrivée de l’homme d’Église.

    — Que se passe-t-il ? demande-t-elle.

    — Rien ! Monsieur le Curé vient nous rendre visite, il nous fait l’honneur de nous saluer !

    Il se dirige ensuite vers le puits et remonte un seau rempli d’eau fraîche qu’il tend à l’abbé. Ce dernier, sans attendre, le porte à sa bouche et avale goulûment plusieurs rasades.

    — Venez, on s’installe quelques instants sur le banc sous le chêne. Cela nous rafraîchira.

    Madeleine accourt avec la bouteille de schnaps et deux verres.

    — Croyez-vous que ce soit sérieux d’entamer la journée avec du schnaps ? Surtout avec cette chaleur, interroge Madeleine.

    — Ne t’inquiète pas, Madeleine ! L’esprit qui s’en dégage n’a jamais fait de mal à personne. N’est-ce pas, Monsieur le Curé ? L’esprit, cela vous connaît, s’esclaffe Rumbach.

    — Oh oui, mais, j’imagine que nous parlons de différentes choses, rétorque-t-il en affichant un large sourire.

    D’un coup sec, ils avalent le contenu des verres, et, d’un simple claquement de langue, ils manifestent leur contentement.

    Le prêtre se lève rapidement et salue Madeleine. Puis il s’adresse à Jean Rumbach :

    — Merci pour cette bonne goutte. Cependant, il est l’heure que je m’en aille. J’ai encore l’intention de me recueillir à la chapelle Saint-Jean avant de rentrer chez moi.

    — C’était de bon cœur, Monsieur le Curé ! Tiens, j’y pense, la prochaine fois que vous passerez, vous pourrez déjeuner avec nous ! Il reste toujours une assiette pour vous.

    — Merci ! Je m’annoncerai le moment venu. Bonne journée, et que Dieu vous bénisse !

    Le prêtre s’en va en saluant de la main le domestique occupé à harnacher un second cheval. Il se dirige ensuite vers la chapelle qui se trouve à quelques pas de la ferme. Le modeste bâtiment est très délabré. Autrefois, c’était un lieu de pèlerinage très prisé. Mais, hélas, depuis les méfaits cultuels causés par la Révolution, la chapelle fut vendue et, faute de moyens, laissée en décrépitude. Des débris de pierre et de bois jonchent le sol et les murs suintent l’humidité. De temps à autre, quelques fidèles, après s’être recueillis, essayent, tant bien que mal, d’entretenir l’endroit et notamment de colmater les brèches par où l’eau s’infiltre en cas de forte pluie.

    Le curé s’installe sur un banc poussiéreux et se plonge dans la lecture de quelques oraisons du missel. Quand soudain, une petite souris, traversant l’allée centrale pour disparaître dans un minuscule trou, interrompt sa concentration. Alors qu’il est sur le point de fermer son livre de prières, il entend un bruit de pas hésitant se rapprocher de la chapelle. La porte émet un léger grincement. Il lève les yeux et se retourne pour apercevoir, à contre-jour, la silhouette d’une femme qui s’avance timidement vers lui. Au fur et à mesure qu’elle progresse, le curé croit la reconnaître.

    — C’est toi, Marguerite ?

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