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Raccourcis vers le Storfatogl
Raccourcis vers le Storfatogl
Raccourcis vers le Storfatogl
Livre électronique324 pages4 heures

Raccourcis vers le Storfatogl

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À propos de ce livre électronique

Lorsque, dans l’enfance, Axel Ty découvre des passages incongrus dans la maison de ses grands-parents, puis chez un ami, il est loin de se douter que l’exploration ne fait que commencer. Avec les années, ses aptitudes à découvrir de nouveaux raccourcis ne font qu’augmenter et l’amènent à franchir des distances que la géométrie des lieux en théorie ne permet pas. Il ignore qu’il fait l’objet d’une surveillance aussi discrète qu’ancienne par de mystérieux individus et par un gangster de la pire espèce. Lorsqu’il comprend que sa liberté et même sa vie sont en jeu, il s’enfuit avec ses amis dans le plus grand raccourci qu’il ait jamais découvert, véritable labyrinthe dans lequel, pour être sauvé, il doit se perdre. De nombreux dangers l’attendent, mais également un émerveillement sans limite dans ce lieu qui pourrait être une porte d’entrée dans le Multivers.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1964, Thierry Faivre est médecin psychiatre. Il a écrit et publié des nouvelles de science-fiction, dont l’une, "Āvenir?", lui a valu la 3e place du prix Alain le Bussy 2015. "Raccourcis vers le Storfatogl" est son premier roman publié.

POINTS FORTS

Mêlant fantastique et espionnage, Thierry Faivre nous emmène dans une course-poursuite effrénée dans des lieux étranges qui produisent autant d’émerveillement que d’effroi pour s’achever dans un maelström de SF. Avec une écriture fluide et un style soigné, il emprisonne le lecteur dans un récit addictif.


LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie21 mai 2025
ISBN9791038810174
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    Aperçu du livre

    Raccourcis vers le Storfatogl - Thierry Faivre

    cover.jpg

    Thierry FAIVRE

    Raccourcis vers le Storfatogl

    Roman de Science-fiction

    ISBN : 979-10-388-1017-4

    Collection : Atlantéïs

    ISSN : 2265-2728

    Dépôt légal : mai 2025

    © couverture Ex Æquo

    © 2025 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite

    Éditions Ex Æquo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières Les Bains

    www.editions-exaequo.com

    À mon père, Félix,

    Et à tous mes proches

    Prologue. Fin de l’aventure

    Le piège vient de se refermer sur Axel. Impossible d’aller plus loin. Tassé au fond du cul-de-sac, il se retourne tant bien que mal. Le visage de l’homme à l’entrée du boyau, à quelques mètres à peine de lui, affiche un air aussi mauvais que satisfait.

    — Sois raisonnable, mon garçon ! Ne fais pas l’idiot. Reviens ! Tu vois bien que tu es dans une voie sans issue.

    En plaquant son menton sur le sternum, et en dépit de l’étroitesse du boyau, Axel peut contempler ses propres jambes, ou plus exactement ce qui aurait dû être ses jambes et qui a disparu, arraché par la poigne terrible du robot de guerre. Pas question de faire demi-tour ! Non, vraiment pas. L’homme qui a remplacé la machine à l’entrée de l’étrange tunnel dans lequel Axel a trouvé refuge tente en vain de saisir un de ses moignons dans le but évident de le sortir de là. Il ne manque que quelques centimètres.

    — Si vous croyez que je vais revenir et laisser votre saleté de robot me charcuter, vous vous fichez le doigt dans l’œil ! lance Axel, bravache, furieux que ce salaud ose l’appeler « mon garçon ».

    — Tu me donnes guère le choix. J’aurais préféré ne pas en venir à ça, mais bon… réplique l’homme sur un ton décidé.

    Horrifié, Axel le voit pointer un blaster dans sa direction. Il ferme les yeux, crispe instinctivement tous les muscles de son visage. Les Raccourcis l’ont fasciné ; ils le conduisent aujourd’hui à sa perte. Coincé dans le plus merveilleux d’entre eux, il se rappelle ce que Kira avait dit de l’arme qui le menace. À cette distance, il n’a aucune chance d’en réchapper.

    Un flash lumineux intense embrase sa vue.

    En dépit de l’extrême brièveté de l’instant, il a assez de lucidité pour ressentir que cette lumière est née de l’intérieur de sa tête.

    Puis tout s’arrête.

    1. Enfance

    Pour la plupart des gens qui en ont entendu parler, les Raccourcis ne sont qu’une mythologie moderne.

    Il n’est pas question, bien sûr, d’évoquer ici les raccourcis permettant d’aller d’un point A à un point B, en moins de temps ou à moindre distance, dont raffolaient les automobilistes des décennies passées, avant l’épuisement définitif des énergies fossiles. C’était une sorte de sport entre amis ou connaissances dont on tirait fierté. On avait trouvé le moyen de gagner une heure ou de faire cinquante kilomètres de moins par rapport à l’itinéraire conventionnel. On annonçait ça au cours d’un repas, avec un détachement affecté, tout à une joie qu’on évitait de trop afficher.

    Il s’agissait finalement de simple géométrie euclidienne : le trajet A-C’-B était plus court qu’A-C-B et cherchait à tendre vers A-B. L’apparition du GPS avait rendu la chose plus ou moins obsolète, mais certains petits malins arrivaient encore à faire mieux que le programme informatique de leur appareil, surtout lors de bouchons, ces blocages de l’écoulement des véhicules dû à leur trop grand nombre en fonction de l’espace disponible. Quelle aberration, quand on y songe !

    Non, il s’agit ici d’évoquer les Raccourcis avec un R majuscule qui ont pu provoquer chez certains une passion dévorante et les ont amenés parfois à la folie. Ceux-là n’entrent dans aucune branche connue des mathématiques ni de la physique. Quand nous disons connue, nous devrions ajouter ou démontrée, car il a été envisagé que ces passages semi-virtuels procèdent du multivers, interprétation qui n’est pourtant pas la plus fantaisiste de toutes. On sait aussi que les Raccourcis font intervenir la biologie par des mécanismes qui demeurent totalement mystérieux.

    Axel a rencontré des personnes qui avaient érigé en religion le phénomène et lui attribuaient une genèse surnaturelle et divine. Avec tout ce qu’il connaît des Raccourcis, et bien qu’il soit incapable d’en expliquer les mécanismes exacts, ce type d’assertion naïve ne manque jamais de le faire sourire.

    Le premier contact d’Axel avec les raccourcis remonte à l’enfance, et à ce titre, est en grande partie noyé dans les limbes de cette période de la vie où la maturité du cerveau n’est pas encore acquise et où l’intensité du travail d’apprentissage est telle que les processus de mémorisation des expériences subjectives sont peu performants.

    Âgé de neuf ans, il passe les vacances d’été chez ses grands-parents paternels. Elles tombent à point nommé pour lui permettre de se rétablir d’une fracture de l’avant-bras gauche, opérée quelques jours plus tôt. Les circonstances de la blessure importent peu — si ce n’est qu’Axel est un garçon plein de vie qui consacre beaucoup de temps à dissiper en mouvement une énergie surabondante. La phrase qu’il entend le plus souvent de ses parents est « Axel, reste tranquille ! », souvent assortie d’un « tu nous fatigues ! » On retiendra juste qu’il a fallu passer par une ostéosynthèse chirurgicale, méthode archaïque qui avait encore cours à cette époque-là, sorte de travail de menuiserie sur les tissus osseux.

    Ses grands-parents ont élevé trois garçons et une fille, et ont pris en charge quatre petits-enfants nés avant Axel, tout ça pour dire qu’ils savent comment occuper et canaliser un enfant débordant d’énergie, sans avoir à le surveiller à chaque instant. Les parents repartent en le laissant à leur garde, non sans avoir prodigué nombre de conseils et de consignes, inutiles, mais pour eux rassurants. Leur couple vacille, l’éloignement d’Axel a pour but de reconstruire ce qui peut l’être. Ils s’en vont pleins de culpabilité et d’incertitude.

    Axel passe du temps à la cuisine avec sa grand-mère, fin cordon bleu, et au potager avec son grand-père, apprend beaucoup de l’un et de l’autre, apprécie leur amour bienveillant détaché des obligations inhérentes à la fonction parentale, hormis l’application stricte des consignes concernant l’utilisation des écrans informatiques. Oh, il râle bien pour le principe au début, puis constate assez vite qu’on peut vivre une excellente journée sans s’être connecté une seule minute aux réseaux sociaux ou aux jeux en ligne. Son plâtre le gêne dans les activités manuelles qu’il découvre, mais il est dégourdi.

    Au fil des jours, il découvre un nombre impressionnant de plantes, fleurs, fruits, légumes, sait aussi bien faire une béchamel que préparer un émincé de légumes. Ce qui l’étonne sans doute le plus c’est de manger une nourriture qu’il a cueillie, lavée, épluchée et fait cuire, sans faire appel au Rézo pour une livraison dans les trente minutes garanties.

    Après trois semaines de vacances sous ce régime grand-parental, Axel dispose parfois de temps pour lui. Il ignore que Papi et Mamie ont mis fin à leur programme de reprise en main d’un enfant laissé trop seul par des parents trop actifs. Ils lui lâchent donc la bride sur le cou et ont d’ailleurs l’agréable surprise de constater qu’Axel recherche leur présence, leurs conseils et leurs connaissances au lieu d’en profiter pour s’isoler sur un quelconque écran.

    Une des nouvelles activités du garçon consiste à déambuler et explorer tout l’espace mis à sa disposition. Il sillonne le vaste jardin, la maison et ses dépendances, l’ensemble étant une ferme rénovée avec goût dans un hameau loin de la ville. Il parcourt aussi la campagne, la plupart du temps avec Papi. Il n’y a pas d’enfant de son âge dans le secteur, juste des gens âgés qui expriment chaque fois qu’ils les rencontrent combien il est désolant de ne pas voir souvent leur progéniture, des urbains pur jus qui considèrent le fait de vivre à la campagne comme régressif et désuet. Papi en rit comme d’une blague éculée, mais plus loin dit à Axel qu’il s’estime vraiment chanceux de pouvoir passer tant de temps avec son petit-fils et que oui, il est triste de vieillir sans jeunesse à ses côtés. Axel se sent fautif, bien que rien dans les paroles ni le langage non verbal de son grand-père n’affirme le moindre reproche. Il met sa main dans celle du vieil homme, découvre que, bien que le travail de la terre l’ait rendue rêche et épaisse, elle lui procure réconfort et affection. Ils s’en vont alors le cœur léger.

    Lorsqu’ils rentrent le soir, Papi veille à ce que le portail d’entrée soit toujours refermé. À la question d’Axel, il répond qu’on ne sait jamais, des maraudeurs pourraient passer dans les parages. La réponse se veut définitive, Axel garde pour lui ses autres questions sur ce sujet.

    L’enfant ne tarde pas d’explorer le grenier, lieu de mystères et d’aventure par excellence. Tandis qu’il croit le connaître à peu près, il s’aperçoit en cet après-midi tranquille — où règne une belle chaleur estivale qui a poussé Papi à faire la sieste sur un transat à l’ombre d’un tilleul et Mamie à s’assoupir sur une chaise de la cuisine, dont le volet a été abaissé pour se protéger du soleil, devant le tas de haricots verts qui l’attend sur la table pour l’épluchage — que la configuration qui lui semblait (déjà) familière est différente de celle dont il se souvient. Il met d’abord cela sur le compte de la pénombre qui l’a accueillie par effet de contraste en quittant le couloir éclairé par une fenêtre donnant au nord. Mais ses jeunes yeux s’adaptent vite à la faible luminosité ambiante. Cette fois-ci, pas de doute, ce couloir n’existait pas auparavant !

    Il écarte la malle de bois qui lui barre le passage, malle qu’il n’a pas manqué de fouiller quelques jours plus tôt et qui ne recèle rien de bien intéressant, et s’avance dans ce passage qui chemine entre la pente du toit et le mur de séparation qui coupe le grenier en deux. Non, c’est certain, si ce passage existait avant, il n’aurait pas pu ne pas le remarquer.

    Alors qu’une épaisse couche de poussière et de vieilles toiles d’araignée abandonnées par leurs occupantes recouvrent le grenier et tout son contenu, première surprise : le couloir inédit est propre. Ferait-il l’objet de soins particuliers de la part de Papi ou Mamie ? C’est peu probable, mais après tout, pourquoi pas ? Lorsqu’Axel découvre que cet étroit boyau, dont il finit par douter de la fonction tant il serpente d’un côté puis d’un autre, débouche sur une porte, il se dit qu’il est possible que ses grands-parents aient sans doute tenu à le maintenir propre afin de passer du reste de la maison au grenier sans risquer de se salir (certes, mais dans ce cas, pourquoi devoir accéder au grenier par ce chemin si alambiqué ?)

    La porte lui semble d’abord verrouillée, mais en forçant un peu, il parvient à l’ouvrir. Là, nouvelle surprise, c’est la pleine lumière d’une belle journée estivale qui l’accueille, alors que d’une part il est toujours censé se trouver dans le grenier et que d’autre part, Papi, écolo économe, veille à baisser tous les volets de la maison pour éviter la fournaise de l’été. Ébloui, Axel s’avance une main devant les yeux et machinalement referme la porte derrière lui de l’autre main. Il réalise la présence de branches tombantes d’une glycine, pendant d’en haut et de chaque côté de la porte.

    Il lui faut plusieurs secondes, de longues secondes, pour comprendre où il se trouve. Il s’aperçoit qu’il se tient bouche bée, avec probablement l’air aussi idiot qu’il le pense.

    En effet, il vient de sortir d’une dépendance qui se trouve au rez-de-chaussée et à une vingtaine de mètres de la maison !

    La chaleur du soleil le recouvre comme un cuir épais, il doit plisser les yeux pour s’en protéger.

    La stupeur initiale passée, il retrouve un fragment de présence d’esprit. Il décide de rebrousser chemin, ça lui semble aussi logique que nécessaire. Mais les choses ont la volonté de ne rien laisser se dérouler simplement ce jour-là : après avoir rouvert la porte, le couloir a disparu et voilà Axel au milieu de la petite bâtisse qui sert de remise et de débarras. La dépendance se compose de deux pièces séparées par un mur percé en son milieu. Aucune porte, aucune trappe, aucun passage dissimulé ne permet de revenir dans le grenier. La stupeur a fait entre-temps place à l’excitation de l’aventure naissante. Que va-t-il encore découvrir ?

    Puisque le passage est fermé dans ce sens, il va le refaire dans l’autre sens. Il s’élance vers la maison, y pénètre par la porte de derrière. Des bruits de voix proviennent du hall d’entrée. Il se rappelle tout à coup que c’est le jour où ses parents doivent venir le chercher. Le début des vacances lui paraît soudain incroyablement lointain, pourtant il voudrait que le temps s’étire davantage et que ses parents ne reviennent que bien plus tard. Cette pensée le culpabilise et il court se jeter dans leurs bras, avec le projet ferme de reporter à un autre moment de la journée son exploration.

    Papa et Maman ont l’air joyeux. Les vacances leur ont fait du bien, de toute évidence. Ils ne les ont jamais vus aussi détendus et reposés, affirment même Papi et Mamie. La raison ne résiderait-elle pas dans son absence à leurs côtés ? Se peut-il que, débarrassés de lui, ses parents parviennent enfin à s’épanouir ? À ne plus se disputer sans cesse ? Il garde pour lui ces interrogations dérangeantes et fort déplaisantes et répond aux multiples questions qu’on lui pose sur le déroulement de son séjour à la campagne. Atténué par ce qui trotte désormais dans sa tête d’enfant et qui le rend incapable d’empêcher la glue de la culpabilité de gripper ses neurones, le souvenir de l’expérience récente dans le grenier n’en demeure pas moins vif, sorte de mantra protecteur bienvenu. Axel se dit que sitôt les retrouvailles terminées, il filera de nouveau là-haut. Ses parents toutefois lui demandent de faire sa valise, corvée sans cesse reportée et maintenant inéluctable, après quoi il faut dîner (tôt, car une longue route les attend).

    L’heure du départ arrive. Trop tard pour une dernière escapade. Et puis, Axel n’est plus aussi sûr que ça de ne pas avoir rêvé, de ne pas s’être raconté une histoire, fantastique, certes, mais pas moins imaginaire en tous points.

    Installé à l’arrière de la voiture de location, bercé par le doux sifflement du moteur électrique, il se laisse volontiers gagner par la somnolence qui l’éloigne des questions qu’il voudrait poser à ses parents qui lui font face. C’est vrai qu’ils ont bonne mine et affichent une complicité nouvelle. Puis il glisse dans un sommeil sans rêves.

    Par la suite, la rentrée scolaire arrive, Axel retrouve les copains et les multiples préoccupations du quotidien de telle sorte qu’il finit par ne garder de son extraordinaire expérience que l’impression d’un rêve ancien et fugace. Ce curieux travail de la mémoire ne manquerait pas d’intriguer un adulte, mais à neuf ans la somme des apprentissages demeure telle qu’elle ne laisse guère de place à la rétention consciente des vécus émotionnels.

    Les choses en restent là durant trois ans. Puis Axel est invité par Jules, son meilleur copain de l’époque, à passer un week-end dans la maison de campagne familiale.

    Se rappelant peut-être, sous une forme ou sous une autre, sa lointaine découverte dans le grenier de ses grands-parents, il propose à Jules et à Nelly, la sœur de celui-ci, un jeu d’explorateurs galactiques à travers la maison et le jardin. Les voici donc parcourant en tous sens la propriété, avec pour principale consigne de se tenir à distance des adultes, lesquels représentent des aliens hostiles.

    Axel constate assez vite que si le jeu séduit ses amis, il ne lui procure pas les émotions auxquelles il s’attendait. L’expérience du grenier le pousse sans qu’il en ait conscience à se faufiler dans tous les recoins possibles et imaginables, lesquels ne lui réservent que de bien pâles déceptions et sans qu’il ne sache trop pourquoi. Sans doute que si quelqu’un de suffisamment clairvoyant s’était trouvé à ses côtés à ce moment-là, il aurait pu lui extirper son souvenir enfoui et l’aider à prendre conscience du sens de sa quête. Mais nul talent de cet ordre n’est présent, si bien qu’Axel continue d’errer chez ses amis, à chaque instant davantage frustré. Ses camarades, quant à eux, parviennent à imaginer qu’ils arpentent tous les trois des pistes qu’aucun adulte ne connaît, sur des planètes lointaines, merveilleux don de l’enfance.

    Pour ne pas gâcher leur plaisir, Axel joue le jeu un moment. Ensuite, Jules, voulant pimenter les règles, propose de se séparer. Chacun part dans une direction différente, Axel, au fait que les parents de ses amis sont absents pour l’après-midi, choisit la maison. D’instinct, il gagne la chambre d’invité qu’il occupe lors de ses séjours ici. Il adore cette pièce biscornue sur trois demi-niveaux, organisée comme une promesse de mystères.

    Un bruit dans le couloir (« des aliens ! ») le pousse à se jeter sous le lit, gros meuble de bois massif dont il avait entendu dire que la famille le possédait depuis quatre générations. Il lui fait penser à un galion espagnol. Son ami et lui ont passé des heures dessus ou dessous, à combattre des pirates sanguinaires, à explorer des mondes inconnus, à se faire peur.

    Son mouvement de reptation sous le lit a été trop généreux : Axel prend conscience qu’il aurait dû rencontrer le mur, et sans doute s’y cogner, tandis que sa tête et sa main gauche s’enfoncent dans le vide, hormis le sol. La portion du mur à l’aplomb de la tête de lit n’existe pas, ou du moins n’existe plus ! Il a assez joué en ces lieux par le passé pour savoir qu’avant le mur s’étendait jusqu’ici. Il rampe davantage et constate qu’il entre dans un couloir aux parois étonnamment fraîches. Là, tous ses sens se mettent en éveil : ses yeux ne perçoivent que l’obscurité la plus totale, une odeur indéfinissable excite sa curiosité, un souffle ténu glisse sur son visage, il n’entend plus que le bruit de sa propre respiration.

    Et d’un coup, le souvenir du grenier refait surface.

    Comme une évidence. Comme si tout ce qu’il avait vécu entre ces deux événements n’avait été qu’une simple parenthèse et que l’essentiel de sa vie se jouait à présent, dans la continuité de la découverte précédente.

    Ce constat se déroule sur un mode quasi inconscient, puis Axel se glisse tout entier dans le couloir mystérieux. Il ne lui vient pas à l’esprit d’avertir quiconque ni qu’emporter une lampe de poche pourrait s’avérer utile. Assez vite, ses mains lui indiquent qu’il est parvenu à un trou, dont la paroi forme un angle droit avec le sol. Il la tâte et découvre un escalier, ou plutôt une échelle, moulée ou sculptée dans le mur. L’étroitesse des lieux l’oblige à ressortir pour se glisser de nouveau, face contre terre, les pieds en premier. Il s’appuie sur une première marche, puis entreprend la descente. Aucune crainte ne le retient à cet instant, pas même l’incongruité d’un passage secret d’une maison sans histoire et qu’on emprunte sous un lit. Au contraire, il est gagné par l’exaltation qu’entraîne le sentiment d’une immense découverte. Il ne manque pas, en revanche, de constater l’absence de poussière et de toiles d’araignées, curieux phénomène qui rend sa progression beaucoup plus agréable qu’en cas contraire.

    Arrivé en bas de ce qui ressemble à un puits, Axel frissonne, non pas de peur, mais de froid. Il met d’abord ça sur le compte du contraste de température avec l’extérieur (il a appris au collège qu’il règne à une certaine profondeur souterraine une température constante de 12 degrés), et de la pierre dont semble fait le couloir, mais il doit vite se rendre à l’évidence : il fait plus froid là que dans un frigo. Il serait plus sage de remonter et de prendre des vêtements chauds (et aussi d’avertir Jules), mais il continue.

    En bas du puits, face à l’escalier, il découvre du bout des mains un nouveau passage, qu’il lui faut emprunter à 4 pattes. Son intuition lui dit qu’il doit se trouver sous la terrasse, à l’aplomb de la salle à manger. Au bout d’un moment, il débouche sur un cul-de-sac. Fin de l’aventure.

    Non ! Il ne tarde pas à sentir la présence de quelques marches et d’un passage surélevé par rapport au sol qu’il foule. Quelle est la signification de cette configuration ? Il se pose à peine la question et a déjà avalé les marches pour poursuivre dans le nouveau boyau. Désormais le froid le mord cruellement, il claque des dents.

    Enfin, il parvient à un obstacle, définitif, un panneau de bois. Ses explorations à l’aveuglette ne découvrent rien de plus : trois murs de pierre, un mur de bois. Une porte, sans doute. Il force sur un côté et, en effet, le panneau pivote. De la lumière perce les ténèbres tandis qu’un souffle chaud, bienvenu, se répand. Axel peine à se dégager un espace suffisant ; il ressent une résistance dynamique, comme s’il forçait sur une ouverture qui est conçue pour être actionnée par des mécanismes plus subtils, et enfin, se glisse par l’entrebâillement.

    Là, quel étonnement ! Il se croyait sous le jardin, voire en dehors de la propriété, et il n’est que dans le garage attenant à la maison ! Il gagne en quelques pas rapides la porte garnie de hublots, jette un coup d’œil au-dehors, voit sa localisation confirmée. Il se retourne dans l’idée de faire demi-tour, mais la porte n’existe plus. Seulement le mur et un gros établi de bois aux montants massifs et austères, garnis d’outils en tous genres.

    Un peu plus tard l’étonnement cède le pas à l’angoisse : la porte du garage est fermée à clé, le poids de l’établi empêche tout déplacement, comment va-t-il sortir de là ?

    Axel tambourine contre la porte, crie, appelle à l’aide dans l’espoir que Jules ou sa sœur finiront par passer dans le coin et lui ouvriront.

    Un temps infini s’écoule, la lumière du jour s’estompe peu à peu, lorsqu’enfin, des voix se font entendre, d’abord lointaines, puis proches, suivies d’un bruit dans la serrure. Le père de ses amis apparaît, l’air sévère.

    — Comment as-tu fait pour te retrouver enfermé ici ? le questionne-t-il. C’est Jules ?

    Jules et sa

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