Le hasard ou le destin
Par Youri Martini
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Détenteur d’une double licence en histoire et en sciences religieuses, Youri Martini est fils d’une mère française et enseignant dans une école secondaire italienne. Il se distingue par la richesse de ses réflexions sur le passé et les enjeux identitaires. À travers ses écrits, il interroge des thématiques universelles telles que le déracinement, la mémoire et le passage du temps.
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Aperçu du livre
Le hasard ou le destin - Youri Martini
Près de Pise
Je suis né à Staffoli, près de Pise, le 13 octobre 1899, un hameau paisible qui semblait exister en dehors du temps, un univers miniature niché au creux des collines toscanes. Ce paysage vallonné, ondulant et verdoyant tel une mer apaisée après la tempête, formait la frontière naturelle d’un monde qui, pour moi, représentait alors la totalité de l’existence. Staffoli, avec ses chemins de terre battue serpentant entre les maisons, ses demeures de pierre aux toits de tuiles rouges patinées par les ans, et son beffroi s’élançant vers le ciel tel un doigt pointé vers l’infini, était un lieu où le temps passait avec lenteur, rythmé par le tintement des cloches qui résonnaient dans la vallée comme un appel ancestral, et par la cadence des saisons qui peignaient les champs de couleurs sans cesse renouvelées : le jaune éclatant du blé mûr en été, le rouge ardent des coquelicots au printemps, le brun brûlé des feuilles mortes en automne, et le blanc immaculé de la neige en hiver, qui métamorphosait le paysage en un tableau féerique.
Ce monde empreint de quiétude et de simplicité était tout ce que je connaissais, et je ne pouvais concevoir qu’il existât autre chose. Les journées s’écoulaient selon une routine régulière et apaisante, tissée de gestes antiques et de traditions immuables. Au matin, j’entendais les voix des paysans qui se levaient tôt pour travailler aux champs, le chant du coq saluant l’aube, le grincement des charrettes sur les chemins de terre, le caquètement des poules dans les cours des maisons, et le bêlement des brebis qui paissaient dans les prés. Le soleil, lorsqu’il se hissait au-dessus des collines, inondait le décor d’une lumière chaude et dorée, transformant les gouttes de rosée en perles scintillantes, et moi, avec mes yeux d’enfant, je ne voyais que beauté. C’était aussi l’univers de mon frère cadet Luigi, dont la joie et l’enthousiasme animaient nos jeux et rendaient chaque journée encore plus lumineuse. La vie à Staffoli avançait placidement, au gré des travaux agricoles, des fêtes religieuses et des veillées au coin du feu, où les aînés racontaient des histoires et des légendes transmises de génération en génération. Il me semblait que rien ne pourrait jamais troubler cette harmonie, que ce monde idyllique durerait éternellement.
Mon père, Giuseppe Bucci, était le maître d’école du village, une figure vénérée pour son savoir et sa droiture. Il n’était pas un agriculteur comme la plupart des autres, courbés sur la terre du matin au soir, mais un homme de livres et de mots, un passeur de savoir qui ouvrait les esprits à la connaissance. Je me souviens de ses mains, calleuses et marquées par l’écriture, qui tournaient avec précaution les pages jaunies de ses ouvrages, comme s’il caressait d’antiques secrets. Je l’entendais souvent murmurer des vers de Dante et de Pétrarque ou des citations latines, comme si elles faisaient partie intégrante de sa pensée, une mélodie constante accompagnant son existence. Sa bibliothèque, regorgeant de livres anciens et modernes, était mon refuge favori, un sanctuaire où je m’évadais dans des contrées lointaines et des époques révolues. J’aimais m’y perdre parmi les rayonnages, humer l’odeur du papier et me laisser transporter dans des mondes lointains, peuplés de héros, de philosophes et de poètes. Dans mes lectures, je voyageais avec Marco Polo sur la Route de la Soie, contemplais les étoiles aux côtés de Galilée et de sa lunette, admirais Michel-Ange donnant vie au David, et rêvais avec Léonard de Vinci de machines s’envolant vers le ciel. Chaque livre était une fenêtre ouverte sur un univers différent, une invitation à dépasser les limites de mon petit monde, à nourrir mes rêves d’ailleurs et d’absolu.
« Ilario, me disait mon père, levant les yeux de ses livres, son regard pétillant derrière ses épaisses besicles, le savoir est la seule véritable richesse que nul ne pourra jamais te ravir. C’est un trésor qui te suivra toute ta vie, t’ouvrant des portes que d’autres ne soupçonnent même pas. »
Ces paroles se sont ancrées en moi, comme des graines semées dans un sol fertile. Chaque fois que je l’observais, le regard plongé dans une page ou les mains traçant des lignes ordonnées sur un tableau noir dans l’école du village, je sentais que mon père vivait véritablement dans deux mondes : celui du concret et celui des idées, des mots. C’était une vie en équilibre entre la terre et la pensée et j’en étais fasciné.
De mon père, j’ai toujours admiré le calme, sa capacité à affronter chaque situation avec quiétude et raison, même lorsque le monde autour de lui semblait s’effondrer. Chaque matin, il quittait la maison d’un pas mesuré, ses lunettes sur le nez et un livre sous le bras, tel un chevalier se préparant au combat, armé seulement de son intelligence. Je le suivais des yeux tandis qu’il traversait la place, saluant d’un signe de tête les villageois qu’il croisait en chemin. Le boucher avec son tablier ensanglanté, le boulanger, les mains couvertes de farine, le curé vêtu de sa soutane noire : tous s’arrêtaient pour échanger quelques mots avec lui, reconnaissant son autorité morale, son rôle de guide intellectuel de la communauté. Il était un repère pour tous, un homme capable de prodiguer sagesse et conseils, de résoudre les querelles et d’apaiser les conflits.
Le soir, assis près du poêle, le feu crépitant dans la cheminée et projetant des ombres dansantes sur les murs, il nous racontait des histoires d’un monde que, enfant, je ne pouvais imaginer. Il parlait de batailles, décrivant avec force détails les affrontements entre armées, le fracas des épées, le hennissement des chevaux, l’odeur âcre de la poudre à canon ; de voyages, évoquant des images de mondes inconnus, de déserts brûlants où le soleil frappait impitoyablement le sable, de jungles luxuriantes peuplées d’animaux exotiques et de tribus mystérieuses, de cités majestueuses ornées de palais et de monuments imposants ; de héros de la Rome antique, racontés avec une telle passion qu’ils semblaient prendre vie, être présents dans la pièce avec nous. Jules César, avec son ambition et son génie militaire ; Cicéron, avec son éloquence et sa défense de la liberté ; Virgile, avec sa poésie chantant les exploits d’Énée et la fondation de Rome. J’écoutais, captivé, imaginant des légions de soldats marchant au son des trompettes, des navires fendant les mers déchaînées, des gladiateurs combattant dans l’arène. Ses paroles me transportaient dans des ères révolues, me faisant rêver d’aventures épiques et d’exploits glorieux. Mais ma vie restait ici, entre les champs et les collines de Staffoli, un monde petit mais infini, un microcosme où se déroulait mon propre voyage de découverte.
Ma mère, Rosa, était différente de mon père. Silencieuse et réservée telle une rivière coulante entre les rochers, elle travaillait sans relâche, toujours avec une sorte de tranquillité qui me semblait innée, une acceptation sereine de son rôle dans le monde. Elle avait des mains fortes, des mains qui connaissaient le travail, marquées par le temps et la fatigue, mais capables de créer beauté et nourriture. Elle pétrissait le pain avec des mouvements savants, transmis à travers les âges de femmes, transformant farine et eau en un aliment sacré, symbole de vie et de communion. Elle soignait le jardin avec dévouement, cultivant légumes et herbes aromatiques qui finiraient sur nos tables, apportant la saveur de la terre dans nos assiettes. Elle tissait au métier avec habileté, créant des étoffes robustes et colorées, qui nous protégeaient du froid et embellissaient notre maison.
Et elle avait un grand cœur, même si elle n’était pas une femme de grandes démonstrations d’affection ou de paroles tendres. Elle n’en avait pas besoin. C’est par ses gestes qu’elle manifestait son amour : dans une miche chaude sortie du four chaque matin, parfumé et doré, qui réunissait la famille autour de la table ; dans la façon dont elle s’assurait que mon frère et moi ayons toujours de quoi nous nourrir, même dans les périodes les plus difficiles, lorsque la terre était avare et les récoltes maigres ; dans son inquiétude lorsque l’un de nous tombait malade, veillant à notre chevet avec une tendre sollicitude, préparant des tisanes et des décoctions à base de plantes cueillies dans les champs, priant en
