Neige sur Liège: Roman policier
Par Agnès Dumont et Patrick Dupuis
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À propos de ce livre électronique
Pas de flocons dans le ciel de la ville, mais une autre neige, addictive, illégale, pour laquelle on n’hésite pas à tuer.
Une énigme explosive que nos amis auront beaucoup de mal à résoudre.
À PROPOS DES AUTEURS
Agnès Dumont vit et enseigne à Liège. Elle a publié plusieurs recueils de nouvelles littéraires aux éditions Quadrature. C’est cependant dans le genre policier qu’elle a été une première fois remarquée en remportant le grand prix du concours Polar de la RTBF (1997) avec sa nouvelle Une bonne mère. En 2014, elle illustre à nouveau le genre avec Le gardien d’Ansembourg (paru chez Luc Pire, dans la collection Romans de Gare).
Patrick Dupuis aime Louvain-la-Neuve, ville où il a choisi de vivre depuis près d’un demi-siècle. Il y participe à l’aventure de Quadrature, une maison d’édition qui se consacre entièrement à la nouvelle francophone. Lui-même nouvelliste, auteur de plusieurs recueils (publiés aux éditions Luce Wilquin), amoureux de Simenon, il a longtemps rêvé d’écrire un roman policier qui se passerait dans sa ville.
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Avis sur Neige sur Liège
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Aperçu du livre
Neige sur Liège - Agnès Dumont
Descriptif
La collection de romans policiers Noir Corbeau bénéficie du regard averti de François Périlleux, Commissaire Divisionnaire (e. r.), ancien chef de la Crime à la Police Judiciaire Fédérale de Liège.
Trois nuits plus tôt
Noir ! Tout était noir. Dans la nuit dense, sa veste noire collée à sa peau, noire elle aussi, la rendait quasiment invisible. Elle courait sans se retourner, fonçait au milieu des arbres, incapable d’éviter les branches qui lui griffaient la figure. Une nouvelle balle siffla à ses oreilles. Elle accéléra, ses jambes comme des pistons bien huilés la propulsaient toujours plus vite, toujours plus loin. Elle escalada un talus, trébucha sur une souche, reprit sa route, le souffle court. Soudain, le sol se déroba sous ses pieds, elle croisa les bras pour tenter de se protéger, roula et glissa jusqu’à ce qu’un tronc mette un terme brutal à sa chute.
Au loin, elle les entendit encore qui s’interpellaient dans une langue inconnue. Elle ramena sa tête entre ses genoux repliés, se recroquevilla sur le sol, comme pour se fondre dans l’humus, et resta de longues minutes immobile, tous les sens aux aguets. Plus aucun son ne lui parvenait. Seraient-ils déjà partis ? Le soulagement ressenti à cette idée fut de courte durée. Si c’était le cas, cela signifiait qu’ils savaient où la retrouver. Elle n’avait pas le choix : elle devait éviter tous les endroits qui lui étaient familiers.
Les pulsations de son cœur s’apaisaient, elle releva la tête, tenta de se repérer. Un profond silence régnait dans ce bois ardennais, cette forêt si éloignée de la végétation de son enfance. Fallait-il continuer à fuir ou attendre la levée du jour pour s’orienter ? Heureusement, dans la poche de son blouson, son portefeuille était toujours là, et son smartphone aussi. Son smartphone avec les photos…
Un craquement la fit sursauter, la figea, bouche entrouverte et respiration coupée. Comme quand, gamine, elle jouait à cache-cache dans la banlieue de Yaoundé. Mais la gamine était loin et ceux qui la traquaient aujourd’hui, s’ils retrouvaient sa trace… Elle attrapa une branche, la serra dans son poing, bien décidée à ne pas se rendre sans combattre.
Mais le silence revint, se prolongea. Fausse alerte. Sans doute un petit rongeur nocturne en quête de nourriture. Elle devait se calmer, ne plus penser à ce qui venait d’arriver.
Leur voiture avait quitté Liège à la tombée de la nuit et avait pris la direction de l’Ardenne. Voiture volée ? Prêtée par quelqu’un ? Peu lui importait. Son cousin conduisait, silencieux et tendu. Comme convenu, elle avait pris place sur la banquette arrière et ne le regrettait pas, car le chauffeur dégageait une odeur douceâtre, à la limite du supportable. Une odeur d’homme mal lavé, de linge de corps pas frais. Elle lui avait demandé si on pouvait ouvrir une fenêtre. Pas de réponse, alors que c’était pour lui, ou plutôt à cause de lui, qu’elle s’était lancée dans cette aventure. Elle n’aurait jamais dû accepter. Son instinct le lui avait soufflé dès qu’elle avait compris ce qu’il manigançait. Mais il était de sa famille et il avait réussi à la culpabiliser : la famille, c’était sacré.
Elle avait jeté un coup d’œil sur son smartphone : une heure du matin, on était déjà demain. Si le plan foireux du cousin devait retarder ne fût-ce que d’une semaine l’obtention de son permis de séjour, famille ou pas famille, il le paierait cher.
Ils avaient quitté l’autoroute. Peu de circulation. Léon Nkoulou était prudent et respectait les limitations de vitesse. Pas envie de se faire contrôler, sans doute. Que pouvaient bien contenir les sacs qu’il avait enfournés dans le coffre ? Drogue ? Armes ? Cigarettes de contrebande ? Il valait mieux ne pas savoir. Dans quelques minutes, ils arriveraient à l’endroit discret où ses employeurs lui avaient donné rendez-vous. Léon lui avait demandé de l’accompagner pour prendre des photos sans se faire remarquer. Elle devait rester dans la voiture durant toute la transaction. Ensuite, ils retourneraient à Liège. Elle avait accepté avant de se rendre compte que la demande émanait d’un homme qui avait peur. Peur de quoi ? Elle s’en fichait.
La voiture avait ralenti. Le chauffeur s’était engagé sur une petite route secondaire :
— Cache-toi sous le plaid !
Ils progressaient à pas d’homme. Elle avait un peu soulevé la couverture et le profil du conducteur lui était apparu en contre-plongée. Il semblait de plus en plus nerveux, avait lancé un appel de phares puis coupé son moteur.
Quand la portière avait claqué, elle avait attendu quelques instants avant de risquer un coup d’œil. Un parking mal éclairé avec, sur le côté, quelques tables en bois, des bancs : une aire de pique-nique. Le cousin palabrait avec trois types, deux petits affublés de blousons de cuir et un grand chauve aux bras tatoués. Des skinheads ? Elle avait saisi son smartphone et commencé à photographier en espérant que le faible éclairage public lui donne assez de luminosité. Pas question d’utiliser le flash.
Les hommes avaient ouvert un des sacs apportés par son cousin. Leur discussion semblait dégénérer, mais impossible d’entendre quoi que ce soit. Soudain, une détonation et le cousin s’était effondré. Le trio l’avait regardé tomber sans manifester la moindre émotion. Un meurtre dans toute sa banalité.
Elle était restée un court instant immobile, paralysée, et cet instant avait eu valeur d’éternité. Son corps avait fini par réagir. Elle s’était laissée glisser hors de la voiture pour se faufiler dans le sous-bois mais, malgré ses précautions, l’un des meurtriers l’avait repérée. Des cris, des pas, une deuxième détonation. Elle avait couru sans réfléchir, animée par un instinct animal de survie.
Sa respiration redevenait normale. Elle se releva à moitié et jeta un regard au-delà du tas de branchages qui la protégeait. Elle se trouvait au bord d’un chantier forestier, une coupe « à blanc ». Le bois scié était partout : stères alignés, troncs en attente de chargement… Au-delà, le versant d’une colline laissait voir sa totale nudité sous la clarté de la lune qui avait percé les nuages.
Envie de pleurer, mais elle devait agir, et vite. D’abord s’assurer que personne ne la poursuivait. Ensuite éviter cette clairière car elle y serait trop visible. Mieux valait longer la lisière du bois, emprunter la voie tracée par les engins de chantier qui œuvraient sur ce site et qui devait forcément mener quelque part.
Elle se remit en route, les membres engourdis par sa longue station immobile. Bientôt, elle s’engagea sur un chemin un peu plus important. Il n’était pas macadamisé et ça la rassura : ni le véhicule des meurtriers ni celui de son cousin n’étaient tout-terrain. Aucun risque qu’ils s’aventurent par ici. Les ornières avaient été remplies de briquaillons et de déchets de construction. Deux rigoles délimitaient la piste qui bifurqua à gauche avant de déboucher sur une nouvelle clairière. À l’autre bout, une masse plus sombre, peut-être une maison, entourée d’une haie assez haute. La piste s’arrêtait là, remplacée par une petite route goudronnée filant vers quelques lumières qui scintillaient au loin.
Elle renonça à demander de l’aide. La police, quand on n’avait pas de papiers, c’était peine perdue. Un coup d’œil à son téléphone lui apprit que sa batterie était plate. Les photos, ça consommait de l’énergie. Elle devrait s’en sortir seule mais ce n’était pas plus mal : inutile de mettre ses amis en danger.
Sur sa gauche, la masse sombre se précisait : un corps de logis en moellons, quelques dépendances, une cour de terre battue mais, sous les hangars, plus aucune trace d’engins agricoles ; la ferme avait sans doute été transformée en résidence secondaire ou en gîte de vacances. Pas de voiture non plus, pas d’aboiement de chien, les lieux semblaient vides. Elle s’avança sans bien savoir ce qu’elle cherchait. Le long d’un mur, un vélo était abandonné. Après quelques coups de pédale prudents, elle prit très vite de l’assurance. Une idée unique tournait dans sa tête : quitter cet endroit hostile.
La route déboucha enfin sur une artère plus importante. En parallèle, des poteaux de caténaires plantés à intervalles réguliers : une voie de chemin de fer. Sauvée ! Redoublant d’énergie, elle longea les rails jusqu’à la gare la plus proche.
Ce n’était plus qu’un simple point d’arrêt : un bâtiment délabré aux fenêtres condamnées, deux quais, un guichet automatique et surtout un panneau éclairé, avec l’horaire des trains. Un rapide coup d’œil lui permit de constater que cette gare se trouvait sur la ligne Namur-Bertrix.
À l’approche des quais, elle fut rassurée : seuls, deux navetteurs bavardaient, dans l’attente du premier train qui n’allait pas tarder. Aucune trace de ses poursuivants. Elle abandonna son vélo, prit son billet, se détendit un peu et réfléchit. Pas question de mouiller Clarisse dans cette affaire. Son amie ne résisterait pas à la tentation d’enquêter et, comme d’habitude, elle prendrait des risques. Pas question non plus de rejoindre son domicile, car ses poursuivants devaient connaître l’adresse de Léon Nkoulou. Son adresse. Elle savait cependant où se rendre afin de recevoir une aide discrète et c’est le cœur plus léger qu’elle monta dans le convoi qui allait la ramener vers Liège.
Samedi
Depuis Namur, le train direct Bruxelles-Ottignies-Liège jouait avec la Meuse. Il s’en écartait pour mieux la rejoindre ensuite. À partir d’Andenne, il se faufilait dans un paysage de plus en plus industrialisé qui ne plaisait guère à Roger Staquet. Il lui préférait la belle Meuse dinantaise où il allait parfois pêcher avec un de ses vieux amis. Les jolies villas mosanes et les chemins de halage verdoyants étaient ici remplacés par des berges bétonnées, des usines assez crades et d’autres bâtiments industriels plus ou moins en bon état… rien de bien attrayant.
Pourquoi Paul Ben Mimoun l’invitait-il à Liège alors qu’il habitait Namur ? De l’eau avait coulé sous les ponts depuis leur première enquête¹. Le jeune agent avait fait son trou dans la police d’Ottignies tandis que lui-même poursuivait sa petite vie tranquille dans la cité universitaire. Ils se voyaient encore de temps en temps, mais Staquet était sans nouvelles depuis deux mois. Et tout à coup cette invitation, aussi loin de son domicile néo-louvaniste que de Namur et sans la moindre explication…
Intrigué, il avait accepté. Après tout, Paul et lui étaient liés par une aventure commune et l’idée de passer quelques heures dans la Cité ardente ne lui déplaisait pas. Il appréciait cette ville, même s’il la connaissait mal, et il était curieux de découvrir la nouvelle gare des Guillemins, qui figurait, disait-on, dans le top dix des plus belles gares du monde.
Lorsque le train s’arrêta, il ne fut pas déçu. La gare était aérienne… et très aérée ! L’architecte Calatrava, à l’origine des plans, avait pensé à tout sauf aux courants d’air qui parcouraient les quais de ce bâtiment ouvert à ses deux extrémités.
Il était vingt minutes à l’avance et il décida de flâner avant de se rendre sur le quai numéro 2 où Paul lui avait donné rendez-vous. La journée s’annonçait chaude. Les mains dans le dos, il arpenta l’immense bâtiment. Les rayons du soleil jouaient dans les structures de l’imposante coupole ovoïde qui le recouvrait et donnaient un air de gaieté à l’ensemble. Sous les quais, un centre commercial et un hall d’exposition transformaient les lieux en véritable petite cité. Roger comprenait pourquoi certains encensaient l’édifice alors que d’autres le vouaient aux gémonies. On devait moins apprécier les courants d’air quand on prenait chaque jour un train de banlieue dans la froidure du petit matin…
Lorsqu’il découvrit l’énorme percée qui conduisait du parvis vers la Meuse, Roger fut effaré. Combien d’expropriations pour un tel résultat ? Cette gare semblait disproportionnée par rapport à la taille de la ville. Sa première impression se confirmait : on avait sacrifié la commodité à la beauté. Le résultat était surprenant, mais peu pratique.
Lorsqu’il se décida à rejoindre le point de rendez-vous, il comprit immédiatement qu’il n’était pas venu à Liège pour faire du tourisme. Au-dessus de l’escalator qui menait au quai numéro 2, Paul Ben Mimoun l’attendait, mais il n’était pas seul. Une certaine Clarisse était à ses côtés.
Roger n’avait plus rencontré l’étudiante depuis l’affaire des sugar babies². Entre-temps, elle avait terminé ses études et quitté Louvain-la-Neuve. Il la reconnut sans difficulté : même chevelure blonde, même salopette… Ces deux-là étaient-ils ensemble ou Clarisse avait-elle fait appel à Paul après s’être mise dans un nouveau pétrin ? Il allait vite le savoir.
Les effusions furent brèves. L’attitude plutôt guindée du jeune agent étonna son ami. Était-ce la présence de Clarisse, le fait d’être loin de ses bases ? Il remit à plus tard la réponse à ces questions. Clarisse, par contre, était égale à elle-même. Elle n’embrassa pas Staquet mais lui donna une poignée de main qu’on aurait pu qualifier de virile. Étonnant, pour une jeune fille aussi mince.
Elle prit la direction des opérations. On approchait de midi et elle proposa d’aller casser la croûte au Grand Café de la gare, un établissement de la galerie commerçante qui courait en dessous des quais. Roger ne connaissait pas l’enseigne et espérait qu’on ne l’obligerait pas à goûter aux sempiternels boulets à la liégeoise, plat régional qui figurait en bonne place dans le panthéon culinaire de la Principauté et qu’il était sacrilège de ne pas apprécier.
Il se rendit vite compte que Clarisse et Paul voulaient lui parler de quelque chose d’important. Pourtant, on discourut d’abord de la pluie, du beau temps, de la gare, de rien. De son côté, une question aussi lui brûlait les lèvres, mais il se garda bien de l’énoncer. Paul courtisait-il la jeune fille ou avaient-ils déjà sauté le pas ? « Courtiser » : un mot qui ne s’employait plus depuis longtemps et qui soulignait la différence d’âge entre ces jeunes et lui.
En pénétrant dans l’établissement, Roger ne put s’empêcher de faire remarquer que les propriétaires du lieu ne s’étaient pas foulés pour nommer leur resto : il se trouvait dans une gare et il était effectivement fort grand. Pour sa part, il préférait les endroits plus intimes, mais il devait reconnaître que la disposition des tables, la couleur rouge des chaises et la cuisine ouverte donnaient un cachet moderne à cet endroit.
— Que prenez-vous ? Je vous invite. Pour moi, ce sera d’abord un grand verre d’eau. Mes déambulations dans ce nid à courants d’air m’ont asséché la gorge.
Sans remarquer que Clarisse fronçait les sourcils, il poursuivit : « Cette gare est magnifique mais côté pratique, Monsieur Calatrava devra revoir sa copie. Je n’aimerais pas devoir attendre un train ici en plein hiver. »
Clarisse réagit avec fougue.
— Je sais que pas mal de gens lui reprochent les courants d’air qui la parcourent en tous sens, mais je trouve que cette gare est belle. Elle est devenue en peu de temps un monument incontournable à Liège. Il est important que ma – elle insista sur le possessif –, que ma ville vive avec son temps.
Roger avait rencontré suffisamment de Liégeois dans sa vie pour savoir que ceux-ci avaient la tête près du bonnet et qu’il ne fallait pas critiquer leur cité. Mais il pensait que l’esprit principautaire était l’apanage des plus anciens et que la jeunesse voyait tout ça d’un autre œil. À entendre Clarisse, ce n’était manifestement pas le cas. Cela l’étonna jusqu’au moment où une petite voix intérieure lui susurra qu’il réagissait de la même manière quand, devant lui, on critiquait Louvain-la-Neuve et qu’il ne devait pas se formaliser pour si peu. Il préféra réitérer sa demande :
— Qu’est-ce que vous prenez ?
Il avait failli glisser « les tourtereaux » à la fin de sa question mais s’était arrêté à temps : pas certain que cette petite plaisanterie eût été appréciée. Il avait toujours tendance à imaginer la vie des gens, il leur prêtait des émotions, des envies, mais la réalité, souvent, lui révélait ensuite qu’il était à côté de la plaque.
Aucun, parmi ses deux amis, ne vanta les mérites du boulet sauce lapin et il put sans problème commander un steak. Trois trappistes vinrent compléter le menu, ce qui permit
