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Le Mystère La Pérouse: Mort suspecte chez les naturistes
Le Mystère La Pérouse: Mort suspecte chez les naturistes
Le Mystère La Pérouse: Mort suspecte chez les naturistes
Livre électronique428 pages5 heures

Le Mystère La Pérouse: Mort suspecte chez les naturistes

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À propos de ce livre électronique

Le domaine naturiste La Pérouse au Touquet est endeuillé par la mort d’Antonin Salindre, découvert au sommet d’une dune à proximité du village. Alors qu’une mort naturelle semble satisfaire la communauté, Benjamin Docer, intrigué par certains détails, décide d’endosser de nouveau son costume de détective. Qui avait intérêt à éliminer Antonin, militant naturiste controversé ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ingénieur nordiste, dirigeant d’une société de conseil, spécialiste en écologie, pilote de rallye amateur, Guy Lerbut, à l’âge de la retraite, a ajouté une corde à son arc. Il s’est lancé dans l’écriture de romans policiers. Après un premier livre publié en 2018, on retrouve, dans ce second roman, Benjamin, personnage récurrent, héros d’une trilogie.
LangueFrançais
ÉditeurGilles Guillon Editeur
Date de sortie2 mars 2021
ISBN9782491114244
Le Mystère La Pérouse: Mort suspecte chez les naturistes

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    Aperçu du livre

    Le Mystère La Pérouse - Guy Lerbut

    Gilles Guillon

    BP 11 287

    59014 Lille Cedex

    www.gillesguillon.com

    ISBN numérique : 9782491114244

    © Gilles Guillon 2021

    Reproduction même partielle interdite

    sans autorisation écrite de l’éditeur.

    Du même auteur

    Le Mystère Entropie

    (Ravet-Anceau, 2018)

    A Marie Christine

    Prologue

    Dimanche de Pâques, deux années plus tôt.

    A 8 heures tapantes, j’allais chercher mon ami Daniel pour un footing dominical. Daniel s’échauffait sur la terrasse de son chalet.

    Notre circuit habituel de 7 à 8 km nous faisait quitter notre village résidentiel, longer la piste cyclable qui relie Le Touquet à Stella, prendre un sentier sablonneux vers l’ouest, gravir la dune, nous retrouver sur la plage au milieu des chars à voile puis ne pas rater le chemin qui traverse de nouveau les dunes pour finalement franchir le portail piétonnier par lequel nous rentrions dans le village. Le vent avait tant soufflé cette nuit que toutes les traces de pas étaient effacées. Nous avions la sensation d’être les premiers à fouler un espace jusqu’alors inexploré. Daniel semblait plus en forme que moi, j’avais peine à le suivre.

    « Allez, Benjamin, c’est la dernière butte ». Je profitais du sable durci laissé par ses empreintes quand tout à coup, Daniel s’arrêta si brusquement que je le percutai. Sous nos yeux ébahis, il y avait là un corps, allongé sur le ventre, la tête enfouie dans le sable, il portait un polo rayé bleu et était nu sous la ceinture. Il était aussi blanc que l’écume amenée par les vagues, je ne devais pas être plus coloré :

    — On dirait…

    — Oui, c’est lui. Hier, il portait le même tee-shirt !

    1

    Aujourd’hui

    Je roule au-delà de la vitesse autorisée sur la Rocade Est de Lille. Dans une heure, j’interviendrai lors d’un forum organisé au sein de la Maison des Professions à Marcq-en-Barœul. J’y donnerai une conférence sur les jeunes et la mondialisation auprès d’un parterre de chefs d’entreprises, essentiellement des PME. Charlotte, mon assistante, est assise à mes côtés. Lorsque j’interviens en public, j’aime être accompagné de ma collaboratrice. 

    Charlotte est compétente, dévouée à l’entreprise. Elle m’est attachée également, des collègues m’ont rapporté ses propos : « Si le boss part, je pars aussi ». A défaut d’être mignonne, Charlotte est plutôt bien faite mais fagotée à l’ancienne. Je soupçonne son mari d’être jaloux et de se satisfaire de la voir non désirable.

    — Vous devriez activer le régulateur, Monsieur Benjamin !

    Eludant totalement sa remarque :

    — C’est incroyable, Charlotte !

    — Quoi donc ?

    — Vois-tu, imagine que je sois victime d’un crash aérien et que je m’en sorte !

    — Ben oui, puisque vous êtes là !

    — Sûr que je suis là, mais c’est un exemple Charlotte. Imagine maintenant que quelques temps après je le sois de nouveau et que j’en réchappe encore !

    — Impensable !

    — Oui mais possible, même avec une infime probabilité ! Allez, une chance sur mille milliards ! Eh bien je suis témoin de faits qui, par deux fois, se sont produits avec la même probabilité, une sur mille milliards.

    — ???

    — Que je t’explique : il y a vingt ans, j’ai découvert un cadavre, celui d’une jeune fille : Virginie Mathé. Son cadavre avait disparu, l’enquête était à l’abandon mais mes investigations ont permis de dénouer l’énigme.

    — Oui, je sais. Ici, nous avons tous lu votre bouquin ¹ mais c’est de l’histoire ancienne.

    — Exact. Tout le monde connaît cette histoire, mais là où je voulais en venir c’est que vingt années plus tard, je découvre un autre cadavre ! Quelle probabilité, hein Charlotte ? Du même ordre que le double crash aérien, une chance ou une malchance sur mille milliards !

    — Vous avez découvert un nouveau cadavre ?

    — Ben oui, pas le même !

    — C’est fou ! Et c’est arrivé il y a longtemps ?

    — Le temps de…

    — Vous me raconterez plus tard, au retour, Monsieur, parce que là nous approchons de la Maison des Professions et vous devriez vous concentrer sur votre intervention.

    — Oui, tu as raison.

    Voilà pourquoi j’aime être accompagné lors de mes conférences par Charlotte car elle est très pragmatique. A peine arrivés, elle ira tester ma clef USB sur l’ordinateur mis à disposition. Ces forums sont l’occasion de rencontrer des personnalités, peut-être de futurs clients. Charlotte note tout, garde les cartes de visite. Je suis sur l’instant présent, elle est la mémoire vive !

    Cet après-midi, nous serons trois intervenants, j’avais demandé à discourir le premier. Je préfère. L’attention des auditeurs est toujours plus grande. J’en aurai pour une demi-heure sans les questions.

    Il était prévu qu’un journaliste de La Voix du Nord anime le débat. Il est bien là. Dans son liminaire, il annonce à l’auditoire que les questions sont à conserver pour la fin. Mes co-intervenants sont donc deux, un syndicaliste CFDT et un inspecteur de l’Education nationale, plus précisément de l’Enseignement technique.

    Le thème défini Les jeunes et la mondialisation est vaste. J’en avais choisi une des facettes « Faire confiance aux jeunes ». En voici une synthèse :

    Le monde bouge, les repères d’hier se délitent dans une logique floue, même les mathématiques sont désormais plus centrées sur des probabilités que des certitudes. Qui peut dire, dans le monde des entreprises, ce que seront les marchés, les produits, les services, les processus à échéance de cinq ans, deux ans tout au plus ?

    Les causes de ces pertes de repères fiables, inscrites dans la durée sont diverses, je n’en retiendrai que trois, d’abord la mondialisation, si elle aide à l’équilibre des peuples, elle perturbe et pénalise les civilisations les plus protégées, ensuite le capitalisme anonyme, difficile de bâtir des stratégies industrielles sur le long terme lorsque le capital est diffus et que les décisions se basent sur des logiques de rentabilité à court terme et enfin il y a cette bulle financière qui s’est développée en marge de l’activité économique réelle.

    Beaucoup d’entre nous expriment une perte de valeurs. Nous avons perdu les clefs de ce remue-monde. Faut-il baisser les bras ? Certes non, il faut faire avec et anticiper.

    Einstein, dans la première partie du XXesiècle, écrivait : Si nous ne changeons pas notre façon de penser, nous ne serons pas capables de résoudre les problèmes que nous créons avec nos modes actuels de pensée.

    Il faut laisser la place aux jeunes et surtout ne pas les protéger, ce qui les ferait rentrer dans le monde des vieux. Eux, les jeunes, sont à même de trouver les clefs qui ouvriront les portes du monde de demain. Ce monde de demain qui ne sera pas celui du principe de précaution mais du principe d’oser. Et pour cela, leur faire confiance, leur laisser des marges de manœuvre pour que leur imagination dépasse les certitudes des vieux.

    Je préciserai pour terminer qu’il y a des jeunes et des vieux de tout âge. 

    Les applaudissements furent mitigés malgré Charlotte convertie en chauffeuse de salle.

    Juste après moi, le syndicaliste Karim Benoït eut un discours pragmatique et modéré loin des invectives médiatiques habituelles des syndicats. Il incita les chefs d’entreprise à embaucher des jeunes à tous niveaux, « certes ils n’ont pas l’expérience mais la plupart possèdent d’autres qualités techniques et humaines, qu’il faut détecter à l’embauche ». On était loin des CV anonymes préconisés par quelques technocrates de gauche. Je demandai à Charlotte de prendre ses coordonnées.

    L’inspecteur de l’Education nationale, Bernard Legros, tout filiforme qu’il fut, n’improvisa pas, il lut son texte en appui d’un magnifique Power-Point. Son discours était intéressant tourné entièrement vers l’apprentissage et ses vertus.

    Avant même une pause espérée par beaucoup, le journaliste donna la parole au public. Vous relater juste une question : « Guy Bertrand, patron d’une imprimerie : embaucher des jeunes apprentis, d’accord mais avec quelles aides ? ». Devançant l’inspecteur à qui la question était adressée, je me suis empressé de prendre le micro pour répondre : « Arrêtons avec les aides, ce n’est pas à vous que je m’adresse, cher confrère, mais aux politiques, arrêtons avec les aides, les zones franches par ici, les crédits impôts par-là, les abattements… ils nous les font payer autrement et dix fois plus et, qui plus est, s’instaure une concurrence déloyale ». Je n’eus pas à en dire plus, les applaudissements fusèrent et suffirent pour clore le débat sur cette question !

    Une heure plus tard, nous étions au cocktail qui suivait, à poursuivre nos conversations de… comptoir. Charlotte était près de moi et sirotait un jus de fruit. J’en étais à mon troisième verre de « Méthode champenoise » quand elle tira la manche de ma veste :

    — N’oubliez pas que vous conduisez !

    Sur la route du retour, alors qu’habituellement nous débriefions du colloque ou de la réunion, Charlotte entama la conversation :

    — Alors ce cadavre ?

    — Ah oui, ce cadavre ! Figure-toi que nous étions en vacances…

    — Au chalet de vos beaux-parents sur la côte d’Opale ?

    Comment savait-elle où nous passions nos vacances ? Nous étions propriétaires d’un chalet au Touquet mais il n’avait jamais appartenu à mes beaux-parents. Nous l’avions acheté de nos propres deniers à un Alsacien. Je n’ai pas voulu la contredire, ayant toujours été discret sur mon patrimoine et mes activités extra-professionnelles. Ainsi, je lui répondis sans en rajouter :

    — Oui, c’est cela.

    — Dans un domaine naturiste !

    La réplique de Charlotte n’était pas formulée en questionnement mais en affirmation. Me voyant mal à l’aise, elle reprit :

    — Excusez-moi, Monsieur, je suis plutôt impertinente mais vous savez, au bureau, tout le monde le sait. Alors autant que vous le sachiez… que tout le monde le sait.

    Constatant mon silence et pour être certaine que j’avais bien compris, elle reprit :

    — Tout le monde le sait que vous êtes naturiste !

    Le compteur affichait 130 km/h sur une voie limitée à 90.

    Chose qui ne m’arrivait qu’en cas de reproche, je me mis à la vouvoyer.

    — Et comment vous savez cela ? Qui vous l’a dit ?

    Il y eut un blanc. Charlotte, constatant le changement de ton, se demandait si elle n’était pas allée trop loin. Je dus réitérer ma question :

    — Alors qui vous en a parlé ?

    — Monsieur, regardez devant vous, faites attention à la route !

    — Ne changez pas de conversation. Qui vous en a parlé ?

    — Personne, Monsieur.

    — Comment cela, personne !

    — En fait, c’est votre fond d’écran. Vous en avez changé récemment mais avant il représentait un paysage de bord de mer, une photo téléchargée certainement, il y était écrit Domaine La Pérouse. Alors en cherchant, pas moi mais un collègue curieux, sur Internet, il a trouvé qu’il s’agissait d’un domaine naturiste. A partir de là, tout le monde l’a su.

    Je ne répliquai pas. Je ne lui demandai même pas qui était ce collègue curieux. Mais je soupçonnais plutôt une assistante, mon assistante… la seule qui avait accès à mon ordinateur lorsque j’étais absent.

    — Monsieur, tout à l’heure, vous m’avez parlé d’un cadavre.

    Je la tutoyai de nouveau.

    — Oui mais tu as changé de conversation et nous arrivons. Trop tard Charlotte !

    Les jours qui suivirent, j’étais présent au bureau. Charlotte était gênée, cela se voyait. Elle se contentait de conversations purement professionnelles alors qu’habituellement, elle digressait souvent sur la pluie et le beau temps, le programme télé… mais je la connaissais bien Charlotte, je me demandais combien de temps elle tiendrait sans me relancer sur l’histoire de cadavre… et du naturisme !

    Trois jours après notre déplacement, à 12 h 30, l’heure de la pause du midi, elle entra dans mon bureau :

    — Monsieur, je peux vous parler !

    — Tu veux démissionner ?

    — Non, non ! J’ai une question qui me turlupine : le cadavre dont vous m’avez parlé…

    J’aurais pu la renvoyer dans ses baskets mais elle serait revenue tôt ou tard à la charge :

    — Nous séjournions donc au Touquet. Tu sais que j’ai l’habitude de me lever tôt, eh bien, lors d’une promenade matinale, j’ai découvert le corps d’un homme. Mais contrairement à il y a vingt ans, je le connaissais.

    — Et c’est vous qui l’avez trouvé ? Là lors de votre dernier séjour ?

    — Non, non, cela remonte à…

    Le téléphone sonna, elle sortit du bureau en fermant la porte, je décrochai :

    — Ah ! c’est toi !

    — Oui, on mange ensemble ce midi, je suis en bas.

    — Ok j’arrive.

    A peine avais-je raccroché que Charlotte pénétra de nouveau dans le bureau sans avoir omis de frapper :

    — Je dois y aller, ma femme m’attend.

    — Vous me raconterez… si c’est aussi passionnant que votre première aventure…

    Je l’interrompis :

    — Dramatique tu veux dire !

    — Oui, dramatique.

    — La suite, tu la sauras quand je publierai mon second livre.

    Je m’en sortis par cette pirouette mais j’étais furieux sur moi-même. Aborder un tel sujet dans un tel contexte auprès d’une assistante, aussi dévouée soit-elle ! Je m’en étais sorti imprudemment en parlant d’un second livre. Si elle savait, il était déjà écrit !

    2

    La Pérouse

    Les tempes grisonnantes, j’ai dépassé la quarantaine. Olivia et moi, nous avons deux enfants Pierre 11 ans et Marie 9 ans, vivons confortablement à Marcq-en-Barœul, dans la banlieue de Lille. Mes beaux-parents nous ont mis à disposition gracieusement une de leurs maisons à quelques encablures de leur manoir érigé en bordure de la Marque.

    Nous sommes également à proximité de l’antre de mes parents quant à eux rivés à Wambrechies, lui médecin généraliste au sein du quartier Vent de bise et ma mère, qui lui est toute dévouée. Il y a vingt ans, des évènements m’ont rapproché du frère de ma mère. Pour tous les membres de la famille et même ses amis, il est Oncle Jean. A l’époque, il s’était investi dans un mouvement clandestin, le mouvement Entropie, qui dénonçait, à l’instar des idées de Malthus, les conséquences néfastes de la surpopulation. Véronique et lui vivent un amour profond bien qu’ils se soient rencontrés sur le tard. Ils sont aujourd’hui tous les deux à la retraite et se partagent entre deux lieux de villégiature, Saint-André sa ville d’ancrage et Le Touquet.

    Le Touquet justement. Il y a environ quatre ans, Oncle Jean m’avait confié avoir acheté un chalet au sein d’un village résidentiel La Pérouse et récemment lancé une invitation C’est quand vous voulez !

    Ce n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le soir même, j’en parlais à Olivia en deux temps :

    — Tu sais, Olivia, j’ai vu Tonton aujourd’hui…

    — Ah Oncle Jean, je l’aime bien !

    — Oui, moi aussi.

    — Pas besoin de me le dire, ça se voit !

    — Tu sais ou tu ne sais pas, mais il a acheté une résidence secondaire près du Touquet.

    — Non, je ne savais pas, et il y a longtemps ? Véronique ne m’a jamais rien dit. Ah la cachottière !

    — Ils nous invitent.

    — Ah oui ! Quand ?

    — Quand on veut, pourquoi pas ce week-end, l’agenda est vide.

    — Oui pourquoi pas ! Les enfants seront ravis d’aller à la mer.

    — Faut quand même que je te dise…

    — Quoi ? Je m’attends à tout avec ton oncle. Je parie qu’il s’agit d’un blockhaus qu’il a aménagé.

    — Mais non, il s’agit d’un chalet dans une résidence…

    — Oui ?

    — Une résidence…

    — Je t’écoute.

    — Une résidence naturiste !

    — Naturiste, tu veux dire où on est…

    — C’est ça !

    — Où on est…

    — Ben, oui !

    — Tout nu, toute nue !

    — Y a pas deux manières d’être nu !

    — Devant les enfants !

    — Enfin, depuis toujours tu prends des douches avec eux !

    — C’est vrai, mais ils grandissent !

    Le silence qui suivit me parut long :

    — Et toi qu’en penses-tu ?

    — Moi, si je t’en parle c’est que je suis pour.

    — Il faut que j’y réfléchisse, ce n’est pas mon éducation.

    — Moi non plus.

    — Je serai quand même gênée vis-à-vis de tes parents !

    — Ne t’en fais pas ! Jean m’a dit leur en avoir parlé auparavant et ma mère a bondi : « Moi, me mettre nue devant des gens que je ne connais pas, et puis s’il fait froid, c’est un coup à attraper toutes sortes de maladies et Louis, ton beau-frère médecin, imagine qu’il rencontre un de ses patients ! »

    — Moi, je m’en fous des gens que je ne connais pas, je serai plus gênée en face des gens que je côtoie… à la messe, par exemple. Imagine !

    — Mais tu n’y vas jamais.

    — Où ça ?

    — Ben, à la messe pardi !

    — C’est vrai.

    — Je préviens Jean et on y va ce week-end ?

    — Tu en as de bonnes, toi, laisse-moi jusqu’à demain.

    Au moment de nous coucher, je revins à la charge :

    — Demain, je t’ai dit. On en reparle demain.

    Le lendemain, au petit déjeuner :

    — On est demain !

    — Et alors ?

    — Ben, Le Touquet ?

    — C’est oui mais à une condition, plutôt deux…

    — Acceptées !

    — Un, que je ne sois pas obligée de me mettre nue, deux, tu en parles toi-même aux enfants.

    — Tu feras comme tu voudras et je m’occupe des enfants.

    Le samedi matin qui suivit, j’avais chargé la voiture, Pierre et Marie étaient déjà installés à l’arrière et je piétinais devant la maison :

    — J’arrive ! Voilà !

    En vitesse de croisière sur l’autoroute A25, Olivia se tourna vers les enfants :

    — Papa vous a dit ?

    Accaparés, l’un par une BD, l’autre par un jeu vidéo, elle n’eut droit qu’à un ouais qu’elle sentit détaché de la question.

    Elle dut hausser le ton pour s’attacher leur regard :

    — Je répète : Est-ce que papa vous a dit ?

    — Qu’on va chez tonton, oui.

    — Et que, et que…

    — Qu’on va se mettre tout nu, oui, il nous l’a dit.

    — Vous n’êtes pas obligés les enfants !

    Pas de réponse, ils étaient déjà replongés dans leurs dérivatifs.

    A la barrière d’entrée du village, Olivia appela Jean :

    — Nous sommes là !

    — Ok, je viens vous ouvrir.

    Quelques minutes plus tard, Oncle Jean, vêtu d’un survêtement arriva. Il sortit un trousseau de clefs, pénétra dans le bâtiment de réception et la barrière se leva. Puis il ouvrit une portière arrière.

    — Poussez-vous les enfants et bonjour, content de vous accueillir à La Pérouse. Roule Benjamin, je te guide.

    Quelques centaines de mètres plus loin :

    — Voilà, c’est ici.

    En guise de chalet, c’est un petit pavillon qui s’offrait à nos yeux.

    Véronique nous attendait, couverte d’un paréo, sur la terrasse :

    — Bienvenue !

    Même si je m’y attendais, cela me surprit de voir un couple déambuler nu sur le chemin.

    — Hello Jean et Véro, vous avez de la visite !

    — Oui, mon neveu et sa famille, vous allez à la piscine ?

    — Yes, nous profitons du soleil.

    Les enfants rebondirent :

    — Il y a une piscine ?

    — Bien sûr, vous pouvez y aller.

    — Ouais !

    Et Véro de rajouter « A la piscine, c’est tout nu, obligé ».

    Ni une, ni deux, attirés par l’eau, ils enlevèrent tous leurs vêtements et y coururent sans complexe.

    Oncle Jean et Véronique, pour cette première rencontre en terre naturiste, étaient vêtus. Ils nous firent visiter le chalet et nous proposèrent une balade dans le domaine. Le village était découpé en îlots, tous reliés entre eux par des chemins praticables en voiture, chaque chalet disposait d’une ou deux places de stationnement.

    Puis au retour :

    — Pendant que Jean et moi préparons le repas, vous pouvez retrouver les enfants à la piscine !

    — Je prends les serviettes, tu viens Olivia ?

    Et ce fut notre première expérience naturiste.

    — C’est bien la première fois que je me mets nue en public. Je vais dans l’eau, on me verra moins !

    — Je t’accompagne.

    — Je dois avouer que c’est agréable de nager ainsi.

    — Ah, tu vois.

    Après le bain, j’enroulai Olivia dans sa serviette.

    — Ça ne te fait rien que les autres me voient nue ?

    Je ne répondis pas.

    — On s’installe un moment sur les chaises au soleil ! Dis donc, les enfants s’éclatent. Ils se sont déjà fait des copains, copines.

    Une demi-heure plus tard :

    — Faut y aller, Jean et Véro vont s’impatienter. Qu’est-ce qu’on fait, on y va comme ça ou on se rhabille ?

    — Fais comme tu veux, mais moi je me rhabille. 

    Je fis comme Olivia.

    Sur la terrasse de leur chalet, Jean avait préparé une collation, il était nu et Véronique portait un paréo qui lui cachait la chute des reins.

    — Si vous voulez prendre une douche avant l’apéro. Il y en a une à l’extérieur sur le côté du chalet.

    Je saisis l’occasion pour me déshabiller et Olivia de chuchoter :

    — Attends, je vais avec toi.

    Des serviettes nous attendaient sur le porte-vêtement attenant.

    De retour sur la terrasse, Olivia avait gardé la serviette autour des reins :

    — Ça fait drôle !

    Et elle ajouta :

    — Mais c’est vrai qu’on est bien ! Surtout avec le soleil.

    Et elle ôta la serviette, Véronique fit de même avec son paréo.

    — Tu sais Olivia, ça m’a fait drôle aussi la première fois !

    Quant à moi, j’étais revenu sur la terrasse la serviette à la main.

    Le week-end passa vite. Nous avions le sentiment qu’un vent nouveau empreint de liberté était venu souffler sur notre couple.

    Et c’est avec regret que le dimanche soir nous prîmes la route, bien embouteillée, pour Marcq-en-Barœul.

    Très vite, à l’invitation permanente d’Oncle Jean, et poussés par les enfants, nous avions pris l’habitude de week-ends à La Pérouse jusqu’au jour où nous nous aperçûmes que Véronique avait plus le sourire à notre départ qu’à notre arrivée. Olivia m’en fit la remarque. Nous espaçâmes nos séjours mais tombés amoureux du site, nous décidâmes d’investir dans un chalet.

    Olivia avait quelques réticences à en parler à ses parents mais là, nous y étions contraints. C’est donc à moi que fut dévolue la mission d’annonciation. Mon beau-père m’écouta sans rien laisser paraître. Ma belle-mère, assise sur le bord d’un fauteuil, droite comme une présentatrice de journal télévisé, s’exprima en premier :

    — Si c’est votre choix ! mais c’est dommage, nous ne pourrons jamais aller vous voir !

    Elle avait prononcé ces paroles sans même consulter son mari, ne serait-ce d’un regard. Mais elle n’avait pas poussé de grands cris, ce que craignait Olivia.

    Notre investissement se concrétisa à l’aube du printemps suivant.

    Chaque îlot du domaine prend le nom d’une province française. Ainsi Oncle Jean et Véronique occupent un chalet en région Poitou, le nôtre est implanté en Bretagne. Ce sont près de cent chalets qui se côtoient, tous bâtis sur pilotis. Le domaine met à disposition des propriétaires et des locataires une piscine chauffée, des tennis, un club house avec un bar et même une supérette. Le domaine se situe entre Le Touquet et Stella-Plage, à l’ouest de la route qui relie les deux villes. Une grande dune le sépare de l’immense plage où une fois l’an, s’ébrouent les participants de l’Enduropale. Le village est entouré de hauts claustras éloignant les curieux aux regards inquisiteurs. Côté plage, un portail permet un accès piétonnier à la mer. Chaque propriétaire possède deux badges pour en actionner l’ouverture. Côté route, une barrière filtre les entrées voitures par un système de lecture de plaque minéralogique.

    L’année où nous étions devenus propriétaires, nous y séjournions tous les week-ends. Olivia s’arrangeait pour terminer tôt le vendredi. Sitôt rentrée, elle préparait les affaires, le repas du soir… et dès mon arrivée, restait à charger le coffre et en route ! Ce rituel dura un an. Puis nous nous sommes lassés des préparatifs, de la route, des bouchons de rentrée du dimanche soir, également de nous priver de nos relations en métropole lilloise, parents mais aussi amis. Tant est si bien que nos séjours se sont espacés.

    Après l’euphorie de la première année, il nous fallait maintenant un week-end prolongé pour nous y rendre et le printemps, avec ses ponts de mai, y était propice.

    Vendredi 18 avril

    Cette année-là, Pâques arrivait tôt. Le vendredi soir, nous avions dîné d’une pizza avant de partir. A 20 h 30, nous étions à La Pérouse. La voiture, à peine arrêtée, les enfants partirent en courant :

    — On va aux bancs.

    — Retour 22 heures et prenez une serviette !

    Les bancs était le lieu de rendez-vous des jeunes.

    Pas de réponse.

    — Vous m’avez entendu ? Retour 21 h 30.

    — Mais tu viens de nous dire 22 heures !

    — Bon, c’est que vous m’aviez entendu.

    Une fois le barda sorti de la voiture, Olivia se proposa d’aller saluer Jean et Véronique : « Je t’accompagne ».

    Véronique était seule, occupée à faire la vaisselle, elle était nue sous son tablier :

    — Oh là, je ne suis pas présentable, je suis en tenue de travail.

    Et elle l’enleva. Elle était contente de nous voir :

    — C’est sympa de venir nous dire bonjour mais Jean n’est pas là, il a une réunion.

    — Réunion sur quoi ?

    — Alors là, je n’en sais rien… tu connais ton oncle, ça n’est pas un grand diseux !

    Je me dis en moi-même qu’il valait mieux être un grand faiseux.

    — Eh bien ! je vais aller le retrouver.

    Véronique proposa à Olivia de rester et nous attendre. Olivia en était ravie, elle aimait sa compagnie.

    — A tout à l’heure !

    Je m’éclipsai et me dirigeai vers le club house. Rien ne laissait présager une quelconque réunion. Je jetai un œil sur le tableau d’affichage extérieur. Aucun rassemblement n’était annoncé pour ce soir. Juste une affichette présentait pour demain samedi 17 heures une conférence d’Antonin Salindre sur le thème : « Nudité et bien-être ». Je relevai que ce genre de causerie habituellement réservée aux initiés, se déroulait au Touquet et était destinée à tout public.

    Antonin Salindre est un résident permanent du village et un ambassadeur du naturisme. Retraité depuis quelques années, il avait été professeur d’université, professeur d’économie, ses étudiants l’avaient surnommé prof tout nu. Il n’avait jamais fait sa mue vers l’économie de marché et prônait dans ses cours une politique collectiviste dépassant par là-même son devoir de réserve. Bien sûr, moi, dirigeant d’une PME, j’étais d’un avis contraire. Cela ne nous empêchait pas de discuter, de temps à autre, calmement autour d’un verre. En tant qu’enseignant-chercheur, il se devait de publier des articles, des contributions écrites qui reflétaient ses travaux. Sa promotion professionnelle dans l’échelle des professeurs agrégés en dépendait mais il en faisait fi. A la retraite, il n’avait pas perdu l’habitude d’écrire, simplement ses publications étaient maintenant financées à compte d’auteur. Son thème de prédilection n’était plus l’économie mais le naturisme dont il était à la fois un fondamentaliste et un progressiste.

    Quelques habitués stagnaient au bar. Je reconnus Jeannot, André, Vivien… Je ne me montrai pas, évitant par-là de tomber dans une embuscade à la bière.

    Je fis demi-tour et retournai vers l’entrée du domaine la rencontre a certainement lieu là-bas. Une bonne dizaine de voitures étaient garées sur le parking extérieur. Je m’approchai du bâtiment de réception, les stores de la salle accueillant les réunions étaient baissés mais la lumière lançait quelques flèches à l’extérieur au travers de lames défectueuses. Les discussions allaient bon train. Je m’approchai d’une fenêtre près de la porte de secours pour visionner l’intérieur de la salle. Ils étaient bien une quinzaine assis autour de la table. Je ne voyais pas Oncle Jean mais il devait être là, je tendis l’oreille :

    — …

    — Ni gauche, ni droite mais écolo…

    — Mais on a déjà donné, regarde ce qu’il est advenu d’Antoine Waechter, il disait ni droite, ni gauche, aujourd’hui il ne représente plus rien. Et plus proche de nous, regarde Nicolas Hulot, même les

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