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Les tueurs de Dieux - Tome 2: Le jeu des alliances
Les tueurs de Dieux - Tome 2: Le jeu des alliances
Les tueurs de Dieux - Tome 2: Le jeu des alliances
Livre électronique398 pages5 heuresLes tueurs de Dieux

Les tueurs de Dieux - Tome 2: Le jeu des alliances

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À propos de ce livre électronique

Séparés contre leur gré, Jalia et Ulcide seront tout deux au cœur des dangers qui menacent Inaré...

Jalia et Ulcide sont désormais séparés, victimes une fois encore de leur sombre destinée. Et si le garçon survit comme il le peut grâce au fruit de ses larcins, il n’a pourtant de cesse de s’extirper de la gangue tenace qui le maintient dans la rue. La jeune femme, quant à elle, n’est pas logée à meilleure enseigne. Captive du dangereux Énapale Bellargred Deniog, elle tait le secret de sa grossesse et redoute chaque jour que la rondeur de sa silhouette la trahisse et la condamne à des tourments sans fin. Mais leur destin, toutefois, semble bien loin d’être scellé et, non content de rebondir, leur prépare une voie qu’ils n’imaginent pas emprunter tandis que des alliances de rois, de princes et d’empereurs déterminent l’avenir d’Inaré tout entière. Ainsi Men-Écrys l’Ophisien, à la fois Guide, Pacifiste et Père des Saintes Nations est conduit malgré lui sur le douloureux sentier de la guerre alors que sur Dipra, le continent voisin, s’ourdissent de sinistres complots sous la férule de l’impératrice des Ocasses, la Rizarque Ibini Nuv Tal. Des conflits se déclarent et des batailles s’engagent quand d’autres se préparent et se trament en silence. Rien de nouveau, semble-t-il, pour les peuples d’Inaré. Du moins, rien qui ne laisse présager l’ampleur des cataclysmes à venir ni l’amorce des fléaux qui promettent de bouleverser leur monde.

Entre batailles et complots, suivez la destinée toujours plus imprévisible de Jalia et Ulcide dans le second tome de cette saga de fantasy palpitante !

EXTRAIT

De quelle façon verrait-il le jour ? Le sentirait-elle arriver ? Souffrirait-elle ? Elle n’en savait rien. Elle le supposait, bien entendu, mais n’avait aucune idée de ce qu’elle s’apprêtait à vivre et bien que se raisonnant le plus possible, ses angoisses la dépassaient lentement… Jusqu’au jour de trop… ce jour où, n’y tenant plus, elle interrogea sans détour son geôlier qui, d’abord dérouté, esquiva, affirmant que le manoir abritait toutes les personnes nécessaires pour que sa délivrance se déroule à merveille. De plus, Maître Babiane, son Drogueur, s’occuperait bien d’elle, avait-il rajouté en sortant précipitamment de la chambre, visiblement pris de cours et gêné. Voilà bien une réponse qui avait un goût de trop peu, songeait-elle amèrement. Pire, une réponse qui n’en était pas une et qui, loin de la rassurer, renforçait plus encore sa frayeur désormais proche de la panique. Un ultime rempart, alors, résistait en elle et lui interdisait de complètement céder : revoir son Ulcide, la moitié de son âme… son amant qui remuait sans doute ciel et terre pour la retrouver… Si seulement il était là… tout près… simplement à ses côtés, se lamentait-elle incessamment. Lui, saurait l’apaiser et lui redonner foi en l’avenir. 

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE - À propos du tome 1

Un ouvrage captivant qui vous plonge dans un monde certes féroce, mais dont les personnages sont attachants malgré les tempêtes qui les agitent. - Martiberg, Booknode

Je me suis laissée happer par le monde, les personnages, l'ambiance et l'intrigue de ce roman sombre mais très agréable à lire. J'attends vraiment la suite avec impatience ! - Babapapou, Booknode

À PROPOS DE L'AUTEUR

Luc Sérao vit actuellement en Bretagne où il exerce le métier d’imprimeur. Sudiste d’origine, il passe son enfance et son adolescence non loin de Marseille, dans les campagnes et les banlieues alentour. Passionné de mythes, d’histoire et d’archéologie depuis son jeune âge, c’est tout naturellement que les sagas Heroic Fantasy trouvent chez lui un écho particulièrement important et teintent profondément la teneur de ses récits. Ce deuxième opus révèle un peu plus de son monde, de son imaginaire et témoigne une fois encore de son besoin d’écriture… de son désir de création.
LangueFrançais
ÉditeurSudarènes Editions
Date de sortie1 juil. 2019
ISBN9782374642550
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    Aperçu du livre

    Les tueurs de Dieux - Tome 2 - Luc Serao

    CHAPITRE UN

    Les murs de Jolamelle se dressaient fièrement malgré un lever de jour glacé qui en blanchissait les contours. Aussi, la petite cité apparaissait comme évanescente et flottante au-dessus d’un sol qu’on parvenait mal à distinguer par ce début de journée brumeuse. Une fine pellicule de givre persistait et la température restait décidément bien inhabituelle sur les terres situées si près des côtes. Pas de doute, les Gelures étaient désormais largement installées sur toute la partie orientale de Dipra. Le groupe de voyageurs n’en était pourtant pas alarmé, chevauchant nuit et jour jusqu’à se présenter, en ce rigoureux petit matin, à la porte nord de la grosse bourgade. Patientant devant la tour de guet depuis le lever des premiers rayons de soleil, les imposants vantaux de bois capitonnés de fer tardaient à autoriser le passage. Ils se rabattirent cependant, paresseusement, soulageant les visiteurs dont les membres gelaient lentement. D’un pas décidé, les huit silhouettes s’engouffrèrent alors, semblant exactement savoir où se rendre, preuve, pour qui avait le regard un tant soit peu affûté, que ce n’était pas leur première venue à l’intérieur de ces murs. Les rues sortaient à peine de la pénombre tandis qu’Hélios entamait son ascension. Portes et volets s’ouvraient quelquefois et paraissaient suivre la progression de la troupe étonnamment matinale. La ville s’éveillait… tout simplement. Elle émergeait de son carcan d’immobilité avec cette sensation de sérénité qu’offre parfois la retraite en un lieu isolé et rien d’autre qu’un profond calme n’imprégnait les quartiers que traversait le groupe d’hommes gelés, calme renforcé çà et là par le caractère paisible d’un banc de pierre en bord de jardin ou celui, immuable, d’un arbre trônant dans un carré d’herbes. En ce début de journée, la quiétude du soleil blanc promettait déjà d’irradier à travers la brume et de réchauffer les corps transis. Or, la petite compagnie ne semblait guère s’émouvoir de la beauté du paysage. Encore moins, d’ailleurs, de son accent poétique et s’est déterminée, qu’elle laissait derrière elle la tranquillité des artères encore silencieuses pour gravir la côte menant au Fortin. Aussi, bientôt, alors que cette dernière arrivait à son pied, le castelet s’imposa naturellement sur le haut de la pente, frappant par son allure massive et son caractère défensif. Entièrement fermé sur lui-même, il semblait ceint de toute part…un coffre très robuste pour qui voulait veiller sur un trésor. De base carrée, solidement assis sur un promontoire rocheux laissé volontairement brut par les bâtisseurs, ses murs étaient épais d’une toise, uniquement constitués de pierres de taille, et encadrait un vaste espace bien mystérieux dont on ne devinait rien. Au contraire de son occupant, le Formestre Ougane, que les Jolamelliens connaissaient bien. La plupart, d’ailleurs, appréciaient sa gouvernance ferme et avisée et lui témoignaient respect et dévotion. Tant et si bien que la cité renforçait toujours plus une réputation enviable et estimée entre toutes au sein des terres Finéviliennes. Néanmoins, c’est nullement impressionnée que, passant un pont de bois qui enjambait un fossé, puis une première herse qui le condamnait, la compagnie fit finalement face à la porte principale, sous un porche, exactement à l’aplomb d’une seconde grille qu’il aurait été meurtrier de baisser à ce moment précis. Quatre hommes en arme se présentèrent alors, sortant de discrètes ouvertures latérales creusées dans l’épais mur et menant à deux austères échauguettes. Sans cérémonie, un d’entre eux, le plus âgé, semblait-il, s’adressa aux visiteurs :

    — Qui va là ? demanda-t-il machinalement, en formant un nuage de vapeur à chaque parole.

    — Des loups en quête d’une tanière, répondit énigmatiquement l’un des huit, un large foulard masquant le bas de son visage.

    — Qu’ils montrent patte blanche ou qu’ils se retirent sur-le-champ ! rétorqua froidement le rustre planton, visiblement prévenu de cette visite atypique, les doigts caressant la garde de son épée.

    Deux des hommes en cape de voyage avancèrent alors et montrèrent ostensiblement leur main gauche. Chaque annulaire portait une bague distinctive. Présentant dans la foulée leur ordre de mission, chacun scellé d’un sceau royal différent, le veilleur les scruta, se pencha sur les écrits pour constater leur authenticité, puis s’effaça aussitôt en faisant signe à ses subordonnés de leur laisser libre passage. Un cri bref et aigu retentit et la porte s’ouvrit rapidement. La voie était sûre. Le Fortin daignait les accueillir. Les émissaires de Ravastel et de Iorbar saluèrent ensuite le soldat d’un discret hochement de tête puis entrèrent tranquillement, faisant visiblement moins preuve d’empressement maintenant qu’ils étaient arrivés à destination. Ils foulèrent ainsi le sol d’une grande cour et aperçurent plusieurs serviteurs qui les attendaient non loin de l’impressionnant donjon qui trônait au centre de l’enceinte. De nombreux hommes en faction occupaient les lieux, comme encore figés par le froid glacial de la nuit qui desserrait à peine son implacable étreinte. Une réelle épreuve par de telles températures… Tout leur intérêt se portait pourtant sur l’escouade inhabituelle qui traversait ces lieux. Escortés en nombre à l’intérieur de la tour, les visiteurs passèrent le seuil d’une haute porte de bois, gravirent plusieurs escaliers, franchissant étages et corps de bâtiment successifs. Empruntant des salons, des couloirs, des cuisines et même un cellier, ils parvinrent enfin dans une vaste pièce quasi aveugle, à peine percée de quatre meurtrières et dont l’éclairage se résumait à quelques torches sur les murs. Là les attendait une bonne vingtaine d’hommes armés, de chaque côté d’une grande table en chêne. Assis dans la pénombre, à son extrémité, leur hôte dont les vêtements luxueux ne pouvaient souffrir d’ambiguïté paraissait fort occupé à dévorer une volaille. Abrécar Lenda, le roi de Fines Vili, commençait son petit déjeuner. Levant son regard froid et implacable sur les visiteurs, il reposa négligemment un pilon dans son assiette. Les huit hommes agirent alors dès leur entrée. Ensemble, ils posèrent un genou à terre, inclinant respectueusement leur visage au sol.

    — Il m’a fallu me déplacer ici à la hâte, requérant au Formestre du bourg de me céder son Fortin le temps de votre venue, annonça le massif monarque. Et vous voilà arrivés fort tôt, avec une diligence inattendue et un faible équipage. Nous vous escomptions, au mieux, pas avant demain.

    Caressant sa barbe noire d’une main grasse, il poursuivit dans un révérencieux silence :

    — Je constate que vos souverains respectifs tiennent réellement à cette entrevue… mais je déplore déjà leur absence… Comment y remédier, cependant ? Je ne peux défaire les nœuds que d’autres ont serrés, regretta-t-il dans une attitude excessivement affectée.

    Après un regard interrogateur un brin théâtral à ses hôtes, il reprit une fois encore :

    — Mais puisque nous y sommes, démasquez-vous, relevez vos capuches et montrez-moi vos visages ! Que je puisse voir à quelle noble personne j’ai affaire ! clama-t-il d’un ton plein de sarcasmes. Présentez-vous donc avant de m’affranchir de cette affaire urgente qui semble ne pouvoir souffrir plus de délais, termina-t-il en se léchant grossièrement les doigts.

    Obéissant sur-le-champ, tous ôtèrent leur cape de voyage et dénouèrent les larges tissus qui cachaient leur identité. Déjà, se redressant prestement, deux hommes saluaient dignement leur hôte et s’empressaient de lui répondre. Leurs six compagnons, eux, restèrent silencieux et révérencieusement inclinés à l’arrière.

    — Pévéas Razème, sujet de la Tenure de Taur, Homaine du roi Norban Norse de Ravastel annonça l’un.

    — Misko Grésande, du Fief des Allèves, Prélat du Chambelle Jévi Sédus de Iorbar, proclama le second.

    Reconnaissant aussitôt les deux personnes qui, une année auparavant, étaient venues renouveler les accords commerciaux que leurs cités entretenaient avec Fines Vili depuis de longs siècles, le souverain gronda, le regard de pierre. :

    — Homaine, Prélat, je vous remets maintenant ! Toutefois, peu m’importe que vous ayez l’oreille des gouvernants. Pourquoi recevoir les sujets plutôt que leur maître ? demanda-t-il d’un ton acéré. Dois-je penser qu’ils ne me considèrent pas comme leur égal et dédaignent de traiter directement avec moi ? poussa-t-il encore avec provocation. Me prêtent-ils si peu d’estime qu’ils...

    — Je sais pouvoir affirmer que tous deux vous honorent et vous respectent autant qu’ils souhaiteraient l’être de vous, coupa impétueusement le Prélat Misko, impatient de rassurer le monarque et de lui inspirer confiance.

    L’Homaine Pévéas y crut à peine. Interrompre ainsi la parole royale pouvait être passible des pires sévices, notamment chez les Finéviliens réputés, partout dans les Royaumes Côtiers, pour leur orgueil démesuré. Visiblement gêné, le Ravastélien opina timidement aux propos de son homologue tandis qu’un silence pesant étouffa la salle. Le roi Abrécar toisait l’inconscient Iorbari. Entretenant le malaise qui ne manquait pas de se propager, il répondit finalement…calmement :

    — Je tolérerai cette première offense en vous laissant la vie sauve, Misko des Allèves, déclara-t-il. Toutefois, votre affront ne peut être impuni et un souverain de mon rang se doit de réagir aussi sévèrement que prestement à votre impudence.

    En un geste continu, son index se leva alors et s’abattit promptement. Une lame jaillit de l’ombre du mur du fond et s’enfonça à l’arrière du crâne d’un des visiteurs. L’homme s’écroula sans un mot, le front transpercé par la pointe de l’épée, et laissa le reste de sa troupe interloquée. D’un bond, les cinq autres voyageurs se redressèrent et portèrent leur main au fourreau. Or, à cette attitude hostile répondirent une dizaine de soldats supplémentaires qui émergèrent de la pénombre. La vingtaine autour de la table se tenait également prête à l’assaut, la lame au clair. L’étau se resserrait sur les émissaires.

    — Choisissez votre sort, chers ambassadeurs, mais prenez bien conscience de la gravité de votre situation. Si vous décidez de vivre, rappelez-vous, avant de prononcer un mot de plus, que vous vous adressez à un roi et qu’il vous faudra assumer chaque parole qui franchira le seuil de vos lèvres. Je n’ai cure que vous parliez au nom d’un autre et vous tiens pour personnellement responsable de vos propos. Le prochain irrespect ne vous verra pas sortir de cette pièce indemne.

    Un statu quo s’éternisa quelque peu avant que le Taurien Pévéas ne trouve le courage de s’imposer et n’ordonne à sa compagnie :

    — Qu’aucun de vous ne commette l’outrage de menacer un roi ou ce sera le vôtre qui vous en fera payer l’audace ! Que le cuir enveloppe l’acier et qu’il nous soit plutôt promis de retourner ces lames contre notre réel ennemi !

    Puis, cherchant le regard paniqué de l’Allève et ne parvenant pas à l’accrocher, il s’adressa à son tour au monarque Finévilien :

    — Grand Roi, nous ne revendiquons à votre encontre ni grief ni agressivité. Notre sentiment est même tout inverse. Si les propos du Prélat Grésande étaient gauches et déplacés, ils n’avaient pour but que de vous assurer la bienveillance et le désir de concorde que témoignent nos souverains respectifs auprès de vous. La situation s’avère périlleuse, noble Régent, et le danger est imminent pour chacune de nos cités. Ainsi notre devoir est de vous en informer et de chercher à défendre ensemble nos intérêts communs. Au nom de nos deux Royaumes, je fais amende honorable et vous demande de nous accorder audience selon votre bon vouloir.

    D’allure élancée et de carrure athlétique, l’Homaine avait immédiatement semblé à Abrécar tout entier taillé pour la guerre. De plus, le souverain ressentait en cet homme une forte volonté et soupçonnait une froide intelligence servie par une vivacité d’esprit des plus opportunistes. Bien moins grossier et impressionnable que ce pantin de Misko, Pévéas Razème maniait le verbe avec habileté et son sombre regard aiguisé en disait plus long sur lui que n’importe quel discours. Le roi en prit note et se promit mentalement de négocier avec la même agilité.

    — Honorable conviction que celle qui vous anime ! reconnut-il alors en guise de détente. À ce titre, Pévéas de Taur, j’entends votre repentir et vous encourage à me délivrer l’important message que votre monarque souhaite me transmettre.

    Puis, d’un nouveau signe de main, le maître de Fines Vili commanda à sa garde de baisser les armes en signe de bonne volonté. Les visiteurs agirent de même et c’est dans une relative accalmie que parut se profiler désormais l’entrevue. Quelque peu soulagé de ce premier pas vers l’apaisement, le Ravastélien reprit donc plus sereinement :

    — L’avancée des Ocasses sur Dipra est sans précédent et notre continent tout entier sera bientôt sous leur joug si personne ne s’élève contre leurs ambitions conquérantes. Ils semblent avaler tous les peuples qu’ils rencontrent sans jamais connaître d’indigestion. Les Seigneuries Indépendantes en savent d’ailleurs quelque chose tant elles en sont les fraîches victimes… Chaque jour voit le nombre de ces envahisseurs croître, leur armée se renforcer et leur appétit de conquête grandir plus encore. Et pas même les montagnes, les marais, les forêts hostiles ou les gorges infranchissables paraissent les arrêter. Leur impératrice Ibini Nuv Tal s’avère insatiable… Aussi nous a-t-elle officiellement signifié ses desseins quant à la destinée qu’elle réserve à Dipra, prétendant qu’elle n’aurait pour souhait que de rassembler le continent tout entier sous sa domination bienveillante...sous la bannière de son empire qu’elle appelle l’Érize. Tels sont les mots des émissaires Ocasses que nous avons reçus en notre cité. Et nous ne sommes, du reste, pas les seuls, car les Iorbaris ont également été approchés de la même manière et...

    Interrompant le Homaine, Abrécar Lenda coupa sévèrement :

    — Je sais comme vous quelles sont les réelles visées des Ocasses et de leur souveraine. Ses ambassadeurs demeuraient à votre place il y a peu, un genou plié face à moi, dans la salle du trône de la Citadelle Presqu’île de ma capitale. Et c’est une fin de non-recevoir qu’ils ont obtenu de ma part. Car ne me croyez pas naïf au point de me fier à leurs bonnes intentions et à leur volonté d’expansion pacifique. Je sais très exactement quel désir inextinguible de domination anime leur reine…leur Rizarque comme ils la nomment pompeusement. Aussi, malgré le sourire de façade et le respect apparent de ses affidés devant ma décision, mon refus n’a pas été sereinement accueilli, j’en suis persuadé, et, bien qu’aucune menace n’ait été formulée, je ne tarderai pas à représenter un obstacle à abattre. Cela n’est qu’une question de temps…et ils seront bientôt à nos portes, les défonçant plutôt que demandant le droit d’entrer, conclut amèrement le souverain.

    Les deux émissaires des Royaumes Côtiers s’obstinaient maintenant dans un silence interrogateur, ne sachant plus vraiment s’ils pouvaient se permettre d’intervenir ou subir encore l’inquiétant discours du Finévilien. Ainsi, restèrent-ils muets tandis que le roi Abrécar enchaînait :

    — Leur promesse d’épargner nos terres n’est qu’une vile manœuvre. Il n’est de pouvoir sans conquêtes ni de conquêtes sans combats. Le sang coulera et des hommes mourront. Je mesure les conséquences de ma décision et prépare mon peuple à défendre farouchement sa liberté. Que ces fils de chienne me croient faible, aveugle et disposé à avaler leurs mensonges est tout à mon avantage. Leur méfiance n’en est que plus endormie, me laissant un délai supplémentaire pour organiser notre résistance. Et il ne sera pas de trop tant cet ennemi est redoutable…sans doute même le plus redoutable que les Finéviliens n’auront jamais à combattre…

    Le roi ménagea là un silence qu’il n’avait pas calculé, visiblement abattu à l’idée du péril qui menaçait son Royaume.

    — Néanmoins, reprit-il en se ressaisissant brutalement, nous les vaincrons, quitte à en mourir nous-mêmes. Alors, trêve de détours ! Dites-moi clairement et directement ce que vos maîtres désirent me proposer, ce qu’ils attendent de moi et quels sont exactement les enjeux dont nous parlons !

    À cette invitation à délier sa langue, Misko Grésande trouva finalement la hardiesse suffisante pour intervenir une seconde fois :

    — Si votre majesté y agrée, je souhaiterais moi-même vous en faire part, s’empressa-t-il de déclarer, revenu de sa profonde angoisse.

    Le Homaine Pévéas ne paraissait pas surpris et n’avait trahi aucun agacement. Visiblement, Ravastel et Iorbar entretenaient de très bonnes relations, ce que ne manqua pas de relever le roi Abrécar qui, d’un hochement de tête, autorisa le Prélat à développer ses arguments. Il le fixait pourtant sombrement du regard, nourrissant une défiance et un mépris calculés.

    — L’assimilation pacifique que vous ont offerte les Ocasses nous a également été proposée. Et tout comme vous, fier Souverain, nos deux Royaumes l’ont déclinée. Nous voilà pareillement discrédités aux yeux de ces avides conquérants qui rêvent de nos territoires plus fertiles que les leurs et qui ne feront que peu de cas de nous pour se les approprier. Ainsi figurons-nous parmi les trois plus grands peuples à ne pas leur avoir cédé... le dernier réel rempart devant le raz de marée anéantissant notre terre nourricière, notre continent... Car les Sires des Seigneuries de l’ouest, quand ils n’ont pas déjà été écrasés, ne représenteront guère qu’un amuse-bouche pour l’impératrice Écarlate. Ils seront balayés, aussi sûrs que la bûche est fendue par un coup de hache. Et alors, la horde sera à nos portes. Le roi Norban, le Chambelle Jévi et vous-même vous retrouverez dans une situation similaire, celle où l’horizon ne présage qu’une résistance acharnée et totale de ceux prêts à mourir pour rester libres. D’ailleurs, notre réalité est déjà celle-là. Et plus inquiétant encore : selon les précieuses informations que nous avons pu acquérir, l’ennemi concentre en ce moment même ses forces sur les terres de quelques Seigneuries indépendantes et semble se masser en plusieurs points-clés de Dipra. Les grandes manœuvres sont lancées et la seule question qui soit réellement en débat est celle de savoir quand l’impératrice Ibini se décidera à frapper. Car ses mercenaires submergeront sans peine les quelques Sires libres régnant fragilement sur leur petite parcelle de territoire, ne tardant pas à nous menacer directement. Aussi, comment ne pas envisager que nos trois cités forgent d’ores et déjà une alliance pour lui faire obstacle ? Plus que judicieuse, cette union semble s’imposer d’elle-même...elle paraît naturelle... Notre résistance en serait formidablement accrue et nos chances de victoire plus importantes. Chacun de nos Royaumes doit se rendre à l’évidence, fier Souverain : aucun de nous ne triomphera seul. Vous l’avez ressenti vous-même. Vous vous préparez à périr et ne vous leurrez pas sur l’issue d’une telle lutte.

    Le premier des Finéviliens, un instant mal à l’aise sur son siège, fit mine de dissimuler son embarras en demandant à l’échanson, invisible jusque-là, de lui verser un verre de vin. Sorti de la pénombre, ce dernier servit le liquide dans un lourd silence. Le breuvage coula impétueusement dans le gobelet doré en imitant le son cristallin d’un rapide dans un ruisseau.

    — Certes, je vous concède bien volontiers que ces loups se prétendent agneaux et que leur réel dessein est de nous dévorer. Néanmoins, nombreux par le passé furent les peuples ayant tenté de le faire… et nous ayant naïvement sous-estimés.

    Le souverain ménagea un nouveau silence, un rictus de défi apparaissant sur ses lèvres.

    — À bien considérer la chose, tous ceux qui se sont dressés contre nous l’ont amèrement regretté et se souviennent encore du prix du sang. Une partie du vôtre, notamment, lança-t-il au Prélat, bien avant votre naissance, la mienne ou celle de nos proches aïeux. Mais malgré tout, et les Chroniques Dipréennes en attestent, depuis les temps les plus anciens, aucun n’est parvenu à nous arracher ce que nous avons acquis siècle après siècle. Et aucun n’a jamais été capable de nous anéantir, ni même de prendre notre capitale Fines Vili. L’erreur la plus grossière qu’ait commise chacun de nos ennemis fut de se fier à notre seul nombre sans tenir compte de la dureté de nos terres ni de notre volonté farouche de vivre, et de vivre libre ! C’est qu’au-delà de notre excessif orgueil apparent, au-delà même de nos semblables, de nos amis, de nos parents et de nos enfants, notre liberté est inaliénable, inconditionnelle et surpasse toute autre valeur à nos yeux. Elle ne se monnaye pas et ne supporte aucune concession. Elle définit chacun de nous ! Ne vous y trompez pas ambassadeurs, la liberté transcende notre société et par elle, chacun des nôtres vendra chèrement son existence, sacrifiant ce qui lui importe le plus pour emporter avec lui de nombreux Ocasses dans la tombe, ou quiconque ose menacer nos frontières. Nous naissons indépendants et insoumis, défenseurs de cette autonomie, gardiens intransigeants et soldats en veille. Nous grandissons commerçants ou artisans, nous vivons affranchis et mourrons guerriers...sur nos terres. Il n’en est jamais allé différemment et la lutte contre l’Érize, cet empire maléfique, n’en sera qu’une de plus, je vous le garantis.

    Le roi paraissait maintenant exalté, le regard incisif et déterminé. Son flot de paroles n’avait jamais été si soutenu et autoritaire. Vidant son verre d’un trait, il réclama derechef qu’on le resserve. Pour la seconde fois, il fut rempli puis bu d’une traite. S’essuyant les lèvres de sa manche, Abrécar Lenda conclut en reprenant le cours de son repas trop longtemps interrompu :

    — Nous les briserons vague après vague, comme le flanc rocheux de notre citadelle brise le ressac des Eaux Périlleuses.

    — Votre Majesté, relança impétueusement Misko Grésande, comme vous me l’avez fort à propos rappelé, je suis idéalement placé pour juger du courage et de la valeur de votre peuple. J’ai grandi en étant nourri de récits héroïques de Finéviliens résistant sauvagement à nos infortunées troupes Iorbaris et leur arrachant même des terres, notamment lors des dernières années de la Sombre Fronde. Je sais mieux que beaucoup d’autres la ténacité de vos hommes, la discipline de vos soldats et la pertinence de vos stratégies de combat. Pourtant, je ne peux vous imaginer triompher d’un ennemi tel que ces puissants Ocasses. Leur tenir tête et leur infliger quelques défaites, je n’en doute pas. Les vôtres en seront capables, mais...une noire vérité nous fait face : d’aussi loin à l’ouest que se soient rendus mes espions, au-delà de leur capitale et jusque dans la Bréhaigne, notre continent, notre chère Dipra, semble être tombée sous le joug d’Ibini Nuv Tal. Nous sommes l’ultime résistance…le dernier gardien…avant que notre terre tout entière ne leur soit assujettie. Ne demeurez pas sourd à l’appel de cette liberté que vous défendez opiniâtrement ! Je vous en prie, il nous faut combattre ensemble pour espérer les vaincre ou, à défaut, être apte à survivre, implora le Prélat.

    — Que vos informateurs se perdent plus encore à l’ouest ! s’enflamma rageusement le souverain Finévilien, relâchant brutalement le pilon de volaille qu’il ne parvenait décidément pas à terminer. Je ne me soucie en rien de leurs rapports ni de vos sombres prévisions. Pourquoi leur accorderais-je crédit ? N’êtes-vous pas un rival ? Ne convoitez-vous pas nos terres ? Ne seriez-vous pas prêts à sacrifier beaucoup pour vous les approprier, quitte à la plus vile des manipulations ? Aussi, que penser de vos dégoulinantes flatteries cachant de pernicieuses tentatives de me manœuvrer ?

    Visiblement heurté par les propos du colérique souverain, l’Allève eut un mouvement de recul et posa sa main sur son crâne, incrédule et offusqué. S’il jouait l’homme stupéfait, le roi Abrécar lui reconnaissait au moins un vrai talent de comédien. Pourtant, l’émissaire Iorbari reprit et essaya une autre fois de convaincre le monarque réticent :

    — Noble Roi, je ne peux qu’insister sur la nature immonde de ces envahisseurs et la cruauté de leur empire. On y pratique l’esclavage à une échelle défiant l’imagination tant le nombre de victimes, hommes, femmes et enfants est important. Des cités y sont toutes entières dévolues aux travaux forcés et à l’effort de guerre. Construites à la hâte, ces villes ravagent le paysage alentour et sont de dimensions exceptionnelles. Elles abritent des milliers d’âmes dont le seul destin est de cultiver, d’élever, de bâtir ou d’extraire. Rien n’interrompt leur labeur jusqu’à la tombée de la nuit si ce n’est l’épuisement ou la mort. Ces Chéoles sont des cités infernales, installées aux abords de ressources naturelles nécessaires à l’expansion toujours plus importante de leur empire. Le climat y est souvent rude et les lieux difficilement accessibles. Mais l’hostilité de leur environnement n’y fait rien et le chaos de leurs terres très accidentées ne décourage pas la Rizarque. Sa gloutonnerie est sans limites, méthodiquement organisée par une administration et une logistique implacables, inhumaines et terriblement efficaces. Les soldats sont partout et ont la réputation d’être aussi loyaux que leur paye est confortable. Impitoyables, ils s’apparentent à une armée de mercenaires rompus aux arts de la guerre et dépourvus de toute conscience. Ils tuent, violent, pillent ou punissent violemment quiconque s’élève contre les intérêts de l’Érize et de son impératrice. Aucune opposition ni aucune résistance, même pacifique, n’est tolérée. Voyez encore, grand Roi ! La despote elle-même, pour s’assurer la fidélité et la soumission indéfectible de ses sujets, exécute chaque semaine une centaine d’entre eux. Elle appelle cette pratique l’Écourt et tous peuvent périr, ouvriers comme artisans, fonctionnaires et militaires...tous, noble Abrécar, tirés dans une Chéole au hasard par la Rizisse, la Haute Administration Impériale. Une fois assassinés, cette ignoble dictatrice se fait livrer leur tête dans la capitale, dans la tour Castiga de son palais de Dasdréal. Elle pousserait même le sadisme, raconte-t-on, à prendre le temps d’observer chaque visage, chaque rictus de souffrance des pauvres suppliciés et à s’en moquer méchamment. Tout cela pour contenter son innommable cruauté ! Pour en tirer une inavouable satisfaction ! Puis elle les expose, chacune, bien en évidence au bout de lances disposées tout autour de son enceinte.

    Le Prélat était à bout de souffle, animé d’une révolte réelle et d’une profonde frustration. Il termina pourtant dans une dernière tirade :

    — Une telle tyrannie n’a pour but que de terroriser et museler son peuple. L’Écarlate frappe aveuglément, quand elle le veut et qui elle veut. Ce type de gouvernance ne peut encore se renforcer sur notre terre sans que nous nous y opposions. Car au-delà de nos cités respectives, ce despotisme impitoyable menace notre continent, notre mode de vie et notre liberté même...celle qui vous est si chère. Dès lors, grand Roi, une alliance entre nous ne représente pas seulement un mutuel avantage, mais une urgente nécessité !

    Le souverain Finévilien avait écouté avec attention ces derniers propos et, bien que profondément surpris et en grande partie convaincu, n’en avait rien laissé paraître. Un monarque se devait de ne jamais trahir un moment d’incertitude. Tel avait été l’ultime conseil de son père, Dolimos Lenda, avant de s’éteindre dans une quinte de toux que la maladie rendit sanguinolente et interminable. Et c’était pourtant bien ce que le roi Abrécar ressentait à cet instant et s’efforçait de dissimuler. Le doute qu’il craignait tant... ce doute, père de toutes les faiblesses. Comment de telles atrocités pouvaient exister au seuil de sa porte sans même qu’il en soit informé ? Comment ses éclaireurs n’avaient-ils pu le constater et lui en faire un rapport détaillé ? La raison lui échappait et le laissait sans réponses. Or, à examiner cette déclaration de plus près, la révélation semblait trop énorme et la ruse grossière...et pourtant...le discours de Misko Grésande avait de tels accents de vérité... Mais le silence du souverain en suggérait bien trop à ses hôtes et, bien qu’il adhérât à la quasi-totalité de ce que le Prélat lui avait avoué, il l’interrogea cyniquement d’un air détaché :

    — Et quelle propension aurai-je à vous croire, vous plutôt qu’eux ? Car je n’ai pas plus de preuves ni plus de garanties d’honnêteté de votre part que de celle de ces infâmes barbares que vous dénoncez.

    À ces mots, le roi surprit du coin de l’œil un début de révolte dans les yeux du grand Pévéas Razème. L’émissaire du Chambelle, lui, semblait une fois encore sous le choc tandis que l’Homaine se plaçait devant lui afin de prendre à son tour la parole. Sans même que le Prélat en prenne ombrage, le Ravastélien énonça sans hésiter :

    — De nombreux hommes de valeur sont morts pour nous renseigner de la sorte. Un des miens est tombé, yeux arrachés, langue et oreilles coupées ! Il n’en resta aucun morceau après qu’il fut jeté à la populace fanatisée. Voilà pourquoi je ne crois pas que ce soit un procès équitable que de nous comparer à ces abjects et hypocrites tyrans Ocasses. Votre Royaume et les nôtres bénéficient de traités ancestraux : nous commerçons ensemble, nous nous accueillons pacifiquement depuis maintenant des siècles, et surtout...malgré quelques différends et quelques escarmouches fugaces, une volonté unique nous a forgé un destin commun lors de la grande invasion de Mythéthyme, il y a près de trois mille ans. Et bien qu’elle ait été un

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