William Pillot

The city of Ilion and its sanctuary of Athena Ilias are a good example of civic identity and regional culture in the Straits (Hellespont and Bosporus). This sanctuary, both civic and federal, was on the territory of the city of Ilion, but the Panathenaia festival was administrated by all the cities of the koinon of Athena Ilias. This association gathered cities of Troad and beyond, all the way to Chalkedon on the Bosporus. The study of the nature, organization, and ethnic and geographic composition of this koinon gives us precious information about the regional culture in the Straits.

La Troade et le Détroit des Dardanelles (antique Hellespont) constituent un espace frontalier d’une importance stratégique majeure dans l’Antiquité. Son identité mythique complexe, marquée par la guerre de Troie, est utilisée par la cité grecque d’Ilion pour tenter de se rattacher tour à tour aux puissances hégémoniques du moment : Lydiens, Perses, Athéniens, Spartiates, Macédoniens, Attalides, Séleucides et Romains. Lieu de passage et d’affrontement entre armées venues d’Asie ou d’Europe, de Xerxès aux Romains en passant par Alexandre le Grand, la Troade et le Détroit des Dardanelles offrent un laboratoire d’observation privilégié pour l’étude du phénomène frontalier entre deux continents. Face à cette situation, les cités grecques de la région se regroupent autour du sanctuaire fédéral d’Athéna Ilias, situé sur le territoire d’Ilion, pour créer une association religieuse (koinon) dont les membres, exclusivement asiatiques, sont principalement localisés en Troade, mais également au-delà, le long de la Propontide et jusqu’au Détroit du Bosphore, construisant ainsi un autre espace frontalier, d’un détroit à l’autre, entre Méditerranée et mer Noire. Comme en complément de la dimension asiatique du sanctuaire d’Athéna Ilias, l’autre grand sanctuaire d’Ilion, moins bien connu, que les archéologues ont baptisé « Sanctuaire Ouest », pourrait être consacré aux Grands Dieux de Samothrace, si l’on accepte de lui rattacher diverses inscriptions mentionnant ce culte à Ilion. Cette dernière hypothèse permettrait d’envisager que ce sanctuaire serve de lien, pour la cité, avec une aire géographique différente, centrée sur l’île de Samothrace, et donc davantage tournée vers l’Europe et le Nord de l’Égée, tout en conservant l’ancrage anatolien de la communauté politique ilienne, via le culte des Cabires et de Cybèle.

Mots-clés : espace frontalier / région transfrontalière / Antiquité grecque et romaine / Troade / Ilion / Hellespont / Dardanelles / koinon d’Athéna Ilias / Grands Dieux de Samothrace / Homère / Iliade / géographie historique / géographie religieuse / sanctuaire civique / fédéralisme antique / mythes de parenté

This PhD thesis intends to offer a synthesis concerning the Greek city-State of Ilion. This city-State offers an original example of a complex civic identity which mixes Greek and “barbaric” (i.e. non-Greek) elements through the use of different myths relating to the Trojan war. This mythical construction of identity is rooted in a particularly rich site where the various archaeological levels are superimposed and tangled together, from the Bronze age to the Roman period (Troy I to IX), as evidenced by H. Schliemann, the inventor of the site, which is still nowadays being excavated by German and American teams. Ilion’s identity is also fueled by various influences, Anatolian and Aegean, that are particularly sensitive because of the fact that the city is located at a geopolitical and cultural crossroad between Europe and Asia. The sanctuaries of Ilion play a central role in the identity, the myths and the history of the city, especially the sanctuary of Athena Ilias. It is the centre of a religious association (koinon) which regroups several other cities, from Troad and even beyond, who administer the sanctuary together and participate in festivals and sacred games in honor of this divinity that is both civic and federal. The second main cult site of Ilion, called “West Sanctuary”, is also a testimony of European and Asian influences.

Keywords: Ilion – Troy – Troad – Athena Ilias – myth and history – Homer – Iliad – identity – federalism – koinon –civic religion – Geek city – ancient history –epigraphy – numismatics – historical geography of the ancient world – archaeology

Abstract : In the detailled passage devoted to Troad at the opening of Book XIII of his Geography, Strabo offers an original discussion on the different geographical borders set by his predecessors for this region. He reviews and discusses a series of arguments to finally return to the geographical limits proposed according to him by Homer, absolute reference in his eyes. This geographical reflection of Strabo was not without consequence in the apprehension of this region in later times. The same goes for Strabo's judgment about the claims of the Greek city of Ilion to present itself as the heiress of Priam's Troy. In both cases, Strabo's testimony sheds light on the regional identity of the Troad and on the role played by the city of Ilion as "lieu de mémoire" or "mnemotope" of the Trojan War.

Oiseau sauvage nichant dans les habitations des hommes, l’hirondelle constitue, tant par son retour de migration saisonnière que par son ancrage symbolique, un marqueur culturel inscrit aux cœurs des sociétés humaines qu’elle côtoie depuis des millénaires. Sa disparition rapide et progressive de nos campagnes constitue de nos jours l’un des symptômes les plus symboliquement frappants de l’avènement du « printemps silencieux » (R. Carson) à l’ère de l’Anthropocène, et invite à étudier le rapport complexe que les hommes ont noué avec cette « espèce compagne », rapport dont les mythes et les traditions populaires d’Europe et d’Asie conservent un souvenir aussi riche que complexe. D’Aristote à saint Jean Chrysostome, de la mythologie grecque à la « pensée sauvage du christianisme » (M. Albert-Llorca), des Fables d’Ésope aux traditions chamaniques sibériennes (Ch. Stépanoff), l’hirondelle se loge au cœur des traditions populaires eurasiatiques.

Conférence : « Gaïa, phusis, kosmos : éclairages antiques sur la crise écologique actuelle. »
La pensée grecque est souvent désignée comme l'origine de la rupture entre nature et culture, spécificité occidentale dont la responsabilité incomberait, en dernière analyse, à la philosophie grecque. Cette thèse est notamment défendue par le philosophe américain spécialiste de l'éthique environnementale John Baird Callicott. Cet enjeu fondamental à l’ère de l’Anthropocène mérite réflexion dans la mesure où sa compréhension peut être considérée comme le prélude intellectuel nécessaire à la modification des modes de vie contemporains permettant de sortir de la crise écologique actuelle. Or c’est bien une déesse grecque qui a été choisie par plusieurs penseurs contemporains comme figure de référence pour interroger l’évolution des relations entre l’homme et la nature dans le contexte de la crise climatique que nous traversons (James Lovelock, Bruno Latour). Les nombreux problèmes soulevés par la fiction d’une Terre unifiée et divinisée méritent qu’on y prête attention : implication d’un certain mysticisme, problèmes de toute représentation unitaire, holiste, englobante du monde, problème de l’identification des responsabilités et de la culpabilisation, question des points de vue que suppose le mythe de Gaïa, notamment le point de vue surplombant. Ce dernier, en tant que point de vue scientifique extérieur, ou « extraterrestre », celui de la Terre vue du ciel, entre en contradiction avec les différentes traditions antiques transmises par le monde grec, dont l’Occident et les Modernes se présentent pourtant volontiers comme les héritiers directs et uniques. La pensée grecque invite paradoxalement à un tout autre point de vue, résolument « terrien », dans lequel l’humain est inextricablement lié au reste du vivant dans un monde clos, dont Gaïa forme l’une des personnifications mythiques les plus fameuses. Aristote est le premier à qualifier ce monde terrien de « sublunaire » pour l’opposer à l’univers, ou kosmos, qui n’est justement pas la Nature (phusis). D’où la pertinence, à l’heure d’évolutions rapides et globales, d’un éclairage par le temps long. Un éclairage pluriculturel et historicisé, des multiples façons dont les humains se sont rapportés, scientifiquement comme mythiquement, à la Terre qu’ils habitent, des multiples récits par lesquels ils ont pu rendre compte de relations de domestication, de connaissance, d’aménagement mais aussi d’émerveillement, de mystère, de mythification. Sous quelles formes la Terre émerge-t-elle comme objet de pensée ? Comment se sont articulées sa dimension sacrée et celle, pratique, de son aménagement par les hommes, entre ce que Hadot a distingué respectivement comme attitudes orphique et attitude prométhéenne ? Tel est l’enjeu général de la conférence proposée dans le cadre des Nocturnes de l'Histoire 2022, en lien avec le projet HESIODE, financé par la Maison des Sciences de l’Homme Ange Guépin :
https://msh-ange-guepin.univ-nantes.fr/la-recherche/hesiode

Tout au long de son histoire, la cité grecque d’Ilion, colonie éolienne fondée en Troade vers le VIIIe siècle av. J.-C. sur un site que les Anciens considèrent, pour la majorité d’entre eux, comme étant celui de la Troie de Priam, a développé et mis en scène une identité civique complexe et mouvante. Le fait que des colons grecs implantés en Troade aient choisi de se présenter comme les descendants et héritiers des Troyens – et non des Achéens – ne va pas de soi et invite à questionner les logiques à l’œuvre dans l’élaboration et la définition de l’identité de cette communauté politique. Cette construction identitaire peut être qualifiée de discursive dans la mesure où elle s’adapte aux différents enjeux géopolitiques du moment. Elle constitue un enjeu stratégique majeur pour cette cité de la rive asiatique de l’Hellespont qui se trouve constamment en situation de carrefour géopolitique et culturel entre Europe et Asie, avec tous les avantages mais aussi les dangers que cela comporte. C’est bien pour relever le défi de cette position à la fois centrale du point de vue symbolique et vulnérable du point de vue stratégique que la cité d’Ilion joue des différentes facettes de son identité complexe pour nouer des relations privilégiées avec les différentes puissances politiques du moment : Lydiens, Perses, Athéniens, Spartiates, Macédoniens, Séleucides, Attalides, Romains enfin. Les poèmes homériques, le cycle épique et les différentes traditions relatives à la guerre de Troie lui fournissent l’essentiel du matériau utilisé pour construire et adapter son identité civique en fonction de ces différents interlocuteurs. L’étude de ces différents dispositifs de mise en scène identitaire nécessite de croiser les sources littéraires avec la documentation épigraphique, numismatique et archéologique disponible. L’ensemble offre un laboratoire d’observation privilégié pour comprendre les constructions identitaires en Asie Mineure.

Mots clés (5 à 10) :
Ilion / Troade / Asie Mineure / cité grecque / identité civique / Troyens / Homère / ethnicité / Athéna Ilias / koinon

La tradition du tribut locrien à Ilion offre une étude de cas originale des liens diplomatiques et religieux que des cités de différentes régions du monde grec antique ont pu nouer entre elles, de part et d'autre de la mer Egée, en s'appuyant sur des traditions mythiques et religieuses communes. L'envoi rituel, à périodes régulières, de jeunes filles vierges issues de familles aristocratiques de Locride, considérées comme descendantes du héros achéen Ajax, et chargées à ce titre d'expier le crime sacrilège commis par leur ancêtre mythique lors de la prise de Troie, est documenté par la tradition littéraire mais aussi, fait exceptionnel, par plusieurs témoignages épigraphiques. Cette communication propose de reconsidérer l'ensemble du dossier documentaire à l'aune des progrès de nos connaissances de l'histoire de la cité grecque d'Ilion et de l'utilisation politique par cette dernière des traditions relatives à la guerre de Troie.