RESUME : Ce texte analyse le contenu de plusieurs articles de Roberto Casella rassemblés dans un livre publié en France, en 2020. Le groupe italien Lotta comunista a une «section française» qui édite un mensuel (L'Internationaliste) et de...
moreRESUME : Ce texte analyse le contenu de plusieurs articles de Roberto Casella rassemblés dans un livre publié en France, en 2020. Le groupe italien Lotta comunista a une «section française» qui édite un mensuel (L'Internationaliste) et de nombreux livres disponibles dans les librairies de l'Hexagone. Cette organisation fait habituellement preuve de sérieux dans ses analyses économiques et géopolitiques. Néanmoins, sur la question du génocide des Juifs, elle ignore délibérément la différence entre camps d'extermination (en réalité centres de mise à mort) et camps de concentration. Cette confusion ne lui est pas propre, puisqu'on la retrouve au sein de la plupart des mouvements antisionistes qui prétendent que l'Etat d'Israël se livrerait à un «palestinicide», que Gaza serait un «camp de concentration», ou que la «bataille de Jénine», en 2002, pourrait être comparée 1 à l'insurrection du ghetto de Varsovie contre les nazis en 1943. Dans les articles critiqués ici, il n'est nullement question du «sionisme» ou d'Israël, mais on retrouve la même ignorance des faits historiques et, plus grave, la même incompréhension des fondements du judéocide. Le raisonnement de Roberto Casella s'appuie sur une explication économique qui se prétend «marxiste» et est aussi erronée que d'autres (A 2) ; sa cécité volontaire traduit une incapacité à comprendre la spécificité de la haine contre les Juifs, qu'il s'agisse de l'antijudaïsme, de l'antisémitisme ou de la «judéophobie» moderne ; une incapacité à comprendre son histoire longue-près de 3000 ans si l'on part de l'Egypte antique (B)-et ses nombreuses mutations qui rendent cette haine d'une religion, puis cette haine de groupes socio-culturels qui lui sont liés de façon plus ou moins étroite, par l'histoire et enfin par la création tardive d'un Etat, très différente des autres formes de racisme ; et une incapacité à comprendre les causes du projet exterminationniste des nazis. Cette cécité n'est pas limitée aux marxistes, on la trouve aussi dans d'autres courants politiques dits de gauche ou anarchistes, mais nous ne nous occuperons ici que de Lotta comunista. Pour de nombreux «marxistes», la fonction principale de Hitler et de ses gangsters se réduit à un élément fondamental : augmenter les profits des «groupes économiques de l'industrie lourde et ceux du secteur chimique et électronique» 3. Cette citation est extraite d'un article de Roberto Casella, paru en juin 1979, mais elle synthétise parfaitement ce que pensaient certains «ultragauches» de sinistre mémoire, à la même époque, et ce que pensent de nombreux «antisionistes» dits «marxistes» aujourd'hui. Jusqu'ici, je croyais naïvement que ce genre d'affirmations était étranger au patrimoine théorique et politique de Lotta Comunista. En effet, les fondateurs et dirigeants de ce groupe, Lorenzo Parodi et 1 Comparaison effectuée par tous les courants politiques, de l'extrême droite au quotidien Le Monde en passant par le marxiste Tariq Ali (cf. l'excellent article de Corinne Daubigny
https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2004-4-page-107.htm). 2 Les lettres majuscules entre parenthèses renvoient aux sources, pages 9 et 10. 3 Ce petit article («Les prophéties scientifiques», dont deux pages sont consacrées au «racisme hitlérien») est paru dans Batailles et principes pour une politique communiste, 2020. Le livre comprend des textes écrits entre 1979 et 2005.