Ce travail s'attache à analyser les rares passages que Mably consacre aux serfs dans son texte Du gouvernement et des lois de Pologne. Est soutenu la possibilité de deux lectures résumées ainsi: 1° la constitution d'une république...
moreCe travail s'attache à analyser les rares passages que Mably consacre aux serfs dans son texte Du gouvernement et des lois de Pologne. Est soutenu la possibilité de deux lectures résumées ainsi:
1° la constitution d'une république idéale s'approchant des modèles anciens où tous les ordres de l'État sont intégrés. Une telle intégration n'empêche pas une hiérarchie entre ses composantes tout comme l'exclusion d'une large partie de la population d'une participation directe à la politique. Une frange de la paysannerie, affranchie et disposant de terres, pourrait toutefois former un "ordre terrien" de type suédois (lequel n'incluait d'ailleurs pas l'ensemble de la paysannerie). En parallèle, des mesures assurant que la "multitude" soit nourrie peut être conjugué à ce qu'elle reste exclue des institutions politiques. Cette interprétation insiste sur le "républicanisme classique" de Mably, elle peut même être renforcée par l'inclusion des propositions "radicales" qu'il a avancé dans le débat sur le commerce des grains tout comme sur une vision généreuse du contenu des "lois agraires" . Le commerce, réalité contemporaine, doit être jugulé et strictement soumis aux besoins.
2° une autre ligne d'interprétation peut reposer sur les passages où Mably s'exprime en faveur du commerce, vu comme processus civilisateur. Un développement des manufactures et du commerce, même si son effet dissolvant et corrupteur doit être contenu dans un second temps, encouragerait la formation d'un tiers-État solide. A son côté, des colonies étrangères prospères dont les "arts" seraient mis à profit par un programme étatique visant à sortir la Pologne de sa torpeur. Pour compléter le tout, une paysannerie affranchie graduellement. Les terres cultivées "par des mains libres" assureraient une croissance démographique et une hausse de la production agricole. S'il est toujours question de réformer une république nobiliaire, de garantir de bonnes mœurs grâce à des lois somptuaires, l'évolution lancée par les différentes mesures sociales et économiques jetteraient les germes qui, tôt ou tard, risqueraient de faire "sauter" les institutions républicaines d'une façon que Mably ne semble pas imaginer.