Jacques Cartier

Les voyages d'exploration ont longtemps constitué l'essentiel des informations connues sur l'histoire du XVI e siècle nord-américain. Aux yeux de plusieurs, il s'agissait d'une liste de navigations plus ou moins biens identifiées, de contacts humains sans lendemain, en bref d'une chaîne d'événements ponctuels sans aucun lien apparent. Dans les dernières décennies, les historiens ont jeté un regard nouveau sur la signification et la portée de ces expéditions au XVI e siècle, en identifiant les objectifs supranationaux (scientifiques, militaires, religieux, etc.) qui légitimaient ces navigations. Plus récemment encore, les chercheurs se sont concentrés sur l'arrière-plan de tous ces voyages, sur le contexte économique et maritime dans lequel s'inscrivaient ces expéditions vers l'Amérique du Nord.

Au XVIe siècle, les explorateurs français qui découvrent le Nouveau Monde scrutent attentivement le paysage en quête de richesse. Pourtant, l’Amérique septentrionale n’est pas l’eldorado tant espéré que vantent les récits de leurs homologues espagnols. Pour compenser cette insuffisance, ces derniers n’hésitent pas à envisager des présomptions inédites au risque parfois de basculer dans le mythe ou dans la légende. Cet article nous fait redécouvrir un épisode du récit de Jacques Cartier dans lequel le pilote malouin célèbre le mystérieux, mais non moins chimérique Royaume de Saguenay.

The period between Jacques Cartier's departure from North America in 1543 and the arrival of Samuel de Champlain sixty years later has received little attention from historians to date, owing primarily to a perceived lack of evidence, especially written records.  Far from representing an historical vacuum, however, the second half of the sixteenth century witnessed a number of crucial developments in northeastern North America, comprehension of which is essential for understanding the indigenous political landscape that Champlain first intruded upon in 1603.  Integrative analysis of archaeological research, Native oral sources, and fragments of documentary evidence reveals the ways in which indigenous conflicts over access to exchange routes engendered massive rearrangements of the human geography of northeastern North America from 1550 to the turn of the seventeenth century. These vital developments enabled Native people to refine pre-existing processes of political and economic alliance formation before they engaged with French, Dutch, and English colonizers on the borders of their homelands after 1608.