Le 11 avril 1512, la victoire française sur les Espagnols à Ravenne est chèrement payée par la mort, à 22 ans, du commandant de l’armée, Gaston de Foix, duc de Nemours alors qu’il poursuivait les ennemis en fuite. La décimation de l’élite...
moreLe 11 avril 1512, la victoire française sur les Espagnols à Ravenne est chèrement payée par la mort, à 22 ans, du commandant de l’armée, Gaston de Foix, duc de Nemours alors qu’il poursuivait les ennemis en fuite. La décimation de l’élite de la cavalerie française, lors de cette bataille abominablement meurtrière, marque un tournant dans les Guerres d’Italie par l’utilisation massive de l’artillerie, exemplaire de la « révolution militaire » alors en cours. L’armée espagnole, moins gravement touchée, saura faire de cette défaite, une victoire sur le long terme. Si l’on meurt comme on a vécu, alors la bataille de Ravenne, victoire à la Pyrrhus, symbolise bien l’ambiguïté inhérente à la personne de Gaston de Foix.
La mort du héros chevaleresque par excellence lors d’une bataille emblématique de la nouvelle guerre moderne signe un passage d’époque, entre Moyen Âge et Renaissance. Si l’iconographie de la bataille de Ravenne est riche, celle de Gaston de Foix ne l’est pas moins – ce qui est pour le moins paradoxal puisque nous n’avons aucun portrait attesté du héros. Par la mobilisation de spécialistes, cet ouvrage trace les grandes lignes de la construction et de la réception de ce mythe politique en littérature et en histoire ainsi que dans les nombreuses images gravées, peintes ou sculptées. À la fois chef des vainqueurs, en tant que neveu de Louis XII, et proche des vaincus, car frère de Germaine de Foix, reine d’Espagne, Gaston de Foix occupait une position frontalière propice à la malléabilité mémorielle. Le corps et la vie de Gaston de Foix apparaissent entièrement dédiés à la vie publique. Aucun détail biographique ne permet une individualisation quelconque. Loin de cristalliser un ensemble de valeurs fixes à disposition d’un discours univoque, Gaston symbolise au contraire toutes les ambivalences d’une époque de transition, et potentiellement toutes les contradictions des époques successives.
Gaston de Foix occupe ainsi une place nodale dans l’imaginaire national jusqu’au xxe siècle. L’ouvrage retrace les rares sources connues (dont deux inédites) mentionnant Gaston de Foix, aussi bien françaises qu’italiennes ou suisses avant de s’interroger sur les interprétations historiques successives et contradictoire d’un héros dont on ne sait plus trop s’il était valeureux ou téméraire, chevaleresque ou stratège, soldat ou galant homme. Jules Michelet en fera l’ancêtre du sans-culotte révolutionnaire, annonçant même Napolénon Bonaparte. Mais la mémoire de Gaston de Foix n’est pas seulement française. En s’adaptant à des contextes nationaux et à des discours historiques divers (la France de François Ier et celle de Louis XIV, la Hollande de Rembrandt, l’Angleterre victorienne), c’est bien la plasticité d’une mémoire européenne que ce livre tente de cerner.