L’atelier de la Manutention
Armand Desbat, Anne Schmitt
To cite this version:
Armand Desbat, Anne Schmitt. L’atelier de la Manutention. Gallia - Archéologie de la France antique,
CNRS Éditions, 1997, Dossier : Les productions des ateliers de potiers antiques de Lyon (2e partie) :
les ateliers du Ier s. après J.-C., 54, pp.45-50. 10.3406/galia.1997.3234. halshs-00980652
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Ateliers de potiers antiques de Lyon
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L'atelier de la Manutention
Armand Desbat et Anne Schmitt
Résumé. Des travaux réalisés en 1966 dans le terrain de la Manutention militaire, quai Saint-Vincent, ont révélé un four et des témoins
de la production de mortiers et d'amphores associés à des résidus de four de verrier. L'étude du matériel permet de situer cette production
entre 50 et 100 après J.-C.
Abstract. In 1966, a building site in the plot of la Manutention, on Saint-Vincent quay close to the site of la Muette, gave evidence of a
kiln and production ofmortarias and amphoras, with remains of a glassworker kiln. The study of the material shows that the production
must be dated in the second part of the lrsl century.
CIRCONSTANCES DES DECOUVERTES
Le domaine de la Manutention militaire,
autrefois Manutention des Vivres, quai Sainte-Marieaux-Chaînes, est situé aujourd'hui quai Saint-Vincent, en
aval de la place de la Butte et en amont du site de la
Muette (fig. 15). A. Comarmond y signale quelques
découvertes sporadiques au XIXe s. (Comarmond, 18551857).
Durant l'été 1966, le creusement d'une fosse, dans
l'enceinte de la Manutention militaire pour l'installation
d'un réservoir de carburant, fut l'occasion de nouvelles
observations réalisées par A. Grange et M. Picon. Dans
cette fosse de 7 m x 3,5 m sur 2,30 m de profondeur
apparurent un four de potier et des couches de rebuts de
fabrication de céramique et de verrerie.
Le four de potier circulaire, d'un diamètre interne de
1,40 m, présentait une partie de sa sole conservée,
supportée par une voûte de tegulae ; l'alandier de 90 cm de
long pour une section de 35 cm x 50 cm était obturé par
une dalle en pierre.
Dans la partie basse du four ont été recueillis cinq
vases à parois fines intacts de forme ovoïde, pouvant
laisser supposer une production comparable à celle de la
Galha, 54, 1997, p. 1-117
Fig. 15. Plan de localisation de l'atelier de la Manutention.
Butte6. Toutefois les couches de remblais antiques ont
livré les résidus d'autres productions. Le matériel
6. Ce matériel décrit par A. Grange n'a pas été retrouvé.
© CNRS Editions, Paris, 1998
Armand Desbat et al.
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recueilli est peu abondant, compte tenu de la surface
réduite de la fouille, mais atteste la production à
proximité d'amphores et de mortiers.
A. D.
Malgré leur diversité de forme, tous les exemplaires
recueillis présentent le même type de pâte de couleur
beige à dégraissant sableux.
LES AMPHORES
LES PRODUCTIONS
Les amphores trouvées en association avec les
mortiers présentent des pâtes d'aspect identique. Comme
pour les mortiers, les amphores présentent une assez
grande diversité dans le profil des lèvres.
LES MORTIERS
Plusieurs lèvres de mortiers ont été récoltées. Elles
présentent des profils variés.
• Mortiers à lèvre en bandeau. Il s'agit de mortiers avec
un rebord haut, très évasé sur un exemplaire. Ils
constituent l'évolution tardive du mortier à bandeau classique
de l'époque augustéenne (fig. 16, nos 1 et 2).
• Mortiers à lèvre formant un marli. Le marli presque
horizontal se recourbe légèrement. Ce modèle de
mortier peu courant se rencontre rarement sur les sites
lyonnais. Il se distingue des mortiers à lèvre retombante qui
deviennent fréquents durant la seconde moitié du Ier s.
(fig. 16, n« 3 et 4).
• Mortiers à lèvre triangulaire (fig. 16, n°5). Ce dernier
type, pratiquement inconnu sur les sites de
consommation lyonnais, n'est représenté que par cet exemplaire.
Les amphores à saumure
Ces amphores, qui constituent l'essentiel du matériel,
sont représentées par des cols, des lèvres et des fonds.
Les cols peuvent se classer en quatre groupes.
• Col avec lèvre à ressaut : trois exemplaires se classent
dans ce groupe qui correspond au type 3A, également
présent dans l'atelier de la Muette (pi. 12, nos 1 à 3).
• Col évasé à lèvre arrondie : ce groupe qui ne compte
que deux lèvres constitue une variante du type 3B (pi. 12,
nos4et5).
• Col évasé à lèvre triangulaire : quatre cols
appartiennent à ce groupe qui constitue une autre variante du type
3B (pi. 12, n°s6à9).
AMT 71 5
Fig. 16. Les mortiers de l'atelier de la Manutention (échelle : 1/4).
Gallia, 54, 1997, p. 1-117
© CNRS Éditions, Paris, 1998
Ateliers de potiers antiques de Lyon
• Col évasé à ressaut légèrement marqué et lèvre
arrondie : il s'agit d'amphores de petit module représentées
par deux exemplaires qui ne sont pas identiques (pi. 12,
n» 10 et 11).
Un col et une anse ne peuvent être attribués
précisément à l'un de ces groupes mais appartiennent à des
amphores à saumure (pi. 12, nos 12 et 13).
Les fonds sont eux-mêmes de formes variées. Deux
pilons creux appartiennent sans conteste à des amphores
de type 3 (pi. 12, nos 14 et 15). Deux autres pilons creux
se rattachent à d'autres formes. L'un (pi. 12, n°16)
présente un léger ressaut qui le rapproche des pilons de
Dressel 2/4 (type 2B), toutefois ceux-ci sont
généralement pleins. Le second pilon (pi. 12, nol7), également
creux, ne présente pas de ressaut et est légèrement plus
évasé. Ces deux pilons évoquent des amphores fuselées.
Peut-être s'agit-il de pilons de Dressel 16, autre type
d'amphores à garum dont la forme se rapproche des
Dressel 2/4.
Les amphores à fond plat
Deux fragments, une lèvre et un fond, appartiennent
à un type d'amphore à fond plat proche du type Dressel
28 dont ils pourraient constituer une imitation locale
(fig. 17, nosl et 2).
Un dernier type est représenté par une anse d'une
forme particulière. Celle-ci, étroite et longue, présente
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un sillon et deux protubérances au sommet. Elle se
rattache à une lèvre arrondie, soulignée par un léger
ressaut. La taille de l'anse et l'épaisseur des parois, de même
que le type de pâte avec dégraissant sableux, suggèrent
qu'il s'agit d'une petite amphore, mais celle-ci n'évoque
rien de connu (fig. 17, n°3).
Les découvertes anciennes
II faut ajouter à cette découverte celle de trois
amphores complètes recueillies au XIXe s. et
actuellement conservées au Musée de la Civilisation galloromaine.
La première (Comarmond, 1855-1857, n° 5) est une
Dressel 2/4, appartenant au type 2B : le n° 5 (fig. 18, n° 1)
est une amphore à col cylindrique, rétréci à la base, avec
une lèvre épaisse en bourrelet. Une estampille circulaire
illisible figure sur le col. Les anses sont pseudo-bifides.
L'épaule est très carénée. Le pied plein comporte le
ressaut caractéristique.
Les deux autres (nos 631 et 633) appartiennent au type
3A : le n°631 est une amphore avec col à ressaut, le pilon
est creux (fig. 18, n°2) ; le n°633, bien qu'appartenant au
même type, se distingue du type précédent par quelques
détails : le ressaut sous la lèvre en bourrelet est moins
marqué et le pilon est plein (fig. 18, n°3).
A. D.
CARACTERISTIQUES CHIMIQUES
DES PRODUCTIONS
Fig. 17. Les amphores à fond plat de l'atelier de la Manutention
(échelle : 1/4).
Galha, 54, 1997, p. 1-117
L'étude des compositions chimiques et pétrographiques des céramiques communes découvertes sur le
site de la Manutention a porté sur 19 exemplaires de
mortiers et amphores (Dressel 2/4 et Dressel 9) .
Les compositions chimiques de ces céramiques sont
très proches de celles des céramiques communes
grossières de la Muette, l'approvisionnement en argiles
alluviales devait être peu éloigné pour les deux ateliers.
Deux exemplaires ont une teneur en chaux relativement
faible (14 %) et leur composition chimique est très
proche de celle du groupe A' de la Muette. Les autres
exemplaires ont une pâte très calcaire, leur composition
chimique moyenne est donnée dans le tableau IL Ce
© CNRS Éditions, Paris, 1998
Armand Desbat et al.
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Fig. 18. Les amphores recueillies au XIXe s. sur le site de la Manutention (échelle : 1/10).
Tabl. II. Composition chimique moyenne des céramiques communes et
des amphores de l'atelier de la Manutention.
Éléments majeurs en pourcentages d'oxydes
La
Manutention Na2O K2O MgO CaO MnO AI2O3
(n*17)
m
0,5 2,7 1,7 21 0,106 12,2
cr
0,1 0,1 0,2 2,5 0,01 1,1
cr% 16
6 11
12 10
9
Éléments traces en PPM
La Manu*
tention Rb Sr Ba
(n»17)
m
120 289 555
or
12 33 82
cr%
10 11 15
Galha, 54, 1997, p. 1-117
Ni
65
6
9
Zn
73
8
11
Cr
85
10
12
Fe2O3
4,8
0,4
8
SiO2
56,1
2,1
4
TiO2
0,45
0,04
8
P2O5
0,3
0,1
24
Zr
104
13
13
La
22
13
57
Ce « V
68 79
5
8
8 10
groupe présente beaucoup de similitude avec celui de la
Muette B'.
L'étude granulométrique des inclusions contenues
dans la pâte met en évidence une lacune bien marquée
entre une fraction sableuse fine et une fraction sableuse
grossière. Ceci permet de dire que la phase grossière
correspond vraisemblablement à un dégraissant ajouté. Ce
dégraissant est constitué de grains de quartz, feldspaths,
micas, fragments de roches granitiques et
métamorphiques et fragments de rhyolite. Ce cortège minéralogique identique à celui observé dans les céramiques
communes de la Muette est caractéristique des sables de
la Saône et des alluvions du confluent Saône-Rhône.
A. S.
© CNRS Éditions, Pans, 1998
Ateliers de potiers antiques de Lyon
La comparaison de ce matériel avec celui d'habitats
comme la rue des Farges ou de dépotoirs comme celui du
Bas-de-Loyasse invite à placer l'ensemble du matériel de
cet atelier dans le courant du Ier s. et plus précisément à
l'époque Claude-Néron. Ce matériel paraît en effet
correspondre à une période de transition entre les
productions bien typées de l'époque augustéenne et celles de la
seconde moitié du Ier s. C'est le cas pour les mortiers mais
aussi pour les amphores. On notera par exemple la
présence à la fois des lèvres à ressaut (mais en minorité) et
des lèvres évasées et tombantes dont le dépotoir flavien
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du Bas-de-Loyasse a livré de nombreux exemples
(Dangréaux, Desbat, 1988, fig. 18).
Les éléments fournis par le site de la Manutention
sont relativement modestes. Ils traduisent cependant
l'existence d'ateliers ayant eu une production diversifiée.
Les céramiques recueillies en 1966 attestent une
production vers le milieu du Ier s., mais on peut supposer que
l'activité céramique ne s'est pas limitée à cette période.
Les découvertes du XIXe s., notamment les amphores,
laisseraient supposer une phase de production plus
ancienne.
Addendum
Depuis la rédaction de ce chapitre, le site de la Manutention a fait l'objet, en 1997, de sondages préliminaires
réalisés par le Service archéologique municipal de Lyon (Mmes C. Becker et M. Monin), dans le cadre d'un projet
d'aménagement des anciens bâtiments. Ces sondages, peu profonds, ont révélé, dans les remblais modernes, la présence de
nombreux fragments d'amphores lyonnaises de différents types : Dressel 2/4 (type 2B), Dressel 9 similis (types 3A, 3B
et 4A) et même une lèvre de Dressel 1.
Ces éléments confirment la présence sur le site même d'une production plus ancienne, d'époque augustéenne.
Galha, 54, 1997, p. 1-117
© CNRS Editions, Paris, 1998
Armand Desbat et al.
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7
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5
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8
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\
1 0 AMT 708
11
12
14
13
16
17 AMT 709
PL 12. Les amphores de l'atelier de la Manutention (échelle : 1/4).
Galha, 54, 1997, p. 1-117
© CNRS Éditions, Pans, 1998