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Contrôle et exploitation des campagnes en Sicile
Le rôle du grand domaine et son évolution du VIe siècle au XIe siècle
Annliese Nef et Vivien Prigent
L’évolution du grand domaine en Sicile entre les périodes byzantine et islamique (la conquête islamique débute en 827 et l’émirat insulaire se maintient
jusqu’au milieu du XIe siècle) a, dans un premier temps, donné naissance à
l’invention d’un modèle qui s’appuie sur des éléments historiques pour le
moins lacunaires1 et des sources juridiques théoriques, souvent tardives par
rapport aux situations qu’elles sont censées documenter et élaborées dans des
contextes très différents de celui de la Sicile. Par la suite, le silence est retombé
sur cette question et l’on a hésité entre l’idée que rien ne peut être avancé sur
ce sujet2 et la conviction que la domination islamique en Sicile a eu un impact
«certain» et a connu une évolution «type ».
1 Cf. Michele Amari, Storia dei Musulmani di Sicilia (Florence: Le Monnier, 2002–2003) qui
demeure aujourd’hui la référence obligée sur le sujet. Sur les problèmes que pose ce point
particulier dans son œuvre: Annliese Nef, “Michele Amari ou l’histoire inventée de la Sicile
islamique: réflexions sur la Storia dei Musulmani di Sicilia,” dans Maghreb-Italie : des passeurs médiévaux à l’orientalisme moderne (XIIIe–milieu XIXe siècle), éd. Benoît Grévin (Rome:
École française de Rome, 2010), 301–303. Pour la période byzantine, on se contente souvent
de reporter ce que l’on croit acquis du modèle tardoantique, voir notamment Lellia Cracco
Ruggini, “La Sicilia fra Roma e Bisanzio,” dans Storia della Sicilia, vol. 3, éd. Rosario Romeo
(Naples: Storia di Napoli e della Sicilia, 1980), 1–96.
2 Pour la fin de l’antiquité, voire la mise au point Peter Sarris, “Rehabilitating the Great Estate:
Aristocratic Property and Economic Growth in the Late Antique East,” dans Recent Research
on the Late Antique Countryside, vol. 2, éds. Bowden William, Lavan Luke et Machado Carlos (Leiden/Boston: Late Antique Archaeology, 2004), 55–72 et les intéressantes réflexions de
Domenico Vera, “Forme del lavoro rurale: aspetti della trasformazione dell’Europa romana
fra tarda antichità e alto medioevo,” Morfologie sociali e culturali in Europa fra tarda antichità e alto medioevo, Settimane di Studi del Centro Italiano di Studi sull’Alto Medioevo 45
(Spoleto: Centro Italiano di Studi sull’Alto Medioevo, 1998): 293–342, sur une transition d’un
système d’exploitation statique à un système dynamique. Pour la Sicile byzantine, Vivien
Prigent, “Le grand domaine sicilien à l’aube du Moyen Âge,” dans L’héritage byzantin en Italie
(VIIIe–XIIe siècle), vol. 4, Habitat et structures agraires, éds. Jean-Marie Martin, Annick CustotPeters et Vivien Prigent (Rome: École française de Rome, 2013), 207–236. La question de
l’évolution des structures agraires est éventuellement abordée par les spécialistes de périodes
plus tardives qui ne peuvent manquer de s’interroger sur les effets de la période islamique:
© the authors, 2019 | doi:10.1163/9789004386549_011
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Il est néanmoins des éléments et des indices, à réinterpréter ou venus au jour
grâce aux progrès de recherches en cours, qui permettent de reposer un certain
nombre de problèmes. Une des principales difficultés concerne, comme toujours, les sources disponibles : entre le registre épistolaire abondant du pape
Grégoire le Grand (v. 540–604) et les diplômes de la dynastie normande des
Hauteville qui conquiert l’île à partir du milieu du XIe siècle, les informations
paraissent minces. Elles ne sont toutefois pas inexistantes et il est possible
de renouveler leur apport en appliquant une méthode régressive à des documents plus récents, même s’il convient de procéder avec prudence. En outre, de
manière générale, comme nous l’avons souligné ailleurs3, l’histoire de la Sicile
entre VIe et Xe siècle a tout à gagner à être mise en perspective avec celle des
autres provinces de l’empire byzantin puis de l’empire islamique, ne serait-ce,
d’ailleurs, que pour s’en démarquer éventuellement.
Enfin, de nouvelles sources peuvent être mises à profit. Elles résultent de la
mise en œuvre d’études archéologiques et techniques (sigillographie, numismatique …), dont les apports ont déjà amené à revoir de nombreux points tenus
pour assurés, et se développent également rapidement grâce à la publication
d’actes grecs de la toute première période normande documentant la Calabre
et la Sicile.
Il n’est pas possible ici de revenir en détail sur un contexte politique et
économique en constante évolution pour les siècles qui nous occupent et
l’on se contentera de quelques grandes lignes, les plus utiles à la démonstration. Au cours des VIe–VIIIe siècles, la Sicile suit une trajectoire unique
parmi les provinces relevant de Byzance4, en ce que sa prospérité relative s’accf. Vincenzo D’Alessandro, “Dalla ‘massa’ alla ‘masseria’,” prem. éd. 1980, rééd. dans Id., Terra,
nobili e borghesi nella Sicilia medievale (Palerme: Sellerio, 1994), 63–72 et l’introduction à la
thèse d’Henri Bresc intitulée “La genèse du latifondo,” dans Un monde méditerranéen: économie et société en Sicile 1300–1450 (Rome/Palerme: École française de Rome-Accademia si
Scienze, Lettere e Arti di Palermo, 1986), 7–21. Ce n’est que dernièrement que le thème a
suscité à nouveau l’intérêt des islamisants: cf. Adalgisa De Simone, “Ancora sui ‘villani’ di Sicilia : alcune osservazioni lessicali,” Mélanges de l’École française de Rome : Moyen Âge 116, no. 1
(2004): 471–500 ; mais il a surtout été renouvelé récemment depuis l’archéologie: cf. Alessandra Molinari, “Paesaggi rurali e formazioni sociali nella Sicilia islamica, normanna e sveva
(secoli X–XIII),” Archeologia medievale 37 (2010): 229–245; Lucia Arcifa, Alessandra Bagnera
et Annliese Nef, “Archeologia della Sicilia islamica : nuove proposte di riflessione,” dans Villa 4:
histoire et archéologie de l’Occident musulman (VIIe–XVe siècle), éd. Philippe Sénac (Toulouse:
éditions Méridiennes, 2012), 241–274.
3 Annliese Nef et Vivien Prigent, “Per una nuova storia dell’alto medioevo siciliano,” Storica 12
(2006) [publié en 2007] : 9–64.
4 Pour un aperçu de l’évolution générale de l’empire, on se reportera commodément à JeanClaude Cheynet, éd., Le monde byzantin, vol. 2, L’Empire byzantin, 641–1204 (Paris: Presses
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croît5, tandis que l’empire traverse partout ailleurs une crise dont la sévérité n’a
pas besoin d’être soulignée6. Ce n’est qu’après 750 qu’une conjonction de facteurs contribue à la marginalisation économique et politique de l’île, laquelle
provoqua une série de troubles civils qui accélérèrent la conquête musulmane.
On soulignera toutefois qu’à la veille de l’attaque, la Sicile demeure assez puissante pour qu’un usurpateur ait pu sérieusement penser en faire le tremplin
d’une conquête du pouvoir à Constantinople7. Cette richesse longtemps maintenue tient au caractère insulaire de la province qui non seulement la met pour
l’essentiel à l’abri des attaques, mais favorise la démographie et la concentration de capitaux en offrant un refuge aux populations fuyant les zones de
guerre. La province bénéficie en outre d’une relation privilégiée avec la capitale, entérinée par un système administratif unique8. Riche et très étroitement
contrôlée, elle joua un rôle essentiel dans la survie de l’empire. L’un des indices
les plus clairs, tant de cette prospérité que de la faveur impériale, est constitué par l’activité constante de l’atelier de frappe qui assura la vitalité unique,
en province, de son économie monétaire9. Celle-ci était indispensable au bon
5
6
7
8
9
universitaires de France, 2006). Pour le cas sicilien, Vivien Prigent, “La Sicile byzantine (VIe–
Xe siècle)” (Thèse de doctorat inédite de l’Université Paris-Sorbonne, 2006).
L’un des aspects principaux de cette affirmation du rôle économique de la Sicile dans
l’empire byzantin est lié à ses responsabilités annonaires, voir, Vivien Prigent, “Le rôle des
provinces d’Occident dans l’approvisionnement de Constantinople (618–717): témoignages
numismatiques et sigillographiques,” Mélanges de l’École française de Rome: Moyen Âge 118,
no. 2 (2006): 269–299.
Voir notamment sur cette question la belle synthèse de John Haldon, Byzantium in the VIIth
Century : The Transformation of a Culture (Cambridge: Cambridge University Press, 1997).
Sur le contexte politique de l’invasion, Paul J. Alexander, “Les débuts des conquêtes arabes
en Sicile et la tradition apocalyptique byzantino-slave,” Bollettino del Centro di Studi filologici
e linguistici siciliani 12 (1973): 5–35, repris dans Paul J. Alexander, Religious and Political History and Thought in the Byzantine Empire, Collected Studies 71 (Londres: Variorum, 1978), XIV ;
Vivien Prigent, “La carrière du tourmarque Euphèmios, Basileus des Romains,” dans Histoire et
culture dans l’Italie byzantine, éds. André Jacob, Jean-Marie Martin et Ghislaine Noyé (Rome:
École française de Rome, 2006), 279–317.
Dernière mise au point, Vivien Prigent, “La Sicile byzantine, entre papes et empereurs (6ème–
8ème siècle),” dans Zwischen Ideal und Wirklichkeit: Herrschaft auf Sizilien von der Antike bis zur
Frühen Neuzeit, éds. David Engels, Michael Kleu et Lioba Geis (Wiesbaden : Franz Steiner Verlag, 2010), 201–230; voir également Constantin Zuckerman, “Learning from the Enemy and
More: Studies in “Dark Centuries” Byzantium,” Millenium 1 (2006): 79–135; pour la période
mésobyzantine, Michael Nichanian et Vivien Prigent, “Les stratèges de Sicile: de la naissance
du thème au règne de Léon V,” Revue Études Byzantines 61 (2003): 97–142.
Voir Cécile Morrisson, “La Sicile byzantine: une lueur dans les siècles obscurs,” Quaderni ticinesi di numismatica e antichità classiche 27 (1998): 307–334; et Cécile Morrisson et Vivien
Prigent, “La monetazione in Sicilia nell’età bizantina,” dans Le zecche italiane fino all’Unità,
éd. Lucia Travaini (Rome: Libreria dello Stato, 2011), 427–434; Vivien Prigent, “La circulation
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fonctionnement d’une économie tournée vers l’exportation, notamment du
blé, et largement aux mains de propriétaires étrangers à l’île : les Églises italiennes, essentiellement – mais pas uniquement – Rome et Ravenne, et l’État
impérial. Les grandes familles sénatoriales de Rome y étaient également possessionnées, mais se replient sur ces domaines siciliens au cours du VIe siècle,
avant d’être supplantées au siècle suivant par une nouvelle aristocratie, au sein
de laquelle se mêlent locaux et descendants de réfugiés (italiens, orientaux,
balkaniques et africains), dont on ne peut malheureusement étudier la fortune
avec précision10.
La situation de la seconde moitié du VIIIe et du début du IXe siècle n’apparaît
pas très clairement, ce qui peut être en soi un indice de l’ existence de difficultés internes. L’intégration progressive de l’île à l’espace islamique, à partir
de la première intervention ifrîqiyenne de 827, est caractérisée par un paradoxe : la lenteur de la conquête, achevée en 97611, contraste avec l’existence
de liens anciens entre la Sicile et le Nord de l’Afrique et avec une intégration
précoce au monde de l’Islam au moins de la partie occidentale de l’île12. Il
convient d’insister sur ce point car on a eu trop tendance jusqu’ici à considérer que la seconde moitié du Xe siècle, sous la dynastie kalbide, marquait le
moment véritable de l’islamisation insulaire, une conception sur laquelle on
revient peu à peu. On ne peut en effet déduire que la conquête de la Sicile en
cours n’aurait eu aucune incidence au IXe siècle de la seule absence de sources
10
11
12
monétaire en Sicile (VIe-VIIe siècle),” dans The Insular System in the Byzantine Mediterranean (Nicosie 2007), éds. Demetrios Michaelides, Philippe Pergola et Enrico Zanini, British
Archeological Reports, International Series 2523 (Oxford: Archaeopress, 2007), 139–160.
Domenico Vera, “Aristocrazia romana ed economie provinciali nell’Italia tardoantica : il
caso siciliano,” Quaderni catanesi di studi classici e medievali 10 (1988): 114–172. Il n’existe
pas de synthèse sur l’aristocratie sicilienne mésobyzantine mis à part le chapitre dédié à la
question par l’un d’entre nous dans le cadre de son doctorat, Prigent, “La Sicile byzantine,
entre papes et empereurs,” 312–341.
Vivien Prigent, “La politique sicilienne de Romain Ier Lécapène,” dans Guerre et Société
au Moyen Âge : Byzance-Occident (VIIIe–XIIIe siècle), éds. Dominique Barthélémy et JeanClaude Cheynet (Paris: ACHCByz, 2010), 63–84; Annliese Nef, “Le statut des dhimmī-s
dans la Sicile aghlabide (827–910),” dans The Legal Status of Dhimmī-s in the Islamic West
(second/eighth-ninth/fifteenth centuries), éds. Maribel Fierro et John Tolan (Turnhout: Brepols, 2013), 112–128.
Pour une lecture différenciée de l’évolution régionale au VIIIe siècle et son impact possible sur la rapidité de la conquête islamique (plus rapide dans la Sicile occidentale plus
affectée par la crise du VIIIe siècle; plus lente dans la partie orientale, moins affectée),
voir Lucia Arcifa, “Romaioi e Saraceni introno all’827: Riflessioni sul tema della frontiera,”
dans La Sicilia del IX secolo tra Bizantini e Musulmani (Atti del IX Convegno di Studi), éds.
Marina Congiu, Simona Modeo et Massimo Arnone (Caltanissetta: Salvatore Sciascia Editore, 2013), 161–182.
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écrites en documentant les effets, une situation que l’on retrouve ailleurs aux
premiers temps la domination islamique. En outre, une révision de la chronologie des données archéologiques relatives à l’époque islamique, attestant une
évolution de la production céramique dès la fin du IXe siècle à Palerme, est en
cours et ses incidences sont notables13. En effet, on a souvent mis en avant une
croissance des établissements ruraux à partir du Xe siècle dont attesterait la
présence de céramique glaçurée vert et brun. Or, il n’est plus possible de dater
cette dernière uniformément du «Xe siècle », sur des bases peu solides et circulaires (notamment en s’appuyant sur les bacini de Pise)14. Une telle relecture
n’est pas indifférente puisqu’elle permettra de mieux dater, et probablement
de rehausser chronologiquement, la multiplication des sites habités dans les
campagnes siciliennes.
Laissant ici de côté l’archéologie, nous essaierons de voir si les sources textuelles permettent de dégager des pistes de réflexion concernant l’impact de
la conquête lancée depuis l’Ifrīqiya et de la mise en place d’un État émiral
insulaire sur l’organisation agraire et la fiscalité rurale. On a longtemps avancé
en effet qu’elles avaient abouti à une redistribution foncière et à une diminution de la taille des unités exploitées, ainsi qu’à une évolution de la fiscalité, en
reprenant les assertions de Michele Amari15. Il convient néanmoins de revenir
sur ces différents points qui paraissent mal étayés.
Pour en terminer avec ces prémisses, il est nécessaire d’insister sur le fait que,
comme probablement dans de nombreuses autres régions du monde méditerranéen entre le VIe et le Xe siècle, les réalités siciliennes qui seront traitées ici
connaissent une déclinaison micro-régionale forte et qu’il est donc très difficile
de dégager les grandes lignes d’un modèle d’évolution qui serait généralisable
à l’ensemble de l’île.
13
14
15
On verra les contributions de Lucia Arcifa, Fabiola Ardizzone, Alessandra Bagnera, Elena
Pezzini et Viva Sacco dans: Annliese Nef et Fabiola Ardizzone, éds., Les dynamiques de
l’islamisation en Méditerranée centrale et en Sicile : nouvelles propositions et découvertes
récentes (Rome-Bari: Edipuglia-École française de Rome, 2014).
Alessandra Bagnera et Annliese Nef, “Histoire et archéologie du domaine fatimide: la
Sicile et Palerme (début du Xe siècle-milieu du XIe siècle),” dans Ṣabra Mansūriyya, éds.
Patrice Cressier et Mourad Rammah (Rome: Ecole française de Rome, à paraître); Arcifa,
Bagnera et Nef, “Archeologia della Sicilia islamica”.
Nef, “Michele Amari,” et Annliese Nef, “La fiscalité islamique en Sicile sous la domination
islamique,” dans La Sicile de Byzance à l’Islam, éds. Annliese Nef et Vivien Prigent (Paris:
De Boccard, 2010), 131–156.
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1
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Forme et extension du grand domaine
1.1
Les massae de l’époque byzantine
L’importance du grand domaine en Sicile sous la domination byzantine reflète
largement l’orientation de l’économie de l’île vers l’exportation. Elle se constate évidemment dès l’époque républicaine, mais, après plusieurs siècles
d’apathie, elle est relancée aux IVe–Ve siècle par de puissants investissements
sénatoriaux destinés à assurer l’approvisionnement de Rome après le détournement de l’annone vers Constantinople qui priva Rome d’une source de
ravitaillement indispensable16. Cette reprise en main amena à la constitution
de vastes unités d’exploitation, nommées massae, terme qui apparaît dans la
liste des donations constantiniennes du Liber pontificalis de Rome17. C’est leur
évolution aux VIe–VIIIe siècles qui nous retiendra ici. Les sources disponibles
limitent toutefois l’enquête puisque seule la grande propriété ecclésiastique
est bien documentée, en particulier par les quelques 200 lettres que Grégoire le
Grand adressa en Sicile18. Toutefois, l’Église de Rome apparaît essentiellement
comme l’héritière des fortunes sénatoriales19 et la bénéficiaire des largesses
16
17
18
19
Sur ce point, fondamental, voir Vera, “Aristocrazia romana.”
De nouveau, l’étude de base est due à Domenico Vera, “Massa fundorum: forme della
grande proprietà e poteri della città in Italia fra Costantino e Gregorio Magno,”Mélanges de
l’École française de Rome: Antiquité 111, no. 2 (1999): 991–1025, dont les analyses reposent
largement sur le témoignage du Liber pontificalis: Liber Pontificalis, éd. Louis Duchesne
(Paris: E. Thorin et E. De Boccard, 1886–1892) (dorénavant cité Liber pontificalis). L’article
de 1999, bien que paru avant Domenico Vera, “Sulla (ri)organizzazione agraria dell’Italia meridionale in età imperiale: origine, forme e funzioni della massa fundorum,” dans
Terre, proprietari e contadini dell’impero romano dall’affito agrario al colonato tardoantico, éd. Elio Lo Cascio (Rome: La Nuova Italia Scientifica, 1997), 613–633, en constitue
une forme plus développée et aboutie. Pour éviter les références redondantes, on se
contentera ici de renvoyer au premier. La documentation sur les revenus des domaines
avait déjà été rassemblée dans Lellia Ruggini, Economia e società nell’“Italia annonaria” : rapporti fra l’agricoltura e commercio dal IV al VI secolo (Bari: Edipuglia, 1995), 558–
563.
La bibliographie sur Grégoire le Grand et sa correspondance est extrêmement développée.
On se contentera de citer ici l’édition de référence: Grégoire le Grand, Registrum Epistularum sancti Gregorii Magni, éd. Dag Norberg, Corpus Christianorum, Series Latina 140
et 140A (Turnhout: Brepols, 1982) (dorénavant cité Registrum), ainsi qu’une importante
étude spécialement dédiée à l’exploitation du domaine pontifical, Vincenzo Recchia, Gregorio Magno e la società agricola (Rome: Studium, 1978).
De nouveau, on peut citer le cas de Grégoire le Grand lui-même qui fonda plusieurs
monastères en Sicile sur ses biens familiaux, Vita sancti Gregorii Magni, éd. Sabina Tuzzo,
Centro di cultura medievale 11 (Pise: Scuola normale superiore, 2002), 5, 66, ou la présence
parmi les biens gérés par le recteur pontifical des fondations des Valerii (Registrum, IX, 67;
Eva Margareta Steinby, éd., Lexicon Topographicum Urbis Romae (Rome: Quasar, 1993–
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impériales20. On ne perçoit aucune spécificité structurelle dans ses modes
de gestion. Par ailleurs, le mouvement peut s’inverser tout aussi facilement :
la saisie des biens de Rome au cours du VIIIe siècle entraîne le passage de
cette fortune dans le giron de l’État21, voire dans celui de l’aristocratie lorsque
l’empereur procède à des donations. Cette circulation permet d’envisager de
substantielles parentés dans le mode de gestion des biens.
La région s’étendant entre Sofiana et Enna présente sans doute un cas
d’école : on y repère les biens des Nicomachi, l’une des plus importantes
familles sénatoriales de Rome22 puis de l’Église de Rome23, principale héritière des biens de cette gens liée aux Anicii, avant que, au lendemain de la
saisie des patrimoines pontificaux, au début des années 74024, l’État impérial
n’y installe des troupes selon une stratégie également observable en Calabre25.
La saisie ne semble pas entraîner de rupture dans la gestion. Le même terme de
20
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25
2000), 5:217) et des Anicii (Registrum, IX, 8 et Liber pontificalis, 98, 81, p. 25; voir de façon
générale, Eva Margareta Steinby, Lexicon Topographicum, 5:214–216).
Malgré les difficultés d’interprétation que présente cette source, ce fait n’apparaît nulle
part plus clairement que dans le Liber pontificalis qui liste les donations de Constantin à
l’Église de Rome. Voir notamment Domenico Vera, “Osservazioni economiche sulla vita
Sylvestri nel Liber pontificalis,” dans Consuetudinis Amor: fragments d’histoire romaine
(IIe–VIe siècles) offerts à Jean-Pierre Callu, éds. François Chausson et Étienne Wolff (Rome:
L’Erma di Breitschneider, 2003), 419–430; Daniel Moreau, “Les patrimoines de l’Église
romaine jusqu’à la mort de Grégoire le Grand : dépouillement et réflexions préliminaires
à une étude sur le rôle temporel des évêques de Rome durant l’Antiquité la plus tardive,”
Antiquité tardive 14 (2006): 79–93.
Voir Vivien Prigent, “Les empereurs isauriens et la confiscation des patrimoines pontificaux d’Italie du Sud,” Mélanges de l’École française de Rome: Moyen Âge 116, no. 2 (2004):
557–594.
À l’occasion d’un séjour sicilien, sans doute en liaison avec l’invasion d’Alaric, Virius Nicomachus Flavianus annota deux de ses manuscrits de Tite-Live signalant emendabam apud
Hennam (Titi Livii ab Urbe condita, Tomus I : Libri I–IV, éd. R.M. Ogilvie (London : Clarendon Press-Oxford University Press, 1974), XII). Sur le personnage, Arnold H.M. Jones, The
Prosopography of the Later Roman Empire, vol. 1, AD 260–395 (Cambridge: Cambridge University Press, 1971), 260–395, Virius Nicomachus Flavianus, 345–346.
Voir sur le proche site de Sofiana, Albrecht Berger, ed. et trad., La Vie de Grégoire d’Agrigente : Leontios presbyteros von Rom, das Leben des Heiligen Gregorios von Agrigent (Berlin :
Akademie Verlag, 1994), §61, 219, l. 23 et §67, 225, l. 18. En dernier lieu, sur ce site qui jouait
un rôle essentiel dans l’articulation du patrimoine dès la fin du VIe siècle, Giovanni Francesco La Torre, ““Gela sive Philosophianis” (It. Antonini, 88,2): contributo per la storia di un
centro interno della Sicilia romana,” Quaderni dell’Istituto di Archeologia dell’Università di
Messina 9 (1994): 99–139.
Prigent “Les empereurs isauriens.”
Un sceau encore inédit y mentionne un topotérète de cité, institution sur laquelle voir
Vivien Prigent, “Topotèrètes de Sicile et de Calabre aux VIIIe–IXe siècles,” Studies in Byzantine Sigillography 9 (2006): 145–158.
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massa désigne toujours les grands domaines impériaux en Italie26 et les fonctionnaires qui se voient confier la gestion des biens saisis adoptent d’emblée
les titres auparavant en usage dans l’administration pontificale27. Ces indices
de permanence sont infimes, mais ce sont les seuls dont nous disposions. On
reviendra plus avant sur l’évolution du rapport de la massa au système fiscal.
Le terme massa est une version abrégée de l’expression massa fundorum.
Celle-ci ne se rencontre qu’en Italie et les massae sont repérables essentiellement dans le sud et le centre de la péninsule, c’est-à-dire dans les zones de
concentration des patrimoines sénatoriaux28. Le terme renvoie à un agglomérat de biens d’origines et de tailles diverses, les fundi. La massa fundorum naît
donc d’un processus de concentration, remontant au IIe siècle en Italie, de
biens-fonds divers29, mais qui, au moins à l’origine, demeurent bien distincts
au sein de cette superstructure30. La massa constitue donc essentiellement
le cadre de l’enregistrement des biens d’un propriétaire et de la gestion des
archives y afférant, au sein d’un ressort civique particulier, puisque les massae
ne sont jamais à cheval sur les territoires de cités distinctes31. C’est également à
cet échelon que le grand propriétaire nomme un gestionnaire, le conductor qui
opère à partir d’un centre domanial appelé, vers 600, conduma32. Toutefois, la
massa, si elle est circonscrite à un territoire civique, ne regroupe pas forcément
tous les biens d’un même propriétaire dans ce ressort. Un même possesseur
peut en effet avoir plusieurs massae dans une même cité33. C’est un point qui
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33
Voir, par exemple, dans la région de Rome, les massae de Ninfa et Norma, Liber pontificalis,
1 :433 et Federico I. Marazzi, “Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae” nel Lazio (secoli IV–
X): struttura amministrativa e prassi gestionali (Rome: Istituto Storico per il Medio Evo,
1998), 274–275.
Voir l’interprétation pionnière des sceaux des recteurs de Calabre par Vitalien Laurent,
Documents de sigillographie byzantine: la collection Orghidan, Bibliothèque Byzantine,
Documents 1 (Paris: P.U.F., 1952), commentaire au no. 81, 54.
Vera, “Aristocrazia romana.”
Vera, Massa fundorum, 991, 1013. Le fonctionnement que l’on attribue généralement au
patrimonium a été résumé au mieux par Lellia Cracco Ruggini, “Sicilia, III/IV secolo: il
volto della non-città,” Kokalos 28–29 (1982–1983), 490–492: “Le massae si articolavano in
innumerevoli fundi, i quali in sostanza riproducevano e perpetuevano nel connettivo del
latifondo le strutture produttive frazionate delle unità parcellari medio-piccole che questo
era andato inghiotando.”
Vera, Massa fundorum, 1004.
Vera, Massa fundorum. Cette remarque importante permet notamment d’abandonner la
vision proposée par Cracco Ruggini (“La Sicilia,” 72, n. 76) de massae “che si estendevano
da nord-ovest a est per tutta la larghezza dell’isola.”
Vera, Massa fundorum, 997, 1004. Nous revenons plus avant sur cette réalité.
Ainsi, dans le territoire de Palerme, l’Église de Rome a des droits plus ou moins exclusifs
sur trois massae : Getina (Registrum, IX, 119), Leucas (Registrum, IX, 23) et Taurana (Liber
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distinguerait la massa de l’ oikos égyptien, lequel paraît rassembler l’ensemble
des biens d’un individu sur un même territoire34. À l’inverse, une même massa
peut avoir plusieurs propriétaires, l’indivis (qui peut associer laïcs et ecclésiastiques) assurant la survie de la cohésion domaniale35.
Le système présente toutefois un visage particulier en Sicile puisque les
massae y sont nettement plus grandes qu’ailleurs en Italie, avec des revenus
moyens d’environ 800 solidi (maximum 1640), à peu près 2,5 fois supérieurs à
ceux des massae continentales36. Se reflète ici en bonne partie la faiblesse du
réseau urbain insulaire: les territoires des principales cités sont extrêmement
étendus par rapport à ceux de l’Italie péninsulaire37. Mais surtout, le processus
de concentration foncière s’accéléra tardivement, au IVe siècle, à la suite de la
fondation de Constantinople et du détournement de l’annone vers la nouvelle
capitale38. Il est donc probable que les massae siciliennes naquirent par coalescence de biens déjà importants. De fait, la disparité de taille que l’on constate
entre massae insulaires et continentales se retrouve bien à l’échelle de leurs
éléments constitutifs, les fundi39.
Le choix de se pencher sur les massae pour étudier les instruments de
contrôle des zones rurales de la Sicile est en partie dicté par la nature du réseau
urbain sicilien, déjà évoquée. Celui-ci en effet est essentiellement côtier, si l’on
s’en rapporte à l’image qu’en donne Georges de Chypre, une spécificité que
confirme le croisement des listes d’évêchés médiévales avec les données pro-
34
35
36
37
38
39
Pontificalis, I, 33, 37). La différence peut toutefois être illusoire, les massae que l’on voit
au sein des biens de l’Église de Rome recouvraient peut-être auparavant l’ensemble des
biens d’un possessor laïc qui ne feraient ultérieurement que conserver leur identité au
sein du patrimoine plus vaste de l’église de Rome. Ce serait donc une évolution en deux
temps qui créerait cette différence.
Sur l’organisation de l’ oikos égyptien, le travail fondateur demeure Jean Gascou, “Les
grands domaines, la cité et l’État en Égypte byzantine,” Travaux et Mémoires du Centre
d’histoire et de civilisation de Byzance 9 (1985): 1–90, repris dans Jean Gascou, Fiscalité et
société en Égypte byzantine, Bilans de Recherche 4 (Paris: ACHCByz, 2008), VI, avec des
réflexions nouvelles sur l’impact des concepts mis en avant dans l’article d’origine.
Ainsi, pour rester dans le Palermitain, la massa Leucas, cité n. 33, était partagée entre Rome
et une dénommée Praeiecta, sur laquelle voir Charles Pietri et Luce Pietri, éds., Prosopographie Chrétienne du Bas-Empire: 2, Prosopographie de l’Italie chrétienne (313–604), vol. 1
(Rome: École française de Rome, 1999).
Vera, Massa fundorum, 1001.
Au VIe siècle, l’île compte quatorze cités – voir la liste de Georges de Chypre publiée dans
Le Synekdèmos d’Hiéroklès et l’opuscule géographique de Georges de Chypre, éd. Ernest
Honigmann (Bruxelles: Institut de philologie et d’histoire orientales et slaves, 1939) –, soit,
avec un territoire de 25700 km2, un territoire civique moyen de 1835km2.
Voir Vera, “Aristocrazia romana.”
Chiffres réunis dans Vera, Massa fundorum, 1000.
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sopographiques relatives aux titulaires des sièges mentionnés40. Il semble donc
que ce soient les grands domaines qui aient assuré l’encadrement d’une bonne
partie de l’arrière-pays des cités, de concert avec certains gros bourgs, équivalant aux megalai komai orientales, qui peuvent d’ailleurs avoir été à l’origine
partie intégrante des domaines41. Le phénomène est bien entendu ancien et les
itinéraires romains, comme les études de toponomastique, ont mis en valeur
la fréquence des toponymes «prediali» en -anum, renvoyant généralement
aux possessions de grandes familles sénatoriales42. Toutefois, le mouvement
de concentration de l’habitat que l’on constate à la fin de l’antiquité a certainement renforcé ce rôle traditionnel43. On tentera plus bas de préciser logique
et modalités de ce processus.
On ne peut malheureusement évaluer avec précision le poids de la grande
propriété. Non seulement les sources manquent, mais la structure des biens
est extrêmement complexe puisque, pour n’évoquer qu’un phénomène, les
40
41
42
43
Voir Prigent, “La Sicile byzantine (VIe–Xe siècle),” 15–148.
Prigent, 148–166. De façon générale, sur ces agglomérations demeure essentiel, Gilbert
Dagron, “Entre village et cité: la bourgade rurale des IVe–VIIe siècles en Orient,” Koikonia
3 (1979): 29–52, repris dans Gilbert Dagron, La romanité chrétienne en Orient: héritages et
mutations (Londres: Variorum Reprints, 1984), VII.
Antonino Facella, “Note di toponomastica latina nella Sicilia Orientale: toponimi prediali in -anum, -ana,” dans Atti delle Quarte Giornate Internazionale di Studi sull’Area Elima
(Erice, 1–4 décembre 2000), éd. Alessandro Corretti (Pise: Scuola normale superiore di Pisa,
2003), 437–465.
On citera, parmi une foisonnante bibliographie, Alessandra Molinari, “Le campagne siciliane tra il periodo bizantino e quello arabo,” dans Acculturazione e mutamenti: prospettive nell’archeologia medievale del Mediterraneo, VI Ciclo di Lezioni sulla ricerca applicata
in archeologia (Certosa di Pontignano (Si) – Museo di Montelupo (Fi), 1–5 mars 1993), éds.
Enrica Boldrini et Riccardo Francovich (Florence: All’Insegna del Giglio, 1995), 224; Alessandra Molinari, “Il popolamento rurale in Sicilia tra V e XIII secolo: alcuni spunti di
riflessione,” dans La Storia dell’alto medioevo italiano (VI–X secolo) alla luce dell’Archeologia Medievale (Sienne, 1994), éds. Riccardo Francovich et Ghislaine Noyé, Biblioteca di
Archeologia Medievale 11 (Florence: All’Insegna del Giglio, 1994), 367; Oscar Belvedere,
“Organizzazione fondiaria e insediamenti nella Sicilia di età imperiale,” Corso di cultura
sull’Arte Ravennate e Bizantina 43 (1997): 38–39, qui insiste sur la superficie importante de
bon nombre des sites repérés. Ghislaine Noyé, “Économie et société dans la Calabre byzantine,” Journal des savants 2 (2000): 238–239, souligne à la même époque une tendance à
la concentration de l’habitat et (page 254) le développement des villages. Ce phénomène
concerne l’ensemble du monde byzantin, Cécile Morrisson et Jean-Pierre Sodini, “The
Sixth-Century Economy,” dans Economic History of Byzantium from the Seventh through the
Fifteenth Century, vol. 1, éd. Angeliki Laiou, Dumbarton Oaks Studies 39 (Washington D.C.:
Dumbarton Oaks Research Library and Collection, 2002), 178–179. Pour des études de
cas, Jacques Lefort, Cécile Morrisson et Jean-Pierre Sodini, éds., Les villages dans l’Empire
byzantin, Réalités Byzantines 11 (Paris: ACHCByz, 2005).
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possessores possèdent des monastères qui à leur tour possèdent des biens44.
Toutefois, les biens d’État étaient si importants qu’ils légitimèrent en 537
l’instauration d’un système administratif spécial rattachant à l’ empereur cette
île, considérée en quelque sorte «comme son pécule »45. La situation devait
donc au moins être équivalente à celle de la proche Proconsulaire, aux structures agraires assez similaires et où les biens de l’empereur atteignaient 15 %
des terres46. Les biens cumulés de Rome et Ravenne peuvent quant à eux être
estimés aux alentours de 10% de la surface agricole utile47. Le patrimoine de
44
45
46
47
On se contentera ici d’un exemple. Le monastère Saint-Hermès, fondation palermitaine
de Grégoire le Grand destinée à entrer dans le patrimoine de Rome (Registrum, V, 4, l. 9 :
Urbicus monasterii mei praepositus; Italia Pontificia. X. Calabria-Insulae, éd. Paul Fridolin
Kehr (Berlin : Weidmann, 1975) (Regesta pontificium Romanorum), 236–238), était apparemment propriétaire d’une autre fondation, le monastère du Lucuscanum (Italia pontificia, X, 238–239), dont l’abbé est nommé par celui de Saint-Hermès (Registrum, IX, 20).
Le même abbé de Saint-Hermès est également dépositaire de capitaux appartenant au
Lucuscanum et responsable de l’entretien des moines de cette maison pieuse sur les revenus de celle-ci (Registrum, IX, 21). Or, deux autres lettres témoignent de l’importance des
propriétés foncières du Lucuscanum. En novembre-décembre 598, Grégoire le Grand règle
le conflit qui l’oppose au xenodochium romain des Valerii au sujet des possessiones Faiana,
Nasoniana et Libiniana, sises sur le territoire de Palerme (Registrum, IX, 67 et 83). La possessio apparaît comme une forme intermédiaire, du point de vue de la taille, entre les
massae et les fundi avec des revenus en moyenne 2,5 fois supérieurs à ces derniers (Vera,
Massa fundorum, 1000). Les revenus revendiqués par le monastère représenteraient donc
a priori plusieurs centaines de solidi, mais bien que doté d’un patrimoine foncier considérable, le Lucuscanum semble n’avoir été juridiquement qu’un élément du patrimoine
de Saint-Hermès, lui-même intégré au patrimonium de Rome.
Voir Ninno Tamassia, “La novella giustinianea “De Praetore Siciliae” : Studio storico e giuridico,” dans Scritti per il Centenario della nascita di Michele Amari (Palerme: Società siciliana di Storia Patria, 1910), 1 :304–331 et Prigent, “La Sicile byzantine, entre papes et empereurs,” 202–207.
Voir l’analyse approfondie par Claude Lepelley de CTh, XI, 28 13 dans Claude Lepelley, “Déclin ou stabilité de l’agriculture africaine au Bas-Empire? À propos d’une loi
d’Honorius,” Antiquités Africaines 1 (1967): 135–144, repris dans Aspects de l’Afrique
romaine : les cités, la vie rurale, le christianisme, Studi storica sulla tarda antichità (Bari:
Edipuglia, 2001), 217–232. Les conclusions de cet auteur ont été remises en cause par
Federico De Romanis, “Per una storia del tributo granario africano all’annona della Roma
imperiale,” dans Nourrir les cités de Méditerranée: Antiquités-Temps modernes, éds. Brigitte
Marin et Catherine Virlouvet (Paris-Aix-en-Provence/Madrid: Maisonneuve-et-Larose,
MMSH, Universidad de Educacion a Distancia, 2004), 709–718, mais ses arguments ne me
semblent pas devoir emporter l’adhésion.
Cette estimation ressort du total des impôts payés par ces deux possessores, environ
40.000 nomismata lorsqu’on le rapporte au modèle théorique de l’exploitation byzantine
et du rapport entre prélèvement, revenus de la terre et productivité des exploitations. Pour
une étude de détail, Prigent, “La Sicile byzantine (VIe–Xe siècle),” 397–408. Sur ces mêmes
bases, on ne saurait accepter les 800.000 hectares couramment reconnus au patrimoine
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Rome était en outre relativement resserré sur le territoire de certaines cités48,
où il devait représenter une part tout à fait significative du sol. Vers 600, le
patrimoine de saint Pierre comptait ainsi 400 domaines, dont on pourrait estimer, d’après leur revenu, la taille moyenne à environ 200 hectares de terre
de moyenne qualité, avec bien entendu de très importantes fluctuations49. En
outre, il s’agit là d’un modèle abstrait, le poids respectif des pâturages, vignes,
terres irriguées variant évidemment d’un domaine à l’autre. Quoi qu’il en soit
de ces dernières estimations, on peut admettre que l’on atteint avec ces seuls
trois propriétaires environ un quart du terroir, ce qui est tout à fait extraordinaire.
Une mise en garde cependant : le centre domanial demeure toujours le relais
du pouvoir des cités. Les domaines ecclésiastiques identifiés appartiennent aux
Églises cathédrales ou à des monastères qui, pour peu qu’on les connaisse,
semblent essentiellement urbains. La focalisation exclusive des hagiographies
sur la fonction épiscopale jusqu’au IXe siècle reflète d’ailleurs bien ce primat
des cités50. Les domaines de l’État sont gérés depuis les administrations sises
à Catane et Syracuse51. Enfin, l’aristocratie sicilienne conserve un caractère
48
49
50
51
romain à la suite de Lellia Cracco Ruggini (“La Sicilia,” 13), qui place en outre cent mille
familles (un demi million de personnes?) dans la dépendance du pontife. Plus récemment, Constantin Zuckerman, “Learning from the Enemy,” 124, propose un chiffre proche
(un tiers de la superficie de l’île) sur la base d’une interprétation que nous croyons erronée de la réforme fiscale de Léon III au début des années 730. Voir aussi Vivien Prigent,
“Un confesseur de mauvaise foi: Théophane et la politique fiscale sicilienne de Léon III,”
dans Cahiers de recherches médiévales et humanistes 28 (2014): 279–304.
Pour l’essentiel, Palerme à l’ouest et à l’est Syracuse, Catane, Agrigente.
Il s’agit bien évidemment d’une estimation très grossière basée sur la superficie de terre
nécessaire à l’imposition d’obligations fiscales d’un montant de 25.000 nomismata (Theophanis Chronographia, éd. Karl De Boor (Leipzig: Teubner, 1883), 1 :410) et d’une division
de cette superficie par le nombre de domaines que possède le pape en Sicile vers 600
(Registrum, II, 50 ; Recchia, Gregorio Magno, 16). Bien évidemment, de nombreux paramètres demeurent flous et l’on ne doit prendre ces valeurs que comme des ordres de
grandeur.
Pour l’hagiographie sicilienne, on se reportera à Daniela Motta, Percorsi dell’agiografia: società e cultura nella Sicilia tardoantica e bizantina, Testi e studi di storia antica 4
(Catane: Edizione del Prisma, 2003) et Mario Re, “Italo-Greek hagiography,” dans The
Ashgate Research Companion to Byzantine Hagiography, éd. Stephanos Efthymiadis (Farnham : Ashgate, 2011), 227–258.
De façon générale, sur l’administration sicilienne, voir Prigent. “La Sicile byzantine, entre
papes et empereurs.” Si l’on s’en rapporte à la localisation de l’atelier monétaire, le transfert de la capitale à Syracuse n’advint sans doute pas avant le règne de Justinien II et la
fondation du thème, voir les brèves notices dédiées aux ateliers de Catane et de Syracuse
par Vivien Prigent dans Lucia Travaini, éd., Le zecche italiane fino all’Unità (Rome: Libreria
dello Stato, 2011), respectivement 594–596 et 1152–1154. Pour la création du thème, Nico-
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urbain marqué, peut-être lié en partie à son caractère exogène, les migrations
des VIe et VIIe siècles l’ayant renouvelée profondément52. Elle n’a pas a priori
de liens forts avec les campagnes. Le maintien tardif de titulatures issues des
magistratures urbaines, comme celle de pater poléôs (début VIIIe siècle)53,
reflète également cette vitalité maintenue de villes qui demeurent prospères
jusqu’aux ravages de la conquête islamique, qui frappa de façon particulièrement rude les grandes villes de la côte orientale54.
L’impact de la domination islamique : le raḥal et l’amélioration de la
condition paysanne
On peut donc se demander quel fut l’impact de la conquête arabo-musulmane
dans un cadre affecté au VIIIe siècle par des évolutions mal connues dans le
détail, mais que l’on peut résumer rapidement: extension des biens de l’État
byzantin au détriment de l’Église de Rome, relatives décroissances économique et démographique et déclassement politique de l’île. On peut penser
que le premier de ces facteurs favorisa un transfert massif de propriété au bénéfice du nouvel État islamique qui pouvait d’autant plus facilement le redistribuer. Quel fut, dès lors, le destin de ces biens : furent-ils allotis entre les conquérants, devinrent-ils propriété de l’État aghlabide puis fatimide ? Les grandes
unités foncières de l’époque précédente conservèrent-elles leur cohérence ou
furent-elles dépecées ? Le grand domaine demeura-t-il subordonné à l’autorité
des cités ou s’émancipa-t-il de cette tutelle ? S’il n’est pas possible de répondre
à toutes ces questions, il est nécessaire de les conserver à l’esprit et quelques
éléments peuvent être avancés.
Les sources permettant de répondre à ces questions sont au nombre de trois
et seules deux datent de la période islamique.
1.2
52
53
54
las Oikonomidès, “Une liste arabe des stratèges byzantins du VIIe siècle et les origines du
thème de Sicile,” Rivista di studi bizantini e neoellenici n.s. 1 (1964): 121–130.
Dernièrement, Roberta Rizzo, Papa Gregorio Magno e la nobiltà in Sicilia, Biblioteca
dell’Officina di Studi Medievali 8 (Palerme: Officina di Studi medievali, 2008) et Prigent,
“La Sicile byzantine (VIe–Xe siècle),” 209–312.
Vitalien Laurent, “Une source peu étudiée de l’histoire de la Sicile au haut Moyen-Âge: La
sigillographie byzantine,” dans Byzantino-Sicula, Quaderni dell’Istituto Siciliano di Studi
Bizantini e Neoellenici 2 (Palerme: Istituto Siciliano di Studi Bizantini e Neoellenici, 1966),
35.
Les sources numismatiques offrent un observatoire privilégié de l’effondrement de l’économie sicilienne, voir Vivien Prigent, “Monnaie et circulation monétaire en Sicile du début
du VIIIe siècle à l’avènement de la domination musulmane,” dans L’héritage byzantin en
Italie VIIIe–XIIesiècle, vol. 2, Les cadres juridiques et sociaux et les institutions publiques,
éds. Jean-Marie Martin, Annick Peters-Custot et Vivien Prigent (Rome: École française de
Rome, 2012), 455–482.
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1)
2)
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58
59
nef et prigent
Tout d’abord, on a retrouvé au cours de fouilles menées dans la commune
de Milena55 une trentaine de sceaux datés d’entre 863 et 893, portant
le nom des émirs aghlabides successifs56. Leur nature n’est guère claire
même si une partie des spécialistes ne croit plus aujourd’hui qu’il s’agit
de sceaux attestant le versement de la jizya comme le soutient leur éditrice57. En revanche, l’existence et la conservation de ces documents dans
le cadre d’un établissement rural, qui bien que proche d’un axe important (la route Palerme-Agrigente) est relativement éloigné de la côte et
du réseau urbain (une quarantaine de kilomètres d’Agrigente), suggère
que cette localité était intégrée à un cadre administratif et probablement
fiscal dès une période haute. Or, à cette date, la conquête est loin d’être
achevée et l’autorité islamique s’exerce surtout sur la Sicile occidentale
jusqu’à une date relativement tardive, les localités situées dans le reste
de l’espace insulaire étant régulièrement soumises et reperdues58. Il est
donc notable que, y compris dans ce contexte, l’arrière-pays d’Agrigente –
une zone où était possessionnée l’Église de Rome, puis, par voie de saisie, l’État impérial –, ait connu une transition rapide d’une autorité à une
autre. On a vu plus haut l’importance des biens d’État en Sicile après le
milieu du VIIIe siècle et l’on peut donc émettre l’hypothèse que cette évolution, spécifique à la Sicile59, n’y fut pas limitée à l’Agrigentin.
Le Kitāb al-amwāl, texte juridique d’al-Dawūdī (m. entre 402/1010–1011 et
411/1020–1021) qui date du XIe siècle mais décrit probablement une situa-
Lucia Arcifa, “Dinamiche insediative tra tardo antico e altomedioevo in Sicilia. Il caso di
Milocca,” dans Paesaggi e insediamenti rurali in Italia meridionale fra Tardo antico e Altomedioevo: Atti del I Seminario sul Tardo Antico e l’altomedioevo in Italia Meridionale, Foggia,
2004, éds. Giuliano Volpe et Maria Turchiano (Bari: Edipuglia, 2005), 651–665.
Maria Amalia De Luca, “Reperti inediti con iscrizioni in arabo rinvenuti nel sito archeologico di Milena : i sigilli e le monete,” dans Studi in onore di Umberto Scerrato per il suo settantacinquesimo compleanno, vol. 1, éds. Maria Vittoria Fontana et Bruno Genito (Naples:
Università degli studi di Napoli “L’Orientale” et Istituto italiano per l’Africa e l’Oriente,
2003), 231–258 et “Sicilia aghlabita : nuove testimonianze numismatiche,” dans The Third
Simone Assemani Symposium on Islamic Coins (Rome, 2011), éds. Bruno Callegher et Ariana
D’Ottone (Trieste: EUT, 2012), 288–309 et, pour une lecture différente, Arcifa, Bagnera et
Nef, “Archeologia della Sicilia islamica.”
Chase F. Robinson, “Neck-Sealing in Early Islam,” Journal of the Economic and Social History of the Orient 48, no. 3 (2005): 401–441.
On peut également penser que l’intention n’était pas de les soumettre définitivement, ni
même durablement: cf. Nef, “Le statut des dhimmī-s.”
La spécificité ne tient pas ici à la transition rapide [il n’est que de lire les articles de Petra
Sijpesteijn sur l’Égypte et en particulier son “The Arab Conquest of Egypt and the Beginning of Muslim Rule,” dans Egypt in the Byzantine World 300–700, éd. Roger S. Bagnall
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3)
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62
63
327
tion datant du Xe siècle60, au-delà des problèmes qu’il soulève, atteste
clairement à la fois une circulation des hommes et des unités foncières.
Il relate en effet des conflits entre générations de “colons” qui sont réglés
par le pouvoir central ou ses représentants au niveau local, tandis que des
déplacements de groupes d’individus sont favorisés par l’autorité émirale
afin de mettre en valeur des espaces agricoles (notamment près de Syracuse). La plus grande partie des cas mentionnés intéresse à nouveau au
premier chef l’arrière-pays d’Agrigente.
Néanmoins, l’essentiel des informations proviennent des diplômes, et en
particulier de ceux émis par le dīwān et partiellement en arabe61, qui
datent de la période normande (XIe–XIIe siècle). Une démarche régressive maîtrisée permet de tirer quelques conclusions de leur analyse :
– Tout d’abord, le réseau épiscopal semble avoir disparu au cours de la
domination islamique et tous les évêchés sont redessinés à partir de la
fin du XIe siècle sur la base d’unités administratives islamiques62. La
chronologie de la disparition du réseau byzantin peut sans doute être
encore précisée63, mais quoi qu’il en soit, cette évolution a dû se solder
(Cambridge: Cambridge University Press, 2007), 437–459, pour s’en convaincre] mais à
ses voies puisque le cadre en est probablement public.
Hasan H. Abdul Wahab et Fehrat Dachraoui, “Le régime foncier en Sicile au Moyen Âge
(IXe et Xe siècle),” dans Études d’orientalisme dédiées à la mémoire de E. Levi-Provençal
(Paris: G.P. Maisonneuve et Larose, 1962), 401–444. Pour une biographie de l’auteur, on
verra Allaoua Amara, “Texte méconnu sur deux groupes hérétiques du Maghreb médiéval,” Arabica 52, no. 3 (2005): 348–372, spéc. 349–350. Il existe plusieurs éditions de ce
texte. L’une s’appuie sur le manuscrit de l’Escurial : Aḥmad b. Naṣr al-Dāwūdī, Kitāb alamwāl, éd. et trad. Abul Muhsin Muhammad Sharfuddin (New Dehli: Kitab Bhavan 1998),
tandis qu’une autre suit celui de Rabat: Aḥmad b. Naṣr al-Dāwūdī, Kitāb al-amwāl, éd.
Riḍā Muḥammad Sālim Shahāda (Beyrouth: Dār al-kutub al-ʿilmiyya, 2008). Selon Pedro
Chalmeta, sur la base du manuscrit de l’Escorial, il conviendrait de modifier le titre en
Kitāb fiʾat al-amwāl (Traité sur les catégories de biens [imposables]): Pedro Chalmeta, “Una
obra de “materia economica”: el Kitāb fiʾat al-amwāl de al-Dāwūdī,” dans Actas del IV Coloquio Hispano-tunecino (Palma de Mallorca, 1979), éd. Manuela Marin (Madrid: Instituto
hispano-arabe de cultura, 1983), 62–78.
Sur les documents émis par le dīwān sicilien partiellement en arabe, aux XIe–XIIe siècles,
cf. Jeremy Johns, Arabic Administration in Norman Sicily : The Royal Dīwān (Cambridge:
Cambridge University Press, 2002).
Annliese Nef, “Géographie religieuse et continuité temporelle dans la Sicile normande
(XIe–XIIe siècles): le cas des évêchés,” dans À la recherche de légitimités chrétiennes: représentations de l’espace et du temps dans l’Espagne médiévale (IXe–XIIIe siècle) (Madrid, 26–
27 avr. 2001), éd. Patrick Henriet (Lyon/Madrid : ENS-Casa de Velazquez, 2003), 177–194.
On verra Vivien Prigent, “L’évolution du réseau épiscopal sicilien (VIIIe–Xe siècle),” dans
Les dynamiques de l’islamisation en Méditerranée centrale et en Sicile : nouvelles propositions et découvertes récentes, éds. Annliese Nef et Fabiola Ardizzone (Rome/Bari: Edipuglia-École française de Rome, 2014), 89–102.
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par une émancipation relative des zones rurales par rapport aux cités.
Dans le même temps, on pense aujourd’hui qu’un certain nombre de
monastères se sont maintenus. Souvent de petite taille et ruraux, ils ont
donc probablement aussi préservé une assise foncière : c’est le cas dans
la partie occidentale de l’île (val de Mazzara)64, et ponctuellement
dans le val Demone65. Il n’y a donc pas dans ce domaine d’évolution
univoque ni généralisable à l’ensemble de l’espace insulaire, mais on
ne peut nier que des transformations ont affecté le contrôle des zones
rurales, à défaut de leur structuration, et que le rôle des évêchés a
décliné.
– Les grandes unités que constituaient les massae ne paraissent pas se
maintenir en tant que telles et ne deviennent le plus souvent que des
références toponymiques. Le diplôme le plus détaillé dont on dispose
concernant l’organisation d’une vaste zone rurale date de 1182 et est
bilingue arabe-latin. Il décrit le Monréalais (arrière-pays de Palerme)
dont il vise à renforcer le contrôle par l’archevêché de Monreale, nouvellement créé sous l’impulsion de Guillaume II. Sans entrer dans les
détails, ce type de documents présente probablement de fortes continuités avec ceux de la période islamique. Les unités de base qui sont
délimitées en 1182, les raḥals, sont des circonscriptions de nature fiscale
et administrative ; y évoluent des individus de statuts différents mais
majoritairement propriétaires et soumis à l’impôt66. Le diplôme ne
documente donc pas l’existence de grands domaines fonciers, même
64
65
66
Fabiola Ardizzone, Rossella Giglio et Elena Pezzini, “Insediamento monastico a Marittimo
in contrada ‘Case Romane’: nuovi dati,” dans Atti del XV Convegno Internazionale di Archeologia cristiana (Toledo 2008) (Cité du Vatican: Pontificio Istituto di Archeologia Cristiana,
1254–1261) et, pour S. Gregorio d’Agrigente, Fabiola Ardizzone, “Le produzioni medievali
di Agrigento alla luce delle recenti indagini nella Valle dei Templi,” dans Fornaci : tecnologie
e produzione della ceramica in età medievale e moderna: Atti del XLII Convegno internazionale della ceramica Albisola (Savona 29–10 maggio) (Albisola : Centro Ligure per la Storia
della Ceramica, 2009), 277.
Un certain nombre de monastères sont attestés durant la période islamique dans les
hagiographies et leur diplôme de « fondation » à la fin du XIe siècle précise qu’ils se sont
maintenus, ainsi de S. Filippo de Fragalà: Salvatore Pricoco, “Un esempio di agiografia
regionale: la Sicilia,” dans Santi e demoni nell’Altomedioevo occidentale (secoli V–XI) (XXXVI
Settimana di Studio del Centro italiano di Studi sull’Alto Medioevo, Spoleto 7–13 aprile 1988)
(Spolète: Centro italiano di Studi sull’Alto Medioevo, 1989), 319–380 et John Philip Thomas
et Angela Constantinides Hero, éds., Byzantine Monastic Foundation Documents: A complete Translation of the Surviving Founders’ Typika and Testaments, Dumbarton Oaks Studies 35 (Washington : Dumbarton Oaks Research Library and Collection, 2000), 621–636.
Sur la nature de ces divisions: cf. Annliese Nef, Conquérir et gouverner la Sicile islamique
aux XIe et XIIe siècles (Rome: École française de Rome, 2011), 408 et sq et 492 et sq.
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contrôle et exploitation des campagnes en sicile
329
si ces entités sont également territoriales et dessinent le cadre d’une
mise en valeur agricole qui correspond le plus souvent au terroir d’une
ou plusieurs localités. La superficie d’un certain nombre de raḥals et
la répartition de leurs terres en grandes catégories d’exploitation sont
précisées. Quelles sont donc ces données67?
1.2.1
Superficies autour de 100–250 salmes68
Casale Helkcilei: 40 salmes et autant pascue, p. 18669
Casale Rahaluta: 240 salmes, p. 187
Hendulcini: 250 salmes et un morceau de foresta, p. 187
Terres du dīwān: 600 salmes, dont 200 pascue, p. 187
Casale Benbark: 120 salmes, p. 187
Rahalgidit : 150 salmes et de la foresta, l’arabe ajoute 50 salmes de pâturages,
p. 188
Rahalamrun: 52 pariccla, dont 10 non valent ad laborandum, p. 188
Divisa inter casale Maraus et casale Buchinene : 50 salmes pour les Corléonais,
p. 190
Casale Balat : 250 salmes, p. 190
Rahalmud: 200 salmes, p. 190; pas en arabe
Sykeki: 300 salmes, p. 190
S. Nicolaus de Churchuro: 4 pariccla, scilicet ad seminaturam 120 salmarum
dans le tenimentum de Iato, p. 194
Hospitalis Sancte Agnes : 80 salmes, p. 198; pas en arabe
1.2.2
Superficies entre 500 et 1000 salmes cultivables
Maganuga: 1000 salmes, dont 970 cultivables, p. 181–182; 40 salmes relèvent de
Cumeyt = 70 vilains
Beluyn: 1260 salmes, dont 300 non cultivables, p. 183
Une divisa magna dont fait partie Rahalmia (wa-huwa jinān Bin Kināna): 5700
salmes, dont 500 pour Corleone, 200 pour Cefalà, 3000 pour Rahalmia et
2000 pour Bufurera, p. 184
Magagi: 1260 salmes, dont 300 pascue, p. 184
Summini: 7000 salmes, dont 800 cultivées et 200 pascue, p. 184
67
68
69
On donnera ici les références à la seule version latine, en mentionnant éventuellement les
différences significatives avec la version arabe.
1 mudd = 1 salme = env. 1,75 ha.
Toutes les références de ce paragraphe et du suivant renvoient à Salvatore Cusa, I diplomi
greci ed arabi di Sicilia pubblicati nel testo originale: tradotti ed illustrati da Salvatore Cusa
(Palerme: Stabilimento tipografico Lao, 1868–1882).
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nef et prigent
Malvitum : 5000 salmes, dont 600 cultivables, p. 185
Corubnis Inférieur : 1000 salmes, p. 186
Corubnis Supérieur : 900 salmes, p. 186
Menzelsarcun: 900 salmes et terres pertinentes ad homines Permenini, p. 187
Lacamucka: 1000 salmes, dont 40 pascue, 20 aux hommes de la duana ; Lacamucka habet apud Desisium et apud Mut terras octoginta trium salmarum
(p. 217): 83 (al-jumla alf wa-thalātha wa-ʿishrīn mudd, p. 188)
Martu : 897 salmes, dont 273 salmes de bois et pâturages ; dont 15 pour les
hommes de Partinico, p. 190
Les mentions portées par le document suggèrent qu’elles servaient au calcul
de l’impôt, même si les catégories de terre ne sont pas toujours mentionnées
et si la vigne n’apparaît pas. La distinction est faite entre incultum, pâturages
et terres céréalicoles. Du point de vue de la superficie, ce qui frappe ici c’est
à la fois l’hétérogénéité des situations et le fait que se détachent deux grands
groupes en fonction de la taille des unités, même si nombre d’entre elles ne
sont pas mesurées et si la répartition entre terres cultivables et incultum est loin
d’être systématique, ce qui empêche de tirer des conclusions définitives. Un
premier se concentre autour de 100–250 salmes, soit une superficie moyenne
de 400 hectares environ; le second compte souvent autour de 1000 salmes
cultivables et est en moyenne cinq fois plus étendu que les unités précédentes
(env. 2260 hectares). La différence ne semble pas toujours liée à une proportion différente d’ incultum, puisque même dans la seconde catégorie, les terres
cultivables peuvent atteindre 97 % de la surface du domaine (il est vrai dans
un seul cas, celui de Maganuga). On a donc l’impression que ces unités ont
été découpées afin de fournir un rendement fiscal donné et globalement équivalent, ce qui explique leur superficie variable mais située à l’intérieur d’une
fourchette pour chacun des deux groupes. Toute la question est de savoir si elles
prolongent l’existence de grands et de moins grands domaines de la période
byzantine.
A priori, ces chiffres indiqueraient donc pour la période islamique des concentrations foncières bien plus importantes qu’à l’époque précédente, puisque
même la première catégorie regroupe des entités dont la taille moyenne double
de celle que l’on peut envisager pour les domaines pontificaux70. Même en
tenant compte du fait que l’estimation des surfaces proposées pour les
domaines pontificaux repose sur une conversion entre revenus et superficies,
toujours hasardeuse, et qu’elle suppose une qualité constante de la terre, les
70
Voir ci-dessus n. 47.
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331
unités de la région de Monreale en 1182 semblent bien plus considérables,
même si l’on ignore en partie la proportion d’ incultum. Deux éléments sont
donc apparemment contradictoires: la taille des raḥals d’une part et le statut
de la majorité de leurs habitants qui versent l’impôt. Ceci suggère une réorganisation due à une évolution démographique, déclinante, à même de retourner
le rapport de force en faveur des paysans.
L’étendue de ces unités évoque un mode d’exploitation nettement plus
lâche qu’à l’époque byzantine. Dans un système d’exploitation fiscale semblable à celui de Byzance, elles auraient en effet rapporté environ 10000 nomismata, voire davantage là où les droits de propriété s’additionnaient au prélèvement fiscal. Or, on sait que le revenu total des impôts de la Sicile islamique et du
tribut levé sur la proche Calabre, atteignait tout juste le double de cette somme
au Xe siècle71: il est donc clair que le niveau de la pression fiscale à superficie
égale est sans commune mesure entre les deux époques : elle a baissé à l’époque
islamique. On va voir que ce constat s’accorde avec ce que l’on sait du mode
d’enregistrement et des modalités d’exploitation des terres des dépendants de
ces domaines à l’époque byzantine ainsi que de l’évolution de ces deux données que l’on devine à partir de la fin du VIIIe siècle. Il est probable en effet
que cette situation reflète un déclin démographique plutôt qu’un processus de
concentration foncière, même si celui-ci en découle. S’y ajoute probablement
une sorte de fossilisation de l’impôt, ajusté à la marge (cf. infra)72.
Cette moindre pression fiscale et cette relative amélioration de la condition
paysanne semblent converger avec les informations livrées par des diplômes
en faveur de S. Nicolas de Churchuro. S’il figure dans la liste ci-dessus au titre
de 4 pariccla, soit 120 salmes, le monastère est connu par différents diplômes
royaux73 datés des années 1140, lesquels rapportent la concession de chaque
zawj/paricclum à un foyer d’exploitants, soit si les équivalences sont justes,
environ 50 ha par famille ; le revenu fiscal tiré de ces hommes étant concédé
à cette nouvelle fondation. Or, le zawj est, on le verra, l’unité fiscale de référence depuis l’époque islamique. On a donc l’impression que si la situation
générale de la production agricole n’est probablement pas excellente en 1182
71
72
73
Jeremy Johns, “Una nuova fonte per la geografia e la storia della Sicilia nell’XI secolo: il
Kitāb Ġarāʾib al-funūn wa-mulaḥ al-ʿuyūn,” Mélanges de l’École française de Rome: Moyen
Âge 116, no. 1 (2004): 430 et 435. L’auteur anonyme reprend des passages entiers d’Ibn
Ḥawqal, mais il comble une lacune du texte de ce dernier en donnant le chiffre du montant total de l’impôt sicilien et du tribut calabrais, soit 20 000 dinars.
Sur ce point, cf. Prigent, “Monnaie et circulation monétaire.”
Cusa, I diplomi greci ed arabi, 28–30 (1149) et 34–36 (1154); sur ces documents cf. Jeremy
Johns et Alex Metcalfe, “The Mystery at Chùrchuro: Conspiracy or Incompetence in the
Twelfth-Century Sicily,”Bulletin of the School of Oriental and African Studies 62 (1999): 226–
259.
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nef et prigent
dans le Monréalais, la condition paysanne n’est pas nécessairement mauvaise.
La question serait de savoir si, entre la période islamique et la fin de la période
normande, la situation a connu une transformation radicale. Or, rien ne semble
le suggérer. Il est toutefois vrai que les tensions et les persécutions des musulmans provoquent en général un départ vers le Monréalais, considéré comme
le “refuge” musulman sicilien, et que cette relative bonne tenue ne caractérise
probablement pas l’ensemble de l’île à la même période.
En outre, une caractéristique intrigante des documents d’époque normande a
été récemment réexaminée à la lumière de ce que l’on sait de l’Italie péninsulaire méridionale y compris pour des périodes plus tardives74. On se demandait
jusqu’ici en effet pourquoi les lopins de terres des hommes inscrits sur les listes
fiscales n’étaient mesurés que de manière exceptionnelle et jamais localisés
(insistons sur le fait qu’il n’y a pas d’exception en Sicile jusqu’à la fin du XIIe
siècle à ces deux traits pour les documents que nous connaissons). On avait
émis l’hypothèse d’un système fiscal à la fois simple et souple (cf. infra) et de la
libre installation des hommes sur une partie des terres, une pratique attestée
encore à la fin de la période normande75. Sandro Carocci permet de replacer
cette spécificité dans le cadre de l’organisation agricole de l’Italie méridionale76: il avance en effet que du Moyen Âge à l’époque moderne, dans le sud
de l’Italie, sur les terres céréalicoles l’impôt dû était proportionnel à la force de
74
75
76
Cette absence de limites et de superficies qui caractérise aussi la Syrie-Palestine à l’époque
des Etats latins d’Orient a donné lieu à une controverse qui a opposé J. Prawer à C. Cahen.
Ce dernier l’interprétait comme la preuve de l’existence de pratiques culturales collectives, tandis que le premier y voyait le reflet d’une fiscalité reposant sur la responsabilité
collective de la communauté rurale et utilisant comme unité de calcul la “charruée”, qui
équivaut alors au manse. Nous pencherions en faveur de l’hypothèse de J. Prawer, ce qui
n’exclut pas, par ailleurs, que des pratiques agricoles collectives se soient développées en
Orient; cf. Claude Cahen, “La communauté rurale dans le monde musulman médiéval,”
dans Les communautés rurales, vol. 3, Asie et Islam, Recueils de la Société Jean Bodin XLII
(Paris: Dessain et Tolra, 1982), 23 et Joshua Prawer, “Palestinian Agriculture and the Crusader Rural System,” dans Crusader Institutions, éd. Joshua Prawer (Oxford: Oxford University Press, 1980), 201–217.
Annliese Nef, “Conquêtes et reconquêtes médiévales: la Sicile normande est-elle une terre
de réduction en servitude généralisée?” dans Les formes de la servitude : esclavages et servages de la fin de l’Antiquité au monde moderne (Actes de la table ronde de Nanterre, 12 et 13
décembre 1997), Mélanges de l’École française de Rome: Moyen Âge 112, no. 2 (2000): 579–
607.
Sandro Carocci, “ ‘Metodo regressivo’ e possessi collettivi: i ‘demani’ del Mezzogiorno
(sec. XII–XVIII),” dans Écritures de l’espace social: Mélanges d’histoire médiévale offerts à
Monique Bourin, éds. Didier Boisseuil, Pierre Chastang, Laurent Feller et Joseph Morsel
(Paris: Publications de la Sorbonne, 2010), 541–556.
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travail mobilisée (pas de bêtes, une bête, etc.) et non à la superficie cultivée qui
n’est pas mentionnée parce que nombreuses étaient les terres sans exploitant
stable.
On étendra volontiers cette pratique et son interprétation à la Sicile islamique et normande. Dans le document évoqué plus haut, le lopin (zawj, paricclum) confié aux paysans n’est ni localisé précisément, ni mesuré. Il est probable que l’évaluation de ce que devait chacun se faisait localement en fonction de l’étendue des terres non cultivées qu’il décidait d’exploiter. Ainsi, on
a vu que dans le Monréalais la part de l’ incultum était importante, une situation qui se prête à ce type de pratiques. On pourrait toutefois arguer que cette
modalité d’exploitation peut être due à un recul de la population rurale datant
de la période normande et non islamique ou plus exactement tardo-byzantine,
mais si la documentation écrite ne permet pas d’écarter définitivement cette
éventualité (sans qu’elle la conforte non plus), tous les indices archéologiques
disponibles aujourd’hui s’opposent à une telle hypothèse77.
L’extension à la Sicile de cette hypothèse d’un accès relativement ouvert
à certaines terres dont la gestion (mais non la culture) est collective n’est
pas incompatible avec l’hypothèse fiscale sur laquelle nous reviendrons plus
bas, toutefois il convient d’en souligner toutes les conséquences. Cette situation, même si elle était minoritaire en Sicile, ce qui est impossible à établir,
s’accompagne nécessairement de plusieurs éléments : elle suppose un monde
relativement «vide en hommes,» ou du moins, pas complètement plein; elle
suppose que la continuité de la concession fiscale et donc des bénéficiaires
de concessions n’est pas toujours assurée (et de ce point de vue les conquêtes
arabo-musulmane, puis normande durent aller dans cette direction) et un État
intéressé aux rentrées fiscales, mais plus soucieux d’efficacité que de respect
des normes (cf. infra); elle suppose des communautés rurales fortes qui organisent la répartition des terres et des taxes (leur rôle dans la délimitation des
terroirs et l’existence de structures collectives, telles que des greniers collectifs vont dans ce sens)78; elle suppose, enfin, une «seigneuralisation» limitée
de l’exploitation des terres rurales, confirmée par ailleurs pour la période normande, et dont on imagine mal qu’elle soit le fruit d’une «libération des paysans » promue par le nouveaux maîtres de l’île : elle doit donc remonter à une
période antérieure.
77
78
On verra les articles de Salvina Fiorilla, Alessandra Molinari et Ilaria Neri, Alessandro Corretti et alii qui proposent des synthèses régionales dans La Sicile à l’époque islamique,
Mélanges de l’École française de Rome : Moyen Âge 116, no. 1 (2004).
Arcifa, Bagnera et Nef, “Archeologia della Sicilia islamica.”
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nef et prigent
Cette forte autonomie locale est encadrée par un réseau de localités, que
l’on peut qualifier de bourgs, et qui sont des sièges administratifs d’ iqlīms : ce
maillage sert de relais aux centres urbains les plus importants. Rien dans les
documents de la période normande ne suggère l’existence d’un centre domanial ni d’une “réserve,”79 qui serait le cœur de l’exploitation. Il s’agit là d’une
modification profonde par rapport à la période byzantine80 et dont on ne peut
penser qu’elle a été introduite au XIIe siècle.
Il serait dangereux de généraliser à outrance ce qui ne concerne qu’une
région limitée et quelques cas précis, mais dans le Monréalais, proche de la
capitale émirale, les caractéristiques de la période normande vont dans le sens
de continuités avec l’époque islamique, laquelle y aurait introduit des modifications dans la gestion de la terre. Des indices suggèrent en effet le prolongement à la période normande d’une pratique antérieure proche de la concession
fiscale existant en Islam, l’iqṭāʿ81, une situation que semble confirmer, au-delà
du Monréalais, la définition du “fief première manière” en Sicile, identifié à
juste titre à un “alleu en terre fiscale,” combinant la jouissance large du bénéficiaire et l’intervention possible de l’État à tout moment82. Il est désigné en
arabe par le terme de “raḥal” qui renvoie moins à un type d’habitat, comme on
l’a longtemps cru, qu’à un type de concession83.
Toute la question, à laquelle il n’est pas aujourd’hui possible de répondre, est de
savoir si ces transformations débutent dès la fin du VIIIe–début du IXe siècle,
reflétant à la fois les conséquences de la confiscation des biens de l’Église et
un recul du contrôle de l’État dans le cadre de la Sicile byzantine, ou si elles
ne commencent qu’avec la domination islamique. Il est difficile de répondre à
l’heure actuelle, mais les effets des troubles internes répétés ont dû se combiner avec l’incapacité de l’État à maintenir un système devenu trop complexe
et nécessitant de régulières révisions de l’assiette fiscale des différents foyers.
Il est encore une fois impossible de généraliser les exemples connus à l’ensemble des régions siciliennes et ce qui précède doit donc être entendu comme
79
80
81
82
83
Guiseppe Petralia, “La ‘signoria’ nella Sicilia normanna e sveva: verso nuovo scenari?” dans
La signoria rurale in Italia nel medioevo: Atti del II Convegno di studi, Pise, 6–7 novembre
1998, éds. Cinzio Violante, Maria Luisa et Ceccarelli Lemut (Pise: ETS, 2004), 217–254.
Sur le rôle de la conduma, cf. infra.
Nef, Conquérir et gouverner, 411–412.
Henri Bresc, “Le fief en Sicile: du don gratuit à la structuration de l’État,” dans Fiefs et féodalité dans l’Europe méridionale (Italie, France du Midi, Péninsule ibérique) du Xe au XIIIe
siècle : Toulouse et Conques, les 6–8 juillet 1998, éd. Pierre Bonnassie (Toulouse: CNRS – Université Toulouse-le Mirail, 2002), 75–92.
Voir p. 15 et Nef, Conquérir et gouverner, 492 et sq.
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contrôle et exploitation des campagnes en sicile
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un des cas de figure possibles, mais l’extension de certaines similitudes à
l’ensemble de l’île (non description des lopins, absence de mention du montant des taxes, etc., cf. infra) suggèrent que le Monréalais n’était pas exceptionnel.
2
Grand domaine et fiscalité
2.1
La fiscalité dans le cadre de la massa
Au-delà de son poids dans le paysage rural, la massa s’impose peu à peu
comme le principal relais de l’autorité du propriétaire dans les campagnes
en s’affirmant comme un cadre essentiel du processus fiscal. On peut distinguer de ce point de vue une évolution en deux temps : tout d’abord, la massa
s’impose comme cadre de l’enregistrement fiscal, puis elle devient le théâtre
d’une activité de perception autopracte.
Comme on l’a dit plus haut, la massa est à l’origine un agrégat de fundi. Avec
les réformes fiscales tétrarchiques et constantiniennes, ceux-ci s’ affirment non
seulement comme des unités d’exploitation, mais également comme des
rouages essentiels du système fiscal, puisque c’est à ce niveau qu’intervient
l’enregistrement fiscal des individus. Selon Domenico Vera, le fundus, et non
la massa, disposerait donc d’une «personnalité fiscale » à même de définir
l’origo de ceux qui y résident84. Or, ce point, loin d’être acquis pour l’époque
byzantine, va même à l’encontre du témoignage du registrum de Grégoire le
Grand. Réglant divers aspects de la gestion des patrimoines de Rome, ce dernier indique clairement qu’un colon doit se marier au centre «domanial» de
la massa, la conduma85. La raison en est explicitement donnée à propos de
l’accession à l’office de defensor d’un certain Pierre, oriundus de la massa Iutelas. Sa promotion ne libère nullement ses fils de leur obligation de résidence et
de mariage sur le domaine, explicitement identifié ici à la massa Iutelas, auquel
ils sont liés ex condicione86. L’origo les rattache donc non au fundus mais à
l’unité supérieure, la massa. Il ressort clairement de ces deux passages que
c’est bien au niveau de la massa, et non plus du fundus, que s’opère vers 600
84
85
86
Vera, “Massa fundorum,” 1011, sans méconnaître évidemment le témoignage du Registrum,
met l’accent sur “La dominanza fiscale e catastale del fundus sulla massa.” L’implication
de la massa dans le processus fiscal résulterait uniquement du fait qu’elle rassemble des
fundi qui constituent le véritable rouage du système fiscal.
Registrum, I, 42.
Registrum, IX, 129. Le pape rappelle au rector Romanus que l’accession à l’office de defensor de Pierre, oriundus de la massa Iutelas ne libère nullement ses fils de leur obligation
de résidence et de mariage sur le domaine auquel ils sont liés.
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l’enregistrement domiciliaire et que s’exprime le lien à la terre. Une évolution a
donc clairement eu lieu. Or, on l’a dit, ce lien a une origine et des conséquences
fiscales. La massa a donc acquis, à un moment malheureusement impossible à
préciser, une personnalité fiscale puisqu’elle est à même de déterminer une
origo. Cette évolution a toute les chances d’être advenue lors de la réforme
de l’administration fiscale décrétée en 537 qui, en ôtant aux cités leurs responsabilités fiscales, au profit de l’office du comte du patrimoine d’Occident,
donna l’occasion de remettre en cause les cadres de l’enregistrement fiscal87.
Malheureusement, on ne peut le démontrer. La logique de cette évolution
qui conduit l’ origo à dépendre non plus du fundus, mais de la massa semble
essentiellement lié à une modification des modes d’exploitation foncière, on
reviendra plus avant sur ce point dont l’importance ne saurait être surévaluée.
Contrairement à ce qui est souvent postulé dans la littérature moderne, il n’y
a pas trace pour les premiers temps de la domination byzantine en Sicile d’un
système d’autopragie, c’est-à-dire de dévolution au propriétaire des grands
domaines d’une responsabilité directe en matière de perception fiscale88 et,
comme on va le voir, le registre de Grégoire le Grand indique même clairement
que tel n’était pas le cas. À l’inverse, vers la fin du VIIe siècle, cette règle prévaut au moins sur les très grands patrimoines insulaires, tant de Rome que de
Ravenne. Dans ce dernier cas, le Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis, recueil
de «vies » des archevêques de Ravenne rédigé vers le milieu du IXe siècle, mentionne expressément le versement aux empereurs de la quote-part d’impôt du
produit des biens de cette Église revenant à l’État89. Pour Rome, le Liber pontificalis indique que les agents de l’État saisissent les dépendants du pape pour
obtenir les arriérés d’impôt dus par celui-ci ce qui n’a de sens que si le paie-
87
88
89
Sur cette réforme, Prigent. “La Sicile byzantine, entre papes et empereurs,” 205–207.
La meilleure étude sur les mécanismes de la perception autopracte est l’analyse d’ensemble du cas d’Aphroditô offerte par Constantin Zuckerman, Du village à l’empire: autour
du registre fiscal d’Aphroditô (525/526), Travaux et Mémoires du Centre de recherche
d’histoire et de civilisation de Byzance, Monographies 16 (Paris: ACHCByz, 2004).
Agnellus von Ravenna, Liber Pontificalis, éd. et trad. Claudia Nauerth, Münchener Beiträge
zur Mediävistik und Renaissance-Forschung 15, Fontes Christiani 21, no. 1 (Munich: ArbeoGesellschaft, 1996) (dorénavant Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis), §111, 415: “(…) solidorum aureorum triginta unum milia. Ex his quindecim milia in palatio Constantinopolitano
et sedecim milia in archivo ecclesiae deportavit. Haec pensio omni anno solvebatur (…).” Il
est possible que dans le nord de l’Italie, cette pratique ait déjà été en vigueur dès le VIe
siècle, Jan-Olof Tjäder, Die Nichtliterarischen Lateinischen Papyri Italiens aus der Zeit 445–
700, 2 vols. (Stockholm: Glerup, 1955–1982) (Skrifter Utgiuna au Svenska Institutet i Rom,
4°, XIX: 2. Acta Instituti Romani Regni Sueviae, series in 4°, XIX: 2), P.Ital. 2, 182.
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337
ment est à sa charge90. C’est également dans ce contexte qu’il faut interpréter
le célèbre passage de Théophane (m. v. 818) indiquant que l’empereur Léon III
(règne 717–741) ordonna que les patrimoines versent dorénavant leur dû à l’État
et non à Rome91. L’évolution est donc sensible de 600 à 700 et le registrum de
Grégoire le Grand permet d’en percevoir assez clairement la logique.
Une lettre clef du début du pontificat donne une image contrastée du processus
de la perception fiscale sur les domaines de l’Église de Rome92. Tout d’abord
les actionarii, agents de perception de l’impôt en or, sont clairement qualifiés
de publici93. Il ne s’agit pas d’hommes du pape. Les mesures édictées par le
pontife lorsqu’il évoque leur action vont dans le sens de cette interprétation:
Grégoire le Grand constate que le calendrier de la levée fiscale contraint ses
rustici à vendre à perte leur production agricole94. Il ordonne donc que le recteur organise un système de prêts aux dépendants agricoles afin que ceux-ci
puissent payer leurs taxes et rembourser ultérieurement le pontife95. Il est clair
90
91
92
93
94
95
Itemque et aliam direxit ut restituantur familia suprascripti patrimonii et Siciliae quae in
pignere a militia detinebantur Liber pontificalis, 85, 3, 369.
Voir Prigent. “Les empereurs isauriens,” 557–594, contra Zuckerman, “Learning from the
Enemy,” 97, pour qui “From the fiscal point of view though, I see no purpose in creating
a parallel perception on a “grand domaine” by the treasury, while keeping the owner in
charge and in possession of the rent.” La logique n’est pas économique, mais politique: les
papes viennent d’orchestrer une “grève fiscale” en Italie. Sur ce point, Prigent. “Un confesseur de mauvaise foi.”
Registrum, I, 42.
Ainsi à propos de leur activité parallèle de créanciers des contribuables, Registrum, I, 42:
Quae dum de suo unde dare non habent, ab actionariis publicis mutua accipiunt et gravia
commoda pro eodem beneficio persoluunt. Qu’il s’agisse de la perception de l’impôt en
or découle du nom même de la taxe, burdatio (de burdo, mulet) qu’il convient de rapprocher de la forme hellénisée chrysos bourdonôn, l’“or des mules,” l’une des multiples petites
taxes militaires levées au Bas-Empire dont l’agglomération progressive détermina à terme
l’apparition de ce que Jean-Michel Carrié appelle “l’impôt militaire combiné” (notamment, Jean-Michel Carrié, “L’état à la recherche de nouveaux modes de financement des
armées (Rome et Byzance, IVe–VIIIe siècles),” dans The Byzantine and Islamic Near East,
vol. 3, States, Resources, Armies, éd. Averil Cameron, Studies in Late Antiquity and Early
Islam 1 (Princeton: Darwin Press, 1996), 27–60). Sur ce dernier point, Prigent, “La Sicile
byzantine (VIe–Xe siècle),” 1092–1095.
Registrum, I, 42: Praeterea cognovimus quod prima illatio burdationis rusticos nostros vehementer angustet, ita ut priusquam labores suos venundare valeant, compellantur tributa
persolvere.
Unde praesenti admonitione praecepimus ut omne, quod mutuum pro eadem causa ad
extraneis accipere poterant, a tua experientia in publico detur et a rusticis ecclesia paulatim
ut habuerint accipiatur, ne, dum in tempore coangustantur, quod eis postmodum sufficere in
inferendum poterat, prius compulsi vilius vendant et horreis minime sufficiant.
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nef et prigent
que si la perception relevait des agents du pape cette mesure n’aurait aucun
sens. Pourtant, dans la même lettre, on rencontre le cas particulier de l’un de
ces agents de perception de l’impôt en or96. Celui-ci s’étant mal acquitté de sa
tâche, l’Église de Rome a dû verser les sommes manquantes à l’administration
impériale et a saisi en retour les biens du percepteur, sans que l’on sache s’il
était malhonnête ou simplement incapable97. Quelle leçon tirer de ces informations contradictoires ?
Le grand propriétaire fournit à l’administration l’agent de la perception qui
pèse sur ses terres et en cautionne l’activité. Toutefois, le percepteur est bien
chargé d’une mission publique, il ne prélève pas au nom du pape, mais de
l’État. Il n’en est pas moins nommé, et sans doute rémunéré, par le pontife
et il est probable que nous sommes ici dans le cadre d’obligations de nature
liturgique. Ce passage évoque donc les obligations qu’assumaient vis-à-vis de
l’État les fameux oikoi égyptiens98. Dans la sélection de ces agents doit intervenir en parallèle un contrat qui protège le propriétaire contre les malversations et les maladresses des hommes qu’il adresse à l’administration, ce qui
expliquerait la capacité des agents du pape à saisir les biens du percepteur
en cas de défaillance. Or, certains papyrus de la maison des Apions reflètent
des procédures proches, des individus s’engageant à lever l’impôt sur les terres
de ces magnats, en en gageant le produit sur leurs propres biens99. L’intérêt
96
97
98
99
Registrum, I, 42: Cognovimus etiam rusticos burdationis dationem quam iam ad eis exactam Theodosius minime persolverat terum dedisse, ita ut in duplo exacti sint. C’est à tort que
l’on a voulu en faire un conductor, voir Cracco Ruggini, “La Sicilia,” 561; Recchia, Gregorio
Magno, 20, n. 64. Les éditeurs de la Prosopographie Chrétienne du Bas-Empire, II, Theodosius 3, 2181–2182, sont plus prudents: “très probablement conductor.” Toutefois, la mention
de la burdatio le rapproche clairement des actionarii publici mentionnés plus haut dans la
lettre.
Quod ideo factum est, quia eius substantia ad debitum ecclesiae non sufficiebat. Sed quia per
filium nostrum Servuumdei diaconum edocti sumus quod ex rebus substantiae eius possit
hoc ipsum damnum sufficienter resarciri, volumus quingentos septem solidos eisdem rusticis sine aliqua imminutione restituti, ne in duplo videantur exacti.
Gascou, “Les grands domaines,” 16–19.
P.Oxy. LXII 4350 (22 juillet 576) mentionne trois individus qui prennent à leur charge la
perception des impôts sur une partie des terres des Apions, se déclarant prêts à lever
πάντα τὰ δημόσια de la dixième indiction, à leurs propres risques (κινδύνῳ ἡμῶν καὶ τῆς ἐκάστου ἡμῶν ὑποστάσεως). Ils y apparaissent solidairement responsables de la somme et des
arriérés, s’engageant à verser le produit de la collecte à l’endoxos oikos. Évidemment, celuici transfère ultérieurement ce produit fiscal aux caisses publiques. Tout comme celle de
ces Égyptiens, l’activité de Theodosius consisterait donc à percevoir un impôt public sur
un domaine privé en gageant sa fortune personnelle auprès du propriétaire qui l’emploie
dans cette tâche. La différence est ici que sa dimension d’agent public est plus nettement marqué, en raison sans doute de l’organisation administrative spéciale de la Sicile,
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financier des individus choisis apparaît clairement dans la lettre déjà mentionnée de Grégoire: s’il organise un système de prêt aux rustici-contribuables,
c’est pour éviter que ceux-ci n’aient à s’endetter auprès des percepteurs euxmêmes, lesquels trouvent certainement dans cette activité annexe de prêteurs
d’appréciables occasions de profit100.
Deux autres points doivent être soulignés. Tout d’abord, l’ origo fiscale étant
établie au niveau de la massa, c’est celle-ci qui doit nécessairement servir de
cadre à la perception. Deuxièmement, on perçoit aisément comment le système de prêt aux rustici conçu par le pape peut évoluer vers une responsabilité
fiscale directe du propriétaire envers l’État. Cela revient simplement à sauter
à terme l’étape du prêt individuel aux dépendants101. Au cours du VIIe siècle,
on est passé de l’intervention ponctuelle suite à un problème individuel à une
substitution systématique du propriétaire à l’exploitant. Cette évolution a dû
contribuer à renforcer considérablement l’influence du pontife dans l’ île, on
va y revenir.
Un dernier point qui pourrait avoir favorisé l’affirmation du rôle du pontife dans la perception est le contrôle que ces agents exercent sur les poids et
mesures, lesquels sont bien évidemment indispensables aux paiements102. Il
apparaît en effet très clairement que les setiers utilisés pour les céréales sont
aux mains des defensores de l’Église de Rome. Cela donne d’ailleurs lieu à de
multiples exactions, ces agents ayant recours, le cas échéant, à des mesures
outrageusement truquées, d’une contenance parfois supérieure de plus d’un
tiers à la norme103. Quoi qu’il en soit, ici le grand propriétaire exerce un pouvoir
100
101
102
103
où le processus fiscal n’est pas à la charge des cités, mais du comte du patrimoine pour
l’Occident.
La levée de l’impôt en or ne permet pas en effet de joueur sur les systèmes de mesure, un
abus habituel de la part des responsables de la levée des loyers et des taxes.
Dans le cas exposé par Grégoire le Grand, on en est encore au prêt individuel, même si
le versement est fait directement à l’État et non au cultivateur qui le reverserait ensuite
à l’État. En effet, l’ordre du pape ne concerne que les cultivateurs qui, individuellement,
ont rencontré des difficultés.
On sort ici bien évidemment du domaine de l’impôt en or, mais l’État se réservait toujours
le droit de passer d’un système à l’autre, l’adération s’affirmant progressivement car plus
pratique, au fur et à mesure que le degré de monétarisation de l’économie en permet le
développement.
Registrum, I, 42: Valde autem iniustum et iniquum esse perspeximus ut ad rusticis ecclesiae de sextariaticis aliquid accipiatur, ut ad maiorem modium dare compellantur, quam
in horreis ecclesiae infertur. Unde praesenti admonitione praecipimus ut ad plus quam
decem et octo sextariorum modium numquam a rusticis ecclesiae frumenta debeant accipi
(…). Néanmoins, on retrouve en 603 la dénonciation de l’usage de modius de vingt-cinq
setiers, entraînant une surcharge de l’ordre de 38% pour le rusticus: Registrum, XIII, 35;
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nef et prigent
quasi discrétionnaire sur les prélèvements. On comprend donc que se soient
multipliés dans les campagnes les faux defensores se faisant passer pour des
agents de Rome104. Ce qui est moins clair est à quel titre ces defensores sont
dépositaires des mesures: cela relève-t-il des prérogatives ordinaires d’un propriétaire ? Est-ce un privilège des papes en tant qu’ils sont astreints à un certain
nombre de tâches annonaires en faveur de Rome pour le compte de l’État
(ce qui leur donne notamment le droit de se prévaloir de la coemptio105 par
exemple ou de navires publics)106? Extension de leurs prérogatives épiscopales,
les évêques étant les dépositaires normaux des mesures? Il est impossible de
trancher entre ces différentes hypothèses.
La seule évolution marquante que l’on perçoive ultérieurement est l’adoption vers la fin du VIIe siècle d’une nouvelle unité d’assiette basée sur le coût
d’entretien d’un cavalier107. Toutefois, le choix de libeller les dégrèvements fiscaux en terme d’unité d’assiette plutôt que de sommes fixes indique que l’on
est encore dans le domaine de la fiscalité de répartition et non de quotité, bien
qu’il ait été défendu que, à la même date l’empire a déjà entrepris de se doter
d’un cadastre censé fournir la base au passage à l’impôt de quotité108. Il est
même possible que le système ancien ait continué à fonctionner jusque dans
les années 780, si l’on en croit la définition que les lettres pontificales donnent
à cette date des fonctions des agents fiscaux de l’empire109. Bien estimer la
valeur de ce témoignage présuppose évidemment d’admettre que les pontifes
104
105
106
107
108
109
Domenico Vera, “Forme e funzione della rendita fondiaria nella tarda antichità,” dans
Società romana e impero tardo-antico, vol. 1, Istituzioni, ceti, economie, éd. Andrea Giardina (Rome/Bari: Laterza, 1986), 441, calcule 56%, mais le pape reconnaît deux setiers en
surtaxe.
Registrum, I, 68.
L. Cracco Ruggini a été la première à mettre ce phénomène en lumière, de nouveau d’après
la fameuse lettre Registrum, I, 42. Voir Ruggini, Economia e società, 256–257. Voir également
Jean Durliat, De la ville antique à la ville byzantine: le problème des subsistances (Rome:
École française de Rome, 1990), 155–156.
Sur les naves commandatae sanctae ecclesiae, voir Prigent, “La Sicile byzantine (VIe–Xe
siècle),” 444.
Les dégrèvements fiscaux concédés par les empereurs s’expriment en annonacapita. Ce
terme renvoie normalement à la fiscalité et désigne le produit nécessaire à l’entretien d’un
soldat (annona) et de son cheval (capitum). Les impôts du propriétaire sont estimés dans
cette unité qui doit correspondre à une unité d’assiette théorique, à même de produire
environ 8 nomismata. La création de ce mot-valise évoque aussi le passage à une pleine
adération (sur ces points, Prigent, “La Sicile byzantine (VIe–Xe siècle),” 1102–1107).
Nicolas Oikonomidès, “De l’impôt de distribution à l’impôt de quotité à propos du premier cadastre byzantin,” Zbornik radova vizantološkog instituta 26 (1987): 9–19.
Codex Carolinus, éd. W. Gundlach, Monumenta germaniae Historica, Epistulae III, Epistolae Merovingici et Karolini aevi (Berlin : A. Hiersemann, 1892), no. 82, 616, l. 12: cum
diucitin, quod Latine dispositor Siciliae dicitur.
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contrôle et exploitation des campagnes en sicile
341
avaient connaissance du système impérial: on se souviendra donc que la saisie de leurs biens siciliens n’est antérieure que de quelques décennies à cette
date110. Or, le pape, évoquant la figure du diocète, considéré par les spécialistes
de la période mésobyzantine comme le responsable de la perception, le définit
comme un dispositor, c’est-à-dire le responsable de l’évaluation de l’assiette
fiscale des propriétaires dans le système de répartition de la charge de l’impôt
en vigueur au Bas-Empire111. Il n’y a pas lieu de s’étendre trop longuement sur
ce point, mais une telle interprétation de la nature des fonctions du diocète
jusque dans la seconde moitié du VIIIe siècle permet de résoudre certains problèmes posés par les sources sigillographiques qui sont à peu près les seules
à documenter ce fonctionnaire pour les VIIe–VIIIe siècles112. Contentons-nous
de dire ici que les seules informations dont on dispose pointent vers le maintien d’un système de répartition fondée sur une estimation des patrimoines en
termes d’unités d’assiette fiscale abstraites reposant sur la propriété foncière.
Sur ce point, l’évolution entre la période byzantine et la domination islamique, dont les principes fiscaux sont prolongés par les Normands, paraît limitée.
2.2
La fiscalité rurale à l’époque islamique
Sans nous autoriser à dresser un tableau précis de la fiscalité islamique, les
informations dont nous disposons permettent d’apporter des éléments sur un
certain nombre de questions telle la nature du cadre du prélèvement fiscal, la
proportion des principes relevant des méthodes de répartition et de quotité
dans le système fiscal sicilien, les indices de l’islamisation113 de l’imposition en
Sicile.
110
111
112
113
La saisie des patrimoines intervint au début des années 740. Voir Prigent, “Les empereurs
isauriens.”
Dispositor ne renvoie pas à un simple percepteur, mais au responsable de la dispositio,
c’est-à-dire du document posant les bases du calcul des obligations fiscales des contribuables: Walter Goffart, “Merovingian polyptichs: reflections on two recent publications,”
Francia 9 (1981): 71–73.
Une responsabilité en matière cadastrale expliquerait au mieux les ressorts très hétérogènes que l’on voit rattachés aux différents diocètes. De telles missions sont en effet
ponctuelles et leur cadre géographique peut parfaitement ne pas correspondre à un ressort administratif canonique, par exemple lorsqu’une nouvelle estimation est mise en
œuvre dans une zone victime d’une invasion. Sur les diocètes mésobyzantins et les problèmes d’interprétation que posent leurs sceaux, voir Wolfram Brandes, Finanzverwaltung
in Krisenzeiten: Untersuchungen zur byzantinischen Administration im 6.–9. Jahrhundert,
Forschungen zur byzantinischen Rechtsgeschichte 25 (Francfort-sur-le-Main : Löwenklau,
2002), 205–225.
“Islamisation” est ici entendu dans un sens large et renvoie à des évolutions tant culturelles
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nef et prigent
Les données disponibles pour la période islamique documentent pour
l’époque fatimide (début Xe–mi-XIe siècle) une administration fiscale articulée, même si la fiscalité pesant sur les campagnes échappe en grande partie à
l’historien114. Al-Dawūdī est l’auteur qui aborde le problème le plus directement, mais il se contente d’y décliner l’idée que la Sicile, à l’instar de l’ensemble de l’Occident musulman, n’est pas régie par des règles conformes au droit
islamique car la conquête y aurait été accompagnée d’usurpations et autres
accaparements de terres. Il évoque également la jizyat al-arḍ («la taxe de la
terre » littéralement) et la jizya ʿalā al-jamājim («la taxe sur les crânes» littéralement), deux expressions communes pour désigner le kharāj et la jizya, qui
sont levées en Sicile, en précisant qu’elles ne devraient plus être payées en cas
de conversion115. Il en reste donc à un niveau extrêmement théorique.
En dehors de ces informations, la fiscalité d’âge islamique, en particulier
rurale, est éclairée lors de tensions qui se font jour au début du XIe siècle,
ainsi que le relate le seul Nihāyat al-ʿarab d’al-Nuwayrī (m. 733/1333). L’épisode
se déroule en 1019–1020: l’émir Jaʿfar b. Yusūf (en activité 998–1019) abdique,
accusé d’avoir désigné un responsable de la fiscalité qui aurait tenté de mettre
en application le principe de la levée d’une dîme (ʿushr) sur les productions
agricoles des habitants :
Ḥasan b. Muḥammad b. al-Bajāʾī (…) avait conseillé à Jaʿfar de lever en Sicile
la dîme sur les grains et les productions de la terre, comme on le faisait dans les
autres pays; elle n’avait jamais été introduite en Sicile où l’on avait l’habitude
de prélever sur chaque charruée (zawj) de terre un montant invariable quelle
que fût la récolte116.
Si l’on en croit al-Nuwayrī, le changement voulu par Jaʿfar aurait entraîné le passage d’une assiette évaluée par rapport au rendement moyen d’ une superficie
à un impôt pesant sur la récolte annuelle réelle. Au-delà de la norme islamique
en matière de fiscalité, on peut penser que ce qui motivait la réforme fatimide,
ici comme en Ifrīqiya, était le rendement de l’impôt. La question est de savoir
114
115
116
que sociales, économiques et politiques, cf. Dominique Valérian, éd., Islamisation et arabisation de l’Occident musulman médiéval (VIIe–XIIe Siècle) (Paris: Publications de la Sorbonne, 2011).
Nef, “La fiscalité islamique en Sicile.”
Abdul Wahab et Dachraoui, “Le régime foncier,” 411, 431.
Michele Amari, éd., Biblioteca arabo-sicula (version arabe) (Rome/Turin: Ermanno Loescher, 1880–1881), rééd. revue par U. Rizzitano (Palerme: Edizione nazionale delle opere di
Michele Amari. Serie arabistica, 1994), 2, 496 et Michele Amari, éd., Biblioteca arabo-sicula
(version italienne) (Rome/Turin: Ermanno Loescher, 1880–1881), rééd. anastat. (Catane:
Dafni, 1982), 2, 138.
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contrôle et exploitation des campagnes en sicile
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à quelles modalités fiscales renvoie cette rapide description: doit-on penser
qu’elle correspond à la réalité, qui serait surprenante dans n’importe quel système fiscal, ou qu’elle simplifie une imposition somme toute assez proche de
celle documentée dans l’espace byzantin? Elle est en effet compatible avec
un mélange, somme toute banal, entre un impôt de répartition devenu fixe,
en l’absence d’enquête régulière, et évalué par rapport à une assiette théorique, ce qui correspond assez bien à ce que l’on vient de voir pour la fin de
la période byzantine en Sicile117, et un principe de quotité qui devait jouer à
la marge au niveau local, ainsi que le suggèrent les hypothèses avancées plus
haut au sujet de l’exploitation des terres. Le conflit semble tourner autour de
la réforme de modalités de perception de l’impôt foncier d’origine byzantine,
devenues peu efficaces en terme de rendement fiscal. On trouve donc ici une
confirmation indirecte de l’atténuation de la pression fiscale à l’époque islamique que l’on a décrite plus haut et à laquelle les contribuables ne semblaient
pas prêts à renoncer118. La tentative avortée de 1019–1020 resta en effet sans lendemain.
Dans le domaine de la fiscalité également, nos informations proviennent surtout des documents de la période normande. Dès la fin du XIe siècle, en effet, la
fiscalité apparaît répartie en deux impôts principaux ( jizya ou impôt de capitation et qanūn ou taxe foncière) qui pèsent sur des foyers énumérés dans les
listes appelés jarāʾid119. Lorsqu’ils sont détaillés sur la liste elle-même, ce qui
est le cas par deux fois seulement en 1095 et en 1177120, le premier est évalué
en taris (ou quarts de dinars), tandis que le second l’est en volume de céréales.
Les “nouveaux mariés” (mutazawwijūn en arabe et neokamoi, i.e. neogamoi, en
grec), attestés dès 1095121 – et qui renvoient donc à une organisation antérieure,
islamique –, d’une part, et les fils et les frères d’individus cités dans la liste principale, de l’autre, sont parfois énumérés séparément, ce qui permet sans doute
117
118
119
120
121
On a vu que l’achèvement de la conquête sicilienne devait être datée de 976, il est probable
que ici comme ailleurs à des dates plus précoces dans le domaine islamique la réforme de
la fiscalité ait pris une ou deux générations.
Ici aussi, le rythme lent de mise en place d’une fiscalité plus lourde rappelle celui mis en
évidence pour les débuts de l’Islam.
Pour tout ce passage désormais bien établi; nous nous contentons de renvoyer à Johns,
Arabic Administration, et à Nef, Conquérir et gouverner.
Cusa, I diplomi greci ed arabi, 1–3 et Jeremy Johns, “Sulla condizione dei musulmani di
Corleone sotto il dominio normanno nel XII secolo,” dans Byzantino-Sicula IV : Atti del I
Congresso Internazionale di archeologia della Sicilia bizantina (Palerme: Istituto siciliano
di studi bizantini e neoellenici, 2002), 275–294, qui en propose une nouvelle édition.
Cusa, I diplomi greci ed arabi, 1–3.
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nef et prigent
de distinguer la création de nouvelles unités économiques (bénéficiant d’un
dégrèvement provisoire?). Enfin, le prélèvement n’est pas le même pour tous.
On distingue à l’époque normande les chrétiens et les juifs, comme dans la fiscalité islamique, que les Hauteville se sont contentés de retourner. Les veuves et
les aveugles apparaissent sur des listes annexes et bénéficient sans doute d’un
allègement, dont le montant est inconnu, mais systématique.
On a vu que l’impôt foncier ne devait pas avoir connu de bouleversement
majeur sous la domination islamique, rien ne permet en revanche de déterminer si, en Sicile, le processus de mise en place de la jizya, entendu comme un
impôt de capitation, a été progressif, transformant peu à peu le kapnikon byzantin qui existait depuis le VIIIe siècle, ou si le processus fut plus soudain122.
Le cadre de la perception, et donc de la solidarité fiscale qui, par le biais
de l’interdiction de déplacement, peut tendre à se transformer en attache à
la terre, est le raḥal comme nous l’avons vu. La liste établie plus haut montre
en outre que si les terres d’un raḥal peuvent être cultivées par des paysans
rattachés à d’autres unités, le fait est mentionné dans les documents. Cela
confirme que les impôts sont levés dans le lieu où chacun vit et que la solidarité fiscale de chaque communauté est une réalité encore à cette période, car
ces mentions seraient autrement inutiles. La mention des “nouveaux mariés”
reflète le lien fiscal au raḥal. Enfin, les hommes énumérés dans les jarāʾid
de Sicile aux XIe–XIIe siècle relèvent de statuts différents123, mais une bonne
partie semblent être des propriétaires ou des possessores, l’exploitation de la
terre faisant du paysan un contribuable si son statut n’y est pas contraire et ce
même s’il n’est pas propriétaire de toutes les terres qu’il exploite (cf. supra).
Tout se passe comme si, en cas de mise en valeur d’une terre non exploitée
dans le cadre de la communauté rurale, c’était le statut de la terre qui importait.
3
Le contrôle de la main d’ œuvre rurale
3.1
Le cadre byzantin
De nouveau, notre connaissance des réalités de la Sicile byzantine dans le
domaine commence et s’arrête au domaine pontifical. En outre, on s’intéres122
123
C’est là en effet une des grandes différences avec les premières conquêtes (de la Syrie et
de l’Égypte notamment): la question de l’introduction d’une nouvelle taxe, de capitation,
ne se pose pas.
Nous ne revenons pas sur ce point, sur lequel, cf. désormais Nef, Conquérir et gouverner,
498 et sq.
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contrôle et exploitation des campagnes en sicile
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sera ici à la part du domaine ecclésiastique sur lequel les papes et leurs agents
exerçaient un contrôle effectif, en mettant de côté les terres concédées en
emphytéose. Signalons tout au plus que Grégoire le Grand semble hostile à
cette solution124. Après 535, les destructions de la guerre gothique, à laquelle
succède immédiatement l’invasion lombarde, ont renforcé considérablement
le poids des biens siciliens dans la fortune pontificale125. Or, la situation démographique ne rend pas inévitable l’emphytéose et ils sont donc gérés d’aussi
près que possible126. La dimension politique de l’emphytéose comme mode de
constitution de clientèles aristocratiques ne semble pas retenir ici l’attention
du pontife127, sans doute parce qu’il dispose déjà dans l’île, par d’autres voies,
d’une influence dominante128.
L’étude du grand domaine en Sicile à la fin de l’antiquité a souffert, de
façon globale, du présupposé d’une domination presque exclusive du colonat,
entendu comme une forme de dépendance quasi servile129. Une lecture attentive des lettres de Grégoire révèle pourtant une grande diversité de statuts et
124
125
126
127
128
129
Registrum, I, 70 reflète bien la prudence du pape vis-à-vis de cette pratique. De façon
générale, s’il est normal que le Registrum n’aborde pas la gestion des biens concédés en
emphytéose, on ne peut qu’être frappé, en revanche, par l’absence de références directes
ou indirectes aux concessions elles-mêmes (exception claire, mais au sein du “patrimoine
des pauvres” puisque concernant un arrangement entre le patrimoine et un monastère
placé dans la dépendance du recteur, Registrum, III, 3). Les biens siciliens sont à la fin du
VIe siècle trop vitaux pour Rome pour que de telles aliénations de fait soient encouragées.
Dès le milieu du VIe siècle, le pape Pélage Ier écrivait que, l’Italie étant ruinée, Rome vivait
essentiellement des îles (Pelagius I, Epistolae, éds. Pius M. Gasso et Claudia M. Battle
(Montserrat: Abbaye de Montserrat, 1956), no. 85). Or, bien évidemment, le poids économique respectif de la Corse, de la Sardaigne et de la Sicile dans le domaine agricole met
en lumière la dépendance de l’ Urbs vis-à-vis de cette dernière.
Jusque dans la première moitié du VIIIe siècle, la Sicile bénéficie de flux migratoires positifs venus d’Afrique, d’Italie, des Balkans, de l’Orient.
Brunon Andreolli, “Le enfiteusi e i livelli del “Breviarium,” ” dans Ricerche e studi sul Breviarium Ecclesiae Ravennatis (codice Bavaro), éds. Augusto Vasina, Sylviane Lazard, Giovanni Corini et Antonio Carile, Studi Storici 148–149 (Rome: Istituto storico italiano per il
medioevo, 1985), 163, 172.
On trouvera une description des bases du pouvoir pontifical en Sicile dans Prigent, “La
Sicile byzantine, entre papes et empereurs.”
Sur ce thème, voir la mise au point historiographique et les positions très fortes de JeanMichel Carrié, “Colonato del Basso-Impero: la resistenza del mito,” dans Terre, proprietari
e contadini dell’impero romano dall’affito agrario al colonato tardoantico, éd. Elio Lo Cascio
(Rome: La Nuova Italia Scientifica, 1997), 75–150, en faveur d’une définition exclusivement
fiscale du colon. Jairus Banaji insiste toutefois sur la dépendance des exploitants, mais il
convient de distinguer droit et fait (Jairus Banaji, “Lavoratori liberi e residenza coatta:
il colonato romano in prospettiva storica,” dans Terre, proprietari e contadini dell’impero
romano dall’affito agrario al colonato tardoantico, éd. Elio Lo Cascio (Rome: La Nuova Italia
Scientifica, 1997), 253–280, notamment 258 sur l’absence d’opposition entre travail forcé
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des stratégies différenciées de contrôle de la main d’œuvre. On n’insistera pas
sur les esclaves, qui tiennent peu de place, car la question de leur contrôle ne
se pose guère, du moins en droit.
Le colonat classique n’est évidemment pas absent, mais on ne le perçoit
dans les lettres du pontife (à, peut-être, une exception près)130 que lorsque les
conséquences de son statut légal entrent en jeu : l’attachement à la terre héréditaire ou intervenant au terme de 30 ans de location d’une même terre131, le
droit du dominus sur le pécule132, l’interdiction d’accéder à certains statuts,
l’interdiction faite au propriétaire de déplacer un colon qui relève de son autorité entre deux de ses domaines, etc133. En dehors de ces situations précises, le
terme rusticus qui est utilisé pour désigner les exploitants met l’accent sur leur
fonction et non sur leur statut légal134.
Les lettres du pontife confirment néanmoins le renforcement du pouvoir
coercitif du propriétaire sur les colons inscrits dans son domaine. Dans une
lettre introduisant auprès des dépendants ruraux un nouveau rector, c’est-àdire le responsable en chef des patrimoines à l’échelle de l’île, le pape rappelle
que ce dernier détient le pouvoir de punir sévèrement ceux qui désobéissent
et ceux qui tentent de devenir contumaces et qu’il est chargé d’éviter que les
dépendants volent ou commettent des actes de violence135. Il y a ici un pouvoir
de fait, à l’évidence sanctionné par le droit, car il s’agit d’une lettre officielle
et Grégoire est, de façon générale, extrêmement pointilleux sur les droits des
individus, fut-ce au détriment de son Église. La question du contrôle est donc
ici réglée par le droit. On signalera pour finir que cette dépendance est tempérée par un sentiment de responsabilité certain, puisque le pape octroie aussi
des pensions aux colons qui ne peuvent plus travailler pour vivre136. D’une certaine manière, le colon est perçu autant comme une charge que comme un
130
131
132
133
134
135
136
et statut libre). En dernier lieu, Peter Sarris, Economy and Society in the Age of Justinian
(Cambridge: Cambridge University Press, 2006), 36–43.
Registrum, XIII, 35.
Par exemple, Registrum, IV, 21 ; Registrum, IX, 129. De façon indirecte, citons le cas du colonus ecclesiae nostrae Argentius. Grégoire le Grand ordonne de reddere ei sine aliqua mora
vel excusatione un petit lopin quam tenuit et de le lui confier libre de charge diebus vitae
suis (Registrum, IX, 37). Le terme n’est pas utilisé ici au hasard car seul le statut de colon
permet une telle assignation viagère. En effet, dans le cas d’un locataire indépendant, cette
concession revenait à le condamner à terme à être attaché au sol.
Registrum, I, 42.
Registrum, IV, 21.
Pourtant, dans l’index des MGH, on trouve l’entrée ‘rusticus (cf. colonus)’, reflet de la prépondérance d’une certaine historiographie.
Registrum, IX, 30.
Registrum, IV, 28: don de deux trémisses annuels à un colon aveugle fils de colon.
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atout, surtout quand, dans le cadre d’une phase économique dynamique, ses
prérogatives en matière de fixité de versements finissent par le rendre encombrant137.
Dans la lettre annonçant la nomination d’un nouveau rector, une seconde
catégorie d’individus est assimilée aux colons pour ce qui est de la soumission
à ce représentant du pape138. Ce sont les familiae massarum et fundorum. Ces
individus sont juridiquement soumis à l’autorité du pape, indépendamment
du droit colonnaire. A priori, ils semblent s’identifier aux commendati, qui, de
leur propre chef, demandent à passer sous le for ecclésiastique en intégrant la
familia du pape139. Leur statut n’est pas très clair, mais il n’est pas servile et
ceux qui en relèvent ne travaillent pas nécessairement le sol140. Il s’agit plutôt d’une forme de patronage et le processus s’accompagne de la dévolution
de leurs biens à l’Église qui, au moins dans certains cas, leur verse une rente,
une annua continentia141. L’assimilation aux colons vient peut-être du fait que
dans bien des cas, ils sont destinés à terme à intégrer cette catégorie: l’une
des raisons qui poussèrent les empereurs à décréter le passage sous condition
colonnaire au terme de 30 ans de location d’une même terre était le souci de
limiter les stratégies des petits propriétaires consistant à transférer leurs terres
à un puissant patron en échange de baux à très long terme leur assurant de
demeurer sur leurs terres142. Le phénomène doit être replacé dans le contexte
économique sicilien du temps, qui se caractérise par une lutte au couteau pour
la terre entre l’État, l’Église et l’aristocratie appauvrie, notamment les sénateurs repliés d’Italie143. Quoi qu’il en soit de ce dernier cas, les commendati
137
138
139
140
141
142
143
La question de la fixité de la rente est complexe; il faut évidemment distinguer colons et
locataires, Prigent, “La Sicile byzantine (VIe–Xe siècle),” 478–486.
Registrum, IX, 30.
Voir par exemple le cas du negotiator Liberatus qui, résidant sur la massa Cinciana des
patrimoines romains, se Ecclesiae commendavit (Registrum, I, 42).
Liberatus, tout juste mentionné, est ainsi marchand.
L’ordre de verser la continentia au rector est ainsi formulé: Cuius continentiae summam
ipse aestima qualis esse debeat, ut renuntiata nobis in tuis possit rationibus imputari (Registrum, I, 42).
Sur tous ces points, on renvoie à la bibliographie donnée voir ci-dessus, n. 129.
De façon générale, Registrum, V, 38: le chartularius marinarum doit être identifié à un
chartulaire de la domus divina de Marina (Prigent, “La Sicile byzantine, entre papes et
empereurs,” 207–209 ; sur son sceau, en dernier lieu, Salvatore Cosentino, “A New Evidence of the oikos ton Marines: The Seal of Theophylactos (kourator),” dans Hypermachos:
Festschrift für Werner Seibt zum 65. Geburtstag, éds. Christos Stavrakos, Alexandra-Kyriaki
Wassiliou et Mesrob K. Krikorian (Wiesbaden : Harrassowitz Verlag, 2008), 23–28). Le cas
précis le plus clair est le conflit autour de la succession du patrice Venantius, voir Registrum, XI, 25.
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fournissent certainement également une main d’œuvre qui abandonne son
indépendance juridique, séduite par la protection économique et juridique que
leur fournit l’Église. Pour bien évaluer la logique de leur choix, il faut également réaliser qu’appartenir au patrimoine ouvrait d’importantes opportunités
de carrière. Ainsi, le marchand Liberatus, lorsqu’il se “confia” à Rome, pouvait
espérer jouer un rôle dans la commercialisation des productions du patrimoine
et sa décision pouvait ainsi découler d’une stratégie délibérée de participation
à la gestion des biens pontificaux. Par ailleurs, les colons pouvaient devenir
defensores de l’Église de Rome144. Or, ces derniers exercent une grande autorité dans les campagnes et imposent même parfois leur volonté aux évêques
locaux145.
Certaines lettres de Grégoire le Grand évoquent en parallèle le recours à
une main d’œuvre indépendante du point de vue juridique, pour laquelle sont
mises en place des stratégies de contrôle de type économique. En octobre 594,
le pape confirme ainsi au rector qu’il doit continuer à accorder des prêts aux
rustici par l’intermédiaire des conductores, les intendants des massae. Tout
comme avec la question des prêts pour remédier à la pression fiscale, le pontife
souligne que cette mesure doit bénéficier en dernière analyse à l’Église afin que
res ecclesiastica non perit146. Le danger encouru par les biens d’Église découle
des conséquences de prêts contractés à l’extérieur du patrimoine par les rustici. Ceux-ci risquent en effet de voir peser sur eux angaria et rerum pretia.
La mention des rerum pretia renvoie certainement à l’alignement des délais
de remboursement des prêts sur l’année fiscale147. L’échéance tombe fin août,
donc au moment où les prix sont les plus bas. La logique est ainsi parallèle à
celle des difficultés rencontrées face aux paiements de l’impôt, évoquées plus
haut. À terme, se met en place une spirale de surendettement qui permet le
contrôle de la main d’œuvre, selon un mécanisme classique qui a été bien étudié pour les domaines siciliens du début de l’époque moderne148.
Le premier terme, angaria, évoque des “corvées” dues par les rustici à leurs
créanciers149. Le danger qui pèse sur les terres de Rome en raison de ces cor144
145
146
147
148
149
Registrum, IX, 129.
Pour une présentation synthétique de la fonction et de l’activité des defensores, voir Recchia, Gregorio Magno, 25 à 41.
Registrum, V, 7.
Zuckerman, Du village à l’empire, 184.
Marcello Verga, La Sicilia dei grani : Gestione dei feudi e cultura economica fra Sei e Settecento, Accademia toscana di scienze e lettere “la Colombaria”: Serie Studi 132 (Firenze:
L.S. Olschki, 1993)), cette référence est due Sandro Carroci, que nous remercions vivement.
Même lecture chez Domenico Vera, “Padroni, contadini, contratti: “realia” del colonato
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vées évoque les problèmes rencontrés par l’évêché de Cagliari dont les rustici sont attirés sur les terres d’autres propriétaires, laissant les biens d’Église
en friche et l’évêque incapable de faire face à ses obligations fiscales150. Ce
mécanisme ne peut s’appliquer aux colons puisqu’un individu soumis à cette
condition ne pourrait en aucun cas être amené à travailler en dehors de son
domaine de rattachement au détriment de son dominus sans avoir au minimum satisfait à l’ onus colonarium. Demandant à son defensor d’intervenir en
faveur de l’évêque, Grégoire ne met d’ailleurs pas en avant la condition colonnaire comme arme alors qu’il l’évoque dans bon nombre de cas151. Il apparaît
donc clairement que le système de prêt mis en place par le pape vient rivaliser avec celui des autres propriétaires. Son but ultime est d’éviter l’exode de la
main d’œuvre, selon un mécanisme que l’on observe clairement en Égypte152.
Le salariat pouvait d’ailleurs y prendre la forme de “consumption loans” ou
d’avances sur recettes153 et Jairus Banaji souligne que “debt was the essential
means by which employers enforced control over the supply of labour, fragmenting the solidarity of workers and ‘personalizing’ relations between owners
and employees.”154
Les prêts dans le cadre fiscal, déjà évoqués, relèvent en dernière analyse de la
même logique puisqu’ils visent également à la protection de la main d’œuvre.
Les deux systèmes présentent toutefois une différence sans doute significative.
Les prêts en faveur des rustici gênés pour faire face aux taxes sont apparemment
gérés par le rector qui s’occupe effectivement des rapports avec l’État et certainement du choix des percepteurs, comme indiqué plus haut. En revanche, les
150
151
152
153
154
tardoantico,” dans Terre, proprietari e contadini dell’impero romano dall’affito agrario al
colonato tardoantico, éd. Elio Lo Cascio (Rome: La Nuova Italia Scientifica, 1997), 218.
Le terme renvoie initialement à des corvées de transport, Arnold H.M. Jones, The Later
Roman Empire: A Social, Economic and Administrative Survey (284–602) (Oxford: Oxford
University Press, 1964), 831. C’est probablement dans ce sens qu’il apparaît dans une lettre
de Grégoire au tribun d’Otrante Occila dans laquelle le pontife dénonce les angariae vel
oppressiones que l’ex-tribun Viator infligeait indûment aux résidents, Registrum, IX, 206.
Registrum, IX, 204.
Voir les exemples cités plus haut.
Voir les pratiques égyptiennes dans Roberta Mazza, L’archivio degli Apioni : terra, lavoro e
proprietà senatoria nell’Egitto tardoantico (Bari: Edipuglia, 2001), 124–129. Les avances sur
salaires avaient pour objectif principal d’immobiliser la main d’œuvre tenue à la restitution intégrale des sommes avancées, au cas où le travailleur stipendié décidait d’offrir
ailleurs ses services en cours de saison, un élément également essentiel dans le raisonnement du pontife (Jairus Banaji, Agrarian Change in Late Antiquity, Gold, Labour, and
Aristocratic Dominance (Oxford : Oxford University Press, 2001), 192).
Banaji, 198–199 et 204–205.
Banaji, 205.
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prêts de la seconde catégorie sont octroyés par les conductores. La première
catégorie doit concerner les exploitants ayant pris à bail des terres d’Église,
ce qui expliquerait qu’ils aient des impôts à payer. En revanche, la seconde
catégorie semble plus adaptée aux salariés, car des locataires n’auraient que
peu d’intérêt à aller travailler ailleurs et, quoi qu’il en soit, cela n’affecterait
pas directement le patrimoine romain s’ils utilisaient pour payer leur loyer un
salaire perçu ailleurs. Le double système de prêt semble donc recouvrir deux
systèmes d’exploitation concurrents. Bien évidemment, le système du pontife
a également une dimension philanthropique, comme le suggère le souci que le
calendrier des remboursements soit adapté aux souhaits du rusticus155, mais il
n’en reste pas moins que l’endettement joue un rôle essentiel dans le contrôle
de la main d’œuvre que ne lie au pape aucune condition juridique spéciale.
On finira en évoquant brièvement un dernier moyen de contrôle de la main
d’œuvre : la modulation des loyers. Elle n’apparaît explicitement que dans le
cadre de la politique religieuse comme incitation à la conversion, notamment
des Juifs, mais cet exemple ouvre une fenêtre sur une pratique sans doute plus
répandue.
Ainsi, la loi, la force du patronage et la puissance économique entrent
concurremment en jeu pour assurer le contrôle d’une main d’œuvre largement diversifiée. Le cas de la main d’œuvre salariée semble toutefois particulièrement important. À cette époque le centre domanial prend le nom de
conduma156. Ce dernier terme renvoie clairement à une logique fonctionnelle.
Les lettres de Grégoire le Grand indiquent bien que le cheptel (et peut-être
les esclaves) est divisé par condumae157 et que c’est à la conduma que sont
concentrés les instruments aratoires et autres équipements collectifs158. Mais,
originellement, le terme renvoie à un groupe humain, les condumae. Il appa155
156
157
158
Voir ci-dessus n. 95.
Le témoignage le plus clair en ce sens se trouve dans Registrum, II, 50 : ex quibus quadragentis singulae conductoribus singulae condomae dari debent.
Registrum, II, 50.
Registrum, XIV, 14, même si le domaine n’est pas en Sicile. Les infrastructures que la lettre
évoque sont sans doute à rapprocher d’un certain nombre d’infrastructures productives
du type de celles évoquées dans le texte d’Ulpien, conservé dans le Digeste, relatif aux
devoirs du propriétaire envers le locataire d’une conductio: différentes composantes du
pressoir à huile, bassins pour la purification, vasa olearia, dolia pour le grain et le vin, trapetum (Voir sur ce texte, Bruce W. Frier, “Law, Technology and Social Change: The Equipping
of Italian Farm Tenancies,” Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte 96 (1979):
204–228, avec traduction page 206 et analyse du vocabulaire technique des composantes
du pressoir (207–213). Il s’agit à l’évidence d’une exploitation dont l’activité première
concerne moins le blé que l’huile). L’église du domaine est également située à la conduma
puisque, comme on l’a vu, les mariages s’y déroulent.
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raît à propos des unités militaires des armées barbares et on le retrouve pour
désigner des unités de mobilisation de combattants byzantins dans le Sinaï159.
L’Anonyme de Plaisance, auteur d’un récit de pèlerinage composé vers 570,
mentionne en outre des condumae juives en charge de la commercialisation
des biens des communautés qu’elles représentent160. Selon Jean-Michel Carrié,
la conduma apparaît comme l’équivalent fonctionnel du contubernium militaire161. L’évolution de la signification de ce terme vers celui de centre domanial
n’a de sens que si l’on admet que, majoritairement, l’organisation du travail
sur les massae n’est pas conçue à l’échelle d’exploitations individuelles, mais
de l’ensemble foncier, d’où la prise en compte de cette “workforce” qu’est originellement la conduma. Le lien avec l’évolution fiscale transparaît également
ici: si la perception s’opère au niveau de la massa et non plus du fundus, c’est
parce que c’est à cette échelle globale qu’est organisée l’activité économique.
Or, cette évolution doit nécessairement recouvrir un équilibre nouveau au sein
de la main d’œuvre. Pour qu’elle se mette en place, il a fallu que les colons
inamovibles deviennent minoritaires sur les terres des massae, certainement
au profit des salariés.
Dernier point : si l’on met en relation cette évolution de la main d’œuvre et
de son déploiement avec l’affirmation en Sicile à la même époque de l’habitat
groupé162, on ne peut manquer de rapprocher la conduma de l’ epoikion oriental, ce village domanial dont le rôle s’affirme également à la fin de l’Antiquité163. De façon significative, la version grecque de la Vie de Mélanie la Jeune
159
160
161
162
163
Walter Goffart, “From Roman Taxation to Medieval Seigneurie: Three Notes I,” Speculum
47 (1972): 177; Zuckerman, Du village à l’empire, 150, n. 88.
L’auteur mentionne l’existence d’une condoma juive affectée au rôle d’intermédiaire
commercial avec les zones chrétiennes en Palestine. Ce cas permet d’emblée de détacher le terme d’un sens trop exclusivement militaire (Ps. Antonini Placentini Itinerarium,
éd. Paulus Geyer, Corpus Christianorum, Series Latina 175 (Turnhout: Brepols, 1965), 8,
133).
Carrié, “L’état à la recherche,” 52: (à propos des bucellaires) “ils sont organisés en contubernia, ce que l’Anonyme de Plaisance, à propos des Pharanites, appelle des condomae.”
Voir ci-dessus, n. 43.
Marianne Lewuillon-Blume, “Problèmes de la terre au IVe siècle après J.-C.,” dans Actes du
XVe congrès international de papyrologie (Bruxelles-Louvain, 29 août–3 septembre 1977), éds.
Jean Bingen et Georges Nachtergael, IV Papyrologie documentaire, Papyrologica Bruxellensia 19 (Bruxelles: Turner, 1979), 175 et Banaji, Agrarian Change, 174–189, qui considère
(page 184) la population de l’ epoikion comme “a common labour pool.” En outre, cette subdivision des domaines serait également à même de définir une origo, Lewuillon-Blume,
“Problèmes de la terre,” 180 ; Jean-Michel Carrié, “Figures du ‘colonat’ dans les papyrus
d’Égypte: lexique, contextes,” dans Atti del XVII congresso internazionale di papirologia III
(Naples: Centro Internazionale per lo Studio dei Papiri Ercolanesi, 1984), 942.
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utilise pour le latin villula, l’unité de base du domaine sicilien des Valerii, ce
même terme d’ epoikion164.
Contrôle du sol et des hommes, compétences fiscales et exercice du patronage
à grande échelle dotent les recteurs pontificaux d’une puissance de premier
ordre au sein de la société sicilienne. On comprend ainsi mieux que le pape
doive leur recommander de ne pas écraser de leur superbe les évêques et les
nobles de l’île165. Au terme de l’évolution, à la fin du VIIe siècle, un choix
contesté dans la nomination de ce lieutenant du pape provoque, au sein du
groupe des patrimoniales de Sicile, des remous qui dégénèrent en troubles civils
tels que le gouverneur, impuissant, doit déférer l’affaire devant l’empereur166.
Peu de temps auparavant, c’est l’archevêque de Ravenne qui n’arrivait pas à
contrôler son propre rector, en charge de biens à peu près aussi importants que
ceux de Rome167. Ce poids socio-économique n’est pas sans conséquences politiques et l’on comprend que les empereurs aient réagi au cours du VIIIe siècle,
finissant par saisir ces très grands patrimoines ecclésiastiques168.
3.2
Les incertitudes de la période islamique
Le pouvoir exercé sur les exploitants agricoles à la fin de la période islamique
apparaît beaucoup moins étroit que ce qui vient d’être décrit, ce qui apparaît logique au vu de ce qui a été dit plus haut de l’évolution fiscale et de
la gestion des terroirs agricoles (on aura compris que l’expression même de
“grand domaine” est d’utilisation délicate pour la période islamique et normande en raison du second terme de l’expression). Là encore, toutefois, la seule
démarche envisageable est régressive.
La seule question que l’on puisse poser avec quelque espoir d’y répondre
réside dans l’analyse des différents statuts juridiques qui apparaissent dans les
164
165
166
167
168
La Vie fut composée par le prêtre Gerontius, homme de confiance de Mélanie, après la
mort de la sainte en 439, Mariano Rampolla del Tindaro, Santa Melania Giuniore senatrice
romana (Rome: Tipografia Vaticana, 1905), §18, 53, l. 5. Voir les remarques sur ce point
dans Carrié, “Figures du ‘colonat’,” 942, n. 22.
Registrum, appendice 1, l. 44–51.
Liber pontificalis, 85, 4, p. 369 : Hic ultra consuetudinem, abque consensu cleri, ex inmissione malorum hominum, in antipathia ecclesiasticorum, Constantinum, diaconum ecclesiae Syracusane, rectorem in patrimonio Siciliae, constituit, hominem perperum et tergiversum; sed et mappulum ad caballicandum uti licentiam ei concessit. Et non post multum
temporis transitum pontificis, seditione super eum horta a civibus et patrimoniales, a iudice
provinciae sub arta custodia retrusus, pro eo quod in dissensionem iudicum invenibatur, sententiae imperiali discutentium direxit.
Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis, 111, 414–416.
Voir p. 335 et n. 91.
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353
documents de la première période normande. À la fin du XIe–début du XIIe
siècle, une seule catégorie est évoquée: celle des rijāl (“hommes”) ou rijāl aljarāʾid (“hommes des registres”)169. Celles qui sont évoquées par la suite pourraient bien n’être qu’une rationalisation a posteriori d’évolutions qui se font
jour tout au long du XIIe siècle.
Les rijāl al-jarāʾid sont attestés tout au long de la période normande (de
1095 à 1183) et sont les plus nombreux dans nos documents. Ils ont longtemps été considérés comme l’équivalent de servi glebae. Or, l’expression signifie “homme des registres” et sa compréhension suppose que l’on définisse la
nature desdits registres. Les jarāʾid, élaborés et conservés par l’administration
centrale, sont des listes fiscales établies aussi bien pour le domaine royal qu’en
vue de concessions à des bénéficiaires laïcs ou ecclésiastiques par le souverain.
Elles supposent, de manière globale, que les individus énumérés sont considérés comme des propriétaires de leurs biens qui versent l’impôt à l’État ou à
ceux qui bénéficient de ses concessions fiscales.
Les rijāl peuvent être accusés d’avoir fui, mais leur obligation de résidence
semble essentiellement fiscale (même si l’on sait que la dégradation du rapport de force local peut facilement limiter cette subtilité juridique). Ce que
l’on a dit des fils et frères et des nouveaux mariés” (mutazawwijūn en arabe
ou neogamoi) suggère une attache fiscale au lieu où l’on est enregistré comme
contribuable (ne serait-ce que pour le versement de la taxe de capitation). En
outre, la concession éventuelle du revenu fiscal de telle ou telle entité pousse le
bénéficiaire à retenir le plus possible les contribuables là où ils sont et la solidarité fiscale joue dans le même sens au niveau local. Aucun acte concernant les
paysans arabo-musulmans de l’île ne fait état de corvées seigneuriales et rien
ne transparaît pour la période islamique des moyens concrets de contrôle de la
main d’œuvre mis en place.
4
Conclusion
Au lendemain de la reconquête byzantine, la substitution d’une comitiva des
services centraux aux curies dans la gestion du processus fiscal conduisit sans
doute à renforcer le rôle du grand domaine dans l’encadrement du territoire
et surtout de son exploitation fiscale. Le système, en effet, s’il reposait toujours
sur l’intervention des grands possessores, s’émancipait des cadres civiques à
169
Pour un développement sur ce point et la bibliographie, Nef, Conquérir et gouverner, 492
et sq.
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nef et prigent
proprement parler et le contrôle des villes sur les campagnes devint sans doute
sans cesse davantage une réalité de fait, liée à la domiciliation des élites, plutôt que de droit. Cette évolution ne pouvait d’ailleurs qu’entrer en parfaite
résonnance avec celle qui conduisit l’empire à faire de la commune villageoise
le pivot de son système fiscal au VIIIe–IXe siècle. Mais le poids tout particulier du grand domaine dans l’île faisait très certainement de celui-ci, plus
qu’ailleurs, le principal instrument de contrôle du territoire à la veille du débarquement des forces aghlabides, ce d’autant plus que l’évolution de son mode
d’exploitation renforçait sa cohésion. Il n’en reste pas moins que dès lors la
ville pouvait s’effacer sans compromettre la force de l’État.
Un second point essentiel à souligner est l’apparente persistance sur le
long terme d’un système fiscal de répartition et ses conséquences politiques
et sociales. Ce système permet en effet un niveau d’abstraction supérieur à
celui du système de quotité et peut donc survivre avec plus de facilité à la
détérioration des structures agraires qui le fonde, puisqu’il ne présuppose
pas de vérification aussi régulière de la matière imposable. Il est donc possible qu’il ait survécu, plus ou moins bien selon les régions, à la lente guerre
d’usure que constitua la conquête islamique. Dans cette hypothèse, les terres
de l’Ouest, rapidement conquises, auraient sans doute été les conservatoires
privilégiés des pratiques byzantines. Plus que la norme des pratiques fiscales,
la conquête remettrait en cause la capacité de l’État à l’appliquer, d’où une
évolution potentiellement favorable aux exploitants dès lors que les péripéties militaires n’affectent pas directement ses terres. En outre, dans un système fiscal apparemment largement monétarisé, l’un des facteurs essentiels
d’évolution des rapports de force entre l’État et ses contribuables fut certainement la dévaluation monétaire qui donna naissance en Sicile au tari (ou
rubāʿī), dépourvu de tout antécédent classique, qu’il soit byzantin ou musulman.
À la lumière de ces premières réflexions sur une transition que les documents ne permettent pas de retracer dans le détail, il semble que la grande
idée, énoncée pour la première fois par Michele Amari, de la disparition des
grands domaines et de la libération des paysans par la domination islamique
est à la fois une invention et une formidable intuition. Rien n’indique que
l’introduction de principes juridiques et fiscaux nouveaux ait mis fin à la “tyrannie et à l’obscurantisme” byzantins que dénonçait l’auteur. En revanche, la
place des terres publiques à la période byzantine, la crise des décennies qui
précèdent le débarquement de 827 et l’affaiblissement des cadres épiscopaux
semblent avoir joué en faveur des exploitants dans un certain nombre de
régions au moins. Quant aux grands domaines, peut-être ont-ils moins disparu
qu’ils n’ont changé de nature, leur rôle de structures administratives et fis-
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cales ne faisant que se renforcer durant la période de la conquête musulmane
au détriment des villes. Cet héritage fut repris par les conquérants latins mais
devait disparaître à la fin du XIIe–XIIIe siècle.
L’étude de l’évolution du grand domaine sicilien et de son rôle dans le
contrôle des campagnes sur la longue durée confirme donc plusieurs des points
clefs mis en lumière dans l’introduction du présent volume. D’un point de vue
méthodologique, il ressort clairement que seul le croisement du plus grand
nombre de sources (chroniques, monnaies, sceaux, sources juridiques normatives ou traité de jurisprudence, actes publics – conservés en originaux ou au
sein d’une compilation –, sources épistolaires documentant la gestion domaniale etc.), associée le cas échéant à une prudente réflexion régressive, permet de compenser la rareté extrême de sources disponibles pour les VIIIe–Xe,
siècles et de sortir de l’ornière des généralités. Quant à la démarche comparative, on en attendra moins des confirmations que la mise en évidence, en
creux, des spécificités locales et, partant, des éléments sur lesquels concentrer
l’enquête.
Que la documentation ait été en elle-même un instrument de contrôle transparaît de façon patente: l’enregistrement des hommes (déclaration d’ origo
ou rattachement fiscal à la communauté paysanne dans les jarāʾid), des corvées, des redevances et, dans un autre rapport de domination, surimposé, des
dettes, est l’outil par excellence de la domination, qu’elle soit politique, économique ou sociale, et bien souvent les trois. En effet, les Etats qui se succèdent en Sicile ont, sauf exception ponctuelle, les moyens de la contrainte;
c’est donc sur la délimitation exacte de leurs droits qu’ils concentrent leur
attention. Comme en Orient, le bien-fondé de cette domination est discuté,
tant d’un point de vue juridique que religieux ou, plus largement, moral (alDawūdī, Théophane le Confesseur). Cette domination n’a d’ailleurs pas nécessairement à s’imposer car elle est aussi protection, opportunité économique
et mécanisme de régulation des conflits potentiellement bienvenu au sein des
communautés relevant d’une même autorité supérieure. Sur l’ensemble de la
période prise en considération, le «maître» – sénateur, Eglise, Etat impérial,
bénéficiaire d’ iqṭāʿ ou bénéficiaire latin – est en effet généralement lointain.
Le rôle relai de la ville s’amenuise avec le déclin urbain et la désintégration
du réseau épiscopal à la fin de l’époque byzantine, sans que les incidences de
sa restructuration et de son renforcement à l’époque islamique soient exactement mesurables. En revanche, il est probable que l’Etat se fasse plus présent.
Les hiérarchies internes aux communautés rurales locales s’établissent sans
doute dans une large mesure sur la capacité différenciée à accéder au maître,
ou à l’Etat, ou à le représenter. Les manifestations architecturales de cette
domination demeurent la dimension la moins bien connue pour les périodes
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tardo-byzantine et islamique, mais la multiplication des églises et monastères ruraux comme des villages eux-mêmes (s’il faut bien les mettre en relation avec l’essor de la conduma comme centre de la massa) suggèrent une
transformation dont l’étude est encore à approfondir. La forme exacte que
revêt cette présence symbolique évolue pour refléter directement celle de la
nature des élites; villa d’apparat (le plus souvent inhabitée) des sénateurs,
édifices cultuels, bains antiques réaménagés sous la domination islamique,
fortifications, etc. Enfin, le lien entre le «grand domaine » ou les circonscriptions fiscales et la structure de l’appareil militaire est tout aussi évident. Pour
la période normande, l’utilisation du revenu de l’impôt par son bénéficiaire
pour financer sa participation à l’effort militaire vient évidemment à l’esprit,
mais le cantonnement des unités d’élite byzantine sur les anciens grands
domaines pontificaux l’illustre tout autant, de même que l’établissement de
groupes de conquérants dans l’Agrigentin ou la Sicile orientale par les émirs
de Palerme.
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